CLASSROOM V7,5 : ÉPILOGUE


La trouvaille au bout du chemin

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Traduction : Zuda
Correction : Nova
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Le jour de Noël, même les élèves faisant partie d’un club étaient déjà partis du lycée. Si quelqu’un passait dans les environs, ça devait être un professeur. Non, même eux ne devaient pas être dans les parages : il n’y avait aucune lumière d’allumée dans le secteur.

Karuizawa —  Il fait froid… Il se grouille ou quoi ?

Moi —  Ça fait déjà un moment qu’on a passé l’heure convenue pourtant… 

Cela faisait précisément 20 minutes qu’on avait dépassée l’heure du rendez-vous. Et il n’y avait aucune trace de quiconque dans les parages.

Karuizawa —  Après nous avoir contactés, il arrive en retard ? Il déconne !

Moi —  Peut-être qu’il nous regarde de loin… 

Karuizawa—  Hein ? Alors comme ça il découvre ton identité et il se barre, sans pression ?

Moi —  C’est sans doute ce qu’il aimerait faire, mais c’est impossible. 

Je savais qu’il allait venir à ma rencontre, c’était presque sûr. Mais ça le devenait encore plus avec Karuizawa à mes côtés : sa présence brouillait les pistes, mon interlocuteur ne pouvait pas se contenter de rester planqué de loin. Et même s’il se mettait à me téléphoner avec un numéro inconnu, je n’avais plus de batterie. Et toc ! Alors que je me tenais debout à côté de Karuizawa congelée, un élève, visiblement seul, s’approcha de nous.

Je me rappelai tout de suite de lui.

Au moment où nos yeux se croisèrent, je compris immédiatement que c’était la personne qui m’avait contacté par téléphone. C’était pour le moins inattendu… Comment dire, vu sa position… Il était toujours possible qu’il passait là par hasard, mais bien entendu, la probabilité était trop faible, alors je la rejetai immédiatement.

—  Je vous ai fait attendre ? 

Moi —  Non, je viens juste d’arriver moi aussi, Vice-Président Kiriyama. 

Au moment où je l’appelai par son nom, il sembla surpris. Mais, presque l’instant d’après, il retrouva son expression impassible. Pour commencer, voyons voir comment il allait mener notre échange.

Kiriyama —  Il semblerait que tu as déjà récupéré des informations concernant le Conseil des élèves, dans une certaine mesure au moins… N’est-ce pas… Ayanokôji-kun, si j’ai bonne mémoire ?  

Ce n’était pas bien surprenant que Kiriyama, qui était aux côtés de Nagumo pendant qu’il m’avait abordé aujourd’hui, se souvienne de mon nom.

Moi —  Je n’aurais jamais imaginé que celui qui avait une dent envers le Président Nagumo n’était autre… que son propre Vice-Président !

Kiriyama —  Avant qu’on ne parle de tout ça, laisse-moi te demander quelque chose. 

Balayant mes mots d’un revers de main, il tourna son regard vers Karuizawa.

Kiriyama —  C’est qui, elle ? Tu ne m’as pas parlé d’être accompagné. 

Moi —  Ma partenaire en qui j’ai totale confiance. 

Karuizawa sembla dans un premier temps ravie en entendant ça, puis elle durcit très vite son expression.

Kiriyama —  Quelqu’un de confiance, huh…… me trouver dans une situation où je suis obligé de faire confiance à des seconde, c’est pathétique. 

Même malgré la présence de Karuizawa, Kiriyama avait tout de même choisi de se montrer. C’était la preuve que soit il détestait vraiment Nagumo et sa manière de faire, soit il croyait énormément en Horikita-senpai et sa vision des choses.

Kiriyama —  Bon, et si on commençait ce que nous avions à faire. J’aimerais si possible éviter de devoir traîner ici trop longtemps. 

Moi —  Très bien, moi aussi. J’ai l’impression que je vais finir par attraper froid si ça s’éternise. 

Kiriyama —  Déjà, pour commencer, Nagumo et moi n’avons jamais été d’accord sur quoi que ce soit. Si j’ai rejoint le Conseil des élèves, c’était parce que je tenais en plus haute estime Horikita-senpai, en tant qu’ainé d’une classe A tout comme moi. Enfin, plutôt un ancien d’une classe A, pour ma part. 

Le fait était que Kiriyama avait été vaincu par Nagumo et avait chuté en classe B. D’après ces dires, il avait rejoint le Conseil des élèves avant que cela n’arrive et cela devait être sous l’approbation de Horikita-senpai. Il n’était donc pas bien étonnant qu’il ait obtenu le titre de Vice-président du Conseil des élèves. Par contre, ce qui l’était bien plus, c’était qu’il ait pu le conserver après l’accession au pouvoir de Nagumo, alors qu’il était un de ses opposants

Kiriyama —  J’aurais bien sûr voulu empêcher Nagumo de prendre la tête du Conseil des élèves, mais c’était une tâche impossible à accomplir avec le peu de pouvoir que j’avais. Qu’est-ce que c’est pathétique. 

Moi —  Cette histoire à propos du Président Nagumo qui aurait mis sous sa coupe tous les élèves de première, jusqu’où elle est vraie ? 

Kiriyama —  C’est presque entièrement vrai. Bien sûr, il y a toujours quelques personnes ici et là qui ne l’approuvent pas. Mais ils se sont tous résignés à lui obéir, en apparence du moins. 

Karuizawa —  Hey, Kiyotaka. J’arrive à voir comment on peut unifier sa propre classe, mais comment est-ce qu’on pourrait s’allier avec des gens d’autres classes ? C’est pas possible vu qu’ils sont forcément en compétition pour atteindre la classe A. 

Moi —  Je suis sûre que le Vice-President Kiriyama pourra nous l’expliquer. 

Kiriyama —  ……Nagumo a promis de faire des réformes. L’une d’elle s’était de passer outre la barrière inter-classe. Il a déclaré que les élèves qui avaient les capacités devraient eux aussi pouvoir faire partie de la classe A. De ça en a résulté des divisions internes au sein des classes où certaines personnes l’ont suivi, notamment les nombreux élèves qui étaient mécontents de se trouver dans les classes inférieures. 

Devant Karuizawa qui hochait la tête, sans visiblement bien tout comprendre, j’ajoutai ceci.

Moi —  Pour le dire plus simplement, c’étaient les élèves du même type que Horikita ou Yukimura. 

Karuizawa —  Je vois. 

C’était le genre d’élève qui aurait pu atteindre la classe A très facilement si seul les capacités individuelles primaient. Il était donc tout à fait logique qu’ils aient un intérêt à s’allier.

Karuizawa —  Mais il n’y a pas que ça, hein ? Horikita ne représente pas la personne moyenne en classe D, au fond la plupart n’ont pas ce potentiel pour monter non ?

Kiriyama — Et pourtant Nagumo promet que tous auront les mêmes chances. Mais c’est bien trop vague, je suis d’accord.

Karuizawa —  Et les gens y croient ? Ça a l’air pourtant fou.

Kiriyama —  Même si ça l’est, au fond les élèves n’ont juste pas d’autres choix. Même la classe B est dans un état critique vu l’écart de point qu’ils ont avec la A, alors imaginez pour les classes inférieures. C’est leur seule chance de pouvoir réussir leur ascension. 

Vu comme ça, maintenant, j’arrivais plus ou moins à comprendre comment Nagumo avait gagné les faveurs des élèves de 1ère. Mais je ne m’expliquais toujours pas la présence de Kiriyama ici.

Moi —  Mais toi, Vice-President Kiriyama, tu auras aussi ta « chance », non ? Alors que si tu t’opposes au Président du Conseil des élèves et perds, ça pourrait bien t’empêcher définitivement de retourner en classe A.

Kiriyama —  Si cette « chance » existait belle et bien, oui. Mais les promesses n’engagent que ceux qui les croient, et moi je ne le crois pas. Quelles garanties avons-nous ? Quand il sera bien au chaud, sûr de finir sa scolarité en classe A, qu’est-ce qui nous dit qu’il va tenir parole ?

Donc voilà la raison pour laquelle il s’opposait à Nagumo.

Moi  —  Quand Nagumo a pris le siège de Président du Conseil des élèves, est-ce que tu as songé à démissionner ? 

Karuizawa —  C’est vrai que la plupart n’aurait pas voulu travailler sous les ordres de leur adversaire… 

Kiriyama —  Si j’étais parti, qu’est-ce qui se serait passé ? Nagumo aurait eu encore plus les mains libres. Au moins, dans ma position, je peux collecter des informations pour le faire tomber. Si j’arrivais à trouver les bonnes informations pour Horikita-senpai, je suis sûr qu’il pourrait s’en servir contre lui. 

Bien qu’il nous parlât avec un certain entrain, le Vice-Président Kiriyama ne put s’empêcher de laisser transparaître une pointe de frustration.

Kiriyama —  Laisser les traditions de cet établissement être perdues à jamais, me tenir à côté de lui et ne pouvoir faire rien d’autre que de serrer les dents, est-ce que vous comprenez à quel point je me sens misérable ? 

Malheureusement, je ne comprenais pas du tout. Enfin je ne pense pas que Kiriyama attendait autant d’empathie de ma part.

Kiriyama —  C’était évident que tu ne puisses pas comprendre… Parmi les élèves de seconde, il n’y a personne qui soit comme Nagumo. 

Bien que nous n’ayons pas encore entendu toute l’histoire, Kiriyama poursuivit encore et encore sur ce point-là.

Kiriyama —  Mais ce n’est pas comme si vous n’étiez pas du tout concernés par toute cette histoire. Pour le moment, Nagumo dirige le Conseil des élèves toujours sous la surveillance de Horikita-senpai et des terminales. S’il faisait quoi que ce soit d’imprudent, il tendrait le bâton pour se faire battre. Mais une fois ceux-là partis, sa prochaine cible sera vous, cela ne fait aucun doute. 

Karuizawa —  Tu as beau nous dire ça, qui nous dit que ce Nagumo s’en prendra réellement à nous ? 

Ne comprenant pas pourquoi il ferait cela, Karuizawa intervint ainsi.

Kiriyama —  Pour les élèves qui ne suivent pas ces directives à la lettre, il est sans pitié et les punira sur le champ. Voilà les méthodes de Nagumo. 

Karuizawa —  Tu veux dire quoi exactement par ça ? 

Kiriyama —  Vous avez beau n’être que des seconde, si vous vous opposez à lui, il n’hésitera pas à vous harceler. 

Karuizawa —  Alors il est totalement cinglé !!

Cependant, il y avait aussi la possibilité que certains puissent recevoir des privilèges s’ils décidaient de lui obéir. Vu que presque tous les rivaux de Nagumo en 1ere avait fini par rejoindre ses rangs, il devait avoir un certain degré de compétence en persuasion.

Karuizawa —  De toute manière, qu’on le veuille ou non, ce n’était pas comme si on avait vraiment des occasions pour se confronter au président du Conseil des élèves, non ?

Kiriyama —  C’est vrai pour l’instant, mais à partir du 3e trimestre les opportunités que vous aurez d’interagir avec des élèves de 1ere vont se faire de plus en plus fréquentes. D’ailleurs, le prochain examen spécial de la rentrée va réunir les promotions des trois années ensemble. C’était le cas l’année dernière et il en sera de même cette année. Autrement dit, vous allez devoir vous confronter à des 1ères et même à des terminales. 

Autrement dit, en Janvier, nous allions avoir à faire à des ainés dont nous n’avions aucune information. C’était un peu le cas pendant le festival sportif mais, vu l’évènement, nous n’avions finalement pas vraiment eu d’opportunité pour vraiment interagir.

Kiriyama —  C’est presque certain que Nagumo va utiliser ce moment-là pour mater les menaces potentielles contre lui, parmi les seconde. 

Autrement dit, il allait mettre la pression sur les élèves capables de menacer sa position au sein de l’établissement. Si c’était vraiment le cas, alors je préférerais passer le prochain examen sans attirer son attention. Le problème, c’était que je sentais que c’était déjà trop tard pour pouvoir réaliser ça.

Moi —  Et quel était le contenu de l’examen de l’an dernier ? 

Kiriyama —  Ça n’aura probablement rien à voir avec celui de cette année. La majorité des examens spéciaux sont originaux et ne sont pas réédités les autres années. Une chose est sûre, ce ne sera pas simple. 

Moi —  Malgré tout, je pense que ce serait un avantage pour moi de le savoir. 

Kiriyama —  Peut-être. Mais malheureusement, je ne peux pas te répondre. Même si tu es l’élève que Horikita-senpai a remarqué, je ne peux pas aller contre le règlement du lycée et risquer l’expulsion.

Il fallait se souvenir qu’il faisait partie de la faction de Horikita-senpai, qui avait à cœur de faire appliquer scrupuleusement ses lettres.

Moi —  J’ai là un senpai peu coopératif.

Je lui exprimais là ce que je ressentais vraiment.

Kiriyama —  Dans tous les cas, les façons d’éjecter Nagumo de son siège de président sont assez limitées. Il va sans dire que l’expulser serait le moyen le plus efficace, mais plus facile à dire qu’à faire. Un autre moyen serait de le faire reconnaître publiquement comme inapte à pouvoir endosser ce rôle. S’il n’est plus le président du Conseil des élèves, alors les opposants parmi les élèves de 1ere qui se taisaient jusque-là vont certainement se montrer et vous, les seconde, n’aurez pas à participer à tout cela. 

En gros, pour l’instant, je n’avais pas de nouveaux éléments concrets sur Nagumo Miyabi. Karuizawa non plus, certainement, du coup. Le problème était que n’avions quasi aucun contact avec les élèves des années supérieures. Tout ce que je pouvais dire, c’était qu’il était très populaire, prudent, et respecté par quelqu’un comme Hirata.  En somme, quelqu’un d’assez extraordinaire.

Théoriquement il aurait été pratique de mettre la main sur d’autres opposants comme Kiriyama, en 1ère. Mais ce n’était plus tout à fait possible, alors naturellement il était inévitable que le conflit ne se déporte sur les 2nde.

Moi —  L’expulser ou lui enlever son titre… Dans les deux cas c’est loin d’être évident, non ?

Kiriyama —  Aux grands maux les grands remèdes, tu ne crois pas ?

Moi —  Peut-être bien, oui…

Karuizawa me regarda d’un air circonspect, mais je l’ignorai tout simplement.

Kiriyama —  Alors, vas-tu me montrer de quoi tu es capable ? Une belle attaque frontale… Car j’aime autant te dire que manipuler passivement Nagumo pour qu’il quitte son poste serait la meilleure option, mais vraiment pas des plus simples !

Cet élève du nom de Kiriyama, je ne pouvais pas vraiment savoir jusqu’où je pouvais lui faire confiance. À en juger par son attitude, il n’y avait aucun doute sur le fait qu’il éprouvait une haine pour Nagumo. Mais je pouvais aussi voir qu’il manipulait un peu l’histoire, qu’il ne me disait que ce qu’il voulait bien me dire. Je ne sais pas si c’était conscient ou non, il était trop tôt pour le savoir. De mon côté, je n’allais rien lui révéler d’autre que ma carte maîtresse, Karuizawa.

Moi —  Tu es libre de nous faire part de tes désirs, mais au final c’est nous qui allons décider de notre mode opératoire.  

Kiriyama —  Du coup tu ne vas pas me faire confiance si facilement, hein ?

Comme il fallait s’y attendre, Kiriyama commença à s’apercevoir de notre méfiance.

Kiriyama —  Bon, j’admets, ce n’est pas tant être un héros et stopper Nagumo… C’est surtout que je ne veux pas laisser les plus jeunes être dans le pétrin. C’est vraiment ce qui me motive.

Donc il se souciait de nous ? Il n’avait surtout plus aucune ressource humaine parmi ses camarades de 1ère. « Je me préoccupe des générations futures », quelle niaiserie infecte ! Il aurait pu franchement nous faire part de son désir de retourner en classe A en se débarrassant de Nagumo. Enfin, c’est propre à l’humain de cacher sa véritable nature peu flatteuse pour jouer les saints.

Kiriyama —  C’est à toi de décider ou non de ce que tu feras, mais laisse-moi te rappeler une chose : les élèves qui se sont opposés à lui ont tous été sans exception expulsés. 

Moi —  Dans ce cas, j’ai l’impression que le mieux à faire, pour l’instant, est de ne pas m’en faire un ennemi.

Parmi les élèves expulsés il devait y avoir tous ceux qui s’étaient entêtés à affronter directement Nagumo. Et les faits ont montré que ça a été une erreur pour eux. Dans ce cas, la meilleure option me semblait de conserver une certaine distance et rester dans les bonnes grâces de cette personne. C’était ma véritable impression, au vu de ma conversation avec Kiriyama.

Kiriyama —  Du coup, est-ce que tu vas coopérer ? 

Moi —  Je le ferais. Mais j’ai mes propres conditions à respecter, alors je n’agirai que si ça ne les viole pas, tu vois. 

Kiriyama —  Très bien. De toute façon, Nagumo a déjà son attention portée sur toi. Du coup, dans un futur pas si lointain, tu seras forcé d’expérimenter par toi-même quel genre de personne il est. Jusque-là, je te donnerai des informations sur lui et ses actions. Bien sûr, tant que cela reste dans le périmètre des règles du lycée. Après ça, la décision t’appartiendra. 

Le choix de si oui ou non j’allais utiliser ces informations pour éliminer Nagumo m’appartenait, c’était ça qu’il voulait dire. Kiriyama avait lui aussi dû sentir que ce n’était pas là ce qu’il attendait de cette entrevue, mais il avait dû abandonner une partie de ses exigences en cours de chemin. Bien qu’il aille tout de même se charger de me fournir des informations, il avait décidé de ne pas avoir trop d’attentes envers moi.

Kiriyama —  Pour être parfaitement franc, l’impression que tu me donnes est nulle. S’il n’y avait pas eu ce relais avec Horikita-senpai, je ne serais pas là à te demander de coopérer. D’ailleurs Nagumo non plus n’aurait pas eu un regard posé sur toi, sans ça. 

C’était là le seul et unique « fait » sur lequel se reposait Kiriyama, pour décider de prendre ce pari. Si j’avais su à propos de Nagumo à l’époque, je n’aurais probablement pas fait quelque chose de si suspect durant ce relais. Et c’était ce choix de l’époque qui m’avait amené à être en face de Kiriyama.

Kiriyama —  Si jamais je sens que ça ne vaut pas le coup de te donner des informations, alors j’arrêterai immédiatement cette collaboration. 

Karuizawa —  Car en faisais ça, tu te mets en danger, c’est ça, Kiriyama-senpai ? 

En réponse à cette question, Kiriyama ne dit pas un mot, et se contenta de hocher la tête. Il devait être irrité, c’était là le signe de la différence de pouvoir entre Nagumo et Kiriyama.

Kiriyama —  Et encore une chose. À partir de maintenant, je ne te verrai plus jamais directement en personne. Je vais créer une adresse mail et te contacter avec. 

Enfin une chose sur laquelle nous étions d’accord ! Communiquer par mail était vraiment mieux en tout point.

Kiriyama —  Et si, par un hasard quelconque, ma collusion avec toi venait à être découverte à cause de ton inaptitude, j’ose espérer que tu entrevois ce qui t’arrivera. 

Il ne l’avait pas dit explicitement, mais il voulait certainement dire par là que je risquais l’exclusion. Cela tombait sous le sens : si Nagumo savait qu’un seconde cherchait à le nuire, celui-ci ferait en sorte de s’en débarrasser. Après avoir dit tout ce qu’il avait à dire, Kiriyama parti en vitesse.

Karuizawa —  Tu ne trouves pas que toute cette histoire pue un peu ? 

Moi —  Je suppose. 

Ça voulait simplement dire que Kiriyama ne pouvait se permettre de se relâcher. Après la fin de notre discussion avec Kiriyama, nous partîmes finalement sur le chemin du retour. Et se faisant, Karuizawa, qui marchait derrière moi, m’appela.

Karuizawa —  Ça va plus loin que ce à quoi  je m’attendais. 

Moi —  À quoi tu penses ? À propos de ce dont le Vice-Président Kiriyama nous a parlés ?

Karuizawa —  Pour être honnête j’ai pas tout compris. Surtout pourquoi est-ce qu’il haït autant le président Nagumo, pour commencer ?

C’était exactement ce que je me demandais aussi. Une personne sage et avisée ne se serait pas mêlée de cette histoire, en vérité…. Dans le but de pouvoir faire de Horikita-senpai mon allié, j’avais choisi de faire de Nagumo mon ennemi, du moins pour l’instant. Mais je continuais à sentir que cela n’était pas la bonne chose à faire. Le fait est que, à cause de mon inattention lors du relai, Nagumo avait fini par m’avoir dans le collimateur. Je pouvais me tenir à carreaux et espérer qu’il m’oublie, mais au vu de ce qu’on racontait sur lui c’était très peu probable : Nagumo n’était pas du genre à tolérer l’existence de la moindre menace potentielle. 

Karuizawa —  Au fait. C’était quoi ce truc tout à l’heure… Cette histoire de partenaire ? 

Moi —  Tu n’as pas apprécié que je te nomme comme ça ? 

Karuizawa —  Vu que tu le fais sans me concerter, forcément je vais pas bien le prendre, hein !

Moi —  Du coup, est-ce que je dois retirer ça ?

Karuizawa —  Si tu veux vraiment que je devienne officiellement ta partenaire, il y a une manière et une attitude à adopter pour ça, et aussi de la sincérité à exprimer, non ? 

Moi —  Est-ce que tu peux m’expliquer plus en détail ce que désigne exactement cette histoire d’attitude et de sincérité. 

Karuizawa —  De l’argent. 

Moi —  Sér… ?

Karuizawa —  Je plaisante. Kiyotaka, j’ai l’impression que tu serais vraiment dans le pétrin si tu devais être obligé de me donner des points, contrairement à moi.

Je ne m’attendais pas à ça de sa part. En effet, avec cette épreuve sur le bateau, Karuizawa avait accumulé beaucoup de points privés.

Karuizawa —  Mais, plus important, est-ce que Horikita sera d’accord avec ça ? Vu qu’on parle de qui sera ton partenaire, elle a pas un mot à dire là-dessus ?

Moi —  C’est juste celle qui se trouve à côté de moi en classe. Elle n’est rien de plus, rien de moins que ça. 

Je ne saurais dire combien de fois j’ai dû répéter cela aux autres.

Karuizawa —  Ça veut dire que je suis la seule que tu reconnais ? 

Moi —  Il est vrai que tu as les capacités nécessaires. 

Karuizawa —  Je, je vois. 

Bien sûr, ce n’était pas comme si Horikita manquait de capacité. Mais, la concernant, je voulais qu’elle prenne un chemin différent, qu’elle développe ses compétences de leader. Et, le moment venu, Hirata et Karuizawa allaient devenir ses partenaires pour la soutenir. Finalement, la classe D avait potentiellement ce qu’on pouvait considérer comme une équipe solide à sa tête. Voilà ce que je voulais pour Horikita. Que cela se réalise ou non ne tenait qu’à elle désormais.

Karuizawa —  Puisqu’il n’y a pas d’autre choix, je deviendrais donc ta partenaire !

Bien sûr, jusqu’à maintenant, elle avait toujours réalisé toutes les tâches que je lui avais données, sans discuter. Mais, là, elle me confirmait explicitement qu’elle donnait son consentement pour l’avenir.

Karuizawa —  Si je te suis, alors à un moment donné, tu me seras redevable. 

Moi —  Si j’étais toi je n’y compterais pas trop !  

Si je devais parier, j’aurais plutôt dit que ce statut allait lui causer de sacrées « emmerdes ».

Moi —  Tu vas certainement être considérée comme une ennemie si tu deviens ma partenaire, tu sais ? 

Karuizawa —  Tu veux dire, par le président du Conseil des élèves ? 

Moi —  Par lui très certainement, et par d’autres par la suite. 

Karuizawa —  Certes, mais bon, si le Président Nagumo devient notre ennemi, tu feras quelque chose contre ça de toute façon, pas vrai ? 

Moi —  Pour ce qui est de la force brute ou l’intelligence, je suis certain de ne pas perdre contre lui. 

Karuizawa —  Parfait, c’était bien ce que je pensais. 

Karuizawa répondit cela avec un sourire pincé.

Moi —  Cependant, en ce qui concerne une confrontation avec les règles spécifiques du lycée, l’issue n’est pas certaine. S’il utilisait des méthodes de type attaque suicide, alors il pourrait bien réussir à nous faire expulser.

Karuizawa —  « Attaque suicide » ? 

Moi —  Souviens-toi de l’altercation opposant Sudou à Ishizaki et ses compères de la classe C. Ces derniers avaient un peu été envoyés au casse-pipe pour compromettre Sudou; c’est précisément ça l’attaque suicide, sacrifier une partie de ses effectifs pour neutraliser une cible. Maintenant imagine si cette affaire avait eu lieu avec Nagumo à la tête du Conseil des élèves, en tant que juge ?  

Il allait sans dire qu’il aurait été très simple pour lui de juger cette affaire comme un acte de violence et l’expulsion aurait été de mise pour les deux parties.

Karuizawa —  Hmm, je ne sais pas trop. Faut dire que je ne m’étais pas trop intéressée à cette histoire.

Moi —  Je vois. Alors dis-toi juste que, dans sa position actuelle, il a un droit de cuissage quasi absolu sur tout le monde.

Bien entendu, pour cela, il devait également faire des sacrifices.

Karuizawa —  En gros, s’il se fiche de sauver les apparences, même toi tu pourrais être en danger ?

Vu qu’elle avait compris cela, je la laissai sur cette bonne réponse.

Moi —  En effet. 

Peu importe combien je renforçais notre sécurité, il y avait toujours un moyen de passer outre. S’il décidait d’attaquer, il n’y avait pas de garantie de pouvoir le bloquer à 100 %. Dans ce genre de cas, il fallait pouvoir contrer l’adversaire avant qu’il ne nous touche. Et pour cela, un peu d’ingéniosité et, surtout, un collaborateur pour exécuter cette tâche était essentiel.

Karuizawa —  Si jamais il en arrivait à là, je te sauverai. 

Moi —  Voilà une partenaire bien réconfortante. 

Karuizawa—  Tu le penses vraiment ? 

Moi —  Ouais. 

Karuizawa —  J-je vois. Mais plus important, Kiyotaka, quel genre de collégien étais-tu ? Tu n’étais absolument pas normal à cette époque-là non plus, hein? 

Moi —  J’aurais très bien pu être un élève moyen dans ton collège que tu n’aurais jamais remarqué, tu sais. 

Karuizawa —  Pas possible. Si les élèves normaux étaient comme toi, alors ce serait le monde entier qui serait différent. 

Karuizawa nia le fait totalement, autant par ses mots que par les gestes de son corps.

Karuizawa —  Tu es intelligent et fort quand il s’agit de te battre. À part ça, tu es anormalement calme dans les situations habituelles. Et parfois, pour certaines choses, tu es vraiment super naïf. Vraiment, tu es vraiment bizarre. 

Moi —  Et du coup, de ton point de vue, toi, tu penses que j’étais comment au collège ? 

Karuizawa —  Si je le savais, je ne te l’aurais pas demandé. 

Elle se plaignit ainsi en me faisant la moue.

Moi —  Une hypothèse suffira. 

Karuizawa —  Huuuum~…

Elle semblait ne pas avoir d’idée en tête, en tout cas Karuizawa avait les bras croisés et penchait la tête.

Karuizawa —  Si nous étions dans un manga, j’aurais dit que tu étais un agent élevé dans un centre depuis l’enfance, ou un truc du genre. J’en sais rien, j’arrive pas à trouver des trucs censés. 

Cette réponse fut d’une précision assez perturbante.

Karuizawa —  Ahh pfff, j’en sais rien moi. Bon, du coup, c’était quoi la vraie réponse ? 

Moi —  C’est un secret. 

Karuizawa —  Uwa…. Après toutes ces questions, me répondre ça. 

Moi —  Je n’ai jamais dit que j’allais te répondre. 

Karuizawa —  Un jour, je te ferai me le dire. 

Moi —  Ce n’est pas spécialement intéressant, alors n’attends pas grand-chose.

Karuizawa —  Ahh, il commence à neiger !!

Moi  —  …

Karuizawa ne sembla pas m’avoir écouté. C’était léger, mais il commença bel et bien à neiger. De cette nuit au matin de demain, la neige allait sans doute s’accumuler à nouveau. Après avoir regardé le ciel, une fois que mon regard était revenu sur Karuizawa, elle me regarda droit dans les yeux à nouveau.

Karuizawa —  En parlant de ça, Satô-san te l’a donné ? Son cadeau de Noël. 

Moi —  Je me le demande. 

Karuizawa —  C’est inutile de mentir. Est-ce que tu l’aurais remarqué dès le moment où l’on s’est croisé, aujourd’hui ?

En passant du temps avec moi, depuis un bon moment déjà, il semblait qu’elle ait commencé à placer en moi plus de confiance que nécessaire. Dès le moment où j’ai retrouvé Satô, aujourd’hui, j’avais vu le paquet qui dépassait de son sac. Pour un jour pareil, personne n’emporterait avec lui une chose pareille sans raison. J’avais tout de suite saisi que ce paquet était pour moi. Sans doute, dans le cas où sa déclaration aurait été un succès.

Karuizawa —  Qu’est-ce que ça te fait de l’avoir manqué ? 

Elle me demanda cela histoire de me taquiner, mais cela ne me faisait rien du tout.

Karuizawa —  Vu que c’est de toi dont on parle, tu n’as sans doute jamais reçu de cadeau de Noël de la part de qui que ce soit, hein ? 

Me disant cela, sans même me regarder dans les yeux, Karuizawa me présenta un petit sac. Qu’est-ce que c’était ? Mais le lui demander aurait été assez inapproprié.

Karuizawa —  C’est mon cadeau de Noël pour toi. Accepte-le je t’en prie ! 

Moi —  Ça te va vraiment ? Si je l’accepte. 

Karuizawa —  C’est pour te réconforter du fait d’être totalement incapable de pouvoir te mettre en relation avec quelqu’un, ou un truc comme ça. Ah, et en retour, j’attends à ce que tu me le rendes en double !

Moi —  J’ai l’impression de me faire racketter là. 

En acceptant le cadeau, en gros, j’avais perdu.

Moi —  Tu l’as acheté pour moi ? 

Karuizawa —  Bien sûr que non. C’était pour Yousuke-kun. Lui et moi, on sort ensemble, non ? Au moins officiellement, en tout cas. Je suis allée l’acheter avec d’autres filles qui, elles, avaient réellement l’intention d’offrir un cadeau à celui qu’elles aiment. 

Moi —  Tu ne laisses rien au hasard quand il s’agit d’assurer ta position. 

Cette façon de penser à chaque détail. C’était ce qui faisait que personne ne pouvait se douter de sa relation avec Hirata.

Moi —  Dans ce cas, il vaudrait mieux que tu l’offres à Hirata, non ? 

Karuizawa —  ……C’est vrai. Normalement, c’est ce que j’aurais fait. 

Articulant à peine ses mots, Karuizawa se tut, avant de reprendre.

Karuizawa —  Hey Kiyotaka, En parlant de Yousuke-kun, je suis désolée, mais…

Moi —  Hmm ? 

Karuizawa —  Si je te disais que…… j’allais rompre avec Yousuke-kun… Est-ce que je te serais toujours autant utile ? 

Moi —  Est-ce la raison pour laquelle tu n’as pas donné ce cadeau à Hirata ? 

Karuizawa —  Oui. Ce serait injuste que j’offre ça à quelqu’un que je n’aime pas, même, quand je vois Satô qui a vraiment pris son courage à deux mains…

La vérité c’était que, l’idée que je puisse trouver Satô plus précieuse qu’elle, avait traversé son esprit et la terrifiait. Ce faisant, elle avait encore plus peur de rompre avec Hirata de peur de perdre encore de la valeur à mes yeux. Et je ne pouvais pas dire que cette peur était infondée : il était évident que cela pouvait faire perdre des points à celle qui se nommait Karuizawa Kei. Cependant, je considérais que  même si sa valeur diminuait, cela restait dans l’ordre de l’acceptable.

Moi —  Tu n’es plus l’ancienne Karuizawa. Même sans Hirata à tes côtés, tu devrais conserver le statut que tu as acquis. En fait, rien ne changera. 

Karuizawa —  Mais, moi rompant avec Yousuke-kun, c’était quelque chose qui n’était pas dans tes plans, non ? 

Cette anxiété qu’avait nourrie Karuizawa, c’était ce qui risquait le plus d’entraver mes plans. Voilà pourquoi je lui répondis.

Moi —  Si jamais ce que tu valais n’était dû qu’à ta relation avec Hirata, alors je ferais tout pour t’empêcher de rompre. Ainsi, vu que je ne le fais pas, tu as ma réponse. 

C’était Karuizawa et nulle autre personne qui m’était importante. Il n’y avait pas de déclaration qui pouvait la rassurer davantage. Et parce qu’elle avait pu voir ma façon de penser, moi qui ne faisait pas la moindre petite erreur, elle pouvait comprendre ce que je lui disais là.

Si Hirata Yousuke avait été pour moi une pièce indispensable, alors j’aurais fait en sorte de protéger mon moyen d’accès vers lui. Mais ce n’était juste pas le cas. J’avais déjà prévu que Karuizawa finirait par rompre avec lui tôt ou tard, je l’avais même poussé à le faire. Le but étant qu’elle puisse enfin agir de façon autonome officiellement et que, d’un autre côté, elle parasite un autre hôte. Autrement dit, elle s’accordait totalement à mon plan. Bien que je ne m’attendais pas à ce qu’elle s’immisce ainsi dans mon rendez-vous avec Satô. Mais au final ça tombait bien, ma connexion avec Karuizawa s’en retrouva d’autant plus renforcée.

Karuizawa —  J-je vois. La vérité c’est que… j’avais déjà parlé de tout ça à Yousuke-kun. Pour lui aussi, ça lui permettrait d’être libéré, en quelque sorte, même si je restais hésitante. 

Après avoir dit ça, elle poursuivit.

Karuizawa —  Et puis, cette place de petite-amie de Yousuke-kun, c’est vrai que ça me permet d’avoir beaucoup d’influence. Mais d’un autre côté, il y a aussi une sorte de pression, et elle m’affecte beaucoup. 

Maintenant que son entourage était bien stabilisé, Karuizawa voulait se décharger de ce poids. En tout cas, c’est ce qu’elle déclarait. Et j’ignorai ce joli mensonge qu’elle me dit. Ça ne me posait pas vraiment de problème, mais en regardant tout ça du point de vue de Karuizawa c’était une erreur. Si j’étais à sa place, je nous aurais gardé tous les deux : ainsi, si l’un ne lui apporte plus rien, elle peut se rabattre sur l’autre. C’était simplement histoire d’avoir un parachute avant de faire le grand saut.

Mais elle était libre d’adopter la stratégie qu’elle voulait, car d’un autre côté il était vrai que jouer un rôle demandait énormément d’énergie. À la longue je pouvais comprendre qu’elle en ait marre. Je ne voulais juste pas qu’elle arrive dans une position où elle nous perdait tous les deux.

Moi —  Je suis sûr que tout le monde sera surpris d’apprendre ça, quand le 3e trimestre va commencer.

Karuizawa —  Je suppose… Oui. 

Hirata et Karuizawa était un couple très célèbre, même au-delà de notre classe. Cela allait faire du bruit, surtout à cause de Hirata. Il fallait s’attendre à ce que de nombreuses candidates au titre de petite-amie ne se présentent à lui.

Moi —  Est-ce que tu penses qu’il va direct sortir avec quelqu’un d’autre ? 

Karuizawa —  Même si tu me le demandes, je ne connais pas Yousu… Non, ce n’est pas comme si je connaissais bien Hirata-kun. Mais c’est vrai qu’il a un certain côté très cool, un peu comme toi, Kiyotaka. Peut-être qu’il n’est pas du tout intéressé par ça pour l’instant. Mais, une chose est sûre : tant qu’il est avec moi, il sera prisonnier et ne pourra pas faire ce qu’il veut.

Moi — Donc ce sera de nouveau « Hirata » pour lui, désormais. Tu vas changer pour moi aussi, du coup ?  

Karuizawa —  Ahh je vois. Tu préfères que je change aussi ? 

Karuizawa semblait mécontente de ça, visiblement.

Moi —  Pas vraiment. Tu es libre de m’appeler comme tu veux. 

De temps à autres il arrive qu’on s’appelle par nos prénoms, même si officiellement nous n’avions pas encore convenu de le faire.

Moi —  C’est peut-être là une bonne opportunité. 

Je m’arrêtai et me tournai vers Karuizawa, qui marchait juste derrière moi.

Moi —  Je vais donc t’appeler « Kei », à partir de maintenant !

Karuizawa —  Bam !!!

Moi — « Bam » ?

Karuizawa —  C-c-c-c’est rien ! Et pourquoi, Kiyotaka, tu m’appellerais par mon prénom tout d’un coup !? 

Moi —  N’est-ce pas un peu étrange que tu m’appelles par mon prénom sans que ce ne soit réciproque ?

Je ne comprenais pas spécialement cette notion de distance entre elle et moi, mais si Kei souhaitait m’appeler par mon prénom, le faire aussi me semblait naturel. Même si bon, au regard des gens autour de nous, notre relation devait toujours paraître inchangée.

Moi —  Ah au fait, juste pour éclaircir les choses… Celle qui a eu l’idée d’organiser ce double rendez-vous c’est Satô, c’est ça ? 

Karuizawa —  Q-qu’est-ce que tu veux dire par « organiser » ? 

Elle essaya de me tromper en réagissant ainsi, mais il était clair avec son regard qu’elle mentait

Moi —  Autant toi tu as été à peu près crédible, malgré quelques erreurs par-ci par-là, autant Satô c’était une catastrophe.

Karuizawa —  Ahh… Comme je m’y attendais, tu t’en es aperçu ! Moi aussi, je trouvais que Satô-san avait l’air bien trop suspecte.

Il semblait que Kei trouvait le jeu d’actrice de Satô à désirer. D’un coup, je mis ma main dans ma poche et me souvins que j’avais quelque chose à lui donner.

Moi —  Ah, au fait, tiens. C’est ton cadeau de Noël de ma part. 

Karuizawa —  Ehh ? Sérieusement ? 

Moi —  Non, je déconne. 

Karuizawa —  Huh ? Tu cherches à t’faire tapper, c’est ça ? 

Moi —  Pour être exact, c’est juste un cadeau normal. Bon, je crois pas que ça te sera d’une grande utilité maintenant… 

Elle regarda alors le sac que je lui avais lancé.

Karuizawa —  Attends, c’est quoi ce sac de pharmacie ? Tu te fous de moi ? 

Elle regarda le contenu du sac plastique, et n’y trouva rien de girly ou de mignon.

Karuizawa —  Des médicaments contre le rhume et un reçu…?

Moi —  Le reçu ne fait pas partie du cadeau. Jette-le simplement, s’il te plait. 

Karuizawa —  Hey, mais c’est indiqué 10h55 le 23…

Moi —  Sur le chemin du retour, après t’avoir acheté ça, je t’ai aperçue de loin avec Satô au centre commercial Keyaki. C’est là que j’ai compris que vous prépariez quelque chose toutes les deux. Je m’étais dit que tu avais dû attraper froid, mais il semblait que je m’étais inquiété pour rien, finalement. 

Karuizawa —  Donc si tu ne m’as jamais contacté pour voir si j’allais bien… 

Moi — C’est que j’avais pu constater de moi-même que tu allais très bien, ne t’ayant pas vu avec un masque.

Karuizawa —  S-si tu t’inquiétais pour moi… au lieu de faire toutes ces choses en cachette, de façon détournée, tu aurais dû simplement aller me voir, ou me passer un coup de fil… Ça aurait été bien plus simple ! 

Moi —  Je ne pouvais pas juste te visiter dans ta chambre, ça aurait été suspect. Et te contacter par téléphone n’aurait pas été mieux, tu es toujours du genre à faire comme si tout allait bien même quand ce n’est pas le cas. 

Karuizawa —  M-mais à cause de ça, résultat, tu as acheté ce médicament pour rien. 

Moi —  Pour ce que ça coûte, ça va… Et puis, ça pourrait toujours t’être utile à l’occasion, c’est pas perdu ! 

Karuizawa —  C’est peut-être bien vrai. Je me sens bête d’avoir pensé que tu te fichais de moi, et de t’en avoir voulu pour ça. 

Disant cela, Karuizawa secoua sa tête.

Moi —  Je suis aussi responsable pour ce qui s’est passé sur le toit, la dernière fois. J’ai fait quelque chose d’inhumain, alors je ne peux pas vraiment me plaindre que tu m’en veuilles. Alors si je t’avais contactée le lendemain, tout ce que j’aurais fait, c’est inutilement t’énerver encore plus. Et vu dans l’état dans lequel je te pensais, c’était vraiment à éviter. Enfin c’était ce que je pensais dans ma tête, mais encore une fois c’était plus de peur que de mal on dirait bien !  

Loin d’avoir brisé notre lien, cela nous avait plutôt rapproché Karuizawa et moi.

Moi —  J’ai totalement sous-estimé la force morale que tu avais au fond de toi.

Karuizawa —  C-c’est ça. Ne me sous-estime pas !

Moi —  Alors vu que tu as une si grande force morale, laisse-moi confirmer quelque chose avec toi, d’accord ? 

Karuizawa —  Qu’est-ce que tu veux savoir ? 

Moi —  À partir de maintenant, je vais faire du mieux que je peux pour éviter toute situation délicate. Mais, selon ce qui arrivera, il se pourrait bien que je sois forcé d’agir derrière la scène, comme je l’ai fait jusqu’à maintenant. Quand cela arrivera, j’aimerais utiliser ton pouvoir. 

Karuizawa — C’est pas un peu tard pour me le demander, après tout ton blabla sur le fait d’être ta partenaire ? 

Moi —  Je suppose que tu as raison. 

Après un court silence, Karuizawa soupira, innocemment.

Karuizawa —  Très bien, je te servirai. Mais en échange, tu me protégeras avec tout ton pouvoir, le moment venu, d’accord ? Avec ma rupture avec Hirata-kun, j’aurais quelques soucis qui m’attendront. 

Moi —  Oui, c’est promis. 

À travers les nuages, le soleil venait de se coucher. Nous étions là, tous les deux, à observer ce soleil qui était déjà invisible.

Karuizawa —  Noël est terminé, huh. 

Moi —  Si je me souviens bien… Noël, ça commence le soir du réveillon et ça va jusqu’au soir du 25, non ? 

En réalité, la plupart des amoureux se réunissaient précisément le 24 au soir, le réveillon, jusqu’au soir du lendemain. Pour savourer le bonheur d’accueillir la journée du 25 ensemble ! Cette journée est spéciale dans le monde notamment car elle est héritée de la tradition chrétienne elle-même basée sur le calendrier juif, et cette tradition a fixé ce jour entre le 24 et le 25 décembre. Mais on peut dire sans se tromper que la plupart des gens ne pensent pas au judaïsme ou à la naissance du Christ quand ils fêtent Noël. Non, au fond Noël est plus une fête commerciale, une lubie sociale.

Cette année, Noël fut plutôt tourmenté… Dire que l’année de seconde allait bientôt toucher à sa fin.

Moi —  Bon, on devrait rentrer, tu ne crois pas ? 

Karuizawa —  Oui !

Je commençais à avancer et, toujours avec un petit décalage, Kei avança elle aussi.

Cette année, en y repensant bien, la personne dont je m’étais le plus rapproché était cette fille derrière moi. C’était quelque chose que Kei avait aussi dû ressentir. Avant même que je n’ai pu le réaliser, elle était devenue une existence essentielle pour moi. Qualifier cette relation d’amitié n’aurait sûrement pas plus à Kei mais… Je décidais de la nommer comme ça pour l’instant ! Je voulais surtout en finir à la fois avec cette histoire de monter en classe A et à la fois avec le Conseil des élèves pour vraiment pouvoir considérer que nous étions amis.  Non, en fait j’avais presque l’impression que ça pouvait devenir plus que ça.


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