CLASSROOM V7,5 : CHAPITRE 1


La flèche de cupidon (Karuizawa)

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Traduction : Zuda
Correction : Blupo, Raitei & Nova
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Le 23 décembre. Le ciel était clair. Me réveiller ce matin était extrêmement plaisant. C’était réellement rafraîchissant, bien que je venais juste de me réveiller. J’étais emmitouflée bien confortablement et c’était comme si j’étais toujours dans un rêve.

C’était le premier changement qui survint en moi. Donc, est-ce que j’avais changé ? J’aurais nié si on me l’avait demandé, mais ce n’était pas comme si rien n’avait changé. La vérité était qu’il y avait bien eu un changement. Un changement radical. Moi, Karuizawa Kei, je n’avais plus rien qui m’enchaînait à mon horrible passé. Pour être plus précise, ce n’était pas tout à fait ça : j’avais plutôt acquis un pouvoir qui était capable de porter le poids de mon passé.

Hier avait eu lieu la cérémonie de clôture du second semestre. Ryuuen m’avait tendu un piège avec d’autres dans le but de me frapper et violenter afin de me faire parler. Ça pouvait sembler ignoble et lâche mais c’était ce qui c’était passé. J’avais vraiment touché le fond.

J’avais fui dans ce lycée afin de m’y créer un refuge et j’avais bien cru que j’allais replonger en enfer. Et j’avais entendu diverses choses aussi. Parmi elles, la plus choquante était que Manabe et les autres m’avaient harcelée et humiliée conformément au plan de Kiyotaka. Au départ, j’étais désespérée et même en colère. Mais… au final, j’avais été sauvée. Et c’était grâce à Kiyotaka lui-même.

Ceux qui m’attendaient pendant que je redescendais saine et sauve du toit étaient l’ancien président du Conseil des élèves et Chabashira-sensei. Ce n’était pas comme s’ils avaient quelque chose à me dire, ils s’assurèrent simplement que je retourne dans ma chambre et que personne d’autre ne puisse me voir dans mon état. Honnêtement, sans eux, je doute fort que j’aurai pu rentrer sans avoir de problème. La seule chose qu’ils me dirent fut qu’ils agissaient selon les instructions de Kiyotaka. Ils m’avaient dit ça car ils avaient probablement compris que c’était le seul moyen de me calmer. Tout ça parce que je m’étais laissée impressionner par Manabe et les autres… Si j’avais eu la force de pouvoir me défaire de mon passé, je me serais montrée plus combative. Et tout cela aurait fini sans que ce qui m’était arrivé au collège ne s’ébruite… Non, ce n’était pas ça.

Fondamentalement, j’avais été dans l’erreur. D’agir ainsi de façon impulsive, j’avais été arrogante. À cause de ça, il était inévitable que Manabe et les autres ne puissent pas me blairer. Dire que j’agissais comme ça pour éviter qu’on me harcèle à nouveau… Au final, ça s’était retourné contre moi !

Moi — Fuu……. 

Je lâchai un soupir. Mais ce n’était pas un soupir pour exprimer ma négativité. C’était plutôt, comment dire… un soupir chargé d’émotion… Non, enfin je n’arrivais pas à trouver les mots pour le décrire. Il n’y avait qu’une chose certaine : peu importe si j’étais endormie ou éveillée, mes pensées étaient toujours envahies par Kiyotaka. Depuis hier, cela obnubilait mon esprit et je ne pouvais m’en défaire.

Moi —C’est plutôt…Raaaahh… J’arrive pas à trouver… Un acte abject ?

Même si la température de mon corps devait être normale, pour une raison que j’ignore, j’étais en feu. Pour dégager toute cette accumulation de chaleur dans mon corps, je fermai les yeux. Ayanokôji Kiyotaka, en seconde D. Au départ, il ne me laissait vraiment aucune impression.  C’était juste un camarade de classe totalement insignifiant. Parfois, on parlait de lui en disant qu’il était plutôt cool, mais ça ne m’avait pas intrigué plus que ça. Et très vite, il tomba aux oubliettes.

Dans le monde moderne, les compétences sociales étaient indispensables pour être populaire. Cela manquait fondamentalement à Kiyotaka. Peu importe combien il était bon en sport, si ce n’était pas suivi par autre chose, sa popularité ne pouvait pas dépasser un certain stade. C’était pourquoi Yousuke-kun était notre leader, que Tsukasaku-kun de la classe A et Shibata-kun de la classe B étaient populaires également. Mais le vrai Kiyotaka n’était pas si mauvais pour se sociabiliser, et il était très intelligent, très rationnel, bon en sport au point de ne perdre face à personne, même face aux premières et terminales… Il y avait aussi cette partie de lui qui se montrait impitoyable et cruel, mais… Malgré ça, au final, il m’avait sauvée.

Moi — Haa….. !?

Est-ce que je… sans le savoir, envers Kiyotaka, j’aurai des—

Moi — Non, non, non, non, non. Non, c’est genre pas possible ! 

Me tenant le visage qui était devenu rouge, je secouai ma tête de gauche à droite très fortement. Comme mon visage devenait de plus en plus coloré, je paniquai… J’étais comme l’une de ces collégiennes en rut. Ce n’était pas comme si je répugnais l’idée de l’amour. J’étais également une fille qui souhaitait tomber vraiment amoureuse. Mais comment dire… Il y avait une part de moi qui ne pouvait admettre que je n’avais d’yeux que pour lui.

Moi — Non, ça va. Ça ne peut évidemment pas être ça. Après tout, c’est à cause de lui que j’ai dû subir toutes ces choses terribles…

Au contraire, c’était lui qui aurait dû me remercier de ne pas lui en vouloir pour ça. Qu’en plus de ça, il en vînt à voler mon cœur, c’était quelque chose que je ne pouvais absolument pas accepter. Debout, devant le miroir, je peignai mes cheveux qui devenaient légèrement bouclés à chaque fois que je dormais la nuit.

Moi — Mais, je suis aussi une personne bien, non ? 

Même s’il s’avérait bien qu’il porte au moins une partie de la responsabilité, je me demandais si une personne normale pardonnerait Kiyotaka ? Certainement pas, c’était évidemment impossible. Au contraire, elle aurait probablement éprouvé de la rancœur à son égard. C’était tout simplement parce qu’il s’était avéré que j’étais une personne extrêmement généreuse qui faisait que je l’avais pardonné.

Alors prends conscience de ta chance, Kiyotaka !

En parlant ainsi à haute voix dans ma tête, je balayai ainsi ces doutes trompeurs.

Au contraire, je me demandais si je ne devais pas plutôt aller l’embêter un petit peu. Juste histoire de prétendre d’être en colère contre lui pour avoir été manipulée par lui de la sorte. Et puis, il était aussi bien possible que la prochaine fois que j’allais voir le visage de Kiyotaka, j’allais vraiment être en colère contre lui. Alors que j’étais en train de me triturer les méninges à propos de tout ça, un message s’afficha sur mon téléphone.

Satô — Aujourd’hui à 11h00, merci d’avance Karuizawa-san.

Moi — Ah, oui c’est vrai. J’avais oublié.

C’était un message de ma camarade de classe, Satô Maya. Hier, j’avais reçu un message de sa part me demandant de bien vouloir accepter de se voir pour qu’elle me consulte à propos de quelque chose. Normalement, parce que nous faisions partie de deux groupes différents, nos échanges n’allaient pas bien loin. Bien entendu, en tant que camarades de classe, nous nous entendions tout de même plutôt bien, mais c’était la première fois qu’elle m’envoyait un message pour que l’on se rencontre comme ça.

Moi — Mais bon, maintenant que je suis bien sur pied…

Hier, avec ce vent glacé qu’il y avait dehors, de la tête au pied, j’avais été arrosée par des seaux et des seaux d’eau. Et malgré cela, j’étais tout de même en parfaite santé, et je reconnaissais bien là ma chance d’avoir une si bonne constitution. Bien entendu, après avoir été brûlée par le froid jusqu’au plus profond de ma chair, j’avais pris de suite un bain chaud pour me réchauffer, mais il était clair qu’une fille normale aurait certainement attrapé froid et il n’aurait pas été si étonnant qu’elle dorme par la suite pendant deux jours et trois nuits.

Moi — Tout ça parce que j’étais habituée à subir ce genre de choses… Haha, je plaisante… 

Je réalisai que ce genre de pensées faisait vraiment masochiste. Cette « moi » d’hier, c’était la « moi » qui pensais avoir réussi à changer, mais en fait c’était totalement faux ; j’étais toujours terrifiée à l’idée de me faire maltraiter, toujours en train de trembler face à ça. Au fond de mon cœur, une ombre habitait toujours. Mais maintenant, je pouvais le voir clairement. Je me demande si j’avais quand même réussi à changer, ne serait-ce qu’un petit peu. Enlevant mon pyjama et me retrouvant en sous-vêtements, mon regard tomba inévitablement sur cette cicatrice gravée sur ma peau blanche. Chaque jour, je faisais face à cette cicatrice, et alors je me sentais subitement morose, au point d’avoir envie de mourir. Mais, je ne l’avais jamais réellement pensé aussi fortement qu’hier. Même si je détestais toujours autant cette cicatrice, qui me plongeait dans tant de regrets et de tristesse, en juste un seul jour j’avais réussi à changer malgré tout.

Moi — Mais même si j’ai avancé, je ne peux toujours pas montrer ça à un garçon…

Si jamais il arrivait qu’un membre du sexe opposé vînt à voir cette cicatrice, nul doute que celui-ci me rejetterait. Le corps d’une fille était supposé être doux, moelleux et magnifique… Ce serait briser totalement cette illusion. J’étais certaine que même un amour de plus de 100 ans finirait par être refroidi par cela. Non, je n’avais pas la moindre intention de la montrer à qui que ce soit, de toute manière… Je comptais la masquer à jamais dans mon cœur même si on aurait pu croire le contraire. Mais, Kiyokata était différent.

Bien qu’il avait vu cette cicatrice qui était la mienne, il n’avait jamais exprimé le moindre dégoût. Était-ce juste parce qu’il ne le disait pas ? Ou alors c’était parce qu’il faisait trop noir, à ce moment-là, dans le bateau ? Ou mentait-il ? Est-ce qu’il pensait au fond de lui que c’était dégoûtant ? Ou alors il pensait réellement que ce n’était en rien dégoûtant ? Des hypothèses et des questions de toute sorte envahissaient mon esprit et réapparaissaient sans cesse. Et il était impossible qu’une réponse puisse surgir de tout cela. Mais en visualisant tout cela, je réalisais quelque chose d’important.

Moi — En parlant de lui, il a touché mon corps avec ses mains, non ? 

À ce moment-là, je n’avais pas eu de temps pour pouvoir penser quoi que ce soit, mais n’était-ce pas une chose incroyablement inconcevable ? Il avait touché mes cuisses, alors qu’il avait pratiquement enlevé tout mon uniforme…. J’avais été traité comme un germe ou un parasite par toutes les filles de ma classe, sans qu’aucun garçon ne daigne me porter secours. Toute la classe, non…, tous les gens de mon âge dans le collège, aucun d’entre eux ne me voyait comme un être humain, alors encore moins comme une fille. Alors que je n’avais jamais fait quelque chose d’aussi trivial que d’être main dans la main avec un garçon,  qu’est-ce qu’il lui était passé par la tête au juste ?

Moi — Sérieusement quoi, mu, mu, mu ! Je pense encore à ça ! Je suis vraiment trop conne ! 

Encore une fois, mettons un voile sur tout sujet lié à Kiyotaka et jetons tout ça très loin derrière nous. Ce fut ce que je fis sans tarder. C’était juste un accident, alors tout ce que j’avais à faire, c’était de l’oublier. Je tendis ma main vers mes vêtements et me changeai en vitesse.

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Après un certain temps pour pouvoir me préparer, je me dirigeai vers la destination, à petites foulées. Le centre commercial Keyaki, pendant ces vacances d’hiver, voyait une foule d’élèves affluer. La majorité d’entre eux semblait être venu là pour s’amuser, et aujourd’hui les élèves étaient bien plus nombreux que durant les autres jours de vacances.

Moi — Je suppose que c’était prévisible. À part là, Il n’y a pas vraiment d’autres endroits où passer du bon temps. 

Il y avait vraiment de tout rassemblé ici en terme d’infrastructures, donc je n’avais pas vraiment à me plaindre. Mais il n’y avait rien d’original qui avait été mis en place pour l’occasion. J’étais finalement arrivée dans les temps. J’appelai Satô-san qui était en train d’attendre avec son portable, juste devant le café où nous devions nous retrouver.

Moi — Salut, Satô-san 

Satô — Ahh, Karuizawa-san ! Salut ! 

Les yeux de Satô-san étincelèrent tandis qu’elle me fit signe de la main. Peut-être était-elle allée chez le coiffeur, dans tous les cas, ses cheveux étaient particulièrement bien arrangés. Rien que par ce détail, je finis par m’imaginer tout un tas de choses. C’était hier soir que j’avais reçu sa demande pour me parler. Que ce soit mon corps ou mon mental, les deux étaient totalement éreintés, mais je gardai ça pour moi. Ça tombait sous le sens. L’évènement qui était survenu sur le toit était quelque chose qui « n’était jamais arrivé », pour la majorité des gens. Autrement dit, du point de vue de Satô-san, c’était la « moi » habituelle qui lui faisait face. C’est pourquoi, bien que j’aurais pu rejeter sa demande, j’avais tout de même accepté. Et puis… il fallait dire que j’étais aussi un peu curieuse !

Satô — Désolée de t’avoir appelée si soudainement. 

Moi — Pas de soucis, t’en fais pas pour ça 

Satô — C’est vraiment un soulagement pour moi, que tu le prennes comme ça.

Accompagnée par Satô-san qui semblait très contente, comme prévu, nous nous installâmes dans le café. Bien qu’il était bondé, par chance, un couple quitta leur table au moment où nous demandions une place, alors nous pûmes entrer.

Moi — C’est vraiment full de chez full.

Je laissai échapper cette pensée, par inadvertance. Ce café avait vraiment un succès inespéré.

Satô — Pendant les vacances d’hiver, je me demande si les élèves de toutes les années n’ont pas d’exam à préparer.

À côté de Satô-san qui me disait cela, j’avais la même interrogation qu’elle. Pendant les vacances d’hiver, nous, les seconde, nous avions été directement embarqués dans un voyage à bord d’une croisière luxueuse. Mais, cette fois-ci, au vu de tous les gens provenant de toutes les promotions de l’école, il semblait bien qu’il n’y avait aucun examen spécial en cours. Je me demandais si ce lycée nous faisait cette faveur pour qu’on puisse profiter de nos vacances d’hiver. Ou alors, si ça se trouvait, à partir du début de la nouvelle année, un autre examen de ce genre était déjà prévu ? Si c’était le cas, je le détestais déjà.

Satô — Si tu n’as pas déjà petit-déjeuné, n’hésite pas à commander quelque chose. C’est moi qui paye. 

Satô-san me dit que je pouvais y aller sans me retenir, avec le sourire. Alors suivant ses directives, je commandai un Scone américain avec un café au lait, et nous nous installâmes ensuite toutes deux, vers le centre du café, à une petite table pour deux personnes.

Moi — Donc, qu’est-ce que tu voulais me demander ?

Pour aller jusqu’à me payer un repas, je me doutais que sa demande n’allait sans doute pas être anecdotique. Rajustant ma posture, je me rapprochai, tout ouïe.

Satô — Hmm, oui. Le truc, c’est… tu vois… en vérité…, je vais bientôt aller à un rencard.

Satô dit cela, puis se tût.

Moi — Un rencard ? 

Bien que j’étais surprise, je ne le montrai nullement et lui retournai cette question le plus naturellement possible.

Satô — C’est ça…

Tout en rougissant, Satô-san hocha la tête deux ou trois fois. Comme je m’y attendais, j’avais vu juste. Mon mauvais pressentiment semblait malheureusement se confirmer. Et celui avec qui elle allait sortir, si je ne me méprenais pas, était…

Moi — Umm, et avec qui ?

Il semblait que Satô avait attendu que je lui demande cela.

Satou — Avec Ayanokôji-kun, tu vois. C’est assez surprenant… Non ?

Satô-san murmura cela, semblant à la fois totalement embarrassée et heureuse. Soudain, je sentis comme un bruit strident siffler dans mes oreilles, mais je feignis le calme. Prenant mon Scone qu’on venait de me servir, j’en croquai un gros morceau, bien plus gros que je ne l’aurais fait normalement. Si bien qu’une partie tomba sur le plateau. Je pris alors une grande gorgée de café au lait, pour dénouer ma gorge.

Moi — Heh… Alors comme ça, Satô-san, tu t’intéresses à Ayanokôji-kun. Ça c’est une surprise !

Bien entendu, j’avais compris depuis un moment que Satô-san était tombée amoureuse de Kiyotaka. Mais puisqu’elle ne m’en avait jamais parlé auparavant, cette réponse était la plus prudente.

Satô — N’est-ce pas ? J’avoue que j’en suis moi-même surprise. Mais pendant le festival sportif, il y a eu ce fameux relais, non ? En le voyant courir comme ça, mon cœur battait la chamade, je n’en revenais pas.

Satô-san parlait avec une telle excitation que j’en étais moi-même embarrassée rien qu’à l’écouter. C’était bien là l’image qu’on se faisait d’une demoiselle éperdument amoureuse.

Moi — Mais tu ne trouves pas qu’il manque cruellement de présence ? Vu qu’on parle de toi, Satô-san, je pense qu’il y a bien d’autres garçons qui te correspondraient bien plus. Par exemple, il y a Tsukasaki-kun, même s’il n’est pas de notre classe. Que penses-tu de lui ? 

Même au-delà des secondes, depuis un bon moment, il faisait parler de lui car considéré par toutes comme étant un garçon vraiment craquant. Alors qu’est-ce qu’elle en pensait ? Voilà en gros là où je voulais faire dériver la discussion.

Satô— Non, c’est juste pas possible. En plus il semblerait que depuis peu, il sort avec une senpai de son club. 

Je vois. Il était donc déjà pris, c’était donc pour ça que je n’avais plus trop entendu de rumeurs à son sujet dernièrement. Même les idoles les plus populaires, qui passent à la télévision, voient leur popularité fondre comme neige au soleil lorsqu’ils annoncent avoir trouvé l’amour.

Moi — Je vois. Et que penses-tu de Satonaka-kun, sinon ? Lui, il est bien célib, non ?

Satô — Ouais, c’est vrai que je le trouve cool, mais… Je sens que ça ne collerait pas du tout avec moi, en tout cas c’est comme ça que je le ressens. 

J’avais beau suggérer bien d’autres garçons populaires, elle ne montra aucun intérêt pour eux. Il semblait pourtant qu’elle jugeait Kiyotaka uniquement d’après son apparence. Mmh, dit comme ça, on avait l’impression que je sous-entendais que d’apparence, Kiyotaka était de loin inférieur à Dôjou-kun ou Satonaka-kun…  C’est sûr qu’il était presque invisible, mais si on jugeait uniquement les gens d’après leur physique, il ne faisait nul doute que Kiyotaka était dans le haut du top de la classe. Autrement dit, Satô-san, qui était tombée amoureuse de lui, avait immanquablement remarqué cela, huh…. Pour les garçons comme les filles, l’apparence physique de leur petit-copain ou copine définissait leur rang. « Je sors avec un garçon trop cool, ou alors je sors avec une fille trop mignonne », juste avec ça, l’opinion qu’on se faisait de nous grimpait aussitôt.

L’exemple parfait était ce que j’avais gagné en sortant avec Hirata-kun. Ça dépassait tout ce que j’avais pu imaginer. Vu son timing, si Satô-san venait à sortir avec Kiyotaka, il était certain que sa position monterait en flèche aussitôt.

Si Kiyotaka montrait le talent qu’il avait et commençait à faire parler de lui, il pourrait facilement se faire une bonne réputation, même supérieur à celle de Hirata-kun. Kiyotaka avait attiré les regards après le fameux relais, mais depuis, l’attention des filles s’était tournée depuis un bon moment ailleurs, comme c’était prévisible. Le fait qu’il manquait clairement d’expressivité et qu’il ne parlait qu’avec Horikita-san faisaient partie des facteurs qui expliquaient pourquoi il n’emballait pas vraiment de filles. Et surtout, en traînant avec des mecs comme Ike-kun, Yamauchi-kun ou Sudou-kun, qui étaient perçus extrêmement négativement par toute la gente féminine, il donnait ainsi une très mauvaise impression.

Dans tous les cas, il était certain que Satô-san ne devait pas être entrée en contact avec Kiyotaka plus que ça. Mais malgré tout, elle était tombée amoureuse de lui, juste en le voyant courir durant le relais. C’était pas un peu superficiel comme raison d’aimer ? Moi, je connaissais bien mieux Kiyotaka qu’elle. Sa véritable personnalité, ou pour être plus exact, sa terrible et bien sombre nature. Ahh, muuuu. C’était pas bon, pas bon du tout ! Ça n’avait rien à voir avec moi. Je n’avais aucun droit de dire du mal de Satô-san, et j’étais même dans une position où je devais la soutenir. Pourquoi ? Parce que j’étais la petite-amie de Yousuke. Parce que je n’avais aucune raison d’interférer dans les histoires d’amour des autres. C’était pourquoi j’étais, en tant que petite-amie de Hirata-kun, celle qui menait et rassemblait toutes les filles de la classe D.

Moi — En t’entendant parler de lui comme ça, on dirait que tu es vraiment sérieuse. Mais est-ce que tu l’aimes tant que ça ?

Si je ne connaissais en rien l’identité cachée de Kiyotaka, je lui aurais sans doute posé une question de ce genre.

Satô — Oui…

En réponse à ma question, Satô-san sans hésitation, répondit avec un hochement de tête. Elle sembla avoir renforcé sa détermination, et il semblait évident qu’elle ne s’approchait pas de Kiyotaka pour plaisanter. Mais ça, je l’avais déjà réalisé depuis bien longtemps.

Moi — N’est-ce pas une bonne chose de trouver quelqu’un qu’on aime ? Et puis aussi, en ce moment, Ayanokôji-kun doit être libre je suppose.

Satô —  C’est vrai, c’est pourquoi je pense que ça pourrait être ma chance. Si jamais une autre fille tombait amoureuse d’Ayanokôji-kun également alors… c’est une pensée que je n’arrête pas d’avoir en ce moment, alors je me dis qu’il faut que je me dépêche. 

Avec toutes les discussions entre amies qui traitaient de l’amour à l’école, nous avions tous un tas d’exemples où le garçon qu’aimait une des filles du groupe se faisait voler par une autre. C’était une chose bien ancrée en nous, alors il n’était pas étonnant que Satô-san soit préoccupée par cela.

Moi-même, qui avais un petit-ami qui se classait au minimum dans le top 3 des garçons de notre promotion, j’avais bien entendu fait attention de faire en sorte de diminuer les chances que cela n’arrive en prenant rapidement les devants dès le début du premier semestre. Mais, malgré tout, le fait qu’elle se soit lancée aussi vite et que résultat fut aussi rapide avec un rencard dès les vacances d’hiver, allait au-delà de mes prévisions. Que Kiyotaka, qui ne semblait pourtant pas s’intéresser le moins du monde à Satô-san, ait accepté de sortir avec elle, et ce juste après l’incident survenu sur le toit… Sans m’en rendre compte, j’avais fini par déchirer en morceau l’emballage de plusieurs pailles.

Moi — ……Est-ce que ça veut dire que cette entrevue a un rapport avec ce futur rendez-vous ?

M’entendant dire cela, les yeux Satô-san s’illuminèrent tandis qu’elle hocha de la tête, depuis un moment dans les nuages.

Satô — Oui. Tu sais, par exemple, le secret qui fait qu’un rendez-vous réussit ? Ou d’autres choses dans ce genre. Je me pose tout un tas de questions. J’aimerais savoir comment tu as réussi à sortir avec Hirata-kun, et plein d’autres choses concernant ce sujet. 

Dans la classe D, les seuls qui avaient clairement annoncé à tous qu’ils étaient ensemble étaient Yousuke-kun et moi. Et même si elle avait demandé de l’aide à des amies d’une autre classe, personne n’aurait su grossomodo qui était Kiyotaka Ayanokôji pour lui conseiller. Alors il était inévitable que Satô-san se tourne vers moi.

Satô — Karuizawa-san, tu as commencé à sortir avec Hirata-kun, juste après la rentrée, non ? 

Moi — Oui, à peu près. Fin’, rien de fou quoi. 

Satô — Non, c’est quelque chose d’extraordinaire. C’est même incroyable. Je te respecte vraiment énormément pour ça !

En disant ça, Satô-san me prit les mains, presque comme pour me les arracher.

Satô — S’il te plaît, apprends-moi les techniques pour devenir comme toi !

Moi — Ce ne sont pas vraiment des techniques à proprement parler… 

En vérité, j’étais bien incapable de pouvoir répondre aux demandes de Satô-san. La « moi » qui avais pourtant échappé au harcèlement scolaire, et qui avait pris la résolution de devenir quelqu’un d’inébranlable. Avec du recul, je comprenais que j’avais simplement eu de la chance. Tout ce que j’avais fait, c’était de remarquer que Yousuke-kun n’était pas le genre de personne que l’on croyait en apparence, mais ensuite, tout ça ne fut qu’un pari très risqué que j’avais osé. Si jamais il avait refusé de devenir mon faux petit-ami, ma situation aurait été radicalement différente. Et pas simplement parce qu’il m’aurait larguée brutalement, mais il aurait alors très bien pu exposer mon passé aux yeux de tous. Seulement, Yousuke-kun était quelqu’un qui chérissait l’harmonie du plus profond de son cœur et qui aspirait à mettre en place cet idéal. Sentant qu’il pouvait me sauver en acceptant ma proposition, il devint mon faux petit-ami. C’était pourquoi je l’avais choisi pour me protéger, en me plaçant derrière son aura. La petite-amie de Yousuke-kun, le centre d’attention de toutes les filles. C’était un titre bien plus significatif que je n’aurais pu l’imaginer. Dans un premier temps, il y avait eu de la jalousie et du ressentiment à mon égard de la part des filles de la classe, mais tout ça s’était arrêté très rapidement.

Me souvenant de tout ce qui avait été fait à mon encontre, j’avais exercé des pressions envers certaines filles. Mais je notais la moindre petite chose qui pouvait me menacer et étais à l’affut du moindre bruit quand je sortais faire du shopping. Ainsi, j’étais parvenue à monter sur le trône, dominant les filles de la classe D.

Mais, la « moi » qui avait créé ce faux statut de toute pièce avait clairement ses limites. C’était pourquoi je ne pouvais rien apporter à Satô-san. Pour quelqu’un qui n’avait jamais vécu quelque chose pouvant se rapprocher à l’amour, il n’y avait pas moyen que je lui enseigne des techniques de séduction. Depuis que nous sortions ensemble, pour qu’il n’y ait pas de suspicion et pour que ce soit inscrit dans la conscience collective, nous avons de façon répétée ouvertement passé des moments en amoureux en public, mais mon cœur n’y était tout simplement pas. En fait, je ne pouvais pas prétendre avoir vraiment vécu un vrai rendez-vous en amoureux. C’était pourquoi je ne pouvais en aucun cas pu lui dire ce qui était bon ou mauvais à faire dans ces circonstances. Mais je ne pouvais pas non plus la décevoir.

Je ne voulais pas qu’elle pense que j’étais novice en ce qui concernait l’amour. Si ça avait été la « moi » d’il y avait quelque temps, je lui aurai sans doute exhibé avec une assurance audacieuse toutes les connaissances repompées de magazines ou de dramas à la télé, et aurais fait comme si c’était moi qui les avais vécues. Cependant, à présent, je commençais à changer peu à peu. Envers Satô-san, qui plaçait toute sa confiance en moi, je ne voulais pas lui apporter des réponses toutes faites, comme celles-là. Depuis peu, je commençais à être las d’être celle qui agissait de façon arrogante et rude. À présent, je souhaitais parler de façon un peu plus vraie. Mais je ne pouvais pas souffler un seul mot à propos de ce nouvel état d’esprit : dans ce lycée, je devais être la petite-amie de Yousuke-kun et agir avec audace. C’était pourquoi je continuais incessamment de raconter des mensonges malgré moi.

Était-ce vraiment ce que je voulais ?

En ce moment, est-ce que l’existence de Yousuke-kun m’était réellement nécessaire ?

Des pensées futiles comme celle-ci traversaient sans cesse mon esprit depuis quelques jours. La seule chose qui pouvait me menacer, soit Manabe et le groupe de Ryuuen, avait été éradiquée grâce au plan de Kiyota. Autrement dit, toute cette histoire pouvant me faire rebasculer vers la « moi » qui se faisait maltraiter était loin derrière moi. Et même si, par malheur, elle refaisait surface, j’étais certaine que Kiyotaka viendrait et me sauverait. J’avais le sentiment d’être en sécurité.

Le fait d’être la petite-amie de Yousuke-kun m’offrait nombre de privilèges, mais si on m’enlevait cela, je me demandais si mon statut allait m’être dérobé au final. Bien sûr, si le bruit courait que Yousuke-kun m’avait plus ou moins larguée, ça serait moche, mais je tendais plutôt à croire que si nous en parlions tous les deux, alors les choses se passeraient bien. Si cela survenait, alors le mensonge pouvait s’effacer, et je pouvais en être libérée. Et si j’étais libre, je pouvais alors vraiment aspirer au véritable amour. Autrement dit, c’était quelque chose que je ne pouvais pas m’accorder pour le moment. Parce que ce n’était pas ce qu’attendait Satô-san qui se trouvait juste en face de moi. Je devais poursuivre cette réflexion sur le bienfondé de ma relation avec Yousuke-kun ou non plus tard. Ces pensées inutiles qui n’arrêtaient pas de me perturber pour un rien, cette fois-ci, je les contins dans un coin de ma tête.

Moi — Après avoir t’avoir écoutée, je comprends que ce que tu cherches. Avoir un véritable rendez-vous en amoureux avec Ayanokôji-kun. En gros, tu veux clairement conclure avec lui dès que possible.

Satô — Oui.

En d’autres termes, c’était un rencard destiné à séduire Kiyotaka.

Satô — Qu’est-ce que je dois faire pour que ça se passe bien.

Moi — Alors, voyons voir…

Réfléchissons-y sérieusement. Un moyen pour que ces deux-là sortent ensemble…Humm, je me demandais vraiment ce qu’il était nécessaire de faire pour le séduire. Il était clairement d’une nature différente des autres garçons. Je me demandais s’il était même intéressé par l’idée d’une histoire d’amour ordinaire… Ou peut-être qu’il était aussi, surprenant que cela puisse paraître, très enclin à vouloir vivre une histoire d’amour banale ? Vu que les deux cas de figure étaient tout aussi bien envisageables, il était difficile d’en tirer quelque chose. Alors que de telles questions tournaient dans ma tête, Satô-san sortit son téléphone.

Satô — Je me demande si ma question n’était pas trop vague ? Hmm, tu vois, je suis totalement sans expérience dans ce domaine, alors j’aimerais préparer à l’avance une sorte de plan. S’il te plaît, aide-moi à le faire. 

Et tout en inclinant sa tête devant moi, elle me montra le plan qu’elle avait conçu pour ce rendez-vous, dans une note de son téléphone.

Rendez-vous à 12h00 déjeuner cinéma shopping déclaration sous l’arbre de la Légende cadeau

Cela me paraissait incroyablement simple, mais voilà tout ce qui était écrit. Premièrement, j’émis des réserves sur la chose qui m’interpella le plus.

Moi — Attends deux secondes, tu comptes vraiment avouer tes sentiments dès le premier rendez-vous ? 

Satô — Justement je n’ai que ça à l’esprit et j’ai préparé ce plan au cas où le courage me venait bien ce jour-là.

Alors que je pensais au fond de moi qu’il était évident qu’il lui fallait d’abord approfondir un peu plus sa relation avec lui, petit à petit, elle avait prévu une courte escarmouche devant mener à la victoire totale.

Moi — Ce n’est pas juste un peu trop rapide ? Je pense que déjà, si tu te laissais 2 ou 3 rendez-vous avant d’envisager ça. En plus ça pourrait te laisser le temps de découvrir des aspects désagréables sur lui, aussi. 

Bien sûr, les filles qui avaient de l’expérience en matière d’amour semblaient plutôt prendre leurs décisions sur le vif, avec leur instinct. Mais pour Satô-san, qui en matière d’amour semblait totalement vierge, je pensais que le mieux pour elle était d’y aller progressivement. Mais j’avais moi-même aucune crédibilité. Mais elle semblait très pressée d’obtenir un résultat, en tout cas c’était ce qui en ressortait au vu des retouches qu’elle avait apportées à son apparence pour accroître son charme. Est-ce que par hasard cette envie soudaine n’était pas juste liée à l’effet « début du 3e trimestre » arrivant prochainement ?

Moi —Et aussi, c’est quoi cette histoire d’arbre légendaire ? En gros si tu te déclares en dessous de l’arbre alors ton amour sera éternel ?

Je ne savais pas qu’une telle légende urbaine existait dans ce lycée. Même si un tel phénomène surnaturel existait bel et bien, vu notre âge, l’idée d’être lié à quelqu’un pour au moins 10 ou 20 ans, je n’étais pas certaine que cela soit une si bonne chose. S’il s’avérait que la personne avec qui l’on se marie se révélait être quelqu’un d’inutile au point de vouloir divorcer, être forcé de devoir rester ensemble risquait plutôt d’être une malédiction.

Satô— Ce n’a pas vraiment l’air d’être très connu, je l’ai découvert en lisant une affiche sur le tableau d’affichage à l’entrée. Que, si l’on se déclare à quelqu’un juste en dessous de cet arbre, alors il était certain que cela fonctionnerait. Il paraît que ça a été le cas pour beaucoup. 

Heu… J’étais pas du tout au courant. Vu que ça m’intéressait aussi, j’allais sûrement y jeter un œil, un de ces jours. Je regardai tout de même la chose sur mon téléphone et vis que c’était réel, qu’il y avait vraiment eu des couples ayant duré. Des gros donateurs ont fait en sorte de faire transporter cet arbre de plus de huit ans dans l’enceinte du campus.

Satô — Il y doit y avoir d’autres arbres du même genre d’ailleurs.  

En général je ne faisais jamais attention à ce genre d’inepties surtout au vu des conditions pour la réalisation. Le moment de la déclaration devait se faire le soir, avant le coucher du soleil. Il fallait en plus que personne ne soit autour. Si toutes les conditions étaient réunies, alors le succès était apparemment garanti à 99 %. Outre le fait qu’il fallait pas mal de préparation, l’endroit en lui-même était plus que louche.

Moi — Mais ce n’est pas difficile à gérer tout ça ? Réussir à avoir le bon timing et tout pour se déclarer au bon moment, au bon endroit.

Satô — Oui, je suppose. D’autant plus qu’il est dit que si quelqu’un d’autre que le couple se trouvait là au moment de la déclaration alors il était certain que tout capoterait. 

En cette période de vacances, les endroits où il y avait un peu de verdure étaient plutôt fréquentés. Et puis, il n’aurait pas été étonnant non plus de trouver des garçons ou des filles en train d’essayer eux aussi d’accomplir cette légende. Si on était en groupe près de l’arbre, il faudrait en plus que le couple trouve une excuse pour rester seuls dans l’endroit convoité. Vu comme ça, même si une telle déclaration avait 99 % de chances de réussite, les pourcentages de chance de pouvoir l’accomplir dans les règles, eux, devaient être bien plus bas. Et encore, il fallait tout d’abord croire en ce qui était de toute évidence, qu’une superstition. Mais bon, dans ce genre de moments qui n’arrivent qu’une fois dans une vie, on voulait mettre toutes les chances de notre côté, même si ça n’augmentait les probabilités de réussite que d’un pour cent, c’était toujours bon à prendre.

Moi — Au fait, hm, pour quelle raison tu es amoureuse de Ayanokôji-kun, déjà ?

Satô — Ehh ? Pourquoi tu me demandes ça ?

Moi — Euh, désolée. C’est juste que je ne connais rien sur Ayanokôji-kun, tu vois, alors j’aurais au moins voulu avoir ton image de lui. À propos de quelle partie tu es tombée amoureuse, par exemple. En comprenant ça, y aura peut-être des idées de conseils qui viendront pour organiser ce rendez-vous. 

Alors que je lui demandai ça, Satô-san murmura quelque chose tout en cachant ses joues qui devenaient rouges avec ses deux mains, visiblement embarrassée.

Satô — Umm— Déjà, il est super cool, tu trouves pas ? Il est toujours calme et semble très mature. Et puis tu as vu comment il a couru super vite. Et niveau intellect, c’est loin d’être un idiot, en tout cas, il est toujours au-dessus de moi. Oh bien entendu, je trouve moi aussi que Hirata-kun est meilleur que lui dans tous les domaines, mais comparé à lui, tous les autres garçons ont l’air de gamins, aussi. 

Elle faisait probablement référence à Ike-kun et Yamauchi-kun, et quelques autres. J’étais d’accord avec elle au point même de ne pas arriver à croire que l’on était du même âge. La plupart des garçons de notre classe était vraiment des mômes quoi. C’était pourquoi, très rapidement, la plupart des filles de la classe avait perdu tout espoir avec les garçons de notre âge, et se tournait plutôt du côté des ainés

Satô — C-ce que je viens de dire, tu le garderas pour toi, ok ? Il ne faut pas que les autres filles réalisent à quel point Ayanokôji-kun est craquant. Et puis aussi, je n’ai pas envie que des rumeurs sur moi qui ne saurais pas m’y faire avec les garçons commencent à se répandre. 

Moi — Dans ce cas, tu n’avais pas peur de me confier tout ça ? 

Satô — Vu que tu es la petite-amie de Hirata-kun, alors je savais que je pouvais tout te dire, sans avoir peur de quoi que ce soit.

L’existence de Hirata-kun était vraiment significative. C’était la raison pour laquelle Satô-san n’avait pas peur de se reposer sur moi. Et c’était pas vraiment quelque chose de désagréable d’avoir des gens qui comptaient sur moi, mais… pourquoi fallait-il que ce soit à propos de Kiyotaka ? Si c’était pour n’importe quel autre garçon, j’aurais vraiment pu donner tout mon soutien honnêtement et je n’aurais pas eu à supporter ces désagréments qui me pinçaient le cœur. Est-ce là ce qu’on appelait, l’ironie du destin ?

Moi —Hah..

Il en résultait un profond soupir qui arriva sans prévenir. Il était différent de celui de ce matin, bien plus pesant. Et l’ayant entendu, le visage de Satô-san devint blême alors qu’elle me regardait fixement.

Satô — J-je le savais bien pourtant, désolée si je te dérange…

Moi — Ah, non ! Ce soupir, c’était pas pour ça du tout, t’inquiètes.

Prise de panique, je la rectifiai, mais en vérité, au fond de mon cœur, j’avais comme quelque chose qui me grattait depuis tout à l’heure… Ce n’était pas comme si j’étais amoureuse de Kiyotaka ou quelque chose comme ça, pourtant. C’était juste que… Comment dire… Ma relation avec lui était spéciale. Peu importe les circonstances, je ne voulais pas perdre ma place auprès de lui. Mais en ce moment même, je devais écarter ces pensées d’un revers de main, et agir pour aider Satô-san. Je me répétais ceci à moi-même plusieurs fois dans ma tête.

Moi — Revoyons le plan en détail, veux-tu ? Si vous allez manger ensemble, il vaut mieux que cela se fasse après le cinéma. Si jamais vous ne trouviez pas quoi vous dire, vous pourrez tout simplement parler du film.

Satô— Umm, faisons comme tu dis, Karuizawa-san.

Me répondant cela honnêtement, Satô-san prit son téléphone et prit note. Les places pour le film étaient sans doute déjà réservées, mais il valait mieux tout de même changer l’horaire. Regarder un film juste après manger pouvait être problématique et il fallait éviter tout imprévu. Et puis il y avait aussi le risque de s’endormir également, alors c’était définitivement un no go. J’accédai ensuite sur mon portable à la programmation des films.

Moi — Et en fait, quand est-ce que ce si important rendez-vous aura lieu ?

Déjà, la première chose à vérifier était si l’on pouvait ou non décaler le rendez-vous. Sans savoir cela, je ne pouvais pas commencer.

Satô — C’est prévu pour après-demain.

Moi — Je vois… mais attends, après-demain c’est le 25 !! 

Je m’étais presque mise debout sans le vouloir. Je me remis sur le fond de ma chaise de suite, en panique.

Satô — Hehehe…

Non, ne me « Hehehe » pas…!

Le 25 décembre. Certainement le jour le plus précieux pour un homme et une femme, de toute l’année. Et le Kiyotaka que je connaissais avait donné son accord pour ça, mais bordel, qu’est-ce qu’il avait dans la tête celui-là !? Normalement, c’était supposé être un temps qu’on passe en amoureux, et durant lequel on approfondissait notre relation. Ce n’était en aucun cas une occasion pour démarrer une relation. Ce n’était pas un jour pour avoir un premier rendez-vous. Il aurait dû décliner gentiment pour le décaler au 26. Si jamais leur position avait été inversée, nul doute qu’il aurait eu une sale réputation. On l’aurait traité de mec qui voulait juste faire des cochonneries, voilà l’étiquette qu’on lui aurait collée à la peau. Je tempêtai ainsi dans ma tête.

Moi — Fu, Fu…

Satô— …….Qu’est-ce qui ne va pas, Karuizawa-san ?

Moi — Euh, rien du tout. Ne t’en fais pas.

Pourquoi est-ce que j’avais si chaud tout d’un coup ? Ça n’avait rien avoir avec moi, peu m’importait quel jour ils avaient prévu leur premier rendez-vous. Ils étaient libres de choisir ce qu’ils voulaient. Raaah, mais depuis peu, je ne savais vraiment pas ce que j’avais… Je devenais terriblement irritée par mes propres pensées. Je me serais bien donnée une double claque si j’avais été seule, et j’aurais enfermé toutes ces pensées bien au fond quelque part.

Moi — Donc le 25, hein……..Bon, je suppose que c’est toujours mieux que si c’était prévu pour le réveillon. 

Le cinéma semblait être encore plus bondé à l’approche du réveillon alors je n’imaginais pas le jour même, d’autant plus qu’ils comptaient probablement passer la journée ensemble après le film. C’était une activité usuelle pour les couples d’aller au cinéma le 24 et il devait y en avoir 10 à 20% sur le campus. La seule manière de s’y faire une place était de se ficher de l’heure et du placement.

Moi — Pour ce qui est du film, il vaudrait mieux que vous preniez le créneau de 11h50 qui se termine vers 13h30. Comme ça, vous pourrez déjeuner tous les deux vers 14h00 et à 15h00 ça sera bon pour le shopping. Après ça, tu peux plus ou moins ajuster le temps comme tu veux, pour qu’aux environs de 16h00 tu fasses ta déclaration. Ça me paraît bien.

Le fait qu’à la fin, elle avait de la marge avant sa déclaration était pour le mieux. Satô-san, ne sembla pas avoir d’objection, car elle hocha la tête, l’air satisfait.

Moi — Oh, et puis, je pense que tu ferais mieux de réserver des places pour le restau. Tu veux avoir une table à côté de la fenêtre, pas vrai ?

Réduire le temps d’attente pour manger faisait partie des petites choses faciles à prévoir.

Moi — Et puis, en réservant, vous pouvez aussi demander à avoir des choses qui ne sont pas au menu normalement.

Satô — Oh, je vois. J’avais pas du tout pensé à tout ça… T’es vraiment douée pour ça, comme on pouvait s’y attendre de ta part, Karuizawa-san.

Si c’était pour le surlendemain, même le café dans lequel nous nous trouvions pouvait être bondé. D’ailleurs en vérité ça aurait mieux que le garçon soit celui qui organise tout ça mais bon… On va dire que c’est logique que ce soit Satô qui prépare tout pour que sa déclaration se passe bien ! C’était juste que je ne savais pas très bien si tout ceci était vraiment bien ou non. Ça sonnait pathétique à force de le répéter mais, après tout, je n’avais jamais eu de véritable rendez-vous en tête-à-tête jusqu’à maintenant…

2

J’avais donc reçu une telle requête de la part de Satô-san, et nous voilà sur le chemin du retour, après avoir quitté le café. En nous dirigeant vers le dortoir nous continuâmes notre discussion.

Satô — Depuis ce matin, la neige a bien commencé à s’entasser, mais à partir de demain, il va neiger encore plus.

En entendant cette phrase, je regardai la scène autour de moi. Même si la neige commençait à fondre légèrement, elle tenait bien encore un peu partout. Si cela continuait ainsi, la neige pourrait bien rester toute l’année. Ahh—donc il neige… En parlant de ça, c’était il y a deux ans environ, j’avais fait semblant que cette neige à moitié fondante était un kakigōriau chocolat[1] et l’avais laissé fondre dans ma bouche. Me rappelant de ce souvenir, j’étais quelque peu nostalgique. Je ne savais pas bien pourquoi, mais cela me semblait appartenir à une autre époque.

Moi —  Je me demande qu’est-ce que je trouvais de si amusant là-dedans ? 

Satô — Ehh? 

Moi — D-désolée. Je me parlais juste à moi-même. 

Peut-être était-ce lié aux événements survenus hier, mais je finissais toujours par me souvenir de cela. Et alors que je le fis, l’expression du visage de Satô-san- se raidit un peu. Je pensais que c’était parce que je m’étais parlé à moi-même, mais ce n’était pas le cas apparemment.

Satô — En vérité, y a une chose que je voulais te demander depuis tout à l’heure, mais je n’ai pas osé. 

Moi — Hmm ? Comme t’as déjà commencé, autant y aller jusqu’au bout. Tu peux tout me demander.

Je frappai ma poitrine pour montrer à quel point j’étais à l’écoute.

Satô —Merci infiniment, Karuizawa-san. Hmm, eh bien, je suis très heureuse à l’idée de ce rendez-vous, mais… 

Elle devait sans doute être un peu anxieuse à l’idée de son si important rendez-vous, alors les mots avaient du mal à sortir de sa bouche, mais elle finit par se reprendre.

Satô — En fait, c’est le premier rendez-vous de toute ma vie… alors, je ne sais vraiment pas quoi faire…

Moi — Tu n’es jamais sorti avec un garçon auparavant ?

Satô-san semblait très embarrassée d’avouer cela. Bon, au vu de notre conversation, j’avais deviné cela depuis un moment, mais…c’est juste que j’avais d’elle l’image d’une fille très moderne et toujours à la pointe de la mode, j’étais tout de même étonnée qu’elle n’ait pas vécu ça bien plus tôt.

Satô — Je ne peux que le dire parce que c’est toi, Karuizawa-san, tu comprends ? Bientôt je vais être une élève de 1ère et pourtant, je n’ai jamais eu de petit-ami, encore moins eu un simple rendez-vous. Si quelqu’un entendait ça, c’est sûr, il se moquerait bien de moi, haha. C’est vrai que je suis un peu lente. C’est ce que tu dois penser, hein ? 

Moi — J-je suppose. C’est vrai que c’est un peu tard, mais… ça veut pas tout simplement dire que tu attends tout simplement de rencontrer quelqu’un que tu aimes vraiment ? En fait, tu ne fais qu’aspirer à un amour véritable, c’est tout.

Satô — Ça me rend heureuse ce que tu dis là. 

Alors que je la trompais par mes paroles, je poursuivis non pour Satô-san, mais pour moi-même.

Satô — Alors tu comprends…? Pourquoi je suis si nerveuse, et pourquoi je suis certaine de ne pas pouvoir faire les choses correctement. C’est pour ça que j’aimerai que toi, Karuizawa-san, et Hirata-kun… vous soyez là aussi, pour faire un double rendez-vous. Comme ça, vous pourrez faire en sorte que les choses se passent bien entre Ayanokôji-kun et moi. S’il te plaît, est-ce que tu pourrais m’assister le moment venu ?

Alors voilà ce qu’elle voulait me demander. N’arrivant pas à le croire, j’étais perdue dans ma confusion.

Moi — U-un double rendez-vous ? T’assister ? 

Satô— J’aurai dû te le demander bien plus tôt, non ?

Elle s’excusa et son visage montrait qu’elle était sincère. C’était toujours comme ça lorsqu’on avait un service à demander. On le garder pour la fin de toute manière. En revanche ce qu’il fallait relever était qu’à moi, une fille qui n’avait jamais goûté au délice de l’amour, on me demandait de porter le costume de Cupidon. Je me demandais s’il n’y avait pas plus absurde comme situation.

Satô — Est-ce que c’est…..hors de question ?

Moi — C-c’est— 

Il n’y avait pas de doute à avoir, il fallait que je refuse. Vu ma totale inexpérience, il était certain que ça allait finir par se voir. Mais… vu que c’était aussi une première pour Satô-san peut-être pourrai-je me débrouiller pour la tromper ? Est-ce que je ne devais pas plutôt me montrer diplomate et tout simplement accepter ?

Satô — J’en étais sûre, bien entendu tu préférerais passer Noël avec Hirata-kun en tête à tête, hein ? 

Moi — Ehh ?

Alors que je tergiversais encore sur ce que je devais répondre, son visage se fit encore plus anxieux. En effet, n’importe quel couple voudrait passer demain et après-demain, seul en amoureux. Si j’avais vraiment été moi-même, je l’aurai de suite compris, mais en ce moment, j’étais totalement perdue dans mes pensées à cause des évènements récents.

Satô — Tout comme toi, j’aimerais aussi former le couple idéal. 

En voyant les choses du point de vue de Satô-san, qui croyait que ma vie de lycéenne était tel un navire voguant sur un long fleuve tranquille, sa requête n’était pas si étrange ou déplacée. Mais c’était en fait une gêne énorme pour mon cœur. Cela n’avait rien à voir avec Kiyotaka. Ce n’était pas comme si j’avais jamais aimé Yousuke-kun. Et ce n’était pas comme si nous sortions vraiment ensemble.

Mais, tant que nous continuions d’être un faux couple… Ni moi, ni Yousuke-kun ne pourrions trouver le véritable amour. Cette vérité me faisait mal au cœur. Kiyotaka aussi, ne me verrait jamais comme quelqu’un du sexe opposé. Et aussi, je me demandais si quelqu’un aussi empêtré dans le mensonge et la fausseté pouvait être d’une quelconque aide pour quelqu’un comme Satô-san.

Moi — Quelque chose comme ça, c’est un peu… 

Après avoir bien réfléchi, j’avais pensé à refuser, mais je décidai de me motnrer forte. Depuis un bon moment déjà, l’existence de Kiyotaka n’arrêtait pas de traverser mon esprit. Si je continuais ainsi à vaciller pour si peu, mon cœur n’allait pas pouvoir tenir bien longtemps. Dans ce cas, il me fallait ne plus vaciller du tout. Et pour ça, si par exemple je pouvais faire en sorte que Satô-san et Kiyotaka soient ensemble, alors je détruirais toute chance que mon cœur se fasse voler par Kiyotaka.

Moi — L-laisse-moi gérer tout ça. Je vais t’aider au mieux, tu verras.

Satô — Vraiment ? Karuizawa-san !

Me prenant les deux mains avec joie, Satô-san sautilla sur place…….Donc elle aimait Kiyotaka à ce point. Dans ce cas, envers ce premier amour, je me devais de sincèrement la soutenir. Écrasant les flocons de neige qui se trouvaient dans le creux de ma main, je me les étalai sur mon front.

Réfléchis, réfléchis.

Et ainsi, je parvins à refroidir un peu mon esprit en ébullition. J’avais donc décidé de sincèrement la soutenir, ou du moins, faire en sorte que ce double rendez-vous se passerait bien. Celle qui se tenait debout là, n’était plus la moi du collège. Je n’étais plus celle qui avait sombré dans le désespoir pendant trois années entières. Et finalement, je n’étais plus non plus la moi de la rentrée de cette année, également. Mettre la pression sur les autres pour se protéger soi-même n’était pas une chose très glorieuse. Mais ne sachant pas comment me protéger autrement, je ne voulais juste pas finir par devenir la même que durant le collège.

Puisqu’elle était allée jusqu’à affronter son propre embarras pour me demander ceci, je me devais moi aussi de lui faire face honnêtement, sinon je ne pourrais pas me considérer comme une véritable amie. Mais ce double rendez-vous soulevait quelques problèmes. Déjà, il n’était pas certain que Yousuke-kun soit libre. Je devais confirmer cela au plus vite, juste après. À Noël, nous avions décidé de ne pas nous voir. Vu que l’idée que nous soyons un couple était devenue un fait connu même chez les élèves des classes supérieures, nous afficher encore plus n’était plus nécessaire. Dans le but de ne pas perdre notre temps, nous avons donc décidé de passer Noël chacun de notre côté.

Si jamais on ne nous voyait pas ensemble, ça n’aurait pas été bien problématique. Même si quelqu’un que je connaissais me voyait seule, dehors, je n’aurais eu qu’à lui dire que nous comptions juste nous retrouver dans la soirée, et l’histoire serait réglée. C’était pourquoi Yousuke-kun avait déjà prévu son planning de son côté.

Satô — Hmm aussi, j’aimerais que Ayanokôji-kun croie que cela se fasse par hasard. 

Alors que je me faisais déjà des plans pour organiser tout cela, elle me rajouta cette nouvelle condition.

Moi — Donc, tu ne veux pas lui dire clairement que ce sera un double rendez-vous, dès le départ ?

Satô — D’une certaine manière, oui. Ce n’est pas bon non ?

Moi — Ahh–, hmm……… 

Bien sûr ce n’était pas mauvais en soi. Si c’était ce qu’elle voulait, ça pouvait aller. Mais en y réfléchissant un peu, j’étais arrivée très vite à cette conclusion.

Moi — Faisons les choses ainsi. Il serait sans doute mieux de lui dire honnêtement que ce sera un double rendez-vous. 

Satô — Vraiment ? Je me demande s’il ne risque pas de ne pas aimer l’idée ?

Moi — S’il découvre plus tard que c’était prévu à l’avance, il y a encore plus de risques de ne pas l’apprécier, tu sais.

Satô— Je vois…. 

Moi — Mais c’est à toi de décider au final, Satô-san.

Je ne pouvais pas la forcer à faire les choses selon mon point de vue. Satô-san semblait très troublée à cette idée, mais si l’on me demandait mon avis, il était clair que c’était une erreur. Il n’y avait pas moyen de pouvoir duper Kiyotaka, et il verrait forcément tôt ou tard, que tout ceci faisait partie de notre plan. Mais je ne pointai pas cela, car ça ne ferait que lever un sentiment de suspicions. « Ne faisons pas ça, car Kiyotaka est étonnamment trop perspicace ? », si je disais cela, cela paraîtrait forcément bizarre. Kiyotaka et moi n’avions aux yeux des autres aucune connexion. Ainsi, si l’on partait de ça, je ne pouvais pas dire que ce double rendez-vous secret était une mauvaise chose. Car je n’aurais jamais dû avoir cette information en premier lieu.

Si jamais je trouvais un article plus tard intitulé « Un double rendez-vous est l’idéal pour une première fois », j’aurai l’impression d’être jugé pour responsable. Alors la bonne réponse était de laisser Satô-san choisir.

Moi — Pour un jour, comme celui-là, tu ne voudrais pas plutôt laisser les choses se faire naturellement ? Ça me paraît le mieux.

Mais l’argument que je lui donnais ne sembla pas l’atteindre.

Moi — Si ça te va Satô-san, alors ça me va. 

Alors je finis par lui dire cela honnêtement. Il ne restait alors plus que l’option de cacher le fait que nous coopérions. Puisque ça en arrivait là, ça pouvait me permettre de tester jusqu’où je pouvais parvenir pour tromper Kiyotaka.

Moi — Ahh, par contre, si Hirata-kun venait à rejeter l’idée du double rendez-vous, alors désolée d’avance. 

Sur ces dernières paroles, nous arrivâmes devant le dortoir.


3

Une fois revenue dans ma chambre, je m’allongeai de suite sur mon lit et pris mon téléphone tout en fixant le plafond. Juste avant d’entrer déjà, une anxiété étrange s’était répandue en moi depuis cette requête de Satô-san depuis cette histoire à propos d’elle voulant que je lui donne un coup de main pour qu’elle soit avec lui car elle aimait Kiyotaka En même temps que je ressentais cette étrange irritation, je ne pouvais m’empêcher également d’être agitée. Si cela n’avait été qu’une simple histoire d’amour, cela aurait certainement été plus facile pour moi. J’essayai de faire le vide dans ma tête et parvins à revenir sur la demande de Satô-san et rien d’autre. Mais, plus que cela, ce qui me rendait curieuse n’était pas l’aspect romantique de la chose. Est-ce que Kiyotaka avait accepté ce rendez-vous avec Satô-san parce qu’il s’intéressait au sexe opposé ? Et s’il n’avait aucune « envie de romance » derrière ? Cela aurait pu devenir un gros problème. J’étais sûre que je réfléchissais trop loin, mais je ne pouvais m’empêcher de douter. Ce qui était certain c’était que celui en face allait être Kiyotaka. Je n’arrivais pas du tout à comprendre à quoi il pensait vraiment. Et s’il n’était pas du tout intéressé par ce rendez-vous, parce qu’il s’intéressait au sexe opposé, mais plutôt par Satô-san en elle-même ? Un rendez-vous pour déterminer si oui ou non elle était quelqu’un d’utilisable. Voilà où me menaient mes pensées.

Tout comme il avait pris contact avec moi, le fait est qu’elle pouvait peut-être elle aussi être un moyen pour rendre la vie de lycéen de Kiyotaka plus tranquille, c’était la partie qui m’effrayait le plus. Si jamais elle se montrait plus utile que moi, mon existence était menacée. Si c’était le cas, Kiyotaka qui avait toujours agi comme un bouclier pour moi, ne le ferait sans doute plus. Je finis par appuyer sur l’icône d’appel et entra le numéro de 11 chiffres.

Moi — Je ne connais même pas par cœur mon propre numéro, mais pourtant, celui-là…….. 

Avant que je ne m’en étais rendu compte, le numéro de Kiyotaka s’était gravé dans ma mémoire. À présent, je n’avais plus qu’à appuyer sur le bouton pour l’appeler. Mais même si je le faisais, qu’est-ce que j’allais bien lui demander ? « Est-ce que tu crois vraiment que Satô-san sera plus facilement manipulable que moi ? », quelque chose comme ça ?

Moi — Qu’est-ce que j’ai, je suis vraiment trop conne…

Avant même de l’interroger, c’était comme si j’avais ancré l’idée en moi que je voulais qu’il m’utilise. Mais ce n’était pas le cas. Je voulais… je voulais juste être en sécurité. Utiliser ce bouclier connu sous le nom de Kiyotaka, je voulais pouvoir vivre tout en ayant les moyens de protéger mon statut. Il n’y avait que ça, évidemment.

Moi — Pourquoi ne pas l’entendre de sa bouche directement ?

Pensant cela, j’appuyai avec mon pouce avec force. Mais pourtant, mon pouce resta à quelques centimètres du téléphone, sans bouger du tout. Au final, je n’arrivais pas à appuyer sur cette simple icône.

Moi — Hah, je suis vraiment conne, en fait.

Pourquoi est-ce que j’aurais à lui demandai quelque chose comme « est-ce que tu m’utilises ? », de moi-même ? Et juste à cet instant, mon téléphone se mit à vibrer.

Moi — Uwa !?

Sur l’écran, les onze chiffres que j’avais entrés tout à l’heure s’affichaient. J’avais pensé alors que j’avais dû appuyer sur le bouton d’appel par mégarde, mais ce n’était pas le cas.

Moi — «……A-allô ? 

Je répondis à l’appel avec panique.

Ayanokôji — J’ai une chose que j’aimerais te demander.

Sa voix monocorde habituelle pénétra mes oreilles.

Moi — C’est quoi ce que tu veux me demander ?

Ayanokôji — Il y a des gens autour de toi, là ?

Moi —  Non, je suis dans ma chambre.

Est-ce qu’il se pourrait que, il s’inquiète de mon état de santé et m’appelle pour vérifier que je vais bien ? Mais même si c’était le cas, c’était bien trop tard, il aurait dû m’appeler dès hier soir. Mais bon, mon cœur se mit à battre rien qu’à l’idée de la possible réalisation de cette attente futile.

Kiyotaka — Je veux que tu enquêtes sur quelque chose pour moi, Karuizawa 

Mais cette attente se prit un coup de poing dans les dents, de suite.

Moi — « Hein ? Qu’est-ce que tu me racontes ? Tu n’avais pas dit que tu ne te reposerais plus sur moi, à présent ? Alors que tu m’avais dit bien d’effacer ton numéro de mon téléphone. 

Je me plaignis ainsi (bien que je ne savais même pas si j’étais vraiment en colère contre lui pour ça ou non). D’abord, après tout ce qui s’était passé hier sur le toit de l’école, c’était tout ce qu’il avait à me dire ? Il aurait dû commencer par, je sais pas, un « est-ce que ça va, tu n’as pas attrapé froid ? ». Même si ça n’a rien d’original et que c’est un peu fade comme entrée, ça aurait été au moins mieux que ce qu’il m’a dit là. Il aurait surtout dû me dire « Je suis désolé », c’était un minimum. Le fait était qu’il avait tiré les ficelles de façon à ce qu’on s’en prenne à moi. Quiconque aurait été à ma place lui en aurait voulu et l’aurait dénoncé à l’établissement. Peu importe la forme, il aurait dû s’excuser. Et dire que ses premiers mots furent « je veux que tu enquêtes sur quelque chose pour moi » !

Hey, Kiyotaka. Tu comprends dans quelle position tu te trouves ? Je n’ai plus besoin de coopérer avec toi, ou plutôt, tu ferais mieux de prendre tes responsabilités et me protéger pour toujours. 

Après toute la frustration accumulée avec Satô-san, je pensais que j’oserais lui balancer cela. Mais, ces mots restèrent coincés au fond de ma gorge et ne sortirent pas. Tout simplement parce que j’avais peur que si je disais quelque chose comme ça, Kiyotaka me laisserait seule.

Moi — Tu veux que j’enquête sur quoi ?

Ayanokôji — C’est à propos de Satô

Moi —  ……de Satô-san ? 

Parmi toutes les choses qu’il pouvait me demander, il fallait que ce soit à propos d’elle. Mais jusqu’où tout ce qui était autour de moi allait tout faire pour me mettre en rogne. Mais il y avait aussi cette histoire de double rendez-vous, alors je tus tout cela en moi et le fait que je venais juste de voir cette fameuse Satô-san sur qui il voulait des renseignements.

Moi — Qu’est-ce qu’il y a avec elle ?

Ayanokôji — Je veux savoir avec qui elle a l’habitude de traîner, et la façon dont elle a l’habitude de se comporter. Pour être plus précis, je te serais reconnaissant si tu pouvais me dire ses hobbies et ses autres préférences. Et bien entendu, si tu sais déjà tout ça, alors dis-le moi tout de suite.

Qu’est-ce que j’en savais moi. Je murmurai cela sournoisement au fond de mon cœur.

Moi — Malheureusement pour toi, Satô-san et moi faisons partie de deux groupes différents. Alors il y a une certaine distance entre nous. 

Ayanokôji — Une distance, huh. Il semblerait qu’il y a beaucoup de choses que je ne connaisse pas sur le fonctionnement très étrange régissant les groupes des filles de notre classe. 

Moi — Rrr……..j’ai l’impression d’entendre du mal de moi, là 

Ayanokôji — Bon, si tu ne le sais pas, alors s’il te plaît, cherche. Et je préférerais une méthode qui éviterait que Satô n’apprenne quoi que ce soit.

Moi — …..Bon, en demandant à Shinohara-san, je devrais pouvoir découvrir ça, jusqu’à un certain point. 

Ayanokôji — Je te laisse choisir le moyen qui te semble le plus efficace. Tu as carte blanche. 

Moi — J’ai compris. Je vais demander autour de moi… mais avant ça, dis-moi au moins la raison de ta requête ?

Moi — Tu me donneras tous les détails par message. 

Il sembla qu’après m’avoir dit tout cela, Kiyotaka était satisfait et coupa la conversation, sans juger nécessaire de répondre à mes interrogations.

Moi —  Mais il se prend pour qui, ce mec ? Il se croit tout permis…….J’ai vraiment rien à attendre de lui.

J’aurais dû lui tousser à la figure au moins une ou deux fois. Alors que j’étais en train de cracher dessus ainsi des reproches, j’envoyais un message à Shinohara-san. Bien que j’étais outrée, j’admirais ma capacité à suivre ses instructions à la lettre. Et ainsi, je sécurisai mon moyen d’accès aux informations qu’il voulait. Pendant un moment, nous chattions comme pour passer le temps, et je récoltais peu à peu toutes les données que je retranscrivais au fur et à mesure dans le message que j’envoyai finalement à Kiyotaka. Je ne reçus aucune réponse, comme d’habitude, mais il n’y avait nul doute qu’il l’avait bien reçu. Kiyotaka…était-il vraiment intéressé par Satô-san ? C’était évident qu’il cherchait à avoir ses informations pour tourner ce rendez-vous à son avantage. Ce qui voulait dire que si tout se passait bien, ces deux-là allaient vraiment se mettre ensemble ? Ou alors, qu’il la tiendrait dans le creux de sa main et qu’il pourrait l’utiliser à son bon vouloir ? Bien que je n’arrêtais pas d’y penser encore et toujours, aucune réponse claire ne me vint.

Il n’y avait pas moyen pour que ça arrive.

Moi — Ahh, raaah ! Á quoi ce mec pense à la fin !!!

Je n’allais pas pouvoir dormir cette nuit. Il semblerait que ça allait être une longue journée.


[1]     Le kakigōri est un dessert japonais à base de glace râpée sur laquelle on verse un sirop au thé vert, aux fruits ou au sésame. Il peut également être agrémenté d’autres garnitures telles que du lait concentré, de la crème chantilly, des mochi ou des haricots azuki.


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