CLASSROOM Y2 V9 Chapitre 2

Le Conseil se renouvelle

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Traduction : Nova / Raitei
Correction : Raitei / Nova
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À l’approche du dernier examen spécial du second trimestre, Horikita avait un problème de taille : elle devait succéder à Nagumo au poste de président du Conseil. Le lendemain de sa nomination, elle décida d’agir immédiatement après les cours. Comme attendu, elle m’avait demandé de venir et je l’attendis dans le couloir à l’extérieur de la salle de classe.

Elle était actuellement en train de tenir une petite réunion avec nos camarades de classe. Le Conseil avait quelques affaires à régler, mais nous ne pouvions pas négliger nos préparatifs pour l’examen spécial à venir. J’hésitais à partir, mais je voulais éviter de subir son courroux. Après une dizaine de minutes de réflexion sur cette fâcheuse éventualité, elle se présenta sans s’excuser.

Horikita — Eh bien, allons droit au but, veux-tu ?

Moi — As-tu terminé la réunion stratégique ?

Horikita — J’ai eu une discussion approfondie avec Hirata-kun et les autres hier. Aujourd’hui, je n’ai fait qu’écouter le rapport. Heureusement, la plupart de nos camarades sont très motivés, et Dieu sait que les révisions ne sont pas leur tasse de thé. De nombreux signes indiquent que nous allons dans la bonne direction. Par exemple, l’ascension de Sudou-kun alors qu’il était bon dernier de la classe l’an passé, la pression mentale due au retrait de Sakura-san, la différence de points entre la classe A et la nôtre qui est surmontable, et notre confrontation directe avec Sakayanagi qui se profile.

À la mention du nom d’Airi, Horikita me jeta un coup d’œil bref.

Moi — Ça te travaille toujours ?

Horikita — Je ne suis pas insensible à ce point. Ça me touche.

Moi — Tu es parfaitement capable de garder la tête haute à mon avis. Avec le temps, tu devrais être en mesure de complètement digérer ce qui s’est passé, Horikita.

Alors que je commençais à m’éloigner, elle me suivit, visiblement troublée.

Horikita — Nagumo-senpai m’a dit que tu coopérerais avec moi, ce qui me rassure un peu je dois dire.

Moi — C’est bien de voir le verre à moitié plein, mais sache que ça ne m’enchante pas du tout.

Ça n’allait pas être facile dans le futur si elle me pensait à sa disposition.

Moi — Je pense que je n’ai pas besoin d’expliciter ma pensée, tu as déjà compris.

Horikita — En effet. Il semblerait que tu aies gardé le silence volontairement lorsque je t’ai demandé de m’aider. Tu allais ignorer l’ordre de Nagumo-senpai si je ne t’avais pas parlé, n’est-ce pas ?

Elle sous-entendit qu’elle était déjà au courant de la situation.

Moi — Si tu avais de la considération pour moi, tu m’aurais ignoré.

Horikita — Effectivement.

La réponse immédiate anéantit mes plans pour trouver une porte de sortie. Récemment, sa façon de me traiter s’était quelque peu affinée, sans que je puisse dire si c’était en bien ou en mal.

Horikita — Mais ne t’inquiète pas. Je ne vais pas passer des jours et des jours à essayer de rassembler des membres. J’ai déjà sélectionné quelques candidats hier, et j’aimerais prendre une décision aujourd’hui. Le Conseil est important mais nous avons un examen spécial à venir sur lequel je dois me concentrer davantage.

J’ai été soulagé d’entendre qu’elle était prête à prendre une décision qui nous serait bénéfique à court terme.

Moi — Tu dois choisir un élève de seconde et de première, c’est ça ?

Horikita — Oui, et lors de mon autre réunion avec le Conseil, on a encore été plus précis sur les critères : l’exigence minimale est que l’élève ait un B ou plus en aptitude académique dans l’OAA.

Moi — Logique, tu me diras.

Il semble que la contribution sociale n’ait pas été retenue, de sorte à opérer un écrémage assez large des candidats potentiels.

Horikita — Tiens tiens, il me semble que quelqu’un a maintenant une aptitude académique de B dans l’OAA. Je me demande bien qui c’est…

Moi — Deux secondes. Je dois aller vomir !

Horikita — Détends-toi, hein, c’est une blague.

Moi — Je suis sûr que tu es sérieuse.

Horikita — Tout d’abord, je me dois de trouver un remplaçant à Ichinose. Mais sois rassuré, je ne te choisirai pas.

Moi — J’espère bien. Alors, tu as quelqu’un en tête c’est ça ?

Horikita — Oui. Les seules conditions pour être membre du Conseil sont de ne pas faire partie d’un club et avoir une note de B ou plus en aptitude académique. Le reste est laissé à l’appréciation du président.

Tant que les critères étaient respectés, Horikita était libre dans son choix.

Horikita — Il faut des membres aux compétences variées.

Pour le bien du Conseil, les élèves ne pouvaient pas être choisis au hasard.

Horikita — Je vais continuer ma stratégie agressive car je ne compte pas faire entrer un première d’une autre classe. Il faut que nous ayons la main mise sur les points gagnés au Conseil.

Elle voulait maximiser nos gains, aussi infimes soient-ils.

Moi — Il faut donc absolument quelqu’un de notre classe.

Horikita — C’est exact. Même si cela fait un peu conflit d’intérêt, ce n’est pas interdit.

J’avais, de ce fait, compris pourquoi nous attendions ici.

 Kushida — De quoi voulais-tu me parler, Horikita-san ?

Elle sortit de la salle de classe et s’approcha de nous. Horikita me fit un bref signe du regard, comme pour me demander ce que j’en pensais. Kushida était certainement une élève très appréciée dans la promo. Elle attirait aussi bien physiquement qu’humainement et avait un niveau académique supérieur à B. Elle avait également l’habitude d’effectuer plein de tâches différentes. Cependant, personne ne pouvait se douter que Horikita et Kushida étaient comme l’huile et l’eau.

Horikita — En fait, j’ai une faveur à te demander.

La question qu’elle allait poser s’apparentait à un acte dangereux qui consistait à verser beaucoup d’eau dans une marmite remplie d’huile.

Horikita — Pour information, il a été décidé qu’Ichinose-san quitterait le Conseil des élèves.

Kushida — Qu’est-ce que… ? Il y a eu un problème ?

Horikita — C’était pour des raisons personnelles.

Kushida essayait encore de comprendre. L’huile commençait à chauffer mais la température n’était pas encore très élevée.

Horikita — Il y a maintenant un poste vacant alors je me demandais si tu pouvais le remplir.

Il n’en fallut pas plus pour que l’huile commence à bouillir comme si elle cherchait à repousser l’eau ?

Kushida — Nagumo sera toujours le président ?

Horikita — Non, et comme je suis la seule élève de première, je le succéderai par défaut.

Kushida — Horikita-san, tu seras donc la présidente.

Horikita — C’est ce qui est prévu, si tout se passe bien.

Kushida semblait un peu surprise par cette nomination soudaine mais ce n’était pas le plus important. Elle savait que c’était soit elle, soit Ichinose.

Horikita — Voilà pourquoi je cherche à recruter. Tu as clairement les capacités pour faire partie du Conseil et je suis sûre que tu t’en sortiras avec brio.

Beaucoup d’eau et d’huile avaient déjà commencé à éclabousser la marmite, suffisamment pour provoquer des brûlures si l’on s’approchait.

Kushida — Si je rejoins le Conseil, je serai ta secrétaire en gros ?

 Kushida exprima ses premières inquiétudes à ce sujet.

Horikita — Je n’ai pas encore décidé de ton rôle, mais nous verrons.

Kushida — Hahaha, franchement j’ai bien ri !

Malgré son sourire habituel, l’atmosphère était pesante. Comme si Kushida lui disait qu’elle pouvait toujours rêver.

Horikita — Si tu es motivée, je serais même prête à t’élire comme vice-présidente maintenant.

Kushida — Hum, tu sais bien que ce n’est pas la question.

Bien que subtile, il était clair qu’elle suggérait que cette conversation était une perte de temps.

Kushida — Je ne crois pas être apte pour ce rôle.

Comme nous étions dans le couloir et donc à la vue des élèves, la seule excuse qu’elle pouvait donner pour refuser était son inaptitude.

Horikita — Si on en croit l’OAA, tu es appréciée par de nombreux élèves et ce, peu importe l’année. Tu pourras aussi facilement t’entendre avec les seconde qui arriveront l’an prochain. Le Conseil veut te recruter car ton profil est très intéressant.

Elle insista sur le fait qu’elle n’essayait pas de manipuler Kushida de quelque manière que ce soit, mais qu’elle était sincèrement intéressée par sa sociabilité. Pour Kushida, cependant, cela ne faisait aucune différence : travailler pour Horikita était inacceptable.

Kushida — Ça me fait plaisir mais ce sera vraiment difficile. Je n’ai aucune expérience dans ce genre d’administration.

Horikita avait été persévérante mais cela n’allait pas être facile. Kushida avait du mal à accepter l’idée de travailler sous les ordres de Horikita.

Horikita — En nous rejoignant, tu donneras à la classe un avantage, même s’il est minime. Le fait que notre classe ait deux sièges au Conseil est un plus qui peut jouer dans notre objectif pour la classe A.

Kushida — Oui. Je vois ce que tu veux dire, mais… c’est toujours impossible. Désolée.

L’intention de Horikita était de lui dire les choses au moment où les élèves sortaient de la salle pour que Kushida maintienne son masque. Auquel cas, elle aurait refusé directement.

Horikita — J’ai besoin de ton aide.

Avec cet appel plein de conviction, Horikita tendit la main vers Kushida. C’était théâtral. Les élèves qui passaient par là jetèrent un coup d’œil, se demandant ce qui se passait.

Kushida — …

Kushida continua de feindre la surprise. Elle avait du mal à rejeter la demande d’aide de Horikita. À ce moment-là, je détournai mon regard vers l’avant un petit moment.

Horikita — Qu’est-ce qui ne va pas ?

Moi — Rien.

Elle voulait savoir ce que j’avais mais je ne voulais pas l’interrompre en disant quelque chose de hors sujet. Il y eut une légère pause mais Horikita continua à parler devant une Kushida silencieuse.

Horikita — Je ne te demande pas de travailler pour moi. Je veux juste que tu m’aides à passer en classe A.

Kushida — Mais… ce pourrait être quelqu’un d’autre que moi, non ?

Horikita — Occuper un poste au Conseil te profiterait grandement.

Elle ne voulait pas être à ses ordres mais c’était une belle opportunité.

Kushida — Hmm ? Comment ça ?

Kushida n’arriva pas à suivre sa logique et demanda une explication.

Amasawa — Kushida-senpai, si tu rejoins le Conseil, les gens qui ne t’aiment pas te foutront la paix.

La réponse ne fut pas donnée par Kushida elle-même, ni par Horikita, mais par une troisième élève, Amasawa Ichika. Elle s’était rapprochée furtivement de nous depuis quelques minutes, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle s’implique soudainement.

Kushida — Puis-je savoir ce que tu fais ici ?

 Kushida, en colère, était de plus en plus acculée par son ennemi soudain.

Amasawa — Je n’ai pas le droit d’être avec mes senpai ?

Horikita — Nous sommes légèrement occupés. Tu es ici pour voir quelqu’un ?

Amasawa — Personne en particulier… Si je devais choisir… je dirais Kushida-senpai.

Kushida — Moi… ? Oh, je vois. Que veux-tu ?

Avec une veine qui lui sortait presque de la tempe, il était clair qu’elle était en ébullition.

Amasawa — Hein ? Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que tu crois que je veux ?

Kushida — Eh bien justement…

Je n’avais aucune idée de ce qu’elle pensait non plus. Est-ce que Horikita savait, à tout hasard ?

Kushida — Je suis en pleine discussion importante avec Horikita-san et les autres, là.

Amasawa — Non. Je suis sûre que tu as juste peur d’être seule avec moi, Kushida-senpai.

De toute évidence, Amasawa dit cela ouvertement pour provoquer Kushida. En voyant la dynamique entre les deux, Horikita comprit certainement tout, même les sous-entendus. Peut-être même savait-elle déjà pour ce qui s’était passé entre elles. Mais était-elle vraiment venue jusqu’ici pour voir Kushida ? Je regardai Amasawa, espérant lire en elle à travers son regard.

Amasawa — En fait, je suis venue ici pour voir Ayanokôji-senpai, mais je l’ai trouvé en train de parler avec Horikita-senpai et Kushida-senpai. C’est pourquoi je vous écoutais en secret.

Sans s’excuser, elle avoua avoir écouté aux portes.  

Moi — Depuis combien de temps écoutes-tu notre conversation ?

Amasawa — Hmm… Pas longtemps, franchement. À peu près au moment où Horikita- senpai dit, « ce n’est pas comme si je te demandais de travailler pour moi ou quoi que ce soit d’autre ». Il faut me croire !

Bien qu’Amasawa soit honnête, elle était clairement méfiante envers Kushida et Horikita, peut-être parce qu’elles ne lui faisaient pas confiance.

Moi — Elle dit vrai. Je l’ai remarquée quand elle s’est approchée.

Horikita — Je vois. C’est donc pour cela que tu avais détourné le regard pendant un moment.

Amasawa — Tu vois ce que je veux dire ? Je ne dis que la vérité !

Horikita — Pourquoi prétendre venir voir Kushida-san, alors ? Et rien ne nous dit que tu dis vrai pour Ayanokôji-kun.

Diluez un mensonge dans 99 vérités, et l’ensemble semble suspect.

Amasawa — Oui, tout à fait ! Enfin, ne te prends pas trop la tête… Persévère dans ton recrutement !

Amasawa dit cela en faisant un pas en arrière, comme si elle faisait signe de ne plus vouloir interférer.

Horikita — Bon. Mettons de côté Amasawa pour l’instant. Pouvons-nous obtenir une réponse ?

Afin de renverser la situation, Horikita ignora Amasawa pour le moment et continua d’essayer de convaincre Kushida.

Kushida — Je pense que je t’ai déjà donnée ma réponse. Je ne peux pas accepter.

Horikita — Tu ne peux pas ?

Kushida — Je suis désolée, je ne peux pas répondre à tes attentes. Le Conseil des élèves n’est pas fait pour moi…

Amasawa — Pourquoi ne pas rejoindre le Conseil, au lieu de dire ça ?

À peine 10 secondes après avoir promis tacitement de ne plus intervenir, Amasawa brisa sa promesse. Pire, elle s’emporta contre Kushida, sachant cette dernière verrouillée dans son comportement. Elle commença à toucher Kushida et à jouer avec elle, en lui tapotant la joue avec son index.

Amasawa — Tu es une jolie fille avec une belle silhouette, Kushida-senpai. Tu es aussi intelligente, n’est-ce pas ?

Elle continuait à chuchoter comme un diable, essayant de la persuader… ou même de l’agiter. Cependant, rien de tout cela n’était l’expression d’un éloge honnête.

Kushida — Quitte à continuer à parler, pouvons-nous changer de lieu…?

Même si elle continuait à refuser, Kushida semblait très stressée d’être devant autant de monde. Il aurait été plus simple de mettre fin à la conversation et de s’enfuir, mais Kushida n’était pas en mesure de le faire.

Horikita Ayanokôji-kun, pourquoi ne pas parler un peu avec Amasawa-san ?

Amasawa — Eh~ ? Essaies-tu de m’exclure de la conversation en coulisses ? Quelle froideur, senpai !

Horikita Voyons… Je te prête Ayanokôji-kun.

Horikita croisa les bras, lui disant d’être reconnaissante de ne pas l’isoler toute seule.

Amasawa — Je veux non seulement être avec Ayanokôji-senpai, mais aussi avec vous deux désormais !

Je suis sûr qu’elle avait simplement trouvé notre conversation intéressante.

Amasawa — De plus, si tu me forces à partir, je pourrais révéler de mauvais secrets.

En proférant des menaces, même si elles étaient vides, nous ne pouvions pas la faire partir de force.

Amasawa — Et si nous bougions, comme l’a proposé Kushida san ?

Horikita avait essayé de nous entourer d’un grand nombre de personnes. L’idée n’était pas mauvaise, mais la présence d’Amasawa ne simplifiait pas la situation. Elle décida donc de changer le lieu de notre petite réunion.

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Horikita emmena Kushida dans les escaliers de l’aile spéciale, vide.

Horikita Pour l’instant, cette zone ne devrait pas attirer l’attention.

Dit-elle en demandant l’approbation de Kushida.

Kushida — Eh bien, tu sais….

Kushida soupira, n’ayant probablement même pas envie de la suivre.

Amasawa — C’est un endroit sûr. Si quelqu’un s’approche, tu le sais tout de suite, n’est-ce pas ?

Kushida — Tu me suis vraiment partout, Amasawa-san.

Amasawa — Je suis curieuse de savoir si tu vas rejoindre le Conseil.

Elle n’allait probablement pas partir sans avoir le fin-mot de l’histoire.

Kushida — Une si grosse truie, ça existe ? Moi qui croyais être servie avec Horikita !

Kushida, finalement à l’abri des regards indiscrets, semblait hors d’elle. Sans crier gare, elle montra son vrai visage. Être moins bien classée dans son estime que Horikita, il fallait le faire ! Pendant que Kushida lui jetai un regard glacial, Amasawa souriait comme jamais elle ne l’avait fait depuis le début de la journée.

Amasawa — J’aime voir cette expression sur ton visage.

Amasawa applaudit de tout cœur, comme s’il était enfin temps de s’amuser.

Amasawa — Je suis si heureuse pour toi~ Heureuse de te voir si libérée, décomplexée… Tu n’as donc plus peur de moi !!

Kushida — Je ne sais pas si tu essaies de jouer avec mes nerfs, mais t’as pas autre chose à foutre ?

Amasawa — Et pourquoi pas ? Après tout, je pourrais te causer bien des ennuis encore, ce serait chouette !

Amasawa avait décidé de rester dans ce lycée. Son plaisir allait-il se résumer à persécuter Kushida ? Cherchait-elle vraiment Kushida en se baladant du côté des première ?

Kushida — Tu te crois intouchable, c’est ça ?

Amasawa — Quoi ? Qui pourrait m’expulser ? Je suis curieuse…

Horikita — Arrêtez ! Amasawa-san, tes taquineries sont excessives…  

Certes, Amasawa s’était montrée particulièrement odieuse aujourd’hui, provoquant Kushida sans limites. Mais je ne voulais pas être impliqué dans la sélection des membres du Conseil trop longtemps.

Moi — Si tu continues, Horikita aura des problèmes. S’il te plaît, arrête de faire ça.

Amasawa — Si tu le dis ~, Ayanokôji-senpai. Je vais être une fille sage.

Dit-elle en levant les mains pour indiquer qu’elle ne se moquerait plus.

Horikita — Kushida-san, oublions-la un instant… Pourrais-tu reconsidérer l’idée de rejoindre le Conseil ?

Kushida — Non.

Horikita — Même si j’insiste ?

Kushida — J’ai pas envie. Bon, je peux me tirer ?

Voyant que Kushida essayait de s’en aller, je décidai d’intervenir.  

Moi — Je pense que nous devrions donner à Kushida des éléments plus concrets, non ?

Horikita — …Plus concrets ?

Moi —Il est vrai que Kushida-san aurait tout intérêt à rejoindre le Conseil. Mais en même temps, tu seras la première à profiter de sa présence. Il est inévitable que la personne invitée se pose des questions.

Horikita — Eh bien, tu sais…

Kushida me regarda brièvement, avant de détourner les yeux brusquement.

Kushida — Je pense qu’il est naïf de demander une faveur gratuite.

Kushida lança ces mots à Horikita comme si elle profitait de mon impulsion.

Horikita Alors si on marchandait, tu pourrais accepter ? Oh, et inutile de me demander de quitter l’établissement, c’est bien évidemment hors de question.

Kushida l’avait peut-être envisagé, mais il y avait bien sûr des limites. Qu’est-ce qu’elle allait pouvoir lui réclamer ?

Kushida — Si tu veux vraiment mon aide, prosterne-toi.

Horikita — Me prosterner ?

Kushida — Oui. Si tu me supplie de cette façon, j’y réfléchirai… Non, je rejoindrai le Conseil à 100% !

Kushida garantissait carrément de rejoindre le Conseil si cela se faisait. C’est-à-dire qu’elle partait du principe que Horikita n’allait jamais se prosterner. Mais cette dernière n’était pas aussi orgueilleuse qu’elle ; jamais Kushida ne pouvait envisager faire une telle chose, peu importe la raison.

Horikita — Oui, se prosterner… Je vois…

Horikita grommela et s’assit sur le sol froid du couloir.

Kushida — Quoi ? Tu bluffes ?

Horikita — Si je fais ça, tu accepteras de nous rejoindre. Tu me l’as promis, n’est-ce pas ? Ayanokôji-kun et Amasawa-san sont tous deux témoins. C’est maintenant ou jamais si tu veux revenir en arrière…

C’était comme si elle allait vraiment le faire pour que Kushida se joigne à elle. Horikita dégageait une telle impression de sérieux que Kushida, qui était censée avoir le dessus, ne savait plus où donner de la tête.

Kushida — … Tu déconnes ? Tu ne ferais jamais ça pour moi.

Horikita — Et pourquoi pas ? Cela peut te paraître invraisemblable, mais je n’ai rien de spécial contre toi. Et si cette prosternation est bénéfique pour la classe, alors cela en vaut la peine.

Horikita répondit avec sérieux, son regard caractéristique. Ayant promis qu’elle n’interviendrait pas, Amasawa observait tranquillement la situation et semblait s’en réjouir.

Kushida — Non, tu ne peux pas faire ça ! Tu ne peux pas !!!

Malgré son hésitation, Kushida en vint à la conclusion qu’elle ne le ferait pas.

Horikita — Alors… Je te supplie de rejoindre le Conseil ?

En disant cela, Horikita commença à tendre lentement ses mains comme si elle allait les poser sur le sol. Mais en plein mouvement, elle s’arrêta net.

Kushida — Qu’y a-t-il, Horikita-san ?

Elle l’appela joyeusement. Elle pensait que Horikita avait arrêté de bouger par honte.

Horikita — Dois-je aller si loin ? Tu serais vraiment satisfaite ?

Kushida — Hein ?

Horikita — Tu travaillerais pour moi juste pour une contrepartie aussi triviale. Ce serait bien toi la perdante !

Certes, elle allait momentanément jouir de l’image de Horikita se prosternant. Mais contre un plaisir passager, elle allait devoir l’assister activement au Conseil. L’échange n’était pas en faveur de Kushida. 

Horikita — Je sais que tu ne m’aimes pas. Je comprends que tu veuilles que je me mette à genoux. Mais je pense que tu aurais plus de satisfaction en me voyant me prosterner par nécessité, pas uniquement parce que tu me l’as demandé. Non ? 

D’après son petit jeu, Horikita ne voulait certainement pas se prosterner devant Kushida. Cette dernière avait donc vu juste. Mais Horikita ne le laissait absolument pas transparaître, au contraire.

Kushida — Je ne comprends pas. Si tu es d’accord, pourquoi ne pas le faire rapidement ? Oublie la satisfaction, tu as juste à t’exécuter pour que je te rejoigne.

De toute évidence, Kushida n’était pas facile à convaincre. Elle n’allait pas rejoindre le Conseil sans condition. Il était normal qu’elle insiste sur ce point.

Horikita — Regarde-toi. Tu avais la trouille que je le fasse réellement, tout simplement car tu n’as aucune envie de rejoindre le Conseil. Je ne veux pas que tu deviennes membre sans conviction.

Horikita voulait certainement d’une Kushida Kikyô au top de ses capacités au conseil. Autrement dit, elle devait en avoir un minimum envie.

Horikita — Si tu rejoins le Conseil des élèves, nous aurons de multiples occasions d’interagir et d’étaler tes compétences. Lorsque cela se produira, je devrai me prosterner devant toi à plusieurs reprises, pas juste une fois ou deux.  

Plutôt que Kushida l’oblige à se prosterner une fois de manière si anecdotique, elle pouvait créer les situations dans lesquelles Horikita allait se sentir obligée de le faire. Et cette observation ne semblait toujours pas plaire à Kushida.

Kushida — Le résultat sera le même : je serai ta secrétaire.

Horikita — Tu sembles penser que tu travailleras sous ma direction mais tu te trompes. Ce n’est pas la position qui détermine le véritable statut d’une personne, mais plutôt les relations entre les gens. Il s’agit simplement de construire une relation où le vice-président a plus de pouvoir réel et d’influence que le président.

Horikita enchaîna.

Horikita — Une nouvelle devient soudainement vice-présidente et a la possibilité de faire de la présidente sa marionnette… Je suis sûre que ça devient plus intéressant d’un coup, non ?

Comme nous avions déjà disséqué Kushida, nous savions ce qu’elle cherchait et ce qu’elle voulait. De ce point de vue, il était clair une fois de plus que Kushida était la bonne personne pour le Conseil.

Kushida — Je n’aime pas ça.

Horikita — Tu apprendras à aimer ça sur la durée.

Kushida se détourna de Horikita, prête à se prosterner à tout moment, avec un regard sinistre.

Kushida — Ma position sociale sera plus élevée si je rejoins le Conseil. Ce ne serait pas une si mauvaise chose.

Horikita — Tu vois, tu as beaucoup à y gagner…

Kushida — Je déteste me laisser influencer par des mots doux, mais tu suggères que je pourrais t’utiliser de la même façon que tu m’utiliserais ?

Horikita — Oui…

Horikita sourit finement et tenta de retirer ses mains tendues, mais…

Kushida — Mais tu sais, Horikita-san, j’aimerais quand même te voir à l’œuvre ici !

Répondit-elle en se retournant avec un grand sourire.

Horikita — Ce ne serait donc pas par nécessité…

Kushida — T’inquiète, nous aurons d’autres occasions. Pas vrai ?

Le plan de Horikita semblait parfaitement se dérouler, mais tout s’écroula à la dernière minute. Kushida, désormais plus résolue, avait retourné la situation contre Horikita, révélant un peu plus sa mauvaise nature.

Kushida — Ah, tu vas refuser ? Alors je ne rejoindrai pas le Conseil.

Quand Kushida réalisa qu’elle avait l’avantage, elle s’était mise à agir de façon décomplexée. C’était assez casse-gueule pour Horikita d’essayer de faire entrer Kushida, qui était à l’origine en conflit avec elle, dans le Conseil des élèves sans contrepartie. En cas de refus, Kushida risquait de rejeter l’offre. La partie était peut-être perdue d’avance.

Horikita — Ayanokôji-kun et Amasawa-san…

Moi — Oui ?

Horikita — Je suis désolée, mais pourriez-vous nous excuser un instant ?

Horikita, visiblement de mauvaise humeur, nous demanda de partir. Elle ne voulait certainement pas de spectateurs à ce moment humiliant.  J’emmenai Amasawa avec moi.

Ainsi, Horikita avait réussi à convaincre Kushida de rejoindre le Conseil des élèves. Mais rien n’est tout à fait gratuit dans cette vie.

2

Amasawa — Oh~ Comme j’aurais aimé voir ça, Horikita-senpai se prosternant devant Kushida-senpai…

Horikita — N’en dis pas plus. C’était une erreur fatale.

Se tenant la tête, Horikita trembla de colère en se remémorant la scène d’il y a quelques minutes.

Moi — Kushida est la grande gagnante, même si tu l’as voulu.

Horikita — J’ai sous-estimé son besoin de reconnaissance.

Amasawa et moi avions vu à quel point le visage de Kushida était heureux quand elle repartit.

Horikita — J’ai été forcée de me prosterner.

Amasawa — …Pourtant, à la fin, Kushida-san a dit oui, et c’était sa décision. Elle a l’autodiscipline nécessaire pour dire non si elle n’en a pas envie. Tu le sais, n’est-ce pas ?

Horikita — C’est impressionnant qu’elle ait vu aussi loin, cependant.

En apparence, elle souriait à tout le monde. Mais dans le fond, les actions de Kushida étaient dictées par la recherche de son intérêt personnel. Cette situation était l’occasion parfaite pour la vraie Kushida de s’exprimer, et elle ne s’en était pas privée ! Toutefois, Kushida aurait pu rejeter l’offre après avoir eu ce qu’elle voulait, mais elle avait fini par accepter. Certainement parce que rejoindre le Conseil lui était bénéfique, tout simplement.

Horikita — Je sais qu’elle détestera de tout son cœur travailler pour moi, mais ce n’est pas ce qui est important. Rejoindre le Conseil augmentera certainement sa capacité de cohésion. Ce sera aussi un excellent tremplin pour qu’elle retrouve sa place dans la classe, les derniers évènements l’ayant plutôt esseulée.

Moi — Tu as l’intention d’utiliser Kushida au maximum.

Horikita — Bien sûr, j’ai fait le choix de la garder. Il faut que la classe en voie les résultats. Elle m’a même fait me prosterner !

Il semblait que l’acte de se prosterner était encore présent dans son esprit. Pourtant, elle n’y pouvait rien, car il s’agissait d’une erreur générée par sa propre stratégie. Si Horikita ne s’était pas prosternée dans cette situation, Kushida ne l’aurait pas rejointe.

Moi — Tu aurais dû trouver une autre façon de contre-attaquer.

Horikita — N’en parlons plus. J’en tirerai le meilleur parti, à l’avenir.

Le mal était fait, mais c’était un début. Tout le monde ne pouvait pas être membre du Conseil. En y faisant siéger Kushida, nous pouvions lui faire sentir qu’on avait besoin d’elle dans la classe et l’empêcher de se sentir exclue. Elle le savait aussi. Cependant, elle ne pouvait accepter une situation où elle allait finir à la solde de Horikita car sa puérilité l’en empêchait.

Amasawa — Maintenant, votre classe va dominer le Conseil des élèves pendant deux ans. C’est un avantage certain.

Horikita — Tant que le président du Conseil, Nagumo, le permet.

Moi — Il l’a dit lui-même, que tu étais libre d’amener qui tu voulais de ta propre classe.

Horikita — Oui, mais cela incluait la nuance suivante : « Si j’ose ». 

Moi — Alors tu devras le lui montrer !

Horikita — À t’entendre, ça a l’air si facile.

Horikita avait beau arborer une expression méfiante, ce qu’elle disait et ce qu’elle faisait s’opposaient : elle n’avait pas hésité à intégrer Kushida dans ses rangs pour se rapprocher le plus possible de la classe A, se prosternant même pour y parvenir. Comment appeler cela autrement que du cran ?

Moi — Je pense que c’était probablement la meilleure façon de recruter Kushida.

Amasawa — Je le pense aussi !!

Amasawa montra son intérêt en réagissant de façon exagérée et en hochant la tête, derrière nous.

Horikita — Tu vas me suivre longtemps ? Le spectacle est terminé.

Amasawa — Je suis curieuse de voir qui tu comptais recruter parmi les seconde, Horikita-senpai

Horikita — On a l’air si proches que ça, toi et moi ?

Amasawa — Pourquoi pas ? Certes, nous avons eu quelques conflits, mais seulement lors d’examens spéciaux. À part ça, les senpai et les kouhai ne devraient-ils pas mieux s’entendre ?

Horikita haussa légèrement les sourcils, mais céda, peut-être parce qu’elle ne pouvait pas la forcer à s’éloigner.

Moi — Et si on mettait Amasawa au Conseil ? Son OAA est parfait.

Horikita — Amasawa-san n’est pas apte à faire partie du Conseil, même si elle n’a pas de problèmes au vu de l’OAA.

Amasawa — Quoi ? Tu pourrais au moins me faire une proposition, non ? J’y réfléchirai !!

Horikita — Je passe mon tour.

Amasawa ne semblait pas faire partie de son plan pour le Conseil. En effet, elle n’était probablement pas apte à y siéger.

Amasawa — Bon, je suppose que tu as plein d’idées du coup !

Horikita — Il y a en effet un élève mais il doit être rentré, vu l’heure.

« Un » suggérait que l’élève de seconde en question était un homme. Horikita regarda autour du bâtiment des seconde mais ne sembla pas trouver la personne qu’elle cherchait. Elle regarda de la classe A à la classe D, puis soupira.

Horikita — Il doit sûrement être parti, comme je le pensais.  

Horikita râla un peu, affirmant qu’elle avait passé trop de temps à parler avec Kushida et Amasawa.

Horikita — Mais je ne peux pas abandonner tout de suite. Je vais demander directement à ses camarades de classe. Attendez ici.

C’est sur ces mots qu’elle entra dans la classe de 2nde A. Amasawa et moi nous nous regardâmes, attendant le retour de Horikita.

Moi — Alors, c’était pour me parler ?

Amasawa — Hmm ? Oh, tu me demandes la raison pour laquelle je suis dans votre bâtiment ? Tu es curieux ?

Moi — Tu es venue et tu n’es toujours pas repartie, donc oui.

Amasawa —Pour être honnête, je suis vraiment venue voir comment allait Kushida-senpai. Tu sais, nous avons eu un accrochage un peu violent au festival, alors je me demandais comment les choses se passaient. Et Takuya était aussi une nuisance pour moi, alors…

Moi — On dirait que tu taquines beaucoup Kushida.

Amasawa tira un peu la langue et sourit.

Amasawa — Je suis la seule à pouvoir taquiner Kushida-senpai de façon aussi flagrante. Je voulais vérifier à quel point elle était forte mentalement.

Moi — Je vois. Je pensais que tu ne savais que rentrer dans le tas, mais tu es plus réfléchie que tu n’en as l’air.

Amasawa — Je pense que c’était un mauvais calcul de la part de Kushida d’impliquer les élèves de la White room. Mais paradoxalement, cela l’a aidé à sortir de sa coquille… Donc la situation lui est profitable.

Amasawa arbora un joli petit sourire.

Amasawa —Il faut bien que je sois un tant soit peu utile.

Moi — Je comprends pourquoi tu es partie lui rendre visite. Mais ça n’explique toujours pas pourquoi tu la suis.

Amasawa — Oh, simple curiosité. Puis te voir t’inquiéter pour Horikita-senpai ! Plus sérieusement, en tant que future présidente du Conseil, j’étais tentée d’observer ses charmes de près. Outre son sérieux, elle est vraiment peu commune. Rien que pour ça, pendant un moment, j’avais presque failli avoir envie de rejoindre le Conseil.  

Moi — Alors tu aurais dû être plus sérieuse. Horikita connait tes capacités après tout.

Amasawa — C’est bon. Il n’y a aucun intérêt à le rejoindre maintenant. 

« Maintenant » ? Même si la fin du deuxième trimestre approchait, Amasawa était encore en 2nde.

Avec le départ de Yagami, il lui restait encore assez de temps pour être remplaçante au Conseil. Soudainement, je repensai à la conversation que j’avais eue avec Amasawa avant le voyage scolaire.

Moi — Tu n’as pas encore abandonné l’idée, n’est-ce pas ?

Les yeux d’Amasawa devinrent aiguisés suite à cette question implicite.

Amasawa — Comme on s’y attendait, Ayanokôji-senpai. Aucune subtilité de langage ne t’échappe.

Moi — Tu as dit que tu ne voulais pas causer d’ennuis, puis que j’en avais tellement que tu m’accordais un traitement spécial.

Il n’était pas difficile de relier les circonstances de l’expulsion de Yagami au Conseil.

Moi — Cependant, tu ne m’as donné aucun indice lorsque je me suis attaqué à Yagami, n’est-ce pas ? Ce n’est pas ton genre.

Amasawa —Tu as raison. Je voulais voir si tu étais vraiment quelqu’un qui valait la peine d’être admiré.

Moi — C’est à toi de décider ce que tu veux faire. Tu es libre de te rétracter et de retourner ta vengeance contre moi.

Amasawa — Je n’agis pas seulement par bonté d’âme. Il y a une multitude de raisons et d’émotions en cause. 

Horikita, qui discutait depuis un moment avec les seconde, nous interrompit d’un air satisfait.

Horikita — Désolée de vous avoir fait attendre. Allons-y.

Horikita se mit à marcher, mais ses pas étaient un peu plus rapides que d’habitude.

Moi — Qui devais-tu rencontrer ici ?

Horikita — Je ne pense pas que tu le connaisses. Un étudiant nommé Ishigami-kun.

Moi — Ishigami ?

J’étais sûr que c’était l’Ishigami que j’avais imaginé dans mon esprit. Il n’y avait pas d’autre élève en 2nde portant le même patronyme.

Amasawa — Horikita-senpai doit être impressionnante pour avoir un œil sur Ishigami-kun, n’est-ce pas ?

Amasawa, le connaissant naturellement en tant que camarade, intervint.

Moi — C’est un bon élève ? C’est un leader de la classe ou quelque chose comme ça ?

Je décidai de feindre l’ignorance en sondant Horikita et Amasawa.

Amasawa — C’est plutôt le stratège de la classe A.

Contrairement à la plupart des autres élèves, Amasawa ne semblait pas essayer de brouiller les pistes ; elle n’avait plus rien à cacher. Je supposais donc qu’elle ne savait pas si Ishigami connaissait mon identité, mais il était tout de même dangereux de supposer.

Moi — Quel est ton lien avec lui, Horikita ?

Je ne m’attendais pas à ce que Horikita mentionne le nom d’Ishigami.

Horikita — Je l’ai à l’œil depuis un petit moment… Il a un bon niveau académique. Son OAA est top et ses camarades de classe semblent lui faire confiance. Je pense qu’il est l’un des meilleurs. Il était dans la salle de classe il y a quelques minutes alors je pense pouvoir le rattraper.

C’est pourquoi elle marchait si vite. Je me demandais un instant si suivre Horkita jusqu’à Ishigami était judicieux. Néanmoins, l’éviter aurait pu paraître encore plus bizarre, surtout si par mégarde ça remontait à lui car il se rapprocherait de l’un d’entre nous au cours d’un examen spécial, par exemple.

En arrivant dans le couloir menant au hall d’entrée, nous remarquâmes un petit groupe de garçons qui discutaient en cercle. Horikita remarqua immédiatement Ishigami parmi eux et s’approcha de lui.

Horikita — Ishigami-kun.

Ishigami se retourna à l’appel de son nom et nous fixa, Horikita et moi, d’un regard silencieux. Bien qu’il s’agisse d’une première rencontre inattendue, Ishigami ne montra aucun signe d’agitation. Au contraire, c’était comme si je n’existais pas.

Bon, la non surprise n’était pas si surprenante : vu le petit monde que constituait l’école, il devait bien se douter que nous allions nous croiser un jour ou l’autre. Les autres, même s’ils connaissaient Amasawa, semblaient un peu inquiets de voir deux première en ces lieux.

Ishigami — Puis-je t’aider ?

Horikita — Je suis venue te demander une faveur. J’aimerais t’inviter à rejoindre le Conseil des élèves, si cela ne te dérange pas.

Ishigami — …

Ishigami, réduit au silence par la demande, se tourna vers ses amis.

Ishigami — Désolé, allez-y. Je vous rejoins !

Ils devaient avoir une sortie de prévue.

Horikita — Je suis désolée. Je ne voulais pas prendre de ton temps.

Ishigami — C’est bon, Horikita-senpai. Mais pourquoi moi ?

Ishigami paraissait très poli. Il n’avait pas l’air d’être aussi insolent que lorsqu’il s’adressait à moi !

Horikita — J’ai très peu d’interaction avec les seconde. Tu es l’un des rares avec qui j’ai parlé. De plus, tu es dans la classe A et tu excelles sur le plan académique si on en croit l’OAA. Tu ne devrais pas être surpris de cette invitation.

Comme le disait Horikita, il était sans doute une personne susceptible d’être approchée pour ce genre de propositions.

Ishigami — Je suis désolé, mais je ne suis pas intéressé.

Sans même réfléchir à l’offre, Ishigami la refusa

Horikita — Pourrais-tu au moins y réfléchir ?

Ishigami — Je ne suis ni intéressé par les clubs ni par le Conseil. Je te prie d’aller voir ailleurs.

En disant cela, Ishigami nous tourna le dos et s’éloigna. Pendant un instant, Horikita sembla envisager de l’arrêter, avant de réaliser qu’elle ne pouvait pas forcer quelqu’un sans aucune conviction.

Amasawa — Tu n’arriveras à rien avec lui.

Horikita — Je pensais que c’était un bon candidat, mais je crois que je vais devoir renoncer à lui.

Moi — Il y a beaucoup d’autres bons élèves dans la classe A.

Horikita — J’aimerais le croire, mais je ne sais pas… Je pense que les élèves motivés auraient demandé à rejoindre le conseil des élèves dès le début, comme Ichinose-san l’année dernière et Yagami-kun cette année. En gros, on peut considérer que tous ceux qui ne se sont pas manifestés avant ne sont pas intéressés.

Certainement. Il aurait agi pendant la présidence de Nagumo si c’était quelque chose qui l’intéressait.

Moi — Alors… qu’est-ce qui se passe ensuite ?

Horikita — La seule chose qui reste à faire, c’est de prendre quelqu’un de la 2nde D.

Amasawa — Classe D ? Carrément ?

L’approche habituelle du Conseil consistait à sélectionner des élèves des classes A et B, comptant un pourcentage élevé d’élèves compétents et sérieux supérieur. Mais allait-elle oser choisir dans la D ?

Horikita — Pour la classe D, avoir un membre au sein du Conseil serait certainement vu comme quelque chose de bénéfique. Si tant est qu’on leur fait prendre conscience de ses nombreux avantages.

Amasawa —Pourquoi ne pas proposer à quelqu’un comme Hôsen-kun ? Cela pourrait être intéressant.

Amasawa recommanda une offre à une personne bizarre, comme si elle voulait semer le chaos au sein du Conseil.

Horikita — Je ne pense pas qu’il veuille le faire. Et quand bien même, ce serait hors de question vu son comportement. Il faudrait qu’il fasse ses preuves au cours des six prochains mois et de l’année à venir.

Elle rejeta donc calmement la suggestion. Ainsi, de retour aux sources en 2nde D, Horikita regarda les autres élèves de la classe. Une personne nous remarqua immédiatement, se levant de sa chaise et s’approcha de nous.

Nanase — Bien le bonjour, Horikita-senpai, Ayanokôji-senpai, et Amasawa-san.

Il s’agissait de Nanase Tsubasa, qui ne semblait pas à sa place dans cette 2nde D similaire à un zoo.

Amasawa — Yoo-hoo !

Nanase — Vous voir ensemble est quelque peu inattendu.

Nanase nous dévisagea, en particulier Amasawa et moi.

Horikita — Il semble que la plupart des élèves soient déjà partis.

Nanase — À l’accoutumée, mes camarades sont plus nombreux à s’attarder dans les parages.

Horikita — C’est vrai ?

Nanase — En effet. L’un de nos camarades de classe célèbre son anniversaire au centre commercial Keyaki. J’ai d’ailleurs été conviée. Néanmoins, puis-je me permettre de te demander la raison de ta présence ici ?

C’était une question sensée.

Horikita — Takuya Yagami-kun a quitté l’école, et il y a un poste vacant au conseil des élèves. Je suis ici pour trouver un remplaçant.

Nanase — Tu recrutes donc des membres pour le Conseil des élèves ?

Horikita — Je vais être la prochaine présidente du Conseil des élèves et c’est ma première tâche.

Nanase hocha la tête en signe d’admiration et regarda la classe D.

Nanase — Un élève de la classe D peut-il se porter candidat à un tel poste ?  

Horikita — Bien entendu ! Et puis, je suis initialement une élève de la classe D, il n’y a pas de raison que je refuse.

Nanase — Dans ce cas… puis-je me proposer ?!

Horikita — …Veux-tu vraiment te joindre à nous, Nanase-san ?

Nanase — Tout à fait. Si tu n’as pas de problème avec quelqu’un comme moi, je serais heureuse d’aider au Conseil.

Horikita — Je préfère tout de même te prévenir que tout ne dépend pas de moi, le président Nagumo devra valider ce choix.

Elle précisa qu’elle n’avait pas le dernier mot. Elle ne souvenait peut-être pas de l’OAA de Nanase, alors je décidai d’intervenir.  

Moi — Cela devrait le faire. Nanase a un bon indice académique dans l’OAA, puis c’est quelqu’un de sérieux. Je pense qu’elle est tout à fait adaptée au Conseil.

Horikita — Effectivement, c’est ce que je crois constater. 

Ishigami ayant décliné, Horikita ne pouvait espérer un meilleur candidat, qui plus est en 2nde D.

Horikita — D’accord, Nanase. On peut donc compter sur toi pour le Conseil ?

Nanase — Bien sûr !

J’avais des doutes sur les véritables motivations de Nanase, mais ça c’était autre chose. Si elle pouvait contribuer au Conseil, il n’y a pas de raison de refuser.

Amasawa —Tu n’as donc aucun problème à ce que Nanase-chan rejoigne le Conseil, n’est-ce pas ?

Horikita — Oui. Elle a plus le profil que toi !  

Amasawa — Tu te moques de moi ?

Horikita — Ne le prends pas mal. Tu es très talentueuse, mais ton franc-parler et ton attitude trop directe ne sont pas adaptés au Conseil.

Horikita hocha la tête en guise de satisfaction face à cette nouvelle recrue.

Nanase — Umm, que dois-je faire à partir de demain ?

Horikita — Alors, en théorie tout devrait aller. Mais je dois d’abord en parler au président Nagumo demain. Je te contacterai une fois que ce sera fait et que tu auras été formellement acceptée parmi nous !

Horikita échangea ses coordonnées avec Nanase. Par la suite, Nanase sourit joyeusement.

Nanase — Je suis satisfaite d’allonger ma liste de contacts !

Horikita — À demain.

Nanase — Oui, j’ai hâte d’avoir de tes nouvelles !

Nanase nous renvoya avec un sourire, et nous quittâmes la classe D.

Horikita — Nous avons réuni les membres. Il ne nous reste plus qu’à attendre la réponse du président Nagumo.

Amasawa —Eh bien, je crois que je vais rentrer chez moi aussi. À plus tard, tous les deux !

Amasawa arriva et partit en trombe, et nous la regardâmes tous les deux disparaître.

Horikita — Comme toujours, je ne comprends rien à cette fille !

Moi — Ça, tu peux le dire.

Horikita — Merci pour ton aide.

Moi — J’étais avec toi, mais je n’ai rien fait en fin de compte. Tu as fait en sorte que je ne me fatigue pas trop !

Horikita — Ce n’est pas vrai. Au moins dans le cas de Kushida-san, tes paroles semblaient l’avoir influencée. Tu as rempli ton rôle.

Elle faisait sûrement référence au moment où j’avais convaincu Kushida de négocier. 

Horikita — Je suis sûre que Nagumo ne me fera pas de compliments, mais je suis si heureuse d’avoir pu faire ce que j’avais à faire. J’en ai presque les larmes aux yeux !

Moi — Qu’est-ce que tu me fais, là ?  

Horikita — Oh, au fait, je fais une séance d’étude dans un café du centre commercial Keyaki après ça. Tu veux venir ? Ta copine y sera aussi.

Moi — Un groupe d’étude. Eh bien, je passerai vite fait alors !

Horikita — Eh ?

Horikita sembla surprise par ma réponse.

Moi — J’ai dit quelque chose ?

Horikita — Je m’attendais à ce que tu refuses, comme d’habitude. La présence de Karuizawa-san a-t-elle une telle influence ?

Ce n’était pas le cas, mais je ne voyais aucun inconvénient à ce qu’elle l’interprète ainsi.

Moi — Je pense que oui. Ce qui me préoccupe, c’est de savoir si elle apprend correctement ou non.

Je répondis et décidai d’aller au café avec Horikita.

3

Nous arrivâmes à la réunion du groupe d’étude au café après les cours

Horikita — Désolée de vous avoir fait attendre.

Elle avait dit cela avant de finir par rejoindre les camarades. Socialement, elle s’était vraiment beaucoup améliorée.

Karuizawa — Oh, Kiyotaka est là aussi !

Kei, qui regardait son cahier avec peu d’envie, me remarqua et sourit.

Moi — Désolé, je suis là en coup de vent.

Karuizawa — Eh ?

Kei ne couvrit pas son mécontentement mais n’en fit pas tout à plat. C’est en grande partie parce que je lui avais déjà dit hier qu’elle devait participer activement aux séances d’étude et que je ne l’aiderai plus.

Sudou — Oh, désolé du retard !

Peu de temps après notre arrivée, Sudou se présenta au café, la voix rauque, fatigué par la course.

Horikita — Cela doit être dur avec les activités de club.

Sudou — Ce n’est pas grave, j’ai l’habitude.

Le regard de Sudou fut captivé un instant par la vue de Horikita, mais il s’assit rapidement sur un siège vide à proximité. Il posa ensuite son sac sur ses genoux et y déposa un ensemble de documents. Ensuite, il sortit un étui rectangulaire pour en extraire une paire de lunettes.

Horikita —Tu portes des lunettes, Sudou-kun ?

Sudou — Ah, ça fait un moment. Je pensais les porter pour les révisions mais c’est histoire de.

En général, les personnes ayant une bonne vue utilisent rarement des lunettes. Toutefois, avoir une bonne vue ne signifiait pas qu’on ne pouvait jamais en porter.

Contrairement au basket, où il faut savoir observer en prenant du recul, les études sollicitaient la vision de près ce qui peut être très fatigant pour les yeux. De nombreux élèves, dont Kei, étaient encore surpris de voir Sudou aussi studieux alors qu’il avait peu participé aux séances collectives.

Ike — Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Shinohara — Tu as l’air bien différent avec tes lunettes. Tu as commencé à étudier sérieusement n’est-ce pas ?

Shinohara, admirative de son petit-ami, avait dit la chose après avoir attiré son attention en lui touchant les côtes.

Ike — J’essaie en tout cas !

Shinohara — Mais il y a encore un grand fossé entre Sudou et nous.

Ike — C’est…eh bien, oui…

Ike tenta de discuter mais ses mots cinglants le firent acquiescer.

Shinohara — Oh, désolée, ce n’est pas mon genre de trop blablater mais tu as des conseils à nous donner Sudou ? Je veux atteindre le même niveau que toi. Mais ça doit être difficile de concilier le basket et les études en même temps, non ? Tu fais comment ?

Certains élèves hochèrent la tête et voulaient en savoir plus. Il est vrai que pour les élèves peu doués, des gens comme Yôsuke, Mii-chan et Horikita devaient passer pour des génies. Leurs conseils pouvaient ne pas faire l’unanimité car tout leur réussissait dans tous les cas. En comparaison, Sudou était au départ le moins doué de sa classe. Il était naturel qu’il soit le plus crédible pour aider.

Sudou — Des conseils…

Sudou croisa les bras, quelque peu troublé. Horikita était à l’origine de ses habitudes de révision et cela le motivait d’étudier afin de devenir digne d’elle. Cependant, Sudou aurait eu du mal à l’expliquer dans ce scénario.

Sudou — Ah, je suppose…

Pendant un moment, Sudou resta silencieux, mais il sembla commencer à formuler quelque chose dans sa tête. Il commença à parler, même s’il se sentait encore mal à l’aise.

Sudou — Bizarrement, j’ai commencé à aimer étudier. Ça a rendu le basket plus intéressant… un truc du genre ?

Il a commencé à leur expliquer pourquoi il était capable de faire les deux et qu’il y avait d’autres avantages à étudier.

Sudou — Au début, je n’aimais pas étudier. Je m’endormais rapidement et aucun exo n’était simple à résoudre. Mais plus on apprend, plus on se rend compte de l’utilité des études.

Ike — Mais Ken, étudier n’est pas essentiel non plus pour le futur. Selon le métier que l’on exerce, cela peut ne servir à rien du tout, non ?

Ike lui posa une question que tout le monde s’était au moins posé une fois.

Sudou — Je compte moi-même devenir basketteur professionnel, alors je me suis dit que les études n’étaient qu’une distraction. Mais si je n’y arrivais pas ? Quel travail je ferais si j’ai même pas les études de mon côté ? Je me retrouverais à faire un métier accessible à tous.

Il n’est pas nécessaire de nommer des professions spécifiques mais il était clair que les choix étaient plus que limités sans diplômes.

Sudou — Devenir pro c’est pas donné à tous alors étudier donne au moins des options. On peut aller à la fac et se spécialiser. Je n’ai pas encore de plan concret.

Nous n’étions pas obligés de nous concentrer sur un seul rêve.

Sudou — Étudier, c’est investir dans son avenir. C’est ce que je pense.

Même si Sudou n’avait pas l’intention de revenir sur ce futur de basketteur professionnel qu’il convoitait depuis de nombreuses années, il ne comptait pas se laisser distancer dans la vie au cas où il n’atteindrait pas son objectif. Il avait vraiment mûri au fur et à mesure de ses séances de révision.

Alors que les personnes qui l’entouraient auraient pu rire de ces paroles par le passé, elles écoutaient désormais chaque mot avec sérieux. Cela prouvait le poids de ses paroles, pointant une nouvelle ère pour Sudou. Il se rassit d’un air déterminé et ouvrit sans attendre son carnet de notes.

Sudou — On a assez parlé, hein ? Il est de temps de commencer les révisions.

Sudou, qui aurait dû être plus fatigué que quiconque en raison de sa participation aux activités les plus difficiles du club, ne montrait aucune once de recul. Il allait de l’avant sans rechigner.

Il n’était pas du genre à faire des discours, c’est pourquoi, ses paroles ne pouvaient se cacher derrière des petits mensonges et cela touchait le cœur des gens.

Je suis sûr que les élèves les moins bien classés comme Shinohara et Ike étaient également très touchés.

4

Le lendemain, après les cours, alors que les nouveaux membres du Conseil avaient été choisis et que la session d’étude pour l’examen spécial avait commencé, Horikita fut immédiatement appelée par Nagumo et se rendit à son bureau. Je pensais ne plus jamais entendre parler de lui, mais…

Horikita — Il t’a demandé de venir avec moi.

Elle me montra l’écran de son téléphone avec le message de Nagumo.

Moi — J’ai mal au ventre comme hier. Je vais passer mon tour.

Horikita — Alors, on ne peut rien y faire. Mais si tu ne peux pas venir, tu penses bien qu’il te rappellera plus tard.

Moi — Bon, finissons-en.

Il était tout à fait possible qu’après une longue période de temps, je sois à nouveau chargé de tâches plus fastidieuses. Elle se leva immédiatement, avec l’intention de se rendre au bureau du Conseil, mais s’arrêta.

Horikita — Kushida-san vient aussi avec nous. Attendons un peu.

Il semblait qu’elle allait présenter les nouveaux membres en même temps que les autres. Je cherchai Kushida, la pensant dans la classe, mais elle n’était pas là.

Horikita — Nous devrions peut-être l’attendre au bureau.

Je quittai la salle de classe avec Horikita, exaspérée.

Moi — Tu ne veux pas y aller avec elle ?

Horikita — Nous passerons de toute manière assez de temps ensemble lorsque les activités du Conseil démarreront.

Elles cherchaient ainsi à s’éviter autant que nécessaire.

Horikita — C’est ennuyeux quand les rancunes se forment et durent sans raison, n’est-ce pas ?

Moi — Si tu avais été un peu plus facile à vivre, qui sait ce qui se serait passé.

Horikita — Cela aurait été pire à mon sens. Il est dangereux de laisser quelqu’un d’autre en permanence avec le contrôle.

Elle avait raison de dire que Kushida avait besoin d’être maîtrisé dans une certaine mesure. Lorsque j’arrivai dans le bureau du Conseil, je vis au loin Kushida et Nanase se tenir côte à côte. Qu’elles se connaissent ou non, elles semblaient s’amuser grâce à leur capacité naturelle à socialiser.

Horikita — Elles ont l’air de passer du bon temps.

Les observant toutes les deux, elles se parlaient comme si elles se connaissaient bien. Calmes et souriantes, si on ne venait pas les interrompre, elles pourraient continuer à bavarder indéfiniment.

Moi — Je pense que le Conseil peut très bien marcher sans toi Horikita. Je suis sûr qu’elles seront très bien reçues par les gens.

Horikita — Peux-tu te taire ? On y va.

Sans perdre plus de temps, Horikita s’approcha rapidement d’elles.

Nanase — Bonsoir, Horikita-senpai.

Nanase inclina la tête poliment tandis que Kushida afficha un grand sourire.

Kushida — J’ai été soulagée tout à l’heure d’apprendre que Nanase-san rejoignait le Conseil. Il faut dire que j’étais très inquiète de savoir qui d’autre allait se joindre à nous.

Kushida se tapota la poitrine, soulagée, tout en disant quelque chose que nous ne nous attendions pas à entendre. Les trois membres du Conseil entrèrent ainsi dans le bureau. Je me sentais un peu mal à l’aise de les suivre ici, mais comme j’avais été invité, je n’avais pas le choix.

Horikita — Président Nagumo, voici Kushida Kikyô en première B et Nanase Tsubasa en seconde D. Ce sont les membres que j’ai choisis.

Nagumo et Kiriyama saluèrent Horikita, qui expliqua la situation au nom du Conseil.

Nagumo — Sérieusement ? Tu as vraiment choisi une camarade ? Tu es très effrontée, Suzune.

Nagumo se mit à rire.

Horikita — J’ai été complètement impartiale. Ce n’est pas bon ?

Plutôt que d’admettre qu’elle voulait avoir l’avantage pour sa classe, elle opta pour le mensonge. La raison pour laquelle Horikita avait choisi Kushida était évidente, mais Nagumo préféra afficher un sourire approbateur.

Nagumo — Il n’y a rien de mal. Je n’ai rien à redire.

Cela faisait bizarre de voir une nouvelle équipe. Nagumo et Kiriyama allait partir, Yagami avait été exclu et Ichinose avait posé sa démission.

Kiriyama — C’est la première fois qu’il y a le ratio homme/femme penche autant pour ces dernières dans toute l’histoire du Conseil.

Kiriyama, le vice-président, remarqua la chose en regardant la liste.

Nagumo — Il n’y a pas de problème. À notre époque, les hommes et les femmes sont égaux. C’est juste que les esprits les plus brillants de cette génération sont des femmes. N’est-ce pas, Ayanokôji ?

Kiriyama — Pas que ce soit un souci.

L’augmentation du nombre de filles n’était pas une mauvaise chose. Toutefois, si le rapport idéal entre les filles et les garçons est de 1 :1, on pouvait dire que cette situation reflétait une insuffisance réelle du côté des garçons à s’illustrer.

Nagumo — Fais preuve d’équité dans ta gestion.

Horikita — Oui, Président Nagumo.

Nagumo — Eh bien, je suppose que je suis relevé de mes fonctions de président maintenant.

Il tapota le fauteuil de président comme s’il hésitait à partir et se leva.

Nagumo — C’était à la fois long et court. Je ne saurais expliquer.

Horikita — As-tu des regrets ?

Voyant la mine déconfite de Nagumo, Horikita demanda la chose.

Nagumo — Je voulais créer un environnement dans lequel les élèves talentueux pouvaient obtenir leur ticket en classe A quel que soit leur point de départ. Mais je n’ai pas pu atteindre cet idéal.

Lorsque Nagumo avait pris ses fonctions, il avait fortement insisté sur cet aspect. Ainsi, le système avait été changé durant son mandat mais si la situation était ce qu’elle est, c’était plus dû aux règles qu’il avait mises en place qu’en sa capacité de président du Conseil.

Nagumo — Le Conseil ici a plus d’autorité que dans un lycée normal. Mais malgré cela, il est impossible d’annuler les décisions de l’école de quelque manière que ce soit. J’ai pensé que je pouvais faire plus.

Horikita — Il n’en reste pas moins que tu as eu une certaine influence. Auparavant, il n’y avait pas de règles comme les tickets de transfert ou les points de protection.

Nagumo — Je suppose.

La question de savoir si ces changements produiront de bons résultats sera examinée par les générations à venir. Horikita Manabu a été président et a défendu les traditions de l’établissement. Nagumo Miyabi a créé l’OAA et a apporté un nouveau souffle en mettant davantage l’accent sur le mérite. Quel genre de leader allait être Horikita Suzune ? L’objectif le plus évident et le plus difficile à atteindre serait d’être diplômé de la classe A après être parti de la D. Si elle y parvenait, elle laisserait sans aucun doute son nom dans l’Histoire de cet établissement.

Kiriyama — Nous avons de la paperasse à finir. Ayanokôji, tu peux partir.

Moi — J’y vais alors.

Nagumo — À plus tard, Ayanokôji. Notre duel n’est pas encore terminé.

On dirait qu’il m’avait fait venir ici juste pour me rappeler la chose.

Moi — Je comprends.

Après m’être incliné légèrement, je quittai le bureau du Conseil, laissant Horikita et les autres. Je partis ainsi en direction du bâtiment des cours. Mon téléphone portable vibra plusieurs fois dans la poche, me signalant que j’avais reçu des messages. Il s’agissait d’une invitation de la part d’une personne inattendue qui voulait me voir pendant mon temps libre.  Elle voulait me voir un weekend où j’étais libre. Ayant rendez-vous avec Kei le dimanche, j’optai pour le samedi.

Le temps d’atteindre la porte d’entrée, je reçus un message m’indiquant une heure et un lieu de rendez-vous précis : 14h samedi au centre commercial Keyaki. Je lui confirmai ainsi la chose en envoyant un message. Même si elle n’avait pas précisé pourquoi elle voulait me voir, on pouvait se douter de la raison au vu de son identité. En sortant du bâtiment, je croisai une élève.

Kiryûin — Tu as encore été convoqué par le Conseil ?

Moi — Kiryûin-senpai, je vois que tu as toi aussi été convoquée de nouveau. Cela concerne ce qui s’est passé l’autre fois ?

Kiryûin — C’est exact. La conversation a dérivé alors rien n’a été résolue.

Moi — C’est bien gênant.

Du coup Nagumo n’avait pas fait avancer l’affaire.

Kiryûin — Je pense adopter une approche plus agressive aujourd’hui.

Moi — Ils viennent d’élire Horikita comme nouvelle présidente du Conseil. Ils sont également en train d’inscrire Kushida et Nanase.

Je préférai transmettre l’information au cas où. Peut-être que cela eut un effet inattendu car Kiryûin s’arrêta et commença à réfléchir

Kiryûin — Alors tu m’excuseras mais…

Mon intuition me dit qu’il fallait partir rapidement mais c’était trop tard.

Kiryûin — Peux-tu m’accorder un peu de temps, Ayanokôji ?

Moi — C’est à propos de cette histoire ?

Kiryûin — Si je pousse encore Nagumo, il ne se laissera pas faire.

Moi — Pourquoi ne pas être plus agressive alors ?

Kiryûin — Je ne veux pas traumatiser la nouvelle présidente et les nouvelles, tu vois.

Ce n’était pas mes affaires, mais si elle était prête à utiliser la violence, elle n’avait qu’à attendre le départ de Horikita et les autres.

Moi — Tu dois sûrement penser que m’utiliser est une meilleure option que d’essayer de forcer le passage.

Kiryûin — Tu as l’esprit vif.

Elle me complimenta mais tout le monde aurait pensé la même chose.

Kiryûin — J’imagine que tu comptais rentrer chez toi. Tu peux venir avec moi ?

Moi — J’ai prévu de voir ma petite-amie chez moi.

Kiryûin — Laisse-la attendre un peu. C’est le devoir d’une petite copine que d’attendre patiemment que son mec revienne à la maison.

Elle qui ne semblait guère patiente, n’était pas très convaincante.

Moi — Peut-on le faire en marchant ?

Kiryûin — Hmm. Eh bien, pourquoi pas.

Kiryûin, qui avait fait demi-tour, se mit à marcher à mes côtés.

Moi — As-tu encore eu l’occasion de discuter avec Yamanaka-senpai ?

Kiryûin — Nagumo et Kiriyama m’en ont clairement empêché. Je ne peux rien espérer de mieux après avoir déclaré Nagumo coupable.

Moi — C’est une drôle d’histoire quand même. Pourquoi ils iraient jusqu’à empêcher de voir la fautive en question ?

Kiryûin semblait avoir jugé que même sous la menace, Yamanaka aurait déclaré que Nagumo était la tête pensante.

Moi — C’est déjà suspect en soi mais surtout, menacer verbalement Yamanaka ou quelqu’un en général ne suffit pas pour obtenir un nom. Lorsque tu l’as interrogée, tu as dû employer la manière forte sans aller non plus jusqu’à la violence ou la torture.

Autrement dit, elle avait fait plus que de lui demander de cracher le morceau.

Moi — Si nous prenons l’ordre, ne devrait-il pas s’agir du président du conseil des étudiants Nagumo ?

Kiryûin — Bien sûr que j’ai mes doutes. C’est pour ça que j’essayais de le voir à son Bureau. Mais sans preuve, nous ne pouvons pas le coincer.

Et après y avoir réfléchi, elle avait l’intention de menacer sérieusement Nagumo.

Moi — Il y’a une possibilité où Nagumo n’est pas le coupable, tu le sais ? Il est aussi possible que Yamanaka t’en veuille sans que tu ne le saches. Je ne connais pas trop les élèves de terminale mais certains n’ont pas l’air de t’apprécier.

Kiryûin — Tu sais vraiment comment toucher au cœur des choses.

Elle hocha la tête sans le nier, préférant en rire.

Kiryûin — Nagumo ou Yamanaka… Ou bien une troisième personne ?

Moi — Et si on laissait tomber ? Si le coupable a appris sa leçon cette fois-ci, peut-être qu’il arrêtera et fera comme si de rien n’était pour ne pas que sa véritable identité ne soit révélée.

Kiryûin — Oui mais ma fierté ne me permet pas d’en rester là.

Elle comptait donc poursuivre le coupable jusqu’au bout.

Kiryûin — Ils m’ont à l’œil. Voilà pourquoi je pense qu’il serait mieux que tu fasses les recherches à ma place.

Moi — Je ne vois pas en quoi je devrais coopérer. Et je n’ai moi-même que très peu d’interactions avec les terminale. Seulement avec les membres du Conseil comme Nagumo-senpai.

Je n’étais pas la personne la plus appropriée pour jouer ce rôle de détective.

Kiryûin — Justement. Tu pourras avoir un point de vue neutre.

Moi — Je comprendrais la chose si tu confiais cette tâche à quelqu’un qui sait socialiser.

Kiryûin — Je ne t’attends clairement pas dans ce domaine. En revanche, tes autres capacités sont parfaites. Notamment le combat où personne ne t’égale. Personne d’autre ne m’a convaincu jusque-là à ce niveau.

C’était peut-être un compliment, mais cela ne me rendait pas fier pour autant.

Kiryûin — Il y a des gens agressifs en terminale. Va falloir y aller fort.

Moi — Je préférais quand même éviter d’avoir des problèmes avec les terminale, surtout si c’est pour essayer de régler ton affaire.

Kiryûin — Je me doute mais aide-moi s’il te plait. Je n’ai pas d’ami et mes déplacements sont surveillés.

Je comprenais le fait que Kiryûin-senpai ait été piégé, mais le refus était pour moi la meilleure option.

Kiryûin — Je pense que tu m’en dois une pour l’incident sur l’île déserte. Bien sûr, tu l’aurais bien géré sans que je me manifeste, mais il se peut que je doive en parler au Conseil des élèves pour en contester le bien-fondé.

Elle me barra ainsi la route, ne comptant clairement pas me lâcher.

Moi — Si tu voulais me menacer, il aurait fallu le faire depuis le début.

Kiryûin — Je ne voulais pas commettre d’erreur. J’ai évité cette méthode parce que je veux toujours avoir une relation amicale avec toi.

Kiryûin me regarda les bras croisés, ne semblant pas s’offusquer.

Moi — …Je comprends. Je vais enquêter, c’est d’accord ?

Kiryûin — Je savais que tu dirais ça.

Kiryûin-senpai, visiblement satisfaite, acquiesça joyeusement.

Je suppose qu’il n’est pas possible de tout éviter dans la vie.

Kiryûin était une personne très perspicace, et en fonction des résultats de mon enquête, elle pouvait s’impliquer plus en profondeur.

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