CLASSROOM Y2 V9 Chapitre 1


Présages

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Traduction : Nova & Raitei
Correction : Raitei
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La fin du second trimestre se profilait.

Le voyage scolaire s’achevait, passé comme un rêve fugace, et les vacances d’hiver approchaient à toute hâte. L’hiver est la saison qui nous rappelle la fin de l’année et la séparation.

Il faisait assez froid. Les températures étaient descendues à 1°C. Je voyais des élèves se hâter d’atteindre l’établissement, exhalant de la fumée blanche en parlant de la météo. Ces petites scènes du quotidien, je les contemplais et les gravais dans ma mémoire.  Cela paraît si banal, n’est-ce pas ? Pourtant ça le devient moins quand vous vous dîtes que vous ne pourrez observer ces moments que pour une période limitée. Me concernant, il ne me restait qu’une année dans cet environnement. On réalise plus tard à quel point ce quotidien était un cocon doré. 

Alors que je continuais d’observer en attendant l’arrivée de la personne que j’attendais, je reçus un message.

Nagumo : Rejoins-moi dans le bureau du Conseil.  Après les cours.

Dans le bureau… Il n’avait visiblement pas l’air de blaguer, je fus donc contraint d’accepter. Le voir ne m’enchantait pas trop, mais je devais assurer mes arrières. Après tout, il avait pactisé avec lui au festival, malgré un conflit d’intérêt évident. Je répondis brièvement puis éteignis mon écran.

Alors que je regardais à nouveau les autres élèves et le paysage, je vis Kushida se rendre seule à l’école. Alors que je me détournais sans lui dire bonjour, elle me fit un signe de la main en souriant. Je levai la mienne en guise de réponse, mais une fois arrivée à mon niveau elle enchaîna avec un regard noir.

Moi — Mais… Il est 8h du mat’…

Qu’est-ce que j’avais fait, encore ? Elle avait sûrement vérifié que personne ne regardait pour faire ça publiquement. Bon, je devais supposer qu’elle ne m’aimait tout simplement pas…  J’avais l’impression de m’être fait cracher dessus par un chauffard.

Karuizawa — Désolée, Kiyotaka !

Kei, essoufflée, m’appela en venant des dortoirs tout en courant vers moi.

Moi — Ne t’en fais pas… Je n’ai attendu que quelques minutes.

Karuizawa — Ouais, mais… Il fait pas chaud quoi. Ça allait ?

Je la dévisageais avec curiosité, après tout la dernière fois que nous nous étions vus c’était dans le hall de l’auberge.

Moi — Moi ça va. Mais toi, tu as encore la tête dans le guidon !

Elle a dû se lever en retard car j’avais même eu le temps de l’attendre.

Karuizawa — Non, non !!!

Kei baissa la tête, embarrassée, et tenta de corriger sa coiffure à l’aide d’un mini peigne. Mais peu importe le nombre de passages, son geste était vain. 

Karuizawa — Oh mon Dieu, qu’est-ce que je vais faire… !

Moi — Rhoo, allez, niveau tête au réveil tu es loin d’Ike ou Hondô, par exemple ! 

Karuizawa — Me compare pas à des gens comme ça !! Grr, bon, je vais devoir faire une escale devant le miroir des toilettes une fois au bahut !

Kei s’éloigna, couvrant la partie de ses cheveux de lit avec sa main en signe d’embarras. Ce n’est pas une mauvaise chose de faire attention à son apparence, je suppose.

1

J’arrivai seul dans la salle de classe, et pris place.

Hirata — Bonjour, Kiyotaka-kun.

Moi — Oh, bonjour.

Yôsuke, entouré de filles, me repéra et m’appela. J’étais heureux d’être salué, mais les regards des filles, sous-entendant « rends-nous Hirata-kun », étaient pesants.

Hirata — Peut-être que ça ne me regarde pas, mais n’hésite pas à me le dire si je peux faire quoi que ce soit pour t’aider.

Je me demandais ce qu’il allait dire, mais il me refit la même proposition.

Moi — Tu ne me dis pas la même chose tous les jours, en ce moment ?

Yôsuke était préoccupé par ces trois personnes qui me dévisageaient, au loin. Comme j’étais un ex membre de leur groupe, je suppose qu’il s’inquiétait. Déjà avant le voyage scolaire, Yôsuke était sûrement mal à l’aise pour moi. C’était le genre de gars qui se souciait des choses même s’il disait le contraire.

Moi — Si quelque chose arrive, je te le dirai. Merci. Si possible, j’apprécierais que tu veilles sur moi en silence.

Je lui fis comprendre que je comprenais ses bonnes intentions. Il allait probablement me solliciter plusieurs fois jusqu’à ce que mes relations avec eux soient rétablies.

Hirata — Ce n’est pas bon. Je ne supporte pas l’instabilité dans la classe…

Yôsuke semblait dégoûté de lui-même d’avoir exprimé ses sentiments incontrôlables. Une culpabilité gênante l’envahissait alors qu’il n’avait rien fait de mal.

Moi — Alors, personnellement, je suis plus inquiété par les filles qui t’attendent là…

Leurs regards jaloux s’intensifièrent car elles perdaient patience.

Peu après, Kei entra dans la classe et Yôsuke retourna auprès des filles. La sonnerie retentit, et Chabashira-sensei fit son entrée, entamant une nouvelle journée de classe.

Mlle. Chabashira — Bon, je suppose que vous ne serez pas trop surpris. Avant les vacances d’hiver, vous serez soumis au dernier examen spécial de ce trimestre.

Les élèves, qui avaient pourtant appris à tolérer les examens spéciaux jusqu’à présent, étaient un peu plus contrariés que d’habitude car ils s’attendaient à ce que les vacances d’hiver se déroulent comme prévu.

Mlle. Chabashira — Ooh, il semblerait que vous soyez réellement surpris cette fois…

Entre le festival culturel, le voyage scolaire et les autres choses, nous avions vécu pas mal d’évènement ces derniers temps. Mais cette école était ainsi, impitoyable. Toutefois, en y réfléchissant bien, je ne pensais pas que cet examen spécial allait être si redoutable compte tenu du peu de temps de préparation que nous avions. À savoir, un peu plus de deux semaines. Néanmoins, j’étais assez curieux.

Mlle. Chabashira — Je comprends vos inquiétudes, mais il n’y a pas lieu de paniquer à ce point. Ce n’est pas le genre d’examen qui mettra à la porte certains élèves.

Autrement dit, il n’y avait à priori pas lieu de s’inquiéter pour une expulsion.

Mlle. Chabashira — Toutefois, cela aura une incidence certaine sur les points de classe et donc sur le classement final. Je vous rappelle que vous visez la classe A alors la défaite n’est pas une option.

Il ne suffisait pas de gagner un ou deux matches pour les rattraper et les dépasser. Il allait nous falloir triompher à chaque bataille.

Mlle. Chabashira — Les consignes de cet examen spécial sont relativement simples. Pour résumer, il consistera en une épreuve académique individuelle face à une autre classe.

Un examen académique tout ce qu’il y a de plus basique, donc. Cela me semblait cohérent avec ce que pouvait proposer l’école. Toutefois, puisqu’il s’agissait d’un examen spécial, il y allait forcément y avoir des règles différentes.

Mlle. Chabashira — Le gagnant recevra 50 points de classe du perdant. Si vous gagnez, vous obtenez 50 points de classe, et si vous perdez, vous perdez 50 points de classe.

Il ne s’agissait pas d’une somme très élevée, juste une faible fluctuation.

Ike — Si je comprends bien, vaudrait mieux éviter d’affronter la classe A dans une épreuve de ce genre, non ?

Mlle. Chabashira — Et pourtant, Ike… C’est bien à la classe A que vous allez devoir vous mesurer !

L’adversaire avait déjà été désigné, et Chabashira-sensei nous confronta à une cruelle réalité.

Mlle. Chabashira — Il s’agit d’un système simple dans lequel la classe ayant obtenu la meilleure moyenne aux derniers examens finaux est opposée à la classe ayant obtenu la deuxième meilleure moyenne, et la troisième est en concurrence avec la quatrième. Même avec certaines règles spéciales, il ne faut pas oublier qu’il y a un écart important dans les capacités académiques entre la classe A et les autres.

Au début du mois de décembre, les points de classe étaient de 1250 pour la classe A de Sakayanagi et de 985 pour la classe B de Horikita. En cas de victoire pour nous, nous pouvions réduire l’écart à 165 points avec une différence de 100 points de classe. En outre, nous allions être en passe de dépasser la barre des 1 000 points de classe pour la première fois depuis le début. D’autre part, la classe C de Ryuuen avait 684 points et la classe D d’Ichinose 655 points. Si Ichinose gagnait, elle reviendrait en classe C mais en cas de défaite, son écart avec la classe A n’allait être que plus exacerbé.

Cela promettait d’être compliqué. D’ailleurs, dans une épreuve purement scolaire, nous n’avions jamais gagné une seule fois. Si la différence entre la 1ère et la 2ème place peut sembler mince, il ne fallait vraiment pas sous-estimer les différences de niveau académique entre nous et la classe A.

Mlle. Chabashira — Les questions porteront sur tous les sujets habituels qui sont abordés lors des examens intermédiaires et finaux. Les questions vont de relativement faciles à extrêmement difficiles et la difficulté pourra dépasser celle des examens écrits habituels.

Malgré une progression remarquable, il était peu probable que nous arrivions à faire mieux que la A en si peu de temps. Même en travaillant jour et nuit.

Mlle. Chabashira — Mais vous avez tout de même vos chances.

Les détails de l’examen spécial s’affichèrent sur l’écran.

Examen spécial de fin de second trimestre.
Descriptif rapide : Il s’agit d’un test écrit coopératif complet dans lequel l’ensemble de la classe doit résoudre un total de 100 questions
Règles
Les élèves résolvent les problèmes un par un dans un ordre prédéterminé.Un élève ne peut résoudre plus de 5 problèmes. Mais il doit essayer d’en résoudre au moins 2. Chaque élève dispose d’un maximum de 10 min, temps d’entrée et de sortie dans la salle compris. Tous les élèves attendent dans une salle séparée : seuls ceux qui attendent leur tour doivent attendre devant l’entrée.Si le temps imparti est dépassé, l’étudiant sera disqualifié et ne recevra aucun point.Laisser un indice, écrit ou verbal, ou une réponse à une question constitue une violation des règles.Toute violation des règles est sanctionnée de nullité.
Bonus spéciaux
Des bonus seront distribués en fonction du temps imparti restant : 10 points/heure restante.5 points si plus d’une demi-heure restante.2 points si plus de 10 minutes restantes.
Modalités d’examen
Les questions seront attribuées à chaque élève en fonction de sa capacité. La capacité de l’élève est déterminée par sa capacité académique dans l’OAA au 1er décembre. Capacité académique A = 1 pointCapacité académique B = 2 pointsCapacité académique C = 3 pointsCapacité académique D = 4 pointsCapacité académique E = 5 points

Autrement dit, le nombre de point obtenus en cas de bonne réponse augmentait ou diminuait en fonction de la capacité de l’élève à résoudre les problèmes. Et cela, peu importe la difficulté de la question. Cette règle était en effet assez particulière, presque contre-intuitive. De plus, il y avait les nuances « + » et « – » dans l’OAA, donc on pouvait supposer que les étudiants ayant une capacité « + » partaient avec un léger avantage.  

Mlle. Chabashira — Vous aurez sûrement remarqué cette règle inhabituelle. En effet, la classe A, qui compte beaucoup d’élèves ayant des aptitudes académiques élevées, semblait à première vue partir avec un avantage. Pourtant, leur grand nombre d’élèves ayant un indice académique supérieur à B pourrait ne pas leur être si favorable. Vous me suivez ?

Bien que de nombreux élèves de notre classe aient fait des progrès scolaires remarquables, il y en avait encore un certain nombre qui se situaient en bas du tableau, comme Kei, Satô, Ike et Shinohara. Certes, ces personnes avaient moins de chance de répondre correctement, mais une réponse correcte pouvait leur apporter entre 4 et 5 points. Autrement dit, il ne s’agissait pas d’un simple test scolaire, et l’issue de l’examen restait incertaine. 

Il était aussi question de bonus en fonction de temps restant. Je ne savais pas trop s’il était réaliste d’y penser. Après tout, le chronomètre démarrait dès l’instant où un élève ouvrait la porte de la salle de classe, nous étions 38 et il fallait compter au moins 2 minutes pour chaque élève ne serait-ce que pour entrer et ressortir. Les fautes d’inattention sont légion, en particulier chez les élèves moins doués. Seuls les plus à l’aise pouvaient penser à ce luxe… Non, uniquement jouer la montre pouvait se retourner contre nous.

Horikita — Donc la balle est dans notre camp, n’est-ce pas ?

Rapidement, Horikita semblait avoir compris la possibilité de gagner.

Mlle. Chabashira — Tout à fait. Bien entendu, les élèves de la classe A ayant un bon niveau général, attendez-vous à ce qu’ils aient un score global un minimum correct dans tous les cas. Quant à nous, ce sera quitte ou double : les élèves ayant un indice « D », nombreux dans notre classe, ont les capacités de terminer avec un score assez important, mais une mauvaise réponse ne vaudra rien.

C’était tout de même mieux qu’un face-à-face direct.

Mlle. Chabashira — J’aimerais également ajouter quelque chose à propos de la triche, qui est clairement évoquée dans les règles. Il est interdit de parler avec un élève qui a terminé son test en attendant qu’un autre élève prenne le relais. Les élèves regagneront leurs salles de classe respectives, mais ils n’auront pas le droit de s’engager dans des conversations inutiles.

Tout le monde se doutait sûrement de la surveillance stricte qui nous attendait.

Hirata — Que se passe-t-il si un élève est absent ce jour-là ?

Mlle. Chabashira — En cas d’absence, deux questions seront considérées sans réponses. Ce nombre sera porté à quatre si deux élèves sont absents. Bref, ce sera un zéro pointé.

Cela revenait donc à être disqualifié pour avoir manqué de temps. Le nombre de questions sans réponse allait donc être paramétré par défaut. Par ailleurs, bien que cela soit peu probable, une égalité n’allait pas nous faire gagner de points de classe. Autrement dit, la stratégie consistant à laisser intentionnellement quelqu’un s’absenter n’allait pas nous rendre service.  Les classes avec un grand nombre d’élèves, comme celles d’Ichinose et de Ryuuen, étaient avantagées car elles disposaient de plus de temps pour résoudre les problèmes, même si cela n’avait pas d’incidence sur le nombre de points obtenus en les résolvant. En effet, peu importe le nombre d’élèves dans une classe, il aurait été plus efficace que les élèves ayant un indice OAA faible résolvent cinq questions. Ils étaient les pièces maîtresse de la classe dans la mesure où ils pouvaient renverser le cours de l’examen. Mais ce n’était qu’en théorie.

Mlle. Chabashira — Nous devons discuter et réfléchir à la façon dont nous pouvons battre la classe A.

Comme une mère veillant sur ses enfants, Chabashira-sensei prit la parole.

Mlle. Chabashira — Nous avons fixé une date pour l’examen spécial, mais nous avons décidé de laisser à tous jusqu’à la veille des vacances d’hiver. L’ampleur de l’épreuve est énorme. Ce sera beaucoup de travail, mais si nous gagnons, nous nous rapprocherons encore plus du sommet.

L’étendue du test allait nous être précisée le lendemain. Elle semblait en avoir fini pour aujourd’hui.

Programme

22 décembre : examen spécial

23 décembre : Annonce des résultats et cérémonie de fin du 2nd trimestre.

Il ne nous restait moins de trois semaines avant l’examen. Les élèves assidus allaient forcément avoir moins de préparation que les autres. Mais cette fois-ci, c’était sur les élèves les moins brillants que la victoire allait reposer. 

Horikita — J’ai observé les statistiques des autres classes dans l’OAA. Naturellement, nous pouvons prétendre à un score plus élevé que la classe A puisque nous comptons plus d’élèves avec des capacités académiques D et E. Dans l’idéal, toutes les chances sont de notre côté.

Étant donné que les classes comptant le plus grand nombre d’élèves ayant des aptitudes scolaires moindres dans l’OAA pouvaient obtenir plus de points, le nombre de points potentiels pour la classe A était forcément plafonné. Pour rappel, ne dépasser notre adversaire ne serait-ce que d’un seul point allait nous concéder la victoire. Et en pratique, sur une quarantaine de personne, il était impossible d’obtenir un score parfait. Compte tenu des propos de Chabashira-sensei et des règles de l’examen spécial, nous pouvions nous attendre à ce que le pourcentage de questions difficiles ne soit pas très faible. Ou alors, justement, cette règle était là pour équilibrer les classes et ne pas trop pénaliser celles ayant beaucoup d’élèves de rang D ou E. Des groupes d’études n’allaient peut-être pas être suffisants pour gagner.

Hirata — Il est également important de se demander qui résout combien de problèmes, et à qui il passera le relais.

Avec un ton calme, il lui demanda cela comme pour confirmer quelque chose.

Horikita — Oui. Si nous y réfléchissons simplement, il est facile de comprendre que les élèves ayant un faible niveau scolaire devraient être mis en avant pour résoudre autant de problèmes qu’ils le peuvent…

Le temps imparti était de 10 minutes. La capacité à lire les questions dépendait également beaucoup du niveau de l’élève. Il allait peut-être être difficile de trouver des questions faciles sur les 100 que comptait le test. Si les meilleurs élèves pouvaient résoudre les questions les plus difficiles en premier, les élèves les moins avancés mettraient moins de temps à trouver les bonnes questions et pourraient s’y concentrer plus calmement.

Mais qui était capable de résoudre tel ou tel type de problème ?  Savoir cela et prendre le contrôle de la situation était aussi un moyen de gagner. Enfin, il y avait une infinité de méthodes, mais une chose était certaine : il allait nous falloir adopter très tôt une stratégie et d’orienter notre travail en ce sens.

  • Chabashira-sensei a dit qu’il y avait une chance de gagner, mais… un désavantage est un désavantage.
  • S’ils répondent bien, nous ne gagnerons probablement pas. L’adversaire est la classe A, après tous.

Certains de mes camarades de classe commencèrent à exprimer leur opinion. Il était vrai que la classe A n’avait jamais été en dessous des autres dans les examens purement écrits. Même avec les règles spéciales, nos adversaires restaient redoutables.

Horikita — Nous affrontons la classe A, mais notre adversaire est en réalité la classe B elle-même. L’adversaire importe peu, que ce soit Sakayanagi-san ou un autre, ce serait revenu au même.

Effectivement, tout dépendait de nous dans les faits. 

Horikita — Je vais réfléchir à une stratégie autant que possible. En attendant, bachotez du mieux que vous pouvez.

Jusqu’à présent, ou plus précisément jusqu’à il y a quelques semaines, la classe étudiait pour ses examens finaux. Bien qu’il soit du devoir des élèves de réviser, ils étaient fatigués de devoir étudier à nouveau en si peu de temps. Pourtant, aucun élève ne formula la moindre plainte.

 Hirata — Compte sur nous !

Yôsuke répondit à Horikita en tant que personne organisant des séances d’étude pour nos camarades, aux côtés de Keisei et de Mii-chan.

Sudou — Je suis déter ! Personnellement, ça fait bizarre car mon OAA a augmenté, mais je vais apporter ma contribution.

Sudou, initialement à E pour ses résultats scolaires, était passé à un indice C+. Certes, il aurait pu obtenir plus de point par le passé, mais sa progression n’était peut-être pas plus mal. 

2

À la fin du cours, les discussions entre élèves avaient commencé à prendre place. J’en profitai pour m’éclipser et arrivai à destination presque pile à l’heure. Je pensais frapper à la porte immédiatement, mais j’entendis des voix s’élever à l’intérieur de la pièce, comme si des gens se disputaient un peu. Cependant, comme nous étions séparés par une porte épaisse, je ne pouvais pas entendre ce que l’on disait exactement. Si j’avais tendu l’oreille un moment, j’aurais peut-être pu les entendre clairement, mais l’heure du rendez-vous approchait alors j’écartai cette option.

Nagumo — …Merci.

Deux élèves étaient déjà assis dans la salle du Conseil. L’un d’eux se leva sans attendre avant de partir.

Nagumo — Je suis désolé de t’avoir appelé, Ayanokôji.

Moi — Je dois dire qu’avoir ici le président et vice-président du Conseil me rend un peu nerveux.

Je dis ce qu’un élève ordinaire aurait fait remarquer.

Nagumo — Je suis désolé de le dire, mais tu n’as en aucun cas l’air nerveux.

Nagumo, toujours assis, croisa les jambes et plia l’index pour faire signe à l’autre de réduire la distance qui les sépare. Kiriyama se plaça légèrement derrière Nagumo et se mit dans une position qui lui permettait d’être bien vu. À ce moment-là, il regarda l’écran du téléphone portable qu’il sortit de sa poche. Cependant, en moins d’une seconde, il éteignit le téléphone avant de le remettre d’où il l’avait tiré. Celui qui s’exprima ensuite n’était pas Nagumo mais le vice-président Kiriyama.

Kiriyama — Nous avons également appelé Horikita et Ichinose.

Moi — Horikita et Ichinose ?

Leur mention était soit une coïncidence, soit volontaire.

Nagumo — Il n’y a pas lieu de se précipiter, Kiriyama… Ayanokôji voudra peut-être avoir une petite conversation avec toi aussi…

Kiriyama — Je n’en ai pas du tout l’impression.

Je ressentis de la gratitude pour le bon jugement du vice-président Kiriyama.

Kiriyama — De plus, il y a des choses que je dois préparer pour le prochain examen spécial.

Nagumo — Un examen spécial ? Il n’y aura plus d’examens spéciaux au cours du second trimestre pour les terminale. Et puis en quoi cela te concerne dans la mesure où j’ai décidé de qui allait gagner ?

Nagumo regarde Kiriyama d’un air perplexe, sans comprendre pourquoi.

Kiriyama — Tout de même, Il faut toujours se préparer à l’inattendu. Il y a plus de terminale que tu ne le penses qui attendent impatiemment leur ticket pour entrer en classe A. Et si l’un d’entre eux essayait de te faire tomber ?

Nagumo — Ces idiots sont déjà cuits. Il n’y a plus personne qui oserait se battre.

Kiriyama — J’espère bien.

Les terminale n’avaient plus beaucoup de temps.

Avec Nagumo qui détenait les pleins pouvoirs, ils devaient tous lutter d’une manière ou d’une autre obtenir ce ticket valant 20 millions de points.

Il n’était pas étonnant que Nagumo soit optimiste quant au fait qu’il n’avait pas d’ennemis. Comme il avait tous les tickets en sa possession, il était impossible pour quiconque de s’opposer à lui, y compris Kiriyama, qui risquait d’être privé de son ticket pour la victoire s’il ne suivait pas les ordres de Nagumo.

Autrement dit, ceux qui n’avaient pas reçus de tickets n’étaient pas soumis aux mêmes restrictions. Il était un peu exagéré de dire qu’ils pouvaient faire expulser Nagumo et accumuler des points privés à partir de là mais même si c’était le cas, je n’étais pas sûr que cela en vaille la peine. Si Nagumo était renvoyé de l’école, son énorme somme de points privés irait probablement dans le coffre-fort de l’établissement. Nagumo ne pouvait pas se protéger sans un tel contrat. À l’exception des points privés de Nagumo, les points collectés au cours du troisième trimestre n’aurait suffit qu’à sauver une ou deux personnes au maximum.

Nagumo — As-tu la moindre idée de ce dont tu parles, Kiriyama ? Tu as passé la matinée à me titiller, n’est-ce pas ?

Kiriyama — Je ne vais pas arrêter maintenant et ce, peu importe ce que tu diras. Ce n’est pas négociable.

Nagumo sembla avoir esquissé un petit sourire et hocha la tête. On ressentait la détermination dans la voix de Kiriyama.

Nagumo — Je suis désolé Kiriyama, mais c’est une décision que je dois prendre pendant que je suis encore dans cet établissement.

Kiriyama — Alors j’espère que tu comprends mon désir d’en finir.

Il y a eu quelques discussions dans la salle du Conseil avant que je n’entre. Le commentaire de Nagumo sur le fait que Kiriyama le titillait depuis ce matin montrait bien que cette entrevue ne réjouissait pas Kiriyama. C’était même peut-être la même chose pour moi.

Nagumo — Très bien. Limitons les bavardages au maximum, veux-tu ?

Nagumo alla dans le sens de Kiriyama en indiquant de poursuivre la conversation un autre moment.

Nagumo — J’ai encore une affaire du Conseil à régler après ça alors patiente un peu.

Kiriyama — Tu as dit que tu avais quelque chose à me dire. Faisons vite alors.

Kiriyama finit par accepter et Nagumo entama ce qu’il considérait comme un bavardage nécessaire.

Nagumo — Vous, les première, semblez être dans une course inhabituellement serrée, n’est-ce pas ?

Moi — On dirait bien.

Nagumo — Durant ma génération et celle de Horikita-senpai, la classe A était la seule gagnante alors que nous étions seulement en plein milieu de l’année de première. Je dois dire que je suis un peu envieux de voir un tel suspens.

Dans le passé, on disait que les luttes interclasses se réglaient généralement entre la fin de la seconde et le milieu de la première, et ce, avec une grande différence de points entre les classes. En général la classe A restait intouchable au classement jusqu’au diplôme. Il y a eu des rares cas comme durant la génération du président Nagumo par exemple où la classe B avait dépassé la classe A, mais dans tous les cas, au milieu de l’année de première, la classe A n’avait plus d’opposition. Dans notre promo, même la classe D pouvait encore remonter au classement à l’heure actuelle des choses.

Nagumo — Il semblerait que chaque classe a ses chances mais cela ne durera probablement que jusqu’à l’examen final de cette année.

Kiriyama — C’est aussi ce que je pense. Deux ou trois classes maximum finiront par se disputer le sommet.

Nagumo et Kiriyama avaient tous deux rendu leur verdict sans hésitation.

Kiriyama — L’examen final pour les première va faire rage.

Nagumo — C’est sûr. Les examens sont une chose mais les résultats doivent suivre et c’est toujours un désastre. L’année dernière, j’avais le contrôle des première au moment des examens finaux et j’avais également le contrôle des examens. J’avais essayé de limiter au maximum la casse mais trois élèves avaient quand même fini exclus.

Malgré ses efforts, il n’avait pas pu empêcher le pire.

Nagumo — Il y avait un moyen d’éviter les expulsions, mais nous devions peser le pour et le contre entre la perte des points privés et de classe que cela engendrait et nos gains.

Cette histoire est peut-être vraie mais elle n’était pas forcément utile. Il était peu probable que nos examens finaux soient les mêmes qu’avant.

Cependant, les proportions des choses était plutôt identiques. C’est une chose que nous avions pu constater naturellement grâce à notre expérience ici.

Kiriyama — C’en est assez de ce blabla. Il est temps de passer aux choses sérieuses, Nagumo.

Kiriyama le pressa calmement. Nagumo haussa les épaules en montrant toute sa dentition blanche.

Nagumo — Mon rôle au Conseil arrive à son terme. Mais avant cela, nous devons décider qui sera le prochain président.

Moi — Il me semble que tu as eu la durée de mandat la plus longue de tous les présidents.

Manabu Horikita avait passé le relais à Nagumo Miyabi plus tôt que ce dernier ne l’avait fait pour son prochain successeur. Je m’étais souvenu que Nagumo lui-même avait dit qu’il voulait prolonger la durée de son mandat.

Nagumo — Nous avions l’intention de finir le trimestre comme ça, mais l’établissement nous a contactés à plusieurs reprises. Ils nous ont dit que si nous attendions trop longtemps, nous priverions les plus jeunes d’acquérir de l’expérience. Ils n’ont pas tort là-dessus.

Kiriyama — Tous les terminale ont déjà rempli leur rôle au sein du Conseil à l’exception de Nagumo et moi, et toutes les procédures ont été menées à bien.

Il ne restait donc plus qu’à décider de qui allait être le prochain président du Conseil pour que ces deux-là quittent leur poste. Nagumo avait donc décidé de capituler. Cela expliquait pourquoi ils avaient appelé Horikita et Ichinose. Ils devaient décider de qui était la plus apte pour ce poste à l’avenir.

Moi — Tu as le pouvoir de nommer le président du Conseil n’est-ce pas ?

Nagumo — En effet.

Moi — Alors pourquoi m’en parler et pas aux principales concernées ?

Il devait s’attendre à cette réponse car il ne fut pas surpris.

Nagumo — Tu dois te demander pourquoi je t’ai fait venir ici.

Moi — Disons que j’ai ma petite idée.

Nagumo — Toi et moi allons décider de l’identité du prochain président.

Moi — Il ne s’agira pas seulement de les encourager, n’est-ce pas ?

Nagumo — J’ai réfléchi à différents moyens pour notre affrontement et je pense en avoir trouvé un. Horikita Ichinose et toi êtes de la même promo alors tu dois avoir autant d’informations à leur sujet que moi.

Il était compréhensible que Nagumo, n’ayant plus beaucoup de temps devant lui, souhaitait que notre duel soit réglé dès que possible. Ce n’était sûrement pas l’idéal pour lui mais déjà mieux que rien.

Moi — Il n’est pas nécessaire de s’affronter aussi vite. Il y aura forcément encore un examen spécial inter-années.

Nagumo — Eh bien, disons que cela fait office d’échauffement.

Ne voulant pas perdre de temps, Nagumo avait tenté de maintenir Ichinose et Horikita dans un cercle étroit afin qu’elles restent sous son contrôle.

Moi — J’ai accepté de me confronter à toi, mais je ne me rappelle pas avoir dit que je le ferais plusieurs fois.

J’avais un certain intérêt envers Nagumo mais je ne pouvais pas lui consacrer tout mon temps. J’avais déjà des choses à mettre en place pour le futur.

Nagumo — Tu crois que tu as ton mot à dire ?

Moi — Je ne veux pas que tu me défies juste comme ça. Si tu veux vraiment te battre avec moi pour l’élection du prochain président alors tu dois te préparer à livrer une bataille féroce.

Nagumo — Je veux bien, mais c’est un combat que tu risques de perdre. Tu le sais pourtant n’est-ce pas ?

Moi — Tu auras en effet tous les votes des terminale de ton côté et donc un tiers des votes si c’est ça que tu veux dire.

Nagumo — Oui. Si tu arrivais par miracle à réunir tous les élèves de première de ton côté, on arriverait presque à une égalité mais c’est bien utopique.

Ichinose et Horikita étaient de la même année alors les votes se diviseraient.

Moi — Dans ce cas, la lutte sera intéressante si tu m’accordes une chose.

Nagumo — Je t’écoute. Ça m’intéresse.

Moi — Je demande seulement à ce que le vote soit anonyme. S’il n’y a que l’établissement au courant de l’identité des votants, je pense que que l’on arriverait à voir un résultat équitable.

Nagumo — Tu es en train de dire que des terminale voteraient pour la candidate que je ne soutiendrais pas ?

Moi — Effectivement, il y aurait bien plus matière pour la chose.

Si l’anonymat était garanti, il n’était pas nécessaire de suivre les règles. Même s’il promettait une sorte de récompense, c’était impossible à prouver, à moins que la candidate soutenue par Nagumo n’obtienne aucune voix.

Nagumo — Même si c’était le cas, comment compte tu rassembler la moitié des terminale pour ta candidate ? C’est impossible.

Moi — Tu ne le sauras pas avant d’avoir essayé.

Kiriyama regarda en silence notre discussion.

Nagumo — Alors, tu joues le jeu si je t’accorde cette faveur ?

Moi — En effet.

Nagumo — Je dois dire que tu m’as l’air encore une fois étrangement confiant mais ainsi soit-il. Si tu penses rivaliser avec moi avec juste ça alors je n’ai rien de plus à ajouter. Mais avant d’en arriver là, permets-moi de te dire que j’aimerais un peu d’enjeu.

Je suppose que s’il n’y avait rien en jeu alors la défaite ne serait aucunement amère. Pour Nagumo, éviter d’être battu par ma personne était une nécessité absolue. Il n’osait parier que si la victoire était certaine pour lui.

Nagumo — Peux-tu parier quelque chose, Ayanokôji ?

Moi — Puis-je te retourner la question même s’il s’agit d’expulsion ?

Nagumo — J’aimerais dire oui, mais c’est une question difficile.

Moi — En effet. Personne n’accepterait de prendre le risque d’être exclus dans ce lycée. Je suis ainsi prêt à mettre en jeu mon expulsion, mais j’exige dans ce cas une mise proportionnelle à ce risque de ton côté.

Nagumo — Quid pro quo ?[1]

Moi — Si je gagne, je veux que tu me donnes tous tes points privés. Pour être plus précis, une somme assez conséquente pour me permettre de changer de classe. Selon les règles des examens spéciaux, il faut autant de points privés pour éviter l’expulsion alors ce n’est pas trop demander.

Nagumo — Eh bien, cela vaut clairement la chose.

Les intérêts des deux camps étant suscités, il était possible de parvenir à un terrain d’entente. Cependant, Kiriyama mit un terme à l’entente.

Kiriyama — Je savais que tu voulais jouer avec Ayanokôji mais je… Je ne suis pas d’accord avec l’enjeu. Je ne peux pas te laisser miser une telle somme dans un jeu auquel tu n’as pas fait tes preuves.

Nagumo — Attends Kiriyama… Tu crois que je vais perdre dans ces conditions ? Il a dit que les votes anonymes allaient garantir une équité mais il a tort.

Kiriyama — Je ne pense pas que tu perdras mais il y a tout de même une possibilité. C’est une chance sur deux au fond. Dépenser 20 millions de points pour cela c’est bien trop. Si cela ne te dérange pas de payer une telle somme alors utilise plutôt cet argent pour sauver un des terminale.

Il n’était pas étonnant que Kiriyama soit contre cette idée mais Nagumo ne montra aucun signe de recul.

Nagumo — Je suis libre de faire ce que je veux avec l’argent que j’ai obtenu grâce à mon pouvoir. Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi.

Kiriyama — …Tu comptes donc t’entêter ?

Nagumo — je gagnerai par tous les moyens cette guerre. J’en finirai avec Ayanokôji une bonne fois pour toute.

Kiriyama — Pourquoi t’obséder autant avec cet élève de première ? Je ne suis vraiment pas d’accord avec cette approche. Tu devrais lâcher.

Kiriyama se plaignit mais Nagumo ne l’écouta pas plus longtemps.

Nagumo — Je vais exaucer ton souhait, Ayanokôji. Si tu me bats, tu passeras en classe A.

Moi — Merci, Président.

Nagumo — Tu es sûr de toi ? Avec une petite mise, tu n’aurais qu’à te mettre à genoux devant moi mais avec 20 millions en jeu, tu vas devoir tenir ta promesse. Si tu veux quelque chose de moins dangereux pour toi c’est le moment car il n’y aura pas de retour en arrière.

Moi — Est-ce dangereux pour toi ou pour moi ?

Nagumo — Ha. Je pensais un peu t’effrayer mais au contraire, tu as l’air plus confiant que jamais.

Moi — J’ai déjà accepté ce risque en te demandant une somme pareille.

Nagumo — Très bien, je vais te donner un contrat. Il n’y aura que deux possibilités pour toi, l’expulsion ou 20 millions.

Il ne restait plus qu’aux deux parties de voir la candidate qu’ils soutiendraient.

Kiriyama — Je ne sais pas si tout ça est de bon augure pour un tel jeu.

Alors que Kiriyama tenta de faire un dernier effort pour arrêter ce match à l’enjeu énorme, on frappa à la porte du bureau du Conseil.

— Nagumo-senpai, Ichinose est là.

Dit quelqu’un d’une voix claire. Les deux candidates étaient arrivées.

Kiriyama — Nagumo, il vaudrait mieux ne pas leur parler du pari.

Kiriyama avait raison. Si elles savaient qu’un jeu se tramait derrière elles, nul doute qu’elles auraient été mal à l’aise.

Nagumo — Tu n’y vois aucune objection, Ayanokôji ?

Moi — Cela me convient très bien.

Nagumo — Mais… encore une fois, es-tu sûr de toi ? Quand elles seront là, le jeu aura quasiment commencé.

Kiriyama me fixa comme s’il me disait que c’était ma dernière chance de fuir.

Kiriyama — Tu n’as pas à risquer ton expulsion pour un jeu de Nagumo.

Moi — Mais ce n’est pas facile d’obtenir un ticket pour la classe A, n’est-ce pas ? Alors, n’est-il pas naturel de prendre un risque aussi élevé ?

Kiriyama — Il semblerait que tu ne caches plus ta vraie nature.

Kiriyama, très en colère, regarda à nouveau l’écran de son téléphone portable.

Kiriyama — Fais ce que tu veux… Vous pouvez entrer !

Kiriyama approcha de l’entrée et ouvrit la porte. La position de Nagumo en tant que président risquait de lui causer beaucoup d’ennuis car il avait toujours agi comme un électron libre. Dans ce sens, ce n’était pas une mauvaise idée d’élire un nouveau président. Les deux filles remarquèrent ma présence quand elles entrèrent. Il était évident que j’étais un étranger vu que je ne faisais pas partie du Conseil alors ma présence devait surprendre.

Nagumo — Venez vous asseoir à côté d’Ayanokôji.

Horikita — Très bien.

Horikita s’assit à côté de moi et Ichinose à côté d’Horikita. Pendant un instant, Horikita me lança un regard en coin.

Horikita — Tu es encore impliqué dans quelque chose d’étrange ?

La conversation reprit lorsque tous les participants, à l’exception de Kiriyama qui revint derrière Nagumo, furent bien assis sur leurs chaises.

Nagumo — Je vous demande à toutes les deux d’organiser une élection pour décider de qui sera le prochain président du Conseil.

Horikita — Une élection ?

Nagumo — N’est-ce pas une pratique courante dans les collèges ? Je vais faire un discours et laisser les élèves voter laquelle d’entre vous est la plus apte pour ce poste. Celle qui obtiendra le plus de voix prendra ma place.

Horikita — Je vois. Mais je ne me souviens pas d’une élection l’an passé.

Nagumo — Oui. Les années précédentes, le président en place désignait lui-même son successeur tant que ce dernier était d’accord. C’est comme ça que j’ai été élu. Bien entendu, j’avais les capacités et la reconnaissance de mes pairs alors ma nomination ne fut pas usurpée.

Le président du Conseil n’était pas choisi au hasard, mais sur une base solide quand bien même il était choisi par le président d’avant.

Nagumo — Mais la situation est un peu différente ici. Seule Honami a siégé au Conseil l’an dernier. Et toi Suzune, tu nous as rejoins cette année.

Horikita — J’ai cru comprendre qu’aucun autre élève n’avait rejoint le Conseil en même temps qu’elle. Je pense qu’Ichinose-san serait un bon choix. Elle a clairement les compétences et le comportement pour.

Horikita n’hésita pas à vanter les mérites d’Ichinose. À l’origine, elle n’avait pas rejoint le Conseil parce qu’elle voulait en être la présidente.

Nagumo — Tu n’as pas envie de devenir présidente ?

Horikita — En effet. Certes, j’ai envie de suivre les traces de mon frère et je suis prête à me présenter aux élections si c’est votre volonté à tous, mais je n’ai rien contre le choix d’Ichinose-san.

Nagumo — Honami n’a certainement pas de défauts et ce serait un choix logique. Mais il y a autre chose qui me gêne.

Ichinose réagit avec un léger tremblement des épaules.

Nagumo — À ce stade, les chances d’Honami d’être diplômée de la classe A ont chuté de façon spectaculaire. C’est un problème car tous les précédents présidents du Conseil furent diplômés de la classe A. C’est une tradition tacite et bien entendu, je compte bien la faire perdurer.

En effet, la position d’Ichinose était menacée à cause de son mauvais classement. Horikita, quant à elle, était en course pour la classe A en tant que leader de la classe B. Elle remplissait bien ce critère tacite.

Nagumo — Il y a donc Honami avec un dossier parfait et Suzune, qui est plus proche de la classe A. Après avoir pris en compte différents facteurs, j’ai décidé que vous étiez presque à égalité en ce moment. C’est pourquoi, nous allons organiser une élection.

Puisque Nagumo a le pouvoir quant à la désignation du président, nous n’avions d’autre choix que d’accepter la décision si de solides arguments étaient avancés. Il ne restait plus qu’à accepter ou non.

Horikita — Je comprends. Si c’est le cas, je me présenterai.

La décision fut prise. Cela signifiait que Horikita et Ichinose allaient s’affronter pour le poste de présidente du conseil des élèves. Il ne restait plus qu’à Nagumo et moi de décider de la personne à soutenir.

Nagumo — Ayanokôji, je te laisse choisir.

Moi — Tu es sûr ?

Nagumo — C’est le moins que je puisse faire.

Moi — Horikita ou Ichinose. Pour être honnête, ça ne fait aucune différence pour moi. Si tu me donnes le choix, autant choisir le plus bénéfique à l’avenir et…

Mais Horikita se leva très vite avant que je ne prenne une décision.

Horikita — Si Ayanokôji-kun est ici, c’est parce que…

Nagumo — J’organise un match pour déterminer qui de toi ou de Honami sera élue présidente du Conseil des élèves.

Il n’était pas censé parler de cela devant elles. Kiriyama se tint le front par dépit. Nagumo avait ainsi balayé sans surprise le conseil de Kiriyama.

Moi — Est-ce que tu vas…

Nagumo — Non, je n’en ai pas l’intention.

Moi — Enfin, tu en as déjà beaucoup dit.

Mais je devais admettre que Nagumo avait une conscience en n’allant pas plus loin.

Nagumo — Allez, choisis celle que tu préfères.

Moi — Alors…

J’étais sur le point de mentionner le nom que j’avais choisi lorsqu’une voix m’interrompit de nouveau.

Nagumo — Attends. C’est un évènement sans précédent. Je devrais probablement ajouter quelques éléments supplémentaires.

Kiriyama, qui avait écouté, l’interrompit à ce moment-là.

Kiriyama — Comment ça ? Tu n’es toujours pas satisfait de la situation ?

Nagumo — Il s’agit d’une élection du Conseil. Je veux m’assurer qu’elles veulent vraiment se présenter et qu’elles ont les qualifications requises.

Kiriyama — Je pense que tu as déjà suffisamment assuré de ce côté-là.

Nagumo — Non, ce n’est pas suffisant. Horikita est ok mais je n’ai pas entendu Ichinose.

Kiriyama — Tu n’as pas besoin de lui demander son avis, non ?

Nagumo — Je ne suis pas d’accord.

Kiriyama se retourna pour regarder Ichinose, et d’un coup, la porte du bureau du Conseil s’ouvrit avec force.

Kiryûin — Permets-moi de t’interrompre, Nagumo.

Comme si elle visitait une amie, Kiryûin, en terminale B, entra dans la pièce sans prévenir. C’était la première fois que je la voyais d’aussi près depuis l’été, mais elle n’avait pas son sourire habituel. Elle était de mauvaise humeur.

Nagumo — C’est bien inattendu. Tu ne peux pas frapper au moins ?

L’élection du Conseil étudiant était sur le point d’être décidé et Nagumo n’aurait pas accueilli cet invité en temps normal.

Nagumo — Je suis occupé là. Tu ne peux pas revenir plus tard ?

Il essaya de se débarrasser d’elle mais Kiryûin ne l’entendit pas de cette oreille.

Kiryûin — J’avais demandé à Kiriyama de m’accorder du temps à l’avance, mais j’ai été snobée à ce que je vois.

Nagumo — Je suis désolé mais je n’étais pas au courant.

Nagumo semblait agacé par l’apparition de Kiryûin et jeta un coup d’œil à Kiriyama pour avoir confirmation.

Kiriyama — Je suis désolé Nagumo, mais ce que dit Kiryûin est techniquement correct. J’ai mal géré le planning.

Nagumo — C’était donc une erreur d’inattention de ta part.

Kiriyama — Qui plus est, elle est impliquée dans une histoire où j’espérais ton aide pour la résoudre. Elle saura t’expliquer mieux que moi.

Je ne connaissais pas les détails de ce dont ils parlaient, mais un tel échange avait eu lieu entre Nagumo et Kiriyama.

Kiryûin — Du coup, Peux-tu m’écouter jusqu’au bout Nagumo ?

Nagumo — Je comprends mais j’ai une discussion importante là.

Kiryûin — Je vois bien que tu es occupé, mais je n’ai pas beaucoup de temps libre non plus. J’ai pris un rendez-vous pour ce créneau horaire alors tu vas devoir faire avec.

Certes, Kiryûin n’avait aucune raison de reculer. C’était la faute de Kiriyama qui s’était trompé en fixant l’heure du rendez-vous.

Nagumo — Pour l’instant, ma priorité est de parler à Suzune et Honami. Si tu insistes alors assied-toi et attends en silence.

Il tenta d’expliquer que le rendez-vous de Kiryûin n’était connu que de Kiriyama mais elle semblait un peu différente. Elle ne cachait pas son irritation.

Kiryûin — Je refuse.

Elle eu un ton légèrement sévère et posa son pied sur l’une des chaises vides.

Nagumo — À quoi tu joues ?

Kiryûin — Tout d’abord, je vais te poser une question tout de suite. En fonction de ta réponse, cette chaise sera sacrifiée.

Allait-elle la renverser ou la détruire ? Il semblait certain que le sort de la chaise sur laquelle Kiryûin avait posé son pied était en jeu. Kiriyama la regarda tandis qu’elle ne montrait aucun signe de recul et s’excusa de nouveau auprès de Nagumo.

Kiriyama — Si c’est Kiryûin, il peut être contre-productif de la repousser. Il serait plus prudent de laisser les première patienter et d’écouter ce qu’elle a à dire.

Même si Horikita et Ichinose étaient prioritaires, si Nagumo leur demandait d’attendre, elles écouteraient. En revanche, il était clair ici que Kiryûin, qui semblait de mauvaise humeur, ne le ferait pas. Il était donc plus rapide de régler les choses avec elle en premier lieu.

Ichinose — Laissons Kiryûin-senpai. Cela te convient, Horikita-san ?

Horikita — Oui, ce serait pour le mieux.

Elles étaient arrivées à cette conclusion sans attendre de confirmation directe, alors Nagumo n’eut d’autre choix que de s’occuper du cas Kiryûin.

Nagumo — Bon, quelle est la raison de ta venue soudaine ?

Kiryûin — Tu n’as vraiment rien dit à Nagumo, Kiriyama ? Ce n’est pas très arrangeant de ta part.

Kiriyama — Je comprends que tu veuilles me faire porter le chapeau, mais je suis très occupé. Et puis on a surtout convenu qu’il valait mieux que tu lui racontes ton histoire foireuse toi-même.

Il avait délibérément omis la raison de sa visite à l’improviste. Kiryûin regarda Kiriyama avec des yeux froids mais elle finit par laisser tomber.

Kiryûin — Maintenant, je vais aller droit au but. Je ne veux pas faire de conclusion hâtive alors je vais demander calmement. Qui est derrière le harcèlement que je subis ?

Nagumo — Harcèlement ? Je ne te suis pas.

Kiryûin — Alors je vais être plus précise. As-tu orchestré un acte méprisable en essayant de me faire passer pour une voleuse à l’étalage ? Forçant ainsi tes sbires à exécuter ce plan infâme ?

Un mot bien inattendu apparut : vol à l’étalage. C’est Ichinose qui se mit à réagir avant tout le monde. Bien qu’elle essayât de garder son calme, il était évident qu’elle devait être nerveuse à l’intérieur. Ce n’était pas une réaction surprenante au vu de ses antécédents même si c’était pour le bien de sa famille.

Nagumo — Vol à l’étalage ? Je ne comprends vraiment rien.

Kiriyama — L’autre jour, Kiryûin a failli être accusée de vol à l’étalage au centre commercial Keyaki après les cours. Alors qu’elle faisait ses courses dans un magasin de cosmétiques, Yamanaka en terminale D, s’est approchée de Kiryûin par derrière en essayant de glisser du rouge à lèvres dans son sac. Lorsque Kiryûin l’a remarquée, elle a demandé des explications et Yamanaka lui a dit que les ordres venaient de toi.

Kiriyama mit la lumière sur ce qu’il s’était passé.

Nagumo — Je vois. Ça explique pourquoi tu ne voulais rien entendre.

Kiriyama — La raison pour laquelle je n’ai pas voulu expliquer la raison de sa venue c’est parce que je savais que ce n’était pas ton genre de faire une telle chose, n’est-ce pas ?

Kiriyama laissa entendre qu’il faisait confiance à Nagumo sur ce point. Ce dernier hocha la tête pour signifier qu’il n’avait rien à avoir avec tout ça.

Kiryûin — Peux-tu dire avec certitude que tu n’es pas impliqué ?

De toute évidence, Kiryûin soupçonnait toujours Nagumo d’être impliqué.

Nagumo — Je ne sais pas comment le prouver mais tu as l’air convaincue.

Kiryûin — Yamanaka et son témoignage alors ? Ce n’est pas suffisant ?

Nagumo — Elle a pu m’utiliser comme excuse, tu ne crois pas ?

À la réponse de Nagumo, Kiryûin secoua légèrement la tête.

Kiryûin — En te mentionnant, Yamanaka aurait été dans le pétrin. Elle aurait eu moins d’ennuis si elle rejetait la faute sur quelqu’un d’autre.

Le point de vue de Kiryûin est tout à fait logique. Nagumo a un contrôle presque total sur l’ensemble des terminale que l’on ait un ticket ou non pour la classe A. Il n’y avait aucun intérêt d’accuser Nagumo au risque d’être son collimateur. Elle n’aurait donc pas pu le mentionner gratuitement comme ça. Et si j’avais vécu la chose, j’aurais moi aussi soupçonné Nagumo en premier.

Nagumo — Malgré tout, tu sembles très en colère pour un simple vol à l’étalage. Cela ne te ressemble pas.

Kiryûin — Tu ne me connais pas assez bien pour me dire que cela ne me ressemble pas. Malheureusement pour toi, le vol à l’étalage me dégoûte. Ne pas se faire prendre est une chose mais causer du tort aux autres… je ne peux pas laisser passer ça.

Kiryûin n’avait pas l’air de connaitre le passé d’Ichinose. Alors qu’elle exprimait ouvertement son aversion, l’expression d’Ichinose s’assombrit. Nagumo remarqua ce changement d’attitude et l’interrompit, peut-être parce qu’il était au courant de la situation. Nagumo sembla avoir essayé de traiter cet acte avec légèreté devant Ichinose mais cela eu l’effet inverse.

Kiryûin — Tu admets alors être derrière tout ça ?

Nagumo — Quelle histoire quand même, tu ne trouves pas ?

Devant son refus de le reconnaître, Kiryûin tenta de le rassurer.

Kiryûin — J’ai seulement besoin de tes excuses. Si tu le fais, je promets que j’oublierai cette histoire.

Si Nagumo avait effectivement donné l’ordre, il recevrait évidemment une peine plus lourde que la personne ayant commis l’infraction. Même si Nagumo était le représentant des terminale, Kiryûin semblait être contre le fait d’essayer d’en faire un scandale.

Nagumo — Et que se passera-t-il si je ne m’excuse pas ? Tu te contenteras de casser la chaise ?

Kiryûin — Je ne pense pas que j’obtiendrai des excuses de ta part.

Nagumo — Je vois. Eh bien, alors…

Nagumo se détacha de Kiryûin pour se tourner vers nous.

Nagumo — J’ai fini de parler avec toi, Kiryûin.

Nagumo ne s’était pas excusé et n’avait rien admis, préférant y mettre fin.

Nagumo — J’aurais jamais cru assister à ce genre de scène.

Nagumo dit cela froidement à Kiryûin, qui était abasourdie.

Nagumo — Tu as dit que tu avais tiré les vers du nez à Yamanaka, mais quelle crédibilité as-tu dans cette déclaration sous la menace ? Même si tu signales la chose à l’établissement, tu penses vraiment qu’on te prendra au sérieux ?

Kiryûin — Au moins, la tentative de Yamanaka de me faire accuser de vol a probablement été filmée dans le magasin. Ce n’est pas un problème que l’on peut ignorer.

Nagumo — Alors commence par visionner les images. Mais c’est tout. Si tu ne trouves pas quelque chose qui me relie directement à Yamanaka alors c’est une histoire qui ne me concerne en rien.

Yamanaka allait être la seule à être punie et il n’y allait jamais avoir de preuve de l’implication de Nagumo. Il dégageait une telle confiance. L’école pouvait faire tout son possible pour enquêter sur la plainte de Kiryûin, mais il y avait des limites. La déclaration de Yamanaka pouvait être perçue comme un mensonge pour faire tomber Nagumo, le président du Conseil et leader des terminale. À moins que des preuves solides ne soient trouvées, cette issue était évidente.

Nagumo — Je suis désolé pour cette interruption mais je voudrais avoir votre accord définitif concernant l’élection.

Nagumo commença à revenir au sujet initial tout en ignorant Kiryûin.

Horikita — Pour moi c’est un oui.

Horikita montra ainsi son accord tout en étant préoccupée par le fait que la jambe de Kiryûin soit sur la chaise. J’ai cru qu’elle allait écarter la chaise d’un coup de pied, mais elle continuait d’observer, comme si elle essayait de lire dans l’esprit de Nagumo. Peu après, il demanda confirmation à Ichinose. Si tout se passait bien, elle devrait donner une réponse immédiate mais… L’expression de son visage n’était toujours pas claire, comme si Kiryûin l’avait hanté par ses paroles en mentionnant le vol à l’étalage.

Nagumo — Honami, tu vas te présenter aux élections, n’est-ce pas ?

Ichinose — …Eh bien, à ce propos Nagumo-senpai…

Nagumo — Oui ?

Ichinose — Je ne pense pas me présenter.

C’est alors qu’Ichinose fit une déclaration que je ne m’attendais pas à entendre.

Nagumo — Tu ne veux pas être présidente du Conseil ?

Ichinose — Je crois que c’est un problème qui va au-delà. J’ai toujours cru que le fait d’appartenir au Conseil et de devenir présidente était pour mon bien et pour celui de ceux qui m’entourent. Mais maintenant, je me rends compte que c’était juste de la vanité. Le fait que ma classe soit dernière au classement en est la preuve comme tu l’as dit.

Elle a donc refusé la chose en raison de la position de sa classe.

Ichinose — De plus, une personne comme moi ne peut pas être présidente du conseil des élèves. J’ai des antécédents criminels…

Les paroles involontaires de Kiryûin avaient assombri Ichinose.

Kiryûin — Criminels ?

Kiryûin, qui ne savait pas ce qui se passait, marmonna cela avec curiosité mais je ne pouvais pas lui expliquer la raison pour le moment.

Nagumo — C’est une autre histoire. Cela n’a rien à voir avec la situation.

Ichinose — Je ne le crois pas. Quel que soit le temps qui passe, les péchés du passé ne disparaîtront pas.

Après avoir répondu, Ichinose continua de parler comme si elle avait encore quelque chose à l’esprit.

Ichinose — J’aimerais démissionner du Conseil.

Horikita — Attends, Ichinose-san. Je pense que c’est une décision trop hâtive. Tu n’as pas…

Ichinose — Non, ça n’a rien à voir avec aujourd’hui. C’est une chose à laquelle je réfléchis depuis peu avant le voyage.

Ichinose sourit et avoua que ce n’était pas un coup de tête.

Nagumo — Tu sais bien que le service au sein du Conseil n’est pas qu’un fardeau pour les élèves. Il y a quelques tâches fastidieuses, mais au fond, cela ne peut être que positif. Tu as bénéficié de cet aspect, même si ce n’est pas aussi visible que tu l’aurais voulu.

Nagumo avait raison, être membre du Conseil n’était pas une mauvaise chose. Cela contribuait à nos points de classe, même si ce n’était qu’un peu. Pour la classe d’Ichinose, dans la situation difficile où elle se trouvait, c’est comme si elle jetait l’une de ses armes.

Ichinose — Je suis désolée, mais je ne compte pas changer d’avis.

Non seulement elle ne voulait pas se présenter à la présidence du conseil des élèves, mais elle voulait aussi démissionner. Kiriyama sembla surpris par une telle déclaration.

Kiriyama — Tu es donc vraiment sérieuse Ichinose.

Ichinose — Tu m’as bien guidée… Je suis désolée de ne pas avoir pu aider jusqu’à la fin.

Kiriyama — Ne t’en fais pas. C’est à toi de décider de continuer ou non. Je n’ai pas le droit de t’en empêcher.

Kiryûin semblait avoir fait le rapprochement dans une certaine mesure concernant ses antécédents. Je ne pouvais que m’en vouloir d’avoir eu la malchance que le sujet soit abordé par coïncidence ici au pire moment mais même sans cet incident, la volonté d’Ichinose de démissionner était ferme.

Ichinose — Je m’excuse de ne pas avoir été à la hauteur de vos attentes.

Ichinose se leva et s’inclina profondément devant Nagumo et Kiriyama.

Ichinose — Je suis sûre que tu feras une excellente présidente, Horikita-san. Je t’encouragerai.

Horikita — Ichinose-san…

Ichinose, censée être sa rivale pour l’élection, lui sourit et l’encouragea.

Ichinose — Je ne me sens pas très bien, alors je vous laisse ici. S’il y a des formulaires à remplir, veuillez me les donner plus tard. À plus, Ayanokôji-kun.

D’un petit geste de la main, Ichinose quitta le bureau sans hésiter. L’incident du vol à l’étalage a sans aucun doute causé quelques cicatrices émotionnelles, mais elle ne montra aucun signe de changement d’avis quant à sa décision d’arrêter. Elle ne semblait pas avoir de regrets. Il se pourrait que ce fusse murement réfléchi. Nagumo et moi n’étions pas les seuls à penser que la tournure des événements était inattendue. Horikita, qui a annoncé sa candidature à la présidence du Conseil des élèves, ressentit la même chose.

Nagumo — Ichinose-san a quitté le Conseil. Que dois-je faire ?

Le départ d’Ichinose semble avoir automatiquement mis fin à notre match. Même Nagumo ne peut rien y faire.

Nagumo — Il est impossible de remplacer Honami maintenant.

Je ne connaissais pas les règles des autres écoles, mais au moins dans celle-ci, un élève qui ne faisait pas partie du Conseil ne pouvait pas être retenu pour le poste de président.

Nagumo — Je n’aime pas la façon dont se passe les choses, mais tu vas être la présidente du Conseil des élèves, Suzune.

La chose la plus importante à éviter était l’absence de président. Il aurait été trop exagéré de nommer soudainement un élève de première sans expérience.

Horikita — Je m’étais mentalement préparée à une élection mais je comprends. Nous allons procéder ainsi.

Grâce à sa victoire sans opposition, Horikita fut rapidement élue présidente du Conseil.

Nagumo — Avant cela, j’ai un travail pour toi.

Horikita — Quel est-il ?

Nagumo — Remplir le poste laissé vacant par Ichinose dès que possible. Fais entrer au moins un nouveau membre du Conseil des élèves parmi les première.

En effet, le départ d’Ichinose la laissait comme seule élève de notre promo. Si un imprévu se produisait, le Conseil pouvait mal fonctionner.

Horikita — Y a-t-il des conditions de recrutement ?

Nagumo — Il n’y a qu’une seule chose : que cette personne soit digne et apte à être un membre du Conseil.

Horikita — Je vois, c’est tout à fait logique.

Bien qu’il soit inapproprié d’en parler, il est probable qu’il faisait référence au fait que nous pouvions intégrer quelqu’un avec une réputation comme celle de Ryuuen par exemple. Il n’y avait ainsi aucune autre restriction.

Horikita — N’importe qui peut donc demander à rejoindre le Conseil des élèves s’il remplit cette condition ?

Nagumo — C’est clair et net. Tu es libre de faire venir quelqu’un de ta classe si tu le souhaites. Même ton prédécesseur, Horikita-senpai, avait un membre du Conseil de la même classe.

Horikita — Oui, je comprends.

Nagumo — Et une dernière chose… Nomme également un membre du Conseil au sein des seconde. Yagami a été exclu de manière inattendue alors nous avons un poste vacant.

Nagumo donna ce qui semblait être un ordre très difficile, et l’expression de Horikita se durcit.

Horikita — Que je doive recruter une ou deux personnes m’importe peu. Je ferai de mon mieux dans tous les cas.

Elle ne pouvait pas refuser alors elle répondit honnêtement.

Nagumo — Il semble que nous soyons parvenus à un accord.

Kiryûin, qui avait surveillé la réunion, interpela Nagumo encore une fois. Peut-être pensait-elle qu’il ne pourrait pas dire la vérité en présence des première. Horikita, qui se vit confier une nouvelle mission, comprit la situation et se leva.

Horikita — Je vous laisse tous. Je ferai un rapport dès que j’aurais mes deux nouvelles recrues.

Nagumo — Très bien. À ce moment-là, je te remettrai officiellement mon poste.

S’inclinant devant Kiryûin, qui observait la situation, Horikita quitta la pièce. Les élections s’étant terminées brusquement, la bataille entre Nagumo et moi aurait dû naturellement ne plus être à l’ordre du jour. C’était le meilleur moment pour partir.

Moi — Je suis désolé, mais je dois partir maintenant.

Nagumo — Attends un peu, Ayanokôji, je n’ai pas fini de parler avec toi.

Nagumo m’arrêta avec un regard déterminé, comme s’il n’allait pas me laisser partir si facilement.

Kiriyama — Ne retarde pas l’affaire plus longtemps. La conversation avec Ayanokôji s’est terminée avec le refus d’Ichinose. Je pense qu’il est préférable de faire marche arrière et d’en finir au plus vite avec le cas Kiryûin.

Kiryûin fut d’accord avec Kiriyama pour dire que le problème devait être résolu.

Kiryûin — Tu as plein de défauts mais j’apprécie tes paroles Kiriyama. J’espère que tu prendras une sage décision, Nagumo.

Nagumo — Bon sang…

Nagumo fit claquer sa langue de frustration, mais les circonstances le forcèrent à abdiquer. Cependant, il ajouta ceci à la toute fin, probablement parce qu’il ne voulait pas me laisser partir.

Nagumo — Tu es un élève de la classe de Suzune. Aide-moi à trouver un membre de première pour intégrer le Conseil.

Moi — Moi, hein ?

Nagumo — Horikita est la seule élève de sa promo et je ne veux pas qu’elle ait trop de travail alors qu’elle va être élue. Je compte sur toi vu que tu es dans sa classe.

Il aurait très bien pu s’adresser à d’autre de mes camarades mais il m’a semblé qu’il voulait juste se défouler sur moi. Je n’avais pas jugé utile de me disputer avec lui ici.

Moi — Je ne sais pas si je peux être d’une grande aide, mais je ferai de mon mieux…probablement.

Nagumo ne laissa pas le temps de m’échapper.

Nagumo — Je ferai savoir à Suzune que tu l’aideras. Ne fuis pas, ok ?

J’envisageais de ne pas aider, mais il m’avait devancé.

Moi — D’accord, je vais aider. Ça te convient ?

À ce moment-là, la résistance de Nagumo à mon égard disparut.

Moi — Ah oui. Voilà un souvenir de notre voyage pour toi.

Je sortis quelques souvenirs supplémentaires que j’avais achetés à Hokkaidô et lui remis sachet par sachet.

Nagumo — Tu es étrangement bien éduqué.

Moi — Tu es le président du Conseil après tout. J’ai pensé que ce serait une bonne idée d’apporter un petit quelque chose.

Je ne savais pas quand lui offrir les souvenirs et ça ne faisait pas très pro de lui donner comme ça à la sauvette.

Kiryûin — Et moi alors ?

Moi — Je ne m’attendais pas à ce que tu sois là, Kiryûin-senpai. Tu pourras demander à Nagumo de te faire partager si tu veux.

Nagumo donna l’un des souvenirs à Kiriyama et s’exprima ensuite.

Nagumo — En parlant de fin de voyage scolaire… il est temps d’annoncer le prochain examen spécial, n’est-ce pas ?

Il continuait à me parler comme s’il n’était pas à l’aise avec Kiryûin.

Moi — Cela a été annoncé aujourd’hui même.

Nagumo — J’ai entendu dire que l’examen spécial après le voyage scolaire était une habitude. Cela signifie donc que tu vas probablement affronter Sakayanagi de la classe A.

Moi — Vu sous cet angle, c’est le cas.

D’après les dires de Nagumo, je croyais comprendre que c’était un évènement annuel avec cette idée de faire s’affronter les deux premiers et derniers.

Moi — L’année dernière, vous vous êtes donc battus l’un contre l’autre.

Nagumo — En effet.

Moi — Quel a été le résultat ?

Nagumo — Je crois que c’est ta classe qui a gagné, Kiriyama.

Kiriyama — …Oui.

Kiriyama répondit sans plaisir particulier. Kiryûin, qui était également dans la classe B, ne semblait pas avoir d’avis particulier sur la question, et laissa tranquillement couler.

Nagumo — C’est difficile de gagner contre la classe A en temps normal mais je pense que vous avez une bonne chance.

Moi — Je suppose que cela dépend de comment on voit les choses.

Nagumo — Je pense que les examens spéciaux organisés à cette période de l’année ont pour but d’avantager les classes inférieures afin de les rendre toutes compétitives. Cela signifie également que plus nous sommes moins bien classés et plus il est facile de gagner.

Les principaux acteurs étaient les classes de Horikita et de Ryuuen qui étaient à l’origine les moins bien classées. Cela signifie églament que Nagumo avait également laissé à Kiriyama et aux autres élèves de la classe B une chance de gagner.

Moi — Je pensais que tu gagnerais en toute circonstance.

Nagumo — Ne dis pas cela. Comment prendre au sérieux un examen qui ne changera pas la donne ?

La classe de Nagumo était déjà en mesure de faire cavalier seul et ne se préoccupait pas de victoires insignifiantes.

Nagumo — À l’époque de Horikita-senpai, comme il était de coutume, la classe A était seule en tête du début à la fin. J’étais dans la classe B, mais j’avais réussi à passer en classe A très vite au point d’avoir pris une très longue avance sur les autres classes. Cela nous avait permis d’être tranquille en cette période de l’année. La classe A a toujours le potentiel de rester en tête mais elle n’est plus dans une zone de sécurité absolue comme cela avait été dans le passé.

La classe de Horikita était certainement très motivée en ce moment car elle pouvait clairement voir la classe A de loin. Je me demandais ce qui se serait passé si la différence entre la classe A et la classe B avait été plus proche de 1000 points à ce moment-là. Même si nous gagnions, nous n’aurions jamais pu rattraper la classe A.

Nagumo — Fais de ton mieux.

Moi — Merci. On se recontactera du coup.

Après avoir dit cela, je fus autorisé à quitter les lieux.

Moi — J’ai enfin été libéré.

Avec le retrait d’Ichinose, l’élection du Conseil fut annulée et le contrat de 20 millions de points fut également perdu. Mais cela me convenait puisque cela n’interférait pas avec mes plans. Ce soulagement fut cependant de courte durée car une personne qui observait la scène de loin s’approcha.

Horikita — Tu n’as pas été libéré tout de suite, n’est-ce pas ?

Moi — Tu m’attendais alors.

Horikita — Disons qu’il y a eu beaucoup d’infos à digérer. Tu as reçu des directives particulières ?

Moi — Non, il a dit qu’il en avait fini avec moi.

Horikita — Pourtant, il a semblé discuter un petit moment avec toi.

Moi — Je lui ai donné des souvenirs du voyage scolaire en plus d’échanger des banalités.

Je n’allais pas mentionner maintenant que je devais l’aider. L’idée était de se la couler douce jusqu’à ce que Nagumo transmette le message à Horikita.

Moi — Tu vas maintenant succéder à Nagumo vu qu’il t’a nommée.

Horikita — Je n’aurais jamais pensé qu’Ichinose-san démissionnerait.

Moi — Je suis d’accord.

Je pensais qu’elle serait restée jusqu’à la fin, qu’elle gagne ou perde l’élection à la présidence. L’une des raisons pour lesquelles elle avait pleuré pendant le voyage scolaire était probablement liée à son retrait inattendu.

Horikita — Est-ce que Kiryûin-senpai va continuer cette discussion avec le président Nagumo ?

Moi — C’est vrai qu’elle était bien en colère.

Horikita — Oui. Je ne sais pas grand-chose d’elle, mais elle n’a pas l’air d’être quelqu’un que l’on doit avoir en ennemi. J’ai eu l’impression que le président Nagumo avait du mal à la gérer.

Il est vrai que les membres du Conseil ne voyaient habituellement Nagumo qu’en position dominante. Son impression était légitime.

Horikita — Le président Nagumo aurait demandé à quelqu’un de piéger Kiryûin-senpai dans un vol à l’étalage ? Je me demande quelle est la part de vérité.

Moi — Je n’en sais rien. Mais ce qui est sûr c’est que Yamanaka a essayé de faire accuser Kiryûin du crime.

Il n’avait pas été précisé si un autre tiers était impliqué.

Moi — Nagumo ou non, je ne vois pas l’intérêt de la piéger comme ça.

Horikita — Serait-ce pour se venger de quelque chose ?

Moi — Il y a cette possibilité. Il n’est pas rare d’être la cible d’une haine.

Mais il était inutile d’y penser.

Moi — Tu ne devrais pas plutôt te concentrer sur le Conseil ?

Horikita — Si tu pouvais être membre, cela résoudrait la moitié du problème, tu ne trouves pas ? Je suis sûr que tu répondrais à toutes les exigences du président Nagumo.

Moi — Je n’en suis pas si sûr. En tout cas, je n’ai pas ses faveurs.

Horikita — Ce n’est pas une question de préférence ou d’aversion.

Moi — Ce sera désagréable pour Nagumo en tout cas.

Horikita — Non, c’est juste que tu ne veux pas rejoindre le Conseil.

Moi — C’est ce que je sous-entendais.

Être membre du Conseil c’est avoir moins de temps libre ce que je veux éviter.

Horikita — Alors aide-moi au moins à trouver des recrues. J’espère que tu accepteras puisque c’est toi qui m’as fait entrer au Conseil.

Elle dit cela rapidement comme pour me couper l’herbe sous le pied.

Moi — Très peu pour moi. Désolé, mais je passe mon tour. C’est à toi de régler les problèmes du Conseil en tant que membre.

Horikita soupira et abdiqua, comme si elle était habituée à mes refus.

Horikita — J’aimerais en fait engager quelqu’un de notre classe. Le président lui-même a dit que ce n’était que du positif pour un groupe.

Moi — Je suis sûr que Yôsuke serait prêt à aider pour la plupart des tâches dans un moment comme celui-là.

Horikita — Oui mais il serait dommage de lui retirer les activités du club.

Il était membre du club de foot et avait obtenu un certain nombre de résultats. Il n’y avait pas beaucoup d’avantages à lui retirer ses activités de club.

Moi — Je m’en vais.

J’essayai de sortir de là, mais avant que je puisse le faire, Horikita se retourna pour me bloquer le passage.

Horikita — Ayanokôji-kun, à propos de l’examen spécial…

Moi — Je suis désolé mais tu n’auras pas non plus mon aide.

Horikita — Tu as dit que les problèmes du Conseil étaient le souci de ses membres mais nous parlons d’un examen spécial de classe là. Tu es donc concerné. Les camarades ne devraient-ils pas coopérer ?

Moi — Il y a d’autres gens, non ? Pas comme si nous étions presque quarante.

Elle n’avait pas à me viser moi en particulier.

Horikita — Tu ne veux juste pas m’aider en quoi que ce soit en fait.

Moi — Pas comme si ma coopération allait changer grand-chose.

Horikita — Je pense que tu es trop modeste. Je serais plus qu’heureuse d’avoir ton aide notamment face à Sakayanagi-san. Si tu venais à me donner un coup de main, nous aurions plus de chances de la vaincre comme lors du festival sportif.

Si nous perdons, l’écart avec la classe A augmentera de 100. La défaite n’était clairement pas envisageable mais ce n’était pas la mort non plus.

Moi — Je n’ai pas de conseil à donner mais en tant que camarade de classe, je suivrai tes instructions. Si tu m’ordonnes de répondre correctement à une question difficile, je le ferai.

Je ne comptais pas participer à l’élaboration de la stratégie mais elle avait toute ma coopération pour le déroulement de l’examen.

Horikita — …Tu veux dire que tu peux résoudre n’importe quel problème, quel que soit le sujet ou le niveau de difficulté ?

Moi — Oui. Ma note est de B sur l’OAA depuis décembre. Je ne peux pas obtenir un score plus élevé, mais je peux certainement répondre correctement si je le veux, qu’il s’agisse de la limite inférieure de deux questions ou de la limite supérieure de cinq questions requises pour réussir l’examen.

C’était déjà d’une grande aide pour elle.

Horikita — Tu veux donc bien aider lors de l’examen mais pas avant.

Moi — C’est ça.

Horikita — Quelle est la possibilité que tu puisses te tromper ?

Moi — La probabilité est proche de zéro.

À moins qu’il n’y ait des futilités qui n’ont rien à voir avec le sujet de base, il ne devrait y avoir aucun souci.

Horikita — Mais il me semblait que tu n’étais que fort en math.

Moi — Je ne me souviens pas avoir dit ça.

Elle marmonna un « je ne sais plus », puis me fit un signe de tête comme si elle acceptait ma proposition.

Horikita — Bon, je m’en occupe. La charge sera certainement réduite si un élève ayant une note académique de B à l’OAA est capable de répondre correctement à cinq questions, surtout si elles sont d’une difficulté élevée.

Ce sera une expérience cruciale pour Horikita en tant que leader. J’espérais qu’elle apprenne ici quelque chose de plus important que la victoire ou la défaite dans cet examen spécial.

Moi — Je compatis. Tu as été nommée présidente du Conseil des élèves à un moment très délicat.

Il était clair que sa nomination aurait été plus appréciée à une autre période de l’année.

Horikita — Nous n’y pouvons rien. En intégrant le Conseil des élèves, il faut s’attendre à ce genre de choses.

Et dire que si elle était arrivée là aujourd’hui c’était par mon coup de pouce même si ce n’était pas de ma volonté à la base. Malgré quelques inquiétudes, Horikita, qui marchait à côté de moi, semblait prendre bien les choses.

Horikita — Rien ne sert de prendre la chose négativement. Au contraire, si je deviens présidente, l’établissement me donnera une meilleure évaluation et j’aurai une certaine autorité. Je ne compte pas abuser de mon pouvoir, mais je suis prête à aller en zones grises s’il le faut.

Elle était déterminée à faire tout ce qu’il fallait pour accéder à la classe A. Dans le cas de Horikita, il était clairement préférable d’être un peu plus gourmand.

Horikita — Tu peux m’aider aussi, tu sais ? Avec la sélection des nouvelles recrues.

Moi — Tu te répètes non ?

Horikita — Je pensais que tu avais oublié.

Moi — Je vais garder mes distances.

J’espère qu’elle réussira à trouver des membres avant que Nagumo ne lui dise qu’il m’a sommé de l’aider.

3

Bien qu’il s’agisse d’une graine que j’ai moi-même semée, j’ai été impliqué dans quelque chose qui ne me concernait pas. J’aurais aimé qu’il y ait une élection pour en finir avec Nagumo, mais comme personne n’aurait pu prédire la démission d’Ichinose, je suppose que c’était inévitable. Je décidai d’appeler Kei. Elle m’attendait apparemment dans le dortoir.

Moi — Elle n’est pas encore rentrée chez elle ?

Dès que l’appel commença, la frustration de Kei fut la première chose à sortir.

Moi — Je viens de quitter le bureau du Conseil. Je suis là dans 15 min.

Je pensais qu’elle serait encore en colère contre moi, mais elle semblait satisfaite que je lui donne des nouvelles.

Karuizawa — J’ai attendu sans te presser, ne suis-je pas géniale ?


Elle adopta soudainement un ton plus doux.

Karuizawa — Super, super !


Les filles comme Kei sont douées avec les téléphones. Elle était ainsi capable d’envoyer un message toutes les quelques secondes.

Karuizawa — Heh heh heh.


Je ne sais pas si c’est un compliment ou non, mais elle semblait heureuse de me voir.

Karuizawa — Je t’attends !

Après cet échange bref, je rangeai mon téléphone dans la poche. La phase de romance a progressé et j’ai réalisé qu’une relation s’était établie sans avoir besoin de longues conversations. Seuls les membres d’une famille pouvaient se targuer de détecter la moindre différence chez l’autre, et pas seulement parce qu’ils sont plus intelligents ou alertes.

Ils étaient capables de remarquer ces changements subtils juste en ayant passé de longs moments ensemble. Il ne s’agissait pas d’anticiper ou de lire dans les pensées de l’autre, mais de sentir son contact.

Une rancœur passagère peut se transformer en une douceur passagère. Ce sont les deux faces d’une même pièce.

C’était vrai pour de nombreuses choses, et pas seulement pour ce scénario.

Les pages restantes du manuel diminuaient de minute en minute. Mais les dernières pages étaient devenues plus difficiles et prenaient plus de temps que les premières à être assimilées.

Maintenant… place à la prochaine tâche…


[1] En latin, signifiant donnant-donnant.

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