CLASSROOM Y2 V9.5 Chapitre 4


Mouvements furtifs

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Traduction : Raitei
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Matin du 28 Décembre.

La fin de l’année approchait très vite tandis que je prenais mon téléphone de derrière l’oreiller. J’avais reçu un message il y a environ 30 min de la part de Kei me disant qu’elle s’était rétablie. Étant sur le dos, je me retournai sur le lit avant de lui répondre

Moi — Tu es réveillée ?

Un « lu » s’afficha quelques secondes après l’envoi de mon message. Elle devait attendre une réponse depuis tout à l’heure alors elle était restée collée à son téléphone.

Karuizawa — Oui, je suis réveillée

Durant sa grippe, je n’avais pris que très peu de fois des nouvelles. Vu qu’il n’y avait pas de sticker dans sa réponse, elle n’était pas de bonne humeur.

Moi — Tu as quelque chose de prévu aujourd’hui ?

J’avais prévu de l’inviter à sortir si elle n’était pas occupée, mais…

Karuizawa — Désolée mais j’ai prévu de sortir avec Maya-chan. Elle m’a beaucoup aidée alors je veux la remercier. Ça te gêne ?

Evidemment que non, car il était important de ne pas trahir son amitié avec Satô en me donnant la priorité sur elle. Je ne pouvais pas lui en vouloir.

Moi — Pas de soucis. Je peux t’appeler vers 21h ? J’aimerais parler de pas mal de choses.

Ce qui s’était notamment passé durant le Noël que nous aurions dû passer ensemble et la distance qui s’était créée entre nous depuis quelque temps. Il fallait faire un point très rapidement vu que nous étions en couple.

Karuizawa — Ok

Puis elle renvoya un autre message.

Karuizawa — J’attendrai ton appel alors.

C’était au moins un soulagement qu’elle aille mieux et il fallait donc organiser urgemment quelque chose avant la fin de l’année. La question maintenant est de savoir ce que j’allais faire de cette journée qui se présentait à moi.

La salle de sport était une possibilité, car je n’y étais plus allé depuis quelques jours, mais je pouvais tout aussi bien me reposer chez moi. L’idéal aurait été de ne pas croiser Kei et Satô pour ne pas les troubler alors il valait mieux ne pas m’approcher du centre commercial. Avant de lui spécifier que j’allais me reposer, mon portable se mit à vibrer. Cela ne venait pas de Kei, mais d’un numéro que je reconnus immédiatement. Je ne savais pas si je devais répondre ou non et je me contentai de fixer l’écran un petit moment. Je me décidai de prendre l’appel avant que la sonnerie ne se termine.

— Hey, c’est possible de décrocher plus vite ?

C’était Ryuuen à l’autre bout du fil, irrité par mon manque de réaction.

Moi —Je revenais de la salle de bain.

Ryuuen — Ah oui ? J’espère que t’allais pas m’ignorer en laissant sonner ton portable par hasard ?

Que ce soit Sakayanagi ou Ryuuen, ils arrivaient bien à lire en moi dans mes actions du quotidien. Je saluai intérieurement cette prouesse.

Ryuuen — Il faut que je te parle. Rendez-vous à l’entrée nord du Keyaki dans 30 minutes.

Ne portant que peu d’intérêt à ma volonté de l’éviter, il força une rencontre.

Moi —Tu sais, j’ai pas mal de choses à faire aujourd’hui…

Ryuuen — Tu n’as qu’à les reporter.

Il raccrocha ensuite juste après avoir dit ce qu’il avait à dire.

Moi —Il ne pense vraiment qu’à lui.

Mais était-ce vraiment étonnant ? Pas vraiment

1

Les fortes tombées de neige s’étant arrêtées alors on commençait à mieux circuler vu que la couche fondait. L’on pouvait voir tout de même encore des couches de neige dans quelques endroits à l’ombre, mais c’était une question de temps. Mais qu’il appelle comme ça tout juste en fin d’année était quelque peu déroutant. En effet, il aurait pu discuter avec moi pendant le festival ou durant le voyage scolaire. Et comme c’était les vacances, je ne pense pas que c’était pour me parler des examens. C’est dans le flou que j’arrivai ainsi à l’entrée nord du Keyaki et sans retard. Ce n’était pas Ryuuen, mais quelqu’un d’autre qui attendait contre le mur, les bras croisés.

Moi —Katsuragi ? J’imagine que ta présence n’est pas un hasard.

Le centre commercial n’avait pas encore ouvert alors il n’y avait aucune raison d’être là si tôt, à moins qu’il y ait un évènement premier arrivé, premier servi.

Katsuragi —Tu as également reçu un appel de Ryuuen ?

Sa présence signifiait que la conversation allait être sérieuse.

Moi —Ce n’est pas très sympa de sa part de nous forcer à venir comme ça sans nous donner des détails.

Depuis son départ de la classe A pour rejoindre celle de Ryuuen, Katsuragi l’avait beaucoup aidé dans diverses stratégies.

Moi —Tu es devenu son stratège. Il a l’air de te faire confiance.

Katsuragi —C’est très bien comme ça.

Même s’il n’affichait aucun sourire, il n’avait pas l’air gêné non plus.

Moi —Alors, pourquoi cet appel ?

Katsuragi —Il faudra voir ça avec Ryuuen directement.

Katsuragi n’avait donc vraiment pas été informé.

Katsuragi —Tu sais que ça ne présage rien de bon pour toi.

Moi —En effet, je me doute du sérieux du sujet.

Katsuragi —Pourquoi ne pas l’avoir ignoré ?

Moi —Je pense que laisser trainer la chose aurait été plus gênant.

Katsuragi — Tu es mentionné parfois dans nos discussions ce qui montre que tu n’es pas ordinaire. Il a quand même une grande estime de toi et il sait qu’il ne peut pas te battre pour le moment.

Moi — Il me complimente ? Difficile à croire.

Katsuragi —Pourtant des « écrase-le », « tue-le », en sont pour toi.

Moi — Pas vraiment, c’est assez chaotique je dirais.

Il devait un peu se moquer, car il afficha un sourire en coin.

Katsuragi —Personne en dehors de la classe n’arrive à l’égaler ou le surpasser. Et il n’y a également personne avec qui il peut parler sincèrement. Ton existence est donc importante pour lui.

Sakayanagi aurait très bien pu être son égale voire plus, mais c’était un adversaire qu’il devait faire tomber. Mais je ne voyais pas en quoi nous pouvions parler en toute sincérité.

Katsuragi —Je suis étonné que votre classe ait battu Sakayanagi même si c’était à votre avantage. J’espère que cela la fera redescendre un peu.

Moi — Elle a tout de même tout donné alors je doute que cette défaite soi si amère pour elle. Et puis justement, ce n’était pas équitable.

Katsuragi —Certes mais cela reste un examen spécial. Il fallait savoir utiliser efficacement les points forts et faibles de chacun.

Il considéra que notre victoire était due à notre force.

Moi — Ichinose a l’air d’avoir pris de l’avance sur votre classe.

Katsuragi —Sa classe aborde chaque examen spécial à l’unisson. Ils sont soudés et optimistes.

Katsuragi admit que c’était un adversaire difficile à faire tomber.

Katsuragi — Notre stratégie était claire, car nous sommes inférieurs en termes académiques aux autres classes. Il faut y remédier si l’on veut éviter des revers dans le futur.

Ce n’était en effet pas si simple de mettre au niveau tout le monde aussi vite.

Katsuragi — J’ai demandé à Ryuuen de se concentrer sur les révisions, mais il n’a pas voulu m’écouter.

S’ils ne pouvaient pas gagner avec une approche classique alors les tactiques sournoises étaient de mise.

Katsuragi — Laisser la situation telle qu’elle est ne nous fera pas avancer de manière significative d’autant plus que face l’adversité notre leader fait preuve de sélection. Il agit en despote et favorise certains élèves plus que d’autres, laissant à l’abandon certains.

Moi — Il ne les choisit donc pas en fonction de leurs compétences ?

Il y avait les obéissants comme Ishizaki et Albert et ceux qui ne rentraient pas dans le jeu de Ryuuen. Il était naturel pour ce dernier de favoriser les premiers.

Katsuragi — Étrange, n’est-ce pas ? Tu as dû le remarquer.

Moi — En effet.

Katsuragi — Je pense que ces élèves inutilisés devraient se consacrer à améliorer leur niveau scolaire sans que Ryuuen ne le sache.

Si Ryuuen entendait cela, le blâmerait-il en soulignant la futilité de la chose ? Même en colère, je pense qu’il n’en tiendrait pas rigueur à Katsuragi auquel cas, il n’aurait pas dépensé autant de points pour l’avoir dans sa classe.

Moi — Mais c’est ok de me dire tout ça ?

Katsuragi — Disons que ça me soulage de me confier.

Moi — Je pourrai lui en parler.

Katsuragi — Si tu le fais c’est que je t’avais mal jugé.

Il montra confiance à mon égard, mettant en place une pression silencieuse pour éviter toute trahison. C’est à ce moment-là qu’il regarda derrière moi.

Katsuragi — Voilà notre petit effronté. Il a l’air de se ficher de son retard.

Suivant le regard de Katsuragi qui s’éloignait du mur quelque peu exaspéré, Ryuuen s’approchait sereinement. Dans la main gauche, il y avait un sac en plastique provenant probablement d’une supérette en chemin.

Ryuuen — On est tous là du coup.

Katsuragi — Tu pourrais au moins t’excuser pour Ayanokôji.

Ryuuen — Sois reconnaissant que ce ne soit pas pendant les fêtes

Il balaya ainsi ses dires et commença à marcher. Pendant un court instant, Katsuragi et moi croisâmes nos regards comme si on sentait les ennuis qui allaient commencer. Ryuuen sortit un hamburger vidant ainsi son sac en plastique. Il replaça ensuite ce dernier dans la poche. Il mangea sans attendre comme s’il n’avait pas mangé son petit déjeuner. Katsuragi le regarda perplexe, car il aurait pu très bien finir de manger avant de venir.

Katsuragi — Pourquoi nous avoir fait venir tous les deux ?

Malgré la question quelque peu autoritaire, il continua de mâcher. Une fois repu, il commença à parler.

Ryuuen — Les terminale m’ont dit quelque chose d’intéressant sur une grande épreuve qui se prépare au sein des première.

Katsuragi — L’examen final ? Si c’est le cas, nous le savons déjà.

Il est vrai que nous savions que cela n’allait pas être de tout repos et qu’il fallait bien se préparer. Ce n’était sûrement pas le sujet de la conversation.

Katsuragi — Est-ce possible que ce soit une autre épreuve ?

J’intervins tout juste après.

Moi — On a les yeux rivés sur l’examen final alors il y a peut-être autre chose qui peut nous prendre par surprise.

Ryuuen — Tu sais quelque chose, Ayanokôji ?

Moi — J’ai entendu parler d’un examen au début du 3e trimestre où des étudiants pouvaient être expulsés. Je ne sais pas si c’est vrai.

Ryuuen avait dû entendre la même chose ce qui expliquait son sourire.

Ryuuen — D’ailleurs, tu tires cette info d‘où ?

Moi —Kiryuin de la terminale B me l’a dit il y a 3 jours.

Ryuuen — Pareil, il y a 3 jours, de la part d’Ibeyama en terminale D.

Moi — Le timing est douteux vu la dangerosité de l’examen.

Ryuuen — Ça doit être une coïncidence, à moins que…

Moi — L’école contrôle l’information et c’est donc un choix voulu.

Tandis que nous étions arrivés à un raisonnement cohérent, Ryuuen prit une bouchée de son hamburger. La classe de Horikita avait été mise au courant par Kiryuin de la classe B. La classe de Ryuuen, par Ibeyama de la classe D. Le fait que ce soient les mêmes classes n’était probablement pas un hasard. Il fallait juste avoir confirmation si Sakayanagi avait été mise au courant par un terminale A et Ichinose par un terminale C.

Katsuragi — Mais pouvons-nous fier à cette information ? Et si quelqu’un s’amusait à répandre de fausses rumeurs ? Qui plus est en vacances.

Ryuuen — Heh, c’est justement pour ça que c’est crédible.

En effet les élèves se relaxent pendant les vacances. Si c’était faux alors ça signifie que ces jours de repos auraient été gâchés ce qui n’aurait pas plu.

Katsuragi — C’est donc pour nous préparer au choc… Je vois.

Étant donné que nous savions la même chose, Katsuragi analysa la situation avec calme. Chaque classe avait un destinataire et l’information circulait bien.

Katsuragi — Est-ce que quelqu’un d’autre a reçu cette information ?

Je hochai la tête de gauche à droite. Ryuuen resta imperturbable, mais ne savait probablement comme moi rien à ce sujet. Si Ishizaki ou d’autres avaient entendu parler de ça, ils en auraient informé Ryuuen immédiatement.

Katsuragi — Seulement les leaders auraient été mis au courant ?

Ryuuen — Rien n’est sûr. Mais il est très probable qu’Ichinose et Sakayanagi le savent. Je ne les crois pas stupides à ce point.

Katsuragi — Mais pourquoi Ayanokôji a été choisi ? Cela aurait dû être Horikita. Ou bien l’as-tu su par hasard ? Si ça se trouve Ichinose et Sakayanagi ne sont pas au courant. Non…impossible.

Avant de formuler une autre hypothèse, Katsuragi fit une pause.

Katsuragi — L’école reste neutre alors un avertissement comme celui-là doit être donné aux leaders de chaque classe afin qu’il comprenne bien les tenants et aboutissants.

Ryuuen — Suzune s’améliore de jour en jour, mais ça ne m’étonnerait pas que l’école et les terminales aient compris qu’Ayanokôji est le leader caché.

Il est vrai que j’avais pu m’entretenir récemment avec Nagumo et Kiriyama durant l’histoire du Conseil. Mais pour moi, Kiriyama aurait tout de même choisit Horikita et je ne sais toujours pas pourquoi Kiryuin est entré en contact avec ma personne. Je pense que les leaders de terminale devaient informer ceux des première. Kiriyama voulait probablement informer Horikita, mais Kiryuin a entendu la conversation et m’a délivré le message. Je ne sais pas si cette information est vraie, mais mon devoir est d’en informer Horikita.

Katsuragi — Si on se base sur les évènements de l’an passé, alors l’examen spécial se déroulera avant ou après le camp d’entraînement.

Il réorganisa ses pensées avant de reprendre.

Katsuragi — Avant l’examen final, il y aura plusieurs épreuves ce trimestre. Une, début et fin janvier. Une en mars avec le vote de classe.

Ce 3e trimestre allait donc être compensé de quatre examens, mais ce n’était que des conjectures. Qui plus est, le vote de classe n’était pas systématique chaque année alors trois examens étaient le nombre le plus probable. Il était aussi possible qu’aucun examen spécial n’ait lieu, mais c’était du fantasme.

Ryuuen — Le vote de classe… Le jour où Totsuka a été viré, hein ?

Katsuragi — Oui…

Alors que sa mine devint sombre en repensant à l’expulsion de son ami, Ryuuen, qui venait de finir de manger, ajouta :

Ryuuen — Si ça se trouve, ce n’est pas qu’à une ou deux expulsions qu’il faudra s’attendre.

Il fallait en effet se préparer au pire.

Katsuragi — Des expulsions, hein ? Je préfère ne pas en avoir.

Ryuuen — Ne rêve pas. Il y’a encore trop d’élèves. Les choses ne seront pas intéressantes sans exams faisant sauter 5 à 10 personnes.

Contrairement à Katsuragi, Ryuuen ne pensait pas à ses camarades.

Moi — N’oublie pas que tu pourrais aussi être visé, Ryuuen.

Ryuuen — La bonne blague ! Si Ichinose ou Sakayanagi essaient quelque chose, je serai là pour les écraser.

Katsuragi — Peut-être mais tu peux aussi te faire prendre en traître.

Il faisait référence à ses ennemis au sein de sa classe. La brutalité de Ryuuen, faisait qu’il en avait beaucoup, mais être inquiété par ça n’était pas son style.

Ryuuen — Au moins, l’école nous machera le travail en faisant ça.

Katsuragi — Peut-être mais je te préviens, je m’opposerai à toi si tu comptes abandonner des gens de manière arbitraire.

Ryuuen — Fais comme tu veux.

Même si Katsuragi s’y opposait, il ne comptait montrer aucune pitié. Mais sa présence était nécessaire pour le canaliser. Le mystère restait complet sur le pourquoi de notre venue ici. Katsuragi devait penser la même chose, car son expression était toujours aussi sérieuse tandis qu’il s’approchait de Ryuuen.

Ryuuen — Si on peut choisir notre adversaire pour le prochain examen spécial alors je choisirai Sakayanagi.

Ryuuen avait donc réussi à comprendre ce que nous pensions.

Katsuragi — Pourquoi ça ? L’examen final ne te suffit pas ?

Ryuuen — Non. Je veux voir l’humiliation sur son visage une fois de plus.

 Il nous faisait ainsi comprendre qu’on ne devait pas s’interposer.

Moi — Il y’a peu de chances que Horikita veuille affronter Sakayanagi. À moins que l’examen spécial ne sollicite l’esprit d’équipe, la classe A nous bat sur tous les autres points.

Si elle avait le choix, Horikita choisirait Ichinose pour sûr.

Katsuragi — Ce n’est pas raisonnable. Nous n’aurons aucune chance si l’examen se base sur nos compétences académiques.

Décider maintenant du futur adversaire n’avait que très peu d’intérêt sans connaître les modalités. Mais Ryuuen était prêt à mesurer à elle.

Ryuuen — Sakayanagi doit penser qu’elle peut me battre n’importe quand, mais je vais lui montrer qu’elle se trompe lourdement.

Katsuragi — Je ne peux pas accepter…

Ryuuen — Alors tu préfères affronter Ichinose qui est bien féroce ?

Il avait donc remarqué son changement. Mais pour Katsuragi, il était hors de question pour lui d’affronter Sakayanagi.

Katsuragi — Même si considérer Ichinose comme un adversaire redoutable est une bonne chose, elle reste moins forte que Sakayanagi en tout point. Elles sont incomparables. Attendons d’en savoir plus.

Katsuragi, qui ne sous-estimait pas Ichinose, suggéra qu’ils devraient attendre des détails sur l’examen avant de savoir qui ils allaient affronter.

Moi — Ryuuen veut juste affronter Sakayanagi. Doit-il avoir une raison ?

Katsuragi — C’est justement là le problème. Un leader doit prendre tous les paramètres en considération pour appliquer le meilleur choix possible. Choisir maintenant un adversaire puissant reviendrait à potentiellement lui donner la victoire.

Nous continuâmes notre discussion près du keyaki sans nous arrêter. C’était parti pour durer.

2

L’arbre de Noël géant à l’entrée du Keyaki fut retiré. Tout en regardant l’emplacement vide, Karuizawa se montra mélancolique.

Karuizawa — Haah…

Satô, qui venait tout juste d’arriver, entendit son soupir.

Satô — Tu as beaucoup attendu ?

Karuizawa — Ah, c’est toi Maya !  T’en fais pas, je viens d’arriver.

Maintenant rétablie, Karuizawa avait invité Satô pour une sortie entre filles. Comme expliqué à Ayanokôji, Satô l’avait beaucoup aidé durant la grippe en lui rendant des services à toute heure. Elle répondait à tous ses messages dans ses moments de solitude. Ainsi tout ce qu’elle aurait pu dire à Ayanokôji avait fini par être reçu par Satô qui avait même accepté avec joie cette invitation à l’improviste.

Karuizawa — Désolée de t’avoir fait venir à la dernière minute.

Satô — T’inquiète. Je suis soulagé de te voir remise sur pied.

Karuizawa — Merci ! Mais c’est un peu exagéré toutes ces précautions ?

Satô — Je pense que ça peut être dangereux pour certaines personnes.

Satô, toute joyeuse, tenait la main de Karuizawa.

Satô — C’est un sujet qui fâche, mais il sait que tu vas mieux ?

Karuizawa — Je lui ai dit ce matin. On a prévu de respecter notre promesse de Noël demain.

Satô — Oh, super ça !!

Satô partit du principe que la réconciliation était faite, mais elle comprit rapidement que ce n’était pas le cas en voyant l’expression de Kei.

Karuizawa — La promesse sera sûrement tenue, mais bon, je ne sais pas ce qui va se passer après…

Satô — Mais c’était aussi grave que ça votre dispute ?

Satô pensait que ce n’était que passager. Qui plus est, Ayanokôji était en faute pour elle, mais ce n’est pas ça qui tracassait Karuizawa.

Karuizawa — Kiyotaka est peut-être amoureux d’Ichinose.

Elle imaginait toujours le pire quand son moral était au plus bas.

Satô — Non, non, impossible. Arrête de te faire des films, ok ?

Karuizawa — …hmm…ouais.

Le fait qu’elle regagne une expression neutre soulagea Satô. Regrettant d’avoir abordé le sujet, elle tenta de parler d’autre chose.

Satô — Déjà la fin de l’année, sérieux. Ça passe trop vite…

L’arbre fut retiré et les décos de la nouvelle année apparaissaient petit à petit.

Karuizawa — J’avais trop envie de voir le sapin en plus…

Satô — Uh… !?

Karuizawa, toujours piégée dans ses regrets, se figea, fixant l’endroit du sapin. Ayanokôji et elle auraient dû prendre une photo tous les deux le 24 devant la chose. Satô tenta encore d’éteindre le feu.

Satô — Et bien, il y a encore l’année prochaine, non ?

Karuizawa — C’est vrai…

Pour elle, difficile de se projeter aussi loin. L’avenir était brumeux et même à court terme, c’était flou. Tandis qu’elle avait toujours les yeux dans le vide, Satô scruta les environs, cherchant un moyen de lui faire regagner de la joie de vivre. Mais son objectif réel était de chercher Ayanokôji. Comme ils n’étaient pas encore réconciliés, cela n’allait pas être évident de se croiser, mais elle décida de s’en remettre au sort. Pour Satô, Ayanokôji était le seul capable de lui remonter le moral pour laisser derrière tous leurs soucis. Mais elle ne savait pas qu’il était au courant pour leur sortie. C’est pourquoi Karuizawa n’essayait même pas de le chercher. Satô allait devoir se montrer forte en ne comptant que sur elle-même, car Ayanokôji avait prévu de ne pas les déranger.

Satô — Bon, on en parle plus. Je veux qu’on aille s’amuser !

Ne comptant rien lâcher, elle attrapa les épaules de Karuizawa. En voyant son regard déterminé, elle reprit ses esprits. Elle avait fait venir sa meilleure amie pour la remercier, mais finalement, elle continuait de l’inquiéter.

Karuizawa — Tu as raison !

Karuizawa avait décider de se reprendre, du moins pour le moment. Elle le faisait pour sa meilleure amie dans cet établissement. En pensant à leur belle amitié, elle tendit sa main. Satô mit un peu de temps pour comprendre, mais en la voyant sourire, elle s’empara de sa main. Elles se mirent à rigoler de la froideur de leurs doigts respectifs. Gênées certes, mais connectées.

De loin, on pouvait y voir un couple à s’y méprendre, mais ce n’était que deux très bonnes amies trouvant dans cette séquence un moyen d’affirmer leur relation harmonieuse.

En aucun cas, le monde extérieur ne pouvait les perturber.

Satô — Hé hé hé, tu vas tout oublier avec moi !

Karuizawa — Tu me fais peur là.

Karuizawa et Satô comptaient ainsi passer leur journée au Keyaki en s’amusant.

3

Nous quittâmes le Keyaki pour nous promener tranquillement sur les divers chemins du campus avant de revenir dans ses alentours. Nous étions même passés sur un chemin donnant la vue sur la mer. Il n’y avait rien d’anormal à ce que trois garçons trainent ensemble dans ce secteur et surtout pendant les vacances. Mais rien que la présence de Ryuuen pouvait attirer l’attention et notamment avec un Katsuragi connu pour ses stratégies et moi-même qui n’avions rien à faire là. Mais Ryuuen ne voulait en aucun cas rester discret et vu comment les examens qui approchaient, c’était assez culoté de sa part.  On aurait dit qu’il faisait exprès d’attirer l’attention.

Katsuragi — Avons-nous terminé ? Nous ne faisons que tourner en rond.

Alors qu’on approchait de nouveau vers le Keyaki, Katsuragi s’était arrêté. Connaître le nombre d’examens spéciaux était impossible et il comptait camper sur ses positions quant au fait de ne pas affronter Sakayanagi. C’est pour cela que la conversation n’avait plus aucun intérêt.

Ryuuen — En effet.

Sans regarder en arrière, Ryuuen leva la main et abdiqua.

Katsuragi — Je t’en dois une, Ayanokôji. En cas de soucis, n’hésite pas à venir me consulter. Je pense bien pouvoir t’apporter de l’aide sur certaines choses qui n’entrent pas dans la guerre interclasses.

Je hochai la tête à cette remarque inattendue, et Katsuragi commença à partir. Je me mis en position pour le faire également.

Ryuuen — Je vais aller vers le Keyaki, et toi ? Si tu veux qu’on se tienne la main dans le cadre d’un rencard, je peux y songer.

Il se mit à rire et me tendit la main gauche avec entrain. Me balader avec lui au Keyaki allait clairement attirer l’attention et puis je pouvais croiser Kei et Satô.

Moi — Bon… je crois que je vais juste m’en aller.

Accompagner Ryuuen à un rendez-vous main dans la main au Keyaki ne faisait pas clairement pas partie de mes plans. Il n’avait en tout cas pas l’air de vouloir m’empêcher de rentrer alors je commençai à marcher.

Ryuuen — Notre match aura lieu en terminal, ne l’oublie pas !

Ce fut les derniers mots de Ryuuen avant que je ne quitte la zone. Je ne comptais pas oublier la chose, mais je ne sais pas si ce moment allait arriver ou non. En tout cas, cette petite balade m’avait étrangement fatigué. Beaucoup plus qu’une heure à la salle de sport et ce n’était pas qu’une impression.

Tandis que je ne les voyais plus, je continuai la marche en direction du dortoir dans l’objectif d’y passer le reste de la journée. Mais avant ça, quelque chose me turlupinait depuis le début alors je me décidai à vérifier la chose. Après quelques dizaines de secondes, je sentis quelqu’un approcher et restai devant un distributeur non loin des murs côté extérieur du Keyaki. Je faisais semblant de chercher ce que j’allais prendre, scrutant en fait les feuillages, probablement placés par un employé du centre commercial.

Moi — Qu’est-ce que tu fais là ?

— Eh ?!

J’interpelai Yamamura, cachée derrière.

Moi — Tu me suis depuis environ dix minutes. Tu étais cachée derrière un arbre de l’autre côté du sentier tout à l’heure.

Il y avait beaucoup d’arbres épais alors se cacher était facile, mais c’était tout de même une prouesse pour que Ryuuen et Katsuragi ne la remarquent pas.

Yamamura — Non, tu te trompes…

Elle tenta de nier, mais abandonna très vite, car je l’avais percée à jour.

Yamamura — Co…Comment tu le sais ?

Moi — Comment ?

Mon ancien moi aurait pu l’ignorer, mais nous avions fait connaissance lors du voyage scolaire. C’est comme observer une image A et un jour la regarder d’une autre manière pour y voir une image B. Le cerveau va alors la considérer comme B même si elle est similaire à l’image A. Avant, c’était une simple élève dans la masse de la classe A. Maintenant, c’est Yamamura Miki pour moi.

Je savais qu’elle nous écoutait, mais j’attendais le moment opportun, car si je l’avais dénoncée à Ryuuen, cela aurait montré que j’étais dans son camp. Je m’en fichais un peu, mais je préférais quand même attendre.

Moi — Ça ira, Ryuuen et Katsuragi n’ont pas l’air de t’avoir remarquée.

Yamamura — Hm. J’avais l’impression que Ryuuen avait compris.

Et elle avait vu juste, car Ryuuen faisait exprès de se balader comme ça en attirant l’attention pour qu’elle tombe dans son piège.

Yamamura — Mais pourquoi me dire ça ?

Elle était certaine de ne pas avoir été vu sinon elle n’aurait pas été surprise.

Moi — On dirait bien que tu faisais aussi la même chose hier.

Son silence en disait long, mais même si Ryuuen était sur le qui-vive, Yamamura avait réussi à les épier. Ne mordant pas à l’hameçon, il avait lâché l’affaire. Comme Ryuuen ne m’avait pas suivi, j’avais jugé bon de la débusquer.

Moi — Comme nous avons été dans le même groupe pour le voyage, je me suis dit qu’il fallait au moins que je te salue.

Cela aurait été bizarre pour moi de l’ignorer dans un endroit aussi calme alors qu’on se connaissait. Mais bon, elle aurait préféré ne pas être interpelée.

Yamamura — Tu ne cherches pas à savoir pourquoi je vous suivais ?

L’examen final approchait, et Ryuuen allait affronter Sakayanagi. Il était normal pour la classe A de rassembler des informations.

Moi — Je n’ai pas vraiment besoin de le faire.

Yamamura — Ah oui ?  

Moi — Sois tranquille, je ne vais rien dire à Ryuuen.

Je tentai de la rassurer, car dire qu’ils n’avaient rien vu ne suffisait pas.

Yamamura — Mais en tout cas vous avez l’air de bien vous entendre. On ne dirait pas que Ryuuen est un ennemi. Tu serais son allié ?

Il était logique qu’elle se pose des questions. En effet, elle doutait.

Moi — Nope. Mais je ne suis pas l’allié de la A non plus. Tu as juste ma parole que je garderai le secret sur toi.

Yamamura — Je peux te faire confiance ?

Tout juste avant de hocher la tête, j’entendis des pas ce qui me figea. Juste après, nous pûmes entendre des applaudissements, lents, très lents.

—  Magnifique Ayanokôji. Comment as-tu réussi à trouver le rat ?

Yamamura regardait maintenant Ryuuen, sorti de nulle part.

Ryuuen — J’imagine que Sakayanagi t’a demandé des infos sur moi.

Yamamura — Non, ce n’est pas ce que tu crois.

Elle tenta de nier, mais c’était peu crédible.

Ryuuen — Kukuku. Quelle bonne idée de suivre Ayanokôji de loin au cas où. Tu remarques facilement les gens qui t’observent, mais quand tu penses que plus personne te suit, tu baisses aussitôt ta garde.

Il avait raison. S’il avait essayé de me suivre normalement, je l’aurais sans doute repéré, mais il avait bien joué le coup. Depuis notre séparation, il y avait deux chemins possibles, soit le Keyaki, soit le dortoir qui débouchait ensuite sur l’école. Il avait dû attendre un peu au Keyaki avant de retourner sur ses pas. Il savait que j’allais baisser ma garde et s’il m’avait proposé de venir au centre commercial c’était pour m’obliger à prendre la route du dortoir. Dès que je vis Katsuragi arriver, je ressentis un malaise pour Yamamura.

Katsuragi — Il y avait donc un lien entre Yamamura et Sakayanagi.

Katsuragi, qui devait aussi faire du repérage dans les alentours du Keyaki en faisant sembler de rentrer, fut surpris par la présence de Yamamura.

Katsuragi — Désolé Ayanokôji, Ryuuen m’a envoyé un message pour me dire de revenir.

Il n’avait pas tenu Katsuragi au courant dès le début pour ne pas éveiller les soupçons, mais sa présence augmentait le taux de succès de son plan.

Ryuuen — C’est si surprenant que ça qu’elles soient liées ?

Katsuragi — Oui. Quand j’étais en classe A, je ne l’avais jamais vu parler à Sakayanagi. Elle fait juste partie des équipes de récoltes d’infos.

Katsuragi, qui connaissait bien le fonctionnement interne de la classe A était le mieux placé pour tout comprendre. Yamamura commençait clairement à paniquer.

Ryuuen — Tous ces efforts pour ça. Je pensais au moins tomber sur Hashimoto. Ou bien serais-tu la personne de confiance de Sakayanagi ?

Son regard aiguisé perça la pauvre Yamamura à jour. L’angoisse était palpable, car elle ne s’attendait pas à un tel revers. Cette peur qui la mettait au pied du mur pouvait apporter toutes les réponses à Ryuuen.

Ryuuen — Ta capacité d’observation est incroyable Ayanokôji, mais ton rôle s’arrête là pour aujourd’hui.

Tout ce qu’il avait à faire maintenant était de malmener Yamamura.

Ryuuen — Si Sakayanagi croit pouvoir me battre avec de l’observation, elle se trompe lourdement.

Même si Yamamura n’avait pas été débusquée, aurait-elle été en mesure de transmettre des informations utiles à Sakayanagi ? Et puis pour la récolte d’informations il faut pouvoir faire du social, se rendre dans des karaokés ou des toilettes. Nombreuses étaient les méthodes. L’information était cruciale et même Ryuuen devait en collecter lui-même. Mais ce n’était pas le cas de Sakayanagi qui avait des contraintes physiques. Elle avait besoin de l’aide de Yamamura, Kamuro ou Hashimoto.

Ryuuen — C’est relou d’être observé, non ?

Katsuragi — Tu vas pourtant plus loin quand il s’agit de Sakayanagi.

On dirait que l’espionnage n’était pas à sens unique. Ils se surveillaient mutuellement afin de préparer au mieux l’examen final.

Ryuuen — Si tu as une idée géniale, fais-le moi savoir, Katsuragi.

Ryuuen voulait attaquer Sakayanagi, mais Katsuragi n’était pas d’accord.

Katsuragi — Il est inutile de faire dans l’agression. Suivre les mouvements de Sakayanagi est la seule chose de viable.

Katsuragi pense donc que simplement observer de loin sans agir est la meilleure solution.

Katsuragi — N’oublie pas que l’affrontement doit se faire dans un examen spécial et non ailleurs.

Ryuuen — Tsss… Ce que tu peux être têtu.

Ryuuen et Katsuragi avaient des visions complètement opposées, mais il écouta tout de même Katsuragi avec un sourire.

Ryuuen — Et si vous restiez un peu avec nous ?

Katsuragi — Arrête.

Ryuuen — Hein ? Ce serait du gâchis de ne pas s’amuser avec elle.

Katsuragi — Tu comptes l’agresser ? Que tu connaisses son identité est suffisant.

Katsuragi fit ainsi signe à Yamamura de partir très vite.

Yamamura — Heu… Dans ce cas je m’éclipse…

Voulant quitter cette situation oppressante, elle s’empressa de partir.

Ryuuen — Attends !

Yamamura — Huh !?

Yamamura se pétrifia sur place, comme une proie devant son prédateur.

Ryuuen — Ton échec…on n’en parlera pas.

Yamamura — P…Pourquoi ?

Ryuuen — Disons que tu me fais de la peine. Je n’ose imaginer ce qui t’arriverait si Sakayanagi est au courant.

Yamamura — C’est que…

Ryuuen — Personne ne t’a vue, c’est clair ? On ne dira rien pour ton bien, mais que tu me croies ou pas, je m’en fous complètement.

Pas si indifférent à sa situation, il lui lança une bouée de sauvetage inespérée.

Ryuuen — Si tu ne sais pas tenir ta langue, tu diras à Sakayanagi de venir seule chez moi quand elle le voudra. Enfin, seulement si elle en a le courage bien sûr.

Yamamura acquiesça timidement et quitta l’endroit aussitôt. Peut-être qu’elle voulait rentrer chez elle en passant par le Keyaki, mais une fois éloignée, Katsuragi approcha Ryuuen.

Katsuragi — Ryuuen, enfoiré.

Ryuuen — Quoi ?

Katsuragi — Ce n’est pas du tout sain.

Ryuuen — Hein ?

Katsuragi — Tu as le droit de t’intéresser aux filles, mais Sakayanagi est encore une enfant. Tu ne devrais pas poser les mains sur elle.

N’ayant pas compris la blague de Ryuuen, Katsuragi l’avertit de ne pas dépasser les limites, pensant que ce dernier voulait la toucher.

Katsuragi — Les filles ne manquent pas sur ce campus !

Ryuuen — Mais de quoi tu me parles ? Tu crois vraiment que je suis attirée par cette gamine ? C’est juste de la provoc’ !

Katsuragi — Hein ? Mais tu as lui dit de venir seule chez toi.

Tout en secouant le tête, Ryuuen répliqua avec un fait.

Ryuuen — Après elle ne m’attire pas, mais Sakayanagi a notre âge.

Considérer Sakayanagi comme une enfant, mais pas les autres filles du campus était contradictoire. Katsuragi se figea un instant avant de répondre.

Katsuragi — C’est vrai, elle a notre âge, mais sa taille nous ferait croire le contraire. Ma petite sœur est plus grande qu’elle en fait, alors…

Katsuragi aussi fort soit-il était aussi un grand frère et cet instinct avait pris le dessus, ne voulant pas qu’elle fasse l’objet des désirs charnels de Ryuuen. Il n’avait certes pas vu sa sœur depuis longtemps. En tout cas, une chose était sûre, si Sakayanagi les entendait parler, elle n’aurait clairement pas apprécié le fait d’être traitée comme une enfant même si en apparence seulement.

Ryuuen — Pour une meuf, c’est mieux la normale. Pas trop grande ni trop petite, pas trop sexy ni trop simple. Voilà ce que je veux.

Alors je ne cherchais pas à savoir la chose, mais il avait l’air de préférer les femmes ordinaires et cela faisait probablement suite à de nombreuses expériences. Je ne connaissais pas son background avant d’entrer au lycée, mais en tout cas, il devait être un spécialiste du sujet.

Katsuragi — Me voilà rassuré. Tu n’as pas de vues sur elle.

Le fait que ça le soulage était quelque peu étrange de sa part.

Ryuuen — Bon, Ayanokôji, tu as fini tes affaires avec moi, ouuu ?

Moi — M’utiliser pour ensuite me dire ça, c’est un peu déplacé.

Ryuuen — C’est de ta faute. Tu n’avais qu’à pas être aussi fort.

Il était inutile de lui reprocher son piège, mais cette technique était difficile à contrer. Suivre quelqu’un de loin comme il l’avait fait était imprévisible et cela signifiait être sur ses gardes tout le temps pour anticiper la chose. Or cela reviendrait à devenir paranoïaque ce qui finirait par être oppressant.

Je n’avais plus aucune raison de rester et j’avais quelque chose à dire à Yamamura. J’avais probablement encore le temps de la rattraper.

Ryuuen — Tu ne rentres pas ?

J’avais en effet pris la direction du Keyaki.

Moi — Il y a plusieurs itinéraires depuis le Keyaki pour rentrer au dortoir. Ça évitera que tu me suives.

Je devais pouvoir l’éviter pour cette fois.

4

De retour au Keyaki, je cherchai Yamamura. Était-elle déjà au dortoir ? Comme je ne la trouvais pas, j’essayai de me mettre à sa place. Elle devait sûrement réfléchir à si elle devait ou non divulguer ce qui venait de se passer à Sakayanagi. En général, durant les moments de panique, les gens avaient tendances à chercher un endroit calme alors il fallait que je cherche une zone de ce type dans le secteur.

Yamamura n’aime pas trop la foule et n’est pas trop dans le social. Je pouvais donc éliminer les zones chaudes ou les boutiques. Les salles de karaoké pouvaient être utilisées seules, mais c’était plutôt mal vu et pour les toilettes, je doute qu’elle ose bloquer un accès.

Tout à l’heure, elle s’était cachée entre deux distributeurs à l’extérieur du Keyaki et derrière des feuillages. Il y a une aire de repos non loin avec de nombreux distributeurs. S’il n’y avait personne alors elle était forcément là et j’avais vu juste.

Je m’approchai ainsi prudemment, regardant sur le côté d’un des distributeurs.

Yamamura — Q…Quoi !?

Je la trouvai assise près d’un distributeur avec deux petites bouteilles de thé. Elle en fit tomber une dans la panique. Heureusement qu’elle était fermée.

Moi — Tu es donc vraiment ici.

Même si j’avais vu juste, c’était quand même un coup de chance. Je ramassai la bouteille et la rendis à Yamamura.

Yamamura — C…Comment as-t…tu su ?

Elle fouilla ses poches aussitôt.

Moi — Non, je ne traque pas avec un traceur.

Yamamura — Alors tu as ma géolocalisation via téléphone ?

Moi — Non plus.

Surprise, elle n’avait pas d’autre choix que d’y croire. Elle finit par se redresser et observa les environs.

Moi — Ryuuen et Katsuragi ne sont pas là si c’est eux que tu cherches.

Yamamura — Ah oui ? Humm…Qu’est-ce que tu veux, du coup ?

Moi — Je n’ai pas pu le faire tout à l’heure, mais je tenais à m’excuser. Si je ne t’avais pas interpelé, tu n’aurais pas été repéré.

Sans ça, elle ne serait pas là en train de paniquer près des distributeurs.

Yamamura — C’est de ma faute, tout simplement…Ne t’en fais pas.

Elle me répondit gentiment, m’ôtant la responsabilité de la situation.

Moi — Tu as prévenu Sakayanagi ?

Yamamura — Oui. Alors ma mission se termine aujourd’hui.

Etonnamment, elle dit cela sereinement. Elle avait l’air quelque peu perdue à cause des mots doux de Ryuuen, mais si elle avait vraiment tout dit à Sakayanagi alors il n’y avait plus rien à creuser sur le sujet. Si j’étais là, c’était pour autre chose finalement.

Moi — Promis, je me rachèterai un jour !

Yamamura — Huh ?

Pendant le voyage scolaire, Il aurait été logique que Yamamura et Kitô observent Ryuuen vu qu’ils étaient dans le même groupe. Sakayanagi aurait pu même leur ordonner, mais c’était naturel de le faire. Mais là, Ryuuen avait mis la main sur une info capitale et cela fut confirmé par la surprise de Katsuragi. En effet, Sakayanagi tenait probablement en haute estime Yamamura en tant qu’espionne. Ce fut une grande avancée pour Ryuuen qui pouvait maintenant se méfier de Yamamura. Il y avait de grandes chances qu’elle soit débusquée sans moi alors il ne fallait pas s’attarder plus longtemps sur ce sujet.

Yamamura — Ce n’est pas nécessaire. Tu fais partie d’une autre classe.

Même si Yamamura avait raison d’une certaine manière, j’avais tout de même mon mot à dire. Je ne pouvais l’expliquer alors j’inventai une raison.

Moi — C’est juste que je me sens mal. Tu as paniqué par ma faute.

Yamamura — Mais… Est-ce bien d’espionner autrui ?

Si elle ne m’en voulait pas c’est parce qu’elle se sentait coupable.

Yamamura — Donc ne t’en fais pas. N’en parlons plus.

La convaincre allait être difficile. En forçant, je finirais même par la troubler.

Moi — Très bien. Mais n’hésite pas à me demander de l’aide.

Vu que je ne lui mettais aucune pression, elle devrait accepter. Si elle se sentait en danger, elle pouvait me contacter.

Yamamura — Faisons comme ça alors.

Elle acquiesça, recevant positivement la chose.

Moi — Bon, j’y vais.

Yamamura — Salut.

Elle avait sûrement prévu de rester un peu plus longtemps ici. Après l’avoir saluée, je commençai à partir, mais j’aperçus au loin Kei et Satô, marchant dans notre direction. Je fis demi-tour aussitôt. Devant vite me cacher, je me rendis dans le coin où se trouvait Yamamura.

Yamamura — Ah, Ayanokôji ?!

Coupable du regard confus qu’elle me lançait, je plaçai mon index sur la bouche pour lui dire de se taire, ce qu’elle fit très vite.

Karuizawa — Hey ! On va où après ?

Satô — Hmm…

Je pouvais entendre leur discussion joviale ce qui signifiait qu’elles se rapprochaient de nous. Il n’était pas possible de nous remarquer dès le début, mais si elles s’approchaient trop du distributeur, c’en était fini pour nous.

Satô — Ça te dit une pause ? On boit quelque chose ?

Satô venait tout juste de proposer le pire des scénarios.

Karuizawa — Hmm…

Kei hésita, mais si elle s’approchait, elle verrait une fille et moi nous cacher dans un petit espace. Je ne savais pas comment expliquer la situation.

Karuizawa — S’asseoir un peu c’est déjà bien.

Satô — C’est vrai. Tu viens de te rétablir après tout.

J’étais préparé au pire, mais elles restèrent assises finalement. Mais cela ne voulait pas dire pour autant que j’étais tiré d’affaire. Il n’y avait qu’une sortie ce qui m’obligeait à attendre leur départ.

Karuizawa — Merci. Désolée si je t’inquiète encore.

Satô — C’est normal. Il faut s’entraider entre amies, non ?

Karuizawa — Oui. Si jamais tu choppes, la grippe, je ferai la même chose.

Satô — Merci d’avance. J’attendrais ça.

Karuizawa — Tu as vraiment été toujours derrière moi.

Satô — T…tu trouves ?

Karuizawa — Tu te souviens de ce moment où on était moins proches. Tu me posais des questions sur Kiyotaka. En début d’année, là.

Satô — Il me semble t’avoir demandé depuis quand tu avais des sentiments pour lui.  Je t’avais dit de ne pas mentir, un truc du genre.

Toute embarrassée de dire la chose, Satô couvrit son visage.

Karuizawa — Exact ! Tu m’avais québlo. J’étais obligée de dire la vérité.

C’était une conversation banale, mais nous pouvions bien les entendre de là où nous étions. Tandis que Yamamura me fixait en silence, je m’excusai en levant la main, car elle était forcée d’entendre tout ça. Elle aurait pu se boucher les oreilles si cela ne l’intéressait, mais au contraire, elle n’avait pas l’air dérangée si je me fiais à son regard. De toute manière, elle recueillait des informations pour Sakayanagi tous les jours alors elle devait avoir l’habitude des écoutes furtives. Et puis de temps en temps, elle pouvait s’amuser à jouer les détectives pour le plaisir en écoutant ce type de discussions, mais ce n’était pas tout le monde qui avait la conscience pour faire ça. Je pensais que Yamamura en avait marre de ce rôle, mais je me trompais. Vu comment elle était douée pour se cacher, l’espionnage lui convenait parfaitement. La discussion continua un petit moment avant qu’elles ne se décident de partir.

Karuizawa — On va s’amuser ailleurs ?

Satô — Tu te sens mieux ?

Karuizawa — Ouaip. Faut que je profite de la sortie là.

Satô — Ok, mais n’oublie pas de faire la paix avec Ayanokôji.

Karuizawa — Oui… promis, je vais faire ce que je peux.

Et c’est ainsi qu’elles partirent de là. Elles auraient pu faire demi-tour alors je comptais demander à Yamamura de ne pas bouger, mais avant que je ne le fasse, elle m’arrêta, jugeant que c’était bon.

Yamamura — À mon avis, elles sont parties.

Moi — En effet.

Elle sortit la première pour regarder les alentours, puis me fit signe.

Moi — Tu es vraiment pro.

Yamamura — Heureusement. C’est mon quotidien.

Elle se râcla la gorge avant de me poser une question innatendue.

Yamamura — Vas-tu te réconcilier avec Karuizawa ?

Moi — Tu me fais une Satô là ?

Yamamura — C’est juste de la curiosité. C’est ta petite-amie non ? Je ne savais pas que vous étiez en froid.

Moi — Alors tu ne sais pas tout malgré tes capacités.

Yamamura — Arrête de me taquiner.

Moi — C’est pourtant ce que tu me fais.

Yamamura fut surprise, mais finit par se détendre ensuite.

Yamamura — tu es vraiment bizarre, Ayanokôji.

Moi — C’est ce qu’on me dit souvent.

Yamamura — C’est une blague de ta part ?

Moi — Qui sait ?

Même si elle était quelque peu hésitante, son ton calme et posé faisait qu’elle était facile à comprendre. Nous avions en commun ce sang-froid.

Yamamura — D’ailleurs, il faudrait que tu répondes à ma question.

Moi — Ah, tu n’as pas oublié ?

Yamamura — Oui, je veux une réponse.

Je ne m’attendais pas à ce côté-là d’elle. Ou alors, nous avions franchi un cap.

Moi — Il est prévu que je me réconcilie avec elle.

Yamamura — Heureuse de l’entendre.

Pourtant elle n’avait aucun lien avec Kei alors je trouvais ça bizarre.

Moi — Tu n’es pas obligée de le rapporter à Sakayanagi, tu sais.

Yamamura — Je ne peux pas te promettre la chose.

Moi — Ah…

Après avoir repris sa respiration, elle sortit son portable. Elle le fixa un instant, hésitante, puis me regarda de nouveau.

Yamamura — À propos de Ryuuen… Je ne lui ai encore rien dit.

Moi — Par rapport à tout à l’heure ?

Yamamura — Désolée pour le mensonge, mais je voulais partir vite.

Moi — Je vois.

Yamamura — C’est mon devoir de lui dire, mais j’ai peur d’être lâchée… C’est le seul domaine où je suis douée alors ne plus faire ça me rendrait inutile au sein de la classe…

Yamamura n’avait pas donc pas une haute estime de sa personne.

Moi — Même si ça ne résout pas le souci, tu peux me rejeter la faute.

C’était la faute de Yamamura en soi, mais cela avait des conséquences assez grandes pour son rôle d’espionne.

Yamamura — Est-ce que je dois lui dire ?

Moi — Est-ce que tu fais déjà confiance à Ryuuen ?

Yamamura — Disons que je n’ai pas trop le choix pour le moment.

Moi — Je comprends, mais tu devrais quand même lui dire.

Yamamura — Mais au moins je peux toujours continuer mon rôle jusqu’au jour où ça se saura. Et puis il y a toujours la possibilité qu’il ne dise rien.Sakayanagi arrivera peut-être même à faire expulser Ryuuen.

Elle tentait de retarder au maximum son échec avec un espoir que cela ne se sache jamais.

Moi — C’est le pire choix possible en fait. Ryuuen profite de tes doutes et s’il n’a pas le choix, il t’exposera sans hésiter au pire moment pour votre classe. Même si tu l’expulses, il pourra te balancer avant de partir.

Pour Ryuuen, avoir coincé Yamamura n’était pas non plus un gros coup de filet, mais il pouvait à l’avenir contrôler les informations qu’elle reçoit. Son objectif n’était pas de l’arrêter dans son rôle.

Moi — Ne sois pas manipulée aussi facilement.

Yamamura — Mais…

Moi — Je veux éviter ton expulsion alors suis mon conseil.

Yamamura — Mais pourquoi en faire autant pour moi ?

Moi — Nous étions dans le même groupe lors du voyage scolaire. Ce n’est pas une raison suffisante ?

Yamamura — Je…

Elle plaça les paumes de ses mains sur les yeux avant de les rouvrir puis s’empara de son téléphone pour écrire un message.

Yamamura — Ryuuen et Katsuragi m’ont coincée. Je t’appelle plus tard pour plus de détails.

Après me l’avoir montré, elle l’envoya à Sakayanagi.

Yamamura — Je voulais éviter de fuir alors je n’ai pas trop réfléchi.

Ainsi, elle ne succomba pas de nouveau à ses hésitations.

Yamamura — Ah, heuu… Je vais y aller maintenant, à plus.

Après avoir fait état de la situation, elle s’empressa de dire ça avant de partir.

Moi — Finalement, elle n’est pas difficile à aborder.

C’était mon impression en tout cas. Sakayanagi n’allait sûrement pas la punir, mais au cas où, je devais garder un œil sur cette histoire, car je ne voulais vraiment pas qu’elle se fasse expulser.

Moi — Bon, il faut que j’en informe Horikita.

Je préférais éviter de l’appeler alors j’optai pour lui faire un résumé de tout de tout ce qui était important dans un message.

Comme Kei et Satô s’amusent au Keyaki, je devais rentrer au plus vite pour ne pas les croiser. Auquel cas, je finirais par casser leur moment.

Je quittai donc le centre commercial.

5

Le soir venu, vint le moment unboxing de mes achats en ligne où j’avais mis la main sur une yaourtière à 3000 yens[1]. Je regardai le petit livret d’instruction pour bien comprendre le fonctionnement de la machine. Je l’avais finalement en ma possession. Mais avant de l’utiliser, je partis acheter les ingrédients nécessaires, à savoir, du lait et du yaourt.

Moi — C’est parti.

Je n’y avais pas beaucoup réfléchi jusqu’à présent, mais faire du yaourt était vraiment simple. Il fallait retirer 100 ml d’une brique de lait d’un litre. Ce lait prélevé, je pouvais soit le boire ou l’utiliser pour la cuisine plus tard. J’optai pour la première option. Ensuite, j’ajoutai 100 g de yaourt dans la brique pour laisser un ratio de 9 :1 de lait et de yaourt. Il ne me restait plus qu’à introduire tout ça dans la yaourtière. La minuterie était réglée sur 9h, de sorte qu’une fois le temps écoulé, tout le lait aurait fini de se transformer en yaourt.

On pourrait se dire qu’il suffit d’acheter du yaourt pour ne pas se casser la tête, mais le véritable intérêt commence à la prochaine fournée et sur le long terme. Le lendemain matin, j’allais avoir 1kg de yaourt de préparé, mais l’important était d’en laisser 100g à chaque fois pour une prochaine préparation. En achetant uniquement du lait et en le mélangeant, je pouvais en fait continuer à obtenir du yaourt de manière durable. Le pouvoir des lactobacilles[2] est vraiment incroyable. Même si je connaissais la théorie, on comprenait la chose vraiment en le voyant nous-mêmes.

Mais certes, le lait se retrouve fermenté par des lactobacilles pour se transformer en yaourt, mais il était inévitable qu’elles s’affaiblissent avec le temps. Par conséquent, le processus de solidification est impacté et pour ça il faut prolonger la fermentation. L’entretien est donc primordial et j’ai fait attention dès le début, mais les microbes par contamination aéroportée freinent le travail des lactobacilles et on ne pouvait rien y faire. Si je voulais vraiment optimiser la chose, il fallait faire trois ou quatre fois le process au maximum avant de réutiliser une toute nouvelle base de yaourt.

Il fallait que je me familiarise avec la yaourtière afin que cela devienne un plaisir. J’avais réglé la minuterie à 21h. Elle allait donc finir à 6h du matin.

Moi — Bon.

Je pris mon téléphone qui chargeait sur le lit, car il fallait que je contacte Kei. Mais au moment de regarder dans l’historique des appels pour la rappeler, le portable sonna. Je pensais que Kei s’était impatientée, mais ce n’était pas elle.

Moi — Oui ?

— Heu… Salut !

Moi — C’est rare de t’avoir au bout du fil Satô.

Nous avions échangé nos numéros au festival sportif de l’an passé.

Satô — Et bien, je voulais te parler d’un truc.

Moi — Je t’écoute.

Satô — C’est au sujet de Kei.

Normal qu’elle s’inquiète en tant qu’amie. Elle voulait connaître mes pensées.

Moi — D’accord. Et donc ?

J’estimai qu’il valait mieux éviter une approche frontale.

Satô — Vous êtes en froid ces derniers temps, non ?

Moi — Tu es donc au courant ?

Satô — Eh bien, je l’ai vu en discutant avec Kei.

Au lieu de dire que Kei lui avait demandé des conseils, elle préféra rester vague sous-entendant qu’elle l’avait remarqué d’elle-même.

Satô — L’année est quasi finie, vous allez quand même faire la paix ?

Plutôt que de savoir quand je voulais voir Kei, elle voulait en savoir plus sur ce qui allait se passer entre nous dans le futur.

Moi — J’allais la contacter par rapport à notre promesse.

Satô — Vraiment ? ça veut dire tu veux te réconcilier avec elle ?

Moi — En effet, c’est ce qui est prévu. Sauf si Kei ne veut pas me pardonner.

Même si notre rencontre était prévue, rien n’était fait pour le moment. Je ne pouvais pas prédire si tout allait bien se passer ou non. Sa petite voix atteignit de nouveau mes oreilles.

Satô — Super ! Je suis contente là ! Je te dérange pas plus alors !

Ne voulant pas monopoliser la discussion et rendre plus Kei anxieuse qu’elle ne l’était déjà, elle tenta de raccrocher afin que j’appelle vite cette dernière.

Moi — Attends ! J’ai quelque chose à te dire.

Satô — Oui ?

Elle était contente que j’appelle Kei. Le fait qu’elle puisse mettre ses sentiments de côté pour l’aider témoignait de son grand cœur.

Moi — Certes, c’est mon rôle de petit-ami de protéger Kei, mais ça ne suffit pas.

Satô — Comment ça ?

Moi — Les problèmes et les ruptures peuvent surgir à tout moment et pas qu’en amour. Même une amitié peut prendre fin à cause du système d’expulsion ici. Le fait que tu t’inquiètes pour notre situation à Kei et moi montre que les relations peuvent se bouleverser sans crier gare.

Satô — C’est pas faux…

Même pour elle, c’était un fait indéniable. Lorsqu’elle accepta notre relation à Kei et moi, elle a dû se sentir soulagée que je la rende heureuse même si ce soulagement ne reposait sur rien de concret. Cependant, au moindre problème, elle a fini par paniquer au point de prendre le risque de m’appeler.

Moi — Tu dois être derrière elle en tant qu’amie. Non… En tant que meilleure amie si Kei te considère comme telle.

Satô — Bien entendu !

Sans une once d’hésitation, Satô déclara qu’elle était là pour Kei.

Moi — Alors je te promets le contraire en retour.

Satô — Le contraire ?

Moi — Si tu ne peux pas protéger Kei, c’est moi qui le ferais.

Satô — Je peux te faire confiance là-dessus ?

Moi — Tu as ma parole.

Nos vrais sentiments n’étaient pas pertinents ici. Il fallait que je passe avec Satô ce contrat invisible. Si jamais je devais abandonner Kei, alors elle devra être là pour elle. Si Satô se faisait expulser, il n’y aurait pas de rancune de sa part si je ne respectais mes engagements, vu qu’elle ne pourrait pas être là pour vérifier si je prends soin de Kei ou non. Mais Kei avait un rôle clé dans le maintien de la classe de Horikita.

Moi — Kei m’a dit qu’elle voulait te voir pour te remercier.

Satô — Ah, je vois.

Moi — Merci encore.

Satô — pas de quoi. Tant que ça s’arrange entre vous.

Moi — Eh bien, prépare-toi à entendre son rapport demain.

Satô — J’ai hâte de manger du popcorn en l’écoutant.

Après avoir raccroché, j’avais senti un changement dans mes émotions dans cet espace vide qu’était ma chambre.

Manipuler autrui avec mes mots… Pour moi cela fait partie de « l’amusement ».

Peu importe si mes paroles sont vraies ou fausses. Je trouve aussi ça aussi « amusant » que l’on essaie de me manipuler.

Je voulais même qu’on arrive à me tromper sans que je ne le sache.

Connaître et apprendre sur les autres. Recevoir des leçons…

Il y avait encore plein de gens avec qui je pouvais interagir et probablement même des adversaires d’exception. Si je pouvais manipuler de telles personnes, je pense que l’amusement n’en serait que plus grand.

En effet, Satô s’est améliorée petit à petit. En seulement un appel, j’ai clairement pu apercevoir ses progrès.

Moi — Bon, il est temps. J’ai un peu trop tardé.

Je décidai d’appeler Kei.


[1] Env. 19€

[2] Ces bonnes bactéries (ou probiotiques)sont couramment utilisées pour la fermentation d’aliments.


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