CLASSROOM Y2 V7 : ÉPILOGUE

Ceux qui tirent les ficelles

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Traduction : Raitei
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Il était 16h ce qui signifiait que ce festival agité avait pris fin. Comme énoncé dans les règles, aucune vente ne pouvait être enregistrée et les résultats allaient être annoncés par téléphone à partir de 18h. Même si c’était officiellement terminé, il fallait tout de même rester professionnel jusqu’au bout. Les clients commençaient à partir, laissant des commentaires positifs en stipulant notamment que c’était amusant. Pour tous ces élèves dont le dur labeur n’était plus à prouver, ces mots chaleureux avaient pénétré au plus profond de leur être, dissipant quelque peu la fatigue accumulée.

D’ailleurs, Chabashira-sensei détala de la classe comme une lapine égarée sans perdre une seule seconde. Pour moi, elle allait encore plus se faire remarquer en courant dans ses vêtements, mais je ne m’en souciai pas plus. Il était environ 17h30 quand le café se vida de tous ses clients ne laissant présents que nos camarades, à l’exception de Kôenji.

Horikita — Merci à tous pour votre travail acharné. Il s’est passé beaucoup de choses, mais nous avons mis fin à ce festival de la meilleure manière qui soit. Nous ne pouvions pas faire mieux.

Ike et son équipe venaient de terminer le nettoyage des étalages extérieurs. Le temps que la totalité des clients partent, il avait fallu un peu de temps pour nettoyer et remettre tout en ordre en général. Horikita continua son discours

Horikita — Les résultats seront annoncés à partir de 18h, mais il fallait d’abord qu’un message soit délivré.

Akito et Haruka étaient restés dans leur coin. Bien que Horikita ne leur avait rien demandé, cette dernière, le centre d’attention du jour, s’avança.

Hasebe — D’abord, je voudrais vous dire que je n’ai pas pardonné à tout le monde ici.

Dans le silence de la classe, Haruka commence son discours par un murmure. Certains élèves, qui s’attendaient à ce qu’elle commence par des excuses, se regardèrent avec plus de confusion que de colère. Ils ne semblaient pas lui en vouloir, car ils comprenaient un peu. Ils avaient après tout déjà ressenti la perte d’un ami.

Hasebe — Mais celle que je n’arrive pas à pardonner le plus, c’est moi-même. J’avais supposé que tous ceux qui avaient été exclus devenaient malheureux. Que ce soit pour Yamauchi ou Airi.

La mention de Yamauchi fut perçue comme un rappel pour Sudou et Ike.

Hasebe — J’étais convaincue que la meilleure chose pour Airi était de rester et de continuer sa scolarité ici. J’ai décidé que c’était la meilleure chose à faire pour elle. C’est pour ça que je me suis mis à haïr tout le monde et que je pensais à me venger.

Un poil frustrée, Haruka serra fermement la jupe de son uniforme.

Hasebe — Après ce festival, je comptais quitter l’établissement.

Elle n’était pas obligée de l’avouer, mais Haruka ne voulait pas cacher la chose. Si certains élèves s’en étaient doutés, la plupart étaient surpris.

Miyake — Je comptais également partir avec Haruka.

Même Akito ne voulait pas rester silencieux.

Horikita — Si vous étiez partis d’ici, notre groupe n’aurait jamais pu atteindre la classe A. C’était une vengeance facile et très efficace.

Il n’y avait clairement pas à faire beaucoup d’efforts. Partir de l’établissement causait une perte énorme de points de classe.

Hasebe — J’espère que vous allez me donner une autre chance.

Horikita — Tu as donc changé d’avis sur la situation ?

Hasebe — Elle essaie maintenant de suivre sa propre voie dans ce monde extérieur… C’est ce que Kushida-san m’a appris.

À la mention de Kushida, tous les regards se tournèrent vers elle. La grande majorité ne comprenait pas la situation alors cette dernière prit la parole.

Kushida — Sakura-san fait beaucoup d’efforts pour être une idol. Vous pouvez d’ailleurs la trouver sur les réseaux sociaux. Hasebe-san, je suis sûre qu’elle aura plein de choses à te raconter après le lycée.

La majorité des gens avaient du mal à le croire, mais on semblait tout de même reconnaître qu’Airi avait fait un pas en avant.

Hasebe — Airi va clairement beaucoup évoluer. Probablement plus que je ne le pense. C’est pour ça que je veux être diplômé avant de la retrouver. Je veux me montrer devant elle avec fierté.

Les camarades comprirent pourquoi elle voulait rester ici.

Horikita — C’était la bonne décision Hasebe-san.

Hasebe — Ça ne me dérange pas d’être punie.

Miyake — Je suis aussi coupable. J’ai causé des problèmes en n’aidant pas pour le festival.

Horikita s’avança avant que les autres ne puisse dire quelque chose.

Horikita — La non-participation au festival est clairement un problème, mais fort heureusement, il n’y a pas eu de règles non respectées. Une heure obligatoire de pause ne veut pas dire qu’on ne peut pas en prendre plus. Il n’y a qu’à regarder Kôenji-kun qui n’a pas été aperçu une seule fois de la journée.

Elle s’approcha de Haruka. Elle avait l’air étonnée, mais aussi soulagée.

Horikita — Ta punition sera de me supporter jusqu’au diplôme. Cette réalité te convient ?

Hasebe — Je ferai de mon mieux. À partir de maintenant, vous pouvez me considérer comme la Hasebe d’avant.

Horikita — Ce ne sera pas nécessaire d’en faire autant.

Horikita acquiesça, estimant que c’était suffisant.

Horikita — Il en va de même pour Miyake-kun, n’est-ce pas ?

Miyake — Ouais.

Horikita — C’est tout pour aujourd’hui. Rangeons rapidement.

Keisei avait l’air un peu hésitant alors qu’il s’approchait de Haruka et Akito. Akito commença à s’excuser et Keisei, les yeux légèrement écarquillés et le visage rougissant, dit qu’il fut soulagé. Avec les excuses de Haruka, les trois purent enfin se sourire pour la première fois depuis l’expulsion. Finalement, Akito et Keisei tournèrent leur regard vers moi comme s’ils avaient pris leur décision. Ils firent également signe à Haruka et me regardèrent tous les trois, confus. Si je m’approchai d’eux maintenant, peut-être que cela aurait fait renaître l’ancien groupe. Mais ce n’était plus nécessaire. Je me retournai et remerciai Satô et les autres pour leur travail.

Le groupe était passé de cinq à trois membres. Même si j’estimai que ma présence n’était plus nécessaire, j’espérais vraiment que leur lien soit plus fort qu’avant. Avec ces trois-là, nul doute que nous nous étions compris sans même à avoir besoin de se parler. Ils ne m’approchèrent pas et ne me demandèrent rien alors la situation fut gérée rapidement. Avec 37 personnes, le nettoyage se fit rapidement et peu avant 18h, les résultats sortirent.

Classement du festival culturel (gain en pc)

1e : Première B +100

2e : Première C +100

3e : Terminale B +100

4e : Première A +100

5e : Seconde A +50

6e : Terminale C +50

7e : Première D +50

8e : Seconde C +50

9e : Terminale D

10e : Seconde B

11e : Terminale A

12e : Seconde D

 — On est les premiers !! On a réussi !

 — Le cosplay de Chabashira-sensei a dû faire sensation !

Tout le monde se réjouit et se fit des compliments.

Moi — Ryuuen est en 2e position et la classe de Sakayanagi, en 4e.

Horikita — Ayanokôji-kun.

Moi — Tout s’est passé comme prévu.

Il fallait que la classe Horikita soit en première position afin de gagner notre pari. Nous avions ainsi supposé que la classe de Ryuuen suivrait de près.

Horikita — Je me demandais bien comment tout allait se dérouler, mais tout s’est bien passé finalement.

Moi — Mais la quatrième place de Sakayanagi est une surprise.

Horikita — Tu sais ce qu’ils ont organisé ?

Moi — Non, je n’ai pas visité le 2e étage. Et toi ?

Horikita — La classe A a vendu des brochures et d’autres documents sur l’école à bas prix. Elle ne propose ni à boire ni à manger. Je me demande quelle a été leur stratégie pour être aussi bien placée.

Moi — Le secret se trouve probablement en fin de liste.

Horikita — La seconde D…Hôsen-kun ?  

Moi — La seconde D n’a pas eu cette place à cause d’une éventuelle contreperformance. Leur évènement aurait dû être très bien classé vu que c’est le genre de chose que l’on voit typiquement dans un festival culturel. Penses-tu réellement que ce soit normal que la seconde D soit moins bien classée que la terminale A ?

Horikita — Il est vrai que la terminale A, classée 11e, était hors-jeu depuis le départ. L’objectif était seulement de divertir les invités.

Il a été confirmé que la maison hantée ne coutait que 100 points l’entrée alors que le stand de tir de Hôsen affichait des prix adéquats

Moi — Il y a avait tout de même 100 pc à gagner en se plaçant dans le top 4. Hôsen a probablement préparé quelque chose en coulisses.

Horikita — Tu penses à des gains en points privés ?

Moi — Cela ne te rappelle pas l’examen de l’île déserte l’an passé ?

Il y avait un accord entre Ryuuen et Katsuragi pour que le premier reçoive des points privés en échange de points de classe pour le deuxième. Il n’était pas surprenant qu’un accord de ce genre se fasse entre Sakayanagi et Hôsen.

Horikita — C’est peut-être le cas, en effet. Peut-être même qu’ils ont remplacé l’ancien contrat avec Ryuuen pour établir celui-là.

Les comptes se faisaient via les téléphones. Si Hôsen et son équipe avaient reçu ceux de la 1eA pour faire don de toutes leurs ventes alors c’était un plan bien rôdé. Si la classe A fournissait des fonds en points privés à celle de Hôsen pour le festival, il était logique que la 2eD puisse établir un grand stand avec une bonne animation.

Horikita — Elle est très intelligente.

Moi — Elle prend en effet toujours le chemin de la victoire.

Cela montrait en tout cas que la classe de Sakayanagi n’allait pas être facile à rattraper. Elle produisait à chaque fois de bons résultats alors qu’on pourrait la croire hors course.

1

La classe se dispersa hormis certaines personnes que Horikita avait interpelées. Il y avait toutes les responsables du Maid café à l’exception de Matsushita qui était malade.

Horikita — En fait, je vous dois des excuses.

Satô — Quoi ? Il s’est passé quelque chose ?

Même si la journée était éprouvante, Horikita n’avait pas particulièrement quelque chose à se reprocher. Satou et les autres inclinèrent la tête avec confusion et curiosité.

Horikita — Vous vous souvenez quand Ryuuen-kun a révélé à tout le monde que nous faisions un Maid Café ?

Satô — Oui. Ça nous avait clairement mis des bâtons dans les roues.

Horikita — En fait, il avait prévu de fuiter la chose depuis le début.

Il est vrai que nous avions décidé d’unir nos forces d’une manière ou d’une autre pour gagner les premières places du festival culturel.

Satô — Comment ça c’était prévu depuis le début ?

Horikita — Notre plan était de coopérer avec Ryuuen-kun et cette fuite d’info en faisait partie.

Satô — Sérieux ? La blague…

La surprise était compréhensible, car seuls Horikita et moi étions au courant.

Satô — Et le pari où le gagnant recevait des points privés ?

Horikita — C’était une initiative de Ryuuen-kun. J’avoue que je ne savais pas comment vous dire la chose à ce moment-là.

Moi — Je suis sûr que Hashimoto et les autres observaient ce pari avec attention pour l’analyse des résultats.

Horikita — Sakayanagi-san reçoit en effet beaucoup d’informations de personnes à l’extérieur de sa classe. Cette fois c’est Hashimoto et d’autres espions qui ont dû raconter la fausse trahison de Ryuuen-kun.

Satô — Et le million de points promis pour la première place ?

Horikita — Il n’y aura malheureusement aucun gain. Il avait l’air sérieux en disant ça, mais c’était probablement une plaisanterie.

Personne d’autre ne savait que cette fuite avait été orchestrée à l’exception de Horikita et moi-même. Pareil pour l’autre classe, à l’exception de Ryuuen et Katsuragi. Avec son pari, Ryuuen voulait probablement nous montrer ô combien il était sérieux dans sa volonté de nous battre.

Horikita — L’idée était de nous stimuler en instaurant une rivalité. Il s’agissait aussi d’empêcher d’éventuels concurrents d’entrer.

Une rivalité… Plus l’excitation générale était grande et plus les invités allaient s’impliquer pour dépenser de l’argent. Si deux camps se trouvaient dans une bataille où la défaite n’était pas une option, il était naturel que ces derniers tentent d’en aider un au mieux pour le hisser au sommet. Chez les autres, il n’y avait pas de bataille à mort ce qui limitait les gains. Une stimulation de ce genre pouvait jusqu’à doubler les bénéfices.

Horikita — Je suis vraiment désolée d’avoir fait comme si de rien n’était pour m’assurer du bon déroulement des choses.

Horikita se sentait coupable, car elle aurait voulu tout révéler plus tôt. J’étais sûr que toutes les trois voyaient qu’elle était sincère dans ses propos.

Satô — C’est pas grave, n’est-ce pas ? Après tout, on a gagné.

Sans reproche particulier, Satô se tourna vers Mii-chan et Maezono.

Maezono — Oui, tout s’est bien passé alors pas de quoi t’en vouloir.

Wang — De toute façon si je l’avais su, on l’aurait vu sur mon visage.

Mii-chan répondit honnêtement en disant qu’elle n’aurait pas su jouer la comédie.

Satô — C’est cool en tout cas, Horikita

Horikita — Oui, c’est un poids en moins pour moi. Je te laisse passer l’information à Matsushita-san. J’enverrai à chacune d’entre vous le paiement qui vous est dû dès que je reçois les points privés.

Satô — C‘est comme si c’était fait.

Les trois filles se firent chacune un tope-là.

Satô — Franchement la plus grande surprise c’était Chabashira-sensei en maid. Ça aussi c’était prévu depuis le début ?

Maezono — C’était incroyable. Elle avait eu une heure de photos.

Horikita — Je sais que vous avez beaucoup de choses à dire, mais on va en rester là pour aujourd’hui. Merci à vous !

Quatre filles avaient fait une suggestion sur le thème du Maid café ce qui nous avait donné la première place. Il y avait eu d’autres facteurs qui n’étaient pas prévus, mais qui se s’ont avérés positifs. Après leur départ, il ne restait plus que Horikita et moi dans la salle de classe. Une brise un peu forte passa par la fenêtre ouverte et secoua le rideau.

Horikita — Tu es sûr que tu ne veux pas plus de reconnaissance ? C’est quand même toi qui as pensé et réussi à convaincre je ne sais comment Chabashira-sensei de porter une tenue de maid. C’est clairement ça qui nous a donné la première place.

Moi — C’est surtout ton leadership qui a permis ça.

Horikita — Si ça avait été toi, tu ne m’aurais pas incluse dans ce plan.

Dans cette salle en proie au silence, Horikita dit cela sans même me regarder.

Moi — Tu n’as pas tort.

Horikita — Tu ne le nies donc pas.

Moi — Ce n’est que la vérité. Tu le savais en me disant ça.

Horikita — Eh bien, peut-être…

Ce n’est pas que Ryuuen, Katsuragi et moi ne pouvons pas agir sans elle. Mais si je n’avais pas hésité à lui parler de la proposition, c’était que cela ne pouvait pas se faire sans un représentant. Cette chose était primordiale avant de penser si le plan était viable ou non. Si la stratégie avait été opérée sans son accord, cela aurait pu la mettre à mal.

Moi — Nous ne devons pas hésiter à tromper nos amis si c’est un moyen efficace pour obtenir la victoire. Quand on se lance, il ne faut plus s’arrêter même s’il y a danger. Voilà tout.

C’est à force d’intégrer ces principes qu’ils s’ancreront physiquement et mentalement en Horikita de manière durable.  

Horikita — Je commence à comprendre bien que doucement. 

Elle avait peut-être encore du chemin, mais j’étais sûr qu’elle avait saisi.

Moi — Bon, il est temps de rentrer. Le soleil va bientôt se coucher.

Horikita — Attends Ayanokôji-kun, je dois te demander quelque chose.

J’essayai de la pousser à partir, mais elle préféra encore rester.  J’avais un pressentiment que la présence de Horikita et d’Ibuki dans le bureau du Conseil des élèves n’était pas qu’une simple coïncidence. Elle avait dû suivre une piste en particulier. J’étais curieux de savoir ce que c’était.

Horikita — Au festival culturel aujourd’hui. Ce qui s’est produit dans les coulisses… Tu…

Mauvais timing ou non, mon téléphone portable sonna.

Moi — Désolé, donne-moi un moment.

Horikita — Oui.

L’écran afficha l’appel entrant d’un numéro inconnu.

Moi — Allô ?

— Tu es toujours dans le bâtiment ? On peut se parler ?

Cette voix familière était celle de Tsubaki Sakurako, en seconde C. Je me fichais de savoir comment elle avait obtenu mon numéro, car il existait différentes méthodes pour ça, mais c’était clairement une personne étrange. Je sentais que ça ne pouvait pas attendre.

Tsubaki — Tu es seul ?

Moi — Malheureusement, non.

Tsubaki — Tu peux te libérer ?

Moi — Où es-tu ?

Tsubaki — Je suis à l’entrée, tu es toujours à l’intérieur, n’est-ce pas ?

Moi — Donne-moi  cinq minutes.                 

Tsubaki — Parfait.

Après un bref appel, je m’excusai auprès de Horikita.

Moi — Désolé mais je dois sortir du bâtiment un petit moment. On pourra poursuivre notre discussion dans dix-vingt minutes.

Horikita — D’accord. Je vais t’attendre ici.

Je quittai la salle de classe, promettant de revenir. Une fois seul, je décidai d’appeler la personne qui m’avait le plus aidé aujourd’hui. Comme prévu, le réseau d’informations des élèves de terminale était très puissant. Que ce soit Kushida Kikyô ou Haruka Hasebe, on pouvait trouver tout le monde sans problème. Le pouvoir du président du Conseil Nagumo Miyabi m’avait surpris une fois de plus.

Nagumo — Tu m’as appelé juste pour me dire ça ?

Moi — Je voulais juste te remercier car tu m’as beaucoup aidé pour localiser les personnes que je recherchais aujourd’hui.

La surveillance et la discipline des élèves de terminale, c’était quelque chose.

Nagumo — Je n’aurais jamais pensé que tu utiliserais ce système que j’avais mis en place pour te traquer.

Moi — C’était très utile en tout cas que tu me tiennes au courant de ce qui se passe dans le bureau du Conseil.

Grâce à cela, j’avais pu réagir rapidement.

Nagumo — Au début, j’avais pensé que c’était une tentative audacieuse de Yagami pour s’en sortir, mais y’avait-il vraiment un message caché dans la lettre ?

Moi — En apparence, ça semble être une lettre d’amour normale pour le président du Conseil, mais Yagami avait raison concernant l’anagramme complexe.  Si on le déchiffre, on pouvait arriver à la construction suivante : « Rencontre, secret, importante, pièce, conseil, trois, heures »[1]. J’ai également ajouté d’autres mots-clés pour attiser sa curiosité.

La lettre avait un petit détail en plus de l’anagramme. Les enveloppes utilisées pour les lettres et les sceaux pour les maintenir fermées étaient à la disposition de tous au Keyaki. S’il s’agissait d’une commande personnalisée achetée en ligne, Yagami aurait pu hésiter à l’ouvrir par crainte de laisser des traces. Mais en allant au Keyaki, on pouvait demander à faire imprimer le message sur la carte de sorte que l’écriture ne soit pas faite à la main. Vérifier le contenu était donc chose facile au vu de la banalité de la lettre.

Mon écriture aurait pu mettre la puce à l’oreille à Yagami. Les élèves de la White Room avaient en effet une formation approfondie en calligraphie afin d’avoir la plus belle écriture possible. La lettre d’amour ainsi préparée fut transmise à Horikita par une autre fille préalablement servie par Kei. Horikita aurait pu clairement donner la lettre directement à Nagumo. Ainsi, j’avais fait en sorte de la contraindre par le temps et les doutes pour qu’elle n’ait d’autre choix que d’utiliser un intermédiaire. Yagami était donc la personne la plus apte à le faire et ce dernier avait tout le temps nécessaire pour lire la lettre en cachette.

Nagumo — Je ne le pensais pas responsable des incidents sur l’île. Tu le savais toi ?

Moi — Je n’étais pas courant. C’est Yagami qui a avoué de lui-même.

Nagumo — Comment Komiya et les autres ont-ils réussi à soupçonner Yagami ? La présence des professeurs est-elle une coïncidence ?

Moi — Je leur ai seulement dit que Yagami était un coupable probable. Ryuuen cherchait l’identité de l’assaillant sans relâche et il avait besoin d’un indice. Nous avons convenu du rendez-vous dans le bureau du Conseil tout en sachant qu’il prenait le risque que Yagami ne vienne pas ou qu’il ne trouve aucune preuve même en discutant avec lui.

Nagumo — Je vois. Je me demande dans quelle mesure tu dis la vérité.

Moi — Je laisse ça à ton imagination.

Ce que j’avais fait était vraiment insignifiant.  Il n’y avait rien de notable.

Nagumo — Bien. Maintenant, tu es prêt à tenir ta promesse ?

Moi — Bien sûr.  J’ai hâte, président Nagumo.

En approchant de l’entrée, je mis fin à l’appel.

2

Était-elle seule ? J’y pensais un petit moment avant de voir qu’Utomiya parlait à quelqu’un au téléphone plus loin. Il ne faisait que surveiller. Ne pouvait-elle pas juste tout me dire en ligne tout à l’heure ?

Tsubaki — Y’a eu pas mal de vagues chez les seconde. Il faut dire qu’il y a eu un abandon inattendu depuis la fin du festival.

Moi — Un abandon ? C’est problématique. Enfin, peut-être pas…

Tsubaki Sakurako, devant moi, était impliquée en partie dans tout ça.

Tsubaki — Quel bonheur ! Cela va au-delà de mes espérances, Ayanokôji-senpai.

Tsubaki fit un cercle avec son doigt pour confirmer que c’était un succès.

Tsubaki — Tu as eu de bonnes informations sur Satô et Yagami. Tu as brillamment réussi à expulser Yagami-kun. Je te remercie beaucoup.

Moi — Je n’ai rien fait de tel. Tu as contacté Satou à plusieurs reprises en la poussant lentement à lâcher des infos. Ne pouvant plus supporter la situation, elle a menacé de te dénoncer.

Tsubaki fut en contact avec Satô dans le dos de Yagami.

Tsubaki — Je ne vois pas de quoi tu parles.

Apparemment, Tsubaki avait approché Satô près des toilettes des filles du Keyaki. Elle lui avait montré une chose qui pouvait tout changer, y compris ma relation avec Kei et son statut ce qui l’avait rendue curieuse.

Moi — Tu avais voulu que Satô vienne dans ta chambre et tu as fini par lui faire des petites menaces. Mais tu ne voulais pas sérieusement la manipuler pour détruire ma relation amoureuse. Tu voulais juste que je sache indirectement qu’elle était menacée pour me faire agir.

Tsubaki, qui écoutait tranquillement, me regardait sans nier la chose.

Moi — Lorsque j’ai demandé plus de détails, j’ai tout de suite compris que ce n’était pas naturel. Quand Satô n’avait pas accepté ton invitation, tu l’as immédiatement contactée pour continuer à la provoquer. Il était évident qu’elle céderait pour me demander conseil.

Le but n’était pas de faire pression sur les émotions de Satô, mais de la faire plier pour qu’elle aille demander de l’aide.

Moi — Et puis, sans que Satô n’ait à le demander, tu lui as dit que c’était Yagami derrière les menaces et non toi.

Dans son état d’esprit, Satô n’aurait pas eu le temps de considérer si c’était vrai ou faux. J’avais eu l’idée d’utiliser cet incident à des fins personnelles et décidai d’appeler Kei pour qu’elle discute avec Satô en lui révélant tout son passé. Le fait que Satô n’ait pas choisi le camp de Tsubaki m’avait convaincu qu’elle serait de mon côté. Le 1er novembre fut ainsi la date où leur relation était passée d’amies à meilleures amies au sens propre.

Tsubaki — Pauvre Yagami-kun, tu ne crois pas ?

Moi — Pas besoin de faire semblant, Yagami n’a jamais été impliqué.

Tsubaki — Tu ne penses pas que j’ai agi sous ordre de Yagami-kun ?

Si Yagami utilisait vraiment Tsubaki pour contacter Satô, elle n’avait aucune raison de le dénoncer. Les seules personnes qui connaissent le passé de Karuizawa étaient de toute manière ceux de la White Room. Tout acte d’imitation était alors facile à percer à jour.

Tsubaki — Ce n’est pas encore plus étrange ? Tu as découvert que j’accusais à tort Yagami, mais tu n’as rien fait contre moi. Tu es même parti jusqu’à le faire expulser alors qu’il peut être innocent. C’est contradictoire et puis rien ne prouve que tu enquêtais en détail.

Moi — Cela n’était pas nécessaire d’enquêter sur vous deux.

Tsubaki — Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Moi — Je suis désolé, mais je n’ai plus envie d’en dire plus.

Je suis convaincu de ce dont nous avons parlé jusqu’à présent. Que ce n’était même pas Tsubaki qui manipulait tout. De plus, c’est la personne derrière tout cela qui a créé ce scénario.

Tsubaki — Utomiya-kun, tu peux venir ici un moment ?

Alors qu’il était en ligne, elle lui fit signe de venir pour avoir le téléphone.

Tsubaki — Merci.

Malgré sa méfiance, Utomiya remit son téléphone avec l’appel toujours actif.

 — Yagami avait fait expulser des camarades de classe de Tsubaki. Voilà pourquoi ces deux-là ont comploté ensemble contre lui.

C’était la voix de cette personne qui m’avait parlé à la porte de ma chambre.

— Tu l’as laissé faire ce qu’il voulait, car tu savais que tu pouvais l’éliminer à tout moment, n’est-ce pas ? Mais à cause de cette passivité, des élèves de seconde ont été sacrifiés. Tout cela ne serait pas arrivé si tu n’étais pas là.

Moi — Je ne le nie pas.

— Le seul moyen d’éviter plus de pertes inutiles était de le faire expulser. Mais même en comprenant ça, il n’était pas facile de vaincre Yagami. Je savais bien qu’il n’était pas un lycéen ordinaire.

Moi — C’est pour ça que tu voulais te servir de moi.

La difficulté était de comprendre l’objectif et la nature obsessionnelle des élèves de la White Room.        

— On dirait que tu as bien compris mon message.

Moi — Tu comptais contacter des personnes proches de moi pour opérer des expulsions afin de me mettre la pression.

— Mais Yagami a rapidement été mis au pied du mur pour finir par être renvoyé. Cela avait dépassé mes calculs. Tu n’as pas pris en compte la possibilité qu’il était innocent de tout ?

Moi — C’est Yagami qui a décidé de se faire expulser tout seul. Je ne l’ai en aucun cas pointé du doigt. Il ne faisait que tendre le bâton pour se faire battre en expulsant des élèves de seconde C. Il a aussi contacté Kushida Kikyô en prétextant être un ancien kôhai pour finir par utiliser son passé pour la manipuler comme un pion. Il a causé des blessures graves à des élèves sur l’île de manière aléatoire. Il a pris la liberté de vérifier le contenu d’une lettre adressée à quelqu’un d’autre en pensant qu’il s’agissait d’un piège. Je ne sais pas pourquoi Horikita et Ibuki étaient là, mais tout ça c’est parce qu’il a joué avec le feu.

Ce n’était pas le reflexe à avoir de lire une lettre adressée à autrui. Et même du premier coup d’œil, on ne remarquait pas les anagrammes.

— Donc tout était lié.

Moi — Même s’il n’y a pas de preuves évidentes, plus on met en œuvre des stratagèmes et plus on laisse des traces. Il ne s’était pas rendu compte qu’il était en train de s’étrangler tout seul.

  • Oui, si Yagami n’avait rien fait de mal, il n’aurait pas été expulsé.

Moi — Exactement.

L’expulsion n’était que la résultante de ses mauvaises actions répétées. Si Yagami n’avait pas mis la personne au téléphone en colère, Il n’aurait pas cherché à se venger. S’il n’était pas entré en contact avec Kushida ou n’avait pas causé de blessures graves sur l’île, il n’aurait en aucun cas fini par être débusqué ou expulsé. S’il n’avait pas lu le contenu de la lettre, il ne se serait pas retrouvé dans un interrogatoire.

Moi — Par les faits, Yagami s’est déclaré coupable.

Il suffisait de préparer un peu le terrain pour le voir. Il n’y avait pas de fumée sans feu. Juste parce qui il savait qui il était et ce que j’incarnais, Il avait fini par se rendre dans le bureau du Conseil en croyant m’affronter.

— Tu es vraiment aussi doué que les rumeurs le disent.

Moi — Au fait, tu te souviens de ce que tu m’avais dit ? Que si je me débarrassais des gens qui se mettaient en travers de ma route, ça ne m’apporterait pas la paix. C’était du bluff, n’est-ce pas ? Pour créer un sentiment d’urgence en me disant que si je ne m’en occupais pas rapidement, la situation s’envenimerait.

Il avait commencé à agir assez tôt pour faire expulser Yagami.

  • Ayanokôji-sensei avait raison quand il a dit que tu avais bien fait de choisir ce lycée.

Moi — Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Je vais reprendre tes mots. Je compte bien profiter de ma scolarité. À moins que nous nous rencontrions dans un an ou deux, notre relation prend fin ici et maintenant.

Après avoir dit ce qu’il avait à dire, il raccrocha. En regardant l’écran, je vis que le numéro était bloqué. Utomiya l’avait fait afin de ne pas exposer les coordonnées de l’appelant.

Tsubaki — Tout est bon pour toi ?

Moi — Oui.

Tsubaki — Quand mes amis ont été expulsés, j’ai d’abord pensé que le coupable était Hôsen-kun, mais il m’a renvoyé vers Yagami.

Yagami avait certes beaucoup de qualité, mais son arrogance avait fini par avoir raison de lui. Il n’avait d’yeux que pour moi, ignorant ses rivaux sur les côtés. Il n’avait pas vu que beaucoup d’élèves de son année lui en voulaient.

Moi — Ne quitte pas cette école parce que tu as atteint ton objectif.

Tsubaki — Je sais bien. Pour être honnête, je n’étais pas très attachée à cet établissement au départ, mais ça a un peu changé. Au final, je me suis surprise à m’y amuser.

Cette conversation montrait qu’il existait de nombreux sentiments contradictoires. Il n’y avait pas que de la vengeance.

Utomiya — Il est temps d’y aller. Tu nous excuseras.

Utomiya intervint et retourna ensuite au dortoir avec Tsubaki.

Moi — Je dois retourner dans le bâtiment de toute manière.

3

Après avoir terminé la discussion, je rencontrai Chabashira-sensei sur le chemin du retour, visiblement en colère.

Moi — Merci pour votre dur labeur aujourd’hui. C’était un succès total.

Mlle. Chabashira — De quel dur labeur parles-tu au juste ?

Chabashira-sensei, qui me lançait un regard enfantin sans le cacher, était clairement en colère.

Moi — Vous détestez vraiment tant que ça la tenue de maid ?

Je connaissais déjà la réponse, mais elle ne fit que secouer les épaules, préférant laissant tomber.

Mlle. Chabashira — Lorsque je suis retournée en salle des professeurs, je voyais des photos de moi sur les bureaux de mes collègues. Et si ce n’était que ça…Je ne sais combien de professeurs m’ont approchée en ce cours laps de temps. Je ne compte même plus le nombre de fois où l’on a remis le sujet du costume sur le tapis. Toutes ces humiliations que j’ai subies… Là, j’ai juste envie de m’enfermer dans une carapace.

Ce devait être douloureux, car je sentais la pression féroce qui émanait d’elle.

Moi — J’imagine que ça montre votre popularité parmi les professeurs.

Mlle. Chabashira — Je ne suis en aucun cas populaire ! Tu exagères.

Si elle pensait vraiment qu’elle n’était pas populaire alors elle allait avoir des problèmes à l’avenir. Jusqu’à présent, il devait y avoir de nombreux adultes qui la voyaient comme une femme séduisante même si elle ne s’en rendait pas compte.

Moi — N’est-ce pas une bonne chose que la classe soit première ?

Mlle. Chabashira — Clairement pas. De toute manière, il y aurait eu quand même beaucoup de ventes même sans ma présence.

Moi — Après terminer premier c’est quand même bien satisfaisant.

Mlle. Chabashira — Ce n’est pas ton genre de dire ça.

Elle aurait pu continuer les remarques, mais elle se contenta d’en rester là.

Mlle. Chabashira — Mais je ne m’attendais pas à ce que vous coopériez avec la classe Ryuuen en faisant semblant d’être ennemis.

Moi — Si une classe se bat seule, elle a une force maximale de 40 personnes. Mais si deux classes unissent leurs forces, il y en a le double. Nous ne pouvons pas négliger cet aspect.

Il ne fallait pas toujours se fier aux apparences. Si un grand nombre de personnes se réunissaient, peu importe la forme, elles pouvaient organiser un grand évènement sans dépenser beaucoup d’argent.

Mlle. Chabashira — Tout le monde était surpris dans la salle des professeurs. C’était vraiment un affrontement brutal.

Chabashira-sensei ne mentionna que les performances du festival culturel, mais pas l’expulsion de Yagami. Pourtant, même les élèves de seconde qui ne sont pas directement impliqués ou bien les professeurs étaient au courant. Elle ne devait pas trouver cela pertinent d’en parler. En tout cas, en tant que professeur, elle prenait des bonnes décisions.

Mlle. Chabashira — Au fait, tu ne retournes pas au dortoir ?

Moi — J’ai Horikita qui m’attend dans la salle de classe. Vous faites-vous encore des heures supplémentaires ?

Mlle. Chabashira — Je fais une inspection. Nous avons reçu plusieurs rapports de visiteurs concernant des objets perdus.

Ainsi, même si le festival et le nettoyage étaient terminés, les enseignants avaient toujours des choses à faire.

4

Lorsque je retournai en salle de classe avec Chabashira-sensei, Horikita avait posé le haut de son corps sur le bureau comme si elle était assoupie. Chabashira-sensei et moi nous nous regardâmes une fois et décidâmes de ne pas faire de bruit. En m’approchant, j’eus confirmation qu’elle semblait endormie. Une forte brise souffla à travers les fenêtres ouvertes. Pendant un moment, je m’étais demandé si je devais couvrir son dos avec mon haut, mais je décidai de ne pas le faire. Je ne voulais pas qu’elle se mette en colère si elle savait que je l’avais approché pendant son sommeil.

Horikita — Mmm…

Pendant un moment j’avais cru à son réveil, mais je m’étais trompé.

Horikita — Tu ne dois pas…

Elle parlait dans son sommeil. J’étais quelque peu surpris, car ça avait l’air intense.

Horikita devait être épuisée après cette dure journée. Je fermai la fenêtre discrètement pour qu’elle n’attrape pas froid et sortit de la pièce pour me retrouver dans le couloir.

Moi — Je vais la laisser dormir un peu plus longtemps.

Mlle. Chabashira — Tu vas attendre qu’elle se réveille ?

Moi — Nous avons gagné la première place au festival culturel. Je lui dois bien ça.

De toute façon, elle n’allait pas longtemps faire la sieste.

Mlle. Chabashira — Tu devrais rentrer chez toi. Je vais prendre le relais.

Moi — Ça vous convient vraiment ?

Mlle. Chabashira — Je dois bien ça à celui qui a tiré les ficelles.

Moi — C’est avec grand plaisir alors.

Mlle. Chabashira — Mais je te préviens Ayanokôji…N’invente plus jamais un plan qui me mettrait dans l’embarras de nouveau. Suis-je bien claire ?

Moi — Ça vous a marqué à ce point ?

Mlle. Chabashira — C’est un jour dont je me souviendrai toute ma vie.

Moi — Et bien… Chabashira-sensei, merci pour tous vos efforts. Nul doute que ça deviendra un bon souvenir un jour.

Mlle. Chabashira — Ne sois pas insolent. Je suis ton professeur.

Avec un regard et un soupir, Chabashira-sensei s’appuya contre la porte de la classe.

Eh bien, il est temps de rentrer chez moi.

Points de classe à la fin du festival culturel

Classe A (Sakayanagi) – 1201pc

Classe B (Horikita) – 966 pc

Classe C (Ryuuen) – 740 pc

Classe D (Ichinose) – 675 pc


[1] Nous avons bien entendu adapté le message pour y insérer des anagrammes. Mes sentiments s’encreront certes, en une personne importante. Cette épice qu’est l’amour me donne des clonies. Et c’est avec ce visage qui rosit dans les heures où je t’écris, que je déclare anonymement t’avoir toujours aimé.

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