CLASSROOM Y2 V7 : CHAPITRE 5

Le festival culturel

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Traduction : Lost
Correction : Kenshiro & Raitei
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Après une longue période de préparation, il était temps que le festival débute. Les élèves devaient être présent à 8h30, trente minutes avant l’ouverture au public. Les portes de l’établissement s’ouvrirent à 6h du matin pour laisser les élèves effectuer les derniers préparatifs. Horikita et moi nous retrouvâmes dans le hall d’entrée du dortoir dès 6h pour nous rendre dans le bâtiment spécial. Il fallait effectuer les derniers contrôles en avance pour ne pas perturber le bon déroulement des choses. Dès que je l’eus rejoint, elle tourna son regard vers la boîte en carton qu’elle tenait dans sa main.

Moi — Salut ! C’est de cette boîte que tu parlais ?

Horikita — Je suis désolée pour cette dépense que tu n’avais pas prévue.

Moi — Ce n’était pas un gros montant donc ça n’a pas eu de conséquences. Et vu que chaque première a reçu 5000 points à dépenser librement, ça passe.

De la seconde à la terminale, nous rencontrâmes également quelques élèves qui arrivèrent tôt avec la même idée. Je passai dans la salle et déposai la boîte.

Horikita — As-tu contacté Matsushita-san ?

Moi — Je l’ai fait. Cela doit être difficile pour elle vu qu’elle est au cœur du projet depuis le début.

Tôt ce matin, Matsushita m’avait contacté pour m’informer qu’elle ne pourrait pas participer à cette journée pour cause de maladie.

Horikita — Mais c’est ce qu’il fallait faire.

Une légère fièvre était supportable, mais elle avait une toux forte ce qui était bien gênant pour servir les clients. On ne pouvait pas non plus lui confier des tâches annexes, car elle n’avait pas non plus beaucoup de forces et nous aurions pris le risque que le rhume se propage.

Horikita — Nous avons prévu ce genre de situation de toute manière.

Il fallait juste maintenant veiller à ce que le fonctionnement soit optimal.

Horikita — Au fait, as-tu entendu la rumeur ? Ce serait Hasebe-san et Miyake-kun qui auraient révélé la thématique de notre évènement.

Moi — En effet. C’était malheureusement à prévoir.

L’information vint de Kei, qui était en contact étroit avec les filles.

Horikita — Mais était-ce vraiment une bonne idée de les laisser seuls ?

Moi — Les rumeurs sont des rumeurs. Haruka et Akito n’ont pas vraiment divulgué l’information.

Son regret de ne pas avoir pu aider Haruka et les autres apparut au grand jour.

Moi — Tu ne devrais pas montrer ta faiblesse si facilement. Tu ne ferais que leur donner l’occasion de profiter de toi.

Horikita — Tu es toujours si calme. Même lorsque des proches sont impliqués, tu agis comme un étranger.

Je remarquai que Horikita m’observait comme pour vérifier mon expression. Cela avait duré cinq à dix secondes.

Horikita — J’ai une question. Es-tu ami avec des élèves de seconde ?

Moi — Je parle à Nanase et Amasawa de temps en temps, mais c’est tout.

J’eus l’impression que je ne devais pas en dire davantage. Ce n’était pas comme si j’allais les voir moi-même de toute manière.

Moi — C’est tout ce que tu voulais me demander ?

Horikita — Oui, passons.

Moi — Vu qu’on est sur le sujet, tu as noué des relations avec des seconde au sein du Conseil ?

Horikita — Eh bien… oui. Je discute souvent avec certains d’ailleurs.

Le Conseil des élèves avait recruté trois élèves de seconde. Seule Ichinose était en première de base. Il y avait un manque évident de main-d’œuvre tant au niveau qualité que quantité et Horikita fut la dernière recrutée en date probablement pour compenser cela. Il n’y avait pas de limite au nombre d’adhérents, mais on disait généralement qu’il y avait entre huit et douze membres. Dans cet établissement il y avait actuellement trois terminale, deux première et trois seconde. À première vue, c’était bien équilibré.

Horikita — Au départ je me disais que je préférais mettre ce temps à profit pour étudier. Que de travailler pour le Conseil était inutile. Je le pense toujours à vrai dire.

Le travail du Conseil des élèves n’était pas la seule chose qui semblait quelque peu inutile. Passer du temps entre amis ou bien les activités de club pouvaient être considérées comme du gaspillage. Il y’en aura peut-être qui se retrouveront dans le monde professionnel ou qui deviendront professionnels, mais pour beaucoup cela ne sera que de lointains souvenirs. S’investir dans ses études, c’était mettre toutes ses chances de son côté pour un bel avenir. Il n’y avait pas plus solide choix de parcours.

Horikita — Mais il y a beaucoup à apprendre même dans des activités inutiles. Je commence à m’en rendre compte.

Moi — Ton frère était aussi président du Conseil.

Horikita — Le cas de mon frère est différent du mien. Il a su mener à bien le travail du Conseil des élèves à la perfection tout en obtenant des résultats impeccables sur le plan académique. Je ne pense pas qu’il ait considéré une seule fois le Conseil comme un fardeau, ou qu’il avait des lacunes quelconques dans son apprentissage.

Même si je ne savais pas ce qui s’était passé réellement, il y avait toujours de la place pour Horikita Manabu en elle. Finalement j’avais bien fait de l’orienter vers le Conseil.

Horikita — Je te remercie, ne serait-ce que pour cette découverte. Rejoindre le Conseil m’a aidé à voir des choses que je ne cernais pas.

Elle avait l’air sincèrement reconnaissante. Elle continua ensuite.

Horikita — Cela m’a fait réaliser à quel point mon frère est génial, mais cela m’a aussi donné beaucoup de travail supplémentaire.

Moi — Tu ne peux pas juste me remercier simplement ?

Horikita — Il faut accepter certaines plaintes.

Moi — Je suis d’accord sur le fait que rester au top scolairement parlant ici est déjà une charge immense à porter pour toi.

Je savais que je n’étais pas inférieur à Manabu sur des critères académiques ou sportifs. Mais s’il avait été dans la même année que moi, qui sait ce qui serait arrivé. On ne pourra jamais le savoir, mais je pense qu’il avait assez de pouvoir pour que je le considère comme un dangereux adversaire.

1

Dès 9h, une annonce générale eut lieu. Les invités franchirent la porte principale ce qui marqua le début du festival culturel.

Shinohara — Oh, mon Dieu !  Je deviens nerveuse….

Ike — C’est la première fois qu’on est en contact avec l’extérieur.

J’entendais Ike discuter un peu plus loin avec Shinohara. Le fait d’avoir été dans un environnement fermé aussi longtemps était générateur de stress. Pendant ce temps, Satô et les autres maid discutaient encore de l’organisation pour pallier l’absence de Matsushita. Bien que la charge de chacune d’entre elles augmenta, elles réussirent à s’arranger. Satô, habillée en maid, commença à être un peu anxieuse, mais se tapota les joues pour se donner confiance.

Satô — Allez… Je peux le faire.

Karuizawa — Maya-chan, ça va aller. Je serai là pour toi.

Kei, qui aidait en coulisses, l’encouragea joyeusement.

Satô — Oui, je ferai de mon mieux !

La distance entre les deux s’était vraiment réduite depuis qu’elles avaient tout mis à plat. Elles étaient vraiment pour de bon les meilleures amies du monde. Je regardai autour de moi et continuai à observer les autres élèves. Sudou et une partie de l’équipe masculine ignorèrent l’annonce pour participer à une dernière réunion de Yôsuke.

Hirata — Vous savez quoi faire en cas de rush[1] ou d’incident.

Après une série d’instructions, ils se rendirent compte qu’il leur manquait deux élèves. Immédiatement après, Horikita et moi nous croisâmes du regard avec la même chose en tête. Elle s’approcha et me parla à voix basse.

Horikita — Hasebe-san et Miyake-kun semblent avoir disparu.

Moi — Je ne pense pas qu’ils soient partis aux toilettes.

Jusque-là, chacun était concentré sur sa tâche ou bien n’avait pas remarqué.

Horikita — Je me doutais qu’ils tenteraient quelque chose, mais je suis soulagée si ce n’est que ça. Nous pouvons nous passer d’eux.

En effet, Horikita était partie du principe qu’ils ne participeraient pas alors cela ne changeait rien. Du sabotage aurait été une tout autre histoire.

Horikita — Mais les rumeurs ont tout de même mis de l’huile sur le feu.

Moi — Divulguer des infos et ensuite ne pas participer au festival c’est clairement un aveu de culpabilité.

Horikita — Jusqu’à présent j’ai opté pour l’indifférence, mais je pense que nous aurions dû agir en amont pour dissiper la rumeur. Seul le temps nous le dira si c’était la bonne chose à faire ou non.

Moi — Je comprends, mais d’abord focalisons-nous sur le festival.

Horikita — Ça ira pour eux ?

Moi — Même si nous pouvons sauver les apparences, ça ne change rien au fait que ces deux-là nous ont fait faux bond. Il est toujours possible que ça retombe sur la classe d’une manière ou d’une autre.

Pas évident d’établir une stratégie avec autant de sources d’incertitude.  D’autant plus que je pouvais encore prendre leur défense quand la situation était encore ambiguë.

Horikita — En effet…

Horikita était un peu nerveuse, mais elle se racla la gorge pour se débarrasser de ses pensées.

Horikita — Je suis convaincue que tu seras en mesure de gérer Hasebe-san et Miyake-kun de la meilleure des façons.

Je répondis d’un regard et je décidai d’accueillir les invités.

2

Satô — Bienvenue !

La voix joyeuse de Satô résonna dans la salle de classe, ou plutôt dans le maid café. Le premier invité à entrer fut un homme dans la quarantaine. Un total de six maids le saluèrent en même temps.

Satô — Je vais vous montrer votre siège.

La voix de Satô était énergique, mais on ressentait toujours la nervosité tandis qu’elle se déplaçait maladroitement. Mais grâce à la répétition de la veille, il n’y avait pas eu d’erreurs majeures. Après lui avoir indiqué la place, elle revint à sa table avec le menu une boisson fraîche. La seule façon de trouver le rythme était de s’habituer à faire le service. Lentement mais sûrement, le nombre d’invités commença à augmenter. La tranche d’âge était similaire, mais parfois, des adolescents et notamment des filles qui semblaient être avec leurs parents entraient aussi timidement.

Moi — C’est un bon début, n’est-ce pas ?

La salle ne s’était pas remplie d’un coup, mais il était bon de voir que tous les places n’étaient pas vides. De temps en temps, mes camarades de classe dispersés un peu partout dans le festival communiquaient avec moi via portable pour me donner des infos sur là où les invités se concentraient ou bien ce qui était consommé. Dans la mesure où les ventes de chaque classe n’étaient pas connues avant la fin du festival, le seul moyen de recueillir des informations était de se déplacer pour voir les choses de ses yeux.

Heureusement, tous les élèves étaient obligés de prendre une heure de pause, alors il y avait toujours un groupe de libre pour aller en reconnaissance. Après avoir observé l’intérieur du maid café pendant un moment, nous décidâmes de jeter un coup d’œil au couloir. Il semblait que de nombreux visiteurs étaient déjà arrivés dans le bâtiment spécial au point que le nombre d’invités dépassait celui des élèves.

Cet homme était peut-être même déjà là, mais je ne pense pas qu’il irait à mon encontre sans avoir préparé le terrain au préalable. Mais il n’était pas évident d’établir un contact avec moi avec autant de gens. Et puis il fallait surveiller les autres élèves et non les invités.

Yoshida, de la classe de Sakayanagi, observait notre maid café sans même se cacher. Pour l’instant, il n’y avait aucun signe de la classe de Ryuuen, mais un élève allait sûrement venir bientôt de chez eux pour vérifier la situation. La porte de la classe s’ouvrit bruyamment et Ike et Hondô se précipitèrent dehors.

Ike — On a une commande fast-food. Je vais aller la chercher au stand.

Moi — D’accord, mais un peu de calme.

Certains des invités furent surpris à cause du bruit.

Ike — Oh, oui, désolé… !

Ce n’était pas bien vu pour les clients de voir les serveurs se précipiter comme ça pour obtenir leur commande. Après avoir reçu l’avertissement, les deux garçons se regardèrent et hochèrent la tête avant de partir d’un pas pressé. Avec cette première livraison, nous ne pouvions pas nous permettre d’être en retard et il fallait que cela continue avec les prochaines.

— Ayanokôji !

Je me retournai et vis Kanzaki s’approcher de moi.

Moi — Ça à l’air de bien se passer de ton côté.

Je n’avais pas vraiment vu leur thématique lors de la répétition, mais il me semble qu’ils vendaient des sucreries de mémoire.

Kanzaki — Pareil pour toi.

Moi — Vous faites des crêpes chocolat banane ?

Kanzaki — Les enfants en raffolent, mais les adultes ne sont pas aussi réceptifs que prévus. Pas sûr d’avoir la première place aux ventes.

Moi — Vu comme ça.

Kanzaki — Mais mes priorités ont changé donc le résultat du festival ne me préoccupe pas vraiment.

Il semblerait que la première étape franchie avec Himeno avait été couronnée de succès.

Kanzaki — Je vais au gymnase pour observer les terminale. Ça me servira probablement pour l’avenir.

Moi — Effectivement. À plus tard.

Après avoir regardé Kanzaki partir, je décidai de retourner au maid café et de commencer à travailler. Cependant, je n’avais pas beaucoup à faire jusqu’à midi. Dans un petit coin cloisonné de la salle de classe, je me tenais en stand-by pour le moindre problème.

 Je fus également chargé de prendre les photos. Il a fallu une petite séance avec l’un des consommateurs pour que les autres clients suivent le mouvement et demandent à avoir eux aussi des photos.

Cela ne voulait pas dire que les adultes ici ne voulaient pas se faire de souvenirs avec des lycéens, mais ils avaient d’autres objectifs pour ce festival. Beaucoup d’entre eux voyaient ça comme un travail, mais le brouhaha et les rires s’étaient progressivement répandu dans la salle ce qui présenta une atmosphère animée et conviviale.

Horikita — Veuillez vous occuper du nouveau client !

La voix peu chaleureuse de Horikita atteignit la salle ce qui contrastait avec les rires. Satô alla immédiatement s’occuper du nouveau client et commença à le conduire vers une place vide.

Horikita — Satô-san va vous faire visiter le lieu.

Sato — Eh bien, si vous voulez bien me suivre…

Horikita, qui n’était pas très sociable, fut chargée de la publicité extérieure. Elle s’habillait en maid pour attirer l’attention des clients, mais ne souriait pas.

Dans un vrai Maid Café, j’eus le sentiment que Horikita aurait été licenciée pendant la période d’essai.

Enfin, il aurait déjà fallu qu’elle réussisse à passer l’entretien.

3

Moins de deux heures après le début du festival, le maid café avait toujours sa clientèle. Ce qui était important ici c’était la manipulation des produits couteux, notamment les recharges photo achetées en grande quantité. Nous en avions eu pour 70 points la recharge avec un Polaroid coutant pas moins de 9000 points, batterie de secours comprise. Jusqu’à présent tout se déroulait bien et nous faisions divers allers-retours pour prendre des photos.

— J’ai une demande de photo par ici !

Les voix des maids résonnèrent et je sortis de la salle d’attente, Polaroid en main. Cette fois-là, le client voulait une photo avec Mii-chan. Ichihashi, responsable de l’encaissement, reçut les points sur son téléphone.

Moi — Souriez !

Après avoir pris une photo de Mii-chan et du client en train de rire, j’attendais sa sortie de l’appareil.

Moi — Je le savais…

Je me doutais de la chose, mais j’avais déclenché l’obturateur au moment où les yeux de Mii-chan s’étaient fermés.

Wang — Euh, je suis désolée, Ayanokôji-kun…

Moi — Peu importe. Je vais en refaire une autre.

Pour une photo souvenir, peu importait l’expression du client, il fallait que celle de la maid soit impeccable. C’était une considération à la fois pour le consommateur et pour elle, car aucune fille ne voulait donner une photo ne la mettant pas en valeur. Chaque photo nous rapportait 800 points alors nous pouvions bien quelques ratés. Après avoir remis une bonne photo au client, Je retournai rapidement dans la salle d’attente.

C’était ma routine depuis ce matin tandis que j’étais attentif au moindre mouvement suspect de cet homme parmi toutes hautes pointures de la politique. J’avais cru comprendre qu’il profiterait de l’occasion pour venir ici malgré la foule, mais il n’y eut aucun mouvement jusqu’à midi. Cela m’avait rappelé le bref échange que j’avais eu avec ce mystérieux élève lors du festival sportif. Il m’avait parlé depuis la porte de la chambre.

« Aussi doué que tu sois, tu restes un adolescent. Tu dois comprendre qu’il a bien tenu compte de ta force et qu’il m’a envoyé pour toi. Pensais-tu qu’en se débarrassant de Tsukishiro et des élèves de la White Room, la paix allait revenir ? Je suis juste venu te dire de ne pas te faire d’illusions »

Au vu de ce qu’il avait dit, il était logique de s’attendre à ce que l’on tente quelque chose lors du festival culturel. Surtout que l’on avait forcé la main à Tsukishiro pour que l’établissement accueille des invités. Comment pouvait-on manquer une telle occasion ?  

Moi — Ils ne veulent donc plus saisir cette opportunité ?

Le festival n’était pas terminé. S’il n’y avait pas eu de réaction jusque-là c’était forcément calculé.

Wang — Ayanokôji-kun, alerte ! On n’a plus de Darjeeling[2] !

J’interrompis mes pensées quand je vis Mii-chan se précipiter dans la pièce, paniquée. Je devais plutôt me préoccuper de l’instant présent. Nous avions préparé plusieurs variétés de thé, mais le Darjeeling, préparé à partir de feuilles de thé haut de gamme, s’était écoulé très rapidement. Nous avions un stock réduit, car il s’agissait d’un produit couteux valant 1200 points, mais les thés noir bon marché que nous avions en plus grande quantité n’avaient pas eu le succès escompté. Il n’était malheureusement impossible d’acheter du stock supplémentaire le jour du festival.

Moi — Il faut tout de suite signifier que c’est en rupture de stock sur les menus. Je me charge du panneau à l’entrée que je vais corriger à la main.

Wang — Huh !

Je corrigeai ainsi le panneau de l’entrée qui affichait le menu avec l’outil approprié. C’était bien pratique et peu couteux. En effet ce panneau avec son outil pour écrire n’avait couté que 100 yens.

Moi — C’est parti !

J’avais écrit « Victime de son succès » à côté du Darjeeling. Bien qu’il s’agît d’une vente inattendue, c’était une façon de montrer la popularité du maid café. Immédiatement après, un bras se tendit du côté gauche derrière moi. Le tissu en vue n’était pas celui d’un uniforme scolaire, mais d’un costume.

— Prends-le sans te retourner.

Le papier blanc, plié en deux, se balançait dans la légère brise qui passait par la fenêtre. J’aurais pu ne pas obéir, mais je préférai accepter en silence, car la personne qui s’était approchée d’aussi près sans se faire remarquer n’était clairement pas une personne ordinaire.

Moi — Puis-je avoir un nom ?

— C’est inutile.

Dès que je saisis le papier, le bras à ma gauche disparut de ma vue. Après avoir gardé cette position pendant un moment, il y eut un autre signe d’une présence en approche.

Hirata — Qu’y a-t-il, Kiyotaka-kun ?

Yôsuke semblait s’être inquiété que je ne sois pas revenu immédiatement.

Moi — Désolé, j’ai été abordé par un visiteur un peu perdu et j’ai dû m’occuper de lui. Un souci ?

Hirata — Les commandes commencent à affluer de partout. Les stands de nourriture semblent se porter mieux que prévu.

Moi — Je vois, la situation devient incontrôlable. J’arrive.

Après avoir confirmé que Yôsuke s’était éloigné, je dépliai le papier dans ma main droite. « Je suis venu te chercher alors fais ton choix. Je t’attends à la porte d’entrée. » Un numéro de téléphone était également présent. Faire mon choix ? On pensait vraiment que je choisirais de partir d’ici volontairement ? Ce message n’était pas clair et tout ce que je pouvais dire c’était que la personne qui me l’avait donné avait au moins un lien avec la White Room. A-t-on jugé que l’usage de la force n’était pas possible ici ? Cela expliquait peut-être pourquoi il n’y avait eu aucune réaction jusque-là.

De toute manière il ne servait à rien de s’en inquiéter. Je roulai le papier pour en faire une boule, le mis dans ma bouche et l’avalai. Le papier était à l’origine une plante et son principal composant, de la cellulose. Ainsi, il ne possédait pas d’enzymes de dégradation. Pour faire simple, on l’expulsait par l’orifice tel quel vu qu’il n’était pas digéré. Il aurait été imprudent de garder ce message sur moi alors il valait mieux l’avaler.

Vu comment le festival me tenait bien occupé, il était préférable d’agir rapidement.

4

Trois heures s’étaient écoulées depuis le début du festival. Il était midi, temps pour que des élèves viennent prendre le relais afin de remplacer le groupe du matin. Après avoir reçu un rapport d’Ike et des autres qui étaient partis en reconnaissance, je me retrouvai à marcher jusqu’à l’entrée.

Ike — C’est ça, là-bas !

Ike désigna l’endroit où plusieurs filles de la classe de Ryuuen élevaient la voix.

—  Notre café de 1e C est en concurrence avec celui de la 1e B. Si nous perdons, quelqu’un pourrait être tenu responsable et expulsé.

L’atmosphère était clairement différente des autres stands qui continuaient à servir leurs clients avec un sourire éclatant et une attitude joviale. Beaucoup d’invités s’étaient arrêtés au vu de tous ces visages désespérés.

— Peut-on demander votre coopération s’il vous plait ? Nous serions très reconnaissants de votre aide !

Elles distribuèrent des sortes de tracts alors nous approchâmes d’un garçon en âge d’être au collège qui en avait reçu un et lui demandâmes de nous le montrer brièvement. Il détaillait le concept de leur café, mais ne mentionnait pas le menu ni les prix. Au contraire, ce qui était mis en avant était le fait qu’ils ne devaient pas perdre cette bataille.

Ike — Hein ? Hein ? Ça sent mauvais, hein ?

Les appels à l’aide des filles étaient si sincères qu’on avait du mal à croire que c’était de la comédie. Ryuuen aurait-il menacé un camarade d’expulsion si leur café ne gagnait pas ?

Ike — Ryuuen a vraiment l’intention d’expulser quelqu’un ?

Moi — J’en doute, car on parle d’une expulsion forcée. Si l’élève dénonce Ryuuen à l’administration, cela aurait des conséquences aussi bien pour Ryuuen que pour sa classe qui perdrait des points.

Ike — Oui, ça ne peut pas être vrai alors ! Il faut qu’on gagne du coup !

Moi — Mais ses camarades jouent sur la possibilité d’expulsion. Et si tu les écoutes bien, elles disent seulement qu’elles « pourraient » l’être.

Autrement dit, elles ne mentaient pas vraiment, mais jouaient sur les mots. Ce n’était pas une simple confrontation de maid café. Comme à son habitude, Ryuuen enchaînait les coups bas. Il cherchait clairement la première place à tout prix.

Ike — S’ils gagnent, on perd un million de points privés. La galère.

J’aurais aimé dire à Ike de ne pas s’inquiéter, mais il était important d’exposer au public le fait qu’il avait très peur. L’importance de la confrontation allait être ainsi plus évidente.

Ike — Qu’est-ce qu’on va faire ?

Moi — On répondra par une stratégie similaire.

Ike — Tu veux dire que tu vas menacer de nous expulser ?!

Moi — Pas de cette façon. On va montrer qu’il y a un enjeu nous aussi !

Ike — Comment ça ? T’as prévu un truc ?

Moi — Ouvre la boîte en carton que j’ai apportée.

Je demandai à Hondô et Sotomura de retirer le ruban adhésif du carton. Il en ressortit un paquet de tracts.

Ike — D…Des flyers ?

Moi — J’avais prévu de distribuer des tracts pour encourager les invités si nécessaire. Ils nous ont devancés, mais je pense que ça va marcher.

Les tracts préparés par nos classes allaient se répandre rapidement. Il fallait que tout le monde finisse par savoir que ces deux cafés étaient en concurrence à la seule différence où nous ne menacions personne de notre côté.

Moi — Appelez toutes les filles qui sont disponibles maintenant. Il faut distribuer tous ces flyers.

Hondô — C’est comme si c’était fait !

Le processus consista à faire le travail de terrain au plus vite. Hondô et les autres ici présents partirent ainsi prévenir les filles afin qu’elles se mettent toutes à effectuer les distributions dans les endroits prévus à cet effet.

— Hey, il parait que les classes de Horikita et de Ryuuen ont fait un pari !

  • Apparemment le leader de la classe perdante va être expulsé.

L’histoire de notre duel avait même atteint les oreilles des autres élèves du lycée. La spéculation amène les rumeurs et les rumeurs, la spéculation.

Moi — Je reviendrai. Faites-moi savoir si vous avez besoin d’autre chose.

Ike et les autres qui livraient les repas étaient toujours au courant de l’évolution de la situation. Hochant la tête avec confiance, je les laissai faire et je décidai de retourner au bâtiment spécial. En chemin, je rencontrai une fille en kimono avec un tract dans le coin d’un couloir presque vide.

 — Lisez s’il vous plait.

La façon dont elle tendait le flyer au peu de personnes qui passaient par là me rappelait ces adultes léthargiques que je voyais parfois distribuer des mouchoirs sans grand enthousiasme au centre commercial Keyaki.

Moi — Je peux en avoir un ?

— Merci.

Pas consciente de ma présence, elle murmura un petit merci et m’offrit le flyer. Mais, comme prévu, lorsque je le reçus, elle me fixa.

— Quoi ?

Moi — Tu distribues des flyers dans un endroit comme ça, Ibuki ?

Ibuki — Casse-toi !

Ne voulant pas être vue, elle détourna les yeux avec un air dégoûté.

Moi — On me l’avait dit, mais je ne pensais pas que tu tiendrais parole.

J’avais entendu dire qu’elle porterait un kimono si elle perdait son duel contre Ryuuen. Cela lui allait mieux que prévu.

Moi —Tout le monde peut être beau avec les bons vêtements, hein ?

Elle me regarda attentivement, mais je fus soulagée de constater qu’elle ne semblait pas comprendre grand-chose à ce que je voulais dire.

Moi — C’est rien.

Il n’était pas facile de distribuer des flyers dans un endroit vide comme ici.

Moi — Tu devrais peut-être aller ailleurs ? J’ai vu Yamashita et les autres les distribuer là-bas.

Ibuki —Tu rigoles ? Pourquoi je voudrais les rejoindre ?

Je m’en doutais, mais j’avais quand même tenté le coup.

Ibuki — T’as qu’à les prendre au pire. 

Moi — C’est beaucoup demander là !!

Ibuki — P’tain, je pense que je vais tout foutre dans un sac et les jeter.

Elle se plaignit tout en regardant la pile de flyers. Cela dit, elle ne pouvait pas le faire au risque de se faire réprimander et puis cela ne donnerait plus aucun sens aux duels futurs si on ne respectait pas sa part du marché.

Moi — Au fait, c’était quoi ce duel avec Ryuuen ?

Ibuki — J’aurais préféré un combat, mais il voulait jouer aux cartes.

Moi — Un jeu de cartes ? Un poker ?

Ibuki — Un truc du genre.

Le type de jeu en soi n’était pas important, mais vu que ça venait de Ryuuen, il était fort possible qu’elle ait perdu, car il avait eu une meilleure main. De toute façon, cela ne servait à rien de déranger Ibuki davantage.

Moi — Si je le vois, je lui dirais que tu fais de ton mieux pour les flyers !

Ibuki — Je te tue si tu le fais !

Alors qu’elle tremblait de rage, j’esquivai rapidement un coup de pied sec.

Ibuki —Tsk.

Moi — On ne t’a pas dit d’accueillir avec un « bienvenue maitre » ?[3]

Ibuki — Je le dirai si tu encaisses mon coup de pied au visage.

Moi — Je vais passer mon tour !

Elle leva légèrement la jambe pour me menacer, alors je me mis à hausser les épaules. Lorsque je retournai au maid café, la situation quelque peu détendue d’avant avait disparu pour laisser place à une grande file. Horikita se joignit également aux autres pour gérer l’afflux massif des clients.

Horikita — Les flyers semblent avoir été distribués sans aucun problème.

Moi — Oui. Maintenant, les deux classes vont pouvoir passer aux choses sérieuses.

Horikita —Tout se passe comme prévu.

Moi — Mais ce n’est pas moi qui ai apporté cette touche bien distinctive.

Horikita et moi hochâmes la tête et nous nous dirigeâmes vers nos postes respectifs.

5

Le Maid Café avait un succès fou, mais Ryuuen avait eu quand même de l’avance sur nous en annonçant notre compétition très tôt. Mais un problème se posa ici : l’explosion de clients. La salle était pleine à craquer et s’y entasser davantage n’allait rendre la situation que plus étouffante.  Nous devions faire attendre les clients dans une file d’attente spéciale, mais un maid café n’était pas faire pour offrir un service rapide. Il était essentiel que les maids puissent discuter avec les invités. Dans de tels cas, les entreprises auraient mis en place des billets numérotés pour encourager les gens à revenir plus tard, mais dans le cadre d’un festival culturel ce n’était pas optimal. Si on disait à des clients avec 3000 points de revenir dans une heure, certains le feraient, mais la plupart dépenseraient l’argent entre temps sur une autre activité et n’aurait plus assez pour le maid café. Il fallait donc trouver un moyen pour les laisser dans la file.

Moi — Ce n’est pas bon. Certains commencent à partir.

Il n’y avait plus d’autre choix que de fermer la queue.

Kushida — Ayanokôji-kun, je peux être dispensée de service en salle ?

Kushida m’appela alors que je me dirigeais vers le bout de la ligne. Il était possible qu’elle soit préoccupée par la situation.

Moi — Qu’est-ce que tu vas faire ?

Kushida — Les clients qui attendent s’ennuient, mais ils montrent aussi un grand intérêt pour le Maid Café. Leur faim doit les faire partir.

Moi — C’est vrai.

Comme cela coïncidait également avec l’heure du déjeuner, les adultes présents dans le maid café montraient aux gens à l’extérieur que c’était aussi l’occasion de manger et boire ici. Kushida ramassa un des sacs remplis de biscuits faits maison qu’elle avait préparés et vendus comme souvenir et commença à marcher dans le hall avec. Puis elle sourit aux clients de la file.

Kushida — Désolée de vous avoir fait attendre.

Elle sortit ensuite les biscuits du sac et commença à les distribuer. L’objectif était de couper un peu leur faim, mais aussi de les faire se sentir coupables dans le cas où ils voudraient quitter la queue.

*

Avec une Kushida souriante ici, il n’était plus aussi simple de partir surtout après avoir reçu des gâteaux, peu importe le degré d’impatience. Le départ de Kushida du service présenta quelques inconvénients, mais dans tous les cas, les clients déjà installés à l’intérieur allaient dépenser des points. Il était bien plus urgent de maintenir toutes ces sources futures de revenus dans la file. Pour faire ranger bon nombre de personnes de son côté, il fallait montrer de l’affection, comme le fait de réduire la distance avec quelqu’un du sexe opposé, d’avoir une conversation agréable ou même de tenir des mains.

Kushida ne montra aucune aversion à ce type de comportement. Les autres filles faisaient beaucoup d’efforts, mais Kushida était la seule à avoir perfectionné tous ces aspects relationnels. Même si cela lui arrivait de faire une petite erreur de calcul, c’était clairement anecdotique. Il devait s’agir d’un véritable don, car elle ne s’était même pas entraînée une seule fois.

Hirata — Voilà le pouvoir de Kushida-san dans son élément.

Comme pour montrer son respect, Yôsuke hocha la tête.

Hirata — Kushida-san et Horikita-san ont fait de gros progrès depuis.

Elles avaient bien travaillé. Je devais l’admettre dans une certaine mesure.

Moi — Il en faut peu aux êtres humains pour détester autrui, mais ils sont aussi capables d’honorer facilement quelqu’un. Surtout les jeunes. Ils peuvent changer la vision qu’ils ont d’une personne comme un pendule faisant des vas et viens. Mais à force, ça peut être fatigant.

Hirata — Tant que Kushida-san continue à être l’une des nôtres, ça me va clairement.

Moi — Mais je dois dire que je suis vraiment impressionné par ce que je vois d’elle.  Elle a réussi à gérer une situation aussi difficile du premier coup.

Hirata — Je pense que plusieurs facteurs ont joué. Pendant la période de préparation du festival, il semblerait que Kushida-san rendait visite à Horikita-san dans sa chambre tard dans la nuit. Je pense qu’elles se sont entraînées. En plus de son talent, elle s’est aussi exercée.

Si Yôsuke avait vu juste, alors ça montrait la grandeur de Kushida. Cela signifiait que Horikita n’avait pas lieu de s’inquiéter pour cette dernière. Nous retournâmes dans la salle d’attente, et me posai devant les caméras pendant une demi-heure.

Wang — Hum, Ayanokôji-kun, tu sais où est Kushida-san ?

Mii-chan entra dans la pièce, préoccupée.

Moi — Kushida ?!

Wang — Il y a un client qui veut être photographié avec Kushida-san, mais je n’arrive pas à la trouver.

Kushida, censée organiser la file d’attente, avait disparu ? À ce moment-là Yôsuke et moi regardâmes dans le couloir et elle n’était en effet plus là.

Hirata — Excusez-moi, avez-vous vu où est partie la fille qui organisait la queue ici ?

— Tu veux dire la fille qui distribuait des biscuits ? Oui, elle a été abordée par une fille du lycée et l’a suivie, il y a environ cinq minutes.

Moi — Vous vous souvenez de son apparence ?

J’interrompis la conversation pour poser la question.

— Voyons voir, c’était une fille avec des couettes.

Yôsuke ne savait pas trop de qui il s’agissait, mais pour ma part, je l’avais bien deviné.

Moi — Je suis désolé, mais j’ai besoin que tu t’occupes du maid café un petit moment et que tu donnes les instructions à une autre maid pour remplacer Kushida temporairement.

C’était un problème auquel personne ne s’attendait. Je compris tout de suite que je devais le régler.

6

Il était difficile de repérer quelqu’un dans un festival culturel au vu de la foule et surtout dans l’inconnu le plus total.  Après une prise de contact par téléphone, je fus en admiration devant la masse d’informations reçue. Quelles rapidité et précision ! Quelques minutes après, j’avais ainsi obtenu leur localisation, derrière les infrastructures de la piscine couverte. À mon arrivée, je vis Kushida de dos en tenue de maid, ce qui contrastait avec le lieu.

Kushida — Ne me fais pas répéter….

Kushida, qui était engagée dans une discussion animée, se rua sur son interlocutrice, haussant le ton tout en restant discrète.

Amasawa — Wow…

L’autre personne me remarqua immédiatement et stoppa Kushida net.

Kushida — Quoi… ? Pourquoi… Ayanokôji-kun ? Tu fais quoi ici ?

Moi — Je viens bien sûr chercher notre star parmi les maids.

Même si Kushida avait été remplacée, personne n’était aussi efficace.

Amasawa — Je pensais l’avoir bien éloigné du bâtiment. Je suis surprise que tu aies trouvé cet endroit, senpai.

Elle avait donc essayé d’échapper à ma vigilance.

Moi — Malheureusement pour toi, j’ai créé une alliance avec quelqu’un qui peut localiser n’importe qui ici.

Elle ne semblait avoir aucune idée de qui je parlais, mais ne demanda pas.

Amasawa — Tu allais revenir vite, n’est-ce pas Kushida-senpai?

Kushida — Oui. Je m’en veux de m’être éclipsée sans te le dire, mais je voulais aussi parler un peu à Amasawa-san.

Moi — Alors vous auriez pu parler près de la file d’attente. Ce n’était pas une raison de partir vous cacher.

Kushida — C’est…

Kushida savait que la priorité était de garder les clients satisfaits dans la file pour ne pas les faire partir. Son départ ne pouvait être dû qu’à une urgence.

Moi — Peu importe ce qui se passe entre vous, il y’a le festival qui nous occupe. Vous ne pouvez pas parler une autre fois ?

Kushida — On peut remettre ça à un autre jour ?

Il était évident que cela n’allait pas être aujourd’hui.

Amasawa — Tu n’es pas le moins du monde surpris par notre duo.

Moi — Effectivement

Jusqu’à présent, je n’avais pas suspecté un contact aussi étroit.

Moi — Mais en vous voyant toutes les deux, tout s’explique.

Tout un flux de petites informations me monta à la tête. Pourquoi Kushida avait-elle insisté pour nous expulser lors de l’examen spécial et pourquoi avoir fait un pari aussi risqué ? Il n’était pas illogique de penser qu’un élève de la White Room était derrière. Je comprenais maintenant pourquoi elle ne voulait pas trop participer aux préparatifs du festival et qu’elle déclinait toute invitation à répéter. C’était pour éviter d’être suivie.

Amasawa — Je te rendrai Kushida-senpai plus tard, alors donne-moi un peu de temps.

Amasawa, toujours devant moi, ne savait toujours pas que j’avais compris.

Kushida — Désolée, Ayanokôji-kun, peux-tu nous donner une minute ? Je reviendrai vite. Je veux aussi parler à Amasawa-san.

Moi — Je comprends, mais ça n’arrivera pas. Amasawa, je te laisse finir.

Amasawa — Tes yeux sont si vilains, senpai. Je suis à nue devant toi.

Amasawa pressa le bout de son index contre ses lèvres de manière sexy. Cela n’avait pas vocation à séduire, mais pour masquer sa méfiance à mon égard. En effet, j’avais vu clair dans son jeu.

Moi — Kushida, ton passé est ta faiblesse. Amasawa et un autre l’ont exploité alors tu as forcé la classe à voter notre expulsion n’est-ce pas ?

Kushida — Eh…

Sans pouvoir confirmer ou infirmer, Kushida montra un un air surpris.

Amasawa — Senpai, c’est entre Kushida-senpai et moi.

Moi — Désolé, mais ça ne marche pas comme ça. Kushida est un élément indispensable de notre classe, et ce, bien avant le festival.

Amasawa — Qu’est-ce que tu insinues ? Je ne fais rien de mal.

Moi — Mais qu’en est-il de l’autre ?

Quand je dis cela, l’attitude d’Amasawa changea. Immédiatement après, elle eut un sourire étrange. Elle attrapa le poignet de Kushida à proximité.

Kushida — Quoi ?

Elle se plaça ensuite derrière Kushida avec sa main droite et posa la main gauche sur sa bouche pour l’empêcher de parler.

Amasawa — As-tu une idée de qui est cette autre personne, senpai ?

Les mots de Kushida furent bloqués avant que la question ne soit posée parce qu’elle connaissait son identité de cet autre élève provenant de la White Room. Ce fut donc une action préventive de la part d’Amasawa.

Amasawa — Je pense que tu le sais, Kushida-senpai. Si tu dis quelque chose de déplacé, je te ferai expulser, d’accord ?

Le visage de Kushida se tordit de douleur, probablement à cause de la pression exercée par Amasawa sur son corps.

Moi — Ça ne te ressemble pas Amasawa. On dirait que tu es dos au mur.

Amasawa — Attends, senpai, je n’ai rien dit pourtant.

Ses actions en disaient long. Kushida, qui endurait la douleur, ne comprit pas la nature de notre conversation. Et Amasawa elle-même ne savait pas à quel point j’étais au courant.

Amasawa — Quoi qu’il en soit, parlons seuls la prochaine fois. Prétend que tu n’as rien vu et part Ayanokôji-senpai. Je partirai dans dix minutes.

Moi — Qu’est-ce qui se passe si je refuse ?

Amasawa — Je pourrais blesser Kushida-senpai.

Elle renforça la pression exercée par son bras droit.

Kushida — Argh !!

Amasawa — Je suis une fille très charmante, mais je pourrais facilement lui casser un bras ou deux.

Moi — Alors voyons lequel de nous deux sera le plus rapide. Dans ce petit jeu, arriveras-tu à casser son bras avant que je ne t’arrête ?

La distance entre Amasawa et moi était d’environ cinq mètres.

Amasawa — Tu es sérieux là ?

Moi — À propos de lui casser le bras ? Ou de pouvoir t’arrêter ?

Amasawa — Les deux.

Moi — Alors tu te trompes sur les deux points. Tu ne devrais vraiment pas oublier qui je suis.

Amasawa rit et desserra légèrement sa main emprisonnant le bras droit de Kushida. À ce moment-là, je donnai un coup de pied au sol et me précipitai à l’endroit où elle comptait lui casser le bras. Ma main droite glissa le long du bras de Kushida et atteignit son poignet tandis que ma main gauche fit le tour de sa bouche jusqu’à son dos, pour attraper la main droite d’Amasawa.

Amasawa — Impossible…

Dans un réflexe défensif, elle porta son attention sur moi où elle tenta de serrer son poing gauche. Cependant, je ne lui donnai aucune chance de faire d’autres mouvements, la rendant complètement immobile. Je me plaçai derrière elle et la fit tomber au sol, comme elle l’avait fait avec Kushida plus tôt.

Amasawa — Bhaa !

La forte pression exercée sur le sol lui fit perdre momentanément son souffle et souleva un léger nuage de poussière.

Amasawa — C’était un peu inattendu senpai.

Moi — Tu pensais vraiment qu’il y avait peu de différence entre nous ?

On pouvait le voir dans ses yeux. Elle fut très blessée dans son orgueil.

Amasawa — Ça veut dire que j’avais tort… ?

Moi — C’est très probablement le cas.

Elle était forte vu qu’elle venait de la White Room. Même Horikita Ibuki ou Ryuuen qui avait appris à se battre seul ne pouvaient la vaincre.

Mais elle ne pouvait clairement pas rivaliser avec moi. Que la force de quelqu’un soit passée de 5 à 20 ou 30 ne changeait rien au fait que j’étais évalué à 100 unités.

Amasawa — Depuis quand pensais-tu que tu étais supérieur à moi ?

Moi — Depuis le moment où nous nous sommes rencontrés.

Amasawa — Si ça ne venait pas de toi Ayanokôji-senpai, j’aurais dit que tu essayes de mettre du sel sur ma blessure.

Moi — Ton partenaire et toi pensez pouvoir m’expulser, mais tu ne t’es jamais demandé pourquoi je ne t’ai pas demandé son nom ?

Son sourire s’effaça lentement. Jusqu’à présent, je n’avais pas vraiment cherché l’identité des élèves de la White Room.

Moi — C’est parce que je ne vous ai jamais considéré comme de potentielles menaces depuis le début.

Amasawa — Tu n’es pas… sérieux, n’est-ce pas, Senpai ?

Moi — Ce n’est pas plutôt toi qui te fourvoies, Amasawa ?

Certes, ce n’était pas vraiment un combat à proprement parler, mais en moins de dix secondes, l’issue de notre confrontation était déjà décidée.

Moi — Vous auriez dû me défier depuis le départ au lieu de tourner en rond et vous amuser tout en impliquant les autres élèves.

Amasawa — Tu sais donc pourquoi j’ai contacté Kushida-senpai ?

Moi — Tout est devenu clair dès que je vous ai vu toutes les deux. Et maintenant, l’inattendu est sur le point de se produire.

Amasawa — L’inattendu ?

Moi — À 15h, tu pourras te rendre dans la salle du Conseil, mais tu ne dois être vue par personne. Tu auras toutes tes réponses.

Voyant la force d’Amasawa diminuer progressivement, je relâchai ma prise. Il n’y aurait plus besoin de continuer de la soumettre brutalement.

Moi — On a perdu beaucoup de temps. Il faut retourner au maid café.

Kushida — Tu es sûr ? Juste comme ça là ?

Amasawa se leva, mais ne montra aucune volonté de continuer la lutte.

Moi — C’est bon. Tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour ton passé.

Alors que je commençais à marcher, Kushida se précipita après moi.

Kushida — Comment as-tu su, Ayanokôji-kun ?

Moi — Bonne question. Mais tu peux me faire confiance.

Kushida — Qui es-tu réellement…?

Cette question était inévitable vu qu’elle avait été témoin de tout.

Kushida — Je ne m’y connais pas en combat, mais tu n’es pas normal.

Moi — Apprendre les arts martiaux n’est pas si rare pour des lycéens.

Horikita, Ibuki et même Ryuuen et Akito qui étaient des combattants de rue savaient clairement se battre. Mais j’insistai sur le fait que si j’avais maîtrisé Amasawa c’était parce que la force physique d’un homme jouait en sa faveur face à une femme. Que Kushida soit convaincue ou non était une autre histoire.

Moi — Tu dois nous aider à gérer la file d’attente. Je compte sur toi.

Kushida — Oui, je sais.

Kushida inclina la tête comme si elle était désormais déterminée.

Kushida — Merci pour ton aide….

Ce « merci » était inattendu de sa part, mais ce n’était pas difficile pour elle de le dire.  Elle exprimait sa gratitude assez aisément.

Kushida — Même si tu dois penser que c’est un mensonge, je tenais quand même à exprimer ma gratitude.

Moi — C’est normal. Un autre camarade de classe aurait fait pareil.

Kushida — Donc tu pars du principe que je ne te suis pas redevable ?

J’avais réfléchi sur le moment, mais je ne pouvais pas faire marche arrière.

Moi — Bien entendu, tu ne me dois rien.

De toute manière, elle n’aurait pas été en mesure de me rembourser ce sauvetage.


[1] Quand il y a du monde, notamment lors des pauses déjeuner dans la restauration. Il faut donc aller vite d’où le terme « rush ».

[2] C’est l’un des thés noirs les plus réputés, provenant de la région de Darjeeling en Inde.

[3] Dans un maid café, il est habituel d’accueillir les clients en les considérant comme leurs « maîtres de maison/master » tandis qu’elles jouent le rôle de maids/domestiques. Ainsi elles emploient la formule O-kaerinasaimase, goshujin sama, littéralement « Bienvenue à la maison, maître ».

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