CLASSROOM Y2 V7 : CHAPITRE 2

L’aube de la rébellion

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Traduction : Thony
Correction : Kenshiro & Raitei
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Nous étions le lundi 8 novembre. Après l’annonce de Ryuuen et sa bande de nous concurrencer sur le même concept, nous dûmes faire face à divers problèmes. Malgré ce coup bas, nos camarades restèrent tout de même déterminés. Pour le pari de Ryuuen, Horikita eut l’accord de la classe pour la mobilisation des points privés en cas de défaite. Ce pari stipulait que la classe ayant réalisé le plus de ventes lors du festival recevrait un nombre de points privés précis de la part de la classe perdante. Il fallait maintenant se battre de front pour gagner et l’optimisme de la classe était la bienvenue. Après le cours, quand Mme. Chabashira quitta la salle, je sortis mon téléphone portable.

— J’ai un peu de temps. Rdv à l’endroit désigné.

Il voulait donc finalement discuter. Ce que je lui avais dit la dernière fois sur notre futur ici avait eu l’effet escompté ?

Karuizawa — Hé, Kiyotaka. On rentre ensemble ?

Moi — Désolé, j’ai des choses à faire.

Karuizawa —Ah, oui ? Je vois… Eh bien, Maya-chan, rentre avec moi !

Après un rapide échange, Kei se tourna vers Satô, toujours dans la salle.

Satô — Tu ne rentres pas avec Ayanokôji-kun ?

Karuizawa — T’occupe ! On y va !

Satô fut perturbée mais elle accepta la proposition de Kei avec un sourire. Elle invita ensuite d’autres filles à la rejoindre avant de sortir de la classe. Parmi elles, Shinohara, qui, il n’y avait pas si longtemps, avait une relation difficile avec Kei. Après s’être rapprochée de Satô, Kei semblait avoir mûri encore plus qu’avant. J’étais reconnaissant que Shinohara soit là pour l’accompagner.

Je décidai ainsi de quitter la classe et de me rendre au bâtiment spécial pour rencontrer Kanzaki, qui m’avait contacté plus tôt. Cette fois, cela ne pouvait pas être par téléphone, par tchat, ou en public qu’il fallait discuter. En chemin, je vis le professeur principal de la première A, M. Mashima, et les professeurs des autres classes qui discutaient dans le couloir. Cette vue inhabituelle attira mon regard, mais je ne m’arrêtai pas de marcher.

 — Chabashira-sensei a changé récemment.

En passant, je pouvais entendre ce bavardage dans les conversations des enseignants.

M. Mashima —Elle semble en effet plus souriante qu’avant.

— Mashima-sensei, vous étiez camarades au lycée n’est-ce pas ?  J’ai des questions justement

Apparemment, Chabashira-sensei était le sujet de conversation. Il était logique que leur discussion ne se fasse pas en salle des professeurs surtout quand il s’agissait d’un professeur du sexe opposé. Inutile de préciser que le changement de cette dernière s’était opéré depuis l’examen spécial du consensus. Ils avaient certainement eu l’impression qu’elle était sortie de sa coquille, non seulement en tant que professeur, mais aussi en tant que personne. Mashima-sensei remarqua alors ma présence et interrompit la conversation. En effet, il ne devait pas être très convenable de continuer le sujet alors qu’un élève passait dans les parages

M. Mashima — Ayanokôji, que fais-tu dans le bâtiment spécial ?

C’était une question naturelle, puisque les élèves passaient rarement dans ce couloir après les cours sans raison.

Moi —J’ai une petite réunion. Je dois parler de certaines choses à l’abri des oreilles indiscrètes.

Après ma réponse, les enseignants, à l’exception Mashima-sensei, eurent l’air quelque peu consternés et s’éloignèrent, décidant peut-être de se disperser. J’aurais pu partir immédiatement, mais j’avais aussi un peu de temps avant le rendez-vous.

Moi —Mashima-sensei, j’avais justement quelques questions.

S’il n’était pas encore parti alors cela signifiait quelque chose.

M. Mashima — Ah bon ? Qu’est-ce que tu veux me demander ?

Moi — Il s’agit des règles qui ne sont pas explicitement énoncées dans le festival.

Bien eut une mine légèrement sceptique, Mashima-sensei se confronta immédiatement à moi en tant qu’enseignant. L’établissement se fondait sur un ensemble spécial de règles qui étaient très différentes de celles des lycées ordinaires. Nous étions ici conscients que chaque apprenant pouvait avoir son point de vue. Toutefois, cela ne manquait pas de susciter quelques inquiétudes.

M. Mashima — Je ne sais pas ce que tu veux demander, mais ne devrais-tu pas d’abord voir avec ton professeur principal ?

Il n’hésita pas à me demander la chose pour s’assurer que je savais ce que je faisais. Il était logique qu’il se pose la question.

Moi — Il y a des moments où il est plus judicieux de ne pas la voir.

M. Mashima — Les enseignants sont censés être impartiaux envers tous les élèves. Mais quand il s’agit d’autres classes de la même année rien n’est moins sûr alors soit conscient de cela.

Je m’en doutais mais c’est toujours bien de l’entendre.

Moi —Vous n’êtes pas du genre à faire échouer un élève.

M. Mashima — Si c’est ce que tu penses, alors soit.

Sous-entendu « Fais ce qui te chante  » et pas autre chose.

M. Mashima — Alors, que veux-tu savoir au juste ?

Je consultai Mashima-sensei pour un cas particulier et il ne sembla pas du tout surpris d’entendre cela. Dans les établissements, il y avait toujours des règles cachées qui répondaient à diverses situations. Je n’étais donc pas surpris que d’autres élèves pensent comme moi.

M. Mashima — Tu as sans doute raison. Si nécessaire, c’est possible à mettre en œuvre.

Moi — Je le savais.

Ce n’était pas inconcevable. La classe pouvait se retrouver dans une telle situation ou bien pouvait subir un désagrément majeur.

M. Mashima — Toutefois, on peut se demander si c’est efficace. Comme tu le sais, si c’était entre élèves, il n’y aurait pas de problèmes. Enfin…ce serait justement à vous les élèves de faire en sorte que ces problèmes ne surviennent pas si tu vois ce que je veux dire, n’est-ce pas ?

Moi —Oui. Je pensais de toute manière que c’était quelque chose qui n’avait pas besoin d’être spécifié dans le règlement et qui pouvait être fait indépendamment.

M. Mashima — Bien sûr, les risques seront différents pour chacun, mais quelle que soit la raison, nous examinerons cette option.

Moi — Je suppose qu’il est naturel d’être préparé aux éventualités.

Mashima hocha la tête, pensif

M. Mashima — Si tu le fais en tout cas, je serais curieux de voir ça.

Bien qu’il ne l’ait pas mentionné, il eut peut-être une vague idée de la stratégie de vente que je voulais mettre en place.

Moi —C’était bon d’avoir une confirmation. Je vous remercie.

M. Mashima — Pas de problème.

C’était une chose de moins à vérifier pour le festival qui s’avérait être un avantage inattendu. Après la conversation, j’essayai de partir, mais je fus arrêté par Mashima-sensei.

M. Mashima — Ayanokôji, que s’est-il passé lors de l’examen spécial du consensus avec Chabashira-sensei ?

Moi — Ce qu’il s’est passé ?

Les résultats étaient naturellement connus de ce dernier, mais il ne comprenait pas son changement d’attitude.

M. Mashima — Malgré les expulsions, elle a commencé à regarder en avant et à sourire. Il y a donc eu dans un cet examen quelque chose l’ayant fait changer.

Si Je me souvenais bien, les deux professeurs étaient dans la même promotion au sein de ce lycée. Comme il connaissait bien Chabashira-sensei, c’était naturel qu’il se pose la question.

M. Mashima — Ce n’est pas une chose à demander à un élève. S’il te plaît, oublie ce que je viens de dire.

Moi — Je comprends. Je vais partir dans ce cas.

Après lui avoir fait un bref signe de la tête, je décidai de me rendre à l’endroit du bâtiment spécial où j’avais mon rendez-vous.

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Le festival approchait lentement, mais il y avait une autre question qui devait être traitée en parallèle, celle de changer la classe d’Ichinose. Le compte à rebours vers son effondrement progressait plus vite que prévu et des mesures avaient dû être prises pour empêcher la chose. Cette fois, le leader, Ichinose, ne fut pas contactée. Il était ainsi nécessaire à mon sens de différencier dans sa classe ceux qui voulaient du changement mais il fallait être prudent. Et qui d’autre que de plus compétent pour assumer ce rôle que lui ?

Moi —Désolé, je suis un peu en retard.

Il était déjà là à mon arrivée, la mine assombrie. Il n’était certainement pas d’humeur à avoir une conversation joviale.

Kanzaki — Qu’est-ce que tu me veux du coup.

J’avais rencontré Kanzaki peu après mon entrée dans l’établissement, mais nous n’étions pas particulièrement proches. Dernièrement je pensais même qu’il me détestait mais c’était surtout parce qu’il se méfiait de moi qu’il avait accepté de me parler et non pas parce qu’il ne m’appréciait pas. Du coup il valait se mieux se voir dans un endroit discret.

Moi — Il est temps de parler de l’avenir.

Kanzaki —De l’avenir ? Qu’est-ce que… Bon, d’accord. Laisse-moi d’abord parler en premier alors.

Il corrigea sa posture avant de parler. Bien qu’un peu surpris par ce premier mouvement inattendu, j’écoutai d’abord ce que Kanzaki avait à dire.

Kanzaki —J’ai des difficultés depuis un moment. Je n’en ai parlé à personne. Je me débattais tout seul.

Après l’avoir formulé, il se corrigea et répéta que ce n’était pas le cas.

Kanzaki — Non, dire que je luttais serait exagéré, mais je pensais chaque jour à ce que j’allais faire de moi-même.

Ces mots étaient remplis d’émotions, bien loin du calme et de la sérénité de l’habituel Kanzaki. Je décidai d’être à l’écoute.

Kanzaki —Le reste de ma scolarité est complètement flou.

Ce n’était pas au niveau rationnel qu’il s’était retrouvé la tête coincée dans le sable. La seule chose dont les élèves se préoccupent ici est la classe A.

Kanzaki — Je n’ai probablement pas besoin de te le dire maintenant, mais notre classe ne peut pas gagner.

Contre quoi ne pouvait-elle pas gagner ? S’agissait-il du festival culturel ou d’un examen spécial de fin d’année ? Non, c’était bien plus profond comme problème. C’était un cri de détresse de la part de Kanzaki.

Kanzaki — Nous ne sommes pas loin derrière les autres classes au niveau des compétences académiques, sportives et de leadership et même si j’ai l’impression que nous avons certains aspects dans lesquels nous excellons, cela ne mène pas forcément à la victoire.

Il commença à penser, à comprendre et à s’inquiéter de lui-même. Comme on pouvait s’y attendre, Kanzaki fut le premier à réagir.

Moi — Je vois ce que tu veux dire. Alors, que veux-tu au juste ?

N’importe qui pouvait simplement écouter et transmettre sa compréhension.

Kanzaki — J’ai besoin de tes conseils sur… Ichinose.

Pourquoi moi ? Les noms d’autres personnes me venaient en tête.

Kanzaki — Et je veux ton opinion sur l’avenir de ma classe.

Moi — Hm. Si j’ai bien compris tu veux les conseils d’un adversaire ?

Kanzaki — Tout à fait.

L’expression peinée de Kanzaki était à peine cachée. Il n’était pas du genre à chercher l’aide des autres. C’était précisément parce qu’il était au pied du mur qu’il n’avait d’autre choix que de le faire.

Kanzaki — Elle ne m’écoute pas vraiment. Non, les autres aussi !

Moi — Pourtant elle est normalement à l’écoute.

Kanzaki — Quand tu vas dans son sens seulement. Tu te doutes bien.

J’avais osé le tester mais ce n’était plus nécessaire. Il était clair qu’Ichinose était réglo jusqu’au bout des ongles. Elle était toujours prête à aider les autres et à éviter les sales coups. Elle était pour ainsi dire impossible à corrompre.

Kanzaki — Je ne dis pas qu’elle se dirige dans la mauvaise direction. Mais l’idéalisme est de l’idéalisme.

Moi — Il y a de nombreuses occasions où cet idéalisme est nécessaire.

Kanzaki — Certes. Mais moi je suis prêt à prendre des risques quand ça ne va pas.

Jusqu’à présent Kanzaki et les autres s’étaient centrés autour d’Ichinose.

Kanzaki —Jusque-là nous avons suivi la politique d’Ichinose et perdu des points de classe. Nous sommes au fond du gouffre et nous ne savons pas comment en sortir.

Moi — Tu partages beaucoup de choses. Es-tu sûr de ne pas en révéler trop sur le fonctionnement interne de votre classe ?

Kanzaki —Peu importe, c’est du n’importe quoi de toute façon.

Il avait marmonné la chose comme pour rire de lui-même.

Kanzaki — Mais un plan est un plan, même s’il est stupide. Pour l’instant, je n’ai pas d’autre choix que de te faire confiance.

Il détourna de moi son regard quelque peu résigné et fixa le sol vide.

Kanzaki — Dans l’examen du consensus, j’ai soutenu le fait que nous devions obtenir des points de classe quitte à expulser l’un des nôtre. J’ai forcé jusqu’au bout mais ça n’a pas marché.

Je ne savais rien du fonctionnement interne de sa classe mais je pouvais malgré tout facilement imaginer la chose. Kanzaki vota pour l’expulsion des élèves afin de faire avancer la classe et de leur faire comprendre la réalité de la situation. Il continua à voter en faveur de l’expulsion pour changer les mentalités mais aucun de ses camarades, y compris Ichinose, ne partagea son avis. Mais au lieu de critiquer Kanzaki pour son choix radical, ils l’encouragèrent à travailler dur avec eux.

Kanzaki —C’est drôle, n’est-ce pas ?

Comme je ne répondis pas, Kanzaki rompit le silence

Moi — À quoi bon me dire ce genre de choses ?

Il se rendit compte par lui-même que je ne pouvais pas lui donner de conseils. C’était vraiment un acte sans effusion de sang. Il semblait juste vouloir s’humilier devant moi.

Kanzaki — Tu as les faveurs d’Ichinose. La seule chose qui pourrait changer sa politique est une existence unique, comme la tienne. Elle ne pourrait avoir les idées claires qu’avec toi.

Moi — Je vois.

La seule façon de sauver la classe était d’influencer Ichinose, leur leader afin qu’elle puisse enfin accepter la situation.

Moi — Ton désir de briser le statu quo est donc véritable.

Kanzaki hocha la tête avec force. Cependant, il devait bien réfléchir si c’était vraiment pour le bien de sa classe. En effet stipuler que la classe serait sauvée si Ichinose changeait n’est qu’une illusion. C’était là l’angle mort de Kanzaki. Même si j’influençais Ichinose, pourrait-on vraiment appeler ça une croissance ? Une Ichinose qui se mettrait à prendre des décisions impitoyables, pourrait-elle vraiment rivaliser avec les autres classes ? Pour effacer les inconvénients, j’effacerais les avantages et les spécificités d’Ichinose. Une fois qu’on tournait la roue dans cette direction, il n’y avait aucune garantie qu’on puisse la retourner de nouveau.

Moi — Je suis d’accord avec toi pour renverser les choses mais ta méthode n’est pas la bonne.

Kanzaki — Nous n’avons pas le choix, tu es la seule personne qui puisse le faire.

Moi — Je pense qu’il y a quelqu’un de plus qualifié.

Kanzaki —Je ne peux pas penser à quelqu’un d’autre.

Kanzaki, qui n’avait aucune idée de ce dont je parlais, leva un sourcil.

Moi — En fait, il y a une autre élève que j’ai appelée aujourd’hui.

Kanzaki —Qui ?

Moi — C’est une de tes camarades, tu la connais très bien.

Kanzaki — Ne me dis pas que tu as appelé Ichinose ?

Dans un sens, c’était la dernière personne qu’il aurait fallu ici.

Moi —Malheureusement, ce n’est pas Ichinose. C’est une élève qui a le potentiel pour changer la situation.

Kanzaki — Ça peut paraître condescendant mais il n’y a personne dans notre classe qui puisse tenir une discussion avec Ichinose hormis moi.

Moi — N’est-ce pas là le genre d’étroitesse d’esprit dont tu parlais ?

Kanzaki — Quoi ?

Moi —Votre classe semble être un bloc uni mais c’est une illusion. La plupart d’entre vous n’ont d’autre choix que de rentrer dans le moule.

C’était ma réponse, mais cela ne sembla pas le faire réagir. Avait-il saisi ce que je lui disais ? Faut dire qu’il n’était pas du genre à montrer ses émotions.

Moi — Comment votre classe a chuté dans le classement pour en arriver à cette crise majeure ?

Si nous suivions la chaîne des erreurs, où cela nous menait-il ?  C’était ce que je devais faire comprendre à Kanzaki et à sa classe.

Himeno — Ah ? Pourquoi Kanzaki est là aussi ?

Himeno eut l’air un peu surprise, comme si elle pensait que je serais le seul. Elle vint un peu plus tôt que prévu mais au contraire, c’était le bon moment.

Kanzaki — Himeno, tu connais Ayanokôji ?

Himeno — Plus ou moins, oui.

Je ne l’avais côtoyé qu’un petit moment alors il était normal d’être surpris.

Kanzaki — J’ai du mal à croire que Himeno soit la bonne personne pour le rôle dont tu parles.

Je pouvais presque imaginer l’image que Kanzaki avait d’Himeno dans sa vie. Pour lui, elle faisait partie des filles banales de sa classe.

Moi — Je vais le prouver à partir de maintenant.

Himeno — Attendez, vous parliez de moi là ?

Il était compréhensible que Himeno soit perplexe d’avoir été convoquée.

Kanzaki — C’est… Non, attends.

Au moment où il allait s’expliquer, Kanzaki remarqua une anomalie.

Kanzaki — Qu’est-ce que tu veux dire, Ayanokôji ?

Moi — Quoi ?

Kanzaki — Tu m’as dit qu’on devait discuter de l’avenir mais de quoi allais-tu parler au juste ? Tu étais en contact avec Himeno et…

Kanzaki s’interrompit et balança son regard entre Himeno et moi.

Himeno — Qu’est-ce qu’il y a ?

Moi — J’avais prévu de parler de votre classe oui… Tu penses que tu dois toi-même apporter les changements nécessaires ?

Kanzaki — Je ne comprends pas…

Il m’avait parlé de la situation de la classe avant que je ne puisse dire quoi que ce soit. Cela n’aurait servi à rien de présenter Himeno à ce moment-là.

Kanzaki — Jusqu’où vois-tu les choses… ?

En entamant la conversation avec Kanzaki, j’ai pu calibrer son arrivée et cela semblait avoir eu assez d’effet pour surprendre Kanzaki.

Moi — Passons aux choses sérieuses. Laissez-moi vous dire pourquoi je vous ai fait venir ici aujourd’hui. Il n’y a pas besoin de moi pour faire changer Ichinose. Ce qui doit changer, c’est la conscience de la classe.

Kanzaki — C’est inutile. Je l’ai vu de mes propres yeux.

Moi — S’il s’agit d’une seule personne oui, mais si deux ou trois personnes hormis Ichinose avaient eu un avis divergent, le résultat de l’examen spécial du consensus aurait été différent.

Kanzaki — Il est illusoire de penser que la conscience de chacun aurait changé. Et même si cela avait été le cas, en quoi cela aurait changé le résultat de l’examen ?

Moi — Je ne pense pas qu’Ichinose aurait accepté d’expulser un élève mais que cela aurait fait échouer l’examen spécial et que vous auriez été pénalisés, peut-être.

Himeno —Ichinose-san protège ses camarades à tout prix.

À ce moment-là, Himeno, qui était à côté, intervint.

Moi — Même si 39 personnes sont favorables à l’expulsion ?

Himeno — Elle est du genre à aller au bout oui. Pas vrai, Kanzaki-kun ?

Kanzaki — Je le pense aussi, mais… je suis aussi sûr mais les troubles intérieurs auraient eu le mérite d’être visibles.

Ichinose menait le combat pour ses camarades. Mais en recevant des réactions négatives de la part de tout le monde, aurait-elle pu continuer ? La question de savoir si elle était capable de continuer à les combattre jusqu’au bout, même après avoir pris conscience qu’elle faisait quelque chose de mal, était une autre affaire. Même si elle le faisait, ce qui l’attendait après inévitablement était le dégout de sa propre personne ne gardant pour elle que la responsabilité de la perte conséquente des points de classe.

Moi — La question de savoir si Ichinose, rongée par les remords, aurait été capable de remplir ses fonctions de chef est une autre histoire.

Kanzaki — Cela n’aurait pas été pire que maintenant.

Moi — Tu le crois vraiment, Kanzaki ?

Kanzaki — Et si tous mes camarades étaient en faveur de l’expulsion, tu penses qu’il se serait passé quoi ?

Ce n’était pas réaliste, mais je jouai le jeu.

Moi — Si 39 personnes continuaient de voter en faveur de l’expulsion alors que le temps s’écoulait, Ichinose aurait fini par céder et elle se serait portée volontaire pour s’expulser.

Voilà la meilleure issue possible pour elle. Le groupe aurait pu expulser Ichinose et gagner des points de classe. Cependant, ils auraient aussi perdu sa capacité à unir les gens.

Kanzaki — C’est impossible ! Et puis même si ça avait été le cas, il y aurait eu trop de conséquences.

Ichinose quittant la classe, c’est une évolution qu’il n’avait jamais envisagée, mais pour Kanzaki, c’était une porte de sortie.

Moi — Je n’essaie pas de dire qu’Ichinose devrait être expulsée. Mais s’il y a un changement au sein du groupe alors la classe dans son ensemble suivra la tendance. Il ne faut pas changer Ichinose mais changer la mentalité de la classe. Et les premiers à le faire seront vous deux.

Himeno — Moi ?

Moi — Tu n’es pas d’accord avec elle sur tout et tu te remets en question. Himeno, qu’as-tu pensé de l’opposition de Kanzaki au consensus ?

Himeno — …

Himeno garda le silence et se retourna.

Kanzaki — Je veux bien le savoir également.

Himeno — Je pensais que c’était impossible. Les classes ne changent pas facilement après tout. Je ne veux pas voir de gens blessés et que la bonne ambiance reste.

Elle commença à dire ce qu’elle ressentait.

Himeno — J’ai senti que la résistance de Kanzaki n’était qu’une perte de temps. Alors… Je voulais que ce moment douloureux se termine rapidement.

Kanzaki ferma les yeux et hocha légèrement la tête, comme s’il se souvenait de ce moment.

Moi — Kanzaki, tu as considéré que tous ceux qui s’étaient alignés avec Ichinose ne l’ont fait que par suivisme car ils n’osaient pas la remettre en question.

 Sans le nier, Kanzaki hocha profondément la tête.

Moi — Mais, en fait, c’était différent.

Himeno avait dirigé son vote par rapport à l’ambiance de la classe.

Kanzaki — Alors pourquoi tu ne l’as pas dit ? Tu aurais pu m’en parler, même si ce n’était pas pendant l’examen spécial.

Ne connaissant pas leur classe en détail, je n’étais pas légitime à intervenir là. Et il n’y avait pas non plus d’avantage à les écouter discuter. Mais c’était le moment où jamais d’avoir le fond de pensée d’Himeno, permettant de casser la routine de leur classe.

Himeno — Huh…

Les yeux de Himeno ne montrèrent pas ses émotions contrairement à ceux de Kanzaki.

Himeno — Ne donne pas l’impression que c’est aussi simple.

Elle lâcha un soupir en plus d’avoir le regard fuyant, comme si elle comptait s’en aller.

Himeno — Je ne suis pas obligée de répondre, mais tu vois ce que je veux dire. Il y a juste une forte pression des autres dans notre classe. Même si je pense que c’est blanc, si la majorité dit que c’est noir, alors c’est noir. Dans une classe comme comme la nôtre, inutile qu’une minorité prenne la parole. C’est tellement douloureux d’être entouré de personnes qui sont dans une telle désillusion. C’est pourquoi je n’ai jamais rien dit et ne le ferai jamais.

Kanzaki — Mais si tu ne dis rien, le blanc restera noir à tout jamais.

Himeno — J’accepte le fait que ce soit noir pour ne rien perturber mais dans mon esprit ce sera toujours blanc quoi qu’il advienne.

L’attitude de Himeno exprimait en quelque sorte la réalité de la classe.

Moi — Même toi Kanzaki, tu te serais écroulé devant une telle insistance. Tu aurais fini par penser que le blanc a fini par être teinté en noir. C’est une chose difficile à supporter, n’est-ce pas ?

Himeno avait donc choisi de suivre le groupe. Elle n’était pas la seule.

Himeno — N’attend pas de moi une alliance. Désolée mais je n’ai pas ta détermination.

Himeno fit un pas en arrière, comme pour s’éloigner de Kanzaki. Ce dernier s’était approché, comme s’il voulait lui parler.

Kanzaki — Ça te convient de laisser la classe comme ça ?

Au début, Kanzaki supposait que Himeno était une camarade ordinaire. Mais maintenant qu’il s’était rendu compte de ce qu’elle pensait, il essayait tant bien que mal d’engager une conversation avec elle en m’ignorant.

Himeno — Peu importe que ce soit bien ou mal, il est plus important pour moi de me protéger. Je ne peux pas être la meilleure amie de quelqu’un mais je ne suis pas non plus rejetée. Parfois on m’invite à sortir, parfois non. Je ne veux pas changer les choses.

Himeno n’avait pas tort sur le fait d’insister sur la discrétion mais la classe n’allait pas avancer comme ça.

Himeno — Si ton opinion commence à peser dans la classe alors je me joindrai à toi. Ça te va comme ça ?

Himeno déclara qu’elle n’avait pas l’intention de rester dans la minorité si une occasion se profilait.

Kanzaki — Merde !

Ces mots traduisaient ses véritables intentions et son manque de volonté. Si elle et Kanzaki se rebellaient maintenant, le groupe ne ferait que s’unir contre eux jusqu’à ce qu’ils capitulent. Le timing n’était pas le bon.

Himeno — Je peux y aller maintenant ? Je ne le dirai à personne. Je sais que j’aurais des problèmes si je le fais.

Que ferait Kanzaki à Himeno si elle tentait de partir là ? En effet, en la laissant, il ne ferait que revenir à la case départ.

Kanzaki — …Attends.

Himeno — Je ne veux pas rester.

Kanzaki — Je n’allais le dire à personne mais je suis sur le point de prendre une grande décision.

Himeno — Ah oui ?

Kanzaki — Je ne vais pas rester avec cette classe et Ichinose pour toujours.

Kanzaki verbalisa ce qu’il gardait au fond de lui.

Himeno — Est-ce que ça veut dire que tu trahis la classe ?

Kanzaki — Je ne vais pas le nier. Il n’y a aucun intérêt à rester dans une classe qui ne peut pas gagner.

Si Kanzaki partait alors leur classe n’allait plus être en mesure d’établir de contre-attaque. Kanzaki était clairement un élément irremplaçable.

Kanzaki — Je n’essaie pas de te menacer. Mais je te dis ce que je pense.

Si Kanzaki devait quitter le groupe, cela n’affecterait pas Himeno personnellement. Mais la classe perdrait une occasion de s’améliorer. Himeno se mit ainsi en colère. Elle n’était plus sur le ton moqueur d’avant.

         Moi — Ça te convient Himeno ?

Himeno — Ce n’est pas juste. C’est une menace.

Kanzaki — C’est une façon de voir les choses.

Un signe de trahison en somme qui pourrait faire réagir ses camarades, essayant de l’empêcher de changer de classe. C’était une position risquée mais c’était le pari de Kanzaki.

Himeno — Tu as vraiment l’intention de changer de classe ?

Kanzaki — C’est peut-être dur mais Ayanokôji a raison. Je veux croire que nous sommes les seuls capables de changer la classe.

Himeno — Mais je…

Se mordant la lèvre inférieure, Himeno ferma les yeux. Si elle se rangeait du côté de l’isolé Kanzaki, il était inévitable qu’elle se prenne des coups. Il savait que ce n’était pas ce qu’elle voulait mais quelqu’un devait le faire.

Himeno — J’aimerais gagner… si c’est possible.

Elle n’avait pas renoncé à la possibilité de changer de classe mais il ne fallait pas attendre plus longtemps.

Kanzaki — Alors nous devons agir maintenant. Tu sais que j’ai raison.

Si Himeno ne bougeait pas, il n’y aurait vraiment plus rien à faire pour Kanzaki. Même s’il ne voulait pas en arriver là, il n’aurait d’autre choix que de changer de classe. Himeno serait ainsi condamnée à s’écraser devant le groupe.

Himeno — Je comprends ce que tu dis… Mais quand même…

Kanzaki — Tu ne vas pas dire qu’il y a encore une chance de gagner avec la politique d’Ichinose, n’est-ce pas ?

Les mots de Kanzaki piquèrent Himeno au vif. Ses lèvres se serrèrent et elle ravala ses paroles.

Kanzaki — Tu ne veux pas être diplômée de la classe A, Himeno ?

Ces mots transpercèrent le cœur de Himeno comme une lance.

Himeno — Bien sûr que j’aimerais être en classe A à la fin !

Une voix forte et tendue raisonna dans le couloir. Kanzaki fut interloqué par la puissance de la voix de Himeno.

Kanzaki — Mais c’est maintenant ou jamais pour agir !

Himeno cria, explosant d’excitation.

Himeno — Kanzaki-kun !

Kanzaki — Je sais ! Je sais ! Voilà pourquoi il faut agir maintenant si on ne veut pas perdre face aux autres classes !!

Bien que sa voix ne fût pas aussi forte que celle de Himeno, cette dernière fut également apeurée par la voix forte de Kanzaki. Pour la première fois, Himeno montra sa vraie nature. Il y avait maintenant un élève de sa classe qui la voyait pour ce qu’elle était vraiment.

Après un an et demi, de nombreux élèves de la classe de Horikita avaient montré leurs faiblesses. Il y avait ceux qui se mettaient en avant en tant qu’élèves d’honneur et qui ne se souciaient pas de l’expulsion des autres. Ceux qui étaient incapables d’étudier ou de discuter des problèmes et qui avaient immédiatement recours à la violence. Ceux qui profitaient des forts pour se hisser au sommet de la hiérarchie. Ceux qui conspiraient pour expulser leurs pairs afin d’effacer leur passé. Ceux qui tombaient et qui se relevaient. Certains d’entre eux affichaient désormais une croissance incroyable.

Himeno — Alors tu es comme ça. Tu es d’habitude si calme.

Kanzaki — Ça vaut pour toi. Je ne savais pas que tu gardais ça en toi.

La classe d’Ichinose n’aurait pas eu les difficultés évidentes de la classe de Horikita. Les élèves pouvaient chuter un peu mais ils étaient ensuite vite soignés et protégés par les autres qui faisaient en sorte qu’ils ne tombent plus. Au fil du temps, les élèves avaient compris qu’Ils devaient faire attention parce que l’on se souciaient d’eux. Mais pourquoi étaient-ils tombés ? Pourquoi étaient-ils blessés ? La vérité est que la douleur est plus forte, mais ils se taisaient pour ne pas inquiéter les autres ce qui noua des relations superficielles au sein de la classe d’Ichinose. Il était temps pour eux de devenir de vrais amis. Après un moment de silence, je m’adressai à tous les deux !

Moi —Vous allez faire quoi du coup ?

Kanzaki — Même si Himeno m’aide, ça n’aurait aucun sens si l’on reste statiques.

Moi — Il n’est pas nécessaire de se précipiter pour obtenir une réponse. Vous en trouverez bien d’autres.

Kanzaki — D’autres quoi ?

Moi — Des élèves comme vous qui répriment leurs sentiments.

Même s’il n’y en avait pas d’autres, le fait est qu’ils formaient un duo maintenant. C’était plus simple pour les recherches.

Moi — Si tu trouves quelqu’un d’autre, que feras-tu ?

Kanzaki — C’est simple. On agrandira le groupe petit à petit. Un par un.

Et puis ce qui fut une petite étincelle deviendra une grande flamme. Lorsqu’Ichinose la verra, alors le changement s’opérera.

Moi — Il n’est pas trop tard. Soyez forts et battez la classe de Horikita lors de l’examen final.

S’ils font cela, ils auront encore un petit espoir d’être promus en classe A avant la terminale.

Himeno — Que vas-tu faire, Kanzaki-kun ?

Kanzaki — Tu n’imagines pas à quel point tu vas devoir faire des efforts mais le jeu en vaut la chandelle.

Kanzaki n’était plus seul désormais et Himeno avait pu confirmer la détermination de son partenaire.

Himeno — Nous avons le même désir d’être diplômés en classe A. Jusqu’à présent, je ne pouvais en parler à personne, mais…

Les pensées de Himeno furent ainsi transmises à Kanzaki.

Kanzaki — Oui… Nos objectifs sont les mêmes depuis le début.

À partir là, les deux firent un pas en avant quelque peu enfantin.

Himeno — Tu sais… Ayanokôji-kun m’a rappelé que j’étais curieux d’une certaine fille.  Tu veux qu’on aille la voir ?

Kanzaki hocha vigoureusement la tête à la suggestion de Himeno.

Kanzaki —Ayanokôji, je te rembourserai cette dette lors de l’examen final.

Gagner et obtenir le droit de défier la classe A, c’était la façon de rembourser la faveur qu’il me devait aujourd’hui.

Moi — La classe de Horikita ne sera pas une mince affaire Kanzaki.

Kanzaki — En effet. Tu m’excuseras mais je ne veux plus perdre une seule seconde.

Himeno acquiesça puis sortit son téléphone portable. Elle se détourna de Kanzaki et commença à s’éloigner. Une partie de moi s’inquiétait de savoir si ces deux-là allaient changer ou non mais cela s’était mieux passé que prévu.

Ils avaient même des chances de battre la classe de Horikita lors de l’examen final. Dans tous les cas, cela ne nuisait pas à mes projets, mais c’était une chose de plus à attendre avec impatience.

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