CLASSROOM Y2 V5 : CHAPITRE 3

Nuages sombres

—————————————-
Traduction : Thony
Q-Trad : Lost
Correction : Kenshiro

Q-Check : Raitei/Nova
———————————————–


(Mlle. Chabashira)

Driinng~ Driinng ~


Le réveil, que je connaissais depuis dix ans, résonna à mon oreille. Je tendis la main furtivement et rapidement et finis par appuyer brutalement sur le bouton d’arrêt. À cause de la forte impulsion, il tomba de la table de nuit et sonna de nouveau.

Driinng~

Je le frappai de nombreuses fois, tout en sachant qu’il en fallait plus à ce compagnon pour se casser.

Moi — Il est déjà 6h …

Je n’avais finalement dormi que deux heures environ avant d’accueillir le matin. J’enlevai ainsi mon pyjama brutalement et sortis du lit en sous-vêtements.
En chemin, je ramassai mon réveil et vis que le scotch dessus s’était détaché, dispersant les piles çà et là sur le sol.

Moi — J’ai été un peu trop brutale avec toi. Pardonne-moi, je ferai plus attention demain.

Je me plaçai devant le miroir.

Moi — J’ai une mine affreuse…

Certes, je pouvais faire avec d’habitude mais, là, c’était encore pire. Je ne pouvais montrer à mes élèves un tel visage. Les cernes étaient encore plus visibles à cause du manque de sommeil de ces derniers jours. C’est ainsi qu’après m’être soigneusement lavée le visage, je sortis les produits de beauté, que j’utilisais rarement. Une fois la lotion appliquée, je me regardai à nouveau dans le miroir.

Moi — Tu es toujours aussi affreuse.

Je touchai ma joue. L’élasticité qui s’en dégageait du bout des doigts était incomparable à celle que j’avais plus jeune.

Moi — Tu vieillis…

Cela ne faisait certes que dix depuis le lycée mais c’était tout de même dix années d’écoulées.

Moi —  Était-ce une réflexion futile ? Peu importe.

C’était en tout cas maintenant que je venais de réaliser que le temps passait. Je me tus de nouveau pour ouvrir le capuchon et commençai à me maquiller en silence. Un jour comme celui-là devait venir tôt ou tard dans ma carrière de professeur. Mais même si je n’en avais pas éludé la possibilité, je n’étais définitivement pas prête.

Moi — Calme-toi. Ce n’est pas ton combat. La situation est différente. Tes élèves pourront s’en sortir sans problème. Oui, ça ne sert à rien d’être contrariée, ils y arriveront.

Je sentis mon cœur battre plus vite et essayai de me convaincre que c’était un simple examen spécial. Mais cette stratégie superficielle ne fonctionna pas, et mon cœur se mit à battre encore plus vite.

À ce rythme, cet examen allait avoir raison de moi. Je n’étais pas sûre de pouvoir tenir pendant son déroulement.  Je suffoquais à l’idée d’être dans le flou, ne pouvant imaginer ce que l’avenir réservait.

Moi — Je suis prête…

Je me murmurai la chose en posant les deux paumes sur le miroir et en y scrutant mon reflet,

1

(Mlle. Chabashira)

La matinée des professeurs était semblable à des heures supplémentaires. Bien que nous vivions dans un dortoir sur le campus, entre la préparation des cours, la réponse aux messages et appels et parfois la vérification de l’eau de la piscine, il y avait du travail. Nous devions aussi nous rendre dans la salle des professeurs pour une réunion générale. Le flux était double voire triple les jours d’examens car aucune erreur n’était tolérée dans leur gestion.

M. Ikari — Ce qu’il faut absolument garder à l’esprit lors de cet examen spécial est d’éviter toute situation dans laquelle vous aidez involontairement un élève.

Rassemblant les professeurs principaux des quatre classes avec un regard sévère, il était en charge de l’examen spécial d’aujourd’hui.

Mlle. Hoshinomiya — Je peux vous interrompre une seconde ?

M. Ikari — Qu’y a-t-il, Hoshinomiya-sensei ?

Mlle. Hoshinomiya — Lors du dernier examen similaire, il y a 11 ans, l’administration s’était assurée que le professeur principal ne se retrouve pas en charge de sa classe. Pourquoi n’est-ce plus le cas ?

L’intention de l’établissement était d’éviter toute intervention du professeur principal afin qu’il n’aide pas sa classe durant l’épreuve. Mais il aurait été plus logique pour le bon déroulé de l’examen de changer les professeurs car personne n’aiderait une classe concurrente.

M. Sakagami — Ils doivent avoir confiance en nous.

M. Sakagami écoutait calmement la conversation

Mlle. Hoshinomiya — Vous le pensez vraiment ?

M. Ikari — Cela vient d’en haut, c’est comme ça.

Mlle. Hoshinomiya — Nous n’avons donc pas notre mot à dire.

Concernant les examens spéciaux, toutes les décisions étaient prises par le président Sakayanagi et l’équipe administrative de l’établissement. Ne nous faisions qu’appliquer les règles et veiller à ce qu’elles soient respectées. Mais tout cela ne faisait pas sens, et Chie n’avait même pas essayé de cacher sa frustration. M. Ikari, qui ne pouvait supporter cette attitude, s’exprima plus discrètement cette fois.

M. Ikari — Ce n’est qu’une supposition, mais cet examen pourrait donner trop de données sur le fonctionnement interne d’une classe. On préfère éviter toute fuite d’information

Mlle. Hoshinomiya — Autrement dit, on ne nous fait pas confiance.

M. Ikari — C’est comme ça. Et puis, trois professeurs ont vécu cette épreuve. Enfin, vous vous en êtes bien tirés pour l’examen des votes l’an dernier !

Mlle. Hoshinomiya — C’est bien ce que je pensais.

Chie semblait se douter de la chose depuis le début.

M. Ikari — Hoshinomiya-sensei… Pouvons-nous continuer ?

Mlle. Hoshinomiya — Oui, oui, j’ai bien compris. Vous pouvez continuer.

Elle était toujours de mauvaise humeur mais Ikari-sensei l’ignora.

M. Ikari — Un avertissement sera donné dans un premier temps en cas de tentative d’intervention par un surveillant. Si cela se répète, il y aura ensuite une retenue sur salaire. Si nous découvrons qu’il y a bien eu intervention, vous risquez la rétrogradation dans le pire des scénarios.

L’examen spécial consistait à obtenir un consensus lors de votes. Il était naturel que la nature de l’examen spécial soit remise en question si le professeur orientait les choix des élèves. Bien sûr, aucun professeur ne comptait faire de favoritisme, moi y compris.

Comme à son habitude, il n’avait aucune empathie pour les élèves même si l’examen laissait un goût amer. Son rôle était juste de nous mettre en garde.

M. Ikari — Ce sera tout. Je compte sur vous pour le bon déroulement.

Après cela, je fis comme toujours de mon mieux pour les cours de la matinée. Non…j’étais probablement la seule à penser que c’était une journée normale. J’avais perdu la notion du temps car je n’avais même pas réalisé qu’il était l’heure du déjeuner. Sur mon bureau, en salle des professeurs, se trouvait un panier repas à moitié entamé.

Quand je mis la nourriture dans la bouche, les baguettes s’arrêtèrent de bouger. Ne voulant pas être vue comme ça, je mis le reste de mon repas dans un sac et le rangeai. Quand la sonnerie retentit, je sortis de la salle en regardant le sol. Je fus interpellée par un bruit de pas venant de derrière.

Mlle. Hoshinomiya — C’est le jour J, Sae-chan.

Moi — Chie… ?         

Mlle. Hoshinomiya — Tu es comme ça depuis ce matin. Tu n’as pas réussi à dormir la nuit dernière parce que tu pensais à l’examen spécial, n’est-ce pas ?

J’ignorai cette provocation médiocre. Non…il était plus exact de dire que je n’eus rien à lui rétorquer.

Mlle. Hoshinomiya — Ma classe n’a rien à voir avec moi. Que les élèves s’en sortent facilement ou non n’a aucune importance pour moi.

Moi — Hmm ? Je te pensais plus brisée que ça par cette histoire.

Mlle. Hoshinomiya — Eh bien, ça va. Mais n’oublie pas que tu ne mérites pas d’être en classe A.

Alors que je m’éloignais, je pus entendre sa réponse pleine de ressentiment. Elle ne camouflait en aucun cas sa haine et je n’avais d’autre choix que de marcher en regardant le sol, incapable de lever la tête.

2

Nous étions le 17 septembre, après la pause déjeuner, moins de trois semaines après les vacances d’été. L’examen spécial était imminent. Lorsque je revins dans la salle de classe, environ cinq minutes avant le début de l’épreuve, il y avait déjà un professeur de présent. Je fus aussi surpris de voir que nous n’étions pas à nos places respectives. Ainsi, je me retrouvai curieusement tout au fond de la classe, près de la fenêtre, ma place durant l’année de seconde. Vu que les autres n’avaient pas eu leur place de l’an passé, c’était purement du hasard. En tout cas, avoir du temps permettait de mieux analyser la situation et je commençai à analyser les placements. Satô était assise juste à côté de moi et Onizuka, en face. Les élèves commençaient maintenant à arriver les uns après les autres pour cet examen spécial du consensus.

Pour le coup, les consignes étaient simples. Il fallait choisir entre plusieurs options parmi cinq motions et avoir l’unanimité à chacune d’entre elles pour accéder à la suivante. Il n’y avait pas vraiment de préparation et j’avais convenu dès le début de chaque vote d’éviter l’unanimité car la classe ne pouvait pas se concerter lors du premier tour. L’épreuve avait bien entendu une durée limitée alors nous avions décidé à l’avance de qui suivre en cas de blocage. Ainsi même s’il y avait une certaine tension, on prenait plutôt l’examen à la légère. En effet, il suffisait juste de voter en appuyant sur un bouton ; dans l’absolu.

La tablette était munie d’une fine bande de plastique fermement attachée pour éviter les regards indiscrets. Même si on jetait un coup d’œil depuis la place voisine, on ne pouvait pas voir l’écran. De plus, on ne pouvait pas se lever durant la phase de vote. Même si on arrivait par je ne sais quel moyen à voir le vote de quelqu’un, les gens ne nous croiraient pas forcément et puis c’était interdit par le règlement alors il valait mieux garder ça pour soi. La tablette sur le bureau semblait être éteinte, et nous n’avions pas la permission d’y toucher.

Ike — Hé, on plie ça en une 1-2h, histoire d’aller direct au Keyaki.

Shinohara — Ce serait cool mais je voulais un peu réviser au dortoir. On peut y aller l’aprèm non ?

Ike et Shinohara, en couple depuis peu, discutaient de leurs plans d’après cours. L’examen n’allait clairement pas être une formalité mais je me demandais combien d’élèves en avaient conscience. Le problème était que le vote était anonyme alors il s’agissait de savoir quel impact ce facteur allait avoir. La durée de l’épreuve était de cinq heures, soit de 13h00 à 18h00. C’était un long moment à passer et avec un découpage simple ça faisait 1h par motion. Comme le disait Ike, on pouvait finir en une heure ou deux, ce qui pouvait nous faire gagner facilement 50 points de classe. En revanche, nous perdions 300 points de classe si on dépassait la durée d’examen. Il était donc impératif de répondre aux cinq motions de manière unanime. Compte tenu de la simplicité du test, la petite récompense et la lourde pénalité étaient compréhensibles. Je m’assis à ma place dans le coin de la salle où se trouvait la moitié de mes camarades. Sur le côté de l’estrade, Chabashira-sensei, l’animatrice de l’épreuve, était présente et, au fond, se trouvait un professeur chargé de la surveillance.

Mlle. Chabashira — Comme vous le savez, je vais prendre tous vos appareils électroniques.

Limiter les outils de communications et surveiller les interactions à l’avant et à l’arrière de la salle pour éviter que les élèves ne tentent de voir qui vote quoi montrait à quel point l’établissement était minutieux. Cela pouvait sembler dur, mais c’était la bonne chose à faire. Afin de faire refléter les véritables sentiments des élèves dans les choix multiples, cet anonymat devait être garantit au risque que les élèves pouvaient céder à la pression de leurs camarades. Par exemple, si on voulait voter B alors que tout le reste avait choisi A, la pression aurait été inévitable. Ainsi on insistait sur l’importance de la volonté individuelle de l’élève mais ce n’était pas un choix judicieux que de rester borné dans la mesure où il fallait un vote unanime. Il n’y avait pas de place pour l’injustice dans tous les cas et la décision devait être unanime.

Hasebe — Vas-y, Airi. Tu as décidé de le dire correctement, non ?

Je tournai mon regard vers la fenêtre du couloir et vis Airi poussée par Haruka.

Sakura — Oh, Hey !  Kiyotaka, … ! Je… Je me demandais si je pouvais avoir un peu de ton temps après l’école ?

Hochant la tête, elle eut un regard disant qu’elle savait ma réponse à l’avance.

Sakura — Je voulais te parler du festival culturel.

Moi — Je vois. Je pensais aussi t’en parler en personne.

Sakura — Oh, super ! Je te vois plus tard alors.

Airi s’enfuit et me tourna le dos, prenant place dans la dernière rangée.

Hasebe — Elle s’est calmée d’une certaine manière. Elle ne s’en est pas remise, mais elle essaye de tourner la page.

Elle ne voulait même pas me parler en face, mais elle fit l’effort de maintenir un contact visuel.

Moi — Reste à voir si elle va vraiment réussir à en faire une habitude. Cela ne dépendra que de ses efforts.

Hasebe — J’essaierai de l’aider autant que je peux.

Moi — Oui. À plus tard du coup.

Non pas qu’elles prenaient beaucoup soin l’une de l’autre, mais ces deux-là étaient souvent ensemble. Deux minutes avant le début du cours, notre professeur principal commença à expliquer les choses.

Mlle. Chabashira — Eh bien… il est temps. Nous allons passer à l’examen spécial, et comme la journée va être longue, vous aurez droit à quatre pauses pour aller aux toilettes. En fait, les pauses ne peuvent être prises qu’après chaque motion votée unanimement. Chaque pause a un maximum de 10 minutes, mais le temps d’examen ne s’arrête pas. Il est donc primordial de sauter les pauses si cela est possible.

Tout le monde avait normalement fait ses besoins avant donc si des problèmes devaient survenir, ce serait bien plus tard dans l’épreuve. Chaque élève avait l’air en tout cas frais et dispo.

L’examen aurait dû commencer mais Chabashira-sensei continua de regarder les élèves et refusa de commencer la procédure. Elle semblait désemparée. Lorsque les élèves, initialement insouciants, commencèrent à se regarder les uns des autres, le surveillant qui se tenait au fond de la classe remarqua l’anomalie.

— Chabashira-sensei. C’est l’heure de commencer.

Mlle. Chabashira — Ah, ah. Je suis désolée. Donc, nous allons commencer l’examen du consensus. Gardez bien à l’esprit que vous n’avez pas le droit de vous lever et de bavarder en dehors des entractes.

L’écran s’alluma et le compte à rebours commença à 26 secondes. Ce décalage était dû à son absence momentanée mais cela n’affecta pas les élèves.  Une fois le compte à rebours à zéro, l’écran afficha la première motion.

Motion 1

Choisissez la classe à laquelle vous voulez faire face lors de l’examen final   du 3e trimestre. (un changement au classement ne saurait affecter ce choix)

Les chiffres entre parenthèses indiquaient les points de classe supplémentaires que l’on obtenait en gagnant le match.                             

Classe A (100)

Classe B (50)

Classe D (0)

Mlle. Chabashira — Ce sera le dernier examen du dernier trimestre de votre année et c’est à vous de choisir votre adversaire. Sachez que si vous choisissez la classe A et que celle-ci tombe entre temps en classe B, vous l’affronterez toujours avec à la clé les 100 points. Nous procéderons par tirage aléatoire si les votes interclasses ne concordent pas.

Pour résumé, on avait le choix d’affronter Sakayanagi, Ichinose, ou Ryuuen. Il était donc important de voir face à quelle classe nous avions le plus de chance de gagner. Bien entendu, même si nous étions unanimes, rien n’était encore sûr.

Si notre classe votait pour celle de Sakayanagi, et que celle d’Ichinose votait unanimement aussi pour la classe A, alors la classe de Sakayanagi allait devoir choisir entre notre classe et celle d’Ichinose. Et si la classe de Sakayanagi désignait celle de Ryuuen, alors tout dépendrait de ce qu’allait choisir ce dernier. En effet, si sa classe ne votait pas pour celle de Sakayanagi, alors on allait aboutir sur un tirage aléatoire. La logique voudrait que l’on affronte une classe inférieure mais la récompense n’était pas la même. Cent points de classe n’étaient pas rien et cela pouvait orienter le vote pour classe A.

Mlle. Chabashira — Nous allons maintenant passer au premier tour. Vous avez soixante secondes pour voter.

Au-delà, on faisait décompter notre délai de grâce. Bien entendu, Horikita avait décidé et notifié à l’avance pour éviter ce problème la première fois, tout le monde vota pour son choix préféré. J’avais convenu avec Horikita que je devais toujours casser l’unanimité et que je choisirai l’option 1 tandis qu’elle, l’option 2. Ainsi, j’optai pour la classe A. L’unanimité n’allait clairement pas être atteinte mais on allait avoir une idée de la préférence générale.

Mlle. Chabashira — Tout le monde a voté. Voici les résultats.

Résultats du premier tour

Classe A 5

Classe B 21

Classe D 13

Les votes se concentrèrent plutôt sur la classe B, celle d’Ichinose.

Mlle. Chabashira — Le vote n’étant pas unanime, place à l’entracte.

À partir de ce moment, nous fûmes autorisés à faire ce que l’on veut pendant dix minutes. Cela n’avait pas d’importance si on élevait un peu la voix ou si on n’entendait que certains élèves.

Horikita — Laissez-moi d’abord faire une suggestion pour que nous ne perdions pas de temps sur la première motion.

Levant la main, Horikita, assise devant Chabashira-sensei, se leva et se tourna ensuite.  Désignée pour être leader, elle prit l’initiative de parler.

Horikita — Aussi dispersés que soient les votes, chacun de nous doit avoir ses propres pensées. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser, et n’hésitez pas à exprimer vos opinions à toute la classe.

Elle prit une inspiration et commença à énoncer son choix préféré.

Horikita — L’adversaire idéal pour moi en cette fin d’année est la classe B et ce, pour trois raisons. Tout d’abord, contrairement à Sakayanagi-san et Ryuuen-kun, Ichinose est susceptible d’accepter un combat à la loyale. Il n’y aurait que nos compétences qui compteraient sans sournoiserie. Ensuite, gagner contre la classe B nous permettrait d’obtenir 50 points de classe ce qui n’est pas rien pour prendre de l’avance sur les classes C et D. Enfin, la classe B n’est qu’une façade. Nous sommes déjà au coude-à-coude avec la leur et celle de Ryuuen. Elle est clairement en perte de vitesse alors il faut en profiter.

Elle parla assez rapidement, peut-être parce qu’elle était préoccupée par le temps. Mais elle avait l’air d’avoir convaincu pas mal d’élèves.

Horikita — Si un élève a des objections, qu’il les exprime ici et maintenant. D’autre part, si vous pensez que la classe B est la bonne option, alors ne perdez pas de temps pour le vote. Il faudrait ne pas perdre de temps inutilement sur cette motion.

Je pus sentir la détermination de Horikita.  En réponse, Yôsuke se leva.

Hirata — Je suis d’accord avec ce que tu as dit, Horikita-san. Les 100 points de classe pour vaincre Sakayanagi et sa classe sont aussi alléchants mais il ne fait aucun doute que ce sont les adversaires les plus redoutables. Bien sûr, nous ne pouvons pas ignorer l’unité de la classe d’ichinose et les solides individualités qu’ils ont mais ça reste à aussi à mon sens le meilleur adversaire possible.

L’initiative de Horikita soutenue par Yôsuke eut un impact considérable parmi les élèves. Comme pour terminer en beauté, une personne de plus se leva.

Karuizawa — C’est un choix judicieux pour moi aussi. Affronter la classe de Ryuen-kun ne nous apportera aucun point de classe et Sakayanagi-san est le pire adversaire possible.

Avant qu’aucune opposition ne puisse être exprimée, Yôsuke et Kei consolidèrent rapidement leurs opinions en déclarant leur intention de voter pour la classe B. On pouvait dire qu’ils procédaient comme prévu, mais ils devaient aussi penser la même chose. Le constat était facile à faire vu que durant le premier tour, la classe B avait déjà un bon nombre de vote. L’entracte qui dura près de six minutes, se déroula finalement sans aucune opposition. Tout en vérifiant l’heure, nous reprîmes la progression de l’examen.

Mlle. Chabashira — Nous allons procéder au deuxième tour puisque le temps est écoulé. Vous avez soixante secondes pour voter. Veuillez ne pas dépasser ce délai au risque de voir votre délai de grâce s’appliquer.

Cette mise en garde n’était pas nécessaire et en moins de dix secondes, tout le monde vota. Les résultats furent immédiatement affichés sur l’écran.

Résultats du second tour

Classe A 0

Classe B 39

Classe D 0

Kôenji ne tenta pas de saboter quoi que ce soit alors nous commençâmes de la meilleure des manières.

Mlle. Chabashira — A l’unanimité, vous avez opté pour la classe B.  Je vous informerai de la classe que vous affronterez après-demain.

En une dizaine de minutes, nous avions bouclé la première proposition. Quant à moi, j’aurais aussi choisi la classe d’Ichinose. Pour le coup, Horikita avait tout dit et il n’y avait plus qu’à espérer que Sakayanagi et Ryuuen s’affrontent.

Mais la classe d’Ichinose était une cible facile, nous n’étions certainement pas les seuls à l’avoir sélectionnée. Il fallait donc prier pour que sa classe se porte candidate pour nous affronter.

Mlle. Chabashira — Je ne pense pas que nous ayons besoin de faire une pause, mais puis-je confirmer que l’on peut passer à la suite de l’épreuve ?

Personne ne s’y opposa, et la deuxième motion apparut aussitôt.

Mlle. Chabashira — Voici la deuxième motion.

Motion 2

Choisir une destination pour le voyage scolaire de fin novembre
Choix : Hokkaido | Kyoto | Okinawa

— Sérieux là ?!

J’entendis des camarades s’exprimer. Vu qu’il était interdit de bavarder, leurs voix furent immédiatement étouffées par le regard de Chabashira-sensei. Mais il était normal que les élèves soient stupéfaits. Néanmoins, pour le premier tour, nous étions livrés à nos propres réflexions.

Mlle. Chabashira — Ce vote est comme le précédent. Il n’est pas définitif. Le résultat peut changer en fonction des votes des autres classes.

Résultats du premier tour

Hokkaido 17

Kyoto 3

Okinawa 19

À l’exception de Kyoto, les résultats du vote furent beaucoup plus serrés qu’auparavant.

Mlle. Chabashira — Le vote n’étant pas unanime, place à l’entracte.

Hondô — Hé, hé, c’est vraiment un examen spécial ? Y’a rien de compliqué là. Un vrai jeu d’enfant.

Hondô parla avec le sourire. Il était vrai que les deux premières motions pouvaient faire l’objet de railleries car elles auraient pu être réglées hors examens. Qui plus est, il ne restait après ça que trois motions. Beaucoup d’élèves commencèrent à se détendre mais il était intéressant de noter que certains élèves devenaient de plus en plus anxieux au fur et à mesure qu’ils se retrouvaient dans des situations de ce genre.

Parmi ces élèves, Horikita et Yôsuke étaient les élèves typiquement prudents et réfléchis. Alors que tout le monde riait et se disputait sur la destination à choisir, ces derniers examinèrent sérieusement la proposition. En effet, il était difficile de croire qu’il n’y aurait que des motions de ce genre jusqu’à la fin. La difficulté allait probablement être croissante. Avec ça en tête, je regardais en silence le déroulement de l’examen.

Hirata — Je sais que nous avons tous nos préférences mais restons concentrés pour mener à bien les choses.

Avec un rappel, Yôsuke rassembla toute la classe. La première fois, j’avais voté pour Hokkaido, l’option 1 comme convenu, mais maintenant que faire ? C’était tout de même un vote important qui allait décider de notre voyage scolaire.

Kushida — Horikita-san, nous sommes en désaccord. Tu as un conseil ?

Kushida était inquiète pour Horikita qui, contrairement à avant, semblait être dans le silence. Mais il n’y eut toujours pas de réponse.

Kushida — Horikita-san ?

Elle ne tarda pas à répondre suite à la voix inquiète de Kushida-san.

Horikita — Je suis désolée, je réfléchissais. Hum… Ce n’est pas un choix compliqué dans l’absolu mais difficile d’avoir l’unanimité. Le voyage scolaire est un événement important pour tous les élèves et je ne peux pas concrètement nous unir sur une proposition comme ça.

Nous avions promis de suivre le leader en cas de blocage, mais cela ne signifiait pas que Horikita pouvait décider de notre destination de voyage. C’était un choix difficile car il était difficile de prendre une décision rationnelle.

Horikita — Je vais donc demander votre opinion.

Comme s’il attendait, Sudou leva la main.

Sudou — Je commence. Perso, je choisis Okinawa. C’est méga populaire pour les plages. Pourquoi se priver ?

Maezono — Attends une minute. J’admets qu’Okinawa est l’une des destinations les plus populaires, mais Hokkaido aussi. Et puis les votes sont partagés, pas mal de gens veulent skier.

Sudou — Je veux Okinawa !  Je veux faire de la plongée avec un tuba !

Maezono — Je suis déjà allé à Okinawa deux ou trois fois.

L’opposition était de mise étant donné que chacun pensait que sa destination valait plus le coup.

Sudou — Y’a que de la neige à Hokkaido ! On va se faire chier.

Maezono — Je peux dire la même chose pour Okinawa. Que de l’eau !

Ils se disputèrent pendant plusieurs minutes. Il fallut que Yôsuke intervienne pour mettre fin à ce débat sans fin qui l’irritait.

Hirata — Hokkaido et Okinawa sont des destinations de choix pour les voyages scolaires alors je comprends les divergences d’opinion mais faites preuve de retenue, quand même.

Il leur demanda d’arrêter de parler à tort et à travers. Au début, ils parlaient de leur choix de destination mais ils avaient sombré dans la critique.

Maezono — Hirata-kun a choisi Hokkaido, n’est-ce pas ?

Sudou — Hé Hirata, t’as choisi Okinawa, hein ?

Hirata — Quoi ? Hum…

Pris en sandwich entre les deux, Yôsuke eut l’air inquiet.

 Hirata — Je n’ai pas à exprimer mon vote. C’est censé être anonyme.

L’entracte permettait de mettre fin à cet anonymat car le débat prenait vie.

Sudou — Okinawa est le seul endroit pour se baigner en novembre. Tu veux vraiment pas aller à la plage ?

Maezono — On a eu notre dose avec l’épreuve de l’île déserte.

La discussion, une fois interrompue, ne tarda pas à reprendre de plus belle. L’échange entre Sudou et Maezono pouvait probablement être considéré comme une version à petite échelle des opinions de toute la classe.

Kushida — Que devons-nous faire, Horikita-san ?

Avec un regard inquiet, Kushida demanda de l’aide à Horikita.

Horikita — Bonne question. C’est une situation complexe.

C’était une parfaite illustration de la difficulté de l’examen. Il n’y avait pas de moyen facile pour mettre fin à un débat sur les préférences et l’entracte prit fin. Personnellement, je comptais voter Kyoto cette fois pour sa riche histoire. Y aller pouvait vraiment être excitant.

Mlle. Chabashira — Le deuxième tour est terminé. Voici les résultats.

Résultats du second tour

Hokkaido 18

Kyoto 4

Okinawa 17

Maezono — Oh, Hokkaido a obtenu plus de votes ! On a réussi !

Sudou — Qui a changé d’avis pour Hokkaido bordel ?

Hokkaido obtint un peu plus de voix mais c’était quasiment un 50/50. Les deux camps commencèrent à se disputer de plus belle, ce qui était alarmant. Le plus triste dans tout ça était que nous ne parlions pas du tout de Kyoto qui n’avait obtenu qu’un seul vote de plus à ce tour. Même si rien n’était sûr, Horikita avait l’air d’avoir opté pour Kyoto aussi. On pouvait aussi décider du gagnant en prenant celui qui avait obtenu la majorité mais c’était compliqué. Hokkaido avait remporté le second tour alors qu’Okinawa le premier tour.

Horikita — C’est sans espoir. Nous devons élire un gagnant. J’ai besoin de trois personnes soutenant d’une part Hokkaido et d’autre part Okinawa. Nous allons décider du choix gagnant à pierre-papier-ciseaux. Comme le nombre de votes est faible pour Kyoto, nous n’aurons qu’un seul représentant. J’essaie comme je peux de faire preuve d’équité.

Un seul représentant pour Kyoto semblait un peu injuste. Qui plus, était-ce le meilleur moyen de décider ? La frustration ne pouvait dans une certaine mesure pas être évitée mais il fallait respecter les règles. Après quelques discussions pour élire un représentant, ils furent choisis rapidement.

Horikita — Équipe Hokkaido : Maezono, Ishikura et Shinohara.

Une équipe composée de filles.

Horikita — Équipe d’Okinawa : Onodera, Hondô, Sudou

Une équipe mixte.

Horikita — L’un de vous ayant voté pour Kyoto, peut-il s’avancer ?

Un homme leva la main de manière énergique.

Yukimura — Si personne ne se propose alors ce sera moi. Je m’assurerai d’emmener tout le monde à Kyoto.

C’était Keisei qui exprima sa détermination en se jetant dans cette bataille féroce. C’était le représentant de tous ceux qui avaient voté Kyoto alors je le soutenais de tout cœur. Je te confie cette lourde responsabilité, Keisei. Ce sera un combat difficile, mais tu dois réussir !

Afin d’atteindre le troisième tour, le jeu commença rapidement. Finalement, l’équipe d’Okinawa gagna facilement. Le rêve de l’équipe de Kyoto fut brisé en l’espace de dix secondes, et il quitta le champ de bataille écœuré. Je fus témoin du moment où Horikita posa la main sur son front et en soupirant. J’étais convaincu qu’elle voulait aussi partir à Kyoto. Le jeu continua, comme si Kyoto n’avait jamais existé. Onodera, qui avait gagné les deux premiers matchs, battit Ishikura pour prendre la tête. Cependant, Shinohara se présenta et battit successivement Onodera et Hondô à la surprise générale.

Il ne restait plus qu’un duel pour tout déterminer et les supporters se firent entendre.

  • Ce sera Okinawa ! Soki soba[1] !  Shisa[2] ! Kaijin[3] !

— Hokkaido, bien sûr ! Des crabes ! Des sources d’eau chaude ! Du ski !

Chaque camp levait et baissait les poings en l’air, scandant des spécialités locales de manière hasardeuse. La situation était sous haute tension pour, je le rappelle, le choix d’un voyage scolaire

Sudou — Alleeeez ! Pierre, papier, ciseaux !

Sudou était déterminé mais Shinohara lui porta un coup brillant.

Shinohara — Oui ! Let’s go à Hokkaido !!

D’un coup, la faction Hokkaido éleva la voix en signe de victoire.

  • Sudou, sérieux là ?
  • Nooon… !

Au grand dam du camp Okinawa, Hokkaido avait gagné. Tous les espoirs reposaient maintenant sur le choix des autres classes. Horikita était un peu perplexe, comme si elle venait d’être dépassée par les évènements. Le troisième tour eut lieu, et tout le monde alluma sa tablette en même temps.

Résultats du troisième tour

Hokkaido 39

Kyoto 0

Okinawa 0

Mlle. Chabashira — Le troisième tour est unanime. La motion est validée.

Même si la moitié était insatisfaite, la décision a été obtenue à la loyale.
Même si je voulais aller à Kyoto, Hokkaido était aussi une destination intéressante. De toute manière, nous n’étions pas encore fixés. Tout ce que je savais, c’est que j’avais hâte de faire ce voyage.

Mlle. Chabashira — Passons maintenant à la troisième motion.

Il y eut un léger changement dans le ton de sa voix. Je suppose que les choses sérieuses allaient commencer.

Motion 3

 Pendant plusieurs mois*, le gain en points privés (pp) de la classe sera :
[a] Nul pour tous, mais 3 élèves au hasard recevront un point de protection (ptc).
[b] Réduit de moitiépour tous, mais 1 élève au choix pourra recevoir un ptc.
[c] Nul pour seulement les cinq derniers du prochain examen.

*quelle que soit l’option choisie, elle sera effective six mois.

Contrairement aux deux motions précédentes, celle-ci faisait songer à l’intérêt de la classe.

Dans l’option [a], le gain était élevé car il y avait beaucoup de points privés à perdre, mais le fait que l’attribution soit aléatoire rendait l’échange moins intéressant. Les points de protection étaient clairement des atouts très puissants mais s’ils étaient attribués à des élèves qui n’ont aucune utilité pour la classe, que ce soit maintenant ou dans le futur, alors c’était du gâchis.

L’option [b] n’était pas à prendre à la légère non plus car le nombre de points privés était réduit de moitié au lieu d’être à zéro. De plus, on pouvait élire une personne apte à recevoir un point de protection.

L’option [c] était celle qui nous permettait de minimiser la perte des points privés. C’était le choix à faire si on décidait que les points de protection étaient chers payés ou bien si nous n’en avions pas besoin. Mais cinq élèves sans ressources pendant six mois, ce n’était pas rien. Il fallait tenir compte de la richesse de la classe et faire des calculs pour évaluer les choses comptablement. Certains élèves pouvaient avoir beaucoup de choses à dire, mais il n’y avait pas d’autre moyen que de voter puisqu’on ne pouvait pas se concerter pour le premier tour.

Mlle. Chabashira — Avant de voter, parlons du cas où un consensus se tomberait sur l’option [b], à savoir, donner un point de protection à un élève choisi. Conformément à l’exemple vu en classe, vous devrez être unanime pour attribuer le point de protection à cet élève.

Un élève était choisi dans l’entracte et un vote « Pour » et « Contre » était organisé. Si le vote est unanime alors l’élève recevra un point de protection. Sinon, l’élève se verra exclu de la motion. Et rebelote, on choisit quelqu’un et ainsi de suite.

Mlle. Chabashira — Voici donc les résultats du premier tour.

Résultats du premier tour

 [a] 1

[b] 5

[c] 33

Les résultats du premier tour semblaient indiquer que la majorité des élèves était prêt à renoncer aux points de protection en échange de quelques désagréments. Probablement parce que les cinq personnes concernées étaient les cinq derniers du prochain examen écrit. Pour les élèves non concernés par le bas du classement, c’était la proposition neutre. Pour les autres votes, certains pouvaient penser qu’avoir des points de protection était plus utile que des points privés.

Ike — Hé, attendez une minute ! Je capte pas un truc là.

Satô — Moi aussi, moi aussi ! Si on obtient pas des points de protection, 5 personnes perdront leurs points privés ?

Ike et Satô furent les premiers à prendre la parole, car ils étaient les élèves qui avec les notes les plus basses.

Sudou — Eh bien, on peut rien y faire je suppose. C’est un peu triste car ça dure six mois… Et comme ils sont en bas du classement, ça va être chaud de faire des miracles pour remonter.

Sudou s’exprimait comme s’il ne se voyait pas parmi les cinq derniers.

Ike — C’est pas juste ! J’ai besoin de points privés en ce moment !

Sudou — Me dis pas que c’est pour tes rencards avec Shinohara ?

Ike — Hein ? Quoi ? T’es sérieux à dire ça là ?

Il ne semblait pas outré par les dires de Sudou mais pour lui, c’était une question de vie ou de mort. En effet, on parlait d’une privation de revenu.

Ike — Je peux pas accepter ça, c’est tout !

Sudou — T’as qu’à réviser au pire ?

Ike — Je suis pas d’accord avec toi pour le coup.

C’était important d’étudier mais peu importe les notes, cela ne changeait pas le fait que cinq personnes allaient être sacrifiées.

Horikita — Je comprends mais il est trop tôt pour être pessimistes. La seule chose que nous pouvons faire pour le moment est de minimiser la perte des points privés. Les cinq personnes qui seront privés de leurs points pourront être compensées par ceux des autres élèves comme ça, tout le monde sera content.

Pour illustrer, disons qu’un élève obtient 50 000 points par mois. Cinq élèves privés de points enregistreraient une perte de 250 000 points. Les 34 élèves restants emmagasineront quant à eux 1,7 million de points. Si on divisait ce chiffre par 39 en l’arrondissant au nombre entier le plus proche, cela faisait 43 589 points chacun. Il y avait certes une perte de 6 500 points par élève sur six mois mais c’était le prix pour ne léser personne.

Ike — Bon, très bien alors…

Sudou — J’ai pas envie perso mais je ferai un effort.

Même s’il était mécontent, il était prêt à aider Ike de toutes les manières possibles. Comme beaucoup d’élèves avaient choisi l’option [c], ils commencèrent naturellement à se mettre d’accord. Yôsuke prit la parole.

Hirata — Horikita-san, tu penses qu’il est mieux de choisir l’option [c] ?

Horikita — Honnêtement c’est un choix complexe. Les points de protection sont un énorme atout pour éviter les expulsions mais il en va de même pour les points privés. Tu as un autre avis, Hirata-kun ?

Hirata — C’est juste mon avis mais je pense que nous devrions obtenir plus de points de protection. Notamment l’option [a].

Horikita — Le problème est que vivre six mois sans ressources sera générateur de beaucoup de stress dans notre vie quotidienne. Cela pourrait aussi affecter nos examens spéciaux.

Il était indéniable que les points privés pouvaient faire la différence.

Hirata — En cas d’imprévu, nous pourrions protéger trois personnes et il n’y a qu’un nombre très limité de fois où l’on peut obtenir des points de protection. Pour le coup, ça n’a pas de prix.

Je pouvais comprendre l’appel quelque peu passionné de Yôsuke. La valeur d’un point de protection s’élevait en fait jusqu’à 20 millions de points privés alors s’en accaparer trois d’un coup était une aubaine, surtout pour Yôsuke qui se souciait des autres. Pour lui, cela avait une valeur inestimable. Après la divergence d’opinions de la seconde motion, il était difficile de prévoir le cours des choses mais un point de protection pouvait clairement nous être utile.

Yukimura — Désolé, mais j’ai mon mot à dire là-dessus.

À ce moment-là, Keisei se leva et exprima son opinion.

Yukimura — Au cours des six prochains mois, nous allons augmenter nos points de classe, d’accord ?

Horikita — Bien sûr que nous le ferons. Il n’est pas question de stagner.

Yukimura — De plus, pour cet examen spécial, nous recevons 50 points de classe et 100 points si nous arrivons en tête du festival culturel. Et si nous obtenons les mêmes points au festival sportif… à la fin du second trimestre, nous pourrions obtenir plus de 200 points voire 300 points selon la situation. Tu vois ou je veux en venir ?

 Horikita — Ce n’est pas faux.

Si nous augmentons le nombre de points de classe d’autant d’ici à la fin de l’année, nous pourrions prétendre à environ 1000 pc. Si tel est le cas, le montant total des points privés payés en six mois augmenterait de 50 % par rapport au niveau actuel pour atteindre environ 20 millions de pp. Si l’on y réfléchissait, la valeur maximale d’un seul point de protection équivalait à six mois de revenus de classe. C’était un calcul judicieux mais recevoir trois points de protection ici leur donnerait une belle valeur de 7 millions de pp chacun.

L’option [b] semblait couper la poire en deux en nous privant de la moitié de nos points privés avec un point de protection accordé à quelqu’un mais en réalité, c’était l’option la moins rentable et la plus difficile à choisir. En effet, une attribution d’un point de protection à quelqu’un d’élu par la classe était une très bonne chose mais cela signifiait de probables débats sans fin.

Kushida — L’idée de donner la priorité aux points privés est une stratégie offensive, tandis que l’idée de donner la priorité aux points de protection est une stratégie défensive, n’est-ce pas ?

Lorsque Kushida demanda que la situation soit résolue, les trois personnes debout acquiescèrent presque simultanément.

Kushida — Mais si on n’utilise pas nos points de protection alors la perte de points privés serait non négligeable, ce qui serait dur à encaisser.

Il était en effet important de souligner la chose.

Hirata — Disons que c’est le prix pour se sentir protégé.

Yukimura — Même s’il s’avère inutile dans son utilisation basique, il peut être utilisé dans une attaque surprise ou dans une stratégie autodestructrice où le point serait volontairement consommé. En soi, c’est aussi bien défensif qu’offensif.

Il n’avait pas tort, les points de protection pouvaient être utilisés de plusieurs façons mais nous ne savions pas de quoi était fait l’avenir dans tous les cas. Cette motion…enfin cet examen, était plus profond que je ne le pensais. Même si les motions étaient pareilles pour toutes les classes, les réponses pouvaient être diverses car nous n’avions pas forcément les mêmes besoins.

Si toutes les classes étaient à 0 pc, nous aurions accepté à l’unanimité l’option [a] avec les trois points de protection. Dans la situation actuelle, cette option coûterait plus à classe A qu’aux autres car elle occupait la première place loin devant. L’option [c] ne leur était pas non plus très profitable, ce qui montrait bien que chaque option n’avait pas la même valeur pour tout le monde.

Horikita — Alors Yukimura-kun, tu dis que nous devrions accorder des points de protection à trois personnes ?

Horikita prit la parole pour faire une dernière confirmation.

Yukimura — Non… La deuxième option est celle que je suggère. Celle qui accorde un point de protection à un élève.

Horikita fut surprise par ses propos car l’option [b] était la plus improbable.

Horikita — Tu voudrais qu’on te l’attribue ?

Yukimura — Je serais sincèrement flatté si tu le faisais. Mais ce n’est pas réaliste. Même si j’aimerais qu’on me l’accorde comme tout le monde.

Si on demandait un volontaire pour ce point, tout le monde lèverait la main.

Yukimura — C’est difficile de choisir une personne en particulier. Mais même s’il s’agit d’une aubaine, nous ne savons pas si le fait de donner des points de protection à trois personnes au hasard fonctionnera.

Horikita — Tu sembles avoir une idée claire de la personne à qui tu souhaites le donner. À qui penses-tu ?

Yukimura — Stratégiquement parlant, tu serais la plus apte pour ça.

Horikita — Moi ?

Yukimura — Oui. Tu es le leader fort de cette classe maintenant, et puis je n’ai pas à me plaindre de tes compétences si on se réfère à l’OAA. Dans le futur, face à des gens comme Sakayanagi et Ryuuen, le rôle de leader est le plus dangereux. Je ne serais pas surpris que ces deux-là essaient de te faire exclure. Si c’est le cas, il te faudrait un point de protection afin que tu puisses élaborer des stratégies sans crainte d’être renvoyée.

En temps normal, on aurait pu se plaindre mais tout le monde écouta attentivement. En effet, c’était parce que l’attribution du point était réfléchie.

Yukimura — Et puis avoir un point de protection nous fait nous relâcher en général. Mais tu n’es pas ce genre de personne à mon sens.

Il ne s’agissait pas seulement de le donner à quelqu’un qui en avait les capacités, mais de le donner à quelqu’un qui pouvait encore plus faire d’effort.

Hondô — Je suis d’accord mais ça va nous couter un max.

En effet, nous perdrions pendant six mois la moitié de nos points privés. Il n’était pas étonnant de voir des élèves penser comme lui.

Yukimura — Tu as l’impression de perdre de l’argent parce que tu n’obtiens rien de concret mais considère ça comme un investissement. Horikita nous donnera des points de classe, ce qui rentabilisera cette option. Ne vaut-il pas mieux voir les choses sous cet angle ?

Hondô — Ok mais c’est beaucoup et pas sûr qu’on gagne des points.

Yukimura — Nous ne pouvons pas atteindre la classe A sans prendre de risques. Nous luttons dans cette école depuis un an et demi après tout.

Kôenji — N’est-ce pas une bonne idée ? Je suis avec toi le binoclard.

Kôenji, qui avait pensé qu’il n’aurait pas à intervenir dans cet examen spécial, montra soudainement son approbation avec ces mots.

Kôenji — Pour le point de protection à accorder, la petite Horikita est le meilleur choix possible. Elle saura l’utiliser à bon escient.

Sudou — T’as un point de protection mais tu fais pas trop d’efforts.

Kôenji — Le dur labeur est pour la plèbe.

Kôenji ne prêta pas attention à l’attaque de Sudou et son approbation venait à point nommé car Kôenji semblait être le plus grand obstacle de l’épreuve. J’hésitais entre l’option [a] et [c] mais j’étais d’accord avec l’argumentaire de Keisei. Pour ne pas être d’accord avec lui, il fallait avancer de très bons arguments. C’est dans cette ambiance que le prochain tour se déroula.

Résultats du deuxième tour

[a] 0

[b] 39

[c] 0

L’idée de Keisei fut approuvée mais nous n’étions pas à l’abri d’une contestation dans le vote. Forte heureusement, aucun élève ne sembla s’opposer à ce que Horikita reçoive un point de protection. Les élèves furent donc libres de parler et de s’amuser pendant l’entracte.

Sans aucun blocage, le vote fut unanime avec 39 voix en faveur de Horikita. Je pensais que cette question allait être difficile à traiter, mais le fait qu’elle soit passée plus rapidement que prévu était une très bonne chose.

Mlle. Chabashira — Ceci conclut la troisième motion. Pendant les six prochains mois, tous les transferts de points privés seront réduits de moitié, mais un point de protection sera accordé à Horikita.

Bien sûr, elle ne pouvait pas l’utiliser pendant cet examen mais c’était un atout précieux pour elle. Le prix à payer n’était pas moindre mais ça en valait la peine.

Motion 4

Un des choix ci-dessous sera appliqué pour l’examen final du 2e trimestre.

Choix : Difficulté accrue | Pénalités accrues | Diminution des récompenses

Pour le coup, aucune des options n’était avantageuse.

Si la classe pouvait s’exprimer là, il y aurait eu clairement du mécontentement.

Résultats du premier tour

Difficulté accrue 6

Pénalités accrues 18

Diminution des récompenses 15

Le vote fut partagé car aucune des options n’était voulue. La motion semblait s’éterniser et un débat houleux avait eu lieu avec les élèves studieux et les autres.

Mais nous arrivâmes tout de même à une unanimité grâce à une forte persuasion de Horikita. Elle avait convaincu tout le monde en disant qu’il suffisait tout simplement de bien réviser pour éviter la pénalité.

Le travail assidu semblait porter ses fruits.

3

Alors que nous avions cinq heures d’épreuve, nous atteignîmes la motion finale en une heure environ. Beaucoup d’élèves devaient penser que l’examen allait se terminer rapidement, les 50 pc en poche.

Mlle. Chabashira — Voici donc notre prochaine et dernière motion.

S’il y avait bien une chose qui m’inquiétait, c’était l’état de Chabashira-sensei. Au fur et à mesure que chaque motion progressait, il empirait au point d’en être devenue très pâle, ce que les élèves ne manquèrent pas de remarquer.

Hirata — Sensei, vous allez bien ?

Alors que la motion n’avait pas été lancée, et qu’aucun élève n’avait le droit à la parole, il s’exprima quand même.

Mlle. Chabashira — Qu…? Je vais bien.

Hirata — C’est évident que vous n’allez pas bien.

Mlle. Chabashira — Tu le penses vraiment ? Je n’ai rien pourtant.

Elle n’avait pas l’air de bluffer. Autrement dit, elle ne se rendit même pas compte que quelque chose clochait chez elle. C’était inconscient. Cependant, Yôsuke n’eut d’autre choix que de faire marche arrière après sa réponse. Le surveillant qui regardait la scène du fond de la classe ne bougea pas, donc la dernière motion allait arriver. Une chose était sûre, elle avait un rapport avec son état.

Mlle. Chabashira — Je vais donc procéder à la motion finale. Préparez-vous pour le vote.

Elle manipula ainsi la tablette dans sa main tout en ajustant sa respiration. Puis, la proposition finale apparut devant nous.

Motion 5

 En échange de l’expulsion d’un camarade de classe, vous obtenez 100 pc

(Si le vote est unanimement favorable, identifiez et votez pour l’élève à expulser).

Choix : Pour | Contre

La dernière proposition était celle qui offrait le moins d’options jusqu’à présent. Nous eûmes tendance à penser que moins il y avait d’options, plus il était facile de choisir. Mais en réalité, cela ne changeait rien. S’il y avait beaucoup d’étrangers dans une salle et qu’il n’était pas possible d’avoir une discussion, alors un grand nombre d’options était un inconvénient. Or dans notre classe, nous pouvions discuter.

L’important était toujours de se focaliser sur le contenu de la motion. Expulser quelqu’un ou gagner des points de classe était l’un des pires scénarios que je m’attendais à affronter. Les élèves, qui n’étaient pas autorisés à s’exprimer en privé, devaient vraiment se retenir d’exploser. Si nous votions oui à cette motion, cela signifiait qu’un élève allait devoir être expulsé aujourd’hui.

Dans des circonstances normales, une classe aurait voté « Contre » sans hésitation. En effet, 100 pc n’était pas rien mais la plupart d’entre nous n’osaient pas sacrifier un camarade. S’il s’agissait d’un vote à la majorité, nous en aurions fini rapidement mais c’était précisément là la difficulté de l’examen spécial. Il fallait un consensus. Si une seule personne n’était pas d’accord, il fallait refaire le vote.

Mlle. Chabashira — Nous allons maintenant commencer un décompte de soixante secondes. Veuillez procéder au vote.

Il n’y avait pas de temps à perdre, et le décompte des soixante secondes commença. L’expulsion d’un élève était en jeu mais même pour 100 pc, peu se risqueraient encore une fois à vouloir expulser quelqu’un. Cela aurait été une autre histoire si nous étions au dernier trimestre de la terminale avec seulement un ou deux examens spéciaux restants. La valeur de ces 100 pc aurait clairement monté en flèche car chaque point serait bon à prendre. En tout cas, une âpre bataille allait nous attendre.

Même si dans l’ensemble nous allions voter « Contre », j’avais quelques inquiétudes, dont le vote de Kôenji. Je réfléchissais donc au choix que j’allais faire même si j’avais dit à Horikita que je prendrai toujours la première option. J’estimai ici qu’il était contre-productif d’aboutir à un entracte et qu’il était préférable de voter « Contre » pour minimiser les risques que des élèves changent d’avis. Le temps fut écoulé et je vis la notification de fin de vote.

Mlle. Chabashira — Je vais vous transmettre les résultats.

Malgré son malaise, elle essayait tant bien que mal de garder son calme

Résultats du premier tour
Pour 2
Contre 37

Il n’y a donc pas unanimité, hein ? Je retirai mon doigt du bouton et regardai les résultats en silence. Chabashira-sensei, quant à elle, resta immobile, fixant l’écran, tout comme les élèves. Les résultats surprirent tout le monde et cela signifiait qu’il allait y avoir un entracte pour se concerter. C’était probablement ce dilemme qui l’inquiétait depuis le début.

— Chabashira-sensei, veuillez poursuivre.

Le surveillant l’interpela du fond de la salle. Elle marqua une petite pause.

Mlle. Chabashira — Veuillez m’excuser. Euh… 2 voix pour, 37 contre. Comme il n’y a pas unanimité, nous allons procéder à l’entracte.

Qui étaient les deux personnes ayant voté pour l’expulsion ?

Sudou — Qui a voté « Pour » ? C’est quoi ce foutage de gueule ?

Le regard acéré de Sudou fut dirigé vers Kôenji. Bien qu’il soit intervenu dans le sens de Horikita dans la motion précédente, pour Sudou il était le premier suspect. Qui plus est, beaucoup d’élèves devaient penser comme lui.

Sudou — T’as voté quoi Kôenji ?

Kôenji — Dois-je répondre à cette question ?

Sudou — Si tu peux pas répondre alors c’est un aveu.

Kôenji — Calme-toi le rouquin. La petite Horikita nous a autorisés à voter comme nous le souhaitons au premier tour. Il n’y a donc pas à se plaindre de mon vote. Mais je n’ai pas voté « Pour ».

Sudou en resta là mais il ne le croyait pas.

Ike — Du coup qui est l’autre personne ?

Sudou — Oui, qui d’autre a voté pour l’exclusion ?

Sudou fut agacé par ce système d’anonymat.

Horikita — Pas de panique, c’est Ayanokôji-kun.

Sudou — Quoi, Ayanokôji ? Comment ça, Suzune ?

Horikita — J’ai gardé le secret jusqu’à présent, mais avant que cet examen ne commence, lui et moi avions passé un accord. Quelle que soit la motion, je voulais qu’il vote pour le premier choix pour avoir un entracte.

Il n’y avait certainement aucun avantage à le cacher à ce stade. Au contraire, nous aurions passé du temps à trouver le coupable.

Hirata — Pour éviter toute unanimité prématurée ? Pas bête.

Yôsuke ajouta ces quelques mots pour faciliter la tâche des élèves qui ne comprenaient pas bien.

Horikita — Oui, c’est ce que je voulais dire.

Sudou — Mais tu aurais dû me le dire plus tôt.

Horikita — Pas si vite. Le premier tour est une bonne occasion de se faire une idée de ce que veut la classe. Certains élèves auraient pu voter au hasard s’ils étaient au courant de l’accord. Je voulais éviter ça. Il a voté pour le premier choix tandis que moi pour le second, voilà tout.

Regardant autour d’elle, Horikita s’adressa à tout le monde.

Horikita — C’est une proposition un peu radicale, mais c’est à chacun de décider pour ce qu’il veut voter. Je ne pense pas que ce soit mal de voter « Pour »si c’est pour gagner des points de classe. Cependant, je pense que nous devrions tous nous unir et voter « Contre ». Si vous avez des objections, je vous serais reconnaissante de les soulever ici, comme on l’a fait auparavant.

Normalement, c’est là que les élèves votant « Pour » se manifesteraient pour s’expliquer mais personne ne daigna répondre.

Sudou — Tu comptes rester muet combien de temps, Kôenji ?

Kôenji — J’aimerais que tu ne portes pas de fausse accusation. Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas en faveur de cette proposition,

Sudou — La ferme !  Je sais que tu te moques de nous !

Si ce n’était pas Kôenji, il n’aurait pas osé jouer avec les nerfs de Sudou. Si tout le monde votait « Pour » alors il allait falloir opter pour l’expulsion de quelqu’un en échange de 100 pc. Même si c’était un gain intéressant, personne ne s’y risquerait au risque de s’attirer les foudres des gens.

Horikita — Assez ! Calme-toi, Sudou-kun. Ce n’est que le premier tour de vote, il n’y a pas lieu de paniquer.

Sudou — Ok mais je n’aime pas du tout cette situation.

Horikita — Il n’y a aucune preuve que ce soit Kôenji. Puisqu’il s’agit d’un vote anonyme, ne nous y attardons pas plus longtemps. Si celui qui a voté « Pour » ne veut pas se manifester c’est plutôt bon signe pour le prochain tour.

La proposition était claire. Horikita semblait avoir décidé qu’il n’était pas nécessaire d’y consacrer plus de temps. Comme je le pensais, ne pas poursuivre était l’une des meilleures décisions que nous pouvions prendre.

Horikita — Il n’est pas nécessaire de discuter davantage. Finissons-en.

Voyant le calme de Horikita, Sudou se tapa les deux joues comme pour se reprendre. Après de petits bavardages, le vote commença.

Mlle. Chabashira — Nous allons maintenant commencer le décompte.

L’écran de la tablette changea pour afficher les boutons « Pour » et « Contre ». Le vote se réalisa en seulement vingt secondes.

Mlle. Chabashira — Le vote est terminé. Voici les résultats.

Résultats du deuxième tour

Pour 2

Contre 37

Jusqu’à présent, les motions n’avaient pas créé de tension. Cependant, au moment où ce deuxième résultat fut annoncé, l’atmosphère dans la salle se figea explicitement. Une fois encore, il y avait deux avis favorables à l’expulsion. Ce n’était pas un bug d’affichage mais bien la réalité. Horikita n’avait cette fois pas convaincu.

Horikita — Attendez une minute… que se passe-t-il ?

Horikita me regarda, sous-entendu « pourquoi j’avais voté de nouveau pour cette option? » Sudou et les autres élèves qui avaient compris ce qu’elle venait d’expliquer me regardèrent également.

Moi — J’ai voté « Contre » au premier et au second vote.

Sudou — Quoi ? T’étais pas censé voter pour la première option ?

Moi — Oui. Mais vu contenu de la proposition, j’ai décidé de mon propre chef qu’il valait mieux choisir de s’y opposer dès le début. Je ne vous l’ai pas dit parce que je ne voulais pas causer de confusion inutile.

Ainsi, nous ne pouvions plus simplement dire que c’était juste une plaisanterie  de Kôenji et en finir une bonne fois pour toute. Horikita, qui avait gardé son calme jusque-là, se retrouva quelque peu perturbée.

Horikita — Alors… Il y a au moins deux personnes qui pensent que c’est une bonne idée.

Elle mit la main sur ses lèvres. Elle voulait réfléchir, mais le temps s’écoulait.

Horikita — J’aimerais une argumentation. Comme vous pouvez le constater, trente-sept personnes ont voté « Contre » alors défendez au moins votre position si vous voulez que l’on aille dans votre sens.

Pour influencer les votes, la discussion était l’outil de base. Si on voulait convaincre, il fallait argumenter comme il se doit. Mais il n’y eut que le silence.

Kushida — Hé, Horikita-san. On va s’en sortir, hein ? Personne ne va se faire exclure, n’est-ce pas ?

Kushida, inquiète, ne supporta pas le silence et lui posa cette question.

Horikita — Ma politique est que personne ne soit expulsé.

Le silence reprit. C’était malheureusement plus facile à dire qu’à faire.

Hirata — Je ne sais pas qui est « Pour » mais écoutez attentivement.

Yôsuke se leva et s’exprima à la fois doucement et fermement.

Hirata — On ne doit pas éliminer un camarade pour gagner des points de classe. Même 500 pc ou 1000 pc n’en vaudraient pas la peine alors pour seulement 100 pc c’est encore plus ridicule.

C’était l’appel de celui qui détestait le sacrifice. Trente-sept des trente-neuf le comprirent dans une certaine mesure. Mais que cette intention soit sincère ou non était une autre question. Avant même le premier tour, le résultat fut fortement influencé par la pression du silence. Il devait y avoir des élèves dans la classe qui se croyaient intouchables. Dans une telle situation, il n’était pas surprenant que ces derniers soient froidement appâtés par les points de classe.

Kôenji — Ça devient intéressant. N’est-ce pas là, finalement, la quintessence de cet examen spécial ?

Kôenji se mit à rire et continua.

Kôenji — Je pensais être le seul à voter « Pour » au second tour.

Répondit Koenji sans paraître offensé.

Sudou — Alors c’était toi Kôenji !

Horikita — Kôenji-kun, cesse de jouer à l’élément perturbateur. Si c’est pour nous causer du tort, je préfèrerais que tu t’abstiennes.

Horikita voulut qu’il soit clair sur sa position.

Kôenji — Rassures-toi, j’ai bien voté « Pour » les deux fois.

Horikita — Peux-tu me dire pourquoi ?

Kôenji — La réponse est simple. 100 points de classe signifie une avance potentielle au classement en plus de points privés chaque mois. Pour moi, le choix est vite faire.

Horikita — Tu plaisantes. Tu penses que les points de classe sont plus importants que nos amis ?

Kôenji — Tu as une drôle de façon de présenter les choses. Tu ne ressemblais pas à ça à ton arrivée ici si je ne m’abuse.

Horikita — Tais-toi !

Kôenji — Bien entendu que je prends en compte le bien commun. Je vote pour que l’on gagne tous ces 100 pc.

Horikita — Tu déformes les choses ! On ne sacrifie pas ses amis !

Kôenji — Des amis ? Je ne vous ai jamais considéré comme tels.

Horikita — Tu vas donc encore une fois voter « Pour » ?

Kôenji — Bien sûr. En l’état actuel des choses, je compte bien continuer. Comme tu ne veux pas perdre de temps, à toi de voir.

Sudou — Quoi ? Pense pas que ça ira dans ton sens Kôenji ! Si c’est ce qu’il pense, je ne montrerai aucune pitié, Suzune ! Nous pouvons tous voter pour l’expulsion de Kôenji !

Bien sûr Sudou avait logiquement réagit violemment mais Kôenji n’avait pas tort dans le fond. Plus qu’être pour ou non, le fait est que chacun commençait intérieurement à justifier et rationaliser l’expulsion de quelqu’un.

Personne ne voulait interrompre ses études mais si c’était le choix des élèves alors il n’y avait rien à faire. Le cerveau a une propension à succomber aussi bien aux idées simplistes et conspirationnistes qu’à la désinformation

Kôenji — Ce serait bien si tout le monde votait comme moi. Mais ne pense pas pouvoir m’expulser, petite Horikita.

Il était naturel qu’on veuille l’expulser vu qu’il s’était présenté comme ayant voté « Pour ». Mais son attitude désinvolte avait bien une explication.

Horikita — Il a raison. Nous ne pouvons pas expulser Kôenji-kun.

Sudou — Quoi ?! Qu’est-ce que tu racontes ?!

Horikita — J’ai fait une promesse à Kôenji avant le début de l’examen de l’île déserte. S’il obtenait la première place, je devais le laisser tranquille.

J’étais sûr que mes camarades de classe s’en souvenaient.

Kôenji — J’ai obtenu cette première place à la surprise générale. Grâce à ça, nous sommes au contact avec la B. C’est une grande réussite.

Sudou — C’est une autre histoire si tu mets la classe au fond !

Kôenji — Je m’excuse si je t’ai offensé mais je suis tout de même libre de mes choix, non ? Ose dire que mon vote est contre-productif pour la classe.

S’il n’y avait pas eu de récompense à la clé, voter pour l’expulsion de quelqu’un aurait été vu comme une mauvaise action. Mais bien qu’il soit difficile de chiffrer concrètement la valeur d’un élève, personne n’avait le droit de lui dire que son choix était mauvais. Ainsi, Kôenji avait tout le monde en laisse.

Sudou — On s’en fiche de la promesse ! Si tout le monde se plaint de lui alors personne sera dérangé de l’expulser.

Horikita — Je ne peux pas briser ce pacte.

Kôenji — Si elle le fait, elle perdrait sa crédibilité auprès de tous ici. C’est pourquoi petite Horikita, tu es la personne en qui j’ai le plus confiance.

Horikita n’avait plus qu’à convaincre Kôenji et il y avait pléthore de possibilités. Même s’il pensait que Horikita n’allait jamais le trahir, cela ne voulait pas dire que Kôenji était protégé à 100%. La possibilité qu’elle puisse éliminer Kôenji  devait être dans un coin de sa tête mais il était peu probable qu’elle prenne cette direction pour le faire changer d’avis. Elle commençait tout juste à s’affirmer dans son rôle de leader alors ce n’était pas productif.

Sudou — Si tu veux pas l’expulser, qu’est-ce que tu vas faire alors ?

Elle ne pouvait pas rester assise et demander du temps pour réfléchir car il n’y avait pas que Kôenji comme seul partisan du vote « Pour ».

Horikita — L’autre votant peut-il se présenter ?

Si nous ne savions pas, nous ne pouvions pas avancer. Mais il n’y eut qu’un long et lourd silence. Cette personne craignait sûrement d’être menacée comme Kôenji. En fait, il était même possible qu’elle soit encore plus détestée. Le silence persista encore et le troisième tour du vote arriva. Etant donné qu’il n’y avait pas de limite d’entractes, la situation pouvait durer jusqu’à la fin de l’examen.

Résultats du troisième tour

Pour 2

Contre 37

Il n’y eut encore aucun changement. À ce moment-là, de nombreux élèves se plaignirent encore de Kôenji, plutôt que de chercher l’autre partisan du « Pour » qui restait en observation. L’anonymat que l’on redoutait avant l’épreuve était précisément le danger absolu car il permettait les blocages de vote. La priorité était d’abord de s’occuper de Kôenji.

Horikita — Il est difficile d’ignorer les deux personnes qui sont à contre-courant. Mais il doit y avoir une bonne raison pour ça alors je vais m’adresser à elles-deux en même temps.

Sans perdre de temps, Horikita commença à rassembler ses idées.

Horikita — Le pire des scénarios est que nous ne finissions pas l’épreuve. Si cela arrivait, nous serions clairement tous perdants dans l’histoire mais au moins personne ne serait expulsé. Si ces 300 pc sont le prix à payer pour sauver un camarade alors payons-le. Ceux qui perdront finalement le plus dans cette affaire seront vous deux. Ai-je tort ?

Elle expliqua concrètement son point de vue sur la situation. Bien sûr, l’autre personne resta silencieuse mais qu’en fut-il de Kôenji ?

Kôenji — Si nous manquons de temps, qu’il en soit ainsi. Votez.

Kôenji somma Horikita d’aller jusqu’au bout.

Horikita — Bien sûr, si tout le monde veut finalement voter « Pour », je m’adapterai mais nous ne ferions qu’entrer dans une bataille sans fin.

Kôenji — C’est à toi de faire en sorte que cela marche, petite Horikita. Est-ce vraiment nécessaire de garder tout le monde à bord ?

Hirata — Personne ne devrait être expulsé !

Avant que Horikita puisse répondre, Yôsuke s’avança.

Kôenji — Je ne comprends pas. Vous semblez avoir peur que certains élèves partent, mais ne serait-il pas plus facile de voir cela comme une chose positive au niveau mental ? Vous pouvez éliminer un des boulets de la classe tout en montant au classement et en gagnant des points privés. Cette autre personne doit penser la même chose.

C’était un point de vue original mais convaincant d’une certaine manière.

Kushida — Je ne pense pas que ce soit vrai, Kôenji-kun. Ce n’est pas une bonne chose de perdre quelqu’un.

Kushida déclara également que le sauvetage d’un camarade était prioritaire. Ceux qui étaient « contre » et qui n’avaient pas beaucoup parlé jusqu’à présent, commencèrent à exprimer leurs objections. Mais Kôenji ne céda pas, esquissant simplement son sourire habituel. Il était temps de voter pour la quatrième fois et nous n’avions toujours pas réussi à neutraliser Kôenji.

Résultats du quatrième tour

Pour 2

Contre 37

Le troisième entracte commença suite au signal de Chabashira-sensei.

Sudou — Sérieux là ? J’crois que je vais l’assommer et voter à sa place !

Horikita — Je ne pense pas… Essayons d’être rationnel. En prenant du recul, tu verrais qu’il faut penser autrement

Elle était maintenant obligée d’essayer d’autres approches.

Sudou — Qu’est-ce que tu veux dire par « rationnel » ?

Horikita — Savoir quels seront le choix des autres classes.

Sudou — La… La classe de Ryuuen va certainement éliminer un élève

Dit-il sans hésiter, en croisant les bras derrière sa nuque. De nombreux élèves semblaient être d’accord et c’était en effet un scénario probable.

Horikita — Oui, c’est peut-être la classe la plus à même de le faire.

Sudou — Celle d’Ichinose le fera jamais. Mais la classe Sakayanagi ?

Il n’avait pas tort. Concernant la classe de Sakayanagi, elle avait le potentiel de faire les deux. Chaque classe avait une réponse qui lui était appropriée et nous eûmes un consensus concernant la classe d’Ichinose. Ainsi, la discussion se focalisa sur la classe de Ryuuen.

Sudou — Je ne veux pas que Ryuuen nous dépasse. Il y a un élan en ce moment donc il faut en profiter pour être en classe B !

Horikita — Même ainsi, cela ne fera pas une grande différence. Une différence de 100 pc peut être compensée en un seul examen.

Miyake — Je me permets de parler.

Akito, discret jusqu’à présent, décida de sortir de son silence.

Miyake — C’est peu probable mais peut-être que ces 100 points feront la différence un moment.

Sudou — Bordel, Miyake, tu veux qu’on expulse quelqu’un ou quoi ?!

Miyake — Ne te méprends pas. Je suis explicitement « Contre ».

Il eut l’air plus surpris que furieux.

Miyake — Je pense que c’est mieux d’arriver en classe A sans perdre personne dans cette classe. Mais vous devez comprendre que le poids de ces 100 pc n’est pas à prendre à la légère.

Sudou — Qu’est-ce que tu veux dire ?

Miyake — Je veux dire par là que si on vote « Contre », il faudra sérieusement mettre toutes les chances de notre côté à l’approche du diplôme.

C’était une erreur de voter « Contre » sans préparation, selon Akito.

Sudou — En tout cas, je n’ai pas vraiment pensé à un truc en particulier.

Il ne suffisait pas d’être juste « Contre » sans faire de proposition concrète. L’idéalisme ne suffisait pas. La pression se fit maintenant ressentir.

Miyake — Kôenji. Je sais pour ton pacte avec Horikita et tu ne mérites pas qu’on se venge sur toi.

En plus de Horikita et Sudou, Akito se tourna aussi vers Kôenji.

Miyake — Mais c’est pas une raison pour faire le clown. Il n’y a pas que les points de classe qui nous permettent d’avancer. Les relations aussi.

Kôenji — Huh…

Fermant les yeux, Kôenji hocha profondément la tête. Puis, pensant probablement à quelque chose (ou pas) il ouvrit les yeux et fixa Akito.

Miyake — Enfin, je sais pas si tu vois ce que je veux dire.

Kôenji — Le système marche avec des points. Il ne s’agit pas d’amitié. Les points de classe sont utilisés pour le classement  et les points privés pour les avantages individuels. Il est normal d’en faire une priorité.

Sudou — T’es super intelligent mais t’as rien fait pour aider la classe depuis l’année dernière à part avoir obtenu ta première place sur l’île !

Kôenji — Je pense que tu as besoin de te regarder dans le miroir, le rouquin. Il est évident de voir qui a le plus contribué de nous deux.

La réputation de Sudou était clairement bonne maintenant, mais lors de sa venue sur le campus, il était aussi problématique que Kôenji si ce n’est plus car Kôenji avait le mérite d’être dans le haut du panier en cours.

Horikita — Ce ne sont pas les points de classe qui m’importent.

L’attitude envers l’approbation de Kôenji semblait intenable jusqu’à présent. Cependant, Horikita ne négligea pas le commentaire de Kôenji.

Horikita — Tu te fiches éperdument des points de classes et de notre lutte. Tu veux seulement plus de points privés.

Kôenji — Tu as raison, c’est pour mon propre bien. Mais j’ai choisi de réduire de moitié mes points privés pendant six mois. Je ne me suis pas plaint pour le bien de la classe mais cette fois ce ne sera pas le cas.

Il voulait des points de classe pour compenser les points privés perdus. Cela aurait pu susciter l’indignation mais Horikita vit cela comme une opportunité.

Horikita — Faisons un marché alors. Tu devrais apprécier.

Kôenji — Hein ? Ça a l’air intéressant. J’aimerais entendre ta proposition.

Kōenji accueillit la proposition avec intérêt, comme s’il n’attendait que ça.

Horikita — Si tu votes « Contre » et que nous avons une unanimité, je te donnerai 10 000 points privés chaque mois jusqu’à notre diplôme.

C’était l’équivalent des 100 point de classe.

Kôenji — Comme prévu petite Horikita, tu es arrivée à cette conclusion.

Horikita — C’est ce que tu voulais depuis le départ n’est-ce pas ?

Kôenji — Mon vote a été utile au moins. Je pourrais encore négocier mais je veux que notre relation soit pérenne. Faisons comme ça.

Horikita — Je ne pense pas que nous ayons besoin de le mettre par écrit, n’est-ce pas ? Chabashira-sensei est témoin.

Kôenji — J’ai confiance en toi de toute manière alors affaire conclue.

Kôenji qui ne comptait pas changer son vote avait finalement fini par accepter après un coup de maître. Il avait fait ça pour obtenir une compensation en points privés. Nous étions au cinquième tour désormais et peut-être que l’autre personne allait finir par céder de peur de se retrouver face à la pression. Cependant…

Résultats du cinquième tour

Pour 1

Contre 38

Malgré le passage de Kôenji dans notre camp, il restait toujours un vote « Pour ». On pouvait enlever un poids de nos épaules, mais la vraie bataille allait commencer ici car nous avions une menace fantôme en face. Trouver l’identité de cette personne n’allait pas être une mince affaire. On ne pouvait pas voir les tablettes des autres mais on pouvait observer où ils allaient appuyer en regardant le bout de leurs doigts. Cependant, l’établissement avait anticipé cela et l’ordre des choix était aléatoire. Nous étions donc coincés.

Kôenji — On dirait que les choses ne vont pas être faciles.

Horikita — Comme je le disais, à moins qu’il n’y ait unanimité pour  « Contre », notre accord est nul et non avenu.

Kôenji — Je le sais bien. Si on manque de temps ou si tout le monde décide de voter « Pour » alors je suivrai la tendance.

Tant que c’était anonyme, il n’y avait aucun moyen de prouver que Kôenji ne joue pas un autre tour mais il n’avait rien à y gagner car il était obligé de voter « Contre » pour que son contrat soit valide. De plus, contrarier Horikita n’était pas la meilleure chose à faire s’il voulait passer des jours paisibles ici. Il restait environ trois heures et malgré tout, Horikita progressait dans sa percée avec une stratégie solide. Nous ne pouvions plus rester les bras croisés.

Nous devions obtenir l’unanimité avant que le temps restant ne soit écoulé. En attendant, je partis m’asseoir pour observer ce théâtre en proie à la guerre. Je tentai d’apporter mon soutien en toussant plusieurs fois pendant l’entracte. Au milieu de la discussion, personne ne prêta attention à ces toux. Après tout, personne n’y verrait des signes particuliers s’il n’était pas prévenu.

Karuizawa — Tu sais Horikita-san…

Horikita — Oui, Karuizawa-san ?

Karuizawa — J’ai l’impression que tu sais qui vote encore « Pour ».

Horikita — Pourquoi penses-tu cela ?

Elle fut stupéfaite face à la suggestion inattendue de Kei.

Karuizawa — Ça m’est vraiment venue comme ça.

La Horikita du passé l’aurait pris comme une simple remarque. Mais maintenant que ma relation avec Kei fut dévoilée, les choses avaient commencé à changer.

Horikita — Effectivement Karuizawa-san. Je pourrais avoir une idée.

Karuizawa — Pourquoi tu ne dis rien ? Qui c’est d’ailleurs ?

Horikita — Je ne peux pas te le dire. C’est un examen spécial, c’est anonyme. Si on dit un nom juste sur la base de soupçons, cela peut avoir de graves conséquences.

Karuizawa — Mais…

Horikita — Je le sais. C’est pourquoi je pense que je dois me préparer. Nous aurons le temps de procéder à quelques votes supplémentaires. Je le ferai probablement seulement au pied du mur.

Hirata — Attends une minute, Horikita-san. Je ne suis pas d’accord avec toi. Comme tu viens de le dire, il n’y a aucun moyen d’être sûr de qui vote pour cette option et cela peut avoir des conséquences. Je dis ça pour éviter toute justification d’expulsion.

Kushida — Je suis bien d’accord.

Kushida alla aussi dans le sens de Yôsuke. Ces deux-là étaient très anxieux à l’idée d’ouvrir les hostilités. Si Horikita me comprenait mal et mentionnait mon nom, j’allais être critiqué. Même si c’était faux, j’allais être assiégé de questions. Si les trente-huit élèves cédaient à cause du manque de temps alors il allait falloir désigner une cible à expulser.

Horikita — Je sais… Je sais, c’est pourquoi je n’ai pas dit de nom jusqu’à maintenant. Mais je ne peux pas laisser le temps s’écouler non plus.

Hirata — Je sais ce que vous ressentez. Je ne suis plus la même personne qu’avant, et si je dois faire quelque chose de nécessaire, je suis prêt à le faire. Mais il faut que ce soit sûr à 100%.

Horikita — Oui.

Il avait essayé d’apporter quelques changements supplémentaires à la situation, qui devenait lassante.

Hirata — Outre Horikita, quelqu’un d’autre aurait une idée ?

Sudou — À part Kôenji, je ne vois personne pour forcer autant.

Cette question n’était pas seulement dans l’esprit de Sudou. L’idée de tolérer une telle situation, qui entraînera une expulsion.

Hirata — Si on pouvait deviner sans la nommer, ce serait déjà pas mal pour négocier. Levez la main si vous avez des doutes.

Il demanda à nouveau pour être sûr. Cependant, aucun d’entre eux n’avait la moindre idée de qui cela pouvait être.

Moi — Yôsuke. Je ne veux pas douter de qui que ce soit, mais tu as une bonne relation avec tout le monde, garçon comme fille, n’y a-t-il pas quelqu’un qui te vient à l’esprit ?

Hirata — Non. Vraiment personne ne me vient vraiment à l’esprit.

Moi — Eh bien… Et toi Kushida ?

Kushida ne montra aucune émotion inhabituelle lorsque je m’adressai à elle. Au contraire, Horikita me regarda l’air agacé par ce que je venais de dire.

Moi — À ton avis, qui a voté « Pour » ?

Kushida — Hum… Hum… Désolé Ayanokôji-kun, je suis comme Hirata-kun, il n’y a personne qui me vient à l’esprit.

Moi — C’est toi qui connais le mieux la classe ici. J’ai pensé que tu pourrais en savoir un peu plus sur les élèves mécontents. Tout le monde sait que tu t’intéresses à la classe plus que quiconque. Tu es toujours là pour donner des petits conseils.

La classe regarda Kushida avec espoir.

Kushida — Ummm… Je ne sais pas si je peux penser à quelqu’un. Mais je vous le ferai savoir si je pense à une personne en particulier.

Moi — Ah. Merci bien. Votre présence à Yôsuke et toi est essentielle pour ce dernier examen spécial.

Sans les efforts combinés des piliers, il était difficile de surmonter cette adversité. Mais cette coopération ne suffisait pas, en témoigne le tour suivant.

Résultats du sixième tour

Pour 1

Contre 38

Les résultats restèrent inchangés…

Résultats du septième tour

Pour 1

Contre 38

Résultats du huitième tour

Pour 1

Contre 38

Les entractes se faisaient de plus en plus silencieux. Un peu plus d’une heure s’était écoulée et Chabashira-sensei était au bord du gouffre. Elle s’était accrochée au promontoire comme si elle était sur le point de tomber.

Mlle. Chabashira — Huh… huh…

Alors que la discussion se poursuivait, sa respiration se fit de plus en plus lourde.

 — Sensei ?

Mlle. Chabashira — Je vais bien. Ça va…

Elle dit cela et ajusta sa posture comme si elle essayait de se motiver. Chabashira-sensei regarda les élèves avec des yeux vides, je me demandais à quoi elle pensait. Finalement, elle expira bruyamment avec détermination.

Mlle. Chabashira — Un professeur ne peut pas orienter les élèves vers une option particulière. Naturellement, je ne ferai pas une telle chose. Mais je peux vous raconter une vieille histoire ? Bien sûr, cela vous prendra beaucoup de votre précieux temps. Enfin, si cela ne vous dérange pas.

— Chabashira-sensei, vous avez le droit de vous exprimer en soi, mais si vous enfreignez les règles, vous ne vous en tirerez pas sans un blâme si je considère que vous avez tenté d’orienter votre classe.

Mlle. Chabashira — Oui. Si vous voyez une quelconque intention de motiver un choix, je suis prête à être punie.

Lorsqu’elle répondit qu’elle avait compris, le surveillant à l’arrière se tut. Comme il ne pouvait en être autrement, une suggestion inattendue était venue de la part de Chabashira-sensei, qui n’était jamais intervenue dans un examen spécial. C’était une intervention qui faisait office de rayon de lumière.

Horikita — Nous sommes clairement dans une impasse. Tant que cela n’affecte pas nos décisions, dites-nous ce que vous avez à dire.

Si nous pouvions briser la glace d’une manière ou d’une autre c’était bon à prendre. Bien sûr, si nous voulions être honnêtes, nous aurions aimé avoir un élan pour voter « Contre ». Cependant, sous l’œil attentif du surveillant, les expressions directes étaient à éviter.

Mlle. Chabashira — J’ai été diplômée de ce lycée. Et j’ai passé cet examen spécial quand j’étais élève.

Horikita et le reste de ses camarades de classe étaient surpris d’entendre cette histoire pour la première fois.

Horikita — Sensei, vous avez vraiment passé cet examen spécial ?

Mlle. Chabashira — Oui, il y avait cinq motions, dont certaines étaient légèrement différentes, mais la proposition finale à laquelle vous êtes confrontés maintenant était la même, mot pour mot. En échange de l’expulsion d’un camarade de classe, nous pouvions obtenir 100 pc.

Les élèves furent surpris d’entendre Chabashira déclarer qu’elle avait vécu exactement le même examen spécial.

Mlle. Chabashira — Une chose est sûre. Il s’agit de tout faire sans regrets. « Pour » ou « contre ». Quel que soit le choix que vous faites… vous ne devez pas regretter le résultat. Trouvez un moyen. Vous avez encore le temps.

Pour la première fois, tout le monde écoutait Chabashira-sensei avec attention. Elle ne nous guida pas pour choisir une option, elle ne nous proposa pas non plus de solutions. C’étaient des conseils judicieux qui se situaient à la limite de ce qu’un enseignant pouvait faire. Le surveillant, qui écoutait derrière moi, ne nous fit aucun signe. Je ne savais pas si cela allait influencer le résultat mais il était clair qu’elle avait donné aux élèves les mots dont ils avaient besoin pour se remettre dans le bain. Le temps était précieux mais ce fut utile.

Horikita — Le moment approche. Nous devons décider…. Mais avant de le faire, laissez-moi vous parler encore une fois. Je ne suis pas votre ennemi… Je suis de votre côté.

Le nom de cette personne dut traverser l’esprit de Horikita de nombreuses fois. Le visage, la voix, les yeux, la respiration.

Horikita essayait de convaincre cette personne qui se tapissait dans l’ombre. Tout le monde s’était posé la question de nombreuses fois. Pour ma part, il fallait révéler son nom mais je décidai de soutenir Horikita, qui me faisait une sorte de supplication pour ne rien dire. Sur ce, nous procédâmes au neuvième vote. Le résultat fut sans appel…

Résultats du neuvième tour

Pour 1

Contre 38

Un seul élève s’accrochait fermement aux cent points de classe. Non… plus exactement, quelqu’un s’accrochait à l’idée de forcer une expulsion. C’était ce que Horikita et moi redoutions. Nous pouvions supposer sans risque que c’était cette personne qui tentait le tout pour tout mais il n’y avait aucun moyen de la dénoncer avec des preuves.

Horikita avait déclaré que, si le temps venait à manquer, elle serait obligée de prononcer son nom. Mais en réalité, Horikita n’avait pas l’intention de le faire. Elle savait qu’il était inutile de faire ça au risque de toute perdre. Même s’il restait encore un peu de temps, la limite des deux heures fixées approchait.

C’était l’heure limite pour prendre une grande décision.


[1] Spécialité culinaire d’Okinawa.

[2] Talisman culturel traditionnel d’Okinawa,

[3] Littéralement « homme de la mer », est un prétendu monstre marin de l’ère Edo.

—————————————————
<= Précédent // Suivant =>
———————————————