CLASSROOM Y2 V5 : CHAPITRE 2

L’examen spécial du destin

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Traduction : Raitei
Correction : Nova
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Le lendemain, lorsque Chabashira entra en classe, la plupart des élèves comprirent que quelque chose était bizarre en voyant son expression rigide. En effet, nous étions convaincus que l’épreuve spéciale était le festival sportif d’autant plus que se profilait à l’horizon le festival culturel. –

Mlle. Chabashira — Avant le festival sportif d’octobre, vous devrez passer un nouvel examen spécial.

Un frisson se fit ressentir au sein de la classe. L’année dernière à la même période, il n’y avait pas eu d’autre examen spécial en même temps. Nous nous étions exclusivement préparés au festival sportif.

Ike — Un autre examen ? Mais on vient tout juste de finir celui de l’île !

Comme d’habitude, le premier à se plaindre fut Ike. Il venait de frôler l’expulsion de justesse sur l’île et il sortait maintenant avec Shinohara Satsuki. Il imaginait déjà les futurs obstacles sur leur route car il savait qu’il n’était pas à l’abri d’une expulsion. Les élèves les moins bien classés dans l’OAA ne restèrent évidemment pas de marbre.

Sudou — Heh, je suis prêt. Ça me dit bien un exam spécial avant de rouler sur le festival sportif.

Sudou, qui avait une confiance absolue en ses capacités athlétiques, frappa ses poings l’un contre l’autre.

Horikita — Ne t’emporte pas.

Sudou — … Ok.

Sudou se tut, quelque peu dépité après l’intervention de Horikita. Quelle relation de domination…ou plutôt d’amitié naissante.

Mlle. Chabashira — Pour être honnête, les années passées, nous avions rarement organisé d’examen spécial en cette période de l’année. De plus, seul les élèves de Première sont concernés.

Satô — Les Terminale et les Seconde n’ont pas d’examen spécial ?

Demanda-t-elle en se penchant vers l’avant alors qu’elle était collée au dossier de sa chaise. Chabashira hocha la tête pour confirmer.

Mlle. Chabashira — L’établissement a beaucoup d’estime pour les élèves de Première cette année. Le niveau est haut.

Satô — Ehhh ? C’est pas un peu bizarre de nous rajouter un examen si on est si appréciés que ça ?

Mlle. Chabashira — Il est vrai que chaque examen spécial est préoccupant dans la mesure où l’on peut perdre des points de classe, des points privés, et dans certains cas, être expulsé. Mais on peut voir aussi les choses d’une autre manière. C’est le gage de vivre une vie lycéenne plus épanouie. Qui plus est, atteindre la classe A doit être votre objectif prioritaire. Il faut voir cet examen supplémentaire comme une opportunité.

Elle n’avait pas tort. Il était extrêmement difficile d’accumuler des points de classe au quotidien. Ne pas avoir d’examens spéciaux était finalement synonyme de perte de points de classe. Peu importe le thème des examens spéciaux, ils nous donnaient une chance d’accéder aux classes supérieures.

Horikita — La chance et la malchance sont deux facettes d’une même pièce. C’est précisément parce qu’il y a un risque que nous avons quelque chose à gagner, n’est-ce pas ?

Elle accepta calmement les paroles de Chabashira.

Mlle. Chabashira — Exactement.

Horikita — Nous n’avons pas à avoir peur. Pour l’instant, nous sommes sous la pression de la classe A. Toutes les autres classes sont au coude-à-coude. C’est l’occasion de faire une échappée.

Chaque opportunité comptait. Voilà ce que nous avions compris dans cette route menant au sommet.

Horikita — De toute manière nous ne pouvons pas annuler l’examen alors inutile de se plaindre.

Satô et le reste de nos camarades semblaient être d’accord avec Horikita. Bien qu’elle ne soit pas encore terminée, sa croissance en tant que pilier de classe avait certainement eu un impact positif. Chabashira elle-même avait dû en être ravie, sans toutefois expressément le montrer. D’ailleurs elle n’avait jamais été du genre à laisser échapper une expression sévère, mais j’avais l’impression que c’était le cas actuellement.

Mlle. Chabashira — Voici l’examen spécial du consensus.

Le moniteur s’alluma et une vidéo fut diffusée, comme d’habitude, en même temps que l’explication.

Mlle. Chabashira — Le déroulé est extrêmement simple. Si vous avez des questions, j’y répondrai au fur et à mesure. L’épreuve aura lieu demain, et comme vous pouvez le deviner, il s’agira pour la classe de choisir une proposition parmi plusieurs avec un consensus.

Hirata — Demain ? Ce n’est pas un peu précipité ?

C’était effectivement rapide. Cela ne donnait certes aucun avantage ou inconvénient mais cela avait suffi pour tendre l’atmosphère.

Mlle. Chabashira — Comme je viens de le dire, c’est un examen très simple. L’établissement considère qu’il n’est pas nécessaire que vous preniez le temps de vous préparer alors ce sera demain.

La classe allait donc devoir voter encore et encore, jusqu’à ce que la réponse soit unanime. Il est vrai que cela n’avait pas l’air bien complexe vu comme ça.

Hirata — Il n’y aura pas de compétition directe avec les autres classes ?

Considérant que c’était le plus important à savoir, Yôsuke demanda immédiatement des éclaircissements sur ce point.

Mlle. Chabashira — Oui. L’examen sera effectué au sein même de la classe. Il commencera avec la réception de cinq motions proposées par l’établissement. Le contenu des motions sera le même pour toutes les classes, il n’y aura donc aucune discrimination.

Il était logique que les mêmes motions soient proposées à toutes les classes.

Mlle. Chabashira — Voici avec une motion en guise d’exemple.

Exemple de motion
Vous perdrez cinq points de classe, mais chaque élève obtiendra 10 000 points privés en échange.

Choix : Pour | Contre

La motion fut montrée à l’écran. C’était effectivement facile à comprendre.

Shinohara — Mmm ? On perd cinq points de classe mais on gagne dix mille points privés à la place. C’est une bonne affaire vous croyez ?

Il était normal de douter. Même si ce n’était qu’un exemple, il fallait s’attendre à des dilemmes. Elle plia ainsi les doigts, faisant ses calculs pour chercher l’option la plus avantageuse. Pour chaque point de classe (pc), nous recevions 100 points privés (pp) chaque mois. Ainsi, 5 pc valaient 500 pp. À première vue, il était bien plus intéressant de choisir les 10 000 pp mais les points de classe avaient une valeur sur la durée.

Sur un mois, 5 pc représentaient 500 pp, mais sur une année cela valait 6 000 pp. À partir d’octobre jusqu’ à notre remise de diplôme en mars l’an prochain, nous allions recevoir dix-huit fois des points privés mensuels. Ainsi, ces 5 pc allaient valoir 9 000 pp. Préférerions-nous prendre 10 000 pp maintenant, ou recevoir 9 000 pp au fil du temps jusqu’à l’obtention de notre diplôme ? Si l’on considérait uniquement la valeur en points privés, la première option était légèrement préférable cette fois. Mais ce n’était pas aussi simple.

Disons que si les 5 pc perdus maintenant continuaient à nous affecter jusqu’à l’obtention de notre diplôme, et nous faisaient rater la classe A, nous regarderions en arrière en considérant ce moment comme le pire choix possible.  Bien sûr, il était peu probable de perdre avec un écart de 5 pc et il était également tout à fait possible d’avoir des situations où obtenir 10 000 points privés était encore plus cher payé. Il y avait donc des avantages et des inconvénients de chaque côté.

Mlle. Chabashira — En réponse à cette motion, les trente-neuf élèves de la classe voteront anonymement. Puisqu’il vaut mieux expérimenter la chose pour bien l’appréhender, je vais vous faire voter maintenant. Je sais que vous avez beaucoup de questions mais vous allez comprendre avec la simulation. Sur votre tablette, choisissez « Pour » ou « Contre ».

Sur l’écran de nos tablettes était maintenant affichée la motion avec les boutons « Pour » et « Contre ». C’était vraiment un examen atypique. Si on y réfléchissait sérieusement, les points privés n’affectaient pas directement les points de notre classe mais en votant « pour », les élèves gagneraient 10 000 pp chacun instantanément, un gain évident. Mais 5 pc n’était pas rien en soi car instinctivement, la question n’était pas de savoir si nous voulions gagner 10 000 pp ou ne pas perdre 5 pc, mais l’inverse : il s’agissait de savoir quel choix nous ne regretterions pas d’avoir fait. J’étais sûr qu’il y allait avoir peu de votes « pour » alors je décidai d’appuyer sur ce bouton pour voir ce que ça pouvait donner. Je préférais être sûr qu’il n’y ait pas l’unanimité dès le premier tour.

Mlle. Chabashira — Bien, vous avez tous voté. Voici les résultats.

Résultats du premier tour
3 Pour | 36 Contre

Je savais que les votes « Contre » allaient l’emporter mais je ne m’attendais pas à un tel écart.

Ike — Humm ? Mais mieux vaut avoir 10 000 points privés maintenant que 9000 petit à petit non ? Ou je me suis trompé dans mes calculs ? Pourquoi y a autant de votes « Contre » ?

Il avait voté « Pour » alors il s’exprima à voix haute pour comprendre.

Horikita — Il est vrai que 10 000 points privés ont plus de valeur mais les points de classe sont essentiels pour aller en classe A. Pour un différentiel de 1000 points privés, il n’est pas utile de sacrifier nos si précieux points de classe.

Horikita avait voté « Contre » et elle expliqua rationnellement son choix.

Horikita — Si ces cinq points font la différence pour entrer en classe A alors on s’en voudra pour toujours.

Comme je le pensais, la plupart des élèves ne voulaient prendre aucun risque même minime. De plus, nous ne pouvions pas oublier que les autres classes avaient les mêmes motions. Si les trois autres classes avaient décidé à l’unanimité de conserver leurs points de classe, nous risquions de prendre du retard. Sauf si ces 10 000 points privés servaient à quelque chose.

Mlle. Chabashira — Je sais que vous avez des questions, mais écoutez. Malgré l’écrasante majorité, le résultat n’étant pas unanime, vous allez devoir voter de nouveau. Lors de l’examen, vous disposerez d’un entracte fixe de dix minutes entre les tours pour discuter librement. Mais nous allons sauter cette étape. Veuillez voter encore une fois.

L’objectif était de parvenir à un consensus. Chaque tour où il n’y avait pas unanimité, un délai de dix minutes était imposé. Même si nous parvenions à nous mettre d’accord rapidement, c’était du temps perdu dans la mesure où il était très probable que cet examen soit limité par le temps. Il n’était ainsi pas nécessaire de réfléchir longtemps pour comprendre que nous devions choisir « Contre » pour ce deuxième tour afin d’avoir l’unanimité. J’avais ainsi choisi délibérément de choisir le vote « Pour » afin que mes camarades saisissent bien la teneur de cet examen.

Résultats du deuxième tour

2 Pour | 37 Contre

Sudou — O, oiii ! C’est qui qui a voté « Pour » là ?

Horikita — Désolée, c’est moi, Sudou-kun. Je voulais justement qu’il n’y ait pas de consensus. Mais je ne suis pas la seule on dirait.

Elle ne me regardait pas, mais elle faisait probablement référence à moi.

Mlle. Chabashira — Dans ce cas nous aurons à nouveau un entracte de dix minutes et suivi d’un troisième tour. Ainsi, l’épreuve consistera à répéter ce schéma jusqu’à ce que vous arriviez à une décision unanime. Bien entendu, la motion adoptée à la fin est effective. Par exemple, si vous obtenez 39 votes « Pour », vous recevrez tous 10 000 points privés en échange d’une perte de cinq points de classe. S’il y avait eu 39 votes « Contre », la motion aurait été classée sans suite.

Autrement dit, rien ne se serait déroulé et on passerait à autre chose.

Mlle. Chabashira — Nous n’avons pas encore obtenu de résultat unanime, mais passons à l’exemple suivant pour bien comprendre.

Exemple de motion
Un membre de la classe recevra un million de points privés. (En cas de majorité, l’élève qui recevra les points sera sélectionné et soumis au vote de motion)

Choix : Pour | Contre

Mlle. Chabashira —  Sachez qu’il est interdit de discuter de la motion avant d’avoir les résultats du premier tour. Il faut voter sur le coup.

Autrement dit, nous n’avions la possibilité de délibérer que durant les pauses de dix minutes.

Résultats du premier tour

39 Pour | 0 Contre

Le résultat s’afficha sur l’écran et fut entièrement conforme aux attentes. Même si une seule personne recevait l’argent, il n’y avait pratiquement aucune raison de s’y opposer même si cela ne plaisait pas à certains.

Mlle. Chabashira — Pour les motions nécessitant de sélectionner une personne, vous devez dans un premier temps atteindre un consensus. Si vous choisissez de vous opposer à la motion alors cela s’arrêtera là. Dans le cas contraire, vous passez à l’étape suivante. Il y aura un entracte et vous devrez discuter et choisir un candidat. Sur votre tablette, vous pouvez voir les noms de tout le monde hormis le vôtre.

L’écran de ma tablette changea à nouveau et ce qu’elle dit se vérifia. Nos noms n’étaient cependant pas classés par ordre alphabétique.

Mlle. Chabashira — Afin de préserver l’anonymat, la liste des noms sera réordonnée de manière aléatoire à chaque fois que vous voterez afin d’éviter que vos voisins et voisines ne puissent savoir ce que vous choisissez. Il en est de même pour les choix « Pour » et « Contre ».

Elle poursuivit son explication.

Mlle. Chabashira —  Chacun d’entre vous est libre de sélectionner l’élève qu’il souhaite désigner. Durant l’entracte, vous pourrez également modifier votre vote. Au bout de dix minutes, l’élève choisi par la majorité de la classe, c’est-à-dire plus de vingt personnes ici, sera soumis au vote de motion. Disons qu’Ike a été désigné par la majorité.

Ike — Heu…moi ?! Cool !

Mlle. Chabashira — Puisqu’il a été sélectionné, Ike est exempté du vote. C’est à vous autres, les 38 élèves restants, de voter maintenant.

L’élève qui avait la majorité des votes était effectivement apte à avoir un choix unanime. Sans attendre, nous votâmes pour la prochaine étape.

Exemple de motion
Ike Kanji recevra un million de points privés.

Choix : Pour | Contre

Résultat du deuxième tour

0 Pour | 38 Contre

Ike — Eeeeeeh ?! Attendez ! Pourquoi personne n’a voté pour moi ?!

Sudou — Pourquoi on te filerait un million au juste ?

Sudou dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.

Mlle. Chabashira — La motion prend donc effet mais cela ne fait que retirer Ike de la liste des prétendants. Il faudra donc élire un autre élève à la majorité et le soumettre au vote de motion ensuite. Toutefois, si vous ne parvenez pas obtenir un vote de motion unanime avant la fin du temps imparti, vous échouerez à l’épreuve et personne ne recevra ce million.

Ike — Ehh ! Donc je n’ai plus aucune chance d’obtenir ces points ?

Mlle Chabashira — En effet.  S’il y avait eu ne serait-ce qu’un seul vote pour toi, tu serais resté sur la liste. Sachez que vous pouvez vous porter volontaire pour être candidat durant l’entracte. Celui qui soumet sa candidature le plus rapidement sera automatiquement soumis au vote de motion. Mais vous ne pourrez vous porter volontaire qu’une seule fois pour une motion particulière.

Horikita — Et si aucun candidat n’est élu par la majorité à la fin de l’entracte ?

Mlle Chabashira — Dans ce cas, il sera tiré au sort.

 La nomination d’un candidat était donc obligatoire.

Horikita —  Ce serait donc une perte de temps.

Elle avait raison. Il y avait autant d’options qu’il y avait d’élèves dans la classe. Nous ne pouvions ainsi pas dire avec certitude que nous nous alignerions sur l’élève choisi au hasard.

Mlle Chabashira — Restez bien concentrés car cet examen pourrait s’avérer plus complexe que prévu…

Nous ne pouvions pas partir du principe que toutes les motions allaient mener à un consensus facilement. Il était fort probable que nous finissions sous pression avec une partie de la classe qui camperait sur ses positions. Si cet examen spécial était facile, cela n’aurait aucun sens.

Mlle Chabashira — Effectuons une dernière simulation. Cette fois, nous la mènerons à son terme.

Exemple de motion

L’établissement a décidé d’ouvrir des infrastructures au centre commercial Keyaki. Parmi les propositions suivantes, laquelle préférez-vous ? (L’option qui aura reçu le plus de votes toutes classes confondues sera mise en place).

Choix : Restaurant | Magasin général | Centre de divertissement | Clinique

Il y avait quatre options cette fois, ce qui montrait la diversité des motions. Même si ce n’était qu’un exemple, je me demandais si réellement l’établissement n’allait pas mettre en place une de ces quatre installations.

Mlle Chabashira — Une motion simple sera effective avec unanimité mais une motion ayant un impact global comme celle-ci ne sera pas automatiquement adoptée après votre consensus. Par exemple si vous arrivez à un consensus sur le restaurant et que les trois autres classes choisissent à l’unanimité le centre de divertissement alors c’est ce dernier qui prendra effet sous l’effet de la majorité.

Tout le monde avait déjà compris l’explication. Il y avait ainsi deux types de motions. Peu importe le type de motion, il fallait être sur nos gardes et parvenir à une décision unanime. Comme nous n’avions pas le droit de discuter avant le premier tour, je suivis mon intuition.

Résultats du premier tour

Restaurant 20
Magasin général 4
Centre de divertissement 15
Clinique 0

Mlle. Chabashira — Il y aura ainsi un entracte de dix minutes.

C’était notre premier entracte. L’écran en haut de l’estrade commença à afficher un compte à rebours. Nous étions autorisés à quitter librement nos sièges, à se parler à voix haute ou bien à se concerter en privé. J’observai mon environnement et attendis. Les dix minutes s’écoulèrent sans que personne ne prenne vraiment les devants.

Mlle. Chabashira — Juste avant la fin de l’entracte, vous devez retourner à vos places pour vous préparer à voter. Vous avez 60 secondes au total mais les résultats s’affichent dès que tous les votes sont effectués.

Nous n’étions donc pas obligés d’attendre les 60 secondes.

Mlle. Chabashira — L’élève qui n’aura pas voté dans les 60 secondes sera lourdement pénalisé. En effet, chacun d’entre vous aura un délai de grâce de 90 secondes pour l’ensemble de l’examen. Si ces 90 secondes s’épuisent avant la fin des cinq motions, ce sera l’expulsion.

L’on voulait s’assurer d’aucun sabotage de la part d’un élève qui bloquerait le vote par excès de colère. Au-delà des 60 secondes, l’élève en aura 90 pour voter dans tous l’examen au risque de se faire expulser. C’était dissuasif.

Résultats du deuxième tour

Restaurant 23

 Magasin général 2

Installations récréatives 14

Clinique 0

Comme il n’y avait pas eu de concertation préalable, nous avions abouti à un résultat très similaire à celui du premier tour. Pour les motions de ce genre, difficile d’avoir un consensus du premier coup. Mais même pour les motions les plus simples, nous pourrions avoir besoin de beaucoup nous concerter si elles ne correspondaient pas à nos attentes.

Mlle. Chabashira — Je pense que tout est clair maintenant alors nous allons conclure. Pour réussir cet examen vous devrez parvenir à un consensus sur cinq motions dans une période de cinq heures. Passé ce délai, si vous ne parvenez pas à valider toutes les motions, vous serez lourdement pénalisés par un retrait de 300 points de classe.

Hirata — 300 ?!

Nous ne pouvions pas nous permettre d’en manquer une.

Mlle. Chabashira — Vous recevrez 50 points de classe en cas de succès.

Vu la facilité de l’examen, il était logique qu’il n’y ait qu’un si petit gain.

Hirata — Ne paniquez pas. Nous ne combattons personne cette fois. Nous devons juste nous coordonner pour avoir la même opinion. Tant que le temps nous le permettra, on pourra répéter les votes.

Mlle. Chabashira — Je pense que vous avez bien compris les points clés de cet examen. Je vais maintenant vous présenter un résumé des règles. Vous pouvez effectuer une capture d’écran si vous le désirez.

Examen spécial du consensus :Explication des règles

Les élèves devront répondre aux motions établies par l’établissement. (Il y aura cinq motions au total avec quatre choix maximum).

Tant qu’il n’y a pas unanimité, la même motion sera répétée.

Si le temps s’écoule avant que le consensus ne soit atteint pour une motion, quel que soit la progression, elle sera invalidée.

Une motion validée prendra effet que l’examen soit un échec ou non.

En validant toutes les motions, la classe obtient 50 points.

En ne complétant pas toutes les motions dans un délai de cinq heures, la classe perdra 300 points.

La procédure de l’examen spécial

(1.) Lorsqu’une motion sera présentée, vous aurez 60 secondes pour voter.

(2.) S’il y a consensus, vous passez à la motion suivante sinon, allez en (3.)

(3.) Il y a un entracte de dix minutes. Pendant cette période, les élèves sont autorisés à se déplacer et à discuter dans la classe comme ils le souhaitent.

(4.) Durant les 60 secondes de vote, les élèves ne sont pas autorisés à parler. (Si un élève ne vote pas dans les 60 secondes, il aura 90 secondes à titre gracieux durant tout l’examen pour effectuer son vote. Au-delà de ce temps, il sera expulsé.).

(5.) S’il y a consensus, passez à la motion suivante (1.) Sinon, répétez (3.).

L’examen allait être redondant mais il fallait aller au bout de ces cinq motions. Il n’était pas exagéré de dire que perdre 300 points de classe à ce stade équivaudrait à perdre notre ticket pour la classe A. Si les autres classes réussissaient l’examen, nous accuserions un retard de 350 points. Mais le plus grand obstacle était que les votes restaient anonymes. Quelqu’un pouvait prétendre oralement avoir voté pour un choix alors que c’était faux.

Mlle. Chabashira — Même les professeurs ne connaissent pas le contenu des motions qui seront proposées demain. Je suis sûre que beaucoup d’entre vous sont optimistes mais ne baissez pas votre garde. Dans cette épreuve, il est strictement interdit de passer des contrats ou quoi que ce soit d’autre pour contraindre quelqu’un à voter pour une option spécifique. Il est également interdit d’échanger de l’argent pour acheter des votes. Considérez que cette règle s’applique aussi bien à l’intérieur de la classe qu’entre les classes.

Nous ne pouvions donc pas contrôler les votes d’autrui. Même si nous nous concertions durant l’entracte pour harmoniser nos votes, nous ne pouvions pas savoir qui allait vraiment tenir ses promesses. Il suffisait d’une seule personne votant à l’inverse de nos concertations à chaque fois pour faire échouer l’épreuve. Ce coup fatal à la classe pouvait être orchestré par quelqu’un d’extérieur qui aurait passé un contrat avec un traître chez nous.

Mlle. Chabashira — L’école veillera à ce que les règles soient respectées. Si l’on apprend que quelqu’un d’extérieur à la classe a poussé des élèves à choisir une option en particulier, toutes les personnes impliquées risquent l’expulsion immédiate. Gardez bien cela à l’esprit. Qui plus est, si l’un d’entre vous fait l’objet de chantage ou d’une quelconque pression, alertez immédiatement l’établissement. Je vous assure que nous serons intransigeants là-dessus.

Si le temps venait à nous manquer à cause d’un sabotage, l’établissement mènerait certainement une enquête. Rien que le fait de tenter une approche pouvait nuire à quelqu’un et l’exposer à de sévères sanctions. Alors même quelqu’un comme Ryuuen allait s’abstenir de toute provocation.

Il était préférable de ne pas interagir maladroitement avec les élèves des autres classes avant que l’examen ne commence.

Mlle. Chabashira — Sachez aussi que le point de protection sera inutilisable pour cet examen afin de garantir une équité entre les élèves. Si une personne ayant un point de protection est renvoyée, la seule solution est de payer 20 millions de points privés pour la sauver.

Notre classe n’avait pas beaucoup de points privés pour le moment alors l’expulsion était garantie. Les points de protection avaient donc un champ d’action limité ? S’il s’agissait d’un examen spécial contre une autre classe, cette annulation aurait suscité l’indignation mais comme l’examen  concernait uniquement notre classe, ce n’était guère surprenant que le point de protection puisse être suspendu. Kôenji n’avait pas l’air de s’en soucier en tout cas.

Mlle. Chabashira — En outre, tous les appareils de communication tels que les téléphones portables, seront collectés durant l’examen. En effet, Il n’est pas autorisé de parler à qui que ce soit en dehors des personnes de la salle de classe. Dans le cas certes peu probable où l’on découvrirait que vous portez un dispositif caché, vous savez ce que vous risquez.

En effet, c’était l’expulsion pure et simple en cas de non-respect des règles.


1

Lorsque l’heure du déjeuner arriva, Yôsuke se leva rapidement de sa chaise pour se diriger vers l’estrade.

Hirata — J’aimerais entendre ce que chacun a à dire avant le déjeuner. Vous en pensez quoi ?

Lorsqu’il posa cette question à tous ses compagnons, Kushida leva la main pour répondre.

Kushida — Vous vous doutez bien que cet examen spécial signifie qu’il y aura des conflits, n’est-ce pas ? Bien entendu, si nous pouvons harmoniser nos votes sans soucis alors il n’y a pas de problèmes mais ne serait-il pas préférable d’avoir un leader au cas où ? Comme ça, en cas de non consensus, on pourrait se caler sur ses décisions.

Hirata — Je suis d’accord avec toi Kushida-san, mais la responsabilité du chef est lourde. Plus il y aura d’options et plus le leader fera face aux critiques si les choix ne conviennent pas à une partie des élèves. Il faudrait un leader avec les idées bien organisées.

Kushida — Dans ce cas, je suggère Horikita-san.

Horikita — Moi ?

Kushida — Oui. Tu n’es pas à ton premier coup d’essai et puis tu essaies toujours de faire preuve d’équité. Bien sûr, comme l’a dit Hirata-kun, c’est une grande responsabilité, tu n’es pas obligée.

Horikita — Je suis partante. Il est possible que d’autres classes préparent des stratégies similaires et puis, c’est une mesure qui sera nécessaire en cas de divergence d’opinions. Si cela vous dérange de suivre mes instructions le moment venu, dites-le maintenant.

 

Peu d’élèves se proposaient en général pour être chef alors il était difficile de critiquer ceux qui prenaient cette responsabilité. La proposition de Kushida fut ainsi facilement approuvée et cela allait être à Horikita de trancher en cas de blocage. Nous discutâmes pendant un certain temps sans vraiment avancer puis nous décidâmes d’aller déjeuner avant qu’il ne soit trop tard.

Hasebe — Yukimu, Miyacchi, vous venez toujours ?

Haruka s’était retournée en posant la question, les deux acceptèrent et se levèrent. Alors que nous cinq, le groupe Ayanokôji, allions commencer à marcher, une élève se précipita vers nous. Lorsque je croisai son regard, elle s’exprima.

Karuizawa — Kiyotaka, allons manger !

Sans bégayer mais avec un regard nerveux, elle m’interpela. Personne n’aurait en temps normal prêté attention à notre discussion mais hormis Kôenji, tout le monde nous scrutait.

Moi — Désolé, je pense que je vais déjeuner avec Kei aujourd’hui.

Avant qu’on ne puisse comprendre, je me levai de la chaise.

Karuizawa — On va manger au café ?

Hasebe — Attends une minute… C’est quoi ce délire ? Pourquoi tu viens nous interrompre, Karuizawa-san ?

Karuizawa — C’est interdit par l’établissement ? Kiyotaka a accepté il me semble non ?

Hasebe — Tu devais pas venir avec nous ? Et puis comment ça « Kei » ?

Haruka avait réalisé un peu tard que nous nous appelions par nos prénoms. Elle n’avait donc pas saisi toute l’affaire.

Karuizawa — Désolée mais j’ai la prio en tant que petite amie.

Hasebe — Quoi ?

Sakura — En tant que …?

Haruka et Airi s’exprimèrent au même moment, bien que leurs réactions fussent complètement différentes. En tout cas, je n’allais pas pouvoir passer du temps avec le groupe comme avant.

Karuizawa — Allez, on y va.

Dit-elle en me tirant le bras alors que nous sortions de la classe. Le fait qu’elle rougisse montrait à quel point elle était très embarrassée.

Il faut dire que je ne m’attendais pas non plus à ce qu’elle s’exprime comme ça.

En tout cas, Haruka, Airi ainsi que le reste des élèves étaient trop abasourdis pour nous suivre.

2

Grâce à l’action audacieuse de Kei, notre relation discrète devint connue de toute la classe en seulement une après-midi. Je dois dire que je ne savais pas trop comment allait être perçue notre relation. Le couple Ike et Shinohara qui s’était formé pendant les vacances d’été n’avait pas étonné tant que ça alors qu’il s’agissait d’un duo improbable. Même si certains garçons jalousaient leurs amis, beaucoup étaient ravis de voir une relation.

Mais cela ne faisait finalement aucune différence pour les couples dont l’amour se développait petit à petit avec la fréquence à laquelle ces derniers se voyaient. Rentrer ensemble, s’amuser ensemble, ces scènes allaient devenir monnaie courante jusqu’à ce que tout le monde s’y habitue. Mais contrairement à Shinohara et Ike, notre couple allait faire parler de lui encore plus longtemps car il était encore plus improbable.

Après le déjeuner de ce premier jour de classe, tous nos camarades avaient découvert notre relation. Depuis cette nouvelle, une bonne amie qui m’avait évité du regard jusqu’à maintenant, m’attendit à la fin des cours.

Hasebe — Hé, Kiyopon, on fait le chemin du retour ensemble ?

Haruka, qui agissait comme un mentor pour Airi, vint ainsi vers moi et m’interpela. Je m’attendais à ce que Kei suggère que nous rentrions ensemble mais elle était entourée de filles qui lui posaient des questions.

Moi — Tu es sûr que c’est ok ?

Je m’attendais plutôt à ce qu’elle tente de consoler Airi mais cette dernière prépara tranquillement ses affaires et sortit de la classe.

Hasebe — Il n’y a rien que je puisse lui dire là, de toute manière. Mais peut-être que tu avais prévu de déjà rentrer avec quelqu’un.

À ce moment-là, l’expression de Haruka se durcit pendant un instant.

Moi — Non, c’est bon.

Maintenant que notre relation était connue, j’allais avoir moins de temps à consacrer au groupe. Nous prîmes ainsi nos sacs à dos pour nous diriger vers la sortie arrière de la salle. Le long du chemin, Haruka marchait sans dire un mot. De temps en temps, j’arrivais à percevoir tantôt une expression triste tantôt une expression de colère. Parfois quelque chose d’autre. Quand nous quittâmes finalement le bâtiment, elle me regarda dans les yeux.

Hasebe — Je vais pas tourner autour du pot. Alors c’est vrai que Karuizawa-san et toi vous sortez ensemble ? J’y crois toujours pas.

Moi — Comme tu peux le voir, c’est le cas.

Les lèvres de Haruka tressaillirent et elle hocha rapidement la tête.

Hasebe — Désolée mais c’était le choc quoi. Enfin, tu sors avec qui tu veux Kiyopon mais personne n’aurait imaginé Karuizawa-san.

Kei Karuizawa n’avait effectivement pas la cote dans le groupe. Mes amis la voyaient comme quelqu’un d’égoïste qui aurait surfé sur la popularité de Yôsuke et qui l’aurait largué comme si de rien n’était.

Hasebe — Je comprends mieux ce que tu disais à la piscine maintenant. Mais ça n’a rien d’un petit choc là. Elle a fait de son mieux pour rester calme en classe mais elle a pleuré pendant toute la pause déjeuner.

Moi — Vraiment ?

Hasebe — En plus vous aviez commencé à sortir ensemble pendant les vacances de printemps, n’est-ce pas ?

Moi — Désolé de ne pas l’avoir dit plus tôt. C’est juste que j’ai eu pas mal d’empêchements.

Hasebe — Des empêchements, hein ? Karuizawa-san c’est quelque chose, donc je peux comprendre.

Elle sortait avec Yôsuke depuis son entrée au lycée et elle avait sublimé son passé. La réputation qu’elle s’était forgée attirait les convoitises.

Hasebe — Ce n’est vraiment pas une blague ?

Moi — Non, c’est bien réel.

Hasebe — Ha… Je vois. C’est vrai que c’est perturbant pour moi… Dans ma tête, Kiyopon ne pouvait pas être amoureux de quelqu’un d’autre qu’Airi. Et encore moins de Karuizawa-san.

Elle se lamenta, se prenant la tête dans les mains en réalisant que tout ce qu’elle s’était imaginé à mon égard était faux.

Hasebe — J’ai parlé un peu avec Yukimu et Miyacchi et ils étaient du même avis que moi. Je n’ai rien entendu directement mais le choc pour Airi a dû être encore plus intense.

C’était compréhensible en tout cas.

Hasebe — Comment ça se fait ? Vous n’étiez pas proches pourtant.

En effet, ce n’était pas évident à comprendre.

Moi — J’étais dans le même groupe que Kei au test du zodiaque l’an passé. À partir de là, nous avions de plus en plus d’occasions de parler, et lorsque Yôsuke et Kei se sont séparés, notre relation a décollé.

Lorsqu’ils ont cassé en février, cela avait attiré l’attention de tout le monde.

Hasebe — Alors tu la fréquentais quand même avant. Mais on t’a pas trop vu lui parler en face à face.

Moi — On discutait surtout par téléphone.

Hasebe — Désolé pour toutes les questions mais qui s’est déclaré ? En tant porte-parole et soutien d’Airi, je voudrais en savoir plus.

Moi — C’était moi.

Hasebe — Si c’était Karuizawa, il y aurait eu de l’espoir mais je m’attendais pas à ce que ce soit toi Kiyopon qui prenne l’initiative. C’est vraiment dur à entendre.

Elle se frappa le front et leva les mains en signe de reddition.

Hasebe — Il est déjà aussi tard ? Y a tellement d’informations que j’ai pas vu le temps filer. Je peux passer à la supérette ?

Au moment où nous approchions de la supérette, Haruka me demanda cela.

Moi — Oui, je vais attendre dehors.

S’excusant très vite, Haruka se rua ver la supérette. Pendant ce temps, je sortis mon téléphone qui avait vibré plusieurs fois dans ma poche.

Karuizawa — On se voit au centre commercial après ça. J’ai eu du mal à répondre à toutes ces questions.

Il y avait un message de Kei m’invitant à la rencontrer.

Moi — Très bien. Je t’appelle avant d’arriver là-bas.

Je répondis et remis le téléphone dans ma poche après avoir eu la confirmation qu’elle avait bien lu mon message.

Après une minute, Haruka revint avec une croquette[1] à la main.

Hasebe — Airi et moi, on a tellement parlé qu’on a zappé le déjeuner.

Moi — Désolé pour ça.

Hasebe — Je n’essaie pas de te culpabiliser, hein.

Moi — Je sais que le timing laisse à désirer mais j’ai besoin de ton aide ainsi que celle d’Airi si possible.

Hasebe — De l’aide ?

Moi — Ce n’est pas encore une information publique mais nous sommes déjà sur la préparation d’un des événements pour le festival.

Hasebe — Ah ouais ?

Moi — Pour éviter les fuites d’information, seuls les organisateurs, Horikita et moi sont au courant. C’est un maid café.

Hasebe — Un maid café ? C’est un truc qui se fait souvent mais je ne pense pas que Horikita-san validera.

Moi — C’est possible qu’elle finisse par valider car elle valorise l’efficacité avant tout. Elle compte faire abstraction de ses préjugés.

Hasebe — Je vois. Et pourquoi tu m’en parle au juste ?

Moi — En fait, on m’a en quelques sortes confié le projet.

Haruka hocha la tête en guise de compréhension.

Hasebe —Horikita-san a chargé Kiyopon de recruter j’imagine.

Moi — Oui. Je voulais donc demander à Airi et toi d’être serveuses.

Haruka ne fut pas surprise, écouta avec un regard indescriptible sur son visage. J’arrivai tout de même à cerner quelque chose.

Hasebe — J’aurais peut-être accepté tout de suite par amitié sans cette histoire.  De base l’idée de me cosplayer devant plein de gens c’est mort mais j’aurais fait l’effort. Mais là le moment est mal choisi oui.

Sa meilleure amie avait le cœur brisé alors ma demande était déplacée.

Hasebe — Le souci c’est que je ne peux pas te blâmer Kiyopon. Comme je l’ai dit, tu sors avec qui tu veux mais je ne comprends pas pourquoi tu ne me l‘a pas dit. Tu es libre de rejeter les sentiments d’Airi quoi.

C’est comme si son cerveau faisait un énorme blocage.

Hasebe — Je ne peux rien te promettre mais j’en parlerai à Airi quand les choses se calmeront.

Moi — Vraiment ?

Hasebe — Tôt ou tard, elle devra accepter la réalité. De plus, je ne sais pas ce que tu en penses, mais je sens qu’elle gardera espoir si c’est Karuizawa-san. Même si tu es déterminé à rester avec elle Kiyopon, elle peut toujours décider de te larguer.

En effet, il était possible que ce scénario se produise, laissant une fenêtre de tir pour Airi à ce moment-là.

Hasebe — Elle n’a pas encore montré son potentiel alors il est toujours possible que tes sentiments changent, Kiyopon.

C’est vrai que si Airi se déguisait en jouant le jeu à fond, elle pouvait être aussi attirante que les autres filles. Non, si on incluait ses caractéristiques physiques, elle pouvait même les battre. Lors du festival, même le personnel de l’établissement serait probablement surpris en la voyant. Si des rumeurs circulaient, sa beauté pouvait même aller jusqu’à attiser la curiosité des invités.

Moi — Peut-être mais je pense plutôt qu’elle tournera la page.

Lorsque la personne que nous aimons est prise, il est naturel de se faire une raison et de chercher un autre amour. Je pensais avoir énoncé l’évidence, mais elle me jeta son regard le plus assassin de la journée.

Hasebe — Tu prends pas ses sentiments trop à la légère là ? Je l’observe depuis longtemps donc je sais de quoi je parle mais sache Kiyopon qu’ils sont assez forts pour supporter une situation pareille. Ne crois pas qu’elle abandonnera juste parce que t’es casé.

Elle nia tout en bloc.

Hasebe — Je sais que tu auras d’autres rencards avec Karuizawa-san mais assure-toi de pointer le bout de ton nez à nos réunions de groupe. Je ne veux pas qu’on se sépare à cause de ça.

Moi — Bien entendu. C’est quand même mon groupe d’amis du lycée.

Hasebe — Eh bien, ça me soulage d’entendre ça. Bon, je file.

Elle dit cela tout en finissant lentement la fin de sa croquette. Elle n’avait rien dit mais il était évident qu’elle partait voir Airi.

Hasebe — À demain.

Hasebe — Oui, à demain.

Je la regardai retourner au dortoir puis je me retournai pour aller au centre commercial Keyaki.

3

Je raccompagnai Kei au dortoir depuis le centre commercial Keyaki tout en discutant avec elle. Une fois dans le hall, nous vîmes Horikita assise sur le sofa, attendant probablement quelqu’un. J’appuyai sur le bouton d’’ascenseur et quand Kei et moi montâmes à l’intérieur, Horikita finit par suivre.

Horikita — Ayanokôji-kun, je peux te parler ?

L’ascenseur s’arrêta au quatrième étage, où se trouva ma chambre.

Karuizawa — À plus tard, Kiyotaka.

Kei était quelqu’un de jalouse mais elle savait cerner les situations. Elle savait bien qu’il n’y avait pas à se méfier des rencontres privées entre Horikita et moi, qui plus est, avant un examen spécial.

Moi — Oui, je t’appellerai plus tard.

Il y a un an, je n’aurais jamais cru que nous finirions par passer du temps ensemble comme ça. Alors que Horikita et moi sortîmes au 4e, je me retournai pour voir Kei qui me souriait depuis l’intérieur avant que les portes ne se referment rapidement. L’ascenseur commença à monter ensuite.

Horikita — Depuis combien de temps êtes-vous ensemble ?

Moi — Combien ?

Horikita — La rumeur stipule que c’est depuis les vacances de printemps mais j’imagine que cela a commencé bien plus tôt.

Elle eut un regard douteux.

Moi — Je ne sais pas vraiment.

Je ne voulais en tout cas pas en parler peu importe ses questionnements.

Moi — Tu ne voulais pas me parler de quelque chose ?

Horikita — C’est à propos de l’examen. Tu acceptes de m’écouter ?

Moi — Ok.

Horikita — Hein ? Heu…

Moi — Pourquoi cette réaction ?

Horikita — Je m’attendais à ce que tu refuses. Quand je t’ai confié le projet de Maid café, tu n’avais pas l’air très enjoué.

Elle fut surprise par la facilité avec laquelle j’avais accepté.

MoiEntrons.

Parler dans le couloir était risqué alors j’ouvris la porte 401 et entrai.

Moi — J’imagine que tu veux que je t’aide pour quelque chose ?

Horikita — C’est… À vrai dire je ne sais pas trop. Je vais en tout cas m’expliquer si tu veux bien.

Horikita devait avoir peur que je ne sois pas convaincu alors elle s’exprima en posant bien son idée.

Horikita — J’ai envisagé de mettre en place un test semi-obligatoire avant l’examen pour augmenter notre taux de réussite. Mais même avec de l’entraînement, il sera difficile de parvenir à un consensus sans connaître la nature exacte des motions.

Moi — En fonction de la situation, différentes stratégies s’appliqueront.

Même s’il n’y avait que deux options, il était imprudent de préparer d’avance nos votes « Pour » ou « Contre » sans connaître la nature des motions.

Moi — Tu as pensé à tout. Et comment comptes-tu réussir au juste ?

Horikita — Je pense que le chemin le plus rapide est que quelqu’un ait le dernier mot. Peu importe le nombre de choix ou la répartition des votes, tu devras promettre de suivre le jugement du leader.

C’est ce que Kushida avait suggéré. Une stratégie qui fait s’aligner tout le monde sur la décision du leader en cas de blocage.

Moi — J’espère que ça va vraiment marcher.

Horikita — Il y aura toujours des élèves insatisfaits. Pour le coup, la dictature de Ryuuen est un bon point pour cet examen.

Il est vrai que Ryuuen pourrait exercer son pouvoir coercitif, mais peut-être qu’il allait en être autrement pendant l’examen.

Moi — Le fait que tous les votes soient anonymes signifie que ses dissidents peuvent voter contre lui. Son pouvoir ne garantit rien.

Horikita — Les élèves qui ne sont pas satisfaits de ses méthodes peuvent se rebeller mais en cas de blocage, c’est toute la classe qui en subira les conséquences. Je suis sûre qu’ils se feront écraser.

Moi — Certes personne ne veut échouer à un examen, mais si on part du principe que les votes seront toujours en phase alors ce serait contradictoire d’élaborer une stratégie comme tu le fais non ?

Horikita — C’est…

Moi — Aucun élève ne souhaiterait faire perdre sa classe mais ce ne serait pas un examen spécial s’il n’y avait pas d’enjeux.

Horikita — Tu as raison.

Moi — Mets-toi en situation. Par exemple, que feras-tu si tu étais confrontée à un vote avec 38 « Pour » et 1 « Contre » ?

Horikita — J’essaierais de convaincre le seul opposant.

Moi — Et si la personne ne cède pas ?

Horikita — Eh bien…

Moi — En discutant, certains pourraient finir par se ranger derrière lui.

Horikita — Même si son idée est préjudiciable pour la classe ?

Moi — Tout dépend du contenu de la motion.

Je ne serais pas surpris si l’établissement avait préparé une motion dont la résolution était difficile voire impossible.

Horikita — C’est bizarre ça.

Moi — Quoi donc ?

Horikita — Parce que tu m’as écouté sans broncher. Je ne pense pas que c’est pour éviter de me faire parler de Karuizawa, si ?

Moi — Non, mais tu savais quoi attendre de moi, hein.

Horikita — Bon. Je vais te dire la raison pour laquelle je t’ai approché. J’ai une proposition à faire et je pourrais demander la chose à quelqu’un d’autre. Mais j’ai besoin de quelqu’un qui me comprenne bien.

Moi — Tu veux que je vote toujours « Contre » à chaque premier choix ?

Horikita — Peux-tu s’il te plaît ne pas m’ôter les mots de la bouche ?

Voyant sa frustration, je m’éloignai d’elle.

Moi — C’était quelque chose que je comptais faire si personne ne l’avait proposé. Je ne pensais pas que nous avions la même idée.

Horikita — Vraiment ?

Je pouvais voir sa colère se dissiper, quelque peu convaincue par mon excuse. Il est vrai que c’était une idée qui devait être mise en place pour éviter le risque de décisions irréfléchies dans l’impulsion du moment.

Horikita — Je préférais avoir confirmation, quand bien même nous sommes à 99% sûrs de tomber tous d’accord. Ce sont des décisions importantes alors je ne veux rien laisser au hasard.

Moi — Voter dès le premier jet est risqué car on ne peut pas revenir en arrière, mais user à chaque motion d’un entracte minimum pour se concerter n’est pas forcément la meilleure stratégie non plus. Il y a un risque que des motions de base unanimes deviennent partagées.

Horikita — Oui, tu as raison.

Débattre était comme faire plonger sa main de façon inattendue dans des ténèbres profondes. En sombrant, on perdait de vue le temps.

Moi — Au vu des règles, aucun moyen de déterminer avec certitude qui a voté pour quoi car c’est parole contre parole.

Horikita — Tu penses qu’il y aura mensonge ?

Moi — C’est possible car la classe n’est pas vraiment unie.

Horikita devait penser à plusieurs personnes maintenant.

Horikita — Tu parles de Kushida-san et Kôenji-kun ?

Moi — Dans le premier cas, elle mentira sans hésiter, et dans le second, il osera peut-être suivre quelqu’un d’autre. C’est tout.

Horikita — Pourquoi me dis-tu tout ça ? Ce n’est pas ton genre.

Il est vrai qu’avant je ne l’aurais pas mise en garde.

Moi — J’ai jugé que ton toi actuel est plus à même de me comprendre.

Horikita — C’est un compliment ?

Moi — Je suppose.

Horikita — Je me sens un peu mal à l’aise.

J’entendis le téléphone de Horikita vibrer brièvement devant moi.

Horikita — Je suis désolée. Donne-moi juste un moment.

Après avoir interrompu la conversation, Horikita répondit au téléphone.

Horikita — Laisse-moi lui envoyer un message sans attendre. Je veux au moins être sure qu’il soit marqué comme « lu ».

Je n’avais pas l’intention de me mêler mais de qui parlait-elle ? J’étais un peu troublé, mais j’attendis tranquillement qu’elle finisse son long message. Après deux minutes, elle l’envoya et remit son téléphone en poche.

Horikita — J’ai dit ce que j’avais à dire. Bonne courage pour demain.

N’ayant pas l’intention de rester plus longtemps, elle quitta vite la chambre.

4

Il fut un peu plus de 18h alors le soleil allait bientôt se coucher. Aujourd’hui aurait dû être une journée banale avec seulement les explications des règles de l’examen mais il y avait eu beaucoup d’informations à digérer. Et le fait que cet examen spécial commence dès demain n’aidait pas.

— Salut.

Je retournai dans ma chambre et vis Yôsuke apparaître en premier.

Moi — Entre.

En y réfléchissant, ce devait être la première fois que je l’invite chez moi.

 — Yoo-hoo.

Peu de temps après, Kei arriva.

Hirata — C’est inhabituel de se rencontrer comme ça mais c’est cool.

Karuizawa — Pas faux

Il avait peut-être deviné mais je n’avais pas dit pourquoi je les avais invités.

Moi — Je me suis dit qu’il était judicieux de se préparer pour demain.

Karuizawa — Faut juste que tout le monde soit d’accord non ?

Hirata — L’examen n’a en effet pas l’air très difficile sur le papier.

Yôsuke, qui a montra un léger geste de réflexion, continua l’explication.

Hirata — Mais pour moi il sera aussi complexe que les précédents. Cet examen met l’accent sur notre capacité à coopérer pour des points de classe. Or unifier la volonté d’un groupe n’a rien évident.

Moi — C’est aussi ce que je pense.

Hirata — Il y a des chances que l’on se retrouve face à des dilemmes.

Il avait raison. Chaque élève avait sa manière de penser, mais pour le bien de la classe, ils étaient prêts à être flexibles jusqu’à un certain point. En seconde cela aurait été une autre histoire mais nos liens s’étaient renforcés depuis. De plus nous avions des entractes pour se concerter et aucune pénalité en cas de non consensus durant l’épreuve. Il était ainsi normal d’être très méfiant.

Karuizawa — Mais y’a quoi comme dilemmes possible en fait ?

Hirata — Je n’ai pas vraiment d’exemple mais il y en aura.

Quel genre de motion pouvait être problématique ? Yôsuke sentait la chose mais n’arrivait pas à l’illustrer. Je pris donc la parole pour aider.

Moi — À partir de là jusqu’à la remise des diplômes, vous avez le choix entre le riz et le pain mais pas les deux en même temps. Vos réponses ?

Karuizawa — C’est quoi ces choix aussi ?

Hirata — Ça semble risible mais c’est une décision difficile à prendre.

Moi — Je choisirais le pain. Je m’en passe difficilement.

Karuizawa — Je prends le riz. Le pain c’est une fois par semaine en vrai.

Hirata — Je suis plutôt du genre à manger du riz. Voilà, chacun à ses opinions. Difficile d’être unanime à ce sujet au sein de la classe.

Karuizawa — Franchement, j’espère qu’on se calera sur ma décision. On parle quand même d’une interdiction jusqu’à la fin du lycée.

Certains élèves comme Kei tenteront de résister au vu de l’impact personnel.

Moi — Pour une comparaison plus réaliste, tous les futurs examens spéciaux seront basés soit sur les aptitudes académiques, soit sur les aptitudes physiques. Que choisissez-vous ?

En entendant cela, Yôsuke et Kei se regardèrent.

Moi — On a Sudou qui est une valeur sûre en sport mais on a aussi Keisei pour les aptitudes académiques.

Bien sûr, Sudou faisait beaucoup d’efforts pour étudier mais il était préférable pour lui d’être évalué sur des critères sportifs. Et puis il avait une motivation pour étudier que d’autres en bas du classement n’avaient pas.

Hirata — Si une motion est adoptée, elle prendra effet immédiatement. Est-ce que nous sommes prêts à sacrifier 300 points de classe ?

Moi — Il est évident que des décisions difficiles devront être prises, mais perdre 300 points de classe c’est comme renoncer à notre ticket pour la classe A. Je pense que notre priorité doit être de réussir.

Karuizawa — Vu comme ça, je commence à comprendre la difficulté.

Hirata — C’est pour ça que tu nous as appelés ?

Moi — L’examen exige un fort sentiment d’unité. Un ou deux désaccords peuvent arriver mais si ça dure trop longtemps, il y aura forcément des contestations. Lorsque ça se produira, Yôsuke et toi Kei, en tant que piliers de la classe, allez avoir un rôle d’influenceur.

Hirata — C’est juste mais Horikita-san ne devrait pas être ici aussi ? C’est elle le leader de notre classe après tout.

Son point de vue est logique car le meilleur moyen de contrôler la classe est par le biais de Horikita. Mais à ce stade, je ne pouvais pas reculer.

Moi — Cette fois, c’est pour la soutenir dans l’ombre. Elle ne sait pas que nous nous sommes rencontrés.

Karuizawa — Pourquoi ça ? En ce qui me concerne, je n’aime pas suivre les ordres de Horikita-san.

Moi — Vous avez une meilleure capacité de lecture que la moyenne des gens. Votre influence va être importante pour fluidifier les choses. Si nous avons une meilleure compréhension des décisions de Horikita alors la classe sera beaucoup plus unie pour les votes.

Karuizawa — Pourquoi tu ne le fais pas, Kiyotaka ? Ça résoudrait le problème.

Moi — Tu ne pourras pas toujours compter sur moi. Il faut que tu sois préparée aux imprévus.

Karuizawa — Aux imprévus ?

Moi — Je ne pense pas être renvoyé par exemple mais ça reste une possibilité.

Si on ne se prépare pas individuellement à compter sur soi-même, la classe ne pourra jamais faire un bon en avant.

Karuizawa — Bon j’ai capté. Tout ce qu’on a à faire, c’est suivre Horikita-san et s’assurer que l’examen spécial se déroule bien.

Moi — Nous aurons des instructions et des signes que seuls Yôsuke et toi comprendront.

Puisque l’entracte permettait une discussion libre de nos mouvements, il n’y avait pas de soucis à ce niveau mais selon les situations, il pouvait être nécessaire de donner des instructions sans que l’on ait besoin de communiquer verbalement. Il valait mieux pouvoir échanger des signaux en toussant ou en tapant sur notre bureau par exemple. Après qu’ils aient mémorisé les signes en question, je m’adressai à Yôsuke.

Moi — Une dernière chose. Ce ne sera pas nécessaire si tout se passe bien mais si l’examen spécial n’est pas terminé à moins de deux heures de la fin, nous devrons employer les grands moyens.

Je voulais que Yôsuke se prépare mentalement à ça pour qu’il ne perde pas le contrôle à ce moment-là.

5

Il était plus de 22h, et la journée mouvementée toucha à sa fin. J’étais allongé dans mon lit, regardant mon téléphone, quand je reçus un appel. Même si c’était un numéro privé, ces onze chiffres me semblaient familiers.

Moi — Allô.

— Je suis désolé de te déranger si tard, mais puis-je avoir un moment ?

Moi — Pas de problèmes monsieur Sakayanagi.

Oui, ce numéro appartenait à cette importante personne.

M. Sakayanagi — Je suis conscient de t’avoir inquiété mais tout est fini maintenant.

Moi — Je suis heureux d’entendre que tout va bien.

M. Sakayanagi — Cela a dû être dur pour toi aussi. Je suis étonné que tu aies réussi à rester dans cette école malgré le cadre hostile.

Moi — Si ça avait été plus sérieux, je ne serais pas ici pour vous parler.

Je n’avais pas eu besoin de mentionner Tsukishiro car il le savait.

M. Sakayanagi — À vrai dire, j’avais quelques questions à te poser concernant ton comportement Mais nous n’allons pas parler de cela aujourd’hui. Sache que je vais te surveiller de très près dorénavant. Je voulais te le faire savoir dès que possible.

Le président Sakayanagi continua de parler.

M. Sakayanagi — Tu sais que les représentants du gouvernement ainsi que leurs familles ont été invités pour ce premier festival culturel.  Je n’ai malheureusement rien pu faire pour annuler. Je m’excuse pour ça.

En effet, difficile de se rétracter devant des officiels.

Moi — Ne vous excusez pas. Et puis les élèves attendent votre retour.

Cela ressemble un peu à un examen spécial mais ça reste un évènement classique au lycée. Pour moi, c’était en revanche une autre histoire.

M. Sakayanagi — En fait, c’est quelque chose qui n’a pas encore été annoncé, mais je vais d’abord t’en parler.

Moi — De quoi s’agit-il ?

M. Sakayanagi — Pour le festival sportif d’octobre on compte aussi accueillir quelques invités. Ce festival culturel fait office de test.

Moi — Il y aura des invités pour le festival sportif ?

Je n’avais pas du tout pensé à la chose.

M. Sakayanagi — Normalement, le festival sportif est ouvert aux parents d’élèves. Ce n’est donc pas quelque chose d’inhabituel.

Moi — Je vois.

À la télé nous pouvions voir des familles avec des caméras et des appareils photos lors de cet évènement. Elles avaient aussi des paniers repas.

M. Sakayanagi — Je m’inquiétais de la sécurité dans la mesure où nous laisserions soudainement des personnes se balader en liberté.

Tout cela servait donc de test pour accueillir des gens de l’extérieur.

M. Sakayanagi — La sélection des invités est entièrement du ressort des hauts responsables, et ton père est probablement impliqué. Au cas où tu serais en danger, j’aimerais te faire accompagner.

Moi — J’apprécie votre inquiétude, mais je ne suis qu’un élève parmi d’autres. Je ne veux pas de ce genre de traitement spécial.

M. Sakayanagi — Que feras-tu devant des envoyés de ton père ?

Moi — C’est une très bonne question.

Impossible d’utiliser la force devant tout le monde. Mais s’ils se présentent à moi comme des hauts placés de l’école me demandant de les suivre dans un endroit à l’écart, je ne pourrai pas refuser.  Ce n’est pas comme si je pouvais dire devant mes camarades qu’ils étaient des imposteurs.

M. Sakayanagi — Je pense avoir compris le genre de personne que tu es mais j’aimerais éviter ton expulsion car je ne veux pas regretter quelque chose que j’aurais pu éviter.

Moi — Mais même si je suivais vos instructions, avoir un superviseur avec moi attirerait l’attention inutilement car ce n’est pas naturel.

M. Sakayanagi — Alors pourquoi ne pas t’absenter du festival sportif ?

Moi — M’absenter ?

Ce n’était pas ce que j’avais à l’esprit.

M. Sakayanagi — Disons qu’il n’est pas illogique d’avoir des absences malencontreuses et inévitables à ce genre d’évènement.

Moi — Même si la classe sera désavantagée à cause de mon absence, j’éviterai comme ça une expulsion éventuelle.

Prendre soin de soi est de notre responsabilité, mais il y a des situations qui pouvaient survenir sans que nous puissions y faire quoi ce quoi. S’il s’agissait d’un petit examen spécial, ils auraient pu s’arranger pour le déplacer mais pour un festival, impossible qu’ils s’adaptent à moi.

M. Sakayanagi — Tu passeras une visite médicale qui décrétera ton confinement dans ta chambre le jour de l’évènement. Je pourrai ainsi placer mes hommes de confiance autour du dortoir pour surveiller.

Si l’on m’ordonnait de me reposer car j’étais malade, tout le monde n’y verrait que du feu. Et les élèves verraient en ces patrouilles dans les dortoirs seulement des gens veillant à la sécurité de la zone pour l’évènement.

Moi — Effectivement ça peut nuire au plan de cet « homme ».

M. Sakayanagi — Bien sûr, la contrepartie comme tu l’as stipulé c’est que tes camarades seront désavantagés

Le fait qu’il propose tout ça montrait à quel point il était fiable. J’appréciais également le fait qu’il cherchait à me protéger sans trop me donner de traitement de faveur. J’étais reconnaissant mais je partis du principe qu’il valait mieux refuser. En même temps, une idée me vint à l’esprit.

Moi — Pouvez-vous me laisser le temps d’y réfléchir ?

M. Sakayanagi — Bien sûr, je ne peux pas te forcer à faire quoi que ce soit alors la décision ne tient qu’à toi, mais…

Moi — Je le sais bien. Ne vous en faites pas, je réfléchis sérieusement à votre offre.

M. Sakayanagi — Je te contacterai une semaine avant le festival alors. Je dois aussi me préparer pour tout ça.

Il fallait en effet du temps pour gérer tous les préparatifs. Après l’appel, je m’imaginai se dérouler un festival sportif sans moi. Bien entendu il était tout à fait possible qu’il y ait des abandons dans d’autres classes le jour de l’examen. En effet, rien ne garantissait que nous soyons tous en forme.

Mais il fallait d’abord que je me concentre sur cet examen spécial de demain qui sera peut-être le plus douloureux de tous les examens passés. Jusqu’à maintenant, j’avais toujours pu élaborer des stratégies pour réussir mais là, il n’y avait aucun plan fiable. Nous devions seulement croire en nos camarades et travailler main dans la main.

Le festival sportif et le festival culturel…Ce n’étaient clairement pas des choses à sous-estimer et il à cette même période de l’année, l’an passé, je n’avais pas le souvenir d’avoir eu autant d’inquiétudes.

Il fallait cependant procéder par étape et réussir l’examen spécial de demain dans un premier temps.

6

 — Entre, Kushida-senpai.

Quelques heures auparavant, après avoir terminé les cours, Kushida se rendit dans la chambre de Takuya Yagami, au dortoir des seconde. Le soleil de l’après-midi brillait faiblement à travers les rideaux fermés. Fixant la vapeur du thé fraîchement infusé sur la table, elle ne tendit pas la main pour le boire.

Kushida — Il n’y a rien de suspect à l’intérieur n’est-ce pas ?

Yagami — Stoppons la paranoïa, je n’ai pas de temps à perdre.

Ne cachant pas sa frustration, elle tendit son portable avec un air sinistre.

Kushida — Je m’excuse. Commençons.

Après avoir appuyé sur le bouton de lecture, on put entendre la voix de Mlle. Chabashira expliquant les grandes lignes de l’examen spécial annoncé aux élèves de première. Après avoir écouté tranquillement tout ce qui avait été dit dans la classe, y compris les exemples, Yagami rendit le téléphone à Kushida.

Yagami — Kushida-senpai, ton but est de détruire Horikita Suzune et Ayanôkoji Kiyotaka n’est-ce pas ?

N’ayant pas besoin de répondre, Kushida garda le silence.

Kushida — Des senpai m’ont dit que c’était un examen très simple. Le vote est répété jusqu’à ce qu’il soit unanime et il y a cinq motions au total que l’on doit valider en cinq heures. Tu en penses quoi ?

Yagami — Je dirais que c’est simple.

Kushida — Oui, c’est même trop facile, ce qui explique la sanction sévère en cas d’échec. Que l’on débatte longtemps ou non, personne ne voudrait recevoir une telle perte de point de classe.

Yagami tendit la main vers le thé encore fumant et prit la tasse.

Kushida — Voilà le topo. Je suis déjà au milieu de ma deuxième année et je n’ai pas réussi à les faire expulser.

Yagami — Pour moi tu es en partie responsable, mais bon.

Il n’y avait rien à gagner à s’en prendre à Yagami, pensa-t-elle.

Yagami — Du coup tu as suggéré Horikita-senpai ?

Kushida — Elle aurait pris l’initiative toute seule de toute manière.

Yagami — Il ne faut pas laisser l’ambigüité se propager. Il est important pour toi que Horikita-senpai endosse cette responsabilité fermement.

Kushida — Alors tu penses que tu peux l’expulser à cet examen ?

Yagami se mit à rire et prit une gorgée de son thé.

Yagami — J’ai dû écouter l’enregistrement pour m’assurer que je n’avais rien manqué ou mal compris, mais maintenant c’est clair. Cet examen est une bonne opportunité pour la faire expulser.

Kushida — Et comment ce serait possible ? Personne ne serait assez fou pour perdre ses 90 secondes de délai de grâce.

Yagami — Bien entendu mais qui te dit que c’est le seul moyen pour que quelqu’un soit expulsé durant cet examen ?

Kushida — Eh ?

Yagami — Faire expulser Horikita-senpai et Ayanokôji-senpai est bien possible si tu arrives à orienter le débat pour les cibler.

Yagami donna ainsi un exemple de motion pour étayer ses proposes.

Kushida — …Tu es sûr de ça ?

Yagami — Ce ne sera pas la même chose mot pour mot mais il y a de fortes chances qu’il y ait des motions de ce genre.

Il n’avait pas été informé par Tsukishiro mais c’était l’occasion d’agir.

Yagami — Il n’y a qu’une seule façon pour toi Kushida-senpai d’effectuer que je viens de te mentionner.

Il expliqua ensuite comment coincer Horikita et Ayanokôji.

Yagami — Qu’en penses-tu ? Tu te ferais expulser si tu étais à leur place non ?  Bien sûr ce sera le chaos dans la classe mais tu t’en fiches.

Kushida — Tu crois que je peux faire ça… ?

Yagami — Je pense que tu es plus que capable pour cette tâche.

Kushida — Je vois que tu t’es bien creusé les méninges.

Yagami — J’ai dû te tester pour voir si tu m’étais utile.

Kushida — Comment ça ?

Yagami — Tu te rappelles quand je t’avais accostée la première fois ?

Kushida — J’étais pressée à ce moment-là. Et donc, que veux-tu dire ?

Yagami — Quand j’ai prononcé ton nom, tu aurais dû être perturbée vu que nous étions de parfaits inconnus. Pourtant, tu as été capable d’improviser à chaud. C’est là que j’ai reconnu tes compétences.

Kushida — Ou alors j’aurais pu simplement t’avoir oublié, et dans le doute joué le jeu.

Yagami — Je ne pense pas car tu aurais pris le risque que je déclare venir du même collège. Imagine si j’avais dit être au courant de cet « incident », tu aurais été dévastée.

Pour enlever cette possibilité, Kushida était allée immédiatement lui parler.

Yagami — Si ce n’était pas le même collège, c’était peut-être aux mêmes séances d’études après l’école. J’aurais pu aussi être quelqu’un de ton quartiern, ce qui aurait fortement réduit les chances de connaître ton passé. Ça aurait pu aussi être un malentendu mais ta priorité était de confirmer si oui ou non j’étais au courant pour ton passé.

Après avoir bu un quart du thé, il laissa la tasse sur la table.

Kushida — Qui es-tu ? Comment connais-tu mon passé alors que nous n’avons jamais été au même collège ?

Yagami — Je sais que tu te méfies mais considère-moi comme un élément spécial. Mon but est de jouer avec Ayanokôji-senpai.

Kushida — Comment ça de jouer avec lui ?

Yagami — Vois-tu, il ne sait pas qui je suis. Pour l’instant, mon plan est de tenter des choses sans qu’Ayanokôji-senpai ne le remarque.

Kushida — Et si je m’étais mise en colère lors de notre première rencontre, ou si je n’avais pas donné la réponse que j’aurais dû donner ?

Kushida était curieuse de savoir ce que Yagami aurait fait à ce moment-là.

Yagami — Dans tous les cas c’était intéressant rien que parce qu’Ayanokôji-senpai avait remarqué ta maladresse et m’avait envoyé un regard douteux. J’aurais dû te saluer plus tôt.

Kushida — Tu as été au même collège qu’Ayanokôji par hasard ?

Yagami — À ton avis ? De toute manière ce n’est pas comme si ça te concernait. Focalise-toi plutôt sur l’examen spécial.

Kushida — J’ai bien compris. J’essayerais de prendre les dispositions nécessaires quand l’occasion se présentera.

Yagami — C’est tout ?

Kushida — Comment ça ?

Il se leva et attrapa Kushida par les épaules malgré son esquive reflexe.

Kushida — Hé, qu’est-ce que tu fais ?

Elle essaya de lui échapper mais elle resta bloquée. Elle fut surprise par sa grande force qui contrastait avec son allure frêle.

Yagami — Écoute bien Kushida-senpai. Je crois que tu ne réalises pas trop la situation dans laquelle tu te trouves. En plus d’Ayanokôji-senpai et de Horikita- senpai, il y a Amasawa-san et moi qui menaçons ton quotidien.

Kushida — C’est… Oui, mais…

Kushida fixa Yagami, qui la regardait sans peur dans les yeux.

Yagami — Bien sûr, il n’est pas facile de virer ses petits camarades. Il faut beaucoup d’efforts pour ça. Mais c’est l’occasion rêvée.

Kushida — Je le sais mais si tu vas trop loin, tu me mettras en danger.

Yagami — Il faut t’y préparer. C’est expulser ou être expulsé.

Kushida — C’est déjà assez intense d’être à deux contre un.

Yagami — C’est toi qui vois. Dis-toi que je pourrais tout déballer sur toi dans le cas où tu ne les expulses pas, bien que de ton côté tu pourrais parler de notre petit arrangement pour les votes et évoquer une violation des règles.

Kushida — C’est en effet une menace qui peut retomber sur toi.

Yagami — Désolé, je ne voulais pas t’effrayer. Je me doute que tu n’es pas non plus assez armée pour ça mais si tu ne les expulses pas demain, crois-moi que tu les auras sur le dos encore longtemps.

Retirant ses mains de ses épaules, Yagami se rassit

Yagami — Laisse-moi te le redemander. Tu veux toujours les expulser ?

Lorsqu’il la regarda dans les yeux, elle réagit avec un mélange de colère et de frustration. C’est ce qu’elle avait souhaité chaque jour depuis un an et demi.

Kushida — Oui. Je veux les expulser à tout prix. Je vais les éliminer.

Yagami — Je peux enfin voir que ta détermination est authentique.

Elle était bien décidée à arrêter l’hémorragie en expulsant Horikita et Ayanokôji au plus vite. Mais Yagami, qui se pavanait librement devant elle, faisait aussi partie de sa liste.


[1] On parle ici de la “Korokke”, une croquette de pomme de terre japonaise très populaire. On peut y ajouter divers ingrédient à l’intérieur et elle peut servir d’encas ou d’accompagnement. On en trouve souvent  dans les supérettes (convini) ouvertes 24h/7j .

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