CLASSROOM Y2 V4 : CHAPITRE 6


Le dénommé Tsukishiro

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Traduction : Raitei,Nova (p4)
Correction : Nova, Raitei (p4)
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Ce matin, je me réveillai à l’extrême droite de la zone E3 et commençai à consulter la carte sur ma tablette. Parce que je m’étais évertué hier à fuir les seconde, je n’avais pu à aucun moment mettre les pieds dans une zone désignée.  Même si Sakayanagi avait repoussé le danger en envoyant des groupes de première, je préférai tout de même éviter les deux zones désignées suivantes, par mesure de précaution, qui furent F3 à 13h et G3 à 15h. J’avais tout de même réussi à participer à une épreuve de course où j’avais pu sécuriser le minimum des points qu’il était possible d’obtenir.

J’ouvris la carte et chargeai l’image de la recherche GPS d’hier à 13h. Il y avait un total de cinq groupes de seconde qui me traquaient en diversion. C’était Hôsen la vraie menace car il avait cassé sa montre pour m’approcher furtivement. Après le combat entre Ryuuen et lui, j’avais de nouveau activé la recherche GPS pour observer finalement que tous les groupes avaient rebroussé chemin pour se focaliser sur l’examen spécial.

Sakayanagi et moi restâmes méfiants et, après la dispersion des groupes de seconde, il y eut un rassemblement de certains qui approchaient de manière louche vers ma zone désignée en G3. Ils tentèrent d’aller vers l’ouest pour atteindre F4 et me bloquer.  La route étant étroite, et il était difficile de les éviter. La contourner faisait prendre de nombreux détours.

Moi — J’ai opté pour la prudence mais j’en ai payé le prix.

J’avais dû rater six zones désignées d’affilée ce qui m’avait valu quatre pénalités consécutives. Je devais me sortir de cette situation le plus vite possible. Si je recevais encore trois pénalités d’affilée, je risquais de perdre18 points. Comme je ne pouvais pas voir le classement en ce dernier jour, je devais me l’imaginer. Le classement au soir du 12 n’était absolument pas fiable. Il y avait 157 groupes au total mais, en réalité, de nombreux groupes avaient fini par fusionner. Ainsi, il fallait partir du principe qu’il y avait beaucoup moins de groupes qu’avant. Il était évident dorénavant que certains groupes allaitent marquer des points plus vite que d’autres.

Si un groupe comptant près de 200 points absorbait un groupe qui était en dessous de moi au classement, la conclusion logique serait que je sois dépassé. Il ne fallait pas non plus oublier que les points étaient doublés en ce dernier jour et m’empêcher de gagner des points au lieu de se concentrer sur l’examen était à leur risque et péril. Il était toujours possible que des seconde tentent toujours de m’avoir mais la recherche GPS n’était plus une option fiable désormais.

À 7h du matin, la zone désignée, H3, fut révélée. C’était un endroit difficile d’accès situé en montagne, il n’y avait ainsi qu’une seule route pour y aller et l’itinéraire le plus court en partant d’ici avait une durée de 2h alors il ne fallait pas perdre de temps. Comme les points étaient doublés aujourd’hui, les élèves se concentraient essentiellement sur les tâches. Je n’avais pas pensé une seule seconde que le simple fait d’atteindre une zone désignée allait relever du parcours du combattant. Ce midi, j’aurais pu descendre encore plus bas dans le classement si je m’étais raté. Alors que je préparais mes affaires pour partir, je reçus un appel de Sakayanagi via talkie-walkie.

Sakayanagi — Hé, Ayanokôji-kun. Tu as eu beaucoup d’ennuis hier.

Moi — Merci Sakayanagi. Je m’en suis sorti grâce à toi.

Sakayanagi — La situation te va ? Il semble que tu aies beaucoup bougé pendant la nuit.

Moi — Je savais que tu étais au courant de mes mouvements grâce au GPS. La première zone désignée est H3. Je n’ai pas beaucoup de temps mais c’est faisable.

Sakayanagi — H3 ?

Sakayanagi murmura la chose comme si la zone lui faisait penser à quelque chose. Je continuais à lui parler pendant que je me déplaçais.

Sakayanagi — Pour être honnête, j’ai un souci avec Ichinose-san. Elle a disparu.

Vu que c’était le dernier jour, c’était effectivement un énorme problème.

Moi — Comment ça « disparu » ? Il s’est passé quelque chose ?

Sakayanagi — Cela a l’air volontaire à vrai dire. Ces derniers temps, elle se comportait bizarrement.

Moi — Mais pourquoi me le spécifier ? Ce n’est pas comme si je pouvais t’aider à la retrouver.

Sakayanagi — Quand j’avais effectué une recherche GPS pour connaître la position d’Ichinose-san, j’ai découvert qu’elle était en E3 tout comme toi, Ayanokôji-kun. Mais à l’opposé de toi dans ta zone.

Même au sein d’une même zone, il y avait une certaine distance de part et d’autre. Et puis j’avais maintenant mis les pieds en F3.

Moi — Quelle était ta dernière zone désignée hier ?

Sakayanagi — C’était D5. Ichinose-san était là.

C’était donc au petit matin qu’elle avait commencé à agir dans son coin. Mais pourquoi était-elle venue en E3 ?

Sakayanagi — Ce matin, j’ai réalisé que nous avions perdu un point. J’ai vérifié avec les personnes du groupe mais personne n’a utilisé la recherche GPS. C’est donc Ichinose qui est à l’origine de cela. Nous ne savons pas si elle visait E3 ou une zone plus éloignée, mais il est évident qu’elle est partie retrouver quelqu’un.

En effet c’était forcément pour voir quelqu’un si elle était partie à la première heure du matin. Sinon elle n’aurait jamais mis le pied dans la quatrième zone désignée hier.

Sakayanagi — Est-ce pour te rencontrer, Ayanokôji-kun ?

Moi — Désolé, je ne sais vraiment rien. Je n’ai pas vu Ichinose depuis le début. Peut-être qu’Ichinose se retrouvera aussi en F3 mais je suis pressé, donc je ne peux pas m’occuper de son cas. Que vas-tu faire ?

Sakayanagi — La première zone désignée vers laquelle nous devons nous diriger est E6. Je vais devoir renoncer à la prime de rapidité pour cette fois. Une chose est sûre, Il ne faudra pas compter sur elle aujourd’hui. Dans le pire des scénarios, elle se retirera de l’examen mais cela n’aura pas un grand impact pour ce dernier jour.

Elle disait ça mais le groupe Sakayanagi était une équipe de sept personnes où chaque membre avait de la valeur. Il était en bonne position pour monter sur le podium et à la fin du 12e jour, il était en quatrième position. Perdre Ichinose était clairement un coup dur. Cette action égoïste de la part d’Ichinose était inexplicable vu qu’elle mettait toujours l’intérêt d’autrui avant le sien et ce, de manière maladive.

Moi — C’est problématique.

Sakayanagi — Les imprévus sont inévitables tu sais. En tout cas, l’examen spécial se terminera après la fin de la troisième zone désignée donc nous limitons la casse mais si jamais tu la croises, parle-lui de notre situation.

Sakayanagi mit fin à la communication, ne voulant pas trop s’attarder.

Moi — Où se dirige Ichinose ?

Je gardais le talkie-walkie dans mon sac à dos pendant ma marche et sortis ma tablette. C’était le dernier jour donc je n’avais pas besoin de penser à la recharger. 31% de charge suffisait. La carte affichée à l’écran montrait la zone désignée où je devais me rendre et les tâches disponibles. Ces deux dernières semaines, des tâches étaient apparues un peu partout sur l’île. Mais en ce dernier jour, il semblait ne pas y en avoir dans la zone nord, soit les lignes 1 à 4.

En revanche, les zones centrales et sud, les lignes 5 à 10, et plus précisément des colonnes A à E, concentraient un grand nombre de tâches. Cela s’expliquait simplement par le fait que c’était le dernier jour et qu’il était logique que les élèves se rapprochent de la zone de l’embarcadère.

Il était donc plus sage d’atteindre rapidement une zone désignée avant d’effectuer les tâches. Je pensais utiliser la recherche GPS pour trouver l’emplacement d’Ichinose, mais je pouvais me retrouver dans les dix derniers groupes si je ne faisais pas attention. Chaque point était précieux pour augmenter mon taux de réussite autant que possible.


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La deuxième zone désignée pour aujourd’hui fut I2, à la pointe nord-est de l’île. Maintenant que j’avais brisé la chaîne de pénalité, je pouvais y aller l’esprit tranquille. Après 15h, une fois l’examen terminé, il fallait retourner dans la zone de départ à pied mais l’établissement avait prévu de récupérer des élèves à divers endroits de l’île avec un petit bateau. Ainsi, un patrouilleur devait arriver en J6 à 17h si on se trouvait dans les environs.

Moi — Ils ont gardé les zones désignées les plus absurdes pour la fin ?

Toutes les activités étaient concentrées vers le sud de la carte mais il a fallu que me soit désignée une zone dans le nord-est. J’aurais bien aimé me dire que c’était une erreur de la tablette mais cela ne servait à rien de se lamenter. Je me doutais aussi que c’était un piège que l’on me tendait. Il fallait dire que l’atmosphère depuis tout à l’heure était étrange. Depuis ce matin, je n’avais croisé aucun élève. Bien que l’île soit vaste, les occasions de voir ou d’entendre quelqu’un ne manquaient pas normalement, en plein déplacement.

Bien entendu, hier, je n’avais pas pu me rendre à la dernière zone désignée de la journée alors je n’avais croisé personne ayant la même route que moi dans les environs. Il était peut-être judicieux d’aller en I2 et d’ignorer ensuite la dernière zone désignée pour me concentrer sur les tâches.

La zone H3 était séparée en deux par une rivière qui nous forçait à prendre un détour. L’avantage était que l’on pouvait se promener le long de celle-ci sans se perdre en chemin. Je n’étais pas pressé de toute manière alors je suivis le cours d’eau jusqu’au sud-ouest de la zone pour trouver un point de passage près des montagnes. J’étais maintenant de l’autre côté de la rivière au centre de H3, prêt à me diriger vers le nord-est de la zone.

 — Ayanokôji-kun !

Alors que je marchais en écoutant l’écoulement de la rivière, j’entendis une voix m’interpeler non loin. Elle venait de l’autre côté de la rivière que je venais de quitter il y a peu.

C’était Ichinose, couverte de boue et essoufflée, qui me fixait.

Moi — Ichinose… Que fais-tu ici en H3 ?

Selon Sakayanagi, Ichinose aurait dû être en E3. Maintenant qu’il était plus de 10h du matin, comme le soleil commençait à se lever à 5h30, Ichinose avait probablement dû marcher sans interruption pendant 4 heures et demie pour arriver jusqu’ici. Elle avait été relativement rapide.

Ichinose — Je… je, je suis venue ici parce que je voulais te voir.

Même si elle peinait à parler, elle s’efforça de crier de l’autre côté de la rivière.

Ichinose — J’arrive ! Je me dépêche.

En disant cela, Ichinose osa un sprint inattendu le long de la rivière.  Comme son sac à dos gênait de par sa lourdeur, elle l’abandonna. L’endroit où Ichinose courrait était assez dangereux et elle devait être à sa limite physiquement parlant. Je retournai sur mes pas pour la capter aussi vite que possible. Il nous aura fallu environ 5 minutes pour que l’on soit face à face au point de passage. Vu l’état d’Ichinose, j’avais pris la peine d’aller vers elle mais elle m’arrêta.

Ichinose — Je t’ai, enfin, enfin, enfin, rattrapé…. Attends, je vais venir…

S’était-elle sentie responsable de m’avoir hurlé dessus tout à l’heure pour être aussi déterminée ?

Ichinose — Ah !

Ichinose tomba et je l’attrapai dans mes bras.

Ichinose — D-désolée ! Héhé ! Mes jambes… elles ne m’obéissent plus…

Elle paniqua et voulut fuir le contact physique mais ses genoux tremblaient, comme si elle ne pouvait pas se lever.

Moi — Qu’est-ce qui se passe, Ichinose ?

Ichinose me regarda et lutta désespérément pour me parler.

Ichinose —Ayanokôji-kun ! Il faut que je…que je te dise quelque chose de très important.

Moi — Je suis tout ouïe.

Ichinose — Je me suis mise dans le pétrin. Comme toujours en fait… pour protéger mes camarades de classe… Je n’avais pas le choix…

Qu’essayait-elle exactement de dire ? Je ne le savais pas précisément, mais elle était clairement désespérée.

Ichinose — Mais même comme ça…Je… je suis toujours inquiète pour toi, Ayanokôji-kun, alors…

Dans cet examen spécial, Ichinose et moi ne nous étions pas vus une seule fois. Que s’était-il passé au juste pour qu’elle daigne venir me voir après autant d’efforts ?

Ichinose — M… ma montre s’est cassée, alors j’ai voulu revenir au point de départ pour la changer….. Et… Et puis en chemin, je suis tombée sur le directeur…par intérim Tsukishiro… et Shiba-sensei !

Elle était tellement épuisée que sa respiration ne s’était pas encore stabilisée. Si elle était bizarre ces derniers temps c’était à cause de ça j’imagine.

Ichinose — Le dernier jour, Ayanokôji-kun, ils ont prévu de t’intercepter en I2 pour te neutraliser.

« I2 » et « neutraliser ». Le simple fait d’entendre ces mots ferait peur à n’importe qui. Si elle avait réussi à tromper la vigilance de Tsukishiro et Shiba, c’est parce que sa montre était cassée et que son signal n’apparaissait plus.

Moi — Quand tu dis que tu voulais protéger tes camarades de classe, tu veux dire que tu as été menacée par Tsukishiro ?

Ichinose sembla surprise que je le devine. Elle hocha la tête.

Ichinose — En te disant tout ça, je prends le risque que mes camarades de classe soient expulsés par le directeur intérimaire Tsukishiro. Mais je n’ai pas pu me résoudre à t’abandonner, Ayanokôji-kun… !

Moi — Tu ne devrais pas me dire ça sans te soucier des conséquences. N’oublie pas que je suis ton ennemi.

Il aurait été plus profitable pour elle que je me fasse expulser. Après tout, cela aurait fait un adversaire de moins et elle garantissait la protection de ses amis. Elle secoua fortement la tête pour exprimer son désaccord.

Ichinose — Non c’est faux ! Ayanokôji-kun…Tu n’es pas mon ennemi !

Ichinose m’attrapa par le col.

Moi — Qu’est-ce qui te fait penser le contraire ?

Ichinose — Parce que… Parce que pour moi, Ayanokôji-kun, tu…

La main qui tenait mon col se resserra une fois de plus.

Ichinose — Parce que je, parce que je t’aime, Ayanokôji-kun… !

Ichinose ne s’attendait probablement pas à dire ça à voix haute. Dès que ces mots sortirent, Ichinose détourna son regard comme pour se taire.

Ichinose — Non, heu… Que…pourquoi je, euh, euh, ehhhhhhhhh ?

Elle n’avait pas compris elle-même et paniqua, secouant la tête plusieurs fois.

Ichinose — Q…Qu’est-ce que je viens de dire ?

C’est comme si elle venait d’avoir une petite amnésie.

Moi — Tu veux que je répète ce que tu viens de dire ?

Ichinose — Um, um… ah ! J… J’ai vraiment dit quelque chose. 

Moi — Merci, Ichinose.

Ichinose — Huh ? Huh ? Ehhhh !?!?!

J’exprimai ma gratitude envers elle une fois de plus, elle qui m’avait placé avant ses camarades et son groupe. Ça m’avait touché en quelque sorte.

Moi — Si tu ne m’avais pas prévenu, je ne sais pas ce que j’aurais fait.

Grâce à elle, j’avais la confirmation que Tsukishiro était en I2. Malgré le danger, elle avait tout bravé pour venir me prévenir en personne.

Moi — Qu’est-ce que tu voulais dire par là ?

Ichinose — C…c’est pas ce que tu crois.

Moi — C’est donc un malentendu de ma part.

Ichinose — C…. non… Ce n’est pas un malentendu….

Ichinose voulait d’abord nier, mais elle sentait qu’elle ne pouvait plus fuir.

Ichinose — Je t’aime bien…

Elle admit cela avec une petite voix sur le point de s’éteindre.

Ichinose — Je…Je viens de réaliser la chose…. Je suis désolée.

Elle n’avait pas besoin de s’excuser.

Moi — Pour être honnête, je suis un peu surpris.

Ichinose — D…désolée…. C’est embarrassant, n’est-ce pas ?

Moi — Rien de tel. Je ne peux juste pas répondre à tes sentiments, là.

Ichinose — Eh bien… j’imagine que je ne suis pas assez digne pour toi.

Moi — Tu te trompes. Je dois régler pas mal de choses et vu la situation que je traverse, je ne peux pas répondre. Ni par oui ni par non.

Je devais éviter de lui parler de Kei. Même si elle allait l’apprendre tôt ou tard, nous étions dans la phase cruciale de l’examen alors il valait mieux la ménager psychologiquement aujourd’hui.

Moi — Ce n’est peut-être pas une réponse acceptable pour toi mais c’est tout ce que je peux te donner pour le moment.

Ichinose — Je comprends.

Ichinose hocha la tête, adoptant une expression neutre.

Moi — Je vais partir en I2 maintenant. Des choses doivent être réglées.

Ichinose — Non, tu ne peux pas ! C’est dangereux !

Moi — Si je ne le fais pas, je ne pourrai pas te protéger, Ichinose. Toi et tes précieux camarades de classe.

C’est parce qu’elle avait elle-même été si inquiète qu’elle s’était résignée à ne pas en rajouter. Puisque Ichinose était venue jusque-là, il n’était pas difficile d’imaginer que Tsukishiro était aussi au courant. Cependant, il était nécessaire que je dise au directeur que ce n’était pas la fin pour moi. Et j’allais revenir d’entre les morts pour le lui faire comprendre.

Moi — Repose-toi et rejoins ton groupe, d’accord ?

Je lui tapotai la tête et la laissai pour me diriger en I2.

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Il y avait un champ de rochers entre I2 et I3 et des buissons qui montaient jusqu’aux genoux.

Moi — Alors c’est quelque part par ici ?

Je portais un lourd sac à dos qui me gênait alors je décidai de le cacher dans un buisson avec tous mes biens à l’intérieur, y compris la tablette. Après tout je ne savais pas ce qui m’attendait et en marchant le long de la côte, d’autant que je pouvais retrouver facilement ce champ de rochers de toute manière.

Ichinose a dit que c’était l’endroit où Tsukishiro comptait me neutraliser. J’imagine que les groupes qui avaient la même route que moi se sont vus attribuer une zone désignée complètement différente. J’aurais aimé pouvoir le confirmer, mais je voulais éviter de perdre un point en utilisant la recherche GPS. Comme je savais maintenant qu’Ichinose était impliquée dans cette affaire, je devais agir vite au risque que Tsukishiro se venge impitoyablement sur sa classe. Je n’imaginais pas quel genre de punition il allait lui infliger. Après ces petites précautions, je commençai à entrer en I2.

 — Ayanokôji, quelle coïncidence.

Nagumo, qui tenait la tablette, leva les yeux vers moi avec un vif intérêt. Vu la situation, il n’était pas normal que quelqu’un soit dans le secteur. Ce type était-il encore plus impliqué avec Tsukishiro que je ne le pensais ? Non, en dehors de la prime, ça m’aurait étonné qu’il soit vraiment au courant de tout dans les moindres détails. Le titre de président du Conseil des élèves ne signifiait pas grand-chose pour Tsukishiro. Je restais tout de même prudent.

Moi — Que fais-tu ici, président Nagumo ?

Je regardai un peu autour de moi mais je ne vis aucun des membres de son groupe avec lui.

Nagumo — Ne t’inquiète pas, nous sommes seuls ici.

Il utilisa la fonction GPS pour me montrer qu’il n’y avait pas d’autres signaux.

Moi — Il n’y a pas de tâches dans le secteur. Pourquoi être venu ici ?

Nagumo avait l’air de venir depuis le sud-est.

Nagumo — Je profitais de la plage en I4. C’est le dernier jour sur cette île déserte après tout.

Alors que quasiment tous les élèves se concentraient sur l’accumulation de points, monsieur s’était permis de prendre du bon temps en I4.

Moi — Suis-je témoin de ce qu’on appelle le calme olympien ?

Nagumo se mit à rire et esquiva la question.

Nagumo — Je te retourne la question, Ayanokôji. Il n’y a ni zone désignée ni tâches dans le secteur alors qu’est-ce que tu fais là ?  Tu as rencontré Honami n’est-ce pas ?

Pas étonnant qu’il l’ait su s’il avait activé sa recherche GPS.

Moi — Il y a un problème avec ça ?

Nagumo — Non. Si c’était pour un petit rendez-vous, vous seriez restés ensemble plus longtemps. Si tu es seul ici c’est que tu es venu pour quelque chose. Qu’est-ce qu’il y a en I2 ?

J’avais choisi d’ignorer la question. Nagumo changea de sujet et continua.

Nagumo — L’examen touche à sa fin. Je voulais au moins te parler une fois tranquillement car on n’a pas beaucoup l’occasion de se voir sur le campus. La fonction de président me prend énormément de temps.

Moi — Ce n’est pas faux.

Il y avait moi, un élève discret, et le président du Conseil des élèves qui pouvait intimider n’importe qui. La scène semblait irréelle. Mais je ne pensais pas qu’il avait fait tout ce chemin juste pour venir faire la conversation.

Moi — Tu es au courant de l’assaut que j’ai subi par les seconde.

Nagumo — Je vois que tu es très perspicace.

En effet, il était au courant de la prime de 20 millions de points sur ma tête. Même si Tsukishiro était le cerveau, Nagumo était également impliqué alors il était logique de l’imaginer surveiller mes déplacements via le GPS. En regardant les mouvements des seconde et les miens, il était évident que je me faisais prendre en chasse. Ainsi Nagumo avait clairement bien cerné autant que moi la vue d’ensemble de cet examen. Même encore plus que moi car il avait pu anticiper mes mouvements pour venir jusqu’ici.

Nagumo — Cette prime sur ta tête ne vient pas de moi de base.

Moi — C’est le directeur intérimaire Tsukishiro, n’est-ce pas ?

Nagumo — Puisque tu es bien au courant alors je vais jouer franc jeu. C’est lui qui fournit les 20 millions. En échange, j’avais juste à apposer mon nom pour rendre la mission plus crédible.

Vu qu’il s’agissait d’un ordre du directeur, Nagumo ne pouvait pas désobéir.

Moi — C’est un ordre du directeur donc tu n’avais pas d’autre choix que de l’accepter. Mais te connaissant, je sais que tu n’aurais pas accepté la proposition au vu de ton statut de Président du Conseil des élèves.

Nagumo — Pour un élève lambda, j’aurais effectivement rejeté la proposition mais vu que tu es la seule personne qui avait gagné la confiance de Horikita-senpai, j’ai fait une exception.

Il considérait que je faisais partie du camp de Horikita Manabu.

Nagumo — Réponds-moi, Ayanokôji. Que prévois-tu de faire ?

« Ne t’inquiète pas d’une existence futile comme la mienne ». J’aurais aimé lui dire ça mais Nagumo n’aurait jamais accepté cette réponse. Comme je ne savais pas ce qui m’attendait dans le futur, il était important d’apprécier l’instant présent.

Moi — Ce n’est pas la question. Tu ne devrais pas plutôt te concentrer sur l’examen ? Après tout, les points sont doublés aujourd’hui. D’autant plus que ton groupe et celui de Kôenji sont au coude-à-coude. Ta présence ici fait que tu vas lui donner un avantage conséquent car vous allez manquer les primes de rapidité ou bien des tâches où tes compétences auraient été utiles.

 Autrement dit, il savait pertinemment qu’il laissait une ouverture à Kôenji.

Nagumo — Ne t’en fais pas, je me suis occupé de son cas.

En disant cela, Nagumo sortit son talkie-walkie de la poche arrière. Même s’il était loin de son groupe, il pouvait donner les instructions facilement.

Nagumo — En fait tu m’intéresses. Si tu ne réponds pas à ma question, je la reformulerai volontiers. J’ai envie de voir de mes propres yeux si tu es digne des attentes de Horikita-senpai, alors ne te retiens pas.

C’était donc la raison principale de sa venue ici.

Moi — Est-ce que ça signifie que je dois affronter le président du Conseil des élèves ici-même ?

Nagumo — J’aime me battre mais surtout quand c’est du sérieux. C’est la fin de cet examen mais la guerre est loin d’être finie. Il y aura d’autres batailles inter-années à venir certes, mais je veux que tu sois mon adversaire ici et maintenant.

La provocation en duel du président du Conseil était on ne peut plus explicite.

Moi — Le gagnant n’était-il pas déjà décidé depuis le début de l’examen ?

Nagumo avait toujours occupé la première ou la deuxième place dans l’examen jusqu’à présent. Bien que Kôenji était tenace, il avait encore une chance d’inverser la tendance dans cette âpre bataille

Nagumo — J’appelle pas vraiment ça un duel. Je te rappelle que tu es seul tandis que moi que j’ai un groupe entier avec moi.

Moi — Kôenji n’est-il pas un adversaire approprié ? Il est bizarre mais il est clairement compétent. Et puis, je n’ai jamais été dans le top 10.

Je lui avais rappelé qu’il y avait de meilleurs adversaires que moi.

Nagumo — Il a clairement dépassé mes attentes. C’est le premier à m’avoir forcé à sortir le grand jeu.

En admettant cela, il haussa les épaules, visiblement impressionné par Kôenji. « Le grand jeu » auquel il faisait référence n’était autre que le talkie-walkie qu’il utilisait en ce moment. Il l’avait utilisé pour contrer Kôenji.

Moi — Réussir à gérer toutes les classes de terminale afin de monopoliser les primes de rapidité et les tâches est quelque chose que seul le président du Conseil peut faire j’imagine.

Contrairement aux seconde et aux première, presque tous les terminale étaient sous le contrôle de Nagumo. S’il voulait bloquer complètement Kôenji, il aurait pu le faire en mobilisant tous les terminale à sa disposition. En effet, peu importe ô combien il était fort, c’était inutile s’il ne pouvait participer aux épreuves pendant un long moment. Et ceci, il allait le faire pour anéantir toutes les équipes qui le talonnaient dans le top 3. Kôenji n’avait pas pu obtenir les primes de rapidité et s’il était aussi bloqué pour les tâches, cela signifiait que les groupes sous influence de Nagumo allaient creuser l’écart en gagnant continuellement des points.

Nagumo — Tu as donc compris ma stratégie. Quand est-ce que tu as compris ?

Moi — Je me suis douté de la chose lors de la tâche des drapeaux de plage. Le vice-président Kiriyama t’avait gardé une place.

Comme j’étais arrivé alors qu’il y avait toujours une place libre, il avait inscrit quelqu’un en catastrophe puisque Nagumo étais trop occupé à barboter dans l’eau.

Moi — Je pensais que toi et le Vice-président Kiriyama étiez rivaux mais ça n’a pas l’air d’être le cas.

Nagumo — Même s’il me déteste, il s’est associé à moi juste pour atteindre la classe A.

Moi — Hormis Kôenji qui est un cas particulier, je n’ai pas envie de faire quoi que ce soit à un élève ordinaire.

En entendant ma réponse, Nagumo sembla la trouver drôle et se mit à rire.

Nagumo — Tu viens vraiment de dire que j’étais ordinaire ? Tu penses sérieusement que je ne suis pas une menace ?

Moi — Ce n’est pas ce…

Je voulais préciser ma pensée mais Nagumo m’interrompit.

Nagumo — Tu penses peut-être que j’ai gagné parce que j’ai mobilisé tous les terminale, mais ce n’est pas le cas. Je vais te montrer mon superpouvoir.

Moi — Superpouvoir ?

Nagumo — Laisse-moi deviner ton classement à la fin du douzième jour.

Seuls les classements des 10 premiers et des 10 derniers groupes étaient publics. Si l’on excluait ces 20 groupes des 157 groupes au total, on comptait 137 groupes. Bien sûr, j’étais le seul à connaître mon classement exact. Au dernier moment, avant que les groupes ne soient cachées, j’étais à la 16e place.

Nagumo — Tu es onzième n’est-ce pas ?

Dit-il avec beaucoup d’assurance, mais il s’était un peu raté. Cependant, je ne voulais pas sourire pour lui montrer que c’était le cas. Le 12, comme j’avais utilisé le GPS à plusieurs reprises pour contrer les assauts des seconde, j’étais retombé à cette place alors que j’aurais pu sûrement rester onzième. Mais ce n’était qu’une supposition, vu que je ne connaissais pas les scores des autres groupes. Si Nagumo avait presque visé juste ce n’était pas dû à de la chance ou à de quelconques pouvoirs en tout cas.

Nagumo — C’est pas exactement ça ? Tu es donc 15e ou 16e, c’est ça ?

Moi — Oui. C’est vraiment bien joué.

Si je l’admettais bien sagement, il n’aurait rien d’autre à dire.

Nagumo — Je plaisantais pour cette histoire de superpouvoir. Je suis juste parti du principe que tu dissimulais tes capacités.

Nagumo était bien meilleur que je ne le pensais.

Nagumo — Pour ne pas te faire remarquer, tu es resté en dehors du top 10 mais pas trop loin non plus pour avoir une chance de revenir. Et ça peut être le cas si je perds contre Kôenji.

Afin de ne pas attirer l’attention, je me complaisais dans ce rang avant le douzième jour. Comme c’était la fatigue générale, les groupes supérieurs commençaient à freiner leur dynamique.

Selon les circonstances, j’aurais pu accumuler des points et entrer dans le top 3 facilement mais j’avais prévu de m’en tenir à mon classement actuel.

Nagumo — Tu as remarqué n’est-ce pas ? Que dès le début c’était peine perdue.

La stratégie que nous avions développée avait été rendue inutile par Nagumo.

Nagumo — Kuronaga en terminale est toujours à la dixième place, n’est-ce pas ? Je lui avais demandé de garder cette place pour bloquer ceux qui avaient secrètement gardé des points pour revenir dans la course.

Vu qu’il y avait une grande différence de points entre la neuvième et la dixième place, il devenait au fur et à mesure des jours de plus en plus difficile pour moi de viser le top. Tout cela était conforme au plan de Nagumo, éliminant de force ses ennemis invisibles pour ne se concentrer que sur la menace visible.

Nagumo — J’ai toujours douté de ton talent mais maintenant je comprends un peu mieux. Tu vas avoir l’honneur d’être écrasé par moi en personne, alors réjouis-toi.

Moi — Cela faisait partie de ton plan d’attaquer Kôenji le dernier jour ?

Nagumo — Si je voulais j’aurais pu marquer 400 ou 500 points même. Mais ce n’est pas drôle, n’est-ce pas ? C’est beaucoup plus jouissif de le laisser miroiter la victoire avant de l’écraser complètement au dernier moment pour me délecter de son expression de désespoir.

Nagumo, qui faisait partie du groupe le plus fort, passa les deux semaines de manière détendue. Il attendait le dernier jour pour battre Kôenji en prenant la première place. Si Nagumo voulait être sérieux, il pouvait aisément estimer les points de chaque groupe grâce aux recherches GPS et à ses sbires qui étaient témoins des gains de points des autres lors des primes de rapidité et des tâches. Il ne fait aucun doute que Nagumo avait estimé le nombre de points de Kôenji. Autrement dit, il était capable de gagner la première place au point près.

Nagumo — Enfin, je me fiche bien de Kôenji maintenant. Ce qui m’importe avant de quitter cet établissement c’est te battre, Ayanokôji.

Nagumo, qui n’avait cessé de courir après Horikita Manabu, avait projeté l’ombre de ce dernier sur moi. Ainsi, il voulait absolument m’affronter quel que soit la forme de notre duel.

Moi — Malheureusement, le leader de la 1ère D est Horikita. Même s’il y a un examen spécial où nous sommes en concurrence avec les terminale, je ne compte pas me battre avec toi.

Nagumo — Alors je vais devoir te forcer à te mettre sur le devant de la scène. Je peux divulguer la prime au public par exemple.

Autrement dit, il n’hésiterait pas à m’exposer.

Moi — Je suis désolé, mais je suis pressé. On pourra en parler une prochaine fois.

Nagumo — Tu crois que je vais te laisser partir comme ça ? Je ne te lâcherai pas tant que tu ne te battras pas avec moi !

Nagumo sembla vouloir me suivre et m’attrapa par derrière. Je ne voulais pas l’impliquer davantage avec Tsukishiro car il risquait de perdre tout ce qu’il avait construit en étant expulsé par ce dernier. Le persuader avec des mots n’allait servir à rien de toute manière alors je m’arrêtai de marcher et me retournai vers lui.

Moi — Alors tu veux te battre contre moi ?

Nagumo était ravi de l’entendre car il l’avait compris comme un accord. Pour le surprendre, je le poussai fort au niveau de la poitrine. Il ne s’attendait probablement pas à ce qu’un kôhai l’attaque aussi soudainement alors il tomba aussitôt par terre. La tablette qu’il avait en main et le talkie-walkie dans sa poche firent de même.

Nagumo — Mais qu…

Nagumo avait l’air de ne pas comprendre ce qui venait de lui arriver. Il fallait que je profite du fait qu’il soit désorienté.

Moi — Bien que tes compétences soient différentes de celles du président Horikita, elles t’ont tout de même permis de te hisser brillamment au sommet. Tu as même pu te maintenir depuis le début dans le top 3. Il n’est pas exagéré de dire que tu avais le contrôle total de cet examen. Mais j’ai bien l’intention de te battre.

Avant qu’il ne réagisse, je continuai

Moi — C’est juste qu’il y a certaines limites que tu ne devrais pas franchir. J’espère que tu comprendras.

Nagumo — Huh ? Tu te fiches de moi ? Tu oses me donner des ordres ?

Moi — Ce n’est pas parce que tu es un senpai digne de respect que je vais être indulgent avec toi.

Nagumo — Ah ? Qu’est-ce que tu fais ?

Je regardai Nagumo dans les yeux avec une aura meurtrière.

Nagumo — Urgh… !?

Moi — Tu ne comprends toujours pas ?

Nagumo se leva avec raideur, comme pour ne pas admettre sa peur.

Nagumo — Tu me dis ça alors que tu es juste devant moi ? Tu es la première personne à me sous-estimer à ce point, Ayanokôji….

À ce moment-là, une voix sortir du talkie-walkie.

 Nagumo, j’ai interféré Kôenji de participer à des tâches trois fois de suite. Quelles sont les prochaines instructions ?

La voix enjouée d’un élève de terminale se fit entendre. Sa stratégie pour faire obstacle à Kôenji semblait bien fonctionner mais Nagumo ne réagit pas et se contenta de me fixer.

Hé Nagumo, sans tes instructions on peut pas agir.  Si on veut que Kôenji prenne la deuxième place, il faut poursuivre l’attaque non ?

Moi — Tu es sûr que tu ne veux pas répondre ?

Il était évident pour Nagumo que sa réponse était importante mais ce dernier se contenta d’éteindre tranquillement le talkie-walkie. Sans même enlever la terre sur ses vêtements, Nagumo s’approcha.

Nagumo — Je ferai en sorte de t’écraser. C’est ma dernière mission en tant que président du Conseil des élèves.

Il laissa donc l’émotion l’emporter ? Ainsi le président du Conseil des élèves a renforcé sa résolution, ignorant la pression venant de mon côté.

Nagumo — Je…

Je décochai un coup de poing rapide dans sa poitrine sans hésiter.

Nagumo — Ah, tu…. !!!

En un instant, sa respiration fut coupée net et il tomba au sol, inconscient. Je pris Nagumo dans les bras et le déposa sous un arbre pour qu’il reste à l’abri du soleil. Comme il ne m’avait pas écouté, je n’avais pas le choix que d’en venir à cette extrémité-là.

La montre de Nagumo détecta son état anormal ce qui déclencha l’alarme pendant 5 secondes. Il devait se réveiller dans 20 ou 30 minutes mais c’était suffisant pour ne pas l’impliquer avec Tsukishiro.

Bien entendu, je n’en avais pas fini avec lui et il me posera certainement des problèmes avant qu’il ne soit diplômé mais la priorité était de se débarrasser une bonne fois pour toute de Tsukishiro.

Il le fallait si je voulais aller de l’avant.

3

(Horikita)

Après 10h du matin, moi, Horikita Suzune, me dirigeais vers le nord entre I4 et I3 pour atteindre la cible en I2. C’était ainsi le dernier jour, là où il fallait rassembler toutes nos forces restantes. Heureusement, jusqu’à peu avant minuit hier, aucun élève de la classe D n’apparut dans les dix derniers groupes. Les cinq derniers groupes qui risquaient l’expulsion étaient tous composés de seconde mais il ne fallait pas se reposer sur nos lauriers car ces derniers pouvaient fusionner avec des grands groupes. Pour prendre un exemple extrême, si les dix groupes les moins classés fusionnaient avec des groupes beaucoup mieux classés alors cela chamboulait totalement le classement.

Ma tablette indiquait que la zone désignée était en I7, l’exact opposé de I2, où je me dirigeais. C’était une action scandaleuse que d’ignorer ma zone désignée mais si je faisais cela c’était à cause du bout de papier dans ma main droite. Je l’avais trouvé plié dans ma tente à mon réveil. Il y avait quatre mots écrits sans logique particulière : « Midi », « K-A. », « Expulsé » et « I2 ». Sur le coup, je pensai à deux choses : d’une part, que la personne avait une belle écriture inspirante. D’autre part, les stylos et les papiers n’étaient pas distribués sur l’île en libre-service.

Moi — Je me demande combien de points ça valait ?

Je me souvenais vaguement qu’on y faisait mention dans le manuel mais je ne me souvenais pas des tarifs, considérant cela comme un achat inutile. Enfin si la batterie de la tablette tombait en panne, ça pouvait en valoir la peine mais quoi qu’il en soit, je ne sais quel dingue avait fait l’achat d’un carnet et m’avait laissé une sorte de message codé.

Moi — Vu la facilité pour le comprendre, ce n’était même pas un code.

I2 désignait une zone et midi, l’heure. C’était forcément aujourd’hui car j’avais reçu la note ce matin et nous étions le dernier jour. On aurait pu croire à une blague mais les deux mots d’après ne laissaient pas présager cela.

Moi —  Voyons « K.A. » tout d’abord.

Si un autre élève avait vu cette note, il n’aurait probablement pas compris mais c’était tout simplement les initiales de Kiyotaka Ayanokôji. Ainsi on peut comprendre qu’aujourd’hui midi, en I2, Ayanokôji allait être expulsé. J’avais clairement pensé à une blague au début et quand ma zone désignée fut annoncée, je comptais bien ignorer le message. Mais je fus quelque peu inquiète quand je vis le signal GPS d’Ayanokôji-kun en E3. S’il continuait vers I2, alors c’était forcément sérieux. Si c’était une astuce pour me faire perdre des points c’était gagné car j’avais utilisé plusieurs fois la recherche GPS pour vérifier sa position. Ainsi, il était passé par F3 puis G3.

Il avait l’air clairement de se diriger en I2. Ayant cette intuition, je décidai de me rendre dans le nord pour confirmer la chose. Après tout, il avait une prime sur la tête et je ne pouvais pas exclure la possibilité que quelqu’un d’autre m’ait donné cette information. Même s’il restait du temps jusqu’à midi, je me demandais bien ce qu’allait faire Ayanokôji-kun. Bien sûr, il était possible qu’il ne se rendre pas en I2. Je voulais encore utiliser la recherche GPS mais je me retins car rester dans la moitié supérieure du classement n’était plus garanti vu que j’allais manquer des tâches et des zones désignées en me rendant finalement en I2.

 — Ah ! Je t’ai enfin rattrapée ! Attends-moi, Horikita !

Alors que je pouvais déjà apercevoir la rivière, une voix m’interpela.

Moi — …..Que fais-tu ici ?

Alors que j’étais à bout de souffle, Ibuki-san, qui me lançait un regard assassin apparut. On dirait qu’elle avait utilisé la recherche GPS pour retrouver.

Ibuki — Montre-moi combien de points tu as !

Moi — Attends, quoi ?

Elle avait surgi comme ça de nulle part pour me demander mon score alors que nous étions en compétition. La scène était lunaire.

Ibuki — Je te l’ai dit pourtant ! Que je ne perdrai pas cette fois !

Elle me pointa du doigt au niveau des yeux.

Moi — Tu ne peux pas attendre l’annonce officielle des résultats ?

Ibuki — Rien ne dit que tous les scores seront annoncés.

Moi — Ce n’est pas faux. Seuls les dix premiers et derniers importent.

Il n’y avait certes aucune garantie que tout le classement ne soit publié mais rien ne disait qu’ils n’allaient pas le faire.

Ibuki — Donc, laisse-moi voir ton score maintenant.

Elle voulait savoir qui avait marqué le plus de points en cette dernière journée.

Moi — C’est bête. Si tu es venue jusqu’ici c’est que tu es très sérieuse. Mais combien de points as-tu gaspillé pour la recherche GPS ?

Ibuki — Seulement trois. Tu étais dans le secteur alors c’était l’occasion.

Plus la distance était grande et plus il était difficile de trouver la personne souhaitée. Ibuki-san avait dû utilier la recherche GPS trois fois pour venir ici.

Moi — Ma pauvre.

Ibuki — Pas besoin de ta sympathie, accouche. Moi j’ai 131 points !

Elle affirma la chose avec détermination.

Moi — Merci de me le dire même si je ne t’ai rien demandé. Mais deux choses. D’une part, rien ne garantit que tu dises ton vrai score.

Ibuki — Quoi ? Eh bien, pourquoi ne pas regarder ?

J’empêchai Ibuki-san de sortir la tablette de son sac à dos.

Moi — D’autre part, même si tu disais vrai, je ne te dirai rien.

Ibuki — Quoi ? Ne me dis pas que tu vas faire comme lui ?

Lui ? Curieuse, je continuai de creuser la chose.

Moi— Même si nous sommes en première, je ne veux pas prendre le risque de révéler des informations.

À ce stade, je ne pensais pas être dans les dix derniers. Toutefois, le score pouvait changer jusqu’à la fin. Même si c’était le dernier jour, la possibilité d’être trompée par les informations d’Ibuki-san n’était pas nulle.

Ibuki — J’ai capté. Comme t’as moins de points que moi, tu fuis.

Moi — Que je gagne ou perde, je ne te dirai rien.

Même si j’avais été clair, Ibuki-san continua à se moquer.

Ibuki — Pourquoi tu admets pas ta défaite ?

Moi — Très bien, j’ai perdu. Tu peux retourner à ton examen.

Si ça pouvait la satisfaire alors je préferai aller dans son sens.

Ibuki — …T’es reloue ! Montre-moi ton score, allez !

Moi — J’ai admis ma défaite. Qu’est-ce qu’il te faut de plus ?

Ibuki — Je veux savoir de combien de points je t’ai battu.

Que c’était puéril…

Moi — Je suis désolée, mais je suis pressée.

Ibuki — Tu veux t’enfuir ?

Moi — J’ai besoin de me rendre à ma zone désignée. Où est la fuite ?

Je me retournai pour me dépêcher d’aller vers I2. Ibuki me suivit, peut-être parce qu’elle pensait vraiment que je m’enfuyais.

Moi — Tu as aussi ta zone désignée dans le nord ? Ou tu es juste en train de me suivre ?

Ibuki — Donne ton score. J’irai ensuite vers ma zone désignée.

Elle était très insistante et si c’était seulement ce qui l’intéressait alors autant m’en débarrasser car je ne voulais pas perdre plus de temps au vu de l’urgence.

Moi — …. J’ai perdu.

Ibuki — Oh, admets donc vraiment ta défaire ?

Moi — Non. J’ai été vaincue par ton insistance. J’ai collecté 145 points au total. Tu étais très proche, mais j’ai gagné le match.

Je révélai des informations que j’aurais dû dissimuler, voilà pourquoi je me déclarai vaincue.

Ibuki — Si c’est le cas, montre-moi ta tablette !

Je n’avais plus le temps de jouer. Il fallait que je me dépêche.

Moi — Bon très bien.

Ce n’était peut-être pas la meilleure chose à faire mais à ce stade de l’examen, cela n’allait pas avoir un grand impact. Je posai mon sac à dos et de là, je cherchai la tablette. Ibuki-san garda un visage sévère et attendit. C’est lorsque je pris ma tablette en main et que j’étais sur le point d’appuyer sur le bouton power qu’au même moment, nous avions senti une forte présence devant nous qui n’essaya pas de se cacher. Nous levâmes les yeux.

— Je t’ai trouvée.

Une voix innocente. Comme celle d’un enfant qui appelait l’un de ses amis.

— Bonjour, Horikita-senpai !

La venue de cette élève déplut tout de suite à Ibuki-san qui montra clairement son rejet.

Ibuki — T’es q…

Amasawa —Amasawa Ichika, 2nde A.

Il était possible que ce soit une coïncidence mais il y avait quelque chose d’étrange. Pour vérifier, je me tournai vers Amasawa-san avec la tablette dans la main. C’était peut-être elle l’auteur du papier.

Amasawa — Vous pouvez continuer, je vais me faire discrète.

Moi — Je ne crois pas non. C’est privé, je n’ai plus rien à dire.

Ibuki-san était consciente que je ne voulais pas révéler mon score peu importe qui gagnait. J’avais espoir d’en finir avec elles deux mais Amasawa-san ne bougea pas. En voyant cela, Ibuki-san bondit, visiblement irritée par la présence de cette dernière qui lui fit perdre la raison.

Ibuki — Tu gênes meuf !

Amasawa — Comment va Sudou-senpai, Horikita-senpai ?

Ibuki — Quoi ? Tu m’ignores ?

Elle avait forcément entendu la question d’Ibuki, mais Amasawa l’avait délibérément ignorée. Elle fit un mouvement d’épaule pour déposer son sac à dos, montrant ainsi qu’elle n’avait pas l’intention de partir tout de suite.

Amasawa — …Heureusement que tu étais là pour lui.

Elle sourit comme si elle ne se sentait coupable de rien. Pensait-elle qu’elle n’avait rien fait de mal ? Qu’elle ne devait pas d’excuse à Ayanokôji non plus ?

Ibuki — Tu gênes je t’ai dit ! On a une affaire à régler alors pars d’ici !

Amasawa — Une affaire ? Ça a l’air à sens unique pourtant.

C’était comme si elle écoutait notre conversation depuis le début. C’était peut-être le cas d’ailleurs.

Ibuki — Ça te concerne pas. Dégage d’ici tout de suite !

Le ton commença à monter. Ibuki pouvait en venir aux mains. Mais malgré la menace, Amasawa-san eut juste un sourire amusé.

Moi — Je me demande ce que tu es venue chercher, Amasawa-san ?

Je mis de côté le cas Ibuki pour le moment pour tourner mon attention vers Amasawa. Je ne voulais pas perdre plus de temps, mais pas le choix.

Ibuki — Merde !

Ibuki-san était irritée, mais elle abdiqua comme si elle n’avait pas le choix.

Awasawa — Petite question. Où est-ce que tu vas Horikita-senpai ?

Moi — Pour l’instant, j’ai une discussion avec Ibuki-san, mais dès que j’aurai terminé, je me rendrai en F3.

Bien sûr, c’était un mensonge. Mais comme Amasawa-san était associée aux élèves de seconde qui s’étaient ligués pour obtenir la prime sur la tête d’Ayanokôji, je devais rester prudente. C’était ma décision, mais je compris vite mon erreur.

Amasawa — Tu mens Horikita-senpai n’est-ce pas ? Ta zone désignée ne se trouve pas là-bas.

Moi — Comment ça ? Tu essaies de me jouer un tour ?

Amasawa — Cela ne sert à rien de me la faire à l’envers. La zone désignée où Horikita-senpai doit aller est I7, n’est-ce pas ?

Elle avait vu juste, ce qui n’était sûrement pas une coïncidence. Vu son expression faciale, son objectif était de me piéger depuis le début.

Moi — Nous, les première, avons notre propre manière de combattre. On ne peut pas dire tout le temps la vérité…

Après avoir dit cela, je continuai.

Moi — N’est-il pas normal que je me méfie de la personne qui a essayé d’expulser Ayanokôji-kun ?

Je changeai doucement le cours de la conversation. Les seconde étaient des ennemis déclarés. Il n’y avait pas besoin d’y aller de main morte.

Amasawa — Hmm. Eh bien, peut-être que c’est le cas.

Elle ne sembla pas vouloir rétorquer quoi que ce soit, laissant présager qu’elle était sûrement là pour quelque chose de précis.

Amasawa — Tu ne compterais pas aller en I2, Horikita-senpai ?

Apparemment, je faisais fausse route.

Moi — Tu es très perspicace à ce que je vois. C’est déroutant.

Même si elle avait utilisé une recherche GPS pour me localiser, elle n’aurait pas pu deviner comme ça la zone où je cherchais à me rendre. Je ne savais pas si je devais lui poser la question mais la thèse qu’elle soit l’auteur du papier se faisait de plus en plus crédible. Ibuki-san s’avança.

Ibuki — Hey, vous comptez discuter combien de temps là ?

J’étais tout aussi frustrée car j’avais déjà perdu du temps avec Ibuki-san. Maintenant, il était possible d’en perdre plus avec Amasawa-san sur le dos.

Moi — Ibuki-san.

Je décidai de démarrer la tablette pour vite montrer mon score à Ibuki-san. On pouvait aussi voir les trois places supplémentaires que j’avais obtenues pour mon groupe mais j’avais décidé de ne pas utiliser cet atout avant la fin de l’examen. De toute manière elle n’allait rien faire de cette information mais dès qu’elle vit le nombre de points, elle claqua sa langue. Elle se gratta la tête et s’exprima à haute voix. On pouvait sentir la frustration.

Ibuki — Huh ? Sérieux ? Ça craint…

C’était une réponse quelque peu cruelle à son dur labeur des deux dernières semaines mais Ibuki-san n’avait pas à rougir. Le fait qu’elle ait réussi à accumuler autant de points pour rivaliser avec moi alors que ses capacités académiques étaient faibles était remarquable.

Moi — Si tu es satisfaite, dirige-toi vers ta zone désignée. Tu as encore une chance de renverser la situation, vu que tout est doublé.

Ibuki — Ok mais pourquoi tu ne vas pas vers ta zone ?

Était-elle intéressée par ce qu’Amasawa-san avait dit ? «Ibuki, profite-en. Je n’ai d’autre choix que de manquer ma zone ».  Je lui suggérai cette pensée avec mon regard, ce qu’elle comprit.

Ibuki — Oui, rien n’est encore joué. Si tu comptes lâcher tes objectifs c’est ton problème. Je ne te ferai pas de cadeaux.

Surprise par la réponse d’Ibuki-san, cette dernière commença à marcher à reculons pour voir ma réaction avant de s’en aller. Avec ça, j’avais réussi à me libérer d’Ibuki-san pour le moment. Pendant que je rangeais ma tablette dans le sac à dos, je pensais à la situation avec Amasawa-san.

Moi — Je me dirige vers I2. Où est-ce que tu te rends au juste ?

Awasawa — Pourquoi abandonnes-tu ta zone désignée pour aller en I2 ? C’est complètement illogique de faire ça en ce dernier jour d’examen.

Moi — Je pense que tu le sais très bien.

Awasawa — Qu’est-ce que tu veux dire ?

Moi — Ne fais pas l’innocente. C’est toi qui as jeté ce papier dans ma tente. Quel est ton objectif ?

Je lui exposai le papier plié entre le pouce et l’index de ma main gauche.

Awasawa — Un papier ? Je peux y jeter un œil ?

Je ne comprenais pas sa demande mais je n’en avais plus l’utilité de toute manière. Je lui rendis le papier, convaincue qu’elle en était l’auteur. Cette dernière vérifia le contenu.

Awasawa — « Midi », « K.A. », « Expulsé », « I2 ». Un message en pagaille.

Elle le lit à haute voix puis ferma les yeux.

Awasawa — Je ne suis pas fan de ce jeu. Ça va un peu loin là.

Moi — Un jeu ? Que comptes-tu faire à Ayanokôji-kun et moi ?

Awasawa — Rien de spécial. Je suis juste une participante comme toi.

Moi — Ne mens pas. Si tu es là c’est que c’est toi qui as écrit ce message.

Amasawa-san eut un rire gêné et déchira le papier en sept ou huit morceaux avant de le jeter.

Awasawa —  Quand tu as lu ces quatre mots, as-tu senti quelque chose d’inquiétant ?

Moi — Ayanokôji-kun pourrait être expulsé de l’école. C’est on ne peut plus clair il me semble.

Awasawa — Hmm.

Elle continua à parler comme si elle était plus consciente de la situation que moi. Il fallait avancer de toute manière alors je remis mon sac à dos et m’approchai d’elle.

Awasawa — Tu ne sais manifestement rien d’Ayanokôji-senpai. Tu agis comme une camarade juste parce que vous êtes dans la même classe !

Quand je fus à son niveau, Amasawa prononça ces mots.

Awasawa — J’ai raison n’est-ce pas ? Tu ne sais rien à propos d’Ayanokôji-senpai ?

Je m’arrêtai net, car elle piqua mon intérêt.

Moi — Tu sous-entends donc que tu le connais mieux que moi ?

Je la fixai. Son corps se raidit et elle regarda dans les yeux pendant un moment, avec un sourire empli de suffisance.

Amasawa — En effet. Je connais très bien Ayanokôji-senpai. Pourquoi est-il si beau, si intelligent… et tellement plus fort que les autres ?

Je n’aurais jamais pensé qu’une nouvelle élève en connaîtrait autant sur Ayanokôji. Se connaissaient-ils avant le lycée comme Kushida et moi ? Amasawa continua à s’exprimer, avec indifférence cette fois.

Amasawa — Alors, que sais-tu de lui, Horikita-senpai ?

Ce que je savais de lui ? Dans cet établissement, Ayanokôji était mon premier… ami. Oui, on pouvait le considérer comme tel. Nous avions beaucoup parlé parce que nous étions voisins mais pour moi c’était quelqu’un de moyen en apparence qui cachait ses véritables capacités. Mon frère l’avait remarqué dès le début en l’affrontant mais Ayanokôji préférait rester dans son coin pour mener une vie paisible sur le campus. Très peu de gens connaissaient sa force. Le reste des élèves avait plus ou moins les mêmes informations sur lui.

Moi — C’est vrai. Je ne sais probablement rien de lui. Je ne le nie pas.

En voyant Ayanokôji-kun, il était naturel d’arriver à cette conclusion et Amasawa le savait probablement. En entendant ces mots pouvant sonner comme une défaite, Amasawa sourit joyeusement.

Moi — Mais…

Amasawa — Mais ?

Ça n’avait pas d’importance de savoir ce que je savais sur lui pour le moment.

Moi — Jusqu’à la remise des diplômes, je veux continuer à mieux le comprendre en tant que camarade de classe…. En tant qu’amie même.

C’était un souhait sincère. Il m’avait aidé plus d’une fois et son existence était indispensable pour la classe… un camarade important dont nous ne pouvions nous passer. S’il se trouvait dans une situation dangereuse, il m’était impossible de l’ignorer. Voilà pourquoi j’avais abandonné ma zone désignée pour m’empresser d’aller là-bas. Maintenant je réalisai de plus belle que c’était la meilleure chose à faire. Le reste était superflu.

Amasawa — Tu penses pouvoir aider, Horikita-senpai ?

Moi — Je ne suis peut-être pas assez forte pour le moment, mais j’ai bien l’intention de l’aider s’il rencontre des difficultés.

Après tout c’était une question d’expulsion. Cette conversation, que j’avais d’abord considérée comme une perte de temps s’était retrouvée plus instructive que jamais. Je devais la remercier de m’avoir fait prendre conscience de tout ça. J’étais sur le point de m’éloigner quand Amasawa tendit sa main droite pour me bloquer le passage. Quand je revis son visage, son sourire avait disparu et elle me regardait avec une intention meurtrière intense.

Moi — Si j’ai bien retenu quelque chose, c’est qu’I2 sera le théâtre de problèmes importants. Voilà pourquoi je dois y aller.

Je ne pouvais pas perdre plus de temps ici.

Amasawa — Où comptes-tu aller ?

Moi — Tu es sourde ? Je vais en I2 pour aider Ayanokôji-kun.

C’était un premier pas pour moi dans ma volonté de l’aider.

Amasawa — Sans blague, comment pourrait-il avoir besoin de toi ?

Elle dit cela pour me corriger.

Moi — Pour le moment.

Amasawa — Donc tu dis que ce sera différent dans le futur ?

Je hochai la tête et la fixa du regard.

Moi — Encore une chose, j’ai compris que tu n’es pas l’auteur de ce papier car tu me bloques le passage.

J’essayé de contourner sa main droite, mais Amasawa intervint de nouveau.

Amasawa — Je ne peux pas te laisser y aller, Horikita-senpai.

Moi — Plus tu tenteras de m’arrêter, plus je me presserai pour aller en I2. Ça prouve que tu n’es pas sereine.

Cela n’avait rien à voir avec sa connaissance de la situation. Il était évident de toute manière que quelque chose se passait avec Ayanokôji-kun.

Amasawa — Tu crois que tu peux me passer dessus ?

Moi — Oui, je pense que je le peux.

Même si je devais forcer le passage, il fallait que je le fasse.

Amasawa — Je vois. Ta détermination m’a été transmise. Je vais juste attendre que tu lâches ton sac.

Ce n’était pas seulement une menace verbale. Ainsi, j’acceptai franchement la situation et posa mon sac à dos à mes pieds.

Moi — Laisse-moi te dire quelque chose avant. J’ai de l’expérience avec les arts martiaux.

Amasawa — Je le savais déjà.

Moi — …Ah, tu es donc très bien informée. Non seulement sur Ayanokôji, mais aussi sur moi.

Amasawa — Laisse-moi te dire tout de suite que je suis très puissante. Garde bien ça en tête.

Dès l’instant où elle déchaîna sa colère sur moi, je compris qu’elle n’était pas une élève ordinaire. Nous étions toutes les deux fatiguées physiquement vu que c’était le dernier jour d’examen alors on pouvait dire que nous étions à égalité à ce niveau. Je me mis lentement en position, observant les mouvements d’Amasawa devant moi. Elle n’adopta pas de posture particulière, mais opta pour une expression étrange.

Amasawa — Puisque tu as dit vouloir partir à la rencontre d’Ayanokôji-senpai, je vais jouer un peu avec toi.

Le pied gauche d’Amasawa quitta le sol.

Moi — Huh ?!

J’étais évidemment sur mes gardes, mais je sentis tout de suite le danger, ce qui me fit bondir en arrière. Son bras qui s’était tendu n’avait aucune force, peut-être voulait-elle seulement m’attraper. Je pensais que j’avais évité son premier coup, mais le temps que je reprenne mes esprits, elle m’avait déjà attrapé par le col.

Moi — Impossible…

En prononçant ces mots, je commençai à avoir la tête qui tournait. Ce n’est qu’après avoir ressenti une douleur dans le dos que je réalisai que j’avais été projetée sur le sol. Je tombai ainsi sur le dos.

Moi — Kgh- !

Cela faisait tellement mal que j’en eu la respiration coupée. J’expirai avec douleur.

Amasawa — Oh, il faut faire plus attention tu sais. Allez, je te laisse un peu de temps pour récupérer, lève-toi.

Amasawa me regarda avec un sourire malicieux sur le visage. Je n’avais pas besoin de préciser à quel point c’était humiliant. Il avait suffi d’une seule rencontre avec elle pour comprendre sa force. Je me doutais bien qu’elle était forte pour une fille mais je ne m’attendais pas à une telle différence. Moi qui pensais la surpasser avec du travail acharné, de l’ingéniosité, de l’agilité et de la chance, j’étais bien naïve. Quoi qu’il en soit, mon dos avait pris un sérieux coup. Une personne lambda aurait pu ne pas se relever. Heureusement, le sol terreux a pu minimiser les dégâts à l’impact, mais il m’avait quand même fallu du temps pour me relever. Si mon adversaire se vantait de son contrôle total du combat alors cela allait être sa faiblesse. Je décidai de me lever en prenant mon temps.

Amasawa — Je t’attendrai, ne t’inquiète pas. C’est normal de faire une pause de 5 ou 10 minutes tu sais.

Moi — Ça me va. Tant que ta motivation reste de m’empêcher d’aller voir Ayanokôji-kun.

Amasawa — Ce n’est pas mieux d’abandonner le combat, non ? Ce serait en fait mieux pour toi Horikita-senpai.

En effet, j’avais bien tenu jusqu’à présent. Là, je risquais d’être contrainte d’abandonner l’examen voire d’être expulsée alors que j’avais tout réussi à gérer sans accroc jusque-là.

Amasawa — Fuuu ~ C’est reparti pour un tour donc….

Lorsque la douleur avait presque disparu, je me mis de nouveau en garde. Je me remémorais mes sessions de combat auparavant.

J’avais certes de bonnes connaissances en arts martiaux, mais je ne faisais surtout que mimer ce qu’on m’avait appris. Je n’étais pas si forte que ça dans l’absolu. La vitesse d’exécution des mouvements d’Amasawa était hallucinante mais si elle n’était bonne qu’au judo, j’avais ma petite idée de comment gérer la situation.

Une fois, un professeur de karaté m’avait appris ce qu’il fallait faire si un garçon attrapait une fille en voulant la mettre au sol. J’étais en train de m’imaginer les mouvements à faire. C’était un coup dangereux mais vu que c’était Amasawa en face, il n’y avait pas à s’inquiéter. C’était comme si j’affrontais un professeur.

Moi — Yahahahahahah !

Ce que je remarquai, ce n’était pas le visage d’Amasawa, mais les mouvements subtils de ses pieds et de ses épaules. Elle sembla trouver cela amusant et rit aux éclats.

Amasawa — Uhuh, Horikita-senpai, je comprends ce que tu ressens, maisssssss…

Je ne pouvais pas me permettre de jouer avec elle. Il fallait que je lise à travers ses mouvements. Après d’âpres moments, j’avais réussi à bloquer son pied droit mais un coup de pied gauche s’approcha à grande vitesse pour me frapper en plein dans l’abdomen.

Moi — Ah !

Au bord des larmes à cause de la douleur, je tombai au sol. Mon bras n’eut pas le temps de bloquer que je reçus un autre coup de pied dans le ventre. Je roulai deux ou trois fois sur le sol, confuse, mais cette fois, j’avais compris ses mouvements.

Amasawa — Tu pensais que je ne faisais que du judo n’est-ce pas ? Ce que tu peux être naïve.

Moi — Huff, hu….huuu…. !

En appuyant inconsciemment sur le côté droit touché, je fermai les yeux. La douleur était si intense que mon cœur avait lâché sur le coup.

C’était la deuxième fois que je ressentais un tel désespoir. Avec la confrontation face à Hôsen-kun, ça faisait la deuxième fois en un court laps de temps que je me retrouvais dans une telle situation. Si ça continuait encore et encore durant l’année, j’allais perdre confiance à force.

Moi — Les seconde de cette année n’ont rien de mignon.

Amasawa — Tu veux dire que l’an passé, tu étais une fille tout sourire avec tes senpai ? Je ne pense pas être si différente pourtant ? Ou pas…

Je sais que c’était une remarque mesquine de ma part mais sa réponse fut cinglante. Même si nous étions différentes, tout comme moi elle n’était pas affectueuse. J’essayai de me lever, mais quand j’essayai d’utiliser ma jambe, j’eus une absence. À cause des deux coups reçus, j’avais perdu plus de force que je ne le pensais.

Moi — Qui es-tu ? Tu sembles connaître le passé d’Ayanokôji-kun…

Une chose était certaine, Amasawa avait une force incroyable, tout comme lui. Quand il avait combattu mon frère ou Hôsen-kun, Ayanokôji-kun nous avait montré à ce moment-là sa vraie puissance.

Amasawa — Comment veux-tu que je réponde à ça, senpai ?

Moi — C’est vrai que tu n’as pas l’air d’être le genre à parler facilement.

En tout cas, la seule bonne nouvelle c’est qu’elle me laissait le temps de me relever. Après tout, son but était seulement de me bloquer le passage et elle semblait avoir tout le temps pour ça. Pour continuer, il fallait que la douleur dans mon dos se calme pour de bon.

Amasawa — Hum… Je suis déçue. Je te pensais plus forte, Horikita-senpai. C’est pour ça qu’Ayanokôji-senpai n’a pas demandé ton aide.

 Son regard me transperça le cœur.

Amasawa — Quand tu dis que tu veux l’aider, c’est en fait pour découvrir ce qu’il pense de toi. Pour voir s’il te fait vraiment confiance ou non.

Moi —…Peut-être…

Amasawa — Franchement, tu n’es pas digne de la confiance d’Ayanokôji-senpai.

Moi — Même si c’est le cas, c’est à lui de me le dire. Non à toi.

Amasawa — Tu comprends ce je veux dire par là ?

Elle ne cacha pas son agitation et s’approcha de moi.

Amasawa — Même Kushida-senpai est plus perspicace.

Moi — « Kushida »-san ? Pourquoi la mentionnes-tu ?

Amasawa — Lève-toi, Horikita-senpai. Je ne veux plus te parler. Tu m’ennuies. Alors, finissons-en.

Heureusement qu’elle me laissait du temps pour me relever. Dans tous les cas, je ne comptais pas abandonner ce combat. En me levant, je me concentrai pour essayer de suivre le rythme d’Amasawa. Je ne pouvais rien faire d’autre de toute manière.

Amasawa — Allez !

Amasawa courut vers moi d’un pas rapide. Défendre ? Esquiver ? Aucun des deux n’allait fonctionner. Dans ce cas, il fallait que je tente le tout pour le tout !

  Le bruit d’un impact de poing résonna près de mes oreilles. Mais il n’y avait pas de douleur. Une silhouette apparue devant moi, m’obstruant la vue.

Moi — Toi, pourquoi…

Une élève attrapa le poing devant moi et s’exprima sans se retourner. Le dos de cette petite silhouette appartenait à Ibuki, censée être partie.

Ibuki — Ah ah…. C’est censé être un combat ?

Amasawa — Bien joué, fufufu ~. Quelle entrée fracassante. J’ai eu peur.

Je ne comprenais toujours pas la situation et mon corps refusait toujours de bouger. Ibuki, se retourna et me regarda.

Ibuki — La seule personne qui te battra, c’est moi, alors je ne veux pas que tu perdes contre une seconde inconnue au bataillon.

Dit-elle en desserrant un poing. Une fois éloignée, Amasawa recula d’un pas.

Amasawa — Je suis Amasawa Ichika. S’il te plaît, souviens-toi de mon nom, Ibuki-senpai.

Ibuki — J’ai une mauvaise mémoire. Si tu veux que je m’en souvienne, tu ferais mieux de m’impressionner un peu, tu vois.

Amasawa — Ahaha, ça a l’air intéressant.

Ibuki — Je vais m’amuser avec elle, alors va où tu dois aller.

Moi — De quoi tu parles ? Tu as travaillé dur pour me battre non ?

Ibuki — Tu ne comptais pas abandonner ta zone désignée ? Quel est l’intérêt de te battre comme ça ?

« Tu es venue pour une raison aussi futile ? » me suis-je retenue de dire.

Moi — Elle est très forte. Tu pourrais le regretter !

Ibuki — Quoi ? Tu veux dire que je vais perdre ?

Moi —  C’est une adversaire redoutable.

Amasawa — Je ne me vois pas du tout perdre contre toi, Ibuki-senpai.

Ibuki —  Eh bien, c’est pas génial tout ça ?

Mon vain avertissement sembla se retourner contre moi. Je l’avais enflammé.

Moi —  Même si tu bats Amasawa, tu risques de faire sonner l’alerte. Tu seras contrainte d’abandonner. Pire, tu pourras être expulsée.

Ibuki — C’est la même chose pour toi non ?

Moi —  Certes…

Ibuki — J’ai confiance en ma force. Je peux la battre.

En disant cela, elle fit un signe de la main, indiquant que je devais vite partir.

Amasawa — Qui va se battre ? Dépêchez-vous de décider.

Moi —  Moi !

Ibuki — Sérieux ? Alors que t’as pris une raclée ? Tu vas gêner.

Moi —  C’est mon combat. Ce ne sont pas tes affaires !

Ibuki — Tu me fais tout un speech pour me dire qu’elle est trop forte pour qu’au final tu l’affrontes ?

Moi — C’est…

Non, il n’y avait pas moyen d’arrêter Ibuki avec une déclaration aussi peu convaincante. Mais je ne pouvais pas la laisser faire ça. J’attrapai son épaule et la força à reculer.

Ibuki — Qu’est-ce que tu fous ?

Moi — Si tu veux mon avis, tu ne peux pas gagner contre elle.

Ibuki — Qu’est-ce t’en sais ? Le combat n’a même pas commencé !

Moi — C’est la vérité. Je n’ai rien pu faire face à elle.

Puisqu’elle était déjà en colère, j’allais attiser les flammes de sa rage jusqu’au bout.

Moi — Alors dans ce cas prouve-le moi.

Je tendis ma main gauche vers Ibuki.

Ibuki — Tu fais quoi là ?

Moi — Si on veut sortir de cette impasse, prouve-moi ta détermination. Forme un groupe avec moi. Si quelque chose arrive à l’une d’entre nous, le groupe survivra quand même. C’est la seule manière d’empêcher l’expulsion.

Ibuki — La blague. Pourquoi je le ferais ?

Moi — Je viens de le dire. Si tu veux te battre, il va falloir que tu trouves un terrain d’entente avec moi.

Ibuki — Bordel, ça craint…

Moi — Ce n’est pas grave si tu n’aimes pas ça mais si tu veux rejoindre mon combat alors j’ai besoin de pouvoir compter sur toi.

Ibuki — Ça craint vraiment…Mais j’ai pas envie de me retrouver hors-jeu à cause d’une seconde.

Même si nous savions toutes les deux que nous étions incompatibles, chacune de nos montres se croisèrent. Le temps nécessaire à la liaison était de dix secondes.

Amasawa-san aurait pu nous arrêter mais elle ne fit aucun mouvement, préférant nous observer comme au début.

Amasawa — Ce n’est pas une mauvaise stratégie. En effet, si l’une de vous tombe sur un monstre et qu’elle finit mangée, le groupe évitera l’expulsion, fufufu~ .

Amasawa-san qui nous tourna le dos s’éloigna tranquillement de nous. Ce n’était clairement pas parce qu’elle avait peur du deux contre un qu’elle battait en retraite. Après une certaine distance, elle s’arrêta et nous fixa de nouveau.

Amasawa — Mais il y a une erreur de calcul, Horikita-senpai.

Moi — Comment ça une erreur de calcul ? De quoi parles-tu ?

Amasawa — Le fait de vous unir ici signifie que l’une d’entre vous est prête à mordre la poussière.

Je ne l’avais jamais vue sourire à ce point. C’était démoniaque.

Ibuki — Elle est sérieuse là, hein ? Ça va être le pied.

Bien qu’elle ait dû sentir la force redoutable de son adversaire, Ibuki sembla excitée.

Le signal de la fin de la liaison retentit.

Amasawa — Qui vais-je détruire en premier ?

Amasawa-san fut emplie d’une excitation féroce. Elle se rua sur nous, mains tendues pour nous attraper.

Amasawa — Désolée d’avance. Ahahahahahahaha !

Elle fit un sourire qui sembla difforme, plein de hargne et dénué d’humanité. Laquelle d’entre nous visait-elle ? Même si elle cherchait à se débarrasser de moi, je ne pouvais pas supposer qu’Ibuki ne serait pas attaquée.

Moi —Ibuki, pars à gauche !

Ibuki — Ne me donne pas d’ordres !

Dit-elle, en partant à gauche. Je partis à droite pour confirmer qui était sa cible. Amasawa courait droit vers nous et elle n’allait pas nous épargner, ne me laissant pas le temps d’analyser plus longtemps. Ainsi la distance entre nous s’était vite réduite et nous entrâmes en collision.

Comme nous ne pouvions pas synchroniser nos coups de poings, le timing de nos attaques était naturellement décalé. Mais, même ainsi, Ibuki et moi étions incapables de l’atteindre facilement. Amasawa esquivait nos attaques consécutives comme si elle était en plein entraînement.

Amasawa — Très bien, arrêtons-nous un moment.

Après avoir calmement bloqué nos assauts, elle nous arrêta.

Ibuki — Y’a un souci la nouvelle ?

Moi — Sérieusement…

Nous étions déjà à bout de souffle tandis que nous fixions Amasawa en face de nous. À deux contre un dans une situation normale, nous aurions dû être capables de la dominer mais c’est nous qui étions dépassées. C’était insensé, comme si nous faisions face à une lame tranchante humaine. Il suffisait d’une faute d’inattention pour se retrouver hors d’état de nuire.

Moi — Ibuki, arrête-toi

Ibuki — Lâche-moi !

Ne supportant peut-être pas d’être mise en difficulté, Ibuki utilisa sa souplesse pour montrer au maximum ses capacités à donner des coups. Comme si elle s’y attendait, Amasawa riposta en la saisissant avec son bras flexible.

Ibuki — Ah !!!

Amasawa — Je n’ai pas dit qu’on arrêtait ?

À ce moment-là, je ressentis un sentiment de malaise indescriptible. Il y avait clairement un écart de niveau. Était-ce un jeu pour elle ? Car elle semblait se battre toujours de manière aussi minimaliste comme durant notre face à face. Peut-être n’attendait-elle pas seulement que je récupère… Avec sa force elle pouvait facilement nous éliminer en tout cas. Il fallait que j’essaie quelque chose mais tout d’abord, nous devions sortir de cette situation.

Moi — Ah !

Je lançai mon poing gauche sur le côté d’Amasawa, mais elle l’esquiva facilement comme elle l’avait fait avec Ibuki.

Amasawa — Bon, c’est encore reparti.

Amasawa nous regarda avec un petit sourire et se détourna une fois de plus.

Amasawa — Tu n’es pas si différente de moi au final ?

Moi — Je ne suis pas comme toi, j’ai essayé en sachant pertinemment que ça allait finir comme ça pour réévaluer ma stratégie.

Amasawa — Des excuses bien lamentables.

N’importe qui dirait la même chose en regardant la situation.

Moi — Puisque tu ne me crois pas, je vais te montrer.

Elle se plaça plus loin en hauteur, alors j’en profitai pour attraper le bras d’Ibuki afin qu’elle ne s’élance pas seule.

Ibuki — Qu’est-ce que tu fous ?

Moi — Vu qu’on forme un groupe, suis mes instructions, ok ?

Ibuki — Huh ? Même pas en rêve.

Moi — On ne peut pas la battre comme ça. Essaye de comprendre.

Ibuki — Même si c’est le cas, je ne suivrai pas tes instructions !

Quelle était la meilleure façon de rendre Ibuki compréhensive ? Que ferait Ayanokôji-kun à ma place ? Comment deux personnes qui ne s’entendaient pas pouvaient œuvrer ensemble dans une situation précise ?

Ibuki — Je t’ai dit que je ne voulais pas !

Moi — Je sais que notre relation est tendue depuis notre différend sur l’île l’an passé. Mais j’approuve une chose chez toi.

Oui, c’est ce que je devais faire maintenant, sans hésitation.

Moi — Ton sens de la lutte est comparable au mien. Il est même meilleur.

Ibuki — Hé, tu me prends par surprise là. T’admets ta défaite alors ?

Moi — Mais ton style de combat est plus adapté pour les duels alors que j’ai l’expérience du combat à plusieurs face à un adversaire coriace. Si tu n’aimes pas la coopération alors prête-moi ta force.

Après avoir entendu ces mots, Ibuki me regarda pendant un moment.

Moi — Tu es au même niveau voire meilleure en combat mais c’est tout. Dans les autres domaines, je te dépasse largement. Tu n’es pas forte en cours, tu n’as pas de leadership tu ne sais pas coopérer. Je ne veux pas être méchante mais je ne peux pas te considérer comme une rivale si ce n’est pour satisfaire ton égo.

Même si je pouvais la mettre en colère, je continuai de parler.

Moi — Il est temps pour toi de changer, n’est-ce pas, Mio Ibuki-san ?

Ibuki — … C’était quoi ça ?

Moi — Si tu continues à te battre seule, tu risques vraiment l’expulsion.

Ibuki — Tant pis si ça arrive.

Moi — Donc tu souhaites recevoir une défaite totale ?

Ibuki — Huh ?

Moi — Si tu te fais éliminer, tu ne pourras plus être une rivale. Il faut persister jusqu’au bout si tu veux un tant soit peu me menacer.

Ibuki — Arghh, ferme-la. Je vais juste t’écouter ici, mais c’est tout, ok ?

Moi — Bien.

Ibuki — Alors qu’est-ce que je dois faire ?

Moi — Comme avant, on va attaquer Amasawa-san de manière successive. Mais la toucher est d’une importance secondaire. Je veux que tu esquives ses attaques tout en continuant à attaquer.

Ibuki — D’accord mais en quoi rater ses coups n’est pas important ?

Moi — Je pense avoir trouvé une ouverture. Quand je te donnerai le signal, attaque avec tout ce que tu auras.

Même si elle n’avait pas tout à fait compris, elle se mit quand même en garde.

Amasawa — La petite réunion est terminée ?

Nous avançâmes en même temps vers Amasawa de chaque côté. Pour ne pas se faire prendre, j’avais convenu qu’il fallait rester à distance après avoir donné un coup. Bien entendu même si Amasawa ne passait pas à l’offensive pour s’économiser, elle était forcée d’utiliser de l’énergie pour bloquer nos assauts continus. Je gardai mon calme et mis de la distance entre nous quand il le fallait. Si j’avais été seule, cela n’aurait pas marché mais maintenant que son attention était dans deux directions, ce style de combat fonctionnait.

Pas encore… Il fallait que j’agisse avant que l’on s’épuise. En raison de nos attaques dangereuses continues, les mouvements d’Amasawa commencèrent à ralentir. Bien qu’elle sourît toujours, elle respirait visiblement plus vite.

Moi — Maintenant !!!

Pour ne pas manquer cette occasion parfaite, j’élançai mon poing droit vers Amasawa de toutes mes forces. Elle para mon attaque facilement avec une main levée jusqu’ici, mais adopta une posture défensive.

Bien que mon poing fut bloqué, Ibuki, qui apparut derrière, décolla un pied du sol et lui donna un coup de poing en plein visage. En effet même si Amasawa s’était retournée, elle n’avait pas eu le temps de parer.  C’était la première fois qu’elle était touchée. Son corps s’était même mis à trembler.

Amasawa — Ah ! Ah !

Je me penchai ensuite pour enchainer sur un uppercut dans son abdomen alors vulnérable. J’enjambai son corps l’instant d’après pour l’immobiliser.

Amasawa — Ah… Ça a très bien marché…Hah, hah…. Hehehe ~…

Moi — Amasawa…. Je reconnais ta force, mais ton cardio n’est pas infini.

Cette surprenante faiblesse de sa part m’avait motivé à continuer.

Amasawa — Ahhhhh, ai-je été exposée ? Il est vrai que physiquement, je ne tiens pas beaucoup.

Même si la situation s’était retournée, elle tira la langue en souriant. En regardant brièvement la tenue d’Amasawa, je n’en croyais pas mes yeux. Sa peau fut légèrement exposée mais je ne pus m’empêcher de découvrir son nombril pour vérifier l’état de son corps.

Moi — Qu’est-ce que c’est…

Elle avait une sorte de gros bleu. Il était clair qu’elle avait déjà été frappée plusieurs fois et ce n’était en aucun cas l’un de nos coups. Elle avait dû se battre avant notre combat.

Amasawa — Je me suis battue avant de vous affronter, senpais.

Normalement, dans un tel état, son visage aurait été déformé par la douleur et elle aurait dû en train de tituber. Et pourtant, elle avait réussi à garder la face tout en étant encore plus forte que nous deux. Elle ne manquait en aucun cas d’endurance. Dès le début, elle luttait pour tenir. Elle avait tellement plus besoin de récupérer que moi que ça m’en donna le vertige. Qui avait pu infliger de tels dégâts à une Amasawa en pleine possession de ses moyens ? Pour moi, il n’y avait que Hôsen-kun capable d’une telle prouesse.

Amasawa — Tu veux savoir qui a fait ça ? C’est Kazuomi-kun…

Il n’y avait aucun doute que Hôsen-kun était fort. Il pouvait prendre l’avantage même contre la force irréaliste d’Amasawa. Cependant, je commençais un peu à la cerner au niveau du caractère. Elle n’était pas du genre à répondre honnêtement, se contentant d’offrir une réponse convaincante. Y’avait-t-il quelqu’un d’autre qui pouvait battre Amasawa ? Même si nous devions considérer tous les élèves de l’école, je ne pouvais penser à personne. Yamada…. Non, je ne vois pas ce qu’il y gagnerait.

Moi — Je suis désolée mais je ne te crois pas. Qui est-ce ?

Amasawa — Je ne peux pas répondre à cette question… Ah !

Focalisant mon attention autre part, elle en avait profité pour s’extirper.

Ibuki — Hey !

Moi — Oui, je sais, j’ai été négligeante.

C’était notre seule chance, mais j’avais laissé Amasawa m’échapper.

Ibuki — Bien joué, maintenant, retour à la case départ.

Bien que notre adversaire eût déjà subi beaucoup de dommages, la situation s’était de nouveau inversée. Pouvais-je la maîtriser de nouveau ? Honnêtement, je n’étais pas sûre mais je n’avais pas le choix. Et maintenant, sans savoir à quoi elle pensait, elle se dirigea vers son sac à dos et sortit sa tablette.

Amasawa — On dirait que c’est fini. C’était plutôt intéressant, mais je pense que notre temps est écoulé.

Moi — Qu’est-ce que tu racontes ?

Amasawa — Si tu veux passer, vas-y.

Amasawa fit mine de me laisser passer alors qu’elle avait défendu avec ferveur cet endroit. Était-ce un piège ? Avant que je ne puisse comprendre la situation, Amasawa commençait à partir.

Moi — Où vas-tu ?

Amasawa — Eh bien, vers ma zone désignée. Après tout, l’examen spécial n’est toujours pas fini.

J’imagine qu’elle avait dû vérifier la situation avec Ayanokôji-kun.

Amasawa — Ah, en passant, je ne pense pas que tu devrais aller voir Ayanokôji-senpai.

Moi —…Pourquoi ?

Amasawa — C’est fini. Si tu penses que je mens, va voir par toi-même.

Moi — Et Ayanokôji-kun alors ?

En entendant cette question, Amasawa ferma légèrement les yeux.

Amasawa — Va le confirmer par toi-même, même si c’est sûrement un peu tard pour t’en préoccuper.  

On dirait qu’Amasawa avait vraiment l’intention de partir car elle passa littéralement devant nous. Se pourrait-il qu’il soit blessé ?

Ibuki — Tu vas faire quoi ? Voir Ayanokôji ? C’est pour ça que tu t’es battue avec Amasawa, hein ?

Moi — Oui, je vais y aller.

Étant déjà arrivée jusque-là, je n’avais plus le temps pour revenir.

Ibuki — Alors je vais y aller aussi.

Moi — Pourquoi ?

Ibuki — Si Ayanokôji est en danger, alors je vais pouvoir me moquer de lui avec toi comme témoin.

Moi — Tu es vraiment mauvaise.

Nous mîmes rapidement nos sacs à dos et courûmes vers I2.

4

J’avais franchi la frontière pour passer en I2, mais ma montre n’indiquait pas que j’étais arrivé. Normalement, j’aurais soupçonné une erreur de GPS, mais cette fois-ci, c’était peu probable. C’était surtout dû au fait que le centre de la zone constituait une zone assez exiguë, m’obligeant à me rapprocher le plus de la pointe de l’île pour que ma montre tienne compte de mon arrivée. Ainsi, dans tous les cas, si Ichinose n’était pas venue, je me serais approché d’un endroit assez dangereux l’air de rien. Je marchai donc lentement sur ce chemin qui ne me permettait pas de m’échapper.

Après moins de dix minutes de marche, la lumière commençait à pénétrer la forêt dans laquelle j’étais et je pus apercevoir la mer bleue et le ciel de la même couleur s’étendre à perte de vue. Bien que je sois arrivé jusqu’ici, ma montre n’indiquait aucun signe. Au lieu de cela, il y avait deux adultes debout sur la petite plage devant moi, qui me regardaient. L’un d’eux était un homme que je connaissais bien, Tsukishiro, le directeur par intérim. Il portait un survêtement de sport, ce qui lui donnait un style assez décontracté. Et l’autre était Shiba-sensei, le professeur de la classe de 2nde D. C’est un duo assez improbable, mais néanmoins réel.

Moi — Vous avez décidé d’adopter une approche frontale, M. Tsukishiro.

Je m’exprimai en marchant le long de la plage

M. Tsukishiro — Tu ne me laissais pas bien le choix.

Je repensais à tous les jours de cet examen spécial. Il était clair que le dernier piège de Tsukishiro était de m’attirer vers I2. Mais ce n’était pas sans inconvénient.

En effet, comme il n’y a pas de zones désignées ou assignées autour de cette zone nord-est, il fallait me faire venir ici.  Qui plus est, qu’est-ce qui lui disait que je n’allais pas plutôt choisir la tâche au lieu de la zone désignée ? Ou que j’allais accepté d’avoir Nanase avec moi ? Il lui avait fallu compter sur la chance. Ou du moins c’était ce que je me disais.

Après tout, la défaite de Nanase, le fait qu’on ait pris des chemins différents… Que je gravite autour de la 11e place, le moment et les détails de l’attaque des seconde… Je pense quand même que Tsukishiro avait bien mis la main à la patte.

Moi — Et qu’est-ce qui m’attend, maintenant ?

J’aperçus de suite le petit bateau dans le coin de mon champ de vision, bercé par les vagues avec le moteur en marche. Ce qui signifiait qu’il était prêt à partir à tout moment.

M. Tsukishiro — Si possible, nous aimerions que tu suives nos instructions et que tu montes à bord, avec nous.

M. Shiba — Ce serait une façon de déclarer un retrait volontaire d’Ayanokôji Kiyotaka, cela correspondrait parfaitement.

M. Tsukishiro — Je suis sûr qu’il en sera ravi !

Ajouta-t-il.

M. Shiba — Pensez-vous qu’il viendra de lui-même ?

M. Tsukishiro — Certainement. D’ailleurs, après coup, je me dis qu’il n’y avait même pas besoin de tout ce cirque d’île déserte.

Moi — Je trouve cette question assez pertinente, en tout cas.

Non pas que j’étais vraiment proche de Shiba-sensei. Vu qu’il n’avait aucun contact avec nous, peut-être était-il un chien de garde d’Amasawa.

En tout cas, plus personne ne se cachait désormais. Certes, il y avait l’aspect « seuls sur cette partie de l’île », mais dans la mesure où Nagumo et Ichinose pouvaient aussi être vus ici je pense qu’ils servaient de camouflage. Enfin, quand bien même, je pense que ceux qui surveillaient étaient du côté de Tsukishiro de toute façon. Il ne me semblait, au passage, ne rien avoir de dangereux sur lui.

M. Tsukishiro — Si j’utilisais une arme ou autre, j’aurais pu facilement me débarrasser de toi. Mais malheureusement, tu es une denrée précieuse. C’est mon devoir de te ramener sain et sauf, alors j’ai décidé que mes poings suffiront.

Debout sur la plage de sable, Tsukishiro sourit sans crainte et tendit légèrement les mains. Donc, pour tenir jusqu’au bout, j’allais devoir me battre avec Tsukishiro. Contrairement à ce qui s’était passé avec Nanase, je ne pensais pas que mes esquives d’attaques allait fonctionner.

Moi — Donc la seule façon d’éviter l’expulsion c’est…

M. Tsukishiro — En effet.

Moi — Je suis un  élève de cette école. Je ne dis pas que la violence est un mauvais moyen de résoudre un problème, mais selon les règles normales il s’agit d’une « faute ».

M. Tsukishiro — C’est peut-être vrai. Cependant, Ayanokôji-kun, tu es un exemple de réussite qui a accompli quelque chose de spécial dans la White Room. Ces règles qui te limitent, il faudrait t’en défaire. Après tout, n’est-ce pas ridicule d’être en compétition avec des gens aussi banals ici, juste pour le plaisir d’être un gros poisson dans un petit lac ?

Moi — Et si c’était le cas ? Je suppose que ça le décevrait beaucoup.

M. Tsukishiro — Mais je sais que ce n’est pas le cas, hein  ? Le but ultime de la White Room est de s’emparer du Japon et, par extension, du monde. Ce n’est que si tu as cet objectif en tête que tu pourras accomplir de grandes choses, profiter du monde.

D’un petit lycée japonais, l’histoire s’étendait à conquérir le monde. Si quelqu’un avait entendu parler d’un tel fantasme, il aurait probablement ri. Il fallait croire que ça faisait pas mal rêver Tsukishiro lui-même, si ce n’était pas de l’excès de zèle.

Moi — Eh bien, pour dire la vérité, je ne pensais pas que ce lycée était un bon endroit.

M. Tsukishiro — Je suppose que oui. Après tout, tu as été habitué à un tel niveau depuis ton enfance…

Moi — Je parle surtout du programme scolaire. Car, humainement, je commence enfin à avoir une idée de l’endroit où je veux être et de ce que je veux faire ici. Je sais que je vais m’amuser jusqu’à ce que je sois diplômé, et il y a beaucoup de gens bien en dehors de la White Room.

En fait, je dirais que ce lycée détenait une richesse que la White Room n’allait jamais être capable de reproduire.

M. Tsukishiro — Je ne veux pas dénigrer les élèves de ce lycée. Comme tu le dis, il y a des gens talentueux de tout le pays. Parfois ils excellent dans les sports, parfois ils excellent dans les études. Mais ce n’est pas cette partie qui est importante. Ce qui compte sont les personnes qui peuvent exceller dans toutes les situations et diriger les autres.

Le directeur par intérim Tsukishiro jeta un léger regard à Shiba-sensei.

M. Tsukishiro — Qu’est-il arrivé à Nagumo-kun et Ichinose-san ?

M. Shiba — Nagumo a arrêté de bouger, et Ichinose s’est déjà éloignée, donc il n’y a pas de quoi s’inquiéter.

J’étais sûr qu’il avait calculé que j’allais outrepasser Nagumo et Ichinose.

M. Tsukishiro — Donc le seul contretemps semble être Amasawa.

Contretemps ? Est-ce que quelqu’un d’autre qu’Ichinose et Nagumo approchait ? Si un élève sans lien de parenté se présentait ici, ce serait une nuisance pour Tsukishiro. On dirait qu’Amasawa était censée être en charge d’empêcher cela.

M. Tsukishiro — Elle n’en fait qu’à sa tête, hein ?

Moi — Je ne savais pas qu’Amasawa travaillait avec vous.

M. Tsukishiro — Une traitresse, tout simplement. Elle a été choisie pour te ramener, mais en réalité elle n’en a jamais eu l’intention.

Comme pour dire que la discussion inutile était terminée, Tsukishiro s’avança. Nous perdions du temps. Il réduisit la distance entre nous petit à petit. Mais nous étions toujours à cinq ou six mètres l’un de l’autre. Shiba-sensei marcha lentement derrière moi pour s’assurer que je ne m’enfuyais pas.

M. Tsukishiro — Tu ne diras pas que ce deux contre un est inéquitable, n’est-ce pas ? Je suis même un peu nerveux d’affronter le meilleur élément de la White Room !  

Cela dit, il y avait une quantité écrasante d’espace pour Tsukishiro. Je pouvais sentir qu’il était convaincu qu’il pouvait bien se battre en un contre un, mais qu’il a ajouté une autre personne au cas où.

Je déplaçai alors mon regard vers le bateau qui attendait sur la rive. Pour autant que je puisse voir, le seul membre d’équipage était le pilote. Ce qui voulait dire que, dans le pire des cas, je devais éliminer trois ennemis.

M. Tsukishiro — Ne t’en fais pas, nous ne sommes que deux à t’affronter.

Je n’étais pas le genre à prendre ce qu’il me disait pour argent comptant. Après tout, il était possible qu’il porte une arme dissimulée, bien qu’il ait les mains vides d’après ses dires. Face à deux adultes aux compétences inconnues, tous deux de niveau agent, je devais me battre de manière prudente en raison de la présence d’armes, de renforts et d’autres facteurs incertains.

Normalement, le fait d’entreprendre plusieurs actions à la fois me faisait mal au crâne, mais se battre dans des situations absurdes et désavantageuses m’avait été inculqué à plusieurs reprises depuis mon enfance. Je me battais comme je respirais, techniquement.

Moi — Vous semblez très sûrs de vous.

L’avenir était incertain. La seule façon de me mettre en sécurité était de le vaincre ici. Normalement, j’aurais été enclin à faire le premier pas, mais ce n’était pas une bonne idée. Après tout il ne s’agissait pas d’élèves, mais des membres de l’équipe pédagogique. Si j’étais le seul à lever la main, j’allais en payer le prix fort.

M. Tsukishiro — « Même si je sais que j’aurai l’avantage, je ne peux pas initier le combat ». C’est ce à quoi tu penses n’est-ce pas ?

Tsukishiro, qui avait une connaissance détaillée de la politique éducative concernant la White Room fit part de son analyse.

M. Tsukishiro — Alors, commençons tout de suite, Shiba-sensei.

Dès qu’il dit son nom, les deux adultes commencèrent à marcher vers moi en même temps. Tous deux ne se pressèrent pas et s’approchent tranquillement en fermant la distance comme s’ils avançaient des pièces de Shōgi.

La présence et les pas de Shiba-sensei disparurent en même temps qu’il se retourne. La distance entre Tsukishiro et moi, qui s’avançait était de 7 pas, 6 pas, 5 pas, 4 pas….. Les deux mains de Shiba-sensei me saisirent le visage par derrière, ce qui m’obligea à esquiver.

Au milieu de cette esquive, Tsukishiro étendit son bras et vint me saisir comme Shiba-sensei venait de le faire. Je l’esquivai en roulant sur la plage, et fit l’effort de me relever et de courir en même temps pour m’échapper. La poussière dansait dans la brise de la mer. Les deux adultes ne se précipitèrent pas vers moi, se contentant de m’observer en silence. Je les regardai, et ils firent de même.

Ils essayaient de mesurer mes capacités par des mouvements concrets, à partir des données qu’ils n’avaient peut-être pas. Mes pieds s’enfoncèrent dans le sable. Je suppose que j’aurais dû enlever mes chaussures plus tôt. Sous le soleil brûlant, les deux se rapprochèrent. Observant le visage et le corps des deux, je gardais une distance en reculant au même rythme. Dos à la mer, je m’éloignai du sable mou et m’immobilisa,  tout en évitant de me retourner.

M. Tsukishiro — C’est une bonne idée, mais je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution, Ayanokôji-kun.

Ils n’allaient certes pas m’attraper, mais ils réduisaient mon chemin de fuite. Si je descendais plus bas, mes jambes allaient être frappées par les vagues, et c’est là que Tsukishiro et Shiba comptaient intervenir. Ils essayaient de me saisir, toujours sans intention de me faire du mal avec leurs coups.

M. Tsukishiro — Tu es bon pour t’enfuir.

Les deux se déplacèrent très rapidement, et l’espace pour les esquiver fut soudainement très limité. Après être tombé au bord de l’eau, je n’en pouvais plus et changeai de place.

M. Tsukishiro — Oh, as-tu renoncé à ce que la mer protège ton dos ?

Il est plus facile de faire faire des erreurs à son adversaire s’il est pressé. Pendant que j’y pensais, les deux frappèrent le sable et se dirigèrent vers moi.

Maintenant, si l’un d’eux m’attrapait, c’était fini. Quatre bras étaient tendus, et au moindre rapprochement de trop c’était terminé. Je commençai à courir et à essayer de prendre de la distance, mais ils n’allaient pas me laisser partir et commencèrent à me poursuivre. Courir dans un endroit comme celui-ci n’allait que continuer à me saper mon endurance.

Il était clair qu’ils avaient l’intention de me priver de mon endurance avec la chaleur et les mauvaises prises de pied. J’abandonnai alors mon mouvement de fuite dans ces conditions et, profitant pleinement du ressort de mon corps, je fis un pas en avant avec mon pied gauche, marchai sur le sable et me retournai pour attaquer Shiba-sensei, qui était juste derrière moi.

M. Shiba — Mwah !

Ce dernier se raidit légèrement à cause de mon mouvement qui avait montré une trajectoire inattendue. Je feintai avec mon poing gauche en visant la poitrine sur la droite, mais sentant le danger, Shiba ne paniqua pas et garda sa distance. C’était un signe qu’il était plus préoccupé à me fuir qu’à m’attraper.

M. Tsukishiro — Eh bien …… tu as fait un excellent travail en t’occupant de nous deux, Ayanokôji-kun.

Il se défendit en esquivant les attaques de part et d’autre, je n’arrivai pas à lui porter un coup net.

M. Tsukishiro — Mais la force humaine est limitée. Ne serait-il pas temps que tu reprennes ton souffle ?

Moi — Vous êtes un sacré adversaire, M. le proviseur !

M. Tsukishiro — Mon travail consiste à prendre l’initiative et à faire ce que les gens ne veulent pas faire.

Il n’y avait rien de propre ou de sale, juste un style de combat qui visait à me capturer et à me ramener à la maison. Mais je ne gaspillais pas non plus de l’endurance pour rien. Cela me permettait d’évaluer leurs capacités de combat. Il semblait y avoir de légères différences. J’avais noté Shiba-sensei à 6 et Tsukishiro à 4 ; le premier avait de meilleurs mouvements. Néanmoins, cela me semblait étrange, j’aurais pensé Tsukishiro supérieur. Par prudence, j’allais traiter les deux de la même façon. D’autant qu’on dit toujours qu’on laisse l’arrière aux moins forts… Peu importe, j’allais m’occuper de Shiba-sensei rapidement, d’un seul coup, avant que Tsukishiro ne se rende compte que je les analysais.  En un coup net et précis.

J’avais une seconde pour réfléchir, alors que les deux m’attaquaient à la même vitesse. Mais le poing qui semblait vouloir attraper frappa fort et s’était transformé en coup de poing. Petit changement donc, et si je n’agissais pas j’allais me faire dévorer par les deux. Malgré cela, j’allais devoir les battre.

Je me retournai vers Shiba-sensei pour échanger des coups, mais quelque chose d’inattendu se produisit. Je sentis quelque chose de froid sur mon cou et fut obligé d’interrompre la contre-attaque. J’avais beau m’éloigner en permanence de Tsukishiro… le son du poing de Shiba-sensei, balancé avec un léger décalage, parvint sèchement à mes oreilles. Fort heureusement, j’étais assez rapide, car la puissance de poing de ce dernier était au moins égale à la mienne.

De l’autre côté, je regardais les mouvements de Tsukishiro, qui auraient dû être moins fluides que ça. Tous les deux étaient plus vifs que prévu.

Moi — …Vous êtes si compliqué, M. le directeur !

J’avais évité de justesse.  En fait, pour la première fois depuis des années, j’eus des sueurs froides dans un combat. Si je n’avais pas fait confiance à mon instinct, je ne sais pas ce que j’aurais fait. Non seulement j’aurais été touché par le coup de Shiba, mais je n’aurais peut-être pas été protégé par l’attaque de Tsukishiro. Donc mes évaluations de leur niveau, respectivement 6 et 4, étaient fausses justement car ils camouflaient leur niveau pour me prendre par surprise. 

M. Tsukishiro — En théorie j’aurais dû en avoir fini avec toi là, mais ton temps de réaction est exceptionnel.

Il était peut-être sage de rester prudent. Ce n’était pas normal que Tsukishiro en face de moi soit inférieur à son compère. D’ailleurs tous deux étaient prudents et ne prenaient de risques que s’ils considéraient avoir une grosse ouverture. En clair, c’était assez défavorable pour moi car ils étaient très sur la défensive et étaient prêts à frapper à tout moment. Difficile d’imaginer qu’ils avaient tout programmé en une nuit.

M. Tsukishiro — Alors, tu analyses bien ? Ayanokôji-kun.

Le combat n’avait pas commencé il y a plus de deux minutes que j’avais déjà essayé plusieurs techniques, mais aucune n’était convaincante.

M. Tsukishiro — Un combat de gamins aurait été plus facile pour toi, hein ? Les jeunes veulent juste faire étalage de leurs compétences, c’est purement de l’égo. Nous autres, les adultes, sommes prêts à  tout pour arriver à nos fins.

Tsukishiro lisait également 99% de mes pensées. C’était une façon très précise de combattre sans hésitation, mais en même temps, il n’avait plus de temps pour ses propres pensées. Quoi qu’il en soit, dans la situation actuelle, il semblait que je devais également prendre des risques importants pour m’imposer.

M. Shiba — Monsieur le directeur Tsukishiro.

Shiba-sensei rompit le silence. Immédiatement après que son nom ait été prononcé, Tsukishiro semblait avoir remarqué un étrange changement. C’était quelque chose que personne ici n’avait prévu.

— Quelle surprise ! Je me demandais ce que le proviseur par intérim et un professeur font avec un élève dans un endroit aussi reculé ? Je suis assez curieuse !

Un visiteur bien indésirable.

M. Shiba —  Je suis presque sûr que vous êtes ….

Kiryuuin — Kiryuuin Fuka, de la terminale B.

Pourquoi diable est-elle ici ? Je pensais être le seul à avoir I2 en zone désignée.

M. Tsukishiro — Tu n’as pas l’air d’une âme égarée. Que puis-je faire pour toi ?

Après avoir abandonné sa position de combat, Tsukishiro demanda sur son ton habituel.

Kiryuuin — En fait, ça fait un moment que je vous observe derrière le grand arbre, et je ne comprenais pas pourquoi il était seul face à vous.

Bien sûr, il était impossible pour Tsukishiro et Shiba d’avoir manqué le signal GPS. Est-ce que… Il semble qu’un accident ait causé la défaillance de sa montre… Kiryuuin rit et montra une montre brisée.

Kiryuuin — Laissez-moi confirmer ceci, puisque j’ai la chance d’avoir des gens de l’équipe pédagogique en face… Cela ne pose pas de problème, non ? Que ma montre soit cassée, me laissant libre d’aller où je veux.

M. Tsukishiro — Aucun problème, les casses de montres ont été assez courantes durant cet examen.

Tsukishiro ne semblait pas être dérangé par l’arrivée d’une autre personne. En temps normal il se serait certainement retiré. Cependant, Tsukishiro comprenait sûrement que c’était le dernier endroit où il pouvait concrétiser son plan, il n’allait donc pas reculer. Ainsi il est probable que Kiryuuin soit mise sur la liste des personnes à éliminer.

Kiryuuin — Ayanokôji, puis-je t’être utile ?

Disons que sa montre cassée et le fait qu’elle ait assisté à tout ça constituait un début de réponse.

Moi — Hé bien, ça dépend… Ai-je raison de supposer que tu vas me filer un coup de main ?

Kiryuuin — Bien sûr. En tant que senpai, ne serait-il pas normal que je protège mon kohai ?

En disant ça, Kiryuuin rit et vint à côté de moi.

Moi — Mais qu’est-ce qui t’a amené ici au juste ?

Kiryuuin — Hier, tu fuyais les seconde. J’étais curieuse alors je voulais t’en parler, mais je n’étais pas sûre que tu allais me laisser t’approcher.

Donc elle avait pris la peine de casser sa montre pour camoufler sa venue.

Kiryuuin — Et on dirait que ça valait bien le coup d’être curieuse, car je découvre une situation assez incongrue.

Eh bien, « incongrue » était sûrement le mot.

M. Tsukishiro — Shiba-sensei, je vous laisse vous occuper d’elle.

Kiryuuin — D’après ce que je peux voir, les compétences du directeur intérimaire et de Shiba-sensei sont tout à fait impressionnantes. Je ne sais pas dans quelle mesure je pourrai aider, mais ce ne sera probablement très peu.

Kiryuuin brandit joyeusement son poing à mes côtés.

Moi — Si tu peux les occuper quelques secondes, ce serait déjà pas mal !

Kiryuuin — Je te le dis tout de suite, je tiendrai peut-être une minute ou deux. Mais Ayanokôji, tu peux y mettre un peu du tiens ?

Moi — Comment ça ?

Kiryuuin — Ton expression figée… Je sais pas, mets tes poings en l’air et participe à l’ambiance !

Je ne pensais pas t’entendre dire ça dans un endroit comme celui-ci. Mais sous l’étrange pression de Kiryuuin, je n’avais pas d’autre choix que d’adopter une pose. On se croyait dans une scène de combat d’une production TV.

Moi — Qu’est-ce que tu en penses ?

Kiryuuin — Heu… Bon, on va dire que ça va pour l’instant !

Souriante, Kiryuuin adopta également une pose de combat.

M. Shiba — T’es-tu déjà battue ?

Kiryuuin — Je suis une dame. Qu’en pensez-vous ?

M. Shiba — Une mauvaise fille qui mérite une petite correction oui !  

Pendant ce temps, je gardais toujours une distance avec mon adversaire.

Moi — Réglons ça, monsieur le directeur.

M. Tsukishiro — Alors, tu as compris de quel côté allait être la victoire ?

Avec son sourire habituel, Tsukishiro se préparait, ne montrant aucune inquiétude.

Moi — Alors, voyons voir. Je veux savoir de quoi vous êtes capable en un contre un.

L’adversaire en face de moi, je le considérais comme mon égal. Si je ne le faisais pas, ça allait se retourner contre moi. Mais le verdict allait quand même tomber dans moins d’une minute. Je devais y arriver avant que Kiryuuin ne tombe face à Shiba-sensei. J’esquivai l’attaque inopinée de Tsukishiro et le visa au niveau de la joue avec mon poing gauche.

Tsukishiro — !!!?

Je sortis un direct en douceur et en vitesse, et je frappai fort. La puissance de chaque coup était faible, cependant le fait de frapper à plusieurs reprises suffit à effacer le sourire de Tsukishiro.

La cible était la perche du nez, zone mine de rien assez sensible à cause de laquelle une réaction simple peut être causée en cas de douleur : des larmes.

Tous les êtres humains laissent sortir des larmes quand on leur donne un coup de poing dans le nez. Les larmes coulèrent face à la douleur, lui enlevant une visibilité importante. Peu importe que l’on soit un adulte ou un enfant, jeune ou vieux, c’est un mécanisme du corps humain. Alors que la vision de Tsukishiro s’estompait, je lui envoyai un uppercut au menton. En regardant le ciel, Tsukishiro se mordit probablement la bouche et un peu de sang jaillit.

M. Tsukishiro — Je me demande combien de temps ça fait ?

Essuyant le sang qui coulait de ses lèvres, Tsukishiro sourit ironiquement.

M. Tsukishiro — Je l’admets, puisque tu n’es qu’un élève de 1ère… Tu es vraiment un chef-d’œuvre indéniable.

De tous les adversaires que j’ai combattus, Tsukishiro était sans aucun doute l’un des meilleurs. C’était suffisant pour qu’il décide qu’il pouvait se battre à un contre un et qu’il pouvait gagner.

M. Tsukishiro — Je n’aime pas être dur avec les gens, mais je m’amuse beaucoup.

Riant d’un air amusé, Tsukishiro se prépara à nouveau. Mais il recula lentement. Cela pouvait être un moyen de gagner du temps jusqu’à ce que Shiba-sensei batte Kiryuuin. J’essayais de suivre calmement le chemin de la victoire, sans trop me presser. Tsukishiro regardait le sable à ses pieds. Pendant ce temps, je m’approchai et mis toute ma force dans mon poing droit.

M. Tsukishiro — C’est absolument magnifique ─── !

Je donnais un coup de poing dans le ventre de Tsukishiro, qui le reçut comme s’il se tordait. Je le frappai avec presque toutes mes capacités. Mais, même ainsi, le sourire de Tsukishiro ne disparaissait pas. Tout en perdant sa position, Tsukishiro attrapa une poignée de sable sur le sol avec sa main gauche et me la lança dessus. Puis, avec sa main libre qui plongeait plus loin dans le trou dans le sable, il se leva. Même si le poing droit qui s’élançait vers moi tel un uppercut m’avait touché, il ne m’aurait pas causé beaucoup de dégâts vu que j’étais assez bien positionné. Mais, puisque je n’avais pas reçu son coup de face, je poussai le bras de Tsukishiro sur le côté et attrapai immédiatement son bras droit pour l’empêcher de bouger.

M. Tsukishiro — !!

Je regardai le bras droit de Tsukishiro, qui tenait un taser.

M. Tsukishiro — Comment as-tu deviné ?

Moi — Je viens de m’en rendre compte. Dans un combat où vous ne pouviez pas baisser votre attention une seule seconde, vous avez baissé le regard une fois comme pour vérifier vos pieds pour une raison quelconque. Si votre but était de me jeter du sable, vous n’aviez pas besoin de baisser la tête pour ça.

Même quand sa main gauche avait attrapé le sable pour me le projeter, j’étais passé à autre chose.

Moi — De plus, vous aviez l’air d’être positionné comme si vous alliez prendre un coup de ma part. C’était très étrange.

Nous avions tous les deux besoin de renverser le cours du combat, car nous étions d’un niveau très proche l’un de l’autre.

M. Tsukishiro — Initialement c’était juste une petite sécurité… Mais ton niveau m’a vite fait passer à la vitesse supérieure !

Je desserrais sa main droite et le taser tomba avec un bruit sourd dans le sable.

M. Tsukishiro — Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Tu m’as causé pas mal de dégâts, mais…

À ce moment-là, Tsukishiro leva la main et envoya un signal quelque part. Puis, le pilote du petit bateau ancré commença à essayer d’atterrir avec quelque chose dans sa main, clairement le dernier atout en cas de défaite. Mais cela n’allait lui être d’aucun secours.

Moi — J’ai bien peur que la fin de partie ait sonné pour vous, monsieur le directeur.

D’un seul coup, le bateau semblait avoir cessé son débarquement, préférant plutôt faire demi-tour avant de repartir, laissant Tsukishiro derrière lui. Peut-être car un autre bateau avait été aperçu.

M. Tsukishiro — …Je suis surpris. Comment as-tu appelé de l’aide ? J’avais tout préparé et fait en sorte que tu ne puisses appeler personne.

Moi — Jetez un petit coup d’œil de qui se trouve à bord.

Au bout du petit bateau en approche, on pouvait apercevoir Mashima-sensei et Chabashira-sensei. Et c’est ainsi que Tsukishiro comprit.

Moi — Que se passe-t-il si quelqu’un signale qu’un élève de la 1ère A et de la 1ère D se sont effondrés en I2 et sont en danger ? Ce n’est pas quelque chose qui peut être caché très facilement. J’ai déjà pu confirmer, il y a peu, qu’un professeur est systématiquement inclus dans l’équipe de secours en cas d’accident.   

Il s’agissait simplement d’une règle que l’école avait décidée dans la mesure où les enseignants étaient plus à même d’identifier rapidement un élève. Et si par exemple on apprenait qu’un élève de 1ère A et de 1ère D étaient en difficulté, il n’y avait pas d’autre choix que de faire venir les professeurs principaux concernés. D’autant qu’en cas d’urgence, nous n’avions pas le temps de vérifier les GPS un par un pour voir si l’alerte était fondée, surtout si les montres sont cassées.  

M. Tsukishiro — S’ils avaient bien contrôlé les signaux GPS, ils auraient vu qu’il n’y avait personne de la 1ère A ici.

Moi — En effet. Néanmoins, à partir de la carte, on peut voir qu’il y a deux signaux n’étant plus traçables, leur montre n’envoyant plus leur localisation. Je pense que c’était plus pour s’assurer que tout allait bien.

M. Tsukishiro — Non, il y a plus que ça… Tu avais prévu tout ça et as gagné du temps au début, en prétextant t’enfuir.

Moi — C’était une erreur de menacer Ichinose tout en la laissant partir.

Ce faisant, Tsukishiro m’avait donné l’occasion de demander de l’aide à Sakayanagi avant de venir ici.

M. Tsukishiro — Quand même, je ne peux pas aller aussi loin…

Je ne savais pas s’il disait vrai, mais Tsukishiro rit en disant ça. Shiba-sensei ôta immédiatement ses mains de Kiryuuin en voyant que Tsukishiro avait abandonné.

Kiryuuin — Fuf… Tu es sauvé, Ayanokôji-kun. Sérieux, j’en pouvais plus !

Puis elle s’agenouilla, pour se reposer. J’avais regardé le combat entre Shiba-sensei et elle du coin de l’œil. Sincèrement, elle s’était plutôt bien défendu, même si littéralement elle n’avait fait que se défendre. Sa force était d’avoir reconnu tout de suite la supériorité évidente de son adversaire, ce qui fait qu’elle avait pu se battre de manière adaptée sans trop en faire. Si j’avais dû gérer les deux en même temps, je ne sais pas comment j’aurais fini.

Finalement, le bateau accosta et Mashima-sensei ainsi que Chabashira-sensei descendirent. Le talkie-walkie que Sakayanagi m’avait prêté m’aura été utile jusqu’à la fin.

Moi — J’ai gagné, alors je me demande si vous allez l’accepter.

M. Tsukishiro — Je suppose que je n’ai d’autre choix, pour le moment.

En théorie, je devais être tranquille pour un moment. D’autant que le fait que Tsukishiro ait changé la zone désignée juste pour moi allait certainement ressortir, en cas d’enquête.

M. Tsukishiro — Ton score est juste, mais je pense que tu vas t’en sortir. Enfin j’ai toujours un petit espoir que tu sois dans les cinq derniers ceci dit.

Moi — Ne vous inquiétez pas. Je pense que je peux voir que je suis à la limite de la sécurité.

M. Tsukishiro — C’était une inquiétude inutile. Bien, alors, je vais en rester là pour le moment.

Moi — « Pour le moment ».

M. Tsukishiro — Pour l’instant en effet. J’espère que je n’aurai plus à faire de ces tours de force utilisant une violence inutile. Dans la mesure des règles fixées par l’école bien sûr. Pourquoi ne pas penser à un examen basé sur la force d’ailleurs, à l’avenir ?

Avec un sourire sur le visage, le directeur par intérim Tsukishiro regarda Mashima-sensei et Chabashira sortir du bateau.

Moi — Laissez-moi vous poser une dernière question. Vous avez  vraiment essayé de m’expulser ? Certes vous avez agi pour mais si j’avais été vous j’aurais utilisé une méthode bien plus radicale. Et dire que c’est dans vos cordes relève de l’euphémisme

M. Tsukishiro — Tu me surestimes. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour te faire sortir de l’école, conformément aux instructions de mes supérieurs. Mais il s’est avéré que je ne pouvais pas le faire, et j’ai échoué tout simplement.

S’il y avait bien une chose que j’avais comprise, c’était que le dénommé Tsukishiro n’avait pas encore montré tout ce qu’il avait. Je n’arrivais pas à quantifier la part de vérité ou de mensonge dans ses propos, mais je devais comprendre qu’il avait d’autres objectifs. 

M. Tsukishiro — Puis-je te demander de transmettre un message à Amasawa-san ?

Moi — Je vous écoute.

M. Tsukishiro — Amasawa Ichika est disqualifiée pour avoir désobéi à nos ordres. Elle n’a plus d’endroit où retourner. Elle peut donc rester ou quitter cet établissement comme bon lui semble.

Là encore, pouvais-je me fier pleinement à ce qu’il disait ? Tsukishiro était si ambigu. Je n’avais pas du tout l’impression qu’il comptait abandonner quand il avait « admis » sa défaite. D’autant que si Amasawa avait vraiment quitté la White Room, j’étais en droit de supposer que les choses n’allaient pas en rester là. Décidément, je n’étais sûrement pas au bout de mes peines.

M. Tsukishiro — Voyons comment tu te débrouilles jusqu’au bout.

Alors qu’il se leva lentement, Tsukishiro leva les deux mains comme s’il avait une idée et s’approcha de Mashima-sensei et des autres.

M. Tsukishiro — Il ne s’est rien passé ici. Ayanokôji-kun et moi avons simplement eu une discussion.

M. Mashima — Vous pensez que c’est suffisant ?

M. Tsukishiro — Mais c’est déjà décidé. Les enseignants ne peuvent rien y faire. En fait, vous devriez être reconnaissants que je ne résiste pas.

Je regardais Mashima-sensei et après avoir hoché la tête, lui fis signe d’acquiescer pour l’instant.

M. Mashima — Alors, allons-y. L’examen spécial n’est pas encore fini, après tout.

Après avoir confirmé que les adultes se dirigent vers le navire, je regardai vers Kiryuuin. Peut-être était-elle épuisée d’avoir eu affaire à Shiba-sensei puisqu’elle s’était assise sur la plage et agenouillée face à la mer.

Kiryuuin — Bien joué, Ayanokôji.

Moi — Non, Kiryuuin-senpai, tu as été incroyable aussi.

Kiryuuin — Je ne peux même pas prendre ça comme un compliment après t’avoir vu en action. Ne t’en fais pas, je ne dirai rien à personne. Mais j’aimerais bien entendre ce que tu as à dire là-dessus.

Je ne m’attendais pas à être vu, mais j’étais content que ce soit Kiryuuin.

Moi — J’ai une situation familiale un peu compliquée, pour faire simple.

Kiryuuin — Pas qu’un peu, j’ai l’impression !

Se levant et essayant de se débarrasser d’un maximum de sable, Kiryuuin commença à marcher vers la forêt. Quand je quittai I2 avec Kiryuuin et que je retournai en I3, Miyabi Nagumo n’était plus là. Mais, au lieu de cela, je fis une rencontre assez inattendue.

Moi — Horikita et Ibuki ensemble… Je rêve ou alors il va pleuvoir de la grêle aujourd’hui ?

Horikita —  …Tout va bien ?

Moi — Qu’est-ce que tu veux dire ?

Horikita — Et bien… J’ai pensé que tu pourrais avoir un petit problème avec quelqu’un.

Cette fois, Kiryuuin et moi nous regardâmes tout en niant presque en même temps.

Kiryuuin — Non ?  Il n’y a personne là-bas.

Horikita — Alors que faisais-tu ici ?

Moi — Ces deux semaines ont été fatigantes. Je me reposais sur une plage isolée, en regardant la mer.

Ibuki — T’as autant de temps libre pour glander ?

Horikita — En effet, tu dois vraiment être très confiant sur ton score.

Quant à Kiryuuin-senpai ? C’était sûrement ce que Horikita devait se demander.

Kiryuuin — J’ai trouvé un élève qui se relâchait un peu et je l’ai ramené. Je lui ai dit d’être rigoureux jusqu’au bout.

En disant cela, Kiryuuin-senpai me tapa légèrement dans le dos et commença à marcher.

Kiryuuin — Alors rendez-vous sur le bateau, après l’examen !

Horikita se tint à côté de moi et chercha de nouveau une confirmation en me chuchotant discrètement.

Horikita— Tu es sûr que tu vas bien…?

Moi — Quoi ?

Horikita — C’est que…  Je sais, grâce au petit bout de papier.

Moi — Papier ?

Horikita — Non, ce n’est rien, ne t’inquiète pas. Il y a encore beaucoup de choses que je ne comprends pas, alors je vais creuser de mon côté et ensuite nous parlerons.

J’étais curieux, je ne savais vraiment pas de quoi elle parlait, mais je ne voulais pas prolonger la conversation sur ce qui s’était passé en I2. Je ne pouvais pas lui parler de Tsukishiro.

Moi — Pourquoi Ibuki et toi êtes ici ? Il n’y a pas de tâches dans le coin, n’est-ce pas ?

Ibuki était sur le point de dire quelque chose, mais Horikita l’arrêta.

Horikita — Ibuki m’avait défiée dans cet examen, alors naturellement nous avons vérifié nos scores sur nos tablettes. En faisait ça, on s’était rendues compte que ta position GPS était assez étrange… Donc j’ai préféré venir pour en avoir le cœur net.

Ibuki — Je dirais que c’est un match nul, au fait.

Horikita — J’ai clairement gagné, non ?

Ibuki — Je crois pas, non.

Horikita  — Même si ce n’est que d’un point, je gagne.

Alors je n’étais pas sûr, mais grâce à cet examen, Horikita et Ibuki étaient devenus amies…?

Et peu après, l’examen de survie sur l’île prit fin.

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