CLASSROOM Y2 V11 Chapitre 4

Une sensation étrange d’inconfort

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Traduction : AFA
Correction : Raitei
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Nous étions le matin de la deuxième journée, un peu avant 6h. L’aube était là, mais difficile de dire que la visibilité était suffisante. Je m’éloignai un peu du bâtiment pour éviter d’être vu. Je n’étais pas trop inquiet, car il n’y avait pas beaucoup de personnes qui sortaient à cette heure-là généralement. Comme convenu, Horikita et Ibuki pointèrent le bout de leur nez.

Ibuki — Ahouu !J’ai envie de pioncer et en plus ça caille !

Ibuki bâilla et s’étira en frissonnant.

Horikita — Tu n’as qu’à retourner dans ta chambre.

Ibuki — T’es marrante, toi. Je ne peux pas te laisser te venger seule.

La motivation principale était de ne pas laisser Horikita faire ce qu’elle voulait.

Ibuki — On dirait qu’elle était heureuse d’accepter la revanche.

Horikita — Oui, elle a vite accepté. Mais elle a tenté de négocier.

Moi — Ah oui ?

Horikita — Comme convenu, je lui ai dit que c’était le matin du dernier jour, mais elle a tenté de décaler ça la veille.

Moi — Elle voulait donc avancer d’une journée.

Horikita — Bien sûr, vu que c’était ta première condition, je lui ai dit que je ne pouvais pas faire de compromis. Elle a fini par céder, mais ça n’avait pas l’air de gêner plus que ça non plus. Mais étrange tout de même.

Ibuki — C’est le matin aussi, non ? Puis on s’en fout, elle a dit « oui ».

Dans tous les cas c’était le matin alors cela ne faisait aucune différence.

Horikita — Je ne me suis pas trop attardée sur la question, car c’est de l’ordre du privé, mais tu sais, les filles ont leurs soucis. Sois compréhensif et donne-nous la permission de changer la date.

En effet, il y avait un cycle pouvant être désavantageux pour les femmes biologiquement parlant. Mais ça valait pour Horikita et Ibuki.

Et puis, je ne voyais pas Amasawa utiliser ça comme excuse.

Moi — Elle a accepté alors procédons comme prévu. Je ne veux pas réduire nos séances d’entraînement.

Horikita — Tu es vraiment implacable.

Moi — Le matin du dernier jour sera décisif. Si tu ne peux pas accepter ça, alors tu peux oublier mes conseils.

Horikita — Je comprends. Je me sens un peu coupable, mais suivons le plan comme convenu. Ça te va ?

Moi — Inutile de te montrer compréhensive envers ton adversaire.

Horikita semblait préoccupée par quelque chose.

Horikita — Oui, elle ne pense probablement pas perdre. Elle s’inquiète même pour moi.

Elle n’avait pas l’air d’aimer ça, mais elle n’y pouvait rien puisqu’elle était du côté de ceux qui voulaient se venger.

Ibuki — Je vais la réduire en miettes.

Ibuki attisait les flammes de la vengeance à côté de moi. Cela devait être normalement le rôle de Horikita, mais je ne voulais pas causer plus de soucis.

Moi — Ne la blessez pas au visage, d’accord ? Ce serait embêtant de voir la situation devenir hors de contrôle.

Ibuki — Hein ? Si je peux gagner, je vise n’importe où. En fait, c’est même par un bon coup de pied au visage qu’il faut commencer, non ?

Ma mise en garde ne servait à rien. Elle comptait n’en faire qu’à sa tête.

Moi — C’est bien que tu sois motivée.

Pour l’instant, je décidai d’en rester là, au vu de leur détermination.

Horikita — Peux-tu me dire les autres conditions ?

Moi — Oui. J’en ai encore une. Promettez-moi de vous battre à deux contre elle si vous sentez que la victoire est compliquée. Il ne faudra surtout pas hésiter.

Lorsque j’ai transmis ce que j’avais décidé à l’avance, ni Horikita ni Ibuki n’ont semblé pouvoir l’avaler immédiatement.

Horikita — Attends, quoi ? Toutes les deux ?

Moi — Oui Ibuki et toi. Si tu ne peux pas accepter alors, oublie.

Ibuki donna un coup de pied au sol et me montra son poing.

Ibuki — T’as dit quoi là !? T’as craqué ton slip mec.

Moi — J’ai dit seulement si vous sentez que la victoire vous échappe.

Horikita — Tu ne penses pas que l’on puisse gagner en duel alors ?

Moi — J’aimerais y mettre les formes, mais c’est à peu près ça. Désolé, mais vos chances de battre Amasawa en duel sont quasi nulles. Je ne vais pas m’engager avec vous pour finalement perdre mon temps.

Honnêtement, même à deux contre un, il y avait de grandes chances qu’elles perdent comme la dernière fois.

Ibuki — J’aime pas ça. J’peux pas accepter une condition comme ça.

Horikita — Moi non plus. Mais on dirait que tu connais sa force.

Moi — Oui. Nous ne sommes pas battus, mais je l’ai vue à l’œuvre.

Horikita — Et tu penses qu’il y a un si grand écart entre nous ?

En acquiesçant, Ibuki sembla encore plus contrariée et détourna le regard en claquant la langue.

Ibuki — Je ne peux pas faire ça. Pas besoin de l’aide d’Ayanokôji, je le ferai toute seule. D’ailleurs, tu devrais faire de même.

Horikita — En effet, la pilule est difficile à avaler.

Même si elle s’était préparée à accepter pas mal de conditions, elle n’avait pas vu venir celle-là. Il n’était pas étonnant qu’elle vacille maintenant, mais cela n’avait aucun sens de recevoir un entraînement spécial dans le vent.

Moi — Eh bien, ça me ferait une chose de moins à faire.

Horikita — Laisse-moi te poser à nouveau la question. Connais-tu vraiment la force d’Amasawa-san ?

Moi — Je pense la connaître mieux que vous deux en tout cas. Même si ce n’est qu’à titre de référence, je peux estimer sa force.

Horikita voulait probablement se contenter d’un simple duel, mais son rejet était naturel si elle considérait Amasawa comme son égal.

Horikita — Je comprends. Ça me va. Mais que faire si Ibuki-san refuse ?

Moi — Alors on en restera là. Il faut absolument votre coopération.

Ibuki — Tu rediras ça après avoir vu de quoi je suis capable maintenant !

Moi — Si tu le dis alors.

Je plaçai lentement mon pied en arrière et dessinai un petit cercle sur le sol, d’environ un mètre de diamètre. Puis, debout au centre du cercle, je positionnai la main gauche en avant et la main droite en arrière.

Moi — Je ne vais pas bouger d’ici. Je n’attaquerai qu’avec la main gauche.

Ibuki — Hein ?

Moi — Si tu arrives à me donner du mal comme ça alors tu devrais être capable de tenir tête à Amasawa.

Ibuki — Tu te moques de moi là ?

Moi — Vois ça comme tu veux, mais c’est toi qui voulais faire tes preuves.

Ibuki — Haha. Je vais commencer par réduire ton arrogance en cendres.

Quelle façon intéressante de présenter les choses.

Lors de notre affrontement de la dernière fois, elle s’était battue essentiellement avec des coups de pied.Elle était peut-être plus vive, mais honnêtement, la différence était minime.J’anticipai la direction de son pied et esquivai.

Ibuki — Le culot ! Si j’attrape ton bras gauche, t’es finito !

Elle voulait donc m’empêcher d’attaquer. Si c’était ce qu’elle voulait alors je n’avais qu’à la laisser faire. En laissant ma main gauche accessible de sorte à ce qu’elle morde à l’hameçon, elle s’empara de mon poignet. Immédiatement après, j’écartai les doigts de la main gauche et fis un grand pas avec le pied du même axe, placé juste derrière Ibuki.

Tout en dessinant avec ma main prisonnière un arc de cercle de gauche à droite, j’utilisai le pied gauche pour m’écarter et me libérer. Ibuki, qui avait été désorientée, se retrouva à ma merci, son dos entièrement exposé, sans qu’elle ne le réalise sur le moment.

Ibuki — Eh !?

J’enfonçai mon poing gauche serré dans le dos d’Ibuki, qui était encore en train de comprendre ce qui s’était passé, et la tapotai légèrement.

Ibuki — Q-Qu’est-ce… C’est quoi ce bordel !?

Moi — C’est une sorte d’Aïkido[1]. Le résultat ne changera pas, même si t’essaies maintes et maintes fois.

Dans un duel, la différence d’aptitude ne pouvait pas être surmontée, quel que soit le nombre de fois où l’on se battait. Pour avoir une chance, il fallait être en supériorité numérique.

Horikita — Pourrais-tu inverser les rôles avec moi, Ibuki-san ?

Ibuki — C’est pas suffisant d’avoir vu la scène ?

Horikita — Justement, non. Même avec ce court échange, j’ai pu voir l’étendue de ta force. Mais Ibuki-san, il faut faire preuve d’objectivité. Tu ne feras aucun progrès si tu ne comprends pas tes erreurs.

Elle semble vouloir laisser Ibuki acquérir de l’expérience par elle-même.

Moi — Je vais toujours garder ma main gauche. Mais je n’ai pas l’intention de la laisser se faire attraper comme tout à l’heure.

Horikita — C’est mieux. Ce serait idiot de tomber dans le même piège.

Je laissai Ibuki reculer et vis Horikita se tenir maintenant devant moi.

Moi — Commence quand tu veux.

Horikita — J’y compte bien !

Je pensai qu’elle prendrait un moment pour respirer, mais elle bougea immédiatement. Elle essaya rapidement d’attraper non pas mon poignet gauche, mais plus bas encore. Je suppose qu’elle voulait tester mes reflexes. Cependant, en retirant habilement mon bras, je forçai la saisie de mon poignet.

Horikita — Kuh… !

C’est elle qui se fit attraper. Même si Horikita avait compris, elle avait déjà commencé le mouvement et ne pouvait pas s’arrêter en chemin. Elle savait que c’était une position désavantageuse, mais elle avait bougé exactement de la même façon qu’Ibuki. Au lieu de la laisser s’accrocher à ce qu’elle visait, je l’avais forcée à s’emparer de ce qu’elle ne voulait pas. L’esprit humain est bien étrange. Même si l’on sait qu’il ne vaut mieux pas attraper quelque chose, le cerveau part du principe que c’est mieux que de ne rien faire.

Horikita — Alors, je suis tombée dans le même panneau.

Moi — C’est exact.

Horikita — Je comptais justement ne pas me faire avoir, mais sans que je ne le réalise, je me suis fait entrainer dans ton jeu.

Bien frustrée, les yeux de Horikita me fixèrent intensément.

Horikita — C’est la différence de capacité entre nous et Amasawa-san ?

Moi — À l’heure actuelle oui. À moins que tu ne me fasses enfreindre les règles que je me suis fixées, tu n’as aucune chance de gagner.

Que ce soit pour me chasser du cercle ou me faire utiliser mon bras droit, si elle ne pouvait faire aucun des deux alors il fallait oublier la revanche.

Moi — Vous êtes convaincues maintenant ? À quel point il est imprudent de se battre en duel contre elle ?

Horikita gardait encore son expression sous contrôle, mais Ibuki montrait clairement sa frustration.

Partons du principe qu’Ibuki y réfléchira à deux fois maintenant.

Horikita — Combien ?

Moi — Comment ça, combien ?

Horikita — La différence entre Amasawa et moi. Tu ne peux pas me faire comprendre la chose plus simplement ? Avec des chiffres par exemple.

Il fallait en effet qu’elle comprenne mieux la chose pour être plus motivée.

Moi — En termes d’aptitude physique, si je te donne 50 alors Amasawa aurait 60. Une différence de 10.

Les deux filles se regardèrent. Elles devaient s’attendre à bien plus.

Moi — Mais, si on inclut la technique, c’est une autre histoire. Toutes les deux, vous vous focalisez sur un seul style, alors qu’Amasawa manie plusieurs arts martiaux. Avec ça, la différence devient encore plus grande.

Ces chiffres étaient vraiment pour illustrer. Le résultat pouvait aussi changer en raison des conditions du jour, d’événements imprévisibles, d’une mauvaise lecture du jeu et de la chance. Mais plus la différence de compétences était grande, plus il fallait d’essais.

Moi — Maintenant, je vous attends toutes les deux.

Ibuki — Je déteste ça !

Horikita — Je suis bien d’accord. Mais c’est nécessaire.

Ibuki — Je vais le forcer à utiliser ses deux mains, pigé ?

Horikita — Je pense qu’il est plus facile de le chasser du cercle, non ?

Ibuki — Je m’en fous. Tu t’adaptes à moi.

Elles avaient commencé à se disputer sur la façon de se battre avant même de commencer. Horikita et Ibuki étaient comme l’huile et l’eau. Elles n’avaient probablement pas l’intention de coopérer dès le départ. Je préférai ne rien dire.

Horikita — Soit, on ne peut pas coopérer. Attaquons comme on le sent.

Ibuki — Voilà !

Pas de compromis donc. Elles allaient plutôt attaquer en même temps, chacune faisant ce qu’elle voulait.

1

Moi — On s’arrête là ?

Les deux étaient grandement épuisées, en partie parce qu’elles avaient été forcées de se battre en étant peu habituées à leur duo. En annonçant la fin, elles s’assirent toutes les deux à peu près en même temps.

Horikita — Même si nous faisons cela un jour de plus, ça ne changera pas grand-chose. Mais c’est mieux que rien.

En défiant Amasawa sans recevoir le moindre conseil, la défaite était assurée.

Ibuki — Pourquoi t’es aussi fort ?

Moi — Je fais des arts martiaux depuis que je suis tout petit.

Horikita — Idem pour moi. J’ai essayé de ne pas perdre face à mes proches en me focalisant sur la maitrise du karaté.

J’avais peut-être été un peu trop dur. Ai-je piétiné la confiance de Horikita ? Elle pensait que son expérience lui suffisait et je m’attendais à devoir la rassurer, mais on dirait qu’il n’y en avait pas eu le besoin.

Horikita — J’ai décidé de te considérer comme une exception. Le fait que mon frère reconnaisse ta valeur me réconforte beaucoup à vrai dire.

Moi — Hmm…

Contrairement à Horikita, Ibuki, grommelant encore, se leva et tourna le dos.

Ibuki — Demain, je te ferai définitivement utiliser tes deux mains.

Laissant ces mots derrière elle, elle piétina le sol et retourna au camp.

Horikita — Quelle mauvaise perdante !

Ce n’était pas une mauvaise chose, mais ça la desservait. Ce manque de recul faisait qu’elle n’allait pas absorber des techniques diverses.

Horikita — Tant pis. J’irai lui parler plus tard et je passerai en revue ce que l’on a fait aujourd’hui. Je l’y obligerai s’il le faut.

C’était rassurant. Je retournai ainsi au camp avec Horikita.

Horikita — Je n’imaginais pas que tu allais autant nous aider. Je pensais que tu te retiendrais davantage, ou que tu n’irais pas frontalement.

Il y avait plusieurs raisons à cela, mais la principale était que je ne voulais pas trop en dévoiler afin de ne pas perturber le développement de Horikita.

Moi — Il m’arrive de faire les choses par altruisme.

Horikita — C’est suspect si tu veux mon avis.

Moi — Tu n’as pas le choix. Il faudra être prête le moment venu.

Horikita plissa les yeux, sceptique.

Horikita — D’accord. Faisons les choses comme il faut, alors.

Je me séparai ensuite d’elle devant le bâtiment et décidai de retourner dans ma chambre. Il valait mieux qu’Amasawa ne sache pas que je leur donnais des cours. Il était un peu moins de 7h. Je trouvai Hashimoto réveillé et assis sur son lit. Alors que nous discutons tranquillement, les élèves de seconde se réveillèrent également de leur sommeil léger. Nous étions maintenant tous réveillés.

Hashimoto — Moi je vais au grand bain. Et vous les gars ?

Je décidai de rejoindre Hashimoto et de profiter du bain avec lui.

Shintoku — Oh, tu y vas aussi Ayanokôji-senpai !

Moi — C’est le plan…

Shintoku — Yanagi, Toyohashi, Kozumi, ramenez-vous aussi !

Yanagi — Hein ? Non, on…

Shintoku — Ayanokôji-senpai veut que l’on vienne !

Non, je n’ai rien dit tout.

J’apprécierais que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Je n’ai pas envie que l’on m’accuse d’abus de pouvoir.

2

Après le bain, tout le groupe, filles compris, se rassembla sur ordre de Hashimoto. Pendant le petit déjeuner, nous discutâmes des idées concernant la journée d’aujourd’hui. Plus de la moitié de la conversation provenait de Hashimoto, le reste étant constitué d’interventions diverses.

Morishita — Je ne comprends pas vraiment, mais l’excitation inhabituelle des garçons donne la chair de poule.

Elle, qui chuchota la chose à côté de moi, fit part de son mécontentement.

Hiyori — Vraiment ? Je trouve ça plutôt mignon.

La remarque de Hiyori eu comme un effet neutralisateur. Après avoir entendu sa contradictrice, Morishita fixa de nouveau les seconde. Mignon ou non, il était vrai qu’ils étaient inhabituellement excités. Hier, en groupe, ils faisaient un peu les timides devant les senpais, mais cette attitude avait complètement disparu. Maintenant, ils faisaient même des gestes incompréhensibles avec leurs mains et éclataient de rire.

Hashimoto — Mignon ?

Kiryûin — Oui.

Morishita — Désolée, mais c’est effrayant. Shiina Hiyori, tu es bizarre.

Hiyori — Ah oui ?

En regardant de près l’échange, j’eus l’impression que Hiyori avait beaucoup changé depuis notre rencontre. Avant, c’était une élève qui ne montrait rien d’elle en plus de ne pas être trop émotive. En fait, disons qu’elle commençait à complètement se dévoiler.

Hiyori — Ayanokôji-kun, quelque chose ne va pas ?

Comme je l’observais sans réserve, Hiyori remarqua mon regard.

Moi — C’est rien. Ne fais pas attention.

Hiyori — Vraiment ?

Elle inclina légèrement la tête, mais afficha un sourire sans se douter de rien.

Shintoku — Ayanokôji-senpai ! Est-ce que je peux encore me joindre à toi dans le grand bain ce soir ?

Moi — Hein ? Oh, ça ne me dérange pas du tout.

Tout en ressentant une étrange pression, je finis par accepter, car il n’y avait rien de gênant en soi. Les seconde repartirent dans leur brouhaha.

Kiryûin — En moins d’une journée, tu as je ne sais comment rallié les seconde à toi. C’est quel genre de sorcellerie ça ?

Kiryûin, qui avait terminé son repas plus vite que prévu, s’appuya sur la table, me marmonnant cela avec intérêt.

Moi — Honnêtement, je suis également perplexe. Je n’ai rien fait de spécial.

Kiryûin — Tu as l’intention de me le cacher à moi aussi ?

On aurait dit qu’elle pensait que je gardais un secret, mais en réalité, je ne comprenais pas.

Hashimoto — Tu ne comprends pas pourquoi tes kôhais te respectent ?

Hashimoto, qui écoutait notre conversation, intervint à son tour.

Hashimoto — Difficile à expliquer, mais il y a une partie de moi qui t’admire ou plutôt qui te craint.

Moi — Craint ?

La crainte, c’est le sentiment de terreur face à quelqu’un qui a un pouvoir écrasant. Je ne me souvenais pas avoir utilisé une forme d’intimidation comme à l’encontre de Ryuuen ou Hôsen contre lui…

Hashimoto — J’ai été surpris moi aussi. Tu es vraiment un homme parmi les hommes. Il n’est pas surprenant que les seconde se comportent comme ça après avoir découvert le T-Rex.

Kiryûin — Hein ? Je ne comprends pas très bien, mais ça a l’air très intéressant. De quoi vous parlez au juste ?

Hashimoto — Désolé, mais c’est un truc de mecs.

Kiryûin — Hmm, je vois. Voilà une chose bien intrigante.

Pour une raison ou une autre, Kiryûin sembla satisfaite de cette explication et se leva de sa chaise. Alors qu’elle s’apprêtait à ramasser son plateau vide, Hashimoto l’arrêta.

Hashimoto — On va tout débarrasser. Inutile de t’inquiéter pour ça, Senpai.

Kiryûin — J’apprécie le geste, mais je peux me débrouiller toute seule. On se revoit à la prochaine réunion.

Sur ce, elle ramassa son plateau et se dirigea vers le comptoir.

Hashimoto — C’est vraiment une senpai difficile à comprendre.

Hashimoto fit part de ses réflexions lors du départ de Kiryûin.

Je pouvais difficilement lui donner tort.

3

Sakayanagi — Bonjour, Ayanokôji-kun.

Après avoir terminé mon repas et traversé le hall d’entrée, je trouvai Sakayanagi assise seule sur un canapé.

Moi — Bonjour. Tu as l’air un peu endormie.

Elle semblait un peu dans les vapes et hocha la tête sans le nier.

Sakayanagi — Oui. Il paraît que je ne suis pas faite pour la colocation, alors je n’ai pas pu correctement dormir. J’ai décidé de faire une petite pause après un léger repas.

Même si elle ne s’assoupissait pas vraiment, le fait de fermer les yeux avait peut-être eu un certain effet.

Moi — Je vois. Rien ne garantit que tu pourras te détendre même si tu retournes dans ta chambre.

Sakayanagi — D’habitude, je dors huit heures par jour. Il semble que je vais avoir du mal pendant quelques jours.

En considérant sa personnalité, il était possible qu’elle dorme exactement huit heures.

Moi — Tu t’entends bien avec les membres de ton groupe ?

Sakayanagi — Je ne pense pas qu’il y ait besoin de s’habituer à eux, mais je suis responsable de la classe A. Sans que je fasse quoi que ce soit, ils m’approchent, alors je ne ressens pas de difficulté à engager la conversation avec eux.

Il semblait qu’elle n’avait aucun problème de ce côté-là. Tant mieux.

Sakayanagi — Et toi ? As-tu des problèmes à partager une chambre avec des gens que tu ne connais pas ?

Moi — Eh bien, je passe un bon moment.

Sakayanagi — Ayanokôji-kun, tu es dans le même groupe que Hashimoto-kun et Morishita-san. Comment va ce dernier ?

Moi — Il se comporte comme d’habitude, mais il avait l’air d’avoir peur de quelque chose.

Sakayanagi — En parlant de lui, il y a une étrange rumeur qui circule. On dit qu’il a trahi la classe. J’apprécierais que tu l’avertisses de faire attention.

Moi — Je ne pense pas qu’un avertissement serait utile.

Sakayanagi — Héhé.

Elle rit un peu, mais n’avait pas l’air aussi détendue que d’habitude.

Moi — ça va l’ambiance dans ton groupe ?

Sakayanagi — Ce n’est pas un examen spécial alors je ne fais rien de particulier.

Moi — C’est un peu différent des informations que j’ai reçues. Hashimoto a dit que tu comptais gagner par tous les moyens.

Sakayanagi — Tu n’es pas du genre à prendre les choses au premier degré d’habitude, Ayanokôji-kun. Ce n’est sans doute qu’une des excuses qu’il a utilisées pour t’envoyer en éclaireur.

La déclaration d’Hashimoto était peut-être un peu exagérée, mais elle n’était pas complètement à côté de la plaque.

Sakayanagi — Certes, juste après le départ de Masumi-san, il y a eu des dégâts inattendus. Tu le sais toi aussi, Ayanokôji-kun. Mais, je ne vais pas m’y attarder longtemps.

Elle répondit avec beaucoup de sang-froid.

Sakayanagi — S’il y a une raison pour laquelle je n’ai rien fait pour ce camp, c’est peut-être parce que je recherche quelqu’un qui sera digne d’être mes bras et jambes.

En effet, Kamuro avait été une présence importante en tant qu’assistante. Il était certain que son absence rendait les mouvements difficiles.

Sakayanagi — La personne que je garde près de moi doit être quelqu’un en qui je peux avoir assez confiance.

Moi — Et Kitô ?

Sakayanagi — Sa loyauté est inégalée dans la classe, mais naturellement, j’hésite à impliquer quelqu’un du sexe opposé. Parmi les filles, aucune candidate convenable n’a émergé.

Les seules filles de la classe A avec lesquelles j’ai interagi étaient Yamamura et Morishita. Elles avaient toutes les deux leurs points forts, mais elles n’étaient pas aptes à s’occuper de Sakayanagi.

Moi — Tu as déjà fait le choix ?

Sakayanagi — Pas encore. Je m’attends donc à devoir me débrouiller seule pendant un certain temps. Je suis prête à accepter cela comme une conséquence de ma propre erreur de jugement.

Elle cherchait sérieusement, mais ne trouvait donc aucun candidat digne de ce nom. Il était peut-être exagéré d’appeler cela une erreur de jugement pour la perte de Kamuro, mais elle comptait être dure avec elle-même une petite période. C’était certes son choix, mais il y avait un autre problème à résoudre. Soudainement, je sentis une présence derrière moi et me retournai pour voir Kitô s’approcher, toujours avec cet air menaçant.

Moi — Salut.

Kitô — …Rien d’anormal.

Ignorant ma salutation, Kitô prononça ces mots à l’intention de Sakayanagi.

Sakayanagi — C’est noté. Je te remercie de ta prévenance.

En regardant leur échange, j’ai compris que Kitô avait abordé Sakayanagi parce qu’il s’inquiétait pour elle. Dans une période instable après la perte de Kamuro, Il était normal d’être sensible à Hashimoto et de la protéger des menaces externes.

Sakayanagi — Ne le prends pas mal, Ayanokôji-kun.

Moi — Je comprends. Il vaut sans doute mieux être méfiant.

Amasawa — Bonjour !

Alors que je faisais face à Sakayanagi et Kitô, Amasawa se glissa dans l’espace qui nous séparait.

Sakayanagi — Bonjour, Amasawa-san. On dirait que tu es de bonne humeur ce matin.

Amasawa — Être énergique est l’une de mes forces, tu sais.

Kitô s’éloigna un peu de Sakayanagi et garda le silence pour ne pas interrompre la conversation.

Amasawa — J’ai pensé te donner un petit encouragement avant que la prochaine session ne commence. On dirait qu’Ayanokôji-senpai est en train de gagner depuis le début, mais… Arisu-senpai, tu as perdu trois fois le premier jour, c’est inquiétant.

Sakayanagi — Malheureusement, je ne suis pas aux commandes cette fois-ci. J’ai laissé les pleins pouvoirs à notre cher élève de terminale.

Amasawa — Hmm ? Tu te fiches donc de la défaite ? J’espérais un peu d’interaction avec les autres promos cette fois-ci. C’est une occasion en or.

Sakayanagi — Il n’est pas nécessaire de fixer des limites dans les contraintes. Si tu désires me lancer un défi, je suis toujours prête à l’accepter, alors sois rassurée.

Sakayanagi fit comprendre qu’elle était prête à relever n’importe quel défi à n’importe quel moment, camp de découverte ou non. Cependant, en entendant cela, Amasawa se mit à rire au lieu de s’enthousiasmer.

Amasawa — Tu bluffes. J’ai entendu dire que ta classe avait fini à la dernière place lors du précédent examen spécial.

Elle semblait avoir minutieusement recueilli des informations sur les élèves de première et se confronta à Sakayanagi sans hésiter. Au moment où Amasawa essaya de la toucher comme pour la taquiner, Kitô lui attrapa le poignet sans ménagement, démontrant ainsi son rôle de bouclier.

Amasawa — Qu’est-ce que tu fais, Kitô-senpai ? Il me semble que tu devrais faire ce genre de chose à des gens comme Ryuuen-senpai ou à d’autres, non ?

Elle se présentait comme une femme faible, mais Kitô ne desserra pas son étreinte pour autant.

Kitô — Qu’il s’agisse de Ryuuen ou de quelqu’un d’autre, j’agirai en conséquence. Ne pense pas être épargnée parce que tu es une fille. Tu ferais mieux de te préparer.

Amasawa se contenta de sourire, mais en se montrant hostile.

Amasawa — On dirait un chevalier qui protège sa princesse. C’est intéressant. Cela ne me dérange pas que tu sois violent envers une fille tu sais. Je suis peut-être allée un peu trop loin.

Amasawa s’excusa, indiquant qu’elle n’avait pas vraiment l’intention de faire quoi que ce soit. Dès que Kitô lâcha prise, elle recula.

Amasawa — Je reviendrai jouer avec toi la prochaine fois. Sois prête à te donner à fond, Arisu-senpai !

Amasawa s’éloigna en sautillant. Elle se retourna ensuite et agita plusieurs fois la main.

Moi — C’est bien dommage. L’atmosphère paisible a été gâchée.

Sakayanagi — Peut-être bien.

Après quelques petits échanges, je pris la décision de partir.

Je ne voulais pas attirer inutilement l’attention sur Sakayanagi en traînant trop longtemps avec elle.


[1] Aïkido (合気道) Un type d’art martial japonais. Il ne consiste pas à attaquer, mais à se défendre en utilisant la force de l’adversaire contre lui-même pour arrêter son attaque.

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