CLASSROOM Y2 V1 : CHAPITRE 4


Le test d’Ichika

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Traduction : Nova
Correction : Raitei, Ayanokôji is the best
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Mercredi déjà, troisième jour de l’examen spécial. L’OAA avait été actualisée pour la seconde fois, à 8 heures du matin. Naturellement, le nombre de choix avait encore diminué.

Moi — 34 nouvelles paires ont été formées, hein ?

Cumulé avec mardi, cela signifiait que 56 paires avaient été formées au total. Sachant que le nombre maximum de paires était de 157, cela signifiait que plus de 30% des élèves avaient déjà choisi leurs partenaires. La 1èreB ayant dirigé une rencontre la veille, il était fort possible que la plupart des duos déjà formés aient un lien avec Ichinose. J’ai pu effectivement confirmer, par la suite, que la plupart des élèves de 2nde ayant un faible indice d’aptitude aux études s’étaient groupés avec des élèves de la classe d’Ichinose.

À part cela, plusieurs top élèves de 2nde avaient également trouvé des partenaires, ainsi que plusieurs élèves de la 1èreC. Je pouvais donc en déduire que leurs négociations avaient abouti.

Dans notre classe, en commençant par Kushida, cinq personnes avaient trouvé leurs partenaires. Je vérifiai la page de la 2ndeB et je constatai que Yagami Takuya avait également trouvé un partenaire. Il était possible qu’il se soit donc bien associé à Kushida.

Mais ce qui était étrange, c’était que pas une seule personne de la 2ndeD ne s’était encore associée. Leur situation n’avait pas d’équivalent. Si je n’agissais pas rapidement, je pouvais me retrouver coincé.

Tout d’abord, il n’y avait aucune chance que quelqu’un jetant un regard objectif sur mon classement me demande de me joindre à lui. En effet, il est tout à fait naturel que les élèves veuillent s’associer à quelqu’un d’intelligent, qu’ils le soient eux-mêmes ou non. De plus, contrairement aux élèves de 1ère qui avaient atteint le stade d’agir pour le bien de leur propre classe, les élèves de 2nde devaient être naturellement très centrés sur eux-mêmes, voyant presque leurs propres camarades de classe comme des rivaux. Pour des gens comme

ça, je n’existais donc probablement pas.  C’est-à-dire, au moins jusqu’à ce

que tous ceux qui ont une cote plus élevée soient déjà pris.

Pour cette raison, Tsukishiro avait dû demander à son homme de main d’attendre ce stade pour agir. Il allait sans dire que toute personne susceptible de me tendre main pour faire équipe avec moi, ou à l’inverse qui acceptait trop facilement, était on ne peut plus suspecte.

Cela dit, si je continuais à hésiter trop longtemps, les chances d’être en binôme avec l’homme de main de Tsukishiro ne feraient qu’augmenter. Je devais être absolument certain que l’élève que je choisissais n’était pas son pion, mais cela n’allait probablement pas être facile. Après tout, je n’avais aucune idée de quel stratagème avait choisi son sbire. J’avais mémorisé les noms, les vi- sages et les évaluations de tout le monde sur l’application, mais je n’avais rien pu en tirer de probant.

Si les 160 élèves de 2nde avaient tous été contre moi, j’aurais été face à un échec et  mat  inéluctable.  Mais,  ça  aurait  été  totalement  absurde. Même pour Tsukishiro ça aurait été impossible d’organiser une machi- nation à  cette échelle, mais…

Non, ce n’était pas la bonne façon d’aborder la situation. L’important ici était que je trouve un moyen de survivre, même si tout le monde était contre moi. Donc de trouver une personne fiable parmi les 104 élèves qui restaient.

Dans la White Room, les enfants n’étaient pas séparés en fonction du sexe. Comme leur pédagogie traitait les garçons et les filles de la même manière, il m’était donc impossible de réduire ma sélection en me basant sur ça.

Dans ce cas, comment devais-je procéder pour rayer des personnes de la liste

? Une façon possible de le faire était de vérifier leur type de corps ou leur aptitude physique. Les repas fournis dans la White Room étaient contrôlés jusque dans les moindres détails. Il était pratiquement impossible que les enfants qui grandissaient dans cet environnement soient obèses. Une idée toute bête m’était donc venue à l’esprit… Choisir un élève en surpoids !

Cependant, ce plan n’était pas sans failles. Il était plus que possible que l’élève

de la White Room ait commencé à préparer mon expulsion depuis plusieurs mois déjà. En y réfléchissant de cette façon, il n’était pas exclu qu’il ait pris le temps de prendre ou de perdre du poids en conséquence. Faire quelque chose comme ça était tout à fait dans les cordes d’un enfant ayant grandi dans cet univers sans pitié. Et, dans le cas inverse, sélectionner un élève maigrichon n’était pas si évident non plus, l’application OAA ne fournissant pas de photo du corps entier.

Il n’y avait que deux élèves en 2nde qui étaient manifestement en surpoids. Malgré tout, je ne pouvais pas écarter la possibilité que les deux soient à la solde de Tsukishiro. Après tout, peut-être que des élèves ordinaires n’ayant pas grandi dans la White Room étaient également sous les ordres de ce dernier, approchés avec des promesses d’admission dans un meilleur collège ou une meilleure université s’ils parvenaient à me faire expulser.

Ma pensée suivante était de savoir si je pouvais ou non réduire le nombre d’élèves en fonction de leur aptitude académique. Mais un élève de la White Room pouvait obtenir un score parfait, A ou A+, ou à l’inverse en obtenant délibérément un E en capacité académique… Bref, leur note était modulable à souhait, d’autant plus s’ils avaient été informés de l’introduction du système OAA avant d’intégrer l’école.

Enfin, il était également impossible de réduire le nombre de candidats en fonction de l’appartenance à une classe, par exemple en étant membre de la 2ndeA ou de la 2ndeD.

Je le savais depuis le début, mais il n’y avait tout simplement aucun moyen de réduire ma liste de suspects pour l’instant.

Je savais ce que je devais faire. Je devais enquêter sur chaque élève de mes propres yeux et vérifier moi-même leur authenticité. Si je pouvais confirmer que quelqu’un n’était pas un ennemi, je pouvais m’associer avec lui, ou peut- être même l’amener à coopérer avec moi pour la suite.

Voici donc la règle que j’avais établie. Dès aujourd’hui, j’allais aller, avant les cours, pendant la pause déjeuner et après les cours… à la rencontre de chaque

élève de 2nde que j’allais croiser. Ensuite, j’allais essayer de le faire coopérer avec moi. Puisqu’il m’était impossible d’identifier l’espion de Tsukishiro par simple observation, je n’avais pas d’autre choix que d’aller sur le terrain et de me battre avec la chance pour minimiser toute interférence potentielle.

Avec un C en capacité académique, ma note était loin d’être élevée, je ne pouvais donc pas vraiment l’utiliser comme argument. Cependant, ce n’était pas comme si c’était absolument rédhibitoire. En fouillant bien, j’allais probablement trouver au moins quelques personnes prêtes à faire équipe avec moi.

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Je quittai les dortoirs et commençais à me diriger vers l’enceinte de l’établissement. Assez rapidement, je repérai deux filles de 2nde qui discutaient entre elles en marchant. Kurihara Kasuga et Konishi Tetsuko. Toutes deux de la 2ndeA. Malheureusement, elles étaient d’excellentes élèves sur le plan scolaire et avaient trouvé des partenaires dès le premier jour de l’examen. Ainsi donc il ne servait à rien d’entrer dans des négociations pour ça. Toutefois, le fait qu’elles aient déjà choisi leurs partenaires n’était pas un gros problème en soi. Au contraire, c’était même une très bonne opportunité pour avoir l’air de les approcher de façon désintéressée, et donc d’établir des relations avec elles. C’était juste que, comment dire…

C’était un peu difficile de les interpeller. Même si l’examen voulait ça, de quoi avait l’air un garçon de 1ère approchant deux filles, du point de vue d’un étranger ? Cette idée me bloquait un peu. Je n’avais pas le courage de les appeler et de leur dire bonjour comme l’aurait fait Yôsuke. Et de leur demander en toute confiance de me présenter quelqu’un susceptible de faire équipe avec moi était également hors de question. Quoi qu’il en soit, je devais au moins essayer. Abandonner maintenant n’allait me mener nulle part. Je durcis ma résolution de leur tendre la main, mais je réfléchissais encore… Au lieu de les interrompre pendant qu’elles discutaient joyeusement entre elles, j’avais l’impression que je devais plutôt attendre le bon moment.

— Salutations, Ayanokôji-senpai.

Alors que je les observais, une voix m’interpella depuis l’arrière. La troisième élève de 2nde que j’avais croisée aujourd’hui était Nanase Tsubasa, la fille qui était avec Hôsen il y a quelques jours. Elle me regarda avec un sourire insouciant sur le visage.

Moi — Ah… Bonjour.

Je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un m’interpelle, il y eut donc eu un silence assez gênant l’espace d’un court instant.

Nanase — Tu as besoin de leur demander quelque chose ? Veux-tu que je les appelle pour toi ?

Malgré la proposition en apparence alléchante de Nanase, la conversation des deux filles allait plutôt se transformer en conversation entre elles trois et moi sur la touche. Bref, mauvais plan.

Ayanokôji — Ho Non, c’est bon ! Nanase — Vraiment ?

Nanase réfléchit à voix haute, marchant à peu près au même rythme que moi. Une conversation inattendue avec Nanase avait donc débuté pendant que je réfléchissais au bon moment pour approcher les deux filles. J’étais plutôt reconnaissant de sa proposition, mais je restai dubitatif. Il était impossible qu’une élève  de 2nde m’ait appelé par coïncidence. Elle m’attendait probablement dans les parages et avait chronométré son approche en conséquence. Cela ne valait pas que pour elle : toute personne prenant l’initiative de me parler, tout comme Amasawa la veille, était suspecte.

Nanase — Je m’excuse vraiment pour l’impolitesse de Hôsen-kun l’autre jour !

Moi — Disons que je ce n’est pas moi qui en ai fait les frais, donc pas besoin de t’excuser auprès de moi !

Nanase — Mais il ne fait aucun doute que nous avons causé une grande nuisance. Alors que j’étais venue avec Hôsen-kun pour l’empêcher d’agir de la sorte, je m’étais retrouvée plutôt impuissante.

Comparée à la nature grossière et violente d’Hôsen, Nanase parlait avec un ton très sociable et poli, ce qui donnait une très bonne impression. Et avec sa note d’aptitude académique B, elle était la partenaire idéale. D’autres l’avaient sûrement déjà repérée, mais à l’heure actuelle, au troisième jour, elle était encore seule.

Cependant, c’était probablement dû au plan singulier de la 2ndeD. En plus de son aptitude académique, ses notes étaient toutes élevées et bien équilibrées, car ses notes d’aptitude physique, d’adaptabilité et de contribution sociale étaient toutes supérieures à C+. Là, comme ça, je ne lui voyais que des qualités. C’est pourquoi je me demandais pour quelle raison Nanase Tsubasa avait été placée dans la classe D.

Fondamentalement, les élèves affectés à la classe D avaient une forte tendance à avoir un problème. Par exemple, en apparence, des personnes comme Yôsuke et Kushida semblaient parfaits. Cependant, en en apprenant un peu plus sur eux, j’avais pu comprendre que ce n’était pas le cas.

En d’autres termes, je ne pouvais pas rejeter la possibilité que Nanase ait une sorte de problème caché comme celui-là. Mais encore une fois,  à l’heure actuelle, il n’y avait aucune garantie que la 2ndeD de cette année ait été formée selon les mêmes critères que l’an passé.

Enfin, me concernant, ça m’allait parfaitement que quelqu’un ait quelques problèmes avec sa personnalité ou son sens des valeurs. Dans le cadre d’une collaboration, la seule chose qui comptait était de savoir si Nanase Tsubasa était du côté de Tsukishiro ou non. À l’époque où elle était avec Hôsen lors de notre première rencontre, elle m’avait regardé avec des yeux qui m’inquiétaient un peu, mais… Là, pendant qu’on se parlait, ces yeux n’étaient nulle part. Son regard était complètement naturel.

Moi — As-tu déjà choisi ton partenaire pour cet examen spécial ?

Je décidai donc de reprendre la conversation afin d’en apprendre plus sur cette personne nommée Nanase.

Nanase — Moi ? Non, je n’ai encore décidé de personne. Moi — Alors, est-ce que des gens t’ont contactée ?

Nanase — En effet. Jusqu’à présent, j’ai été approchée par des élèves de classe supérieure, de la 1èreA et de la 1èreC.

Comme  prévu  pour  quelqu’un  qui  avait  B  en  capacité  académique,  elle

semblait avoir reçu pas mal de propositions.

Moi — Pourquoi n’as-tu encore donné ton accord à personne ?

Je décidai de creuser davantage la question. Honnêtement, je ne savais pas si ça avait un rapport avec le profil de ceux qui l’avaient approché ou encore si c’était une question de points.

Nanase — Je m’excuse, mais je ne peux pas répondre à cette question.

Sur ce, Nanase inclina la tête.

Moi — Tu n’as pas à répondre si tu ne veux pas, ce n’est une chose pour laquelle on doit s’excuser.

À ce stade, il ne semblait pas que je puisse être en mesure de savoir si c’était son problème personnel ou un problème de la 2ndeD dans son ensemble. Cela étant, j’essayai d’attaquer sous un angle légèrement différent.

Moi — Si tu es d’accord, pourquoi ne pas demander à nos camarades de la Classe D de travailler ensemble pour se trouver des partenaires appropriés ?

Je lui fis une proposition, qui m’incluait moi-même. Horikita pensait que la 2ndeD était importante, et Hôsen semblait avoir un certain intérêt pour 1èreD également. Ce n’était certainement pas une mauvaise proposition.

Nanase — La coopération entre les classes… ?

Moi — Oui. De nombreux élèves essaient de se grouper avec les élèves les plus forts sur le plan académique pour le bien de leur propre classement. Mais, les élèves les plus faibles sur le plan scolaire seront laissés de côté. Si les élèves les plus faibles devaient se mettre ensemble, les élèves des deux années scolaires, la tienne et la mienne, s’exposeraient au danger de l’expulsion.

Nanase — Oui. Je comprends cela. Si possible, je souhaiterais également

l’éviter.

Moi — Bien sûr. Pour ça, il faut équilibrer les binômes. Même si nous devons renoncer à prendre l’une des premières places, nous devons trouver des partenaires qui veilleront à ce que personne n’échoue.

Nous étions des élèves de classe D. C’est-à-dire que nous étions très largement inférieurs aux yeux de ceux qui nous entourent. Et c’est pourquoi la 2ndeD, placée au même niveau que nous dans la hiérarchie sociale, était susceptible d’accepter cette proposition.

Moi — Alors, qu’en penses-tu ?

Nanase — Je suis d’accord. Dans la mesure du possible, j’aimerais coopérer avec toi, Ayanokôji-senpai. C’est juste que…

Moi — Juste ?

Nanase — Je ne sais pas à quel point mes camarades de classe seront prêts à nous aider. De plus, certains des élèves les plus confiants sur le plan scolaire sont déjà sur le point de décider secrètement d’un partenaire.

De nombreux élèves qui avaient le potentiel pour être les piliers de cet examen visaient les premières places après avoir décidé d’un partenaire solide. C’était certainement aussi le cas des deux filles de la 2ndeA qui marchaient devant nous.

La raison pour laquelle la 2ndeD n’avait pas finalisé ses partenaires était probablement due à un tout autre problème, comme les négociations en points privés. Après tout, la partie la plus importante du test était la grande récompense en points accordée aux 30 % de partenaires les plus performants. Aider les élèves les plus faibles sur le plan scolaire signifiait renoncer à cette récompense.

Moi — Nous n’avons pas besoin que tout le monde coopère. Avec une

bonne dose de coordination, nous devrions pouvoir survivre à l’examen spécial sans demander l’aide de trop de personnes.

Tant que nous parvenions à embarquer une partie de la classe, cela suffisait.

Nanase — C’est vrai. Cependant, ce n’est pas comme si cela n’entraînait pas d’autres problèmes.

Nanase exprima son approbation pour la proposition elle-même, mais l’expression de son visage la faisait paraître hésitante. J’en compris la cause sans même avoir besoin d’y réfléchir.

Moi  —  Hôsen…  n’est-ce  pas  ?  On  dirait  que  ce  type  a  beaucoup d’influence sur la 2ndeD, hein.

Je fourrai mon nez encore plus loin dans les affaires internes de la 2ndeD. J’évoquai une information dont j’étais assez certain suite à notre discussion avec Shiratori l’autre jour.

Nanase — Oui. Beaucoup de garçons et de filles de la classe ont déjà commencé à suivre docilement les ordres de Hôsen-kun.

Mes spéculations se transformèrent en certitudes. C’était sûr, Hôsen avait déjà pris le contrôle de la classe et l’avait apparemment fait sienne. Hôsen pouvait également être à l’origine de la stratégie qui rendait plus difficile pour la classe de décider de ses partenaires. Si c’était vraiment le cas, alors Hôsen n’était pas seulement un élève capable de prouesses physiques, mais aussi un élève doté de perspicacité, d’un sens de l’observation et du sang-froid nécessaires pour avoir une vue d’ensemble de son environnement.

Moi — Tu te trouves dans une position un peu particulière, Nanase ? Tu n’avais pas l’air d’avoir peur de Hôsen.

Nanase — C’est parce que je ne céderai jamais à la violence.

Elle répondit avec une fermeté que je ne pouvais même pas imaginer étant

donné son apparence.

Ses mots n’étaient pas empreints de naïveté ou d’idéalisme. Il y avait plutôt quelque chose d’autre, quelque chose de caché, qui les soutenait. J’avais l’impression de voir cette assurance, ou quelque chose de similaire, jaillir depuis la couleur pure de ses yeux.

Nanase — Senpai… que penses-tu de la violence ? Moi — Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Nanase — Es-tu pour ? Ou es-tu contre ?

Si elle cherchait à savoir ce que je pensais de la façon de faire de Hôsen, alors il n’y avait qu’une seule réponse que je pouvais lui donner.

Moi — Si je devais choisir entre les deux, je suppose que je dirais que je suis pour.

Je n’eus aucune once d’hésitation dans ma réponse.

Je m’attendais à ce qu’elle donne une sorte de réaction immédiatement, mais j’avais été accueilli par le silence à la place. Lorsque je me retournai et que je regardai vers Nanase pour évaluer l’expression de son visage, son visage docile de tout à l’heure avait pratiquement disparu. Ses yeux étaient les mêmes que lorsqu’elle m’avait regardé juste avant de partir la dernière fois que nous nous sommes rencontrés.

Quelques instants passèrent pendant que j’attendais sa réponse…

Nanase — Si je devais choisir, je serais aussi pour.

Sa réponse, qui pouvait être prise pour une vérité ou un mensonge, vint sans même une once d’émotion. Hôsen avait-il reconnu son désir intense de ne pas céder à la violence et l’avait gardée à ses côtés à cause de cela ?

Non… Ce n’était pas seulement ça.

Sur le coup, Hôsen avait montré une forte réaction lorsque Nanase avait évoqué le terme « ça ». Il était très étrange de le voir s’écraser d’un seul coup. Mais même si cela me pesait, ce n’était probablement pas quelque chose que je pouvais lui demander ici et maintenant. Après tout, je ne la voyais pas comme quelqu’un disant des choses non nécessaires, et je ne devais pas faire de bêtises qui pouvaient lever sa garde.

À ce stade, je m’étais demandé si je ne devais pas me retirer pour l’instant. Après tout, il y avait probablement une autre chance de réessayer plus tard avec Horikita.

Moi — Dans tous les cas, si c’est Hôsen qui décide du plan d’action pour ta classe, ce sera délicat de mettre ça en place.

Renonçant, j’ai commencé à penser à prendre contact avec les autres classes tout en maintenant une bonne relation avec Nanase, mais….

Nanase — Uhm, si tu es d’accord… Veux-tu que j’essaie d’organiser quelque chose pour toi ?

Elle répondit ainsi, peut-être parce qu’elle pensait que ma proposition de relation coopérative était une bonne idée.

Moi — J’apprécie ton offre, mais t’es sûre ?

Nanase — Oui. Cependant, je ne sais pas combien d’élèves seront prêts à coopérer, alors je ne peux rien promettre. Dans le pire des cas, il se pourrait que ce ne soit que moi. Cela te conviendrait-il ?

Nanase fit cette proposition, intéressée d’entendre ma réponse.

Pour le bien de nos camarades de classe, il était important que Horikita et moi saisissions toutes les opportunités qui s’offraient à nous pour développer un lien avec la 2ndeD.

Moi — Bien sûr. Je suis sûre que Horikita sera également ravie.

Nanase — Est-ce que Horikita-senpai est le chef de la 1èreD ? Moi — Oui. C’est elle qui maintient la classe en un bloc uni !

J’avais décidé que je devais en informer Horikita. Mais je ne voulais pas le faire devant tout le monde, au risque d’un peu trop attirer l’attention sur moi. Donc je me demandais comment j’allais m’y prendre.

Moi — Ah… Est-ce que ça te va si je ne te réponds pas tout de suite ?

Nanase — Je comprends. J’essaierai également d’arranger les choses de mon côté dès que possible.

Moi — Ok !

J’échangeai ensuite mes coordonnées avec Nanase, en décidant de nous recontacter plus tard.

2

Après avoir confirmé que Horikita n’était pas encore entrée dans le bâtiment de l’école, j’avais décidé de l’attendre un peu à l’entrée. Après tout, comme je l’ai dit avant, je ne voulais pas avoir cette conversation en classe au risque d’attirer l’attention.

Vint enfin le moment de son arrivée où elle me regarda avec curiosité. Elle n’avait pas saisi que je l’attendais.

Horikita — Salut. Tu as rendez-vous avec quelqu’un ?

Moi — On peut dire ça, oui. Et ce quelqu’un vient juste d’arriver. Horikita — Ah oui ?

Elle regarda légèrement par-dessus son épaule, derrière elle, et se retourna vers moi une fois qu’elle avait réalisé qu’il n’y avait personne derrière elle.

Horikita — Moi ?

Moi — Oui. Il y a quelque chose dont j’aimerais te parler très rapidement.

Horikita   —   Quelque     chose    de    si   important     que    tu    prendrais expressément le temps de m’attendre ?

Nous commençâmes à marcher tous les deux, ensemble.

Moi — Important… ? Oui, je pense qu’on peut dire que ça l’est. J’ai eu la chance de parler avec Nanase Tsubasa de la 2ndeD tout à l’heure, alors j’ai essayé de lui faire une proposition décente à elle et à sa classe.

Horikita — Ah, et qu’as-tu proposé ?

Moi — J’ai proposé l’idée d’une collaboration entre la 2ndeD et la 1èreD. Horikita — Te connaissant, c’est une action historique.

Horikita elle-même devait s’inquiéter de la façon dont nous allions procéder. Je me tenais prêt à me défendre, m’attendant à ce qu’elle me passe un savon, mais…

Horikita — Es-tu au courant de leur situation au niveau des binômes ?

Moi — Oui. Pas un seul d’entre eux n’a encore décidé de son partenaire. Sakayanagi et Ryuuen semblent les avoir mis de côté, par conséquent.

Il était tout naturel que les élèves de 1ère concentrent leur attention sur les élèves d’honneur des autres classes qui étaient prêts à coopérer pour un nombre raisonnable de points plutôt que sur ceux de la 2ndeD qui en attendaient un nombre incroyablement élevé pour la même chose.

Horikita — C’est plutôt une question d’envie de se conformer à la stratégie agressive de Hôsen-kun. Du point de vue des classes supérieures, consacrer du temps et de l’énergie à la 2ndeD est sûrement vu comme une perte de temps.

Moi — Peut-être.

Horikita — Quoi qu’il en soit, as-tu fait cette proposition à Nanase-san après avoir compris les difficultés qu’il y aurait à affronter Hôsen-kun ? Ou bien lui as-tu tendu la main avec l’intention de coopérer secrètement avec elle, en espérant que Hôsen-kun ne s’en rende pas compte ?

Moi — Qu’en penses-tu ?

Je lui retournai intentionnellement la question, pour voir son opinion. Si elle avait abandonné l’idée de travailler avec la 2ndeD à ce stade, j’étais d’accord pour tout annuler.

Horikita — J’ai pris le temps de réévaluer l’état de l’examen spécial.

Serais-tu prêt à m’écouter ?

Moi — Je ne suis pas sûr de pouvoir te donner des conseils significatifs. Horikita — Je n’attends rien de toi.

Il semblait qu’elle voulait simplement partager ses pensées avec moi. Cela avait probablement à voir avec ce que j’avais évoqué à propos de la 2ndeD quelques instants plus tôt.

Horikita — Pour commencer, et c’est évident, mais lorsque tu regardes l’ensemble des élèves de 2nde, les élèves doués sur le plan scolaire sont naturellement plus plébiscités.

Moi — Oui. Shiratori avait indiqué avoir reçu des offres de la 1èreA et de la 1èreC.

Horikita — Cependant, entre Shiratori-kun et ses amis, aucun d’entre eux n’a encore pris de décision. Il semble juste de supposer que la Classe A et la Classe C n’ont pas pu se mettre d’accord sur le nombre de points qu’elles étaient prêtes à débourser. Quoi qu’il en soit, l’offre de 500 000 points qu’ils nous ont présentée est bien trop chère, peu importe la façon dont on la regarde.

Même demander 200 000 points aurait été déraisonnable, étant donné que la récompense n’était que de 100 000 points pour les cinq meilleures paires et de 10 000 points pour les 30 % supérieurs.

Horikita — On se demande combien de points ont été proposés à Hashimoto-kun et les autres.

Moi — Qui sait. Je suppose que c’était probablement loin d’être 500 000.

Il était impossible de le savoir à moins d’être quelqu’un qui participait réellement aux négociations.

Horikita — Tout d’abord, je dirais qu’il n’y avait pas tant de différence

que ça dans le nombre offert par les deux classes. Non, je dirais même que les offres de la classe A étaient probablement moins généreuses.

Elle avait très probablement déduit cela de l’application OAA. En effet, la 1èreC comptait plus d’élèves ayant trouvé un partenaire.

Horikita — La classe A a naturellement l’avantage sur la classe C en termes d’image de marque. À moins qu’il n’y ait de différence notable dans le nombre de points proposés, il est évident qu’une personne lambda serait plus encline à choisir un partenaire de la classe A. De tout cela, nous pouvons conclure que la classe A a proposé un certain montant pondéré par sa réputation, là où la classe C ne peut pas jouir d’une telle image et a dû naturellement proposer plus de points pour compenser.

Je hochai légèrement la tête en signe d’accord.

Horikita — Le processus de pensée de Ryuuen-kun ici est aussi un peu étrange, tu ne penses pas ? Dans cet examen, attirer les plus performants de ton côté est essentiel pour l’emporter. Or, cela impliquerait pour la classe C de rivaliser financièrement avec la classe A, ce qui n’est bien entendu pas le cas. Viser la première place serait donc très imprudent de leur part.

Même si Ryuuen avait dit quelque chose à propos de l’utilisation de menaces pour amener les 2nde à former des duos avec sa classe, il ne faisait aucun doute qu’à partir de maintenant, c’était une compétition qu’il avait peu de chances de gagner.

Horikita — Logiquement, il devrait donc plutôt viser les élèves que la classe A ne vise pas, quitte à baisser un peu leurs exigences.

Il était beaucoup plus sûr pour eux de viser la deuxième place au classement général. Des élèves d’aptitude B- ou C+ étaient amplement suffisants pour ça.

Horikita — Enfin, il est inutile d’essayer de deviner ce qu’il pense, mais…

Revenons-en à nos moutons. La classe restante, la 1èreB, essaie d’établir une relation de confiance avec les élèves de 2nde, en les attirant dans leur giron, quelle que soit leur note d’aptitude académique, afin d’offrir le salut aux faibles et aux vulnérables. La 2ndeD mise à part, la plupart des élèves ayant une note D ou inférieure ont déjà été sauvés par Ichinose- san.

Horikita fit une pause, regardant en arrière pour s’assurer que personne n’écoutait aux portes avant de continuer.

Horikita — J’ai décidé que notre objectif actuel était de nous concentrer sur les élèves moyens de chaque classe. C’est-à-dire les élèves dont les notes se situent entre C+ et B-.

Le genre d’élèves qui ne s’attendait pas non plus à ce qu’on se bouscule au portillon pour eux. Il en restait encore beaucoup sans partenaires. Ainsi, leur tendre la main pendant que les classes A et C se battaient encore pour les plus performants était un geste intelligent.

Moi — Alors, ça veut dire que tu abandonnes ton projet de te concentrer sur la 2ndeD ?

Horikita — Non, c’est toujours le cas. En fait, on a de plus en plus l’impression que c’est notre choix le plus optimal.

Moi — Tu veux dire que tu vas abandonner les élèves moyens des autres classes ?

Faire cela aurait été trop radical. En tant que 1èreD, nous avions pris du retard par rapport aux autres classes, nous devions donc finaliser le plus de partenaires le plus rapidement possible.

Horikita — Ils joueront également un rôle dans tout cela. Même si c’est un peu grossier, j’ai l’intention de mettre en place des sortes de fausses enchères pour nous permettre de gagner du temps. Contrairement aux élèves brillants, les élèves ordinaires ne s’attendent probablement pas à

ce que les autres se battent pour eux avec des millions de points.

Toutefois, nous allons leur en donner un petit avant-goût en leur faisant croire qu’ils valent un petit quelque chose.

Moi — Donc le but est de forcer Sakayanagi et Ryuuen à utiliser leurs points non seulement pour les plus performants, mais aussi pour les élèves plus banals ?

Horikita — Je suis certes sceptique quant à l’efficacité de cette mesure mais elle parviendra au moins à attirer l’attention. Et pendant ce temps, je vais commencer à rentrer dans le lard en 2ndeD. C’est pourquoi ta proposition est exactement ce que je voulais entendre. Je pensais justement à entrer moi-même en contact avec Nanase-san.

Moi — Mais, agir comme ça ne ferait pas le jeu de Hôsen qui joue à la guéguerre des points ?

Horikita — Certes. Cependant,  cherche-t-il vraiment uniquement à gagner des points ? Souviens-toi, quand il nous a fait son petit numéro dans le couloir, il m’avait dit quelque chose du style : « Tu ne pourrais même pas trouver de partenaires sans supplier notre classe. Alors je vais vous donner un coup de main, bande d’attardés incompétents, d’accord

? ». En d’autres termes, son objectif était notre classe elle-même. Est-ce qu’il dirait vraiment quelque chose comme ça à des gens dont il n’attendait que des points ?

Horikita affirma qu’il devait y avoir une marge de négociation au-delà des points privés.

Horikita — Et je ne parle même pas du « À plus tard, Horikita » à la fin.

Moi — C’est sûr. On peut dire qu’il a au moins un certain intérêt pour la 1èreD.

Cette fois-ci, Horikita avait abandonné la première place en échange de trois objectifs : ne laisser personne se faire expulser, obtenir la troisième place ou plus dans le classement général des classes et ne participer à aucun échange

monétaire. Cela n’allait pas être pas facile, mais c’était précisément la raison

pour laquelle nous nous concentrions sur la 2ndeD.

Horikita — Néanmoins, il est juste de supposer que Hôsen-kun ne sera pas facile à gérer. Dans tous les cas, j’ai un plan de secours.

Apparemment, Horikita avait pris d’autres dispositions dont même moi je n’étais pas au courant.

Horikita — Nous sommes actuellement en discussion avec une partie de la 2ndeB pour éventuellement favoriser une sorte de partenariat.

Moi — Par 2ndeB… tu parles de ce type, Yagami, qui vient du même collège que Kushida et toi ?

J’avais repensé à la dernière mise à jour de l’OAA plus tôt ce matin, où j’avais vu que Yagami et Kushida avaient déjà choisi un partenaire.

Horikita — Kushida-san et Yagami-kun se sont associés hier. À regret, ce dernier ne me  dit vraiment rien, je n’ai aucun souvenir de lui d’époque. Mais il pourrait bien être la clé de tout cela. Il semble avoir une grande confiance en Kushida-san, alors nous avons déjà commencé les négociations en coulisses. Si tout va bien, nous pourrions augmenter notre nombre de collaborateurs.

Bien que ce soit définitivement une bonne nouvelle, il y avait quand même quelque chose qui m’inquiétait.

Moi — C’est toi qui donnes des instructions à Kushida ?

Étant donné que Kushida détestait Horikita, on ne savait toujours pas dans quelle mesure elle allait vraiment être prête à coopérer.

Horikita — Je suis bien consciente que ce sera difficile étant donné notre relation actuelle. C’est pourquoi je fais avancer les choses avec Hirata- kun comme intermédiaire.

Moi — Je vois. Si c’est le cas, Kushida devrait se tenir à carreau.

Si les négociations de Kushida avec Yagami parvenaient à attirer ne serait-ce que quelques élèves de notre côté, alors une partie du problème de partenaire de la 1èreD allait être résolue, ce qui pouvait permettre à certains de déjà se concentrer sur leurs révisions.

3

Hirata — Bonjour Horikita-san. Tu aurais un moment ?

Pendant la pause, Yôsuke alla voir Horikita à sa place. Pour une raison quelconque, je décidai de les surveiller depuis mon propre siège.

Hirata — J’ai fait le tour pour parler à un tas de gens hier, mais il s’avère difficile de faire coopérer quelqu’un. Quelques personnes m’ont dit qu’elles seraient prêtes à faire équipe, mais…

Bien qu’il s’agisse de camarades du club de football, le processus de recrutement ne semblait pas avancer très facilement. Après tout, amener les élèves de 2nde qui venaient juste de rejoindre le club à s’ouvrir complètement à lui était difficile, même pour quelqu’un comme Yôsuke.

Horikita — Ils t’ont demandé des points, n’est-ce pas ?

En voyant Yôsuke hocher la tête en guise de réponse, Horikita continua.

Horikita — Ils ont l’opportunité de se vendre à un prix élevé. Ce n’est pas surprenant.

Ainsi donc tous les seconde jouaient déjà à ce petit jeu, comme je l’avais imaginé.

Hirata — On m’a aussi dit que la 1èreA leur avait fait des offres, mais que la 1èreC avait suivi. La Classe C a essayé de débaucher presque tous ceux à qui la Classe A avait tendu la main.

Horikita — C’est tout à fait naturel puisque les élèves intelligents sont si âprement disputés.

Rien que Horikita ne savait pas déjà.  Cependant, ce que Yôsuke dit ensuite

était un peu différent.

Hirata — Mais il semble qu’ils aient même fait des propositions à certains élèves classés C ou D. J’ai même entendu des histoires selon lesquelles ils étaient prêts à payer de grosses sommes de points pour eux aussi.

Horikita — Tu dis donc qu’ils ne donnent pas nécessairement la priorité aux élèves les plus forts sur le plan scolaire ?

Hirata — Du moins, d’après ce que je sais.

Horikita  —  Très  bien.  Si  tu  te  souviens  du  nom  de  quelqu’un  en particulier, pourrais-tu me le donner ?

Hirata — Bien sûr.

Yôsuke énuméra les noms des élèves de 2nde dont il savait qu’ils avaient été approchés par la classe A. Horikita regarda ensuite chacun de ces noms dans l’application et comprit rapidement ce qui se passait.

Même si ceux qui avaient été approchés avaient des indices d’aptitude académique faibles, ils avaient chacun quelque chose d’exceptionnel en dehors de cela. Ils avaient donc plutôt été  choisis pour  leurs excellentes notes d’aptitude physique, d’adaptabilité ou de contribution sociale.

Horikita — Je vois… Comme prévu, je devrais dire.
Hirata — Je suppose qu’ils voient à long terme.

Cela n’allait peut-être pas être le seul examen où nous allions devoir coopérer avec les élèves de 2nde. Par conséquent, d’autres compétences que les aptitudes académiques allaient être nécessaires. L’idée était d’offrir une bouée de sauvetage aux élèves peu sûrs d’eux scolairement afin d’en récupérer les fruits quand le moment viendra et que leur talent sera requis.

En mettant cela de côté, ce qui était intéressant, c’était que la classe de Ryuuen

le faisait également : au lieu de viser uniquement les élèves ayant des notes d’aptitude académiques élevées, la classe C suivait de près les traces de Sakayanagi.

Horikita — Ce serait génial si nous pouvions faire ça aussi, mais…
Hirata — Ce serait difficile, n’est-ce pas ?

Nous étions des élèves de la classe D tandis que Sakayanagi était de la classe

A. Même ceux qui venaient de s’inscrire ici devaient déjà savoir quelle classe avait la meilleure image. Vu leur avenir, il était parfaitement compréhensible qu’ils préfèrent s’appuyer sur la classe la plus forte en cas de besoin.

Horikita — Merci. Puis-je te demander de continuer ta petite enquête ? Hirata — Oui, je te le ferai savoir si j’ai du nouveau !

Yôsuke rayonna vers Horikita avec un sourire lumineux et rafraîchissant, puis retourna à sa place.

Peu de temps après, je reçus un SMS de Horikita.

Horikita : Bon, voilà la situation.

Je vois. On dirait qu’elle s’était aperçue que je les écoutais.

Horikita : Hirata-kun est vraiment fiable, pas vrai ?
Moi : Je suppose.

Il s’était pris la tête avec Horikita à un moment donné, mais il semblait que l’eau avait bien coulé sous les ponts depuis. En tant que personne qui se donnait toujours à 100% pour le bien de la classe, il était une personne très fiable. Bien sûr, son intelligence et ses compétences en communication n’étaient pas à dédaigner, mais sa plus grande force était sa fiabilité : il avait de solides antécédents qui lui permettaient de donner l’impression de pouvoir tout gérer.

C’est aussi pour cela que Horikita était prête à discuter librement de stratégie

avec lui.

Horikita : En tant que classe D, nous partons avec un sacré handicap. Cela promet d’être tendu.

Moi : On n’a pas le choix je suppose. Bon courage !

Horikita : Tu sais que tu as aussi ton rôle à jouer, n’est-ce pas ? Moi : Tu veux dire le truc avec Nanase ?

Horikita : Oui. Si tu pouvais venir aux nouvelles le plus vite possible. Dis-lui que nous sommes prêts à tout moment.

Elle ne voulait pas perdre une minute. Battre le fer pendant qu’il est encore chaud, comme on dit. Après tout, si nous ne le faisions pas, les autres classes allaient nous arracher tous les élèves talentueux.

Moi : Bon, je m’y mettrai demain. Je dois d’abord m’occuper de tu sais quoi 🙁

Horikita : Oui, bien sûr.

4

Après les cours, je n’avais toujours pas eu de nouvelles de Nanase. Enfin, même si elle nous avait dit que tout était prêt, ce n’était pas comme si Horikita et moi pouvions agir le jour-même de toute façon.

Il y avait en effet une question encore plus urgente qui devait être traitée en premier : mon arrangement avec Amasawa pour lui préparer un repas fait maison. Rien que ça ! Tant que ma cuisine était à la hauteur, c’était une occasion exceptionnelle de l’amener à s’associer à Sudou. Cela dit, ce n’était en aucun cas une tâche facile.

À mon arrivée à l’entrée du centre commercial Keyaki dix minutes avant l’heure prévue, il semblait qu’Amasawa n’était pas encore là. Au lieu de tripoter mon téléphone portable ou autre, je me mis simplement à observer avec désinvolture les élèves qui entraient dans le centre commercial de là où je me trouvais. Les élèves, qu’ils soient en 2nde, en 1ère ou en terminale, discutaient joyeusement de tout et rien en affluant toujours plus nombreux dans le centre commercial. La température avait semblé plus chaude que d’habitude ce matin, mais à l’approche de la soirée, elle commençait à se rafraîchir. La température allait probablement encore baisser d’ici la tombée de la nuit.

Enfin, juste avant l’heure prévue, Amasawa se présenta enfin.

Amasawa — Perfecto-parfait~. Ayanokôji-senpai~ !!

Dès son arrivée, elle afficha un large sourire et hocha la tête plusieurs fois, comme si elle était satisfaite de quelque chose.

Moi — Qu’est-ce qu’il y a ?

Amasawa — Tu as attendu au lieu de rendez-vous avant que la fille ne se présente. Sans fioriture.

Elle était étonnamment perspicace. Ou peut-être devrais-je dire qu’elle avait

une solide compréhension de mes actions, aussi insignifiantes étaient-elles. Par « fioriture » elle faisait sans doute référence au fait que je n’étais pas en train de tripoter mon téléphone ou de passer un appel.

Bientôt, j’allais devoir subir l’épreuve d’Amasawa. En d’autres termes, j’allais devoir me mettre au travail et lui cuisiner quelque chose. Cela étant, le temps que j’ai passé debout ici aurait pu être une bonne occasion de dernière minute pour chercher des recettes et prendre diverses autres contre-mesures. Un peu comme ces élèves qui lisent et relisent leurs manuels jusqu’au dernier moment avant de rentrer dans la salle, avant l’examen.

Bien sûr, faire cela en soi n’aurait violé aucune des règles mises en place par Amasawa. Cependant, être sur mon téléphone comme ça pouvait me faire passer pour quelqu’un qui n’avait pas confiance en sa cuisine. De même que le fait de passer un appel téléphonique aurait pu donner l’impression que j’avais discuté de la question avec quelqu’un d’autre. Par conséquent, afin de mettre en valeur mon sang-froid, je n’avais délibérément rien fait qui puisse paraître excessif. J’avais prévu d’inculquer cette image de moi à Amasawa sans qu’elle ne s’en rende compte, mais elle semblait avoir déjà tout compris.

Amasawa — Alors Ayanokôji-senpai, on y va ?

Amasawa emboîta le pas et nous nous dirigeâmes alors  dans le centre commercial.

Moi — Acheter des ingrédients, c’est bien ça ?

Amasawa — Oh que oui, ça aussi ~.  Il faut que tu achètes les choses que tu vas faire mijoter pour moi. Tu as les points~ ?

Moi — Je devrais.

En vérité, il ne m’en restait pas tant que ça, mais je n’allais pas dire quelque chose d’inutile comme ça à un élève de 2nde.

Amasawa — Bien ! Je n’ai pas besoin de me retenir alors~ Voyons voir…

Je crois avoir entendu mes camarades de classe dire qu’ils vendent tous les produits essentiels ici, mais… Je me demande où sont les paniers à provisions~ ?

Au lieu de se diriger vers le supermarché, Amasawa entra directement dans Hamming, un magasin spécialisé dans la vente d’articles ménagers et d’autres nécessités quotidiennes, et prit un panier à provisions bleu qu’elle avait trouvé près de l’entrée.

Les mots « Ça aussi~ » qu’elle avait dit plus tôt raisonna d’un coup dans ma tête. Même si je savais que je devais lui préparer un repas, cela voulait-il dire que je devais faire autre chose que d’acheter des ingrédients ? Amasawa s’arrêta dans la section où les ustensiles de cuisine étaient exposés. D’un coup ça me renvoyait à mon arrivée ici, quand j’étais venu dans ce magasin pour acheter tout ce dont j’avais besoin. Quelle nostalgie !

Les élèves de l’école n’étaient pas les seuls à se servir de ces fournitures, les professeurs et les employés qui travaillaient à la cafétéria ou dans les cafés du campus étaient également concernés, c’est pourquoi le magasin avait une section particulièrement grande réservée aux ustensiles de cuisine. Je me souvenais de la première fois où j’étais venu ici, j’avais eu sacrément du mal à m’y retrouver.

À première vue, ils avaient sorti un set de nouveaux produits depuis ma dernière visite, il y a un long moment maintenant.

Peut-être que le fait qu’Amasawa se soit arrêtée ici signifie qu’elle cherchait à acheter un équipement spécifique ou quelque chose du genre ? Après tout, le magasin avait des éplucheurs, des râpes, des mortiers et d’innombrables autres ustensiles de cuisine. Étant donné toute la variété, il y en avait naturellement plusieurs que je ne possédais pas non plus. Quoi qu’il en soit, c’était juste bizarre qu’elle n’ait pas pris la peine de me parler de tout cela. Il me semblait logique qu’elle vérifie d’abord quels ustensiles j’avais ou n’avais pas. Compte tenu de nos contraintes de temps actuelles, il aurait été facile pour elle de m’en parler pendant que nous marchions ensemble, mais…

Je retins mon envie de lui poser la question, permettant à Amasawa de garder

le contrôle pour l’instant. Je choisis d’essayer d’aborder un sujet qui n’avait rien à voir avec les ustensiles de cuisine.

Moi — As-tu déjà préparé à manger toi-même, Amasawa ?

Amasawa — Moi ? Pas du tout. Je ne suis pas du genre à préparer un repas toute seule. Je suis le genre de fille qui préfère laisser les autres cuisiner pour moi plutôt que de faire des choses par moi-même.

Elle me dit tout cela avant de s’arrêter d’un coup, étant apparemment arrivée à destination. Le voyage jusqu’ici s’était déroulé sans encombre. Elle détourna son regard de moi, fixant ses yeux sur l’étagère de marchandises en face de nous. Pendant quelques dizaines de secondes, elle resta là, perdue dans ses pensées, les bras croisés, presque comme si elle était troublée par quelque chose. Puis, comme si elle s’était décidée, elle hocha la tête avec assurance, en marmonnant un « très bien » pour elle-même.

Amasawa — Pour commencer, nous aurons besoin d’une planche à découper, n’est-ce pas ? Puis un couteau de cuisine ? Ensuite, il y a des bols et un fouet, et après ça, nous aurons aussi besoin d’une casserole et d’une louche, hein~ ?

Elle jeta chaque article dans le panier l’un après l’autre en les énumérant à voix haute. Le dernier article qu’elle mit était une grande cuillère ronde, qui, apparemment, était une sorte de louche.

Amasawa — Attends une seconde. J’ai déjà presque toutes ces choses que tu vas récupérer dans ma chambre.

J’eus un mauvais pressentiment à ce sujet, alors je me préparai à parler, mais…

Amasawa — C’est bon, c’est bon. Je te fais juste acheter ces produits exclusivement pour quand tu cuisines pour moi.

Pardon ? La planche à découper qu’elle avait mise dans le panier était d’une qualité encore supérieure à celle que j’utilisais dans ma propre chambre. Elle

semblait avoir été fabriquée en cyprès hinoki et coûtait un peu plus de 4000

points. Tous les autres articles étaient également de grande qualité.

À ce stade, il semblait qu’elle n’avait pas encore terminé car elle repartit une fois de plus, jetant son dévolu sur la prochaine série d’étagères. Son attitude troublée de tout à l’heure n’était nulle part visible, car elle s’empara d’un petit couteau à fruits sans la moindre hésitation.

Amasawa — Tout cuisinier qui se respecte a besoin d’un petit couteau, n’est-ce pas ?

Elle parla d’un ton décontracté et détendu en jetant le couteau dans son panier. Pour un amateur stupide comme moi qui ne savait même pas que les couteaux à fruits étaient aussi connus sous le nom de couteaux petty. Ce couteau était très cher, son prix s’élevant à près de 3000 points. Même si de nombreuses options moins chères étaient exposées à côté du couteau qu’elle avait choisi, elle n’avait même pas feint de faire semblant de s’y intéresser. D’après ce que j’ai pu voir, la différence de prix se résumait finalement à savoir si le couteau était vendu avec un étui ou non et s’il avait été fabriqué au Japon ou non. Mais même dans ce cas, le couteau qu’elle avait choisi était tout de même excessivement luxueux.

Apparemment, on s’attendait à ce qu’un chef cuisinier compétent maîtrise l’utilisation de ce genre de petit couteau de cuisine.

Moi — C’est juste une question, mais celui qui paie… Amasawa — Bah toi bien sûr, Ayanokôji-senpai~ !

Je savais déjà que je devais payer ici, mais le total dépassait facilement les 15 000 points à présent. À ce stade, autant jeter l’équipement que j’avais déjà et le remplacer par celui-ci. Penser à la nourriture que j’allais me faire en utilisant ces outils haut de gamme allait peut-être m’aider à mieux supporter la situation…

Amasawa — Ah, comme je l’ai dit plus tôt, tu les achètes pour cuisiner

pour moi exclusivement. Alors ne les utilise pas pour toi au quotidien, hein~ ?

Moi — Es-tu une sorte de démon ?

Je passai la vitesse supérieure et matérialisai mes pensées crues mais Amasawa avait avec insolence anticipa cela.

Amasawa — Tu peux arrêter maintenant si tu le veux, tu sais~ ?

Elle parla de façon provocante, les mains toujours agrippées à la poignée du panier à provisions bleu. Elle s’était accrochée à ma faiblesse, pleinement consciente qu’il n’y avait aucune chance que je puisse refuser, dansant dans la paume de sa main. 15 000 points, c’était un prix incroyablement bon marché à payer pour que Sudou s’associe à un élève classé A. Je n’avais pas d’autre choix que de réduire mes pertes et de prendre une décision.

Ayanokôji — Non, je comprends. J’accepte toutes tes conditions, alors n’hésite pas à acheter ce que tu veux.

Amasawa — Tu penses que je suis une mauvaise fille ? Moi — Je ne dirais pas ça.

Amasawa me fixa les yeux puis, semblant avoir réalisé quelque chose, sourit jusqu’aux oreilles.

Amasawa — Alors tout devrait rouler, Senpai~ !

Finalement, il avait été décidé que je devais tout acheter, du pot à la louche et toutes sortes de choses entre les deux. Chaque article, pour rappel, acheté sous l’horrible condition de ne l’utiliser que pour elle.

5

Nous sommes ensuite allés au supermarché pour acheter les ingrédients. Ce pour quoi nous étions venus au centre commercial à la base en fait.

En tout, j’avais fini par dépenser environ 20 000 points privés. Inutile de dire que je n’avais jamais acheté autant de choses à la fois auparavant. Les sacs en plastique que je portais étaient si lourds que les poignées s’enfonçaient dans mes doigts.

Mon idée sur ce qu’Amasawa prenait exactement en compte et ce qu’elle voulait que je fasse avec ces ingrédients était vague. C’est parce qu’elle m’avait fait acheter toutes sortes de choses, des légumes à la viande en passant par les fruits et autres.

Cependant, il y avait quelques plats qui me venaient à l’esprit. Par exemple, la présence de nam pla1 et de piments m’avaient permis de réduire les options. Enfin, c’était encore difficile à dire. Qui sait si elle ne m’avait pas fait acheter plusieurs ingrédients pour plusieurs plats différents, pour brouiller les pistes ? Après avoir été témoin de tout ce qu’elle avait dit et fait tout au long de la journée d’aujourd’hui, je ne pouvais pas m’empêcher d’entretenir ces soupçons. Il était probablement prudent de supposer qu’il était encore impossible de deviner ce qu’elle voulait me faire faire.

Amasawa  — Okééé~ ! Je pense  qu’on est bons !  Fonçons dans ta chambre, senpai !!

Elle parlait avec un niveau d’enthousiasme que l’on attendrait d’une fille qui se rendait dans la chambre de son petit ami, mais je ne ressentais même pas une once d’excitation à ce sujet. Si je ne parvenais pas à lui cuisiner un plat qui lui plaise, toutes les négociations allaient immédiatement prendre fin. Sans compter que cette fois, la tâche consistait à lui cuisiner quelque chose de

« délicieux », ce qui était un critère intrinsèquement abstrait sur lequel se baser.

1 Sauce de poisson. Très utilisée dans les plats thaïlandais.

À supposer qu’elle se paye ma tête depuis le début, alors tout cela n’aura été qu’une perte futile de points et de temps. Mais pour l’instant, il semblait que je n’avais pas d’autre choix que de tenter le coup.

Je n’avais pas réalisé que la décision prise la veille par Horikita en une fraction de seconde aurait conduit à quelque chose d’aussi lourd et gênant. À l’origine, d’ailleurs, je n’avais rien dit à Horikita et Sudou puisque cela ne me dérangeait pas de couvrir les frais. Mais, désormais, j’envisageais sérieusement de leur réclamer une petite participation. Enfin, il était sûrement préférable de mettre cette question de côté pour le moment.

Afin d’affronter la situation actuelle de la manière la plus directe possible, je décidai de poser à Amasawa l’une des questions qui me trottaient dans l’esprit.

Moi — Vouloir manger un repas préparé par un gars que tu ne connais même pas est un peu étrange, tu ne trouves pas ? Les gens ne seraient pas très chauds à cette idée normalement.

Ce n’était que mon opinion personnelle mais j’avais l’impression que c’était quelque chose que pas mal seraient généralement réticents à faire. Les repas n’étaient pas seulement faits pour le spectacle, ils étaient faits pour être mis dans la bouche et avalés dans l’estomac. Or on se préoccupe normalement de savoir qui a cuisiné le repas et comment il a été préparé, car ces facteurs sont directement liés au goût et à l’hygiène. Puis, à mesure que la confiance s’installe avec la personne aux fourneaux, ce sentiment de réticence passé commençait progressivement à s’estomper.

Amasawa — Tu crois ? Mais, genre, ce n’est pas si différent de manger dans un restaurant non ? Avec un étranger qui fait son truc dans la cuisine, il n’y a aucun moyen de savoir ce qui se passe en coulisse.

Il est vrai qu’aucun d’entre nous ne savait exactement comment la nourriture était préparée à la cafétéria de l’école, par exemple.

Cependant, bien que ces deux scénarios puissent sembler identiques en apparence, ils étaient en fait radicalement différents.

Moi — Même si un restaurant préparait une simple boule de riz, il respecterait toujours les directives d’hygiène. C’est complètement différent de ce qui se passe lorsque nous cuisinons nous-mêmes, n’est- ce pas ?

Amasawa — Et alors ? C’est bien de voir directement la personne qui cuisine. Parce qu’alors tu peux voir son regard et comment il s’y prend pour faire le plat et tout. Tu pourras aussi vérifier et t’assurer qu’il respecte les règles d’hygiène. À l’inverse, certaines cuisines de restaurants ne sont-elles pas comme, totalement cachées du public ? Et je parle même pas de ce genre d’endroits, tu sais avec des insectes et des trucs qui rampent partout.

Son argument était donc que tant qu’elle était témoin directe de la préparation, peu importe qui faisait la nourriture, même si c’était un étranger.

Amasawa — De plus, je pense que j’ai une assez bonne idée du fonctionnement de cette école. Genre je serais forcée de vivre modestement si je me retrouvais sans aucun point hein ? Mais si je demande à Senpai de cuisiner pour moi, je n’aurais pas à m’inquiéter pour ça !!

Voilà. On y était. En d’autres termes, si le repas que je lui cuisinais cette fois- ci lui convenait, elle allait revenir me dépouiller. Elle cherchait essentiellement à s’assurer un ticket repas fiable en cas d’urgence. Dans l’absolu pourquoi pas, ça allait probablement être une bonne occasion pour moi d’améliorer mes compétences culinaires. Mais je ne savais pas trop si elle allait être prête ou non à payer le coût des ingrédients.

Amasawa — Tu comprends où je veux en venir ? Moi — Plus ou moins.

Amasawa afficha un sourire resplendissant.

Mais il y avait quand même quelque chose qui ne collait pas. Est-ce qu’un

élève de 1ère, et un homme de surcroît, était vraiment la meilleure personne à qui parler de ça ? J’aurais imaginé que demander cela à l’un de ses camarades de classe proches, ou tout simplement à une autre fille, aurait été beaucoup plus simple. Mais je ne me plaignais pas vraiment, puisque je cherchais à en tirer profit également.

Amasawa — De toute façon, je suis super pointilleuse sur le goût~ Si ce n’est pas assez délicieux, l’affaire est annulée, d’accord ?

Moi — Je comprends. Ce n’est pas parce que je prépare le plat qu’il sera assez bon pour toi.

À cet égard, l’obstacle était loin d’être mince, mais je n’avais pas d’autre choix que de baisser la tête et de faire de mon mieux.

Les compétences culinaires que Horikita m’avaient transmises la nuit dernière allaient-elle faire leurs preuves ? Je me demandais à quel point j’allais pouvoir tirer parti de sa formation dans le peu de temps qui s’était écoulé depuis que nous avions accepté la proposition d’Amasawa hier.

Mais même ainsi, Amasawa n’était probablement pas quelqu’un que j’allais pouvoir tromper très facilement. Je pouvais deviner, d’après les ingrédients qu’elle avait choisis, qu’elle était impatiente de tester mes compétences

Ainsi, nous étions enfin arrivés à l’entrée des dortoirs. Amasawa leva les yeux vers le bâtiment avec sa main placée au-dessus de son front, protégeant ses yeux des rayons du soleil.

Amasawa — Les dortoirs de 1ère sont plutôt déstabilisants.

Bien qu’elle ait dit cela, elle n’avait pas l’air nerveuse du tout. Au contraire, elle donnait l’impression de beaucoup s’amuser.

Amasawa — Ah, mais je suppose qu’ils sont comme ceux des 2nde en fait ! ~

Elle partagea ses pensées après avoir jeté un long regard à l’extérieur du

bâtiment et à l’intérieur du hall. Moi — Oui, probablement.

Je m’étais contentée de suivre négligemment ce qu’elle disait, même si je n’avais jamais visité les autres dortoirs auparavant.

Nous n’avions pas manqué d’attirer l’attention de certains élèves des autres classes lorsque nous sommes passés devant eux.  Je suppose que c’était tout à fait naturel, puisque j’avais l’air de ramener une fille de 2nde dans ma chambre avec moi – avec des provisions à la main, en plus.

Amasawa saluait nonchalamment les élèves de la classe supérieure qui nous regardaient lorsque nous passions devant eux, mais je voulais qu’elle arrête tellement ça attirait l’attention. Ainsi donc je la précipitai dans ma chambre avant que des rumeurs étranges ne se rependent.

Amasawa — Pardonne l’intru~sion. Wow, tu as vraiment tout bien rangé, hein ? C’est genre, super propre aussi~.

Moi — J’ai juste nettoyé hier soir car je savais que j’allais recevoir un élève de 2nde.

Sous-entendu, « je n’ai pas passé la nuit dernière à étudier la cuisine », « j’ai juste rangé ».

Enfin, on arrivait dans la partie délicate. La séquence des événements à partir de maintenant allait être décisive.

Après avoir posé les sacs de provisions et les ustensiles de cuisine sur le sol près de la cuisine avec mon cartable, la première chose que j’avais faite fut d’aller mettre l’eau de ma bouilloire électrique à bouillir. Ensuite, je me dirigeai vers le salon et demandai à Amasawa de s’asseoir.

J’aurais pu la faire asseoir à un endroit où elle ne pouvait pas voir la cuisine,

mais je supposais qu’il était essentiel qu’elle soit là où elle pouvait jeter des petits coups d’œil à ce que je faisais si elle en avait envie.

Ayanokôji — Je vais faire du café. N’hésite pas à allumer la télévision si tu veux.

Amasawa — Merci, Senpai.

Puis, je préparai son café après que l’eau ait commencé à bouillir, le lui donnant avant de lui demander de patienter un peu. Amasawa prit la télécommande que j’avais posée sur la table et commença à zapper les chaines.

L’inciter à regarder la télé en plaçant la télécommande à proximité était une bonne idée après tout. Même si ce n’était pas du tout infaillible, c’était à mon avantage de noyer un peu le poisson avec le son de la télévision. Une fois que j’avais confirmé qu’elle avait allumé la télé, je retournai en cuisine en me déplaçant de manière à souligner que je voulais commencer immédiatement. Je devais m’assurer que je pouvais l’empêcher de regarder ce que je faisais si elle commençait réellement à regarder, mais heureusement, il ne semblait pas qu’elle veuille le faire.

Amasawa — Oh, chercher quelque chose sur ton téléphone est contraire aux règles, ok~ ?

Elle se retourna, me mettant en garde.

Moi — T’es dure. Tout le monde regarde la recette en même temps à notre époque !

Amasawa — T’as peur~ ? Moi — Non, pas vraiment.

Amasawa — Super alors ! Parce que pour moi, un bon cuisinier est quelqu’un qui connaît la recette par cœur.

Bien qu’Amasawa n’ait pas mentionné cette condition la veille, je m’exécutais,

ayant plus ou moins accusé le coup.

Moi — Bon, je vais laisser mon téléphone sur le lit alors.

Je partis brancher mon téléphone dans le chargeur et le posai sur mon lit. Amasawa hocha la tête d’un air satisfait et prit sa tasse de café.

Moi — J’aimerais commencer avant qu’il ne soit tard, alors quel plat dois- je préparer ?

Amasawa — Très bien, je vais te le dire~ Le plat que tu vas faire est… Un

Tom Yum Goong !

Moi — Tom yum goong… c’est ça ?

Cela semblait être la raison de la présence des piments et du nam pla, deux ingrédients indispensables de la cuisine thaïlandaise.

Amasawa — Tu peux le faire pour moi~ ? S’il te plaît, Seeenpai~ !!

Le plat dont Amasawa m’avait chargé était le Tom Yum Goong. Bien sûr, je n’avais jamais rien préparé de tel dans ma vie. Je n’en avais même jamais vraiment entendu parler, et encore moins goûté. Ce n’était pas trop le genre de trucs à figurer au menu de la White Room. J’avais vu assez d’émissions pour savoir que le plat était populaire auprès des femmes, mais sans plus.

À en juger par l’étendue de mes compétences, j’étais probablement inca- pable de préparer ce plat correctement. Non seulement je n’avais aucune idée des ingrédients exacts qui le composaient, mais je n’avais pas non plus la moindre idée de la façon de le préparer.

Et qu’est-ce que du coup mon entraînement de la veille avait apporté ? Je n’avais pas passé mon temps à faire quelque chose d’imprudent comme tenter de mémoriser les recettes de tous les plats de l’histoire de l’humanité. Je n’avais pas non plus passé le temps à maîtriser les modes de cuisson. Après tout, ça aurait été une absurdité totale de passer du temps à mémoriser des

recettes étant donné qu’il y avait une possibilité qu’Amasawa me permette d’en

suivre une sur mon téléphone.

En fait, pour relever le défi, Horikita avait envisagé deux choses.

Tout d’abord, apprendre à manier les outils et les différentes techniques qui en découlent. J’avais ainsi passé le gros de la soirée à m’entraîner à trancher, râper, couper en dés et hacher. C’est-à-dire des techniques qui pouvaient donner une forte impression de compétences culinaires au premier coup d’œil. Bien sûr, je n’étais pas arrivé au niveau d’un chef étoilé… Mais au moins à un niveau pas mal pour une personne lambda. Après tout, dur de tout apprendre en une demi-journée. Heureusement j’avais confiance en ma capacité à assimiler rapidement de nouvelles choses. Ainsi, pour résumer, j’avais probablement réussi à atteindre le niveau de quelqu’un cuisinant son propre repas au moins deux fois par semaine.

J’avais pu progresser très  rapidement car j’avais fait l’impasse sur l’apprentissage de recettes. Néanmoins, le revers de la médaille était que je n’avais aucune idée de comment faire le plat qu’Amasawa imposait… Et c’était là où la deuxième partie de notre plan opérait, à savoir vérifier les recettes en temps réel à l’aide d’un téléphone portable. Mais Amasawa m’avait expressément interdit de regarder mon téléphone qui était actuellement retenu en otage sur mon lit. Et même si j’avais caché une tablette ou autre quelque part à proximité, je n’aurais probablement eu aucune ouverture pour le regarder.

En fait, nous nous attendions à ce qu’Amasawa garde un petit œil sur moi. En profitant de l’angle mort de cette dernière, je sortis de ma poche droite un tout petit appareil de moins de 2 cm de diamètre. À première vue, l’appareil ressemblait à un bouchon d’oreille ordinaire, et je l’insérai comme si de rien n’était dans mon oreille droite, sachant qu’Amasawa ne pouvait pas me voir.

Je me raclai ensuite la gorge en guise de signal. Puis…

Horikita — Du tom yum goong, rien que ça ! J’écoutais depuis le début et, pourtant, je n’aurais pas pensé à ce plat.

J’entendais la voix d’Horikita à travers l’oreillette miniature sans fil que j’avais

insérée dans mon oreille droite.

La stratégie consistait à demander à Horikita de me transmettre les instructions des recettes en temps réel puisqu’elle pouvait accéder librement à son ordinateur dans sa propre chambre. Le téléphone portable de Sudou avait été rangé dans mon sac que j’avais placé près de mes pieds, ce qui relayait tous les bruits sortant dans l’oreillette sans fil. J’étais en communication avec Horikita avant même d’arriver au centre commercial plus tôt. Pendant qu’Amasawa et moi faisions nos courses au centre commercial, Horikita était déjà rentrée et se tenait prête.

Et bien entendu, l’achat d’une oreillette sans fil avait fait partie de nos préparatifs de la veille !

S’il semblait qu’Amasawa était sur le point de se lever de son siège et de venir voir comment je m’en sortais, je pouvais simplement faire semblant de me gratter la tête en récupérant l’oreillette et en la remettant dans ma poche. Après tout, puisqu’elle gardait un œil sur moi, j’étais plus que capable de garder un œil sur elle également. Grâce à ça, je pouvais cuisiner sans avoir à me soucier de la recette.

Nous avions également établi plusieurs signaux discrets au cas où Horikita donnerait une instruction trop rapidement ou si je voulais réentendre une explication.

Ainsi donc, désormais, tout dépendait de la qualité de notre coordination. En effet, quand bien même je savais quels ingrédients et quels outils utiliser, je n’avais aucune sorte de référence visuelle. Après tout, je devais faire un plat dont je ne connaissais pas grand-chose, et je devais le faire parfaitement. Le défi était de donner des instructions de façon quasi unilatérale.

Horikita — Au fait, il y a quelque chose que j’aimerais que tu vérifies d’abord avec Amasawa-san.

Je pris la question d’Horikita et la reformulai avec mes propres mots avant de demander.

Moi — Amasawa. Il n’y a pas besoin d’utiliser un fouet ni de petit couteau pour faire du Tom Yum Goong. S’il y a autre chose d’autre que tu veux que je fasse pour toi, dis-le-moi maintenant.

Non pas que je voulais qu’elle agrandisse le menu, mais j’avais préféré lui demander à l’avance comme Horikita me l’avait dit.

Amasawa — J’allais le demander plus tard, mais je pensais te demander de me peler une pomme.

On dirait qu’Amasawa avait prévu de demander autre chose après, comme nous le soupçonnions.

Amasawa — Tu es libre de profiter des restes d’ingrédients autant que tu veux, Senpai. Oh, et je te demanderai d’utiliser le reste des ustensiles que nous avons achetés la prochaine fois que je viendrai, d’accord~ ?

Le petit couteau que je n’étais pas sûr d’utiliser allait servir en fait à quelque chose aujourd’hui, mais sinon il semblait que je pouvais ranger la plupart des autres ustensiles pour le moment.

Horikita — Bon, je t’ai appris à utiliser un couteau à fruits hier. Donc tu peux t’occuper de la pomme, non ?

Ce n’était qu’à peine une journée d’entraînement, m’enfin c’était sûrement plus que suffisant pour couper une pomme.

Horikita — Notre objectif est un temps de cuisson d’environ 15 à 30 minutes, tu es prêt ?

On va faire ce qu’on peut !

6

Bien que cela ait pris un peu plus de temps que prévu, j’avais réussi à faire le tom yum goong à peu près comme indiqué. Et maintenant, le moment était venu de faire goûter le plat terminé à Amasawa.

Je n’aurais jamais cru servir un repas fait maison à une fille que je venais juste de rencontrer ! Ainsi je posai ma préparation sur la table, devant elle, avant de me retourner et de revenir tout de suite avec une pomme à la main. Il semblait nécessaire de démontrer que j’étais capable de manier le couteau petty devant Amasawa.

Moi  —  J’utilise  habituellement  un  couteau  de  cuisine  normal  pour éplucher les pommes, alors je ne garantis rien…

Je disais ça histoire de, avant de peler la pomme.

Amasawa — Wow~ Super ! Tu te débrouilles parfaitement ! La façon dont tu manies ce couteau reçoit tous les points de ma part !!

Je n’avais pas l’air d’un professionnel ou quoi que ce soit, mais au moins, je ne donnais pas l’impression que c’était la première fois que je touchais un couteau. J’étalai ensuite devant elle les tranches de pomme fraîchement coupées.

Moi — Au fait, quand je pense « tom yum goong », la première chose qui me vient à l’esprit est la coriandre. Tu n’aimes pas ça ou quoi ?

La coriandre ne faisait pas partie des ingrédients qu’elle m’avait fait acheter.

Amasawa — Si ! C’est juste que j’ai pensé que ça te mettrait trop sur la piste du plat !

Elle avait été méfiante, ayant délibérément choisi d’omettre la coriandre, c’est-à-dire qu’elle avait pris des mesures pour m’empêcher de lui jouer un

mauvais tour. Je pouvais comprendre qu’elle avait agi ainsi pour éviter de me

montrer une ouverture, mais c’était assez excessif de sa part quand même.

Moi — Ça te dérange si je commence à tout nettoyer ?

Je demandai, profitant de l’occasion pour remettre la planche à découper et le couteau petty que j’avais utilisé pour la pomme dans la cuisine.

Amasawa — Non non non. Tu dois t’asseoir ici et attendre que le juge donne son verdict, d’accord ?

Elle protesta, exigeant que je m’assoie juste en face d’elle. Incapable d’aller à son encontre, je renonçai à nettoyer et retournai dans le salon, comme elle me l’avait demandé.

Amasawa — Très bien, il est temps de se mettre à table~.

Amasawa porta lentement une cuillerée de tom yum goong chaud dans sa bouche. Cela n’avait pas l’air de la déranger que je sois assis là, comme ça, à la regarder manger. Mais ça ne me dérangeait pas plus que ça non plus, alors pour le coup nous étions en phase.

Après avoir fini de manger, Amasawa serra les mains l’une contre l’autre, apparemment satisfaite.

Amasawa — Merci pour le repas.

Elle semblait avoir un gros appétit car elle avait tout englouti jusqu’à la dernière bouchée ! Alors de là à savoir si j’ai été à la hauteur… J’avais goûté avant de le lui servir, mais je n’avais aucun moyen d’être sûr que le goût était bon ou pas. Je ne m’étais pas trompé dans la préparation, donc à priori il n’y avait pas de raison d’avoir de soucis.

Néanmoins, tout dépendait maintenant de l’appréciation d’Amasawa. Si elle jugeait cela insuffisant, cette bataille marquait la fin de la guerre. Une guerre dans laquelle nous avions perdu.

Amasawa — Ton tom yum goong…

Elle marqua une pause pendant un moment avant de rendre son jugement.

Amasawa — Ouais, je suppose que c’était tout juste assez bon. Ce n’était pas, genre, super délicieux ou quoi que ce soit, mais je pense que le goût était assez bon pour que j’aie envie de réessayer.

Elle n’avait pas encore abordé la partie qui m’importait le plus : savoir si j’avais réussi ou échoué.

Amasawa — Eh bien pour l’instant, je vais débarrasser, d’accord ?

Sur ce, Amasawa ramassa son bol, sa cuillère et les autres plats sur la table et se dirigea vers la cuisine. Elle ne s’était pas contentée de placer les plats dans l’évier, mais avait plutôt commencé à ranger toute la cuisine pour une raison quelconque.

Moi — Je vais m’en occuper à partir d’ici.

Amasawa — C’est bon, c’est bon~ C’est moi qui t’ai forcé à cuisiner pour moi, alors laisse-moi au moins faire ça. Va t’asseoir et détends-toi, Senpai. Je suis nulle en cuisine mais j’aide toujours ma mère à débarrasser après !

Moi — Eh bien, je vais te prendre au mot alors. Au fait, à propos de notre marché… alors ?

Amasawa devint silencieuse alors qu’elle procédait au rangement de la cuisine. On n’entendait que le son des nouvelles du soir qui passaient à la télé.

Amasawa — Oh c’est vrai~ Je dois annoncer les résultats, n’est-ce pas ? Mais c’est un peu délicat~.

En y réfléchissant, Amasawa ne semblait pas satisfaite de la position du ruban qui retenait sa queue de cheval droite, alors elle le détacha et commença à le rattacher, en utilisant son reflet sur l’écran de son téléphone comme miroir.

Peu de temps après, juste au moment où elle termina de renouer ses cheveux, elle rendit son verdict.

Amasawa — Comme je l’ai dit tout à l’heure, c’était tout juste passable. Après tout, ta technique n’était pas terrible, et le goût juste « pas mal ».

Moi — Juste pas mal ? Tu es vraiment très exigeante ! Amasawa — Eh bien, j’avais dit que j’étais très pointilleuse !

Amasawa sourit, me regardant pendant qu’elle parlait.

Amasawa — Je suppose que le fait que je revienne ou non manger ici la prochaine fois dépendra de tes progrès, senpai !

Cela signifie que mes compétences en cuisine n’étaient pas au niveau où elle voulait passer et me demander de lui préparer un repas très souvent. Bien qu’elle ait dit que c’était tout juste assez bon, je ne savais toujours pas si cela signifiait que j’avais réussi ou non.

Moi — Donc ce marché avec Sudou ne tient plus, hein ?

J’avais quelque peu hésité à le confirmer ainsi, mais je préférai aller droit au but.

Amasawa — Même si je ne peux pas exactement dire que tu as réussi, il est vrai que tu sais cuisiner. Je t’ai fait acheter toutes sortes de choses chères et comme tu m’as laissée manger gratuitement, je suppose que je dois te rendre la pareille. Je vais me mettre avec Sudou-senpai, par respect pour tes efforts je pense ~ !

Même si cela n’avait pas suffi à la satisfaire, il semblait que, pour l’instant, j’avais tout juste réussi à relever le défi. Elle m’annonça la bonne nouvelle au moment où je commençais à penser que c’était cuit, laissant échapper un soupir de soulagement.

Amasawa — J’ai presque fini de nettoyer, alors attends encore un peu,

d’accord ?

Je ne pouvais pas me contenter de la fixer pendant qu’elle remettait diligemment la cuisine en place, alors je décidai de m’asseoir et de regarder les infos à la télé en l’attendant.

Après un long moment, Amasawa revint dans le salon, satisfaite de l’état de la cuisine. Elle sortit ensuite son téléphone et soumit une demande de partenariat avec Sudou, me montrant l’écran en même temps qu’elle le faisait. Tant que Sudou répondait à son offre avant la fin de la journée, leur partenariat pouvait être finalisé.

Moi — Sudou est en plein dans ses activités de club en ce moment, alors je lui demanderai d’accepter plus tard. D’accord ?

Bien que ce n’était pas entièrement faux, la vraie raison était que j’avais son téléphone portable et qu’il ne pouvait pas l’utiliser pour le moment.

Amasawa — Carrément ~ Quoi qu’il en soit, je ne veux pas trop tarder alors je vais rentrer maintenant. À plus tard, Ayanokôji-senpai !

Le plan s’était déroulé sans problème, alors qu’Amasawa se dirigeait vers la porte d’entrée pour partir.

Moi — Amasawa. Merci d’avoir accepté de faire équipe avec Sudou. Tu as fait beaucoup pour lui, et pour Horikita aussi.

Amasawa — Oui oui~ Couvre-moi de gratitude !!! Elle répondit d’un air enjoué, en enfilant ses chaussures.

Moi — En attendant, il y a quelque chose que j’aimerais te demander, mais…

Au moment où j’allais dire ce que  c’était, Amasawa finit de mettre ses chaussures et me regarda dans les yeux.

Amasawa — Est-ce que tu veux que je serve d’intermédiaire entre nos classes ?

Elle m’ôta les mots de la bouche. Son placement en classe A et ses capacités académiques notées A n’étaient pas une blague, après tout. Elle possédait une telle vivacité d’esprit qu’elle pouvait se permettre de parler comme elle pensait.

Moi — Exactement. Il y a pas mal d’élèves de ma classe qui ont du mal à trouver un partenaire, tout comme Sudou. Ce serait génial si tu pouvais nous présenter des personnes qui seraient prêtes à nous aider aussi !

Amasawa — Déso ~ Mais je pense que ce sera chaud.

Amasawa joignit ses deux mains pour s’excuser. Elle refusa ma demande sans même y réfléchir.

Amasawa — C’est pas toi ou Horikita-senpai hein ! Je pense que ça aurait pu être une bonne idée, mais je ne suis pas vraiment proche de mes ca- marades de classe…. Tu te souviens que j’étais toute seule quand je vous ai rencontrés hier, pas vrai ?

Moi — Maintenant que tu le dis, oui.

De nombreux élèves étaient au centre commercial avec leurs amis, mais Amasawa était seule.

Amasawa — Je suppose que tu pourrais dire que je manque de tact, ou quelque chose comme ça, mais c’est parce que je ne suis pas du genre à édulcorer mes paroles. C’est difficile de se faire des amis quand on est comme ça ! C’est pourquoi je ne peux pas vraiment t’aider.

Moi — Non, c’est bon. Le fait que tu te fasses équipe avec Sudou est déjà beaucoup ! Si tu rencontres des problèmes, n’hésite pas à compter sur moi. Je pourrai peut-être faire quelque chose pour te rendre la pareille.

Amasawa — Mhm, merci~ Quoi qu’il en soit, à plus tard~ Bye-bye~ !

Même si je n’avais pas réussi à établir une connexion avec la 2ndeA, c’était plus que suffisant pour l’instant.

Moi — Je suppose que c’est bon.

Après avoir raccroché l’appel en cours sur le téléphone de Sudou, j’appelai Horikita en utilisant le mien.

Horikita — Bien joué, on dirait qu’on est arrivé à nos fins !

Horikita exprima instantanément sa joie.

Moi — J’ai l’impression que nous avons été sauvés par la clémence d’Amasawa, cependant.

Horikita — Malgré tout, ça a permis de résoudre le problème de Sudou. C’est tout un accomplissement.

C’était mal de notre part d’avoir trompé Amasawa, mais nous nous en sommes tout de même sortis à la fin. La seule chose qu’il restait à faire maintenant était d’attendre que Sudou vienne chercher son téléphone dans ma chambre et accepte la demande. Et vu l’heure, il n’allait probablement pas tarder à se montrer.

Horikita — Pourquoi as-tu demandé à Amasawa-san de servir d’intermédiaire avec la 2ndeA ? Sa personnalité et son nombre d’amis mis à part, tu peux imaginer à quel point il serait difficile pour elle de négocier quelque chose avec nous, la 1èreD, non ?

Horikita n’avait jamais évoqué la 2ndeA lorsqu’elle exposait sa stratégie pour cet examen spécial. La seule raison était la difficulté évidente d’établir une relation de coopération entre eux.

Moi — J’ai demandé par convenance, je n’attendais rien d’elle. Après

tout, c’est une vérité que notre classe a du mal à trouver des partenaires. Du coup ça aurait été étrange de ne rien tenter.

Être en difficulté implique logiquement de saisir la moindre opportunité qui se présente. Ne même pas essayer lui aurait fait comprendre que nous avions une stratégie.

Horikita — En d’autres termes… Tu ne voulais pas qu’Amasawa-san se rende compte que nous avions renoncé à séduire la 2ndeA dès le début, en concentrant notre attention sur la 2ndeB et la 2ndeD à la place.

En fait, Horikita n’avait même pas envisagé de se mettre la 2ndeA dans la poche grâce à Amasawa puisqu’elle avait déjà les deux autres classes en tête. Dès le début, elle s’était contentée de faire en sorte de sécuriser un partenaire pour Sudou, sans penser plus loin.

Moi — On ne la connait pas, après tout. Ce qui s’est passé aujourd’hui pourrait fuiter dans les autres classes de 2nde, ou même dans le reste de l’école dans son ensemble. Je n’ai agi qu’après avoir pris cela en compte. Mais je m’inquiète peut-être trop.

Ayant entendu mon explication, Horikita marqua un silence.

Moi — Qu’est-ce qui ne va pas ?

Horikita — Ta façon de penser est… Comment dire… ? Extrêmement calculée, et très intelligente.

Moi — Ce n’est pas grand-chose, vraiment.

Horikita — Bien sûr que ça semble évident maintenant que tu le dis, mais penser aussi loin sur le coup est une autre paire de manche. Je pense que je comprends mieux la raison pour laquelle mon frère t’a accordé tant d’attention maintenant. Cependant, si j’avais eu cette conversation avec le toi du passé, tu n’aurais  jamais pris la peine de me  dire quelque chose de précis comme ça. Qu’est-ce qui a changé ?

Horikita me posa une question, pointant apparemment un curieux changement de comportement de ma part.

Moi — Je n’ai pas d’arrière-pensées ou quoi que ce soit. De toute façon, notre prochain problème est de savoir ce que nous allons faire des élèves restants. Je te ferai savoir quand j’aurai des nouvelles de Nanase.

Horikita — Oui, tu as raison. J’attends les nouvelles !

Une fois l’appel avec Horikita terminé, je partis vérifier l’état de la cuisine.

C’était tout simplement impeccable. Non seulement la vaisselle avait été lavée, mais l’évier et les comptoirs avaient été méticuleusement astiqués. On pouvait presque dire que la cuisine avait retrouvé son aspect de quand j’avais posé mes valises ici, il y a un an ! La planche à découper, les assiettes, le couteau de cuisine, le couteau petty, la casserole, la louche et tout ce que j’avais utilisé avaient également été soigneusement rangés. Il n’y avait aucune raison de se plaindre.

Bien que cela ait été mené par Horikita, c’était la première fois que j’interagissais aussi étroitement avec un élève de 2nde. Si Amasawa était l’élève de la White Room, son approche était plutôt logique. Néanmoins, je n’en avais pas vraiment de preuve.

Je suis du genre prudent en général. Mais en y réfléchissant bien, vu la façon dont elle parlait et se comportait, les connaissances que possédait Amasawa n’avaient rien d’extraordinaire pour une lycéenne normale. Il était probablement difficile pour quelqu’un qui venait juste de quitter la White Room d’imiter aussi bien la lycéenne moyenne.

Moi — Plus important encore, la probabilité qu’Amasawa soit l’élève de la White Room est faible vu qu’elle s’est associée à Sudou, hein ?

Je pouvais aussi écarter les autres élèves de 2nde qui avaient déjà choisi un partenaire. Du moins, c’était une conclusion en se basant sur les données que j’avais actuellement en ma possession, mais c’était après coup un peu hâtif.

En effet, s’il était vrai que s’associer avec moi était le moyen le plus rapide de me faire expulser, cela ne restait qu’une stratégie parmi d’autres. Autrement dit, il n’était pas dit que l’élève de la White Room agisse expressément lors de cet examen.

Les connaissances courantes de la culture populaire lycéenne n’étaient certes pas des choses que l’on pouvait maîtriser du jour au lendemain, mais avec un peu de temps ce n’était pas impossible non plus.

De plus, certaines choses dans le comportement d’Amasawa me dérangeaient. Ce n’était peut-être rien, mais c’était probablement mieux d’être à 100% sûr avant de faire quoi que ce soit en ce moment. Cela ne s’appliquait pas qu’à Amasawa d’ailleurs, c’était pareil pour Hôsen et Nanase, avec qui j’allais entrer en relation très bientôt. Ces derniers, en venant dans notre couloir, m’avaient en effet fixé dès le début.

Je devais me méfier de tous les élèves qui entrent en contact étroit avec moi, que le contact soit direct ou indirect, qu’il y ait eu conversation ou non.

Car désormais, je m’aventurais en terrain hostile pour me trouver un partenaire.

Plus tard dans la nuit, je reçus un message de Nanase.

Nanase : Pouvons-nous nous retrouver demain, après l’école ?

7

Pendant qu’Ayanokôji mijotait un bon petit plat pour Amasawa, trois élèves de la 1èreA, Sakayanagi, Kamuro et Kitô, s’étaient réunis dans un café du centre commercial Keyaki pour tenir une discussion.

Kamuro — Encore… Il semblerait que les élèves que nous avons abordés aient tous reçu des offres de la classe C. De plus, il semble que la classe C offre aux élèves 10 000 points pour chaque offre de la classe A refusée, sans conditions.

Kamuro était au téléphone avec Hashimoto et transmettait ses conclusions à Sakayanagi depuis l’autre côté de la table.

Kamuro — 10 000 points juste pour ne pas se joindre à nous. Ils sont malades ou quoi ?

Après avoir rapidement exprimé son avis sur la question, Kamuro continua ensuite à présenter le reste des informations telles qu’elle les avait obtenues d’Hashimoto.

La 1èreC offrait 100 000 points privés en guise d’avance juste pour avoir accepté de s’associer avec eux. Ensuite, si le duo obtenait plus de 501 points à l’examen, 100 000 points privés supplémentaires, soit 200 000 points au total, allaient être offerts.

Sakayanagi — Fufu. Il semble que Ryuuen-kun ne fasse pas les choses à moitié cette fois !

Kamuro — Que vas-tu faire ? Devrions-nous nous défendre avec des points privés aussi ?

Sakayanagi — Si nous menions la bataille financière, nous ne perdrions tout simplement pas. Cependant, le battre avec sa propre stratégie manquerait d’une certaine puissance… artistique, tu ne crois pas ?

Kamuro — Une puissance artistique… ? Si nous devons distribuer 100 000 ou 200 000 points, alors ne devrions-nous pas le faire ? Les 2nde pensent manifestement déjà beaucoup aux points privés.

La rumeur s’était déjà répandue que les 2nde avaient l’avantage dans cet examen. Une norme avait été établie, où les élèves d’honneur choisissaient leurs partenaires en échange de points privés. Sakayanagi avait répondu au conseil de Kamuro par un simple sourire silencieux, ce qui incita cette dernière à reprendre la parole.

Kamuro — Alors ça ne te dérange pas de perdre ? Contre Ryuuen ?

Sakayanagi — Tout d’abord, il y a une différence assez importante entre les résultats scolaires de la classe de Ryuuen-kun et les nôtres. S’il cherche à compenser cela avec  la  force  des  élèves  de  2nde,  il  n’a pas d’autre choix que d’en recruter un grand nombre. De plus, même s’il y parvient, sa victoire n’est en aucun cas assurée.

Kamuro — Peut-être bien. Mais, cela ne veut pas dire que nous allons absolument gagner non plus, n’est-ce pas ?

Sakayanagi — C’est vrai. Supposons que Ryuuen-kun rassemble un bon nombre d’élèves dont les notes d’aptitude académique sont de l’ordre de A. Cela réussirait tout juste à le mettre sur un pied d’égalité avec nous, n’est-ce pas ? Même si nous ne faisons rien, nos chances de gagner seraient d’un solide 50%.

Cependant, vu dans l’autre sens, cela signifiait qu’il y avait 50% de chances de défaite également. Kamuro ne s’enflammait pas pour l’examen en lui-même, mais parce qu’elle avait du mal à croire que Sakayanagi, la fille assise juste en face d’elle, allait perdre sans rien faire.

Sakayanagi — Que crois-tu qu’il se passerait si nous annoncions que nous paierions le même montant que Ryuuen-kun ?

Kamuro — Que se passerait-il ? Eh bien, Ryuuen paierait encore plus ?

Sakayanagi —Eh oui. Son offre gonflerait sûrement jusqu’à 200 000, peut-être même 300 000 points.

Kamuro — Mais si nous leur offrons suffisamment, nous serions certainement en mesure d’attirer les top élèves de notre côté.

Sakayanagi — Ce qui nous ruinerait complètement. Nous ne sommes pas dans l’urgence au point de dépenser des milliers et des millions de points. N’es-tu pas d’accord ?

Kamuro — Tu veux dire que nous pouvons convaincre les élèves même si nous leur offrons moins ? Je ne pense pas que les 2nde aient une compréhension très profonde de la puissance associée à l’image « classe A », cependant.

Kamuro continua à argumenter, mais Sakayanagi ne semblait pas avoir changé d’avis.

Sakayanagi — Je suis bien consciente que Ryuuen-kun veut prendre la première place au classement général. Par rapport à l’accord axé sur l’argent qu’il a conclu avec Katsuragi-kun l’année dernière, il semble qu’il ait complètement changé de politique.

Kamuro — Il allait économiser 20 millions de points pour lui-même et passer en classe A, non ?

Sakayanagi — Il a bien changé d’avis depuis, je crois. Il a enfin réalisé l’importance des points de classe. Non, plutôt, il a changé de direction et veut désormais aussi gagner pour sa classe.

Jusqu’à présent, Sakayanagi et Ryuuen n’avaient pas encore échangé un seul mot entre eux pendant cet examen spécial. Cependant, leurs stratégies respectives disaient plus que 1000 mots.

Kamuro — Alors… tu es juste d’accord avec ça ? Avec le fait que nous n’utilisions pas nos points privés ?

Sakayanagi —Mon Dieu, Masumi-san. Quand ai-je dit que je ne ferais pas usage de nos points ?

Kamuro — Hein ? Mais n’étais-tu pas en train de dire que concourir avec des points manquait de quelque chose d’artistique ou autre ?

Sakayanagi — S’il te plaît, dis à Hashimoto que nous sommes prêts à égaler l’offre de Ryuuen-kun, et de faire passer le message aux 2nde.

Kamuro se mordit les lèvres, faisant face aux instructions déroutantes de Sakayanagi.

Sakayanagi — Cependant… Même si des élèves de 2nde acceptent notre offre, ne finalise pas tout de suite l’accord avec eux.

Kamuro — Hah ? Je ne comprends sérieusement pas où tu veux en venir.

Sakayanagi — Fufufu. La stratégie de Ryuuen-kun est en fait plutôt pratique pour moi.

Kamuro — Je n’arrive plus du tout à suivre, personnellement. Hashimoto — Où est le problème ? Si elle le dit, faisons ainsi !

Hashimoto, de l’autre bout du fil, intervint.

Kamuro — …Si vous le dites.

Même si un accord était trouvé concernant le nombre de points, Sakayanagi avait délibérément demandé de ne pas finaliser les partenariats. Bien que Kamuro n’ait pas compris, elle avait transmis les détails des plans de Sakayanagi à Hashimoto.

Ce faisant, Sakayanagi regarda Kamuro avec tendresse, se demandant si elle n’avait pas été un peu trop dure en allant aussi vite. Elle commença donc à fournir quelques explications pour mettre Kamuro sur la piste.

Sakayanagi — La grande stratégie de Ryuuen-kun n’est pas foncièrement mauvaise. En allant contacter les 2nde comme il l’a fait, il a réussi à me forcer à participer à son jeu d’argent. Cependant, il est bien décidé à essayer d’attirer exactement les mêmes élèves que nous, ce qui est un mauvais calcul de sa part. La classe C étant la classe la plus inférieure dans l’ensemble, il devrait d’abord concentrer son attention sur les élèves à fort potentiel scolaire et avancer à partir de là.

En effet, parmi tous les élèves que la classe A convoitait, certains avaient du potentiel dans des domaines autres que le domaine purement scolaire, et pourtant Ryuuen essayait également de mettre la main dessus.

Kamuro — Donc ce type a énormément de points à dilapider, non ?

Sakayanagi — Eh bien, qui sait ? Peut-être qu’il n’a même pas l’intention de les utiliser, pour commencer.

Kamuro — Non, ce serait fou. Il ne peut faire toutes ces offres agressives que parce qu’il a les points pour le faire, n’est-ce pas ?

Sakayanagi — Il est possible de faire une offre sans même un seul point à ton compte. Il te suffirait de faire semblant.

Kamuro n’arrivait pas à comprendre ce que Ryuuen gagnait à procéder ainsi.

Sakayanagi — Sans Ryuuen-kun, nous serions capables de conquérir beaucoup d’élèves de 2nde talentueux avec seulement notre réputation de classe A. Mais en proposant d’acheter des élèves avec des points, il nous a obligés à jouer aussi à ce jeu d’argent. Alors que se passera-t-il ensuite ? Il augmentera son offre pour nous faire payer autant de points que possible.

Kamuro — Je vois… C’est donc comme ça ?

Par conséquent, même si la classe A parvenait à mettre la main sur un élève

talentueux, le fait qu’elle doive payer des centaines et des milliers de points privés aux élèves de 2nde ne faisait que faire gonfler les enchères.

Kamuro — Mais c’est nous qui sommes désavantagés alors, n’est-ce pas

? Sa stratégie semble fonctionner.

Sakayanagi — Il n’y a pas besoin de s’affoler à ce stade. Il n’a acheté que quelques élèves, alors laissons-le s’amuser pour le moment. Il a simplement mal interprété quelques détails cruciaux. Il pense que notre bonne réputation n’est rien de plus qu’une étiquette, un statut qui peut disparaître si les gens commencent à nous voir sous un mauvais jour. De plus, il pense à tort qu’il est en train de créer des partenariats de long terme simplement parce qu’il leur lâche quelques points privés maintenant.

Kamuro — Je ne comprends pas tout, mais tout ira bien tant que nous suivrons tes instructions ?

Sakayanagi — Oui. Cela devrait suffire pour l’instant.

Kamuro — Je n’aime pas ça. On a toujours l’impression qu’on nous force à suivre la stratégie de Ryuuen. Si nous continuons à être entraînés comme ça, je ne sais pas comment les choses vont se passer pour nous.

Sakayanagi — S’il te plaît, sois rassurée. Nous allons gagner ce petit jeu sans rencontrer le moindre problème.

Incapable  de  suivre  une  énième  explication  inexplicable  de  Sakayanagi, Kamuro laissa échapper un soupir.

Sakayanagi — Il n’y a aucune raison pour que tu tortures l’esprit. Donc ne te laisse pas influencer par Ryuuen-kun. Cet examen spécial n’est rien d’autre qu’un prélude à ce qui va suivre. Pour l’instant, nous ne faisons que nous surveiller mutuellement pendant que nous essayons de sonder le prochain mouvement de l’autre.

Kamuro — J’ai renoncé à tout comprendre de toute façon !

Sakayanagi — Bien que… Si possible, j’espère qu’il ne mettra pas fin à tout ça en s’autodétruisant. Ce ne serait pas très amusant de terminer ça si facilement.

Sakayanagi regarda par la fenêtre à côté d’elle, priant pour que son adversaire à venir soit quelqu’un qui vaille la peine d’être affronté.

8

Ce même jour, environ deux heures après que Sakayanagi et Kumuro aient terminé leur discussion, Ryuuen retrouva Ishizaki et Ibuki dans une salle de karaoké.

Ishizaki — Il semble que l’élève de 2ndeB que nous voulions pour 200 000 ait demandé à mettre l’offre en attente, Ryuuen-san.

Après avoir reçu une mise à jour sur son téléphone, Ishizaki rapporta cette information à Ryuuen. Malgré cela, c’est Ibuki qui répondit.

Ibuki — Bordel ! 200 000 ça leur suffit pas ?

Ishizaki — Non, on dirait que Sakayanagi est allée dire que la classe A offrirait le même montant que nous…

Ibuki — On dirait qu’ils ne veulent vraiment pas perdre contre nous. Est- ce qu’on peut continuer comme ça ? Ça va être dur.

Ishizaki — La classe A a un nombre considérable de points privés, non ? Je pense que nous sommes dans de beaux draps ici aussi…

Malgré les commentaires d’Ishizaki et d’Ibuki, Ryuuen restait simplement assis à tripoter son téléphone, complètement imperturbable.

Ishizaki — R-Ryuuen-san…

Ryuuen — Calmos. Je sais déjà ce qu’ils sont en train de faire.

Ryuuen envoya un regard vers son verre vide, et en quelques secondes, Ishizaki le remplissait d’eau.

Ryuuen — Dis-leur que nous paierons 100 000 d’avance et 200 000

après l’examen.

Ishizaki — S-sérieux ? Autant ?!

300 000 au total. Le nombre de points en jeu avait encore augmenté.

Ryuuen — La plupart des premières années ne prendront pas de décision. Ils attendront que Sakayanagi monte les enchères.

Ibuki — Est-ce qu’on ne va pas finir par se foutre en l’air, à terme ?

S’ils étaient à court de fonds, ils ne pouvaient plus rien faire.

Ishizaki — On dirait qu’il est impossible de rivaliser avec Sakayanagi après tout… Et si on essayait plutôt de viser la deuxième place… ?

Ibuki — Je suis d’accord avec Ishizaki. On gagne pas à somme égale contre l’image de la classe A.

Ryuuen rit simplement après avoir entendu l’analyse d’Ishizaki et d’Ibuki.

Ryuuen — Ha ! Cette petite doit plus se sentir en ce moment.

Ibuki — Elle a juste vu à travers ta façon de faire les choses. Même si nous pouvons nous battre avec des points privés, ils ont meilleure réputation que nous.

Ryuuen — La réputation de la classe A n’est rien de plus qu’une décoration mesquine en ce moment. Vu à quel point ces gars tiennent à leur image, la confiance qu’ils perdront lorsque tout s’écroulera sera incommensurable.

Ibuki — Même si c’est vrai, qu’est-ce qu’on va faire pour les points ? Ce n’est pas la fin du monde si l’offre passe à 300 000 ou 400 000, mais nous ne pourrons pas payer autant à tout le monde !

Ryuuen — Il n’y a pas besoin de payer. Je n’ai pas l’intention de travailler

avec des morveux rapaces qui continuent à demander des points sans connaître la limite.

Ibuki —…Eh ?

Ryuuen — Je ne cherche pas à essayer de faire « ce genre de choses » cette fois. Je suis en train d’apprendre à connaître ce nouveau groupe de 2nde. Découvrir quel genre de personnes ils sont. On dit que l’argent est la clé qui ouvre toutes les portes, mais un crétin prêt à coopérer pour un tas de points est le genre de crétin que nous pouvons mettre de notre côté quand nous le voulons. Tout ce que nous avons à faire, c’est de donner quelques points quand nous avons vraiment besoin d’eux pour nous aider et c’est tout. Je cherche des gens qui voient plus loin que ça…

Ishizaki — Je te suis pas trop là…

Ryuuen — L’autre merdeuse doit penser que je suis ici pour viser la première place, mais je n’ai jamais eu l’intention de viser un si petit nombre de points de classe. Si nous voulons écraser la classe A, de meilleures occasions se présenteront.

Ibuki — Donc, tu as juste mis tout ça en place pour faire le tri ?

Ryuuen — Il était évident que nous pouvions continuer à augmenter notre offre dès le début, et pourtant certains élèves ont déjà choisi de s’associer à notre classe. À ton avis, pourquoi ?

Ibuki — Eh… ? En y réfléchissant bien, pourquoi…

Au début, la classe C avait offert 50 000 points à l’avance et 50 000 supplémentaires après l’examen. Bien que ce montant ne soit pas follement élevé, plusieurs élèves avaient déjà été prêts à s’associer à la Classe C.

Ibuki — Toi… Avant de conclure un marché avec quelqu’un, tu allais toujours le rencontrer en tête-à-tête… Tu as fait usage de menaces, du coup ?

Ryuuen — Eh bien, peut-être un peu, mais tu es sur la bonne voie.

Il donnait envie à des élèves de le rencontrer personnellement, les attirant avec des offres de 300 000 ou 400 000 points pour ensuite faire usage de ses bonnes vieilles méthodes et leur faire accepter un prix plus bas. Au final donc, il payait bien moins qu’annoncé tout en maintenant en surface l’impression de monter les enchères, continuant alors sa stratégie de tri.

Ryuuen — Je jette juste un coup d’œil aux 2nde, pour voir s’ils sont assez intelligents pour comprendre que je suis bien meilleur que Sakayanagi.

Il sélectionnait les élèves capables de remarquer instinctivement la classe gagnante sans être rattrapés par des choses comme les points ou la réputation. Ce sont les élèves que Ryuuen Kakeru recherchait vraiment pour cet examen spécial. Il voyait véritablement à long terme, observant un objectif lointain qui était celui de la chute de Sakayanagi et de sa classe avec elle.

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