CLASSROOM V10 : CHAPITRE 6


Les idées des autres classes

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Traduction : Nova
Correction : Raitei
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Dès l’annonce de l’examen, la position de la classe D sur ce qu’il fallait faire était claire : expulser Ryuuen Kakeru. Et vendredi, la veille du vote, ce consensus était toujours là, sans discussion ni planification préalable. Ryuuen avait mené la classe comme un dictateur, dirigeant d’une main de fer. Cependant, personne ne pouvait dire que ses actions avaient mené la classe au succès, même pas en tant que flatterie. En fait, c’était même à cause de lui que leur classe est passée de la classe C à la dernière place.

De plus, de nombreux élèves avaient souffert de son règne d’intimidation et de violence. Il avait profité de la faiblesse d’esprit des élèves pour créer une situation où ses exigences n’étaient pas remises en question. Il était la racine de tout mal. Beaucoup d’élèves pensaient qu’ils ne seraient pas tombés en classe D si Ryuuen n’avait pas été là, quand bien même ils n’auraient jamais pu monter en classe B.

Au troisième jour de l’examen, une bonne partie de la classe D était déjà parvenue à un accord. Il s’agissait notamment de s’assurer que chacun émette un vote négatif pour Ryuuen, et de répartir les deux votes restants entre les autres membres de la classe pour éviter de concentrer trop de votes sur une autre personne. De cette façon, ils étaient en mesure d’assurer l’expulsion de Ryuuen.

Même si Ishizaki ne souhaitait vraiment pas voir Ryuuen partir, il avait été mis dans une position difficile car c’était à lui qu’était revenu le mérite de l’avoir vaincu. Il avait été contraint de jouer un rôle important dans l’accumulation de votes négatifs contre Ryuuen. Lorsque les détails de l’examen furent expliqués pour la première fois, Ryuuen avait immédiatement compris la complexité de la situation dans laquelle Ishizaki s’était trouvée et la position collective de ses camarades de classe. Voici donc pourquoi il n’avait pas semblé opposer la moindre résistance. C’est pourquoi il pensait profiter du temps qui lui restait jusqu’à la fin de l’examen complémentaire. Après tout, il devait encore réfléchir à un plan de secours après avoir quitté l’école.

La sonnerie de fin des cours retentit. Il ne voulait donc pas perdre son temps à rester en classe après la fin des cours et quitta donc la salle de classe immédiatement. Ibuki l’observait, pensant elle aussi à la façon dont elle allait passer le temps pour le reste de la journée. Par le passé, Ryuuen avait pour habitude de l’inviter à l’accompagner, mais cela ne s’était plus produit depuis un certain temps.

Une fille s’approcha d’Ibuki alors que cette dernière fixait du regard la porte que Ryuuen venait de franchir.

Manabe — Eh bien, quelle mine déconfite tu fais. T’es vraiment si triste qu’il s’en aille ?

Ibuki — Aah… Encore toi. Tu aimes me provoquer, hein ?

Manabe — Pas vraiment. Je suis ici parce que je m’inquiète pour toi, c’est évident, non ? Il me semble que ta contribution à la classe est bien moindre depuis que Ryuuen-kun a été défait !

Celle qui prononçait ces paroles provocatrices n’était autre que la camarade de classe d’Ibuki, Shiho Manabe, une figure majeure parmi les filles de la classe D. Les deux ne s’étaient jamais vraiment entendues depuis le début, mais Manabe avait fortement dû se retenir dans la mesure où Ibuki était très soutenue par Ryuuen. Cela avait fortement frustré Manabe, qui pouvait donc enfin des défouler.

Manabe — Tu vas voter pour moi, n’est-ce pas Ibuki-san ?

Ibuki — Je ne sais pas.

Manabe — Fais-toi plaisir, de toute façon je vais voter pour toi aussi donc on sera quittes !

Ibuki — Si tu le dis.

La réponse indifférente d’Ibuki agaça quelque peu Manabe. Après tout, elle voulait vraiment la voir se tortiller et se perdre dans la colère.

Manabe — Enfin, dans le fond t’es tirée de l’affaire, c’est cool non ? On peut pas en dire autant de Ryuuen-kun qui va se manger au moins trente votes négatifs. Haha.

Manabe n’avait pu être aussi arrogante que parce que Ryuuen n’était pas dans la salle, mais dans le fond beaucoup d’autres partageaient sa position sur la question.

Ishizaki se leva de son siège.

L’examen complémentaire avait lieu demain. Une fois arrivé à ce moment-là, il allait être trop tard.

Ishizaki — Viens avec moi un peu, Ibuki.

Ishizaki s’approcha des deux filles alors qu’elles se regardaient fixement.

Ibuki — Si tu veux…

Malgré sa réponse équivoque, Ibuki accepta la demande d’Ishizaki et quitta la classe. Ibuki pensait sûrement que tout prétexte était bon pour s’éloigner de Manabe.

Manabe — Tu peux être aussi calme que tu veux, mais sache qu’après Ryuuen-kun tu seras la suivante !

Agissant comme si elle était la dirigeante de la classe, Manabe laissa Ibuki partir sur une dernière provocation.

Ibuki — Alors, on va où ?

Ibuki demanda après qu’ils aient quitté la salle de classe.

Ishizaki — Nulle part en particulier. Je voulais juste te parler un peu des points privés auxquels Ryuuen-san s’accroche. Ils sont passés où ?

Ibuki — Rien. Il les a toujours.

Ishizaki —  Tu ne les as toujours pas ? L’examen est demain, tu sais ? On les perdra tous une fois qu’il sera expulsé.

Ibuki — Et qui a fait la grande gueule en les refusant, quand il avait proposé de nous les filer ?

Ishizaki —  C’est… Je ne me souciais pas beaucoup des points privés à l’époque…

Ibuki — Si tu les veux tellement, pourquoi ne vas-tu pas le supplier toi-même ?

Ishizaki —  Jamais !

Ibuki exprima cette solution extrême car elle connaissait déjà sa réponse.

Ibuki — Aux yeux des autres, c’est toi qui as fait tomber Ryuuen. Ce serait assez bizarre si les gens se rendaient compte que tu as été le solliciter. Nos camarades finiraient même par douter de ta loyauté.

Pour Ishizaki, le fait d’être mis en doute par ses camarades de classe n’était pas un développement terrible, étant donné qu’il voulait empêcher l’expulsion imminente de Ryuuen. Au contraire, cela lui faisait prendre le risque d’être lui-même expulsé, en plus de voir la vérité révélée au grand jour. Il n’y avait donc aucun moyen pour Ishizaki de lui tendre la main. Il souffrait de deux émotions contradictoires : le désir de sauver Ryuuen, et le désir de se sauver lui-même.

Ishizaki —  Je… Borde… Je fais quoi ?

Ibuki — C’est mieux de laisser Ryuuen être expulsé, n’est-ce pas ? Toi-même tu devrais en être conscient.

Ishizaki — Mais c’est vraiment bien ? Est-ce qu’on pourra s’en sortir sans lui là ?

Ibuki — Il s’attendait à ce que nous le félicitions, même s’il n’avait jamais obtenu de résultats probants. Ses actions étaient impossibles à comprendre et, de plus, semblaient un peu inconscientes.

Ishizaki —  Ok il a pris beaucoup de risques. Mais sans lui, atteindre la classe A n’est rien d’autre qu’une chimère.

Entre la classe A sous la direction de Sakayanagi, la classe B unie et ses résultats constants sous le commandement d’Ichinose, Ayanokôji en classe C qui a réussi à défaire Ryuuen… Même Ishizaki était conscient de la différence entre les classes.  Pour que la classe D puisse faire face à ces monstres, il était crucial qu’elle ait son propre monstre. Il était donc clair que Ryuuen Kakeru n’était pas l’élève dont il fallait se débarrasser pendant cet examen.

Ibuki — Eh bien, j’admets que Ryuuen est exceptionnel.

Ibuki avait aussi son avis sur la question. Pour une raison quelconque, même si Ryuuen avait été battu par Ayanokôji, son estime de lui ne semblait pas avoir baissé. Ryuuen possédait une chose unique que Sakayanagi et Ichinose n’avaient pas. Un « quelque chose » qui pouvait même permettre d’atteindre quelqu’un comme Ayanokôji. Du moins, c’est ce qu’elle pensait.

Ishizaki —  Merde…

En regardant Ishizaki exprimer ses frustrations avec un regard en coin, Ibuki commença à réfléchir à ce qu’elle pouvait faire pour cet examen.

Même si Ishizaki était un type désagréable et impétueux, il se creusait la tête pour Ryuuen. Elle, pendant ce temps, ne pensait qu’à se protéger.

Ibuki n’avait, certes, pas autant de marge de manœuvre qu’Ishizaki. Après tout, elle savait, sans l’ombre d’un doute, qu’elle n’était pas appréciée du reste de sa classe. En fait, elle savait que si Ryuuen disparaissait, elle était la prochaine cible. La déclaration de Manabe n’était pas une parole en l’air. Néanmoins, elle pouvait s’en sortir cette fois, en restant silencieuse.

Et s’il y avait vraiment un moyen ? Mais elle repensait à ces paroles. 

Cet examen n’est pas assez simple pour que vous puissiez sauver quelqu’un juste parce que vous le voulez.

« Il » avait déjà vu à travers l’état d’esprit d’Ibuki, sa façon de penser. C’est pourquoi elle n’avait pas pu faire face à la situation sérieusement.

Ibuki — Hé Ishizaki.

Ishizaki —  Quoi… ?

Ibuki — Tu veux vraiment que Ryuuen reste, hein ?

Ishizaki — Ouais, je peux pas dire le contraire.

Ibuki — Ouais…

Il était absolument impossible que quelqu’un reçoive plus de votes négatifs que Ryuuen.

Ibuki — Je ne veux pas vraiment l’admettre, mais je ressens la même chose. N’oublie pas que ce sera mon tour, s’il disparaît.

Elle exposa explicitement cette vérité.

Ibuki — Je vais voir Ryuuen ce soir et récupérer les points privés. Je suis peut-être la seule à pouvoir le faire.

Ces points seraient alors mis à profit pour le bien de la classe D. Le sacrifice de Ryuuen serait donc au moins rentabilisé pour l’avenir.

Ishizaki —  Alors il n’y a vraiment pas d’autre moyen…

Ibuki — C’est à peu près tout ce qu’on peut faire.

Récupérer les points privés amassés par Ryuuen Kakeru. Tant qu’il y avait une chance qu’ils puissent bénéficier à la classe D, il fallait absolument les obtenir.

1

Cette nuit-là, Ibuki visita le dortoir de Ryuuen sans aucun préavis.

Le bruit de son poing frappant à sa porte résonna doucement dans le couloir froid. Après avoir attendu un peu, la porte s’ouvrit.

Ryuuen — Toi ?

Ibuki — Qu’est-ce que tu fous ?

C’était torse nu et uniquement vêtu de son boxer que Ryuuen était venu à la porte.

Ryuuen — Si je te disais que je faisais du sale, tu te barrerais ?

Ibuki — Un bon coup de pied dans les couilles et je partirais sans me retourner, ça te va ?

Ryuuen — Kuku. Je viens juste de prendre ma douche. Entre !

Il semblait dire la vérité, car ses cheveux étaient en effet encore humides. Bien qu’elle se méfie encore des taquineries de Ryuuen, Ibuki entra. C’était d’ailleurs la première fois qu’elle le faisait depuis le début. Contrairement à ses attentes, la pièce était décorée avec goût, donnant une idée bien différente de celle qu’elle s’en faisait dans sa tête.

Ryuuen — Tu n’es pas là parce que tu voulais coucher avec moi avant que je sois expulsé, n’est-ce pas ?

Ibuki n’avait pas l’intention d’attirer l’attention sur ce point en se laissant prendre par ses taquineries, préférant aller droit au but.

Ibuki — Tes points privés.

Ryuuen — Oh ? C’est pas vous qui n’en avez pas voulu, à la base ?

En se séchant les cheveux avec une serviette de bain, Ryuuen sortit une bouteille d’eau du réfrigérateur. Cependant, plutôt que d’en proposer à Ibuki, il enleva le bouchon et se servit.

Ibuki — Tu ne peux pas faire grand-chose à ce stade. Autant que les points ne soient pas gaspillés, non ?

Ryuuen — Je suppose. Dans l’état actuel des choses, si je suis expulsé, ils disparaîtraient tous.

Le contrat secret qu’il avait passé avec la classe A serait résilié, laissant la classe D bredouille.

Ibuki — Alors je voudrais que tu les donnes tant que tu le peux encore.

Ryuuen — Bouuh, tu n’as pas honte !

Ibuki — Ce n’était pas ce que tu voulais ? Te connaissant, tu aurais pu largement les dilapider et te faire plaisir. Mais on dirait bien que tu ne l’as pas fait, comme si tu nous avais dit « je vous attends, venez les chercher ».

Ryuuen était resté discret ces derniers jours. Il était évident qu’il n’avait utilisé, tout au plus, que quelques milliers de points.

Ryuuen — Kuku, si intelligente… Peu importe, prends-les. Ils me seront inutiles de toute façon.

Ryuuen esquissa un petit sourire alors qu’il se tenait devant Ibuki. Il prit alors son téléphone portable et se mis à tapoter sur son écran. Cela ne prit qu’un instant. Tout ce qui appartenait à Ryuuen avait été transféré sur le téléphone portable d’Ibuki.

Ibuki — C’est passé. Voilà, ça s’est passé comme tu le voulais.

Pendant qu’elle rangeait son téléphone, Ryuuen l’attrapa soudainement par le bras. Ensuite, il la poussa contre le mur.

Ibuki — Hé ! Qu’est-ce que tu fais ?

Ibuki donna immédiatement un coup de pied, mais Ryuuen l’arrêta très facilement d’une main.

Ryuuen — J’aime ce côté agressif chez toi, tu sais ?

Ibuki — Hein !?

Ibuki avait réagi avec une hostilité flagrante, incertaine de ce qu’il allait faire, mais Ryuuen lui avait juste souri et lui lâcha la jambe. C’était la façon pour Ryuuen de lui donner un ultime conseil.

Ryuuen — Tu es forte, mais si tu me demandes, tu as beaucoup de points faibles. Tu ne peux pas battre Suzune comme ça.

Ibuki — Occupe-toi de tes affaires !

Ryuuen — Adieu, Ibuki.

Ryuuen se retourna, semblant avoir déjà perdu tout intérêt pour la conversation. Il se dirigea ensuite vers la porte d’entrée pour la conduire à la sortie. Il y eut un moment de silence alors qu’elle mettait ses chaussures.

Ibuki — Est-ce que tu as apprécié ton séjour dans cette école ?

Demanda Ibuki, de dos, rompant ainsi le silence.

Ryuuen — Oh ? Est-ce vraiment important de le savoir ?

La réponse était évidente rien qu’en le regardant. Ryuuen n’était pas du tout satisfait. En fait, il allait quitter l’école sans jamais pouvoir obtenir cette satisfaction.

Ibuki se leva ainsi, l’air froid du couloir entrant via la porte ouverte

Ibuki — Au revoir, alors.

Sur ces mots d’adieu, Ibuki partit en fermant la porte derrière elle. Il n’y avait personne d’autre qu’elle dans le couloir, si tard dans la nuit. Une énorme quantité de points privés s’était affichée sur l’écran de son téléphone portable. Elle ne ressentit rien d’autre qu’une sensation de vide finalement.

Ibuki passa alors un coup de fil alors qu’elle marchait dans le couloir. Elle ne se souciait pas de savoir si la personne à l’autre bout dormait. Elle n’aurait pas laissé de message en tombant sur le répondeur, néanmoins la personne décrocha au bout de deux tonalités.

Ibuki — C’est bon, j’ai les points.

Elle avait terminé sa tâche, ayant fait son rapport à la personne à qui elle devait en faire un. À l’autre bout du fil, il déclarait vouloir la rencontrer en personne.

Ibuki — Je veux bien, mais…

Elle s’éloigna en pensant à la façon dont elle allait s’y prendre. Après une courte pause, Ibuki accepta sa demande, se résolvant à se rendre dans sa chambre.

2

Le vendredi, la veille de l’examen complémentaire, les élèves de la classe B restèrent après l’école. Toute la classe était présente.

Celui qui se tenait derrière le bureau n’était pas le professeur principal, Hoshinomiya, mais la chef de classe, Ichinose Honami.

Ichinose — Tout le monde, merci pour tout ce que vous avez fait la semaine dernière. Je vous suis reconnaissante d’avoir tous accepté ma demande égoïste.

Après l’annonce de l’examen complémentaire, Ichinose avait fait une demande auprès de ses camarades de classe :

Je vous demande de continuer à vous entendre jusqu’à la fin des cours, la veille de l’examen.

C’était sa seule demande, une demande faite sans aucune explication. Elle n’avait pas donné plus de détails sur la stratégie à adopter pour le prochain examen. Son raisonnement était que quelqu’un devait de toute façon partir, alors autant garder des relations saines.  Même si les élèves de la classe B s’étaient naturellement sentis un peu mal à l’aise, ils avaient quand même fidèlement honoré la demande d’Ichinose. Ils ont fait confiance à ses paroles car elle était l’âme de cette classe.

Le professeur principal de la classe, Hoshinomiya, était légèrement mal à l’aise en écoutant Ichinose parler. Faisant partie des enseignants qui ont estimé que cet examen spécial était déraisonnable, elle s’est sentie coupable des difficultés que la classe B avait dû endurer. La classe était forte et éblouissante parce qu’elle avait réussi à faire bloc sans que personne ne soit expulsé. Elle craignait que l’expulsion de quelqu’un à ce stade ne jette une ombre sur le reste de la classe.

Ichinose — J’imagine que tout le monde est assez inquiet, mais j’aimerais que vous vous sentiez tous à l’aise. Je ne laisserai pas un seul d’entre nous être expulsé.

Tandis qu’Ichinose parlait, des traces d’anxiété et de suspense étaient retenues dans les regards de ses camarades de classe. Elle avait donné de bonnes nouvelles à la classe mais, en même temps, elle avait aussi éveillé leurs doutes.

Kanzaki — Tu m’as l’air bien sûre de toi, Ichinose.

Kanzaki exprima son inquiétude. Compte tenu de la situation, si elle mentait juste pour que tout le monde se sente mieux, c’était probablement mieux de l’arrêter maintenant.

Shibata — C’est bon, Ichinose. Nous sommes prêts.

Shibata prit également la parole. Même si Ichinose n’avait pas de plan, il n’allait pas lui en tenir rigueur.

Cependant, Ichinose recommença, réaffirmant sa certitude.

Ichinose — Kanzaki-kun, tu m’as dit un jour que si quelqu’un a le pouvoir de changer les choses, il n’est rien d’autre qu’un idiot s’il ne s’en sert pas, n’est-ce pas ? C’est pourquoi j’ai réfléchi à ce que je pouvais faire pour vous tous.

Elle était convaincue qu’aucun de ses camarades de classe ne devait être expulsé.

Kanzaki — Alors on t’écoute. Comment est-ce que tu comptes t’y prendre ?

Si elle ne pouvait pas fournir de preuves, ce qu’elle disait n’avait aucune valeur.

Ichinose — Comme vous savez, il n’y a qu’une seule façon de s’assurer que tout le monde survivra à cet examen.

Kanzaki — Oui, il faudrait utiliser vingt millions de points pour passer outre l’expulsion.

Ichinose — C’est pourquoi j’aimerais demander à tout le monde de me confier tous vos points privés. Vous n’aurez pas d’argent de poche avant avril mais, au moins, tout le monde peut être sauvé.

Shibata — Mais, si je me souviens bien, nous n’en avons pas assez pour atteindre vingt millions, n’est-ce pas ?

Shibata posa la question en regardant autour de lui ses camarades de classe, ses yeux cherchant une confirmation. Ce n’était pas comme s’ils n’y avaient pas pensé, mais il est impossible de dépenser ce que l’on n’a pas. Il leur manquait encore quelques millions de points, une disparité qui était tout simplement trop importante pour être surmontée.

  1. Et alors ? C’est Honami-chan qui le demande, alors je pose pas de question !

L’une des filles prit la parole, rejetant l’hésitation de Shibata. Sans même se soucier des détails, les filles commencèrent immédiatement à transférer leurs points à Ichinose. En réalité, la classe lui transférait déjà systématiquement un pourcentage de ses points chaque mois, de sorte qu’ils s’étaient tous déjà habitués à le faire.

Shibata — Et bien, je suppose que vous avez raison.

Shibata accepta et sortit son téléphone portable. Chaque point privé de classe B a été transféré à Ichinose en un rien de temps.  Le total affiché sur l’écran de son téléphone était à grosso modo de seize millions de points.

Shibata — Mais, d’après mes calculs, il nous manque environ quatre millions de points.

Kanzaki — Et quelle était ton idée pour le reste ? Je ne peux pas imaginer que quelqu’un d’une autre classe soit prêt à nous en donner autant, même pas les élèves de classes supérieures.

Bien qu’il ait déjà envoyé ses propres points, Kanzaki pressa une fois de plus  Ichinose pour qu’elle lui réponde.

Lorsque Nagumo avait proposé à Ichinose de lui prêter des points privés, elle avait promis de ne rien dire aux autres sur leur accord. Cependant, à ce stade, elle ne pouvait simplement plus le cacher à ses amis. C’est pourquoi, la veille, elle avait obtenu de Nagumo l’autorisation de tout révéler, à quelques détails près.

Ichinose — Hé bien si, le président du Conseil Nagumo. Quand je lui ai parlé de notre situation, il m’a dit qu’il serait prêt à fournir le reste.

Kanzaki — Le président du Conseil des élèves ? Même lui peut-il en avoir autant ?

Ichinose — Oui. En fait, il m’a même montré combien il en avait.

Cependant, il n’était pas possible d’en être certain avant qu’Ichinose ne les reçoive effectivement.

Ichinose — Bien sûr, nous devrons le rembourser par la suite.

Kanzaki — Quels sont les détails du plan de remboursement ? Le président prévoit-il de nous faire payer des intérêts ?

Ichinose — La réponse à ces questions changerait-elle quelque chose ?

Kanzaki — Non, pas du tout. Même si le taux d’intérêt est déraisonnablement élevé, je ne pense pas que quoi que ce soit puisse remplacer un de nos camarades.

Kanzaki donna son accord à Ichinose sans sourciller. Toutefois, il avait jugé important de comprendre d’abord les détails de la transaction. Il avait pris sur lui pour poser les questions que le reste de la classe n’avait pas encore posées, et Ichinose lui en avait été incroyablement reconnaissant pour ça.

Pour elle, il était un partenaire apprécié qui s’exprimait au nom de tout le monde.

Ichinose — Notre période de remboursement est de trois mois, et il n’y a pas d’intérêt.

Kanzaki — Est-ce vraiment correct pour lui de ne rien faire payer… ?

Dans cette situation difficile, il ne serait pas inhabituel que l’autre partie exige au moins des intérêts. Le fait que le président Nagumo leur prêtait des points sans rien n’exiger en retour lui donnait l’impression d’être le sauveur de la classe B.

Ichinose — À cause de cela, j’ai l’impression que je vais déranger tout le monde pendant un petit moment… Ça ira ?

  1. Incroyable… Comme on l’attendait de Ichinose-san ! T’as tout mon soutien !

Aucun de ses camarades de classe n’avait montré de signes d’insatisfaction. Pour leur bien, elle n’allait pas laisser quelqu’un être expulsé. C’était la volonté d’Ichinose Honami de protéger ses amis.

3

Plus tard dans la soirée, Ichinose appela Nagumo. Elle faisait une dernière mise au point afin de préparer l’examen du lendemain.

Ichinose — Nagumo-senpai, c’est moi, Ichinose.

Nagumo — Honami ? C’est à propos de notre petit arrangement, n’est-ce pas ?

Ichinose — Oui. J’en ai parlé avec tous mes camarades de classe plus tôt dans la journée, alors j’ai pensé que je devais tout te raconter une fois de plus.

Nagumo — Les conditions sont toujours les mêmes. Déjà tu as rassemblé tous les points privés que tu pouvais avoir, y compris ceux de tes camarades.

Ichinose — Oui, c’est fait.

Il n’était pas disposé à leur prêter les points dont ils avaient besoin alors qu’ils avaient encore des points à épargner pour eux-mêmes. C’était l’une des conditions que Nagumo avait posées en échange de sa coopération. Nagumo avait en effet économisé une quantité énorme de points privés, dont le nombre avait presque atteint dix millions. Cependant, il n’était clairement pas disposé à les prêter tous. De plus, même s’il n’en avait pas fait une exigence, Ichinose aurait certainement d’elle-même pris l’initiative de minimiser le nombre de points à emprunter.

Nagumo — Combien en faut-il encore ?

Ichinose — 4 043 019 points.

Nagumo — Ah oui ? Et bien ce sera moins tendu que prévu.  Cela dit, cela risquerait de me désavantager encore considérablement pour les examens à venir.

Ichinose — Oui, c’est vrai.

Nagumo prenait un gros risque, et notamment allait devoir en prendre la responsabilité si l’un de ses propres camarades de classe était dans le besoin. Les 4 millions de points pouvaient donc lui être grandement reprochés. Ichinose était douloureusement consciente de la chance qu’elle avait de recevoir cette offre.

Ichinose — Je suis vraiment désolé d’avoir fait une demande aussi égoïste.

Nagumo — C’est bon. C’est tout à fait ton genre de ne vouloir abandonner personne. Mais tu n’as pas oublié l’autre condition que j’avais pour vous prêter les points, n’est-ce pas ?

Ichinose —  …Oui. Je, euh… Je dois commencer à sortir avec toi Nagumo-senpai, n’est-ce pas… ?

Nagumo — Oui. Je te transfère les points privés dès que tu es d’accord.

Ichinose — …La date limite est ce soir à minuit, hein ?

Nagumo — Tu hésites encore ? Ce n’est pas toi qui voulais absolument sauver tous tes camarades ?

Ichinose — Bien sûr. C’est juste que je suis un peu… anxieuse.

Nagumo — Anxieuse ?

Ichinose avala ses peurs, se forçant à parler.

Ichinose — Senpai… Est-ce que tu, euh… est-ce que tu m’aimes bien ?

Nagumo — Hein ?

Ichinose — Oh non, uhm… Je suis désolée de demander quelque chose de si grossier…  C’est juste que, j’ai toujours pensé que « sortir » signifie que tu as ce « genre de sentiments » pour quelqu’un…

Nagumo — Je n’en aurais pas fait une condition si je ne t’aimais pas.

Nagumo répondit sans hésiter. Même si Ichinose était heureuse d’entendre sa réponse, elle ne pouvait pas s’empêcher de se sentir mal à l’aise.

Nagumo — Si tu acceptes, je te les transfère tout de suite.

Ichinose — S’il te plaît. Je vais encore y réfléchir.

Nagumo — N’est-ce pas ce que tu as déjà fait ces deux derniers jours ?

Lentement mais sûrement, l’échéance de Nagumo approchait.

Nagumo — Tu ne peux probablement pas emprunter à d’autres 1ère ou de terminales. Les seconde je n’en parle même pas, vous êtes adversaires.

Nagumo était bien conscient qu’il était le seul à vouloir prêter à Ichinose plus de quatre millions de points privés. Cependant, il n’avait pas l’intention de forcer l’affaire. Après tout, il était évident qu’Ichinose allait finir par s’en remettre à lui.

Nagumo — Fais attention. Après l’heure, ce n’est plus l’heure.

Ichinose — Oui. Je te recontacterai certainement plus tard.

A la fin de l’appel, Ichinose poussa un grand soupir en s’appuyant contre le mur. Pour Ichinose, la protection de ses camarades de classe était sa priorité numéro un. Elle sentait qu’elle devait être prête à accepter ses conditions, étant donné qu’il était prêt à l’aider à obtenir ce qu’elle voulait.

Mais Ichinose n’avait aucune expérience de la romance ou de l’amour. Elle ne pouvait tout simplement pas imaginer qu’il était naturel de commencer une relation avec quelqu’un de cette façon.

Au fond, son cœur lui disait que c’était mal. Cela n’a pas de sens que deux personnes sortent ensemble si elles ne s’aiment pas. Cela n’a pas de sens si les sentiments impliqués sont unilatéraux. Et, une fois ensemble, rompre leur relation allait sûrement être très difficile.

Ichinose — Haa… Je suis indécise, même si j’aurais déjà dû me décider…

Il était environ 21 heures. Ichinose n’avait pas d’autre choix que de lui répondre dans les trois heures qui suivaient.

Elle poussa un autre grand soupir. Elle se disait que si elle arrivait à le supporter, elle pouvait sauver ses camarades de classe. Que c’était pour le mieux. Qu’il n’y avait vraiment pas d’autre option… Mais quoi qu’elle se dise, son cœur désapprouvait.  Si elle acceptait, elle avait l’impression de perdre une partie d’elle-même. C’était une douloureuse prémonition.

Ichinose — Non. Rien de bon ne sortira de cette façon de penser.

À quoi bon changer d’avis sans cesse après être allé si loin ? Si les négociations avec Nagumo devaient échouer maintenant, un de ses camarades de classe serait expulsé.

Ichinose — …Très bien !

Elle se tapota légèrement les joues, renforçant ainsi son changement de résolution.

Ichinose — Je… vais protéger tout le monde.

Tout seule, Ichinose sourit tranquillement, après avoir pris sa résolution.

4

Revenons au jour de l’annonce de l’examen, bien avant qu’Ichinose ne se décide à accepter l’offre de Nagumo.

Contrairement aux autres classes, la classe A avait accueilli l’examen complémentaire à bras ouverts. C’est parce qu’ils s’étaient décidés tout de suite.

M. Mashima — Le reste est à discuter entre vous. Veillez simplement à prendre une décision avant le jour du vote.

Ainsi le professeur principal de la classe A, M. Mashima, termina son explication de l’examen à venir.

Le temps de classe restant avait été prévu pour que les élèves puissent discuter, et Sakayanagi avait entamé la conversation sans même se lever de son siège.

Sakayanagi — Pour cet examen, je pense qu’il serait merveilleux que Katsuragi-kun prenne la porte de sortie.

Sakayanagi fit sa nomination sans la moindre hésitation. Katsuragi resta complètement immobile, fermant les yeux et croisant les bras.

Yahiko — Que… Qu’est-ce que tu veux dire ? Ça ne semble pas juste !

Le seul à avoir montré une forme d’opposition fut Totsuka Yahiko, un fidèle disciple de Katsuragi.

Katsuragi — Arrête, Yahiko.

Et pourtant, Katsuragi rejeta catégoriquement les tentatives de Totsuka de plaider en sa faveur.

Yahiko — Mais, Katsuragi-san !

Katsuragi — J’ai pleinement l’intention d’accepter ce qui m’arrive.

Sakayanagi — Il ne semble pas y avoir d’objections. Ou plutôt… il ne semble pas y avoir de place pour les objections, n’est-ce pas tout le monde ?

La majorité de la classe A avait déjà rejoint la faction Sakayanagi. Il y en avait certainement une poignée qui ne tenait pas à le faire, mais pas aller jusqu’au point de s’opposer à elle. La sécurité, la garantie d’être diplômés… faisait que les neutres se rangeaient du côté de Sakayanagi. En raison de sa foi aveugle en Katsuragi, Totsuka fut le seul à tenter de s’opposer à elle. Mais de telles actions étaient vaines. Katsuragi l’avait compris.

Sakayanagi — Bon, levons à main levée pour être sûrs.  Si vous n’avez pas d’objections à l’expulsion de Katsuragi-kun lors du vote de ce week-end, alors n’hésitez pas à lever la main !

Les élèves de la classe A levèrent tous la main à l’unisson, à l’exception de Totsuka, Katsuragi et Sakayanagi. Mashima détourna tranquillement le regard, comme s’il avait déjà prévu que cela allait finir ainsi.

Sakayanagi — Avec de tels résultats, il semble que le débat est clos.

Yahiko — Tu vas vraiment l’accepter comme ça ?

Katsuragi — C’est bon, Yahiko.

Même si Totsuka s’était opposé à Sakayanagi jusqu’à la fin, Katsuragi n’avait même pas essayé de se défendre.

Katsuragi — Le contrat que j’ai signé avec la classe D est toujours valable. Par conséquent, la classe A a inutilement envoyé des points privés à Ryuuen chaque mois. Je prends simplement mes responsabilités.

Yahiko — Mais nous avons obtenu des points de classe grâce à ça n’est-ce pas ! Ce n’était pas du tout du gaspillage ! De plus, comme la classe D doit aussi expulser quelqu’un, elle pourrait finir par choisir d’expulser Ryuuen ! Si cela se produit, le contrat sera annulé même si nous n’expulsons pas Katsuragi-san !

Totsuka monta avec frénésie un argument.

Yahiko — Ne vas pas croire que tu peux faire tout ce que tu veux parce que tu es la chef de classe !

Katsuragi — Totsuka, ça suffit.

Totsuka était bien le seul dans sa démarche, alors Katsuragi le calma une seconde fois. Ce dernier dit une ultime fois, d’un ton beaucoup plus fort.

Yahiko — Katsuragi-san… !

Katsuragi s’efforça de garder son calme, même s’il devait être plus troublé que quiconque. Ému par sa résolution, Totsuka baissa la tête et retourna à son siège.

Sakayanagi — C’était intéressant hein, il aurait pu continuer !

Katsuragi — C’est bon. Je n’ai aucune objection au projet de m’expulser.

Sakayanagi — Vraiment ! Dans ce cas, agissons selon la volonté de Katsuragi-kun.

Après moins de cinq minutes de discussion, la classe A était parvenue à un consensus. Ensuite, la vie reprit son cours, comme si l’examen complémentaire n’existait pas du tout. S’excusant depuis son siège, Katsuragi quitta la salle de classe pour être seul. Naturellement, Totsuka se précipita à sa poursuite immédiatement après.

Yahiko — Katsuragi-san, ça te convient vraiment ?

Katsuragi — …On ne peut rien y faire. Dans un examen comme celui-ci, les élèves influents ont un avantage considérable. Même si je me battais, je ne serais pas capable de faire face aux votes négatifs émanant de la faction Sakayanagi.

Yahiko — M-mais, il doit y avoir des élèves qui ne sont pas satisfaits de Sakayanagi. Si nous réunissons tout le monde, nous…

Katsuragi — Tu m’as bien aidé jusqu’à présent, je t’en remercie sincèrement.

Yahiko —Katsuragi-san…

Katsuragi — Cela dit, après mon départ, tu devrais t’aligner sur Sakayanagi. Si tu t’opposes bêtement à elle, ce sera toi le prochain.

Katsuragi le savait mieux que quiconque, c’est pourquoi il voulait empêcher Totsuka d’entrer en conflit avec Sakayanagi.

Katsuragi — C’est l’ultime conseil que je t’offre.

Yahiko — …Bon sang… !

Totsuka, le visage déformé par la frustration, ne pouvait rien faire d’autre que de hocher frénétiquement la tête en signe d’accord.

5

Le même jour, après la fin des cours…

Sakayanagi — Rentrons, Masumi-san.

Kamuro —…Bien.

Sakayanagi se leva de son siège et appela Kamuro.

Sakayanagi —Il semble qu’une nouvelle boisson soit sortie au café du centre commercial Keyaki. Et si on en prenait en chemin ?

Ce week-end, un de leurs camarades de classe allait être expulsé. De plus, même si elle avait personnellement fait la nomination, l’attitude de Sakayanagi était la même que d’habitude.

Kamuro —…Hé.

Sakayanagi — Quoi ?

Kamuro —…Peu importe.

Kamuro changea d’avis, car elle avait l’impression que c’était une perte de temps de demander. Les décisions froides et calculatrices de Sakayanagi étaient presque inhumaines. Mais Kamuro n’était pas très différente d’elle, elle avait pensé qu’il était donc inutile de donne une quelconque leçon.

Un appel téléphonique rompit le silence entre les deux. Sakayanagi sortit alors son téléphone portable de sa poche. Avec un mince sourire, elle répondit avec joie à l’appel.

Sakayanagi — Comment vas-tu, Yamauchi-kun ? Je me disais qu’il était temps que j’aie de tes nouvelles.

Kamuro — Quels goûts bizarres en matière d’hommes.

Récemment, il n’était pas inhabituel pour Sakayanagi d’engager une conversation approfondie avec Yamauchi. Ils s’appelaient presque tous les jours, parlant avec enthousiasme des choses les plus insignifiantes.

Sakayanagi — Aujourd’hui ? Pas de problème, on se retrouve. Mais j’ai d’abord quelques engagements préalables à respecter, alors est-ce qu’on peut se voir après ?

D’après leur conversation, il était clair que c’était encore un de ces appels de

Yamauchi.

Sakayanagi — Je suis occupée pour le moment, alors je te contacterai plus tard, d’accord ?

Sur ce, Sakayanagi mit fin à l’appel quelques secondes plus tard.

Sakayanagi — Donc, il semble que je vais rencontrer Yamauchi-kun plus tard dans la soirée.

Kamuro — Vous… Vous êtes beaucoup parlés avec Yamauchi ces derniers temps. À quoi tu penses ?

Sakayanagi — Que puis-je dire ? Il a attiré mon attention !

Kamuro — Alors il te plairait ?

 Sakayanagi — Et si je disais que oui, ce serait bizarre ?

Alors que l’apparence physique de Yamauchi lui venait à l’esprit, Kamuro ne pouvait rien faire d’autre que de secouer la tête.

Kamuro — Tu rigoles, n’est-ce pas ?

Sakayanagi — Oui. C’est juste une blague.

Kamuro — Tu…

Sakayanagi — Je le forme. Pour voir si je peux ou non l’utiliser comme espion au sein de la classe C.

Kamuro — Le former… Ça ne peut pas être aussi simple, n’est-ce pas ?

Sakayanagi — Il a été assez facile à gérer jusqu’à présent. De plus, comme un examen spécial amusant vient d’être annoncé, je pensais le faire participer à une petite expérience.

Les paroles de Sakayanagi n’étaient qu’à moitié vraies.

Même si Kamuro était proche, elle n’était pas quelqu’un en qui elle avait entièrement confiance. Sakayanagi avait choisi ses mots avec soin afin de cacher ce qu’elle devait garder caché.

Sakayanagi — Allons le rencontrer aujourd’hui. Cela devrait te donner une idée approximative de mes objectifs.

En pensant à ce qui allait se passer ensuite, Sakayanagi sourit joyeusement.

6

Ce soir-là, Sakayanagi et Kamuro rencontrèrent Yamauchi au centre commercial Keyaki. Compte tenu de la situation, ils louèrent une salle au karaoké afin d’éviter

d’attirer trop d’attention.

Yamauchi — Donc, euh… Kamuro-chan est venue aussi.

Sakayanagi — Désolée. C’est encore un peu gênant pour moi d’aller à un rendez-vous en tête à tête.

Yamauchi — N-non, c’est cool, vraiment ! Je suis juste heureux d’avoir un rendez-vous avec toi !

Yamauchi afficha un sourire désespéré, faisant de son mieux pour éviter d’être détesté. En réalité, il voulait se déclarer à Sakayanagi. C’est en tout cas ce qu’il aurait fait si elle était venue seule, afin d’officialiser leur couple.

Malgré cela, Yamauchi mit ses sentiments de côté.

Sakayanagi — Yamauchi-kun, tout ira bien pour toi ?

Yamauchi — Hein ?

Sakayanagi — Bah… C’est juste que…

Sakayanagi fit une pause, un petit instant.

Sakayanagi — Si tu étais expulsé, on ne pourrait plus se rencontrer comme ça. C’est… C’est la seule chose que je ne veux absolument pas voir arriver.

Même si le jeu innocent et mignon de Sakayanagi donna des nausées à Kamuro, elle ne le laissa pas transparaître. Ce n’était rien de plus que Sakayanagi jouant avec lui. De plus, si elle prenait au sérieux chacun des jeux de Sakayanagi, elle allait probablement devenir folle.

Yamauchi — Bah ouais, ce serait atroce !

Sakayanagi — C’est un peu comme si nos sentiments étaient mis à l’épreuve, tu ne crois pas ?  

Sakayanagi se tapota doucement la poitrine en poussant un soupir de soulagement.

Sakayanagi — Si quelque chose te trouble, tu peux toujours venir me voir à ce sujet, Yamauchi-kun.

Yamauchi — Mais…

Sakayanagi — Toi et moi sommes certainement des ennemis mutuels, mais c’est différent pendant cet examen. Nous n’avons pas à rivaliser avec les élèves des autres classes, n’est-ce pas ?

Yamauchi — Oui, c’est vrai…

Sakayanagi — Et grâce à cela, il nous sera peut-être possible de coopérer entre nous.

Yamauchi — Coopérer… ?

Yamauchi semblait avoir eu un peu la même idée.

Sakayanagi — C’est juste un exemple, mais… et si j’utilisais mon vote positif sur toi, Yamauchi-kun ?

En entendant cela, Yamauchi bondit de l’intérieur. Les gens voulaient obtenir autant de votes positifs des autres classes qu’ils le pouvaient. Pour les élèves menacés d’expulsion, ces votes cruciaux étaient si désespérés qu’ils s’abaisseraient à n’importe quel niveau pour les obtenir.

Yamauchi — Tu vas sérieusement m’aider ?

Sakayanagi — Si tu es en difficulté, j’en serais heureuse oui !

Bien que Yamauchi ait gardé son sang-froid en surface, ses gentilles paroles l’avaient touché, le rendant heureux du fond du cœur. Il n’avait jamais parlé avec une fille de manière aussi intime de toute sa vie. Et il ne voulait surtout pas qu’elle réalise qu’il n’avait absolument aucune expérience de l’amour !

Yamauchi — Pour te dire la vérité… Il semble que les gens de ma classe sont assez jaloux de moi, et euh, je suis inquiet qu’ils puissent utiliser leurs votes négatifs contre moi.

Sakayanagi — Jalousie tu dis ?

Yamauchi — C’est parce que je suis le seul à pouvoir te rencontrer comme ça, Sakayanagi- chan.

Sakayanagi — C’est vrai ? Les autres garçons ne m’intéressent pas du tout.

Il ne pouvait pas se résoudre à dire qu’il risquait d’être expulsé parce que ses notes étaient mauvaises. Yamauchi voulait plutôt se mettre en avant pour que Sakayanagi l’apprécie davantage.

Sakayanagi — Enfin, je comprends un peu ta position alors je vais te donner quelques conseils secrets pour t’aider, Yamauchi-kun.

Yamauchi — « Conseils secrets » ?

Sakayanagi — Oui. Tends la main à environ la moitié de ta classe et essaye de les faire se ranger de ton côté. Ensuite, cible quelqu’un d’autre et fais pression pour qu’il soit expulsé.

Yamauchi — Mais, euh… si je fais ça, je risque pas de tout me prendre dans la gueule en retour ?!

Sakayanagi — C’est pas faux. Après tout, il suffit de contrarier la mauvaise personne pour finir par devenir la nouvelle cible.

Yamauchi fit un signe de tête pour manifester son accord.

Sakayanagi — C’est pourquoi je vais t’aider !

Yamauchi — Comment ?

Sakayanagi — Il y a une vingtaine de personnes qui me suivent en classe A. Je vais leur faire utiliser leur vote positif pour toi, Yamauchi-kun.

Yamauchi — Eh !?

Sakayanagi — Ajoute à ça que tu dois bien avoir des camarades de classe également être prêts à voter positivement pour toi, n’est-ce pas ? En incluant leurs votes, même si tu obtiens plus de 30 votes négatifs, les votes se compenseront et il sera très peu probable que tu sois expulsé.

Yamauchi — Vraiment !?

Sakayanagi — Bien sûr. Cela dit, même avec vingt votes, ta sécurité ne sera pas garantie. C’est pourquoi tu dois prendre les rênes et mettre quelqu’un d’autre au pied du mur.

Yamauchi — Mais qui ?

Sakayanagi — Voyons… Naturellement, on ne peut pas se débarrasser de quelqu’un d’utile à sa classe. Masumi-san, est-ce qu’une cible idéale te vient à l’esprit ?

Kamuro — …Pourquoi pas Ayanokôji ?

Sakayanagi — Ayanokôji…kun, c’est ça ? Je crois que j’ai entendu le nom mais…

Yamauchi — Oh, euh, c’est le genre de gars qui ne se démarque pas du tout. Comment devrais-je l’expliquer… ?

Sakayanagi — Épargne-moi les détails. Il semble être la cible parfaite. Vous n’êtes pas particulièrement proches, n’est-ce pas ?

Yamauchi — Pas du tout ! Ce n’est qu’un camarade de classe !

Sakayanagi — Dans ce cas, faisons-en sorte qu’il soit le sacrifice.

Yamauchi — Mais…

Le désir de Yamauchi de se sauver était en conflit avec sa réticence à sacrifier un de ses camarades de classe. Cependant, il allait sans dire que son désir de se protéger était beaucoup plus fort.

Sakayanagi — Je pense qu’il est douloureux de couper les liens avec un camarade de classe, quel que soit le type de relation qu’on avait avec… Donc si j’étais toi, j’essaierais d’éviter d’y penser trop longtemps. Je pense que nous avons choisi une cible appropriée, donc nous devons juste faire avec.

Sakayanagi lui sourit avec une expression qui semblait dire « Comme ça, ton cœur te fera moins mal ».

Sakayanagi — Lundi prochain, après la fin de cet examen, ça te dirait qu’on se retrouve, juste tous les deux ? Il y a quelque chose que je voudrais vraiment te dire, Yamauchi-kun. C’est très important.

Yamauchi — !!!

Yamauchi tituba. Ces paroles lui donnèrent le coup de grâce, le séduisant complètement. Son imagination s’emballait lorsqu’il envisageait une éventuelle déclaration d’amour de Sakayanagi. Et il était bien décidé de faire de ses rêves une réalité, en faisant tout ce qui était en son pouvoir pour éviter l’expulsion, quoi qu’il arrive. Plus important encore, s’il n’appliquait pas avec succès la stratégie qu’elle avait élaborée, il était possible qu’elle commence à le haïr.

Ces pensées étaient la seule chose qui le stimulait.

Sakayanagi — Commençons donc par identifier les personnes qui semblent être des amis d’Ayanokôji-kun. Il serait préférable de les écarter discrètement sans qu’ils n’en entendent parler.

Yamauchi — O-Oui !

Sakayanagi — Mais avant cela, j’ai un conseil à te donner, Yamauchi-kun.

Yamauchi — Un conseil… ?

Sakayanagi — Ne dis à personne que nous allons voter pour toi. Tes camarades de classe risqueraient de te le faire payer, sinon.

Yamauchi — Oui, c’est sûr…

Ils seraient évidemment jaloux et cela produirait l’effet inverse s’ils découvraient que Yamauchi était vraiment à l’abri.

Yamauchi — Compris. Je ne dirai rien.

Sakayanagi — Super !

Yamauchi — Mais… U-uhm

Sakayanagi — Qu’est-ce qu’il y a ?

Yamauchi — Uhm, ce n’est pas que je doute de toi ou quoi que ce soit, c’est juste que…tu vas vraiment utiliser ton vote positif sur moi ?

Sakayanagi — Tu voudrais quelque chose écrit ?

Yamauchi — C’est juste que ça m’inquiète un peu… C’est légitime.

Yamauchi était inquiet car il manquait de confiance en lui pour s’en remettre

à un simple accord verbal. Et Sakayanagi le savait.

Sakayanagi — Penses-tu que je vais te trahir, Yamauchi-kun ? Même si je le voulais, il n’y a aucune raison pour moi de faire une telle chose. Mais si tu n’es vraiment pas prêt à me croire… Oublions cette conversation. Et donc je suppose que je vais devoir reconsidérer la rencontre de lundi prochain.

Yamauchi — A-Attends ! Je te crois, je te fais confiance !!

Lorsque Sakayanagi tenta de faire marche arrière, Yamauchi tenta de la ramener.

Yamauchi — Je suis désolé d’avoir douté de toi…

Sakayanagi — C’est bon, c’est normal.

Avec un doux sourire, Sakayanagi présenta à Yamauchi un dernier avertissement.

Sakayanagi — Cela dit… Yamauchi-kun, si je te surprends à m’écouter, à prendre des photos en cachette ou à enregistrer secrètement nos conversations à l’avenir, notre relation sera terminée. Nous deviendrons tous les deux des ennemis.

Yamauchi —  A-aucun problème ! Je ne ferais jamais une chose pareille !!

Sakayanagi — Très bien. Alors, Masumi-san, fouille-le s’il te plaît !

Kamuro — Eh ? Moi ?

Sakayanagi — S’il te plaît…

Kamuro — …Bien.

Malgré ses réticences, Kamuro consentit à fouiller Yamauchi.

Sakayanagi — Ça devient intéressant.

Pour Sakayanagi, ce n’était rien d’autre qu’un jeu. Dans son esprit, l’issue de tout cela avait déjà été décidée depuis le début. Après le départ de Yamauchi, Sakayanagi resta un peu avec Kamuro dans la salle de karaoké.

Kamuro — On ne rentre pas encore à la maison ?

Il était un peu plus de 20 heures. Le centre commercial n’était ouvert aux élèves que jusqu’à neuf heures, et le karaoké allait bientôt fermer lui aussi.

Sakayanagi — Que penses-tu de ma stratégie, Masumi-san ?

Kamuro — Comment ça ?

Sakayanagi — Ayanokôji-kun n’est pas une personne ordinaire, toi-même tu t’en es rendue compte hein ?

Kamuro — Je sais que tu es totalement obsédée par lui.

Sakayanagi — C’est plus que ça je pense. Tu as remarqué quoi vu que tu l’as rencontré ?

Bien qu’elle n’ait pas été certaine de quelque chose de précis, il semblait désagréable. Il avait l’air d’un élève bien mystérieux. C’était en tout cas l’impression que Kamuro avait de lui.

Sakayanagi — Il est puissant.

Kamuro — À quel point ?

Sakayanagi — Des gens comme Katsuragi-kun, Ryuuen-kun, et Ichinose-san n’auraient aucune chance contre lui.

Kamuro — Vraiment ? Et toi alors ?

Sakayanagi — Hmm… Qui sait ?

Kamuro — Sérieux ? Je ne peux pas croire que tu dises ça.

Kamuro fut surprise. Elle s’attendait à ce que Sakayanagi dise qu’elle pouvait le battre sans aucune hésitation.

Sakayanagi — Bien sûr, il est possible que je puisse le battre. Cela dit, il est également vrai que je ne sais pas exactement de quoi il est capable. Ou alors… C’est plutôt qu’une partie de moi soit veut qu’il soit un adversaire bien au-delà de mes capacités.

C’était un sentiment mystérieux qu’elle n’avait jamais remarqué auparavant.

Sakayanagi — J’espère pouvoir le voir prendre les choses au sérieux avant de le faire expulser.

C’était quelque chose que Sakayanagi souhaitait du fond du cœur.

7

Ils s’étaient rencontrés mardi. Le jour suivant, Sakayanagi reçu des appels téléphoniques de Yamauchi avec des mises à jour, selon leur récente conversation.

Elle était en train de jouer les deux côtés d’un match d’échecs dans le dortoir pendant qu’elle lui transmettait des instructions sur la façon de survivre à l’examen à venir. Elle prenait une pièce et la faisait avancer sur l’échiquier.

Sakayanagi — Vraiment ? Tant de gens ont déjà accepté de voter pour Ayanokôji- kun ?

Il y avait 24 personnes au total, un nombre impressionnant qui avait dépassé ses attentes. Yamauchi n’aurait probablement pas pu faire aussi bien les choses tout seul.

Sakayanagi — Yamauchi-kun.

Yamauchi — Qu-quoi ?

Sakayanagi — Comme je m’y attendais, demander à Kushida-san d’agir en tant que médiateur était la bonne chose à faire.

Kushida était le genre de personne à agir en pensant à ses camarades de classe.

Yamauchi — Oui, je suppose. Ça s’est passé comme tu l’avais dit, Sakayanagi-chan.

Sakayanagi avait jugé que si Yamauchi venait lui demander son aide, Kushida ne pouvait simplement pas refuser comme ça. De plus, Sakayanagi avait également mis la main sur des informations intéressantes sur Kushida.

Sakayanagi — Quand tu lui as demandé de t’aider, l’as-tu persuadée en pleurant comme je l’ai suggéré ?

Yamauchi — Je ne ferais pas quelque chose de si peu cool !

Sakayanagi jeta un coup d’œil à Kamuro, confirmant qu’il avait effectivement utilisé les larmes pour persuader Kushida.

Sakayanagi — Oh ? Il semble donc que tes talents de négociateur aient tout géré sans faille !

Yamauchi — Je suppose…

Sakayanagi — Quoi qu’il en soit, je te contacterai demain pour savoir à qui tu devras t’adresser ensuite.

Yamauchi — D’accord.

Demain, c’était jeudi, et les décisions importantes devaient être prises à ce moment-là. Sakayanagi devait décider de comment Yamauchi allait convaincre ses camarades. Une fois l’appel terminé, Kamuro prit la parole.

Kamuro — Cette personne, Kushida, est-elle vraiment du genre à aider à faire expulser quelqu’un ?

Sakayanagi — Si quelqu’un s’approchait d’elle en sanglotant et en la suppliant de l’aider, il n’y a pas moyen qu’elle ne donne pas un coup de main. Quoi qu’il en soit, il est important d’avoir le don des mots afin d’obtenir le plus grand nombre de supporters possible, et Kushida-san semble avoir la langue bien pendue.

Prenant sa reine dans une main, Sakayanagi regarda Kamuro.

Sakayanagi — Que crois-tu qu’il va se passer ensuite ?

Kamuro — Si ça continue comme ça, Ayanokôji va accumuler les votes négatifs et se faire expulser de l’école… Mais, s’il est aussi puissant que tu le dis, ne fera-t-il rien pour y remédier ?

Sakayanagi — Encore faut-il qu’il sache qu’il est la cible.

Kamuro — Certes, il ne sait rien pour l’instant.

Sakayanagi — Après, il est toujours sur ses gardes. Mis à part le fait qu’il le sache ou pas, dans un examen de ce genre personne n’est jamais à l’abri à 100%. Prendre des contre-mesures à l’avance est nécessaire.

Kamuro — C’est-à-dire ?

Sakayanagi — Il suffit de prouver à tout le monde que quelqu’un d’autre est un obstacle à la réussite de la classe. Quelle que soit la raison, plus cette personne est incompétente, meilleur est le résultat.

Sakayanagi avait momentanément prédit le spectacle qui aurait lieu sous peu dans la classe C.

Sakayanagi — Yamauchi-kun, par exemple, est de connivence avec moi pour faire ostraciser et expulser un de ses propres camarades de classe. Si cela venait à se savoir, j’imagine que notre stratégie se retournerait bien contre lui.

Kamuro — Donc en fait tu te moques de savoir lequel d’entre eux sera expulsé ?

Avec son autre main, Sakayanagi prit le roi de la partie adverse.

Sakayanagi — Non. Je garde le roi pour la fin.

Jusqu’à la fin, Sakayanagi contrôlait toutes les pièces de l’échiquier.

8

C’était vendredi soir, la veille de l’examen. Sakayanagi s’était rendu au salon de karaoké pour le préparer.

Kamuro — Quelle est la situation ?

Kamuro et Hashimoto étaient présents, ainsi que Kitô, pour un total de quatre personnes.

Sakayanagi — Il semble que tout a été exposé aujourd’hui. Apparemment, Horikita-san a eu vent du plan et a exposé le fait que je collaborais avec Yamauchi-kun au reste de leur classe. Je me demande comment l’information a fuité.

Sakayanagi se mit tranquillement une frite en bouche. Elle regardait attentivement ses camarades de classe avant que l’un d’entre eux ne prenne enfin la parole.

Hashimoto — Je suis sûr que ça vient de Karuizawa. Comme je vous l’ai déjà dit, si vous vouliez vous assurer qu’Ayanokôji soit expulsé, il aurait mieux valu éviter d’entraîner Karuizawa dans le groupe de Yamauchi.

Hashimoto Masayoshi. C’était l’un des plus proches collaborateurs de Sakayanagi, et il avait déjà remarqué les agissements d’Ayanokôji de lui-même. Tout au long de ses enquêtes, il avait vu ce dernier rencontrer Karuizawa en secret. Même si Sakayanagi avait accepté de ne pas faire entrer Karuizawa dans le groupe au début, elle avait changé d’avis hier. En conséquence, son plan avait été exposé aux élèves de la classe D.

Hashimoto — N’avais-je pas dit que notre première priorité était de faire en sorte qu’Ayanokôji ne se rende pas compte qu’il était visé avant la fin de l’examen ?

Sakayanagi — Oui, j’ai bien gardé ça en tête. Il est vrai qu’Ayanokôji-kun et Karuizawa-san peuvent effectivement avoir une relation suspecte. C’est-à-dire que si elle était informée du plan, il y avait de fortes chances qu’Ayanokôji-kun le soit également.

C’est la raison même pour laquelle Sakayanagi avait décidé de reporter l’intégration de Karuizawa dans le groupe de Yamauchi.

Elle avait laissé passer le mardi et le mercredi, choisissant délibérément de la faire entrer dans le groupe le jeudi. Elle attendit afin de voir si cela entraînait quelque chose. Et au vu des évènements de la journée, il était fort probable qu’elle ait transmis l’information à Ayanokôji.

Kamuro — Tu as tout gâché, n’est-ce pas, Sakayanagi ?

Kamuro osa poser la question, elle qui écoutait en silence jusqu’ici. Hashimoto s’exprima également, offrant une analyse sur les raisons pour lesquelles Sakayanagi avait fait une erreur aussi simple.

Hashimoto — Karuizawa est l’une des filles les plus influentes de sa classe. L’attirer dans le groupe aurait dû pratiquement garantir l’expulsion d’Ayanokôji. Oubliez la vingtaine de votes, il était même possible que nous en ayons obtenu une trentaine. Tu as laissé l’avidité vous atteindre.

Sakayanagi — J’étais bien consciente qu’ils allaient faire un procès de classe. C’était juste une question de temps.

Kamuro — Mais, si les choses n’avaient pas été mises en lumière, Yamauchi aurait peut- être eu une chance.

Ayant entendu chacune de leurs opinions, Sakayanagi ne pouvait s’empêcher de se sentir amusée.

Sakayanagi — S’il sait qu’il est devenu la proie de quelqu’un, même un herbivore tentera de se battre pour sa vie s’il en arrive là. Mais je trouve que c’est exactement ce qui le rend si intéressant. Vous ne voulez pas voir ce qu’il va faire pendant le temps qu’il lui reste ? Comment il va se battre pour survivre ?

Hashimoto — Donc tu as délibérément laissé Karuizawa divulguer l’information à cause de ça ?

Sakayanagi — Bah, j’ai fait d’une pierre deux coups en confirmant que tes informations sur Karuizawa et Ayanokôji étaient exactes.

Hashimoto — Mais Ayanokôji est allé voir Horikita à ce sujet, qui a ensuite tout révélé au reste de la classe. C’est donc pour le moins assez étrange.  Étant donné que Yamauchi ne sera pas expulsé à cause de nos votes positifs, Ayanokôji ne le sera vraisemblablement pas non plus. Je n’ai aucune idée de qui va être expulsé à ce stade.

Lorsque Hashimoto termina, Kamuro prit également la parole.

Kamuro — N’était-ce pas aussi une erreur de passer des contrats avec ceux qui ont accepté de voter pour Ayanokôji sans rien obtenir par écrit ? Combien de personnes vont encore voter pour lui après ce qui s’est passé aujourd’hui…

Il y avait une diminution spectaculaire du nombre de votes négatifs éventuels qu’Ayanokôji allait obtenir, alors que le nombre pour Yamauchi n’allait inévitablement qu’augmenter.

Toutefois, Yamauchi pouvait prétendre à 20 voix de la classe A pour échapper à cette situation. Dans ce cas, il était donc difficile de deviner qui allait se retrouver avec le plus de voix contre lui.

Après avoir entendu l’analyse de Hashimoto et de Kamuro sur la situation, Sakayanagi sourit. Pour elle, le résultat de tout cela était évident. Kamuro, Hashimoto et Yamauchi ne pouvaient tout simplement pas encore le comprendre. Elle préféra donc rappeler en premier lieu pourquoi elle avait fait tout ça.

Sakayanagi sortit son téléphone pour l’éteindre.  Après tout, elle était inondée par les appels et les messages incessants de Yamauchi. La classe A avait beaucoup de votes positifs à utiliser lors de cet examen, et Yamauchi ne pouvait probablement pas s’empêcher de s’inquiéter de savoir s’ils allaient vraiment les utiliser sur lui.

Sakayanagi — Il semble qu’il y ait quelque chose que j’avais oublié de vous dire. Une histoire très importante concernant Yamauchi-kun.

Sur ce, Sakayanagi commença à leur raconter la rencontre qu’elle avait si négligemment oublié de mentionner.

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