CLASSROOM V10 : ÉPILOGUE


Les maillons faibles

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Traduction : Nova
Correction : Raitei
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Le jour J arriva enfin. Samedi.

Presque toutes les classes semblaient avoir réussi à prendre une décision. La classe A avait choisi d’expulser Katsuragi et la classe D avait choisi d’expulser Ryuuen. La classe B, elle, n’avait renoncé à personne.  

Mais rien n’était encore joué. Tant que les résultats n’étaient pas révélés, tout était possible : même si une classe complotait contre une personne, recueillir des votes favorables des autres classes permettrait à cette dernière de s’en sortir. Toutes les attentes pouvaient encore être bouleversées. Même moi, je n’étais pas à 100 % en sécurité.

Nous fûmes convoqués aux heures habituelles d’examen mais le début de celui-ci était prévu pour un peu plus tard que d’habitude, c’est-à-dire neuf heures. Il était actuellement huit heures et demie.

Cette courte prolongation était-elle du temps supplémentaire donné par l’école ?  Ou y avait-il une autre raison ? C’était peut-être une ruse pour nous garder en alerte jusqu’à la fin.

Horikita — Tu n’as vraiment rien fait ?

Moi — Quoi ?

Horikita — Je te demande si tu es vraiment resté sur la touche alors que tu es menacé ?

Moi — Ai-je l’air d’avoir fait quelque chose ?

Horikita — Pas en surface, comme d’habitude quoi.

Moi — Je n’ai rien fait cette fois-ci. C’est plutôt toi qui m’as sauvé.

Horikita — Allons, ce n’aurait pas été drôle que tu t’en ailles comme ça !

Moi — Encore plus après ta super plaidoirie, ce serait dommage.

C’était peut-être notre dernière conversation dans cette école.

Horikita — Certes.

Horikita répondit avec dédain.

C’est ainsi que la classe accueillit l’examen en silence. Du moins, c’était ce que je pensais… Au dernier moment, quelque chose d’autre se produisit.

Hirata — Écoutez tous, s’il vous plaît.

Celui qui rompit le silence n’était autre que Hirata.

La veille, il s’était disputé avec Horikita. Il avait certes évoqué l’idée de voter contre elle, mais en pratique ce n’était pas vraiment ce qu’il voulait. Il était toujours possible que certains des élèves qui admirent Hirata votent contre elle, mais je me disais qu’elle était en sécurité. Après tout, elle faisait partie des meilleures élèves de la classe. Même si elle n’était pas connue pour avoir sa langue dans sa poche, elle était considérée comme une personne fiable et de qualité.

Hirata — Après avoir écouté ce que Horikita-san et tous les autres avaient à dire hier, je suis arrivé à une conclusion. L’objectif principal de cet examen… est de savoir pour qui nous devrions voter négativement.

Hirata était calme et posé pendant qu’il parlait.

Horikita — Est-ce… Est-ce qu’il va encore dire quelque chose ?

Moi — On dirait bien.

Si ça n’avait pas été le cas, il n’aurait pas été là en train de parler à tout le monde.

Horikita — Quelle perte de temps. Il n’a pas de plan. C’est juste lui qui essaie de retarder l’inévitable.

Non, il y avait plus que ça. Je pouvais voir des traces de détermination nouvelle dans les yeux d’Hirata.

Hirata — Tout d’abord, je voudrais m’excuser pour ce qui s’est passé hier, quand j’ai dit que je voterai contre Horikita-san.

Comme je le pensais, Hirata inclina la tête devant Horikita pour s’excuser de

son comportement grossier.

Horikita — Arrête donc, tu n’as aucune raison de t’excuser.

Hirata — J’ai compris que tu étais nécessaire à la réussite de notre classe.

Horikita — Dois-je en conclure que tu as vu qui ne l’était pas ?

Hirata — Oui, j’y ai réfléchi.

Hirata dit ça avec détermination, laissant Horikita circonspecte.

Horikita — Je suis très curieuse, qui donc ?

Hirata — Je vais vous le dire à tous.

Hirata se leva lentement de son siège et se mit derrière le bureau, tout comme Horikita l’avait fait la veille.

Hirata — J’aime cette classe. Je pense que chacun d’entre vous est nécessaire. Peu importe ce que les gens disent ou ce que vous faites, cela ne changera pas. Mais, je sais déjà que cela ne résoudra rien.

Après tous ses efforts, c’était la réponse à laquelle Hirata était parvenu. Il semblait que rien n’avait changé par rapport à ce qu’il m’avait dit la veille.

Hirata — Je veux donc que vous votiez tous pour moi.

Hirata a dit ce que je pensais qu’il allait dire.

Wang — Hein ? Comment pourrait-on faire une chose pareille ?!

Mii-chan s’exprima, suivie par des chuchotements d’autres filles.

Hirata — Ce serait mieux ainsi. Je suis au moins tout à fait prêt à aller jusque-là s’il le faut.

Horikita — Est-ce que tu as perdu la tête ?

Horikita ne put s’empêcher d’intervenir même si, vu la situation, il aurait été bon de laisser Hirata dire ce qu’il voulait.

Horikita — Tu vas te sacrifier juste parce que tu ne peux pas décider qui expulser ?

Hirata — Tu l’as dit toi-même, Horikita. Que si un élève voulait être expulsé, il n’y aurait rien à dire, non ?

Horikita — C’est…

Hirata — Donc je me porte volontaire.

Horikita — Sauf que personne ne veut ton départ ici. Tu es notre médiateur, le nerf de la classe. C’est vraiment insensé.

Hirata — Ce n’est plus mon problème.  

La classe C était au bord de l’effondrement. À ce stade, on savait finalement déjà contre qui allaient être dirigés les votes négatifs. L’enjeu était plutôt de savoir qui allait avoir le plus de votes positifs.  Sans Hirata, les prochains examens allaient probablement être beaucoup plus difficiles. C’est le risque de perdre une des figures centrales de la classe.

Shinohara — Il n’y a absolument, totalement, pas moyen que j’utilise un vote négatif sur Hirata- kun !

Shinohara et le reste des filles prirent collectivement la parole pour défendre Hirata. Son cœur se brisa certainement encore plus au fur et à mesure des louanges qu’il recevait.

Hirata — Il n’y a aucune raison pour que vous me défendiez. J’en suis déjà venu à vous détester tous, de toute façon.

Il semblait être redevenu comme d’habitude, mais ses paroles étaient si froides.

Hirata — Alors s’il vous plaît, laissez-moi rendre ça plus facile pour nous tous.

Yamauchi — Je… Je vais voter pour Hirata !

Ainsi Yamauchi sortit enfin du silence.

Yamauchi — Si c’est lui qui nous le demande, je pense que tous les autres devraient voter pour lui aussi !

Il continua ensuite à déblatérer des phrases du même genre.

Moi — Je vois. C’est le dernier espoir de Yamauchi-kun…

Yamauchi avait probablement contacté Hirata hier et l’avait supplié de l’aider. C’était peut-être l’une des raisons pour lesquelles Hirata avait durci sa détermination à se faire expulser.

Puis, après un long silence, Chabashira entra dans la classe.

Mme Chabashira  —  Alors, le vote va maintenant commencer. Une fois appelé, veuillez-vous rendre dans la salle de vote.

Nous allions donc voter un par un. Allions-nous pouvoir voir les votes des autres ? L’établissement avait pourtant dit qu’il avait tout fait pour que le processus reste anonyme.

Nous entrions enfin dans la phase finale.

1

Dans la classe A, le matin même, tout le monde attendait patiemment l’annonce des résultats.

Après tout, le résultat avait déjà été décidé depuis la première annonce de l’examen complémentaire, et il n’y avait pas non plus d’objections.

Lorsque la cloche retentit, Mashima entra dans la classe pour annoncer le résultat. Il était toujours aussi calme, ne se prononçant pas vraiment sur cet examen de toute façon.  Non, c’était plutôt comme s’il essayait simplement de ne pas trop y penser.

Cela faisait quatre ans qu’il était devenu professeur au lycée public d’excellence Kôdô Ikusei et il avait donc assisté à pas mal d’expulsions déjà.

M. Mashima — Je vais maintenant annoncer les résultats de l’examen spécial complémentaire. Pour commencer, l’élève qui a reçu le plus de votes positifs… c’est toi, Sakayanagi, avec un total de trente-six votes.

Sakayanagi — Vous avez tous voté pour moi, vraiment ? Je ne m’y attendais pas du tout. Je vous remercie vraiment du fond du cœur !

Les propos de Sakayanagi transpiraient l’hypocrisie crasse.

M. Mashima — Ensuite… je vais annoncer l’élève qui a reçu le plus de votes négatifs. Je suis sûr que vous le savez tous maintenant, mais la personne dont le nom est appelé sera expulsée. Une fois cela fait, elle devra faire ses valises et m’accompagner en salle des professeurs.

La salle de classe était silencieuse.

Tous les élèvesétaient silencieux en attendant que le nom soit prononcé.

M. Mashima — En dernière place, avec trente-six votes de négatifs…

Il marqua une courte pause d’une fraction de seconde, et puis…

M. Mashima — Yahiko Totsuka.

Il l’avait dit. Le nom résonna dans toute la classe silencieuse.

Katsuragi  — C’est ridicule ! Qu’est-ce qu’il se passe ?

Katsuragi se leva de son siège, élevant la voix après l’annonce des résultats.

Yahiko — K-Katsuragi-san… Pourquoi ? Qu’est-ce… ?

Totsuka regarda Katsuragi, le visage médusé également. Il avait reçu le nombre maximal de votes négatifs.  

Ensuite, Mashima révéla le nombre total de votes que chaque élève de la classe avait obtenu. Katsuragi était juste devant Totsuka avec un total de trente votes négatifs.

Katsuragi  — Que se passe-t-il ici, sensei ? Celui qui est expulsé devrait être moi !

M. Mashima — Il n’y a pas eu d’erreur.

Mashima coupa la parole à Katsuragi, répondant calmement à sa question. Une fille intervint, comme pour fournir un début d’explication.

  1. Mais c’est super  Katsuragi-kun, tu as l’air d’avoir eu du soutien !

En entendant cela, Katsuragi comprit finalement. Ce n’était pas arrivé à cause d’une erreur quelconque. C’était plutôt le résultat d’un des plans de Sakayanagi.

Katsuragi  — Attend, Sakayanagi ! Celui qui aurait dû être expulsé, c’est moi!

Sakayanagi  — Hein ? Toi ? Tu n’étais pas la cible de base.

Elle répondit de façon nette.

Katsuragi  — Arrête de plaisanter avec moi. Tu as dit que tu allais te débarrasser de moi !

Sakayanagi  — Oui je l’ai dit. Mais… C’est le principe d’un mensonge non ?

Sans une once d’appréhension, Sakayanagi sourit doucement.

Pourquoi… Pourquoi !? C’est ce que Katsuragi pensait.

Sakayanagi — C’est simple. Totsuka-kun n’apporte aucun avantage à la classe A. Par contre, toi tu es vif d’esprit, tu as de super réflexes tout en étant très posé. Tu es utile à ta manière. Cet examen est parfait pour se débarrasser de quelqu’un d’inutile, donc seul un idiot se débarrasserait de quelqu’un comme toi.

Katsuragi fit la grimace, incapable de réfuter son point de vue.

Mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle Sakayanagi avait fait cela. Totsuka n’était qu’un soutien parmi d’autres de Katsuragi. Mais elle avait décidé d’en faire un exemple. L’expulsion de Totsuka avait un impact encore plus grand sur la classe A puisque cela renvoyait l’idée que toute personne se rangeant du côté de Katsuragi risquait de ne pas rester longtemps.

Katsuragi  — Pourquoi le faire de manière si indirecte… ?

Sakayanagi  — N’est-il pas naturel que quelqu’un fasse de son mieux pour éviter l’expulsion ? Il y a beaucoup de votes positifs qui circulaient dans les autres classes pour cet examen. Si Totsuka-kun était allé les recueillir pour se sauver, je ne crois pas qu’on aurait pu le faire expulser.

Il y avait toujours la possibilité de voir Totsuka sauvé par les autres classes.  C’était bien pour cela qu’elle avait officiellement désigné Katsuragi afin que Totsuka ne prenne pas la peine de récolter des votes.

Sakayanagi — Merci pour ton travail, Totsuka-kun. Prends bien soin de toi après avoir quitté l’école.

Totsuka  — Mais… Merde ! Merde !!

Totsuka se recroquevilla comme s’il était sur le point de s’effondrer. Katsuragi n’avait  pas trouvé les mots justes pour le réconforter.

Totsuka s’était fait le grand avocat de Katsuragi, Il aurait normalement dû être honoré d’apprendre que Katsuragi n’allait pas être expulsé. Mais il ne s’attendait pas à être réellement celui qui allait partir.  Ainsi, il ne pouvait qu’éprouver du ressentiment. Si Katsuragi avait été expulsé, Totsuka Yahiko aurait pu rester en classe A. À contrecœur sûrement, il aurait suivi Sakayanagi jusqu’à la remise des diplômes. Et ensuite, il aurait réussi sa vie. Il culpabilisait mais, en même temps, imaginait déjà son avenir en tant que diplômé de la classe A. Hélas, tout son monde s’effondra d’un seul coup.

Katsuragi  — Le sauver avec vingt millions de points… est probablement impossible.

Sakayanagi  — Correct. Malheureusement, même si nous additionnions tous nos points, nous n’en aurions toujours pas assez.

M. Mashima — Totsuka, il n’y a… aucun moyen de renverser cette décision.

Le professeur principal, Mashima, rappela le caractère définitif de cette décision pendant que Totsuka mourait de l’intérieur.

Totsuka  —……

Totsuka ne savait plus quoi dire, il ne pouvait que hocher la tête en réponse.

M. Mashima — Totsuka, suis-moi dans la salle des professeurs pour le moment. Tu récupéreras tes affaires plus tard.

Compte tenu de son état d’esprit, Mashima demanda à Totsuka de quitter la pièce. Son expulsion était irrévocable, si bien que rester dans la classe n’allait que le blesser davantage.

Sakayanagi — Au fait, Mashima-sensei… Puis-je vous demander quelque chose ?

M. Mashima — Qu’y a-t-il, Sakayanagi ?

Lorsque Mashima commença à quitter la classe avec Totsuka, la voix de Sakayanagi l’arrêta.  Il ordonna à Totsuka d’attendre dans le couloir avant de se retourner pour écouter.

Sakayanagi  — C’est vraiment regrettable pour Totsuka-kun, mais… Il a déjà été décidé de qui sera expulsé dans les autres classes, n’est-ce pas ?

M. Mashima — C’est en cours. Dès que les résultats auront été finalisés, ils seront affichés sur le tableau d’affichage du premier étage.

Sakayanagi — Alors, en fonction des résultats, est-il possible qu’il y ait des conséquences pour Katsuragi-kun ?

Katsuragi — De quoi tu parles, Sakayanagi ?

Katsuragi l’interrogea, ne sachant pas où elle voulait en venir.

Sakayanagi — Je demande juste comme ça.

Pendant un moment, Mashima, tout comme Katsuragi, ne comprenait pas. Il n’avait pas envisagé la possibilité qu’elle pose des questions sur « ça » mais, en en voyant le sourire intrépide de Sakayanagi, Mashima changea d’avis.

M. Mashima —…Peu importe qui sera expulsé, il n’y aura pas de conséquences. « Ça » ne marche pas comme ça. Si, pour une raison quelconque, il y avait des conséquences, même toi ne pourrais pas en profiter très facilement.

Sakayanagi  — C’est certainement vrai. Merci beaucoup d’avoir répondu.

Après que Mashima ait quitté la classe, Katsuragi s’approcha calmement de Sakayanagi. Hashimoto et Kitô s’empressaient de lui barrer la route au cas où il aurait recours à la violence.

Cependant, avant que Katsuragi ne puisse dire un mot, Sakayanagi prit la parole.

Sakayanagi — Il n’y a aucune raison que tu m’en veuilles, Katsuragi-kun. Quelqu’un devait partir pendant cet examen. Que ce soit toi ou Totsuka-kun, le fait est qu’il y a eu un vote. Un vote auquel tous les élèves de la classe A ont participé.

Katsuragi — …Je comprends.

Katsuragi n’avait pas prévu de devenir violent dès le départ. Il avait seulement l’intention de lui faire part de son mécontentement. Mais Sakayanagi mit tout de suite un stop.

Sakayanagi — C’est très bien alors. Après tout, je ne veux pas que tu empêches notre classe d’aller de l’avant car tu serais rongé par l’amertume.  Cependant… Si par hasard cela devait arriver…

Katsuragi — Je t’ai dit que je comprenais. Tu n’as pas besoin d’entraîner quelqu’un d’autre dans cette histoire.

Sakayanagi  — Heureuse de voir que tu es si raisonnable.

Si Katsuragi devait montrer ses crocs à Sakayanagi par ressentiment à cause de l’expulsion de Totsuka, Sakayanagi menaçait de faire expulser quelqu’un d’autre la prochaine fois. Sakayanagi était bien consciente que, tant que Katsuragi était obéissant, il pourrait contribuer grandement au succès futur de la classe A.

Ainsi, Katsuragi avait entièrement cédé. Sans aucun moyen d’aller contre elle, il n’avait d’autre choix que de hisser le drapeau blanc et de se rendre à Sakayanagi.

Sakayanagi — Eh bien alors… je me demande comment vont les autres classes en ce moment…

Bien sûr, en ce qui concernait Sakayanagi, les classes B et D ne méritaient même pas d’attention.  La seule chose qui l’intéressait était ce qui s’était passé dans la classe C, la classe dans laquelle se trouvait Ayanokôji. Elle brûlait d’impatience.

2

De retour dans la classe C, le bruit de Yamauchi tapant du pied ne passait pas inaperçu. 

Ike — Yo, Haruki… Essaie de te calmer un peu.

Ike lui murmura ça discrètement.

Yamauchi — C-chut, je sais.

Kôenji — Fufufu. En tout cas, il semble qu’on va bientôt se dire au revoir hein ?

Yamauchi — Hein ? Où tu veux en venir Kôenji ? Rien n’est sûr là !

Yamauchi se retourna et regarda Kôenji avec un sourire forcé sur le visage.

Kôenji — Je ne pense pas me tromper en disant qu’un nombre considérable d’élèves ont voté contre toi.

Ike et Sudô restèrent là, incapables d’aider Yamauchi pendant que Kôenji attisait sa colère. Hirata, cependant, finit par s’interposer.

Hirata — Ce n’est pas comme ça que ça va se passer. Celui qui sera expulsé, ce sera moi.

Kôenji — Tu continues ? Allô, reviens un peu sur Terre.

Hirata —…De quoi tu parles ? »

Kôenji sortit son téléphone portable avec un sourire malicieux.

Kôenji — Ce message m’a été envoyé par une des filles : « Je crois que Hirata-kun a l’intention de se sacrifier et se porte volontaire pour être expulsé demain. Il pourrait finir par dire quelque chose de blessant sur tout le monde ou se faire passer pour un méchant, mais ce ne seront pas ses véritables sentiments. Je vous en prie, ayez confiance en lui et ne votez pas contre lui ». Il me semble qu’il a été envoyé à tous les autres sauf à toi, Yamauchi-kun.

Hirata s’approcha de Kôenji et lut le message de lui-même.

Kôenji — Qui oserait voter contre toi après ce message ? Après tout, tu as passé l’année dernière à te démener pour la classe. Ne serait-il pas plus logique que tu obtiennes plus de votes positifs ?

Hirata — Pas question…

Le plan de Hirata pour obtenir le plus de votes négatifs avait échoué.  Et bien entendu, cela se répercutait sur les élèves les plus susceptibles d’être expulsés.

Horikita se tourna vers moi et me murmura.

Horikita — Tu es terriblement calme. C’est presque comme si tu savais déjà tout.

Moi — Toi aussi tu le sais probablement, hein

Horikita — Quand bien même, je ne serais pas restée là assise avec autant de suffisance. Tant qu’il y a de la place pour l’incertitude, il y a toujours des raisons de s’inquiéter.

Kôenji intervint, comme pour répondre à Horikita.

Kôenji — Le seul qui devrait être inquiet, c’est lui.

Presque tout le monde dans la classe avait tourné son regard vers Yamauchi, se demandant comment il allait réagir après avoir de pareils mots.

Yamauchi se leva lentement et se retourna pour regarder Kôenji.

Son expression était celle de la confiance, celle qui disait qu’il était certain de ses chances d’arriver au sommet.

Kôenji — …Hah.

Yamauchi regarda Kôenji avec mépris.

Yamauchi — Vas-y, dis ce que tu veux… La personne qui sera expulsée ne sera pas moi.

Kôenji — Oh ? Et tu te bases sur quoi ?

Yamauchi —  D’accord.

Il semblait que Yamauchi ne pouvait plus supporter de laisser Kôenji dire ce

qu’il voulait.

Yamauchi — Combien d’entre vous ont voté contre moi ? Vingt Trente ? Je n’ai trahi aucun d’entre vous en particulier, et pourtant vous me traitez comme ça ? Ce n’est pas raisonnable ! Mais c’est très bien. Je vous pardonnerai.

Avec un sourire inattendu, Yamauchi s’approcha d’Ike et lui tapota l’épaule.

Yamauchi — Désolé Kanji. De t’avoir fait t’inquiéter autant pour moi.

Ike — O-oui.

Totalement inconscient de ce que son ami voulait dire, Ike ne pouvait rien faire d’autre que d’acquiescer.

Yamauchi — Il y a d’autres personnes ici qui pourraient être expulsées, n’est-ce pas ? Il y a les Kanji, Sudou, Kôenji et Ayanokôji, mais je me demande combien de votes positifs ils obtiendront ? Je suis vraiment inquiet pour eux…

Kôenji — On dirait que tu t’attends à en recevoir beaucoup toi, non ?

Yamauchi — Ouais, exactement !

Kôenji — Avec tes potes, ça ne fait jamais que quatre ou cinq voix, au mieux. Tu dis que c’est suffisant pour te mettre en sécurité ?

Yamauchi — C’est bien. Ce serait déjà beaucoup. Hahaha… Oui, peu importe pour qui tu as voté, tout ça est inutile !

Yamauchi leva les bras avec beaucoup d’ardeur.

Yamauchi — Sakayanagi-chan a promis qu’elle me donnerait vingt votes positifs ! En d’autres termes, même si la majorité de la classe a voté contre moi, cela ne va pas suffire !

Ayant réalisé qu’il ne servait à rien de le cacher plus longtemps, Yamauchi décida de montrer ses cartes.

Yamauchi — Et ouais… Je suis protégé par la classe A !

Les votes avaient déjà été exprimés.

Une promesse comme celle-ci ne semblait pas si invraisemblable de la part de Sakayanagi. En supposant qu’il obtienne cinq votes positifs de la classe C et vingt votes de la classe A, même dans le pire des cas, il n’allait finir qu’avec 9 votes négatifs. S’il disait vrai, on pouvait en effet difficilement considérer qu’il risquait d’être expulsé.

Le danger se déplacerait alors vers Kôenji et moi. Même Ike et Sudou pouvaient être en difficulté.

Kôenji — Si c’est le cas, pourquoi as-tu l’air si inquiet ?

Yamauchi ne semblait pas du tout calme. Il tremblait sans cesse, preuve que, mentalement, il était soumis à un stress incroyable.

Yamauchi — C’est…

Kôenji — Puisque tu as fait une promesse avec l’ennemi, tu as veillé à signer un contrat, hein ? C’est l’une des bases fondamentales de la négociation.

Yamauchi — N-non, mais c’est…

Kôenji — Une simple promesse verbale ne vaut rien. Surtout venant de la naine, elle n’a sûrement aucune parole.

Yamauchi — Oui oui, je sais.

Les mots de Kôenji ne purent simplement pas lui parvenir. Yamauchi ne pouvait pas croire que Sakayanagi risquait de revenir sur sa parole. À ce stade, il ne pouvait qu’espérer. Il s’était même assuré auprès de cette dernière,  à plusieurs reprises la nuit dernière, qu’elle tiendrait toujours son engagement.

Kôenji — Mon Dieu, tu dois donc être rassuré. Il semble donc que ça ne servait à rien de mettre un vote négatif sur toi !

Yamauchi — C’est vrai, ça n’avait pas de sens ! Insignifiant !

Mme. Chabashira — Tais-toi, Yamauchi. Je pouvais t’entendre jacasser du couloir.

C’est alors que Chabashira arriva.

Mme. Chabashira — Je vous ai tous fait attendre. Je vais m’occuper de l’annonce des résultats de la classe C. Veuillez regagner vos places.

L’heure du verdict était enfin venue.

Très bientôt, un élève allait quitter cette classe.

Yamauchi, qui se disait que tout allait bien ?

Sodou ou Ike, des potentielles cibles secondaires ?

Hirata, qui attendait patiemment les résultats?

Kôenji, qui était toujours aussi inattentif ?

Horikita ou moi, alors que nous surveillions tranquillement la classe ?

Ou bien, complètement quelqu’un d’autre ?

 Mme. Chabashira — Pour commencer, je vais annoncer les trois d’entre vous qui ont obtenu le plus de votes positifs. En troisième position se trouve… Kushida Kikyō.

Kushida soupira de soulagement lorsqu’elle entendit son nom être appelé. Même si Yamauchi l’avait ciblée hier, elle avait fini par obtenir pas mal de votes positifs. Si l’on tenait compte du fait qu’elle était adorée de la classe, un tel résultat était logique.

Mme.  Chabashira — Ensuite, en deuxième position…

Chabashira commença à lire un peu plus lentement. Même moi, je ne pouvais pas prédire complètement quel nom elle allait prononcer.

Hirata — C’est toi, Hirata Yôsuke.

Au moment où son nom fut appelé, Hirata ferma les yeux et regarda vers le ciel. Le comportement scandaleux de la veille n’avait donc pas eu de conséquences significatives. Après tout,  il avait travaillé dur l’année dernière, passant par des hauts et des bas pour le bien de la classe. Il avait gagné une énorme confiance, surtout de la part des filles. Même si je n’avais pas fait en sorte que Kei diffuse ce SMS hier, les choses n’auraient sûrement pas été très différentes.

  1. Mais, si Hirata est deuxième… qui est premier ?

Depuis le début, tout le monde s’attendait à ce que Hirata et Kushida obtiennent la plupart des votes positifs. Il n’était pas déraisonnable pour eux de se placer en deuxième et troisième position, mais ce résultat signifiait simplement qu’il y avait quelqu’un qui les avait dépassés tous les deux.

Mme. Chabashira —…Quant à la première place…

Chabashira laissa apparaître un léger sourire avant de lire le nom. Je me mis également à fermer les yeux.

Mme. Chabashira — Ayanokôji Kiyotaka.

Tout s’était passé comme je l’avais prévu.

Yamauchi — Qu-quoi ?

Yamauchi, celui avec qui je devais concourir pour la dernière place, fut le premier à réagir.

Yamauchi — Ne le confondez-vous pas avec la première place pour le vote négatif ? Sensei !?

 Mme Chabashira — Non. Il n’y a aucun doute. Il a pris la première place avec un splendide total de 42 voix.

Mes camarades de classe semblaient tous surpris. Après tout, j’avais obtenu plus de votes d’éloges qu’il n’y avait d’élèves dans notre classe.

Horikita — Toi. Qu’est-ce que tu as fait… ?

Horikita ne pouvait pas non plus cacher sa surprise.

Moi — Comme je l’ai dit, je n’ai rien fait.

Sakayanagi avait fait tout cela toute seule.

Yamauchi — Et enfin, l’élève qui a obtenu le plus de votes négatifs, avec un grand total de 33 votes. Je suis désolé de dire que c’est toi, Yamauchi Haruki.

Autre coup dur pour Yamauch. Avant même qu’il n’ait pu comprendre la situation, on le sommait de quitter l’école.

Yamauchi — T trente-trois votes !?

Cela confirma qu’il n’avait pas obtenu de votes positifs de la part de la classe A. L’avant-dernier était Sudou avec 21 voix. Et juste derrière lui se trouvait Ike avec 20.

Il était clair que ses amis étaient aussi un peu justes.

Yamauchi — Non ! Pourquoi ? Pourquoi dois-je être expulsé ?

Chabashira s’approcha de Yamauchi et mit son bras sur son épaule, mais il la secoua.

  1. …Haruki…

En tant qu’amis, Ike et Sudô ne pouvaient que regarder ailleurs. Ils espéraient que, d’une manière ou d’une autre, Yamauchi allait s’en sortir. Mais maintenant que les résultats avaient été publiés, ils réalisèrent probablement la triste vérité : si Yamauchi n’avait pas été placé en dernier, que leur serait-il arrivé ?

Yamauchi — Pourquoi, pourquoi, pourquoi ! Pourquoi moi ! C’est un examen tellement stupide ! C’est une blague totale !

Mme. Chabashira — Bien que tu sois libre de penser ce que tu veux, la décision a déjà été prise, Yamauchi.

Yamauchi — MAIS TAISEZ-VOUS !!!

Yamauchi criait de tout son être. Il hurlait, incapable d’accepter la réalité de sa situation.

Yamauchi —  Mais oui. Sakayanagi. Allez demander à Sakayanagi !!!! Elle a dit que la classe A allait utiliser leurs votes positifs pouf moi ! Elle n’a pas tenu sa promesse ! Est-ce qu’elle va juste être autorisée à s’en tirer comme ça !?

Mme. Chabashira — As-tu quelque chose qui prouve clairement qu’elle a fait une telle promesse ?

Yamauchi — Elle a promis ! Au karaoké ! Je l’ai entendue !!!

Mme. Chabashira — Bien que je veuille te croire, les mots seuls ne suffisent pas à prouver quoi que ce soit.

Yamauchi — Oh mon Dieu, pourquoi est-ce que ça arrive… !?

Mme. Chabashira — Il est temps de quitter la classe, Yamauchi.

Malgré ses instructions, Yamauchi ne bougea pas d’un pouce.

Kôenji — Sors d’ici rapidement. Ton existence ici a déjà été effacée.

Yamauchi — Je ne l’ai pas encore accepté !

Kôenji — Alors tu prévois donc de te comporter tel un déchet, pitoyable et laid, jusqu’à la fin ?

Après les provocations persistantes de Kôenji, Yamauchi craqua finalement.

Yamauchi — Grahhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!

Il  prit la chaise sur son bureau et se précipita sur Kôenji, en la soulevant en l’air de sorte à viser la tête de Kôenji. Si l’attaque l’avait touché directement, les blessures qui en auraient résulté auraient été critiques. Cependant, Kôenji n’était pas un amateur : il saisit avec désinvolture le pied de la chaise alors qu’elle basculait vers lui et arracha de force la chaise des mains de Yamauchi.

Kôenji — Tu voulais me tuer ? Ne te plains donc pas si je te retourne la faveur !!

Le visage de Yamauchi se raidit immédiatement.

Mme. Chabashira — Ça suffit.

Chabashira intervint, ayant senti le danger derrière les mots de Kôenji. Suivant ses instructions, Kôenji lâcha rapidement  la chaise.

Mme. Chabashira — N’en fais pas plus, Yamauchi. Pour ton propre bien.

De partout dans la salle, Yamauchi avait remarqué les regards déchirants de ses, désormais anciens, camarades de classe. Leurs regards remplis de pitié.

Et en lui, quelque chose s’est brisé.

Yamauchi — U-uwaaaahhhhh !

S’effondrant sur place, il leva la voix et se mis à brailler.

Mme. Chabashira — Il est temps de partir.

En entendant les mots de Chabashira pour la deuxième fois, Yamauchi perdit toute volonté de résister.

3

Une personne avait quitté notre la classe.

C’était la même salle de classe, néanmoins elle était nettement différente. L’atmosphère était lourde et tout le monde était déprimé. Peu importe qui était expulsé, cela se serait terminé ainsi dans tous les cas.

Malgré tout, étant donné que quelqu’un devait disparaître, il est tout à fait naturel que la décision ait été prise après avoir pesé le pour et le contre. Pour assurer la réussite future de la classe dans son ensemble, qui était nécessaire ? Qui était inutile ? Il fallait répondre à ces questions.

Une personne se leva finalement de son siège et quitta la salle.  Tous les autres suivirent en silence.

Nous allions tous nous retrouver lundi. Oui, à l’exception de Yamauchi.

Horikita — Il est plus fou que je ne le pensais.

Le « il » auquel Horikita faisait référence n’était, bien sûr, nul autre que Hirata. Il

Etait assis immobile à son bureau, comme s’il était étourdi. Il était comme ça depuis que Yamauchi avait quitté la salle de classe.

Wang — Hirata- kun… Uhm…

Mii-chan l’appela timidement, inquiète pour son bien-être. Cependant, Hirata bougea à peine son regard pour la regarder et ne dit pas un mot.

Que pensait Hirata de tout ça ?  Lui seul connaissait la réponse à cette question. En tout cas, il n’avait pas d’autre choix que de continuer à avancer. Les élèves qui ne pouvaient pas supporter de voir Hirata dans un tel état partirent lentement et rentrèrent chez eux.

Sudou et Ike quittèrent également la salle de classe en silence.

Yukimura : Rentrons chacun dans notre coin, pour aujourd’hui 🙁

Tous les membres du groupe firent comme Haruka proposait.

Ainsi, mon sac à la main, je m’excusai et me dirigeais vers la porte.

En sortant, je m’arrêtai un moment devant Kôenji car il était encore dans la classe.

Kôenji — Qu’est-ce qu’il y a, petit Ayanokôji ?

Moi — Je ne pensais pas que tu agirais un jour pour le bien de la classe.

Kôenji — Bien sûr. J’étais prêt à coopérer avec Horikita afin d’éviter l’expulsion !!

Moi — Ce n’est pas de ça que je parle. En voyant comment tu as provoqué Yamauchi, on dirait que tu as essayé de faire en sorte qu’il ne déteste que toi en partant.

Il était évident que Yamauchi allait nous en vouloir. Cependant, avant même la publication des résultats, Kôenji provoqua continuellement Yamauchi plus que quiconque dans la classe, centralisant la haine de Yamauchi uniquement sur lui. Kôenji avait personnellement traité avec Yamauchi une fois qu’il avait perdu tout sens de la raison après que son expulsion ait été confirmée.

Même si, du point de vue du reste de la classe, les actions de Kôenji pouvaient être perçues comme du harcèlement pur jus.

Kôenji — Ha oui ? Je voulais juste voir son affreuse silhouette disparaître du secteur.

Moi — Vraiment ? Bah, je laisse tomber alors !

Dès que je sortis de la classe, Horikita me suivit rapidement et m’attrapa par le bras.

Horikita — Ayanokôji-kun. Tu… Combien de ces choses as-tu anticipé à l’avance ?

Lorsque Sakayanagi avait proposé une trêve temporaire, j’étais un peu plus de 90% sûr d’être en sécurité. Il était évident que, pour elle, me battre par une attaque surprise n’avait aucun sens. Si elle avait menti sur la trêve pour me forcer à quitter l’école, elle n’en aurait pas été heureuse.

Mais en même temps, elle avait manipulé Yamauchi et avait essayé de me faire expulser. En d’autres termes, elle avait clairement violé notre trêve. C’est-à-dire que ses actions étaient contradictoires. Mais pour compenser, elle devait faire tout son possible pour invalider les votes négatifs que je pouvais obtenir à cause de Yamauchi. Donc les votes positifs venaient de la classe A.  Ainsi, même si je m’étais retrouvé avec vingt à trente votes négatifs de la classe C, j’aurais fini par avoir un solde de vote positif. Ma sécurité était garantie.

Mais pourquoi se donner tant de mal ? Elle l’avait probablement fait pour faire expulser Yamauchi Haruki. En le faisant passer pour un scélérat, elle avait réussi à faire baisser son estime dans la classe C. Enfin c’était une supposition, je ne pouvais pas écarter l’éventualité que Sakayanagi ait vraiment essayé de me faire tomber.

J’ai donc été l’instigateur d’Horikita, l’utilisant comme un moyen de ruiner Yamauchi. De plus, en laissant la classe découvrir que Yamauchi visait quelqu’un d’inoffensif comme moi, je pouvais obtenir des votes positifs supplémentaires grâce à la sympathie ou à la protection. Même si, clairement, ça ne m’aurait normalement pas fait finir à la dernière place. 

Moi — Je ne l’ai pas dit avant ? Je n’ai pas participé explicitement à cet examen.

Horikita — …Mais…

Moi — Je rentre à la maison.

Horikita — Ayanokôji-kun !!

Comme si ses pieds étaient collés au sol, Horikita cria après moi alors que je m’éloignais.

Horikita — C’était toi, n’est-ce pas… C’est toi qui as parlé à mon frère du lien entre Sakayanagi-san et Yamauchi-kun, n’est-ce pas ?

J’avais simplement continué à marcher sans lui donner de réponse et je descendis l’escalier.

Au premier étage, je m’approchai du tableau d’affichage. Une note était affichée, indiquant les résultats de l’examen pour chacune des classes.

Résultats des votes de classe. Expulsions

Classe A : Totsuka Yahiko

Classe B : Aucune

Classe C : Yamauchi Haruki

Classe D : Manabe Shiho

Le nombre de points de classe ne sera pas affecté par ces résultats.

Moi — Yahiko, hein… ? Je suppose qu’elle bluffait quand elle disait qu’elle allait expulser Katsuragi, après tout.

Outre les personnes expulsées, les noms de celles qui ont obtenu le plus de votes positifs étaient énumérés. Dans la classe A, il s’agissait de Sakayanagi, dans la classe B d’Ichinose, et dans la classe D, de Kaneda. Kaneda avait obtenu le moins de voix, 27, alors qu’Ichinose avait obtenu un total étonnant de 98 voix. Outre la classe A, il était évident qu’Ichinose était une élève plus qu’appréciée parmi toute la promotion. 

Derrière moi, un autre élève était apparu, lui aussi pour vérifier les résultats.

C’était Katsuragi, et presque au même moment, Ryuuen arriva aussi.

Ryuuen — Donc tu n’as pas été expulsé, Katsuragi.

Katsuragi — …Je pourrais te dire la même chose. De tous, je pensais que tu serais le seul à partir.

Ryuuen — Kuku. Il semble que la Faucheuse ait eu pitié de moi.

Katsuragi — La Faucheuse, c’est ça ?

Ryuuen — Ne te préoccupe pas de ça, de toute façon ça ne te regarde que de loin.

En souriant, Ryuuen partit voir les résultats.

Ryuuen — Bien qu’il semble que la petite Sakayanagi ait aussi fait quelque chose d’intéressant, n’est-ce pas ? Vu qu’elle est allée abattre ton seul soutien.

Alors que Ryuuen s’exprimait joyeusement, l’expression de Katsuragi se transforma en une expression de remords.

Ryuuen — Tu as complètement perdu ta combativité, n’est-ce pas ?

Katsuragi — Je n’ai rien à gagner en agissant plus que ce que j’ai déjà fait. Je pense.

Ryuuen — Tu comptes donc être le chien obéissant de Sakayanagi jusqu’à la remise des diplômes ? Quelle blague !

Katsuragi —  ……

Il y eut un moment de silence. Cependant, il y avait une expression horrible sur le visage de Katsuragi. En effet, Yahiko, qui avait suivi Katsuragi depuis le début, avait été expulsé. Dans le même temps, Katsuragi avait perdu son statut de personne que les gens étaient prêts à suivre.

Ryuuen — Hoh ? Alors tu peux faire une tête comme ça aussi, Katsuragi ?

Après avoir vu l’expression de Katsuragi, Ryuuen avait peut-être eu la même impression que moi.

Ryuuen — Remarque, c’est très bien. Tel que tu es maintenant, tu pourrais encore plus facilement la lui faire à l’envers, en fait !

Katsuragi — Arrête un peu ! En mettant ça de côté, qu’est-ce qu’une crapule comme toi compte faire maintenant ? Ton avenir dans cette école a été sauvé par la Faucheuse. Prévois-tu de défier Sakayanagi, Ichinose et Horikita une fois de plus ?

Ryuuen — Hmm. Ce n’est pas mon objectif.

Ryuuen répondit froidement, sans perdre une seconde.

Ryuuen — Le contrat que j’ai conclu avec toi et le reste de la classe A est toujours valable. Pour dire les choses simplement, j’ai l’intention de m’asseoir et de vous presser comme des citrons pendant que je m’amuse tranquillement. J’ai juste pensé que je te rencontrerais ici. Une façon de baiser les pieds de mon bienfaiteur !! Kuku.

Apparemment, c’était la raison pour laquelle Ryuuen était venu. Après tout, du point de vue de Ryuuen, l’expulsion de Katsuragi aurait également entraîné l’annulation du contrat.

Sur ce, Katsuragi partit le premier et rentra chez lui, laissant derrière lui Ryuuen et moi.

Ryuuen — Allez, fais-moi une faveur et viens !

Sans refuser, je laissais Ryuuen ouvrir la voie alors que nous nous dirigions vers l’arrière du bâtiment de l’école.

Ryuuen — Depuis quand es-tu une si bonne personne, Ayanokôji ?

Moi — Je n’ai rien fait, mais il semble que vous tu ne vas pas me croire.

Ryuuen devait déjà être bien conscient de ce que j’avais fait.

Moi — Ce n’est pas tant que j’ai fait quelque chose, c’est plutôt que les gens qui se soucient de toi l’ont fait. Ce sont eux qui ont tout fait.

Je regardai le ciel en me remémorant les événements qui avaient eu lieu quelques jours auparavant.

4

L’absence d’expulsion de la classe B. Le fait que Ryuuen était encore là. J’étais impliqué dans ces deux histoires, en coulisses.

C’était le jour où j’avais rencontré Hiyori à la bibliothèque et invité Ichinose dans ma chambre.

Cette nuit-là, juste après 22 heures, le son de la sonnette retentit dans toute ma chambre. Je n’avais pas beaucoup d’amis qui venaient dans ma chambre pour me rendre visite. Je m’étais donc demandé si c’était Horikita, Kushida, ou peut-être même quelqu’un du groupe Ayanokôji, mais dans la plupart des cas, ils m’auraient prévenu de leur passage par SMS ou autre. Cette fois, cependant, je n’avais pas été informé de quoi que ce soit. C’est-à-dire qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre. Dans ce cas, qui diable était venu me rendre visite ?

Moi — … Eh bien, c’est une première.

En vérifiant l’interphone depuis les profondeurs de ma chambre, j’aperçus un duo inattendu s’afficher à l’écran. Ils semblaient avoir froid en attendant que j’ouvre la porte.

Moi — Eh bien… je suppose que le couvre-feu est à sens unique.

En théorie était interdit pour un garçon d’entrer dans la chambre d’une fille après 20h. En pratique, il suffisait juste ne pas se faire prendre. Et même dans ce dernier cas, la sentence n’était pas si grave tant que c’était très occasionnel.  Mais il n’y avait pas de règle empêchant une fille de venir nous rendre visite à la place.

Moi — Oui ?

Après avoir décidé de leur répondre, je communiquai via l’interphone. Bien que je n’aie pas été très accueillant dans la façon dont j’ai formulé mes mots.

—…j’aimerais parler si tu as un moment.

Des deux, le garçon rompit le silence. Il se pencha en avant et regarda la caméra. Un gros plan de sa pupille apparut sur l’écran. Il ne semblait pas vouloir avoir cette conversation par l’interphone.

  1. Juste un moment.

Je m’approchai de l’entrée et déverrouillai la porte, qui s’était alors brusquement ouverte. Le garçon, Ishizaki, de la classe D, entra immédiatement. La force avec laquelle la porte s’était ouverte aurait pu blesser quelqu’un.

Moi — Bienvenue. Tu devrais te dépêcher et entrer aussi. Il fait froid dehors. »

Ibuki — Pourquoi je devrais ?…

La camarade de classe d’Ishizaki, Ibuki, exprima son mécontentement.

Ishizaki — Allez Ibuki, viens !

Ibuki — Ugh.

Cédant à l’insistance d’Ishizaki, elle traversa l’entrée. L’air froid commençait à venir, alors je m’empressai de fermer la porte derrière elle et de les inviter à entrer plus loin dans la pièce.

Moi — Alors, que voulez-vous de moi, si tard dans la nuit comme ça ?

À ma question, Ishizaki colla immédiatement ses mains et baissa la tête.

Ishizaki — S’il te plaît, Ayanokôji ! Dis-nous comment empêcher Ryuuen-san de se faire expulser !

Moi —…Quoi ?

Ces deux-là avaient débarqué si tard dans la nuit, sans y avoir été invités, pour demander une faveur aussi ridicule.

Moi — Est-ce que je t’ai mal entendu ? Tu peux répéter ?

Ishizaki — Je t’ai demandé de nous dire comment empêcher Ryuuen-san de se faire expulser !

 Il ne semblait pas que je l’avais mal entendu.

Ibuki — Laisse tomber, Ishizaki. Il n’y a aucune chance qu’Ayanokôji coopère avec toi.

Apparemment, Ibuki et Ishizaki n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Il ne

semblait pas qu’elle soit venue me demander de l’aide.

Ishizaki — C’est… c’est probablement vrai, c’est juste que… je ne peux pas penser à quelqu’un d’autre que Ayanokôji qui pourrait faire quelque chose.

Ibuki — Ce n’est pas comme si je m’en souciais. Oh, au fait, je suis seulement ici parce qu’Ishizaki m’a forcée à venir avec lui. Il n’arrêtait pas de m’appeler…

Avec un soupir, elle me montra avec exaspération l’écran de son téléphone. Il y avait eu plus de cinquante appels manqués d’Ishizaki.

Ishizaki — Comment pourrais-je aller lui demander tout seul !? C’est notre ennemi !

Ibuki — Et ça change quoi que je sois là au juste ? Quel abruti.

Ishizaki — Ta gueule…

Ishizaki et Ibuki se chamaillèrent.

Moi — Eh bien, ce n’est donc pas Ryuuen qui est derrière votre venue.

Ou alors il fallait qu’ils débutent tout de suite une carrière d’acteur !

Ishizaki — Pas possible. Ryuuen-san… ne nous demanderait pas un truc de ce genre. Tu le sais mieux que personne je pense.

Moi — Je suppose.

Ryuuen se fichait déjà de tout en faisant croire qu’il avait été vaincu par Ishizaki. En fait, il semble qu’il était déjà tout à fait résolu à quitter l’école. De plus, même s’il ne voulait pas être expulsé, il ne m’aurait jamais contacté pour obtenir de l’aide. Il n’y avait pas moyen qu’il fasse quelque chose d’aussi « honteux ».

Ibuki — T’es sûr de ne pas vouloir que Ryuuen disparaisse ? Il nous en a tellement fait voir de toutes les couleurs.

Ibuki reprit la parole, interrogeant Ishizaki.

Ishizaki —…Eh bien… beaucoup de choses se sont passées… Mais, c’est différent maintenant.

Ibuki — C’est-à-dire ?

Ishizaki — Hein ?

Ibuki — Je te demande ce que t’entendais par « c’est différent maintenant ».

Ishizaki — J’ai compris que Ryuuen-san était important pour l’avenir de la classe D.

Ibuki — Je ne comprends pas. Tu as oublié tout ce qu’on a dû subir à cause de lui ?

Ces deux-là étaient vraiment venus jusqu’ici sans être du tout sur la même longueur d’onde.

Ou, pour être plus précis, c’était comme s’ils étaient tout simplement incapables de communiquer entre eux.

Moi — Tout d’abord, si vous voulez vous disputer, faites-le plus tard.

À mes mots, ils cessèrent de se regarder.

Ibuki — Ugh. Je veux retourner dans ma chambre.

Cependant, ils n’avaient pas l’air calmés. En particulier, Ibuki qui avait toujours une expression sévère sur le visage.

Ishizaki — Ne dis pas ça. Tu dois m’aider à persuader Ayanokôji aussi.

Ibuki — Je ne veux pas.

Moi — Si vous voulez vous disputer, allez le faire ailleurs.

Comme il n’y avait aucun signe de progrès dans la conversation, je décidai d’essayer de poser moi-même une question.

Moi — Ryuuen n’est pas très populaire, même en classe C. C’est juste le point de vue d’un outsider, mais je ne me trompe pas vraiment, n’est-ce pas ?

Ishizaki — Eh bien, euh… Je suppose que certaines personnes le détestent, peut-être…

Ibuki — Que veux-tu dire par « certaines personnes » ? Presque tout le monde le déteste. Il est inutile de mentir à ce sujet.

Ishizaki — Ferme-la ! Ce que je dis est vrai !

Ibuki — Ugh, tu es si bruyant et ennuyeux. Au fait, tu craches partout pendant que tu parles, alors arrête de crier.

Moi — Je pensais vous avoir dit de garder vos querelles pour après.

S’ils continuaient à faire autant de bruit dans une si petite pièce, les camarades des chambres voisines allaient finir par entendre.

Je repris la parole, cette fois avec un pincement au cœur, et les deux semblèrent se calmer un peu. Avaient-ils réalisé qu’ils s’imposaient à moi alors qu’ils n’avaient même pas été invités ? Grâce à cela, nous avons enfin pu poursuivre la conversation.

Moi — Il serait difficile d’empêcher l’expulsion de Ryuuen.

Je me décidai enfin à LE dire. J’avais le sentiment que mes intentions allaient être mieux perçues ainsi.

Ibuki — Je suppose que c’est vrai.

Ayant compris où je voulais en venir, Ibuki acquiesça. Cependant, Ishizaki ne semblait pas vouloir l’accepter si facilement.

Ishizaki — Tu ne peux pas faire quelque chose, n’importe quoi !?

Au moins, ses motivations étaient sincères. Il n’y avait aucun doute sur sa

volonté de sauver Ryuuen.

Moi — Vous voulez vraiment empêcher Ryuuen de partir, n’est-ce pas ?

Ishizaki —…Ouais.

À part moi, Ibuki et quelques autres, la plupart des élèves pensait qu’Ishizaki détestait Ryuuen. Bien entendu, ce n’était qu’une conséquence de l’incident entre Ryuuen et moi. Malgré tout, il était vrai qu’Ishizaki avait été tyrannisé par Ryuuen à de nombreuses reprises jusqu’à ce jour. En repensant à tout ça, cela paraissait fou qu’il vienne me supplier de le sauver. Il avait dû s’attacher à Ryuuen au cours de cette année.

Cependant, personne ne se serait torturé l’esprit si cet examen était quelque chose qui pouvait être surmonté par les seules émotions. Ishizaki semblait avoir besoin d’une explication simple pour savoir pourquoi il était si difficile de sauver son ami.

Moi — Il y a deux raisons principales pour lesquelles je pense que le sauver est déraisonnable. Tout d’abord, cet examen provisoire sera décidé par le nombre de votes négatifs utilisés dans votre propre classe. Si toi, Ibuki et deux ou trois autres personnes ne votez pas contre Ryuuen et que vous lui faites plutôt un vote positif, il est fort probable qu’il obtienne plus de trente votes négatifs. Ensuite, personne d’autre ne veut être expulsé.

Ishizaki — Mais, je veux dire, il n’y a pas beaucoup de gens qui pensent que nous pouvons gagner et avancer sans sa force, hein.

Il est vrai qu’il y avait probablement au moins quelques élèves de la classe D

Qui reconnaissaient les capacités de Ryuuen. Cependant, en soi, cette raison n’était pas suffisante pour justifier la possibilité de se faire expulser soi-même.

Ibuki — Personne ne veut expulser quelqu’un. Cibler Ryuuen, la personne la plus impopulaire de la classe, causerait le moins de culpabilité.

C’était comme Ibuki l’avait stipulé.

Ishizaki — Même si tu ne peux pas sortir de la classe D, tu voudrais quand même obtenir ton diplôme en toute sécurité, n’est-ce pas ? Ce n’est pas comme si quelqu’un voulait être étiqueté « viré de son lycée ».

Il y avait de fortes chances que ce type de discussion ait déjà eu lieu dans leur

classe, ce qui était écrit sur le visage d’Ishizaki.

Moi — Si tu es traité comme le leader qui a mené une révolte contre Ryuuen, tu en es sûrement conscient non ?

Ishizaki fit un signe de tête. Après tout, il avait probablement soutenu publiquement l’expulsion de Ryuuen en raison de la position dans laquelle il s’était retrouvé.

Ishizaki — Je pense qu’à part Ibuki, Albert et Shiina, tout le monde est favorable à l’expulsion de Ryuuen-san.

Ibuki — Alors c’est échec et mat, peu importe comment on le regarde ?

Moi —  Ouais, c’est échec et mat.

Je répondis à la déclaration d’Ibuki par une simple affirmation.

Ishizaki — C’est pourquoi je suis venu ici en premier lieu. C’est toi qui as battu Ryuuen- san, alors…

Moi — Vous voulez savoir s’il y a un moyen d’arrêter l’expulsion. Avant d’en arriver là, je voudrais vous demander quelque chose.

Ishizaki — Quoi… ?

Moi — Sauvegarder Ryuuen signifie qu’une autre personne de votre classe devra être expulsée à la place. Vous deux, vous avez bien conscience de ça aussi, pas vrai ?

C’était un aspect essentiel de l’examen. Je n’avais pas d’autre choix que d’entendre sa réponse.

Ishizaki — C’est… C’est vrai, mais…

Moi — Si vous comprenez vraiment, avez-vous quelqu’un d’autre en tête pour prendre la place de Ryuuen ?

Ishizaki — N-non, pas du tout. Je ne pense pas vouloir me débarrasser de quelqu’un.

Moi — Alors on dirait qu’il y a un problème. Cet examen est conçu pour s’assurer que quelqu’un est bien expulsé.

Ce n’était pas un examen où l’on pouvait parler sans réfléchir de vouloir sauver quelqu’un.

Ibuki — C’est bien ce que dit Ayanokôji, n’est-ce pas ? Si tu veux vraiment sauver Ryuuen, pourquoi ne pas prendre d’initiative et te proposer toi-même ? Si tu demandes à tout le monde de voter pour toi à la place, peut-être qu’ils accepteront !

Son idée froide revenait à abandonner Ishizaki, mais, d’un point de vue réaliste, c’était probablement la meilleure option dont ce dernier disposait.

Ryuuen avait accumulé beaucoup de haine de la part de ses camarades de classe. Même s’il était assez doué pour imaginer des plans téméraires et intelligents qu’un individu ordinaire ne pouvait réaliser, le fait que la classe est tombée en D sous sa direction rendait sa marginalisation inévitable.

Ishizaki — Il n’y a…vraiment aucun moyen d’empêcher l’expulsion de quelqu’un ?

Moi — Tout le monde a essayé d’y réfléchir hein. Mais on a tous compris qu’il n’y avait pas d’autre moyen.

Ibuki — …Il a raison.

Ibuki poussa un court soupir de découragement. Plutôt que de prendre la peine de me demander de l’aide, Ibuki avait compris dès le début que ce n’était pas raisonnable.

Ibuki — Comme je l’ai déjà dit, c’est une perte de temps totale. Nous ne pouvons pas changer le destin de Ryuuen.

Ishizaki — Merde… !

Consumé par la frustration, Ishizaki frappa le mur à côté de lui.

Moi — Je pense que Ryuuen avait prévu de passer les trois prochaines années sans rien faire. Mais ce n’est pas vraiment ça qui dicte sa conduite au cours de cet examen. Oui, il sait certainement qu’il n’a pas d’autres options. C’est pourquoi il a décidé de s’asseoir tranquillement et d’attendre la fin de l’examen sans rien dire, n’est-ce pas ?

Ishizaki ne semblait pas non plus penser que Ryuuen le faisait comme un noble acte de sacrifice personnel. Ryuuen n’avait tout simplement pas pris la peine de résister à ce qui lui arrivait.

Moi — Il faut tenir compte des sentiments de Ryuuen. C’est votre devoir en tant que personnes qui le suit.

 Ishizaki — JE, JE…

Ishizaki serra les poings, rempli de regrets. Il voulait vraiment sauver Ryuuen, hein ?

Qu’importe le nombre d’ennemis quand tu as des amis qui te soutiennent. Lui-même aurait été le dernier à l’admettre, mais Ryuuen avait de bons amis. Une idée commença à prendre forme dans mon esprit. Cependant, il y avait quelques petites choses à faire avant que ce soit possible.

Moi — Si j’avais un conseil à vous donner…

Ishizaki — Qu’est-ce que c’est ? Peu importe ce que c’est, dis-le moi !

Ishizaki se précipita vers l’avant, tendant désespérément la main pour trouver une lueur d’espoir. Mais, malheureusement, ces espoirs n’allaient pas durer longtemps.

Moi — Dans l’état actuel des choses, les points privés de Ryuuen vont disparaître avec lui. S’il a reçu des points de la classe A pendant tout ce temps, il devrait avoir économisé au moins deux millions de points à l’heure actuelle.

Ishizaki —  Ouais, et je crois pas qu’il les ait utilisés.  

Moi — Il n’y a aucune garantie que ses points privés seront transférés ou distribués parmi ses camarades de classe. Donc vous devriez essayer de les récupérer et de les concentrer entre vous deux.  Ils vous seront précieux.

C’était une grosse somme. Les répartir entre tous les élèves allait leur faire perdre de leur valeur significative, mine de rien.  J’étais certain que c’était ce que  Ryuuen aurait dit.

Ishizaki —  Ce n’est pas ce que je voulais entendre de toi ! Je veux savoir comment sauver Ryuuen- san !

Ibuki — C’est bon, Ishizaki. Arrête !

Ibuki réprimanda Ishizaki d’un léger coup de pied avant de se tourner vers moi et continuer.

Ibuki — Je comprends, Ayanokôji. Mais je vais sûrement pas aller mendier auprès de Ryuuen.

Elle semblait catégorique. Au lieu d’aller à Ryuuen et de le supplier pour les points, elle préférait les abandonner complètement.

Moi — Ah oui ? Et toi, Ishizaki ?

Ishizaki —  Moi non plus !

Pour une fois ils tombaient d’accord. Même si c’était pour des raisons différentes.  Ils étaient résolus à l’idée que, si Ryuuen devait quitter l’école, alors ses points l’accompagneraient. Non, ce n’était pas dû à quelque chose d’aussi louable que cela.

Moi — C’est dommage, mais vous deux ne pouvez rien pour Ryuuen.

Ishizaki — !!

Ishizaki me fixa, son regard entre la colère et le regret. 

Moi —  Écoutez bien. La seule chose que vous pouvez faire maintenant est de récupérer les points privés de Ryuuen. Cet examen n’est pas si simple au point de sauver quelqu’un juste parce que vous en avez envie.

Ishizaki —  Ne me fais pas chier ! Tu veux que je prenne les points de Ryuuen-san comme ça, comme si de rien n’était ? Il n’y a pas moyen que je puisse faire ça !

Ishizaki leva le poing, mais Ibuki le retint immédiatement en tendant le bras.

Ibuki —  Je t’ai dit d’arrêter cette merde, Ishizaki. Ce type a peut-être l’air d’une personne ordinaire, mais ce n’est rien d’autre qu’un monstre.

Ishizaki —  Au moins j’aurais essayé !

Ibuki — Passe à autre chose.

Ibuki donna un petit coup sur la tête d’Ishizaki.

Ibuki — Nous sommes venus ici et avons demandé à Ayanokôji quelque chose de complètement déraisonnable. Il n’a rien dit de mal, et pourtant tu es là, à t’en prendre à lui pour ça. Tu peux arrêter de nous humilier encore plus ?

Ishizaki —  Urgh…

Ishizaki avait laissé le sang lui monter à la tête. Il semblait difficile pour lui de rester calme quand il s’agissait de Ryuuen pour certaines raisons.

Aucun des deux ne semblait avoir l’intention de faire quoi que ce soit. Des millions de points allaient tout simplement disparaître. S’ils pensaient à l’avenir de la classe D, ces points étaient quelque chose sur lesquels ils n’avaient absolument aucune raison de s’asseoir. Si Ibuki et Ishizaki, les amis les plus proches de Ryuuen, n’en voulaient pas, alors il n’y avait rien qui pouvait être fait à ce sujet.

Moi — Eh bien, j’aurais vraiment voulu voir un peu plus la force de votre détermination, mais…

Ishizaki — …Hein ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Moi — Ça n’a plus rien à voir avec vous deux. Après tout, vous n’êtes même pas prêts à récupérer les points privés de Ryuuen.

Sur ce, je mis fin à la conversation. Cependant, j’étais quelque peu convaincu que Ibuki allait finir par mettre la main dessus.

5

La veille de l’examen, à dix heures à peine, mon téléphone sonna.

Ibuki — C’est moi. J’ai obtenu tous les points privés de Ryuuen.

Ibuki prit la parole, en indiquant le strict minimum et rien d’autre.

Moi — Quel plaisir d’avoir trouvé mes coordonnées, hein ?

J’essayai de l’interroger, mais Ibuki resta complètement silencieuse. Je me souvins d’un seul coup que j’avais donné mon numéro à Shiina. Ibuki était donc probablement passé par elle.

Moi — Hmm… Enfin, tu as mis la main sur les points ?

Bien que je m’attendais à ce qu’elle fasse le premier pas, je finis par prendre les devants.

Moi — Vas chercher Ishizaki et venez me rejoindre dans ma chambre, tout de suite. C’est possible ?

Ibuki —  Eh ? Tout de suite ?

Moi — C’est un problème ? J’ai quelque chose à vous dire à propos des points sur lesquels vous avez mis la main.

Ibuki — Bah… Heu… Bon, je serai là.

Avec ces quelques mots de consentement, Ibuki était donc d’accord pour prévenir Ishizaki immédiatement et mit donc fin à l’appel.

Les deux se présentèrent à ma porte moins de dix minutes plus tard. Se disaient-ils que quelque chose d’important était sur le point de se produire ?

C’est ainsi qu’Ishizaki et Ibuki entrèrent dans ma chambre.

Moi — Combien de points Ryuuen avait-il ?

Ibuki — Un peu plus de cinq millions.

Moi — C’est beaucoup. S’il n’y en avait pas eu assez, j’aurais été obligé de faire des préparatifs de dernière minute pour compenser le reste.

Comme je m’y attendais, il n’y avait rien qui montrait que Ryuuen les avait utilisés pour lui-même.

Moi — De quoi tu parles ?

Ishizaki ne semblait pas avoir la moindre idée de ce que j’allais faire avec ça. De l’autre côté, Ibuki s’était déjà résolue, donc elle n’était pas autant à la traîne.

Ibuki —  Tu vas t’en servir pour faire quelque chose, hein ?

Moi — Tout à fait.

Ishizaki — Il va les utiliser…?

Moi — Ces points privés seront utilisés pour une seule et unique chose. Sauvegarder Ryuuen.

Ishizaki — N-non, attends une seconde. On n’a pas besoin de vingt millions de points pour ça ?

Peu importe comment Ishizaki voyait les choses, il n’y avait tout simplement pas assez de points.

Moi — Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’ai quelque chose à vous demander. Ishizaki. Es-tu prêt à en assumer la responsabilité ?

Ishizaki —  Où tu veux en venir, d’un coup ? La responsabilité de quoi…?

Moi — Sauver Ryuuen signifie que vous devez abandonner quelqu’un d’autre. Je vous l’ai déjà dit, n’est-ce pas ?

Ishizaki — …Ouais.

Bien qu’un peu troublé, Ishizaki acquiesça de la tête.

Moi — J’ai moi-même la réponse à cette question.

Ishizaki — Vraiment ? C’est cool ça !! Alors, qui ce serait ?

Ibuki — Qui…

Il semblait qu’Ishizaki n’ait pas décidé qui allait remplacer Ryuuen encore.

Moi — Si vous n’avez pas encore décidé, je peux décider pour vous si vous voulez. Il serait plus facile de se débarrasser de tout sentiment de culpabilité de cette façon. Bien sûr, si vous pensez que je me débarrasserais négligemment d’un membre important de votre classe, vous n’êtes pas du tout obligé de m’écouter.

Ishizaki — Ok. Mais laisse-moi réfléchir un peu avant.

Ibuki — Y a pas le temps là.

Ishizaki — Je vais faire vite.

S’il avait pu prendre une décision rapidement, il n’aurait pas été là, devant moi.

Ibuki — Attends. Je me fiche de savoir de qui on se débarrasse, mais quel est le plan ici ? Tu as dit que tu allais le sauver avec les points, mais il ne nous en manque pas quinze millions ?

Ibuki intervint, et son irritation était compréhensible. Quoi qu’il en soit, je devais bien dire que j’avais agis aussi selon mes intérêts.

Moi — Si vous voulez empêcher l’expulsion de Ryuuen, vous devez décider qui prendra la porte à sa place.

J’allais parler du plan en détail par la suite.

Moi — Par exemple, qui sont les fauteurs de troubles dans votre classe ?

Bien que je me sente mal qu’Ibuki soit mécontente de ne pas avoir obtenu de réponse de ma part, je fis le choix de faire avancer la conversation.

Ishizaki — Hmm…  Eh bien, je suppose qu’il y a moi et Komiya, et parmi les filles, il y a Nishino et Manabe.

Moi — Honnêtement Ishizaki, en ce qui concerne la sécurité de Ryuuen, je ne pense pas que ce soit une très bonne idée de se débarrasser de quelqu’un comme toi qui comprend l’importance de la présence de Ryuuen dans ta classe. S’il y a un autre examen similaire à celui-ci à l’avenir, il n’y a aucune garantie que Ryuuen puisse s’en tirer.

Ishizaki semblait être d’accord avec ma logique.

Ishizaki — Donc, ce sera Nishino ou Manabe…

Ishizaki donna deux noms, que je connaissais. Manabe, en particulier, était l’élève que je pensais faire expulser. De toute façon, c’est lui qui devait prendre la décision finale.

J’avais l’intention de respecter sa décision, quelle que soit la personne qu’il allait finalement choisir.

Moi — Qu’il s’agisse de l’un d’entre eux ou de quelqu’un d’autre, la décision vous appartient entièrement.

Ishizaki était également au courant de ce qui s’était passé entre Manabe et Kei lors de l’examen du bateau. Si cet incident avait la moindre influence sur ses considérations, selon toute probabilité, il allait choisir de se débarrasser de Manabe. Il cherchait des failles. Il cherchait une sorte de justification qui allait lui permettre de faire un choix.  Manabe avait mis la main sur Kei et, ce faisant, avait causé des problèmes à sa classe. Peu à peu, Ishizaki commencera à penser qu’expulser Manabe n’était pas trop déraisonnable.

De plus, pour Kei, même si elle avait déjà mis l’incident derrière elle, la présence de Manabe était toujours une source constante de malaise. Il suffisait de résoudre ce problème pour permettre à Kei de se détendre un peu plus. De plus, si Kei devait présumer que j’étais responsable de l’expulsion, sa confiance en moi augmenterait encore plus.

Cependant, Ibuki prit la parole de manière inattendue au moment où Ishizaki semblait finaliser sa décision.

Ibuki — Est-ce que je peux faire ce choix ?

Ishizaki — Hein ? Tu veux ?

Ibuki — Ouais. Il y a quelqu’un que je veux voir partir.

Moi — Qui donc ?

Je demandais sans attendre la réponse d’Ishizaki.

Ibuki — Manabe. C’est juste mon avis.

Moi — Et peut-on prendre une décision sur cette seule base ?

Ibuki — Je n’ai pas de problèmes avec elle. Je devrais ?

D’un seul regard sur les yeux d’Ibuki, je compris tout de suite qu’elle n’avait pas une once d’hésitation.

Moi — Si Ishizaki n’y voit aucune objection, alors c’est réglé. Cela dit, il n’y a aucune garantie que tout se passera bien. En empêchant l’expulsion de Ryuuen, la personne qui se retrouvera en deuxième position pour le nombre de votes négatifs sera expulsée. Maintenant, l’objectif général est de réduire la possibilité que cette personne finisse par être l’un de vous. Il ne reste plus beaucoup de temps.

Ishizaki — J’ai compris… Je vais dire aux gars qu’il y a eu des changements et qu’ils devraient utiliser un de leurs votes sur Manabe. Je pense qu’ils seront d’accord si je leur dis que le plan est de lui faire peur en lui donnant le deuxième plus gros nombre de votes négatifs.

Moi — Bonne idée.

Tant qu’ils prenaient l’expulsion de Ryuuen pour acquise, le reste de ses camarades de classe ne se souciaient pas particulièrement de savoir sur qui ils allaient utiliser les autres votes négatifs.

Ibuki — …Mais je pourrais avoir des problèmes.

Moi — Comment ça ?

Ibuki —  Manabe et ses amis vont probablement voter pour moi et Ryuuen. Ça n’a pas l’air très bon pour moi.

Ishizaki — A-Attends, sérieux ?

Ibuki — Tu devrais quand même savoir que Manabe et moi ne nous entendons pas très bien, n’est-ce pas ?

Ishizaki — C’est vrai, c’est vrai mais…

Ishizaki sembla déboussolé, secoué par son incapacité à s’adapter à la conversation.

Moi — On dirait que tu as déjà évalué tous les risques, Ibuki.

Bien sûr, si Manabe n’était pas expulsée, Ibuki n’aurait d’autre choix que de se résigner.

Moi — Ce serait une bonne idée de consulter Hiyori à ce sujet.

Ibuki — Shiina ?

Moi — Elle pourrait vous être d’une grande aide. Je pense que vous pourriez la contacter et lui dire que vous voulez concentrer les votes négatifs sur Manabe afin de sauver Ryuuen.

Ibuki — Ok.

D’un signe de tête, Ibuki envoya aussitôt un SMS à Hiyori.

Ibuki — Tu connais bien Shiina, Ayanokôji ? Parce qu’en y repensant, je ne pense pas qu’elle serait vraiment pour expulser Manabe.

Moi — Elle m’a juste dit ce qu’elle pensait de cet examen.

Si Hiyori était une pacifiste, elle allait forcément suivre le mouvement majoritaire de la classe.

Moi — Elle m’a dit qu’elle coopérerait tant que c’était pour le bien de la classe; comme elle pense que Ryuuen est important pour la classe D, je suis sûr qu’elle choisira de te donner un coup de main.

L’idée était d’exercer un contrôle, autant que possible, sur les votes de leurs camarades de classe, en réduisant les votes positifs et augmentant les votes négatifs pour Manabe. Inversement, nous augmenterions les votes positifs et diminuerions les votes négatifs pour Ibuki.

Ibuki — Alors, quel est ton plan ? Comment allons-nous le sauver avec seulement cinq millions de points ?

Ibuki me fixa, le regard m’ordonnant « d’accoucher ». Je sortis mon téléphone et envoyai SMS à une certaine personne. Il fut marqué comme lu presque instantanément, et la réponse ne se fit pas vraiment attendre : la personne me signalait qu’elle arrivait dans ma chambre.

Il lui restait encore deux heures pour se décider. Heureusement, cette personne a eu la patience d’attendre jusqu’à maintenant.

Ibuki — Qu’est-ce que tu prépares?

Moi — Quelqu’un va bientôt nous rendre visite. Cette personne est l’arme secrète qui empêchera l’expulsion de Ryuuen.

Ibuki — L’arme secrète… qui empêchera l’expulsion ?

Oui, en effet, personne n’allait croire de telles paroles comme ça. Quelques minutes plus tard, on sonna à ma porte, ce qui augmenta encore le scepticisme d’Ibuki et Ishizaki.

Ibuki — Cette personne peut-elle nous voir avec toi ?

Moi — Ne vous inquiétez pas. Tant que vous tenez bien votre langue.

Dans le bref temps dont nous disposions avant l’arrivée du troisième invité, je leur donnais des instructions sur ce qu’ils devaient dire exactement.

6

  1. Désolée de venir si tard.

Naturellement, Ibuki et Ishizaki furent très surpris de voir la personne. Ils n’avaient probablement jamais imaginé qu’ils la rencontreraient ici.

Ibuki — Sérieusement… ?

Ishizaki — Woah.

Moi — Plus on est de fous, plus on rit.

Ichinose — Hello la compagnie ~~

Pour une raison quelconque, Ishizaki était devenu un peu agité. La personne qui était venue dans ma chambre n’était autre qu’Ichinose Honami. Elle était assise avec Ibuki et Ishizaki de la classe D. Après avoir vu Ichinose, Ibuki semblait enfin comprendre la situation globale.

Ibuki — Nous avons des intérêts communs, n’est-ce pas Ichinose ? Ichinose — On dirait bien, Ibuki-san.

Ishizaki — Hein ? Que veux-tu dire, Ibuki ?

Ishizaki pencha la tête le côté, toujours incapable de recoller tous les morceaux.

Ibuki — Ishizaki. Personne n’est assez fou pour vouloir réellement sauver Ryuuen. Même si, hypothétiquement parlant, quelqu’un se présentait et disait qu’il aiderait, il n’y a aucun moyen de savoir s’il tiendrait vraiment parole ou non. Bien que… Il y a des exceptions.

Ishizaki — Et Ichinose et la classe B, c’est des exceptions genre ?

Finalement, tout se mit en place et Ishizaki sembla enfin comprendre ce qui se passait.

Ichinose — Oui. Je vais lancer un appel à tous les membres de la classe B et leur demander de mettre nos votes positifs externes sur Ryuuen-kun. En retour, Ibuki-san couvrira les points privés qui nous manquent.

C’était une stratégie unique et infaillible. Une telle chose ne se produisait pas deux fois. Une stratégie possible grâce à deux personnes qui semblaient les deux facettes d’une même pièce : Ichinose, qui eut l’idée de stocker les points privés de tous ses camarades dès le premier jour, et Ryuuen, qui cumulait les points privés personnellement en raison du contrat qu’il avait passé avec la classe A. C’était le jeu de pouvoir ultime qui ne pouvait être mis en œuvre qu’en raison des circonstances entourant ces deux personnes spécifiques.

Ichinose — Si vous vous associez, personne ne sera expulsé de la classe B et Ryuuen ne devra pas faire ses valises.

Peu importe la situation, Ryuuen ne pouvait récolter que 39 votes négatifs. En bref, si la classe B y mettait du sien, son nombre de votes négatifs chuterait drastiquement. Ibuki et Ichinose se regardèrent dans les yeux.Lorsque deux personnes n’ont pas l’habitude de s’entendre, il n’y a aucune raison pour qu’elles établissent une relation de confiance comme celle-ci. Cependant, en se faisant face, il était possible de se fier à son intuition pour déterminer si l’autre était digne de confiance. Enfin, dans une certaine mesure.

Au bout d’un moment, Ichinose détourna son regard d’Ibuki et me regarda.

Ichinose — Avec vingt millions de points, je sauverai un de mes camarades de classe… N’est- ce pas ?

Me laissant avec cette question, elle fixa de nouveau Ibuki.

Moi — Que vas-tu faire, Ichinose ? C’est à toi de décider.

Je pris la parole pour répondre à son incertitude. Elle avait le droit de choisir son destin, à savoir rejeter la proposition d’Ibuki pour devenir l’esclave sexuel de Nagumo.

Ichinose — J’ai pris ma décision. Tant qu’Ibuki-san et Ishizaki-kun sont d’accord, je suis prête à faire ce que je peux.

Moi — Ça te va vraiment ?

Ichinose — Oui. J’ai pu m’assurer de leur sincérité.

Ibuki — Tu es une idiote, n’est-ce pas Ichinose ?

Ichinose — Eh !? Ibuki-san !?

Ibuki — Même si ce qui se dit sur toi est vrai, je peux pas croire que tu vas jeter tous ces points cumulés comme ça.

Ichinose — Eh bien, je peux tout simplement économiser les points une fois de plus. On reprend les mêmes et on recommence ! D’ailleurs je ne sais pas si tu peux vraiment dire ça, Ibuki-san. Après tout tu pourrais aussi garder ces 5 millions de points pour toi, mais tu as décidé de tous les mettre sur Ryuuen-kun.

Ibuki détourna tranquillement le regard sans lui donner de réponse directe.

Ibuki — Toi et moi sommes différentes. De plus, notre stratégie est risquée puisque quelqu’un d’autre va y rester si ce n’est pas Ryuuen.  En fait, ce quelqu’un ça pourrait être moi.

Ichinose — Mais tu veux l’aider malgré tout, pas vrai ?

Ibuki — Ça… Ça m’énerve qu’il se casse comme ça alors que je ne l’ai pas remboursé. C’est tout.

Ibuki pouvait apporter le salut à Ichinose, tout en étant prête mentalement à peut-être en subir les conséquences. Et, d’un seul coup, Ibuki transféra la quantité prédéterminée de points privés à Ichinose.

Ibuki — Regarde si tu les as bien reçus.

Ichinose — Oui, je regarde.

Ichinose jeta immédiatement un coup d’œil à ses points.

Ichinose — Impeccable, c’est bien là.

Elle montra le numéro qui figurait sur l’écran de son téléphone, nous prouvant à tous qu’elle avait exactement vingt millions de points sur son compte.

Moi — Je serai témoin de cette négociation. Je vous ferai savoir à tous que j’ai également enregistré le contenu de cette conversation.

Par souci d’équité, je sortis mon téléphone portable.

Moi — Ibuki offre environ quatre millions de points. En retour, Ichinose et le reste de ses camarades de classe s’engagent à voter pour Ryuuen, pour un total de quarante voix. S’il y a une violation de cet accord…

Ichinose — Je n’aurais pas rempli ma part du contrat, alors je quitterai ce lycée sur-le-champ.

C’était juste une précaution. D’ailleurs, dans la pratique, l’école prenait également note de toute transaction comportant un grand nombre de points. Si Ichinose allait à l’encontre de sa parole, la transaction pourrait tout aussi bien être considérée comme nulle et non avenue.  Et puis, ils savaient qu’ils passaient un accord avec nulle autre qu’Ichinose Honami en personne. Ils avaient donc confiance. Telle était donc l’histoire qui avait eu lieu entre Ishizaki, Ibuki, Ichinose, et moi-même.

7

L’arrière du bâtiment de l’école était calme.

Moi — Tu m’as dit qu’il m’aurait été facile d’éviter l’exclusion si tu prenais les choses au sérieux. C’est parce que tu avais ce genre de plan en tête ?

Ryuuen — Bien sûr. Je savais que cette poulette d’Ichinose économisait ses points. Elle se pavane toujours le sourire aux lèvres. Elle n’a jamais semblé m’aimer beaucoup, mais je sentais quand même qu’il y avait de la place pour la négociation. Cela dit, j’étais certain qu’Ibuki n’avait ni l’esprit ni les compétences pour négocier avec Ichinose, donc je lui ai envoyé mes points en étant sûr qu’elle n’en ferait rien… Je ne pensais pas que tu allais t’en mêler !

Moi — Il se trouve qu’Ibuki et Ishizaki m’ont demandé de l’aide, alors je les ai utilisés pour ce que je pouvais. Après tout, en ce qui me concerne, ce n’était rien d’autre qu’une grande opportunité pour moi d’établir une relation de confiance avec Ichinose. Si je les avais fait venir directement chez toi, tu aurais vu clair dans le plan. Je ne peux pas imaginer que tu aurais donné les points à Ibuki sinon.

Ryuuen — T’as fait le bon choix en ne la mettant dans la confidence qu’au dernier moment.

Si je lui avais tout expliqué, Ibuki n’aurait pas été naturelle en demandant les points à Ryuuen. Ce dernier se serait méfié et aurait tout compris.

Ryuuen — C’est toi qui a ciblé Manabe ?

Considérant que Kei avait été la cible des brimades de Manabe, il était naturel pour lui d’arriver à cette conclusion.

Moi — Non, pour le coup c’était juste une coïncidence. Tu sais bien qu’elle était aussi en mauvais termes avec Ibuki, n’est-ce pas ?

Ryuuen — Je vois. Elle a donc pris cette grande décision, hein ? Manabe a fini par dégager de façon misérable.

Je pouvais vaguement imaginer sa réaction après avoir été nominée par le professeur.

Ryuuen — Alors j’ai été sauvé par Ishizaki et Ibuki, hein ? Quel cadeau ennuyeux ils m’ont fait.

Moi — Je suppose.

Je n’allais pas approfondir cette question. Mais si Ibuki et Ishizaki n’étaient pas venus dans ma chambre ce jour-là, j’aurais probablement parlé de mon plan avec Hiyori à la place. Ensuite, je lui aurais demandé de collecter les points privés de Ryuuen et j’aurais, ainsi, fait la même chose qu’avec Ibuki.

D’un côté j’avais fait tout ça pour qu’Ichinose m’en doive une. En même temps, je ne voulais pas que Ryuuen soit expulsé pour une raison que je n’arrivais pas à cerner. J’y avais pensé tout l’examen.

Moi — Que feras-tu s’il y a un autre examen comme celui-ci plus tard ?

Ryyuen — Kuku. Qui sait ?

Il n’avait pas dit « Rien ». C’était déjà ça.  Entre autres choses, Ryuuen s’était probablement senti un peu redevable envers Ishizaki et Ibuki. Allait-il donc repartir sur de bonnes bases et faire un come-back ? Cela promettait d’être intéressant mais, bien entendu, il était entièrement libre de décider si oui ou non cela allait se produire.

Mon téléphone se mit à sonner. Je jetai un coup d’œil pour constater qu’il s’agissait de nulle autre qu’Ichinose.

Ayant remarqué ce qui se passait, Ryuuen se retourna et rentra dans le bâtiment de l’école sans dire un mot de plus. Je répondis  à l’appel et j’ai parlé.

Moi — Alors, on dirait que tu as eu ce que tu voulais ?

Ichinose — Yes ! Kanzaki-kun s’est porté volontaire pour être celui qui concentrait tous les votes négatifs. Une fois cela fait, son expulsion a bien entendu été annoncée. De là, j’ai tout annulé en payant les vingt millions de points. Il y a eu quelques difficultés, mais tous les élèves de la classe B ont réussi à outrepasser l’examen en toute sécurité !

Moi — Ah oui ? Pourtant vous êtes un peu ruinés là.

Même si ce n’était que pour le moment, la classe B était désormais plus pauvre que la classe D. Ils allaient bientôt recevoir des points en avril, mais la vie quotidienne allait être assez difficile pour eux jusque-là.

En puis, pour le début de la 1ère, il pouvait être important de disposer de points privés. Mais il n’est pas nécessaire d’examiner cette question pour l’instant.

Ichinose — Nous avons perdu nos points privés, mais nous pouvons toujours les faire revenir. Mais, si nous avions perdu ne serait-ce qu’une seule personne, il n’y aurait eu aucun moyen de la récupérer.

Ichinose parla sans aucune hésitation. Il semblait que j’avais dit quelque chose d’inutile. Il était clair qu’elle avait décidé d’obtenir son diplôme avec chacun de ses précieux camarades de classe.

Ichinose — Mais Ryuuen-kun n’est peut-être pas satisfait de cela. Il semble que Manabe-san a fini par être expulsé à sa place.

Je décidai de ne pas mentionner que je venais de voir Ryuuen et ignora simplement ce qui était à son sujet.

Moi — Tu connaissais bien Manabe, Ichinose ?

Ichinose — Pas vraiment, on a dû parler qu’une ou deux fois. Mais ça fait toujours bizarre. Comme pour Totsuka-kun de la classe A ou Yamauchi- kun de classe C, qui ont également disparu…

Elle n’avait probablement pas encore réussi à se faire à la logique de cet examen.

Ichinose — Je me demande si l’école nous réserve un autre examen du genre.

Ichinose réfléchit avec inquiétude.

Moi — Peut-être.

Des gens dont nous n’avions pas l’habitude de voir le visage tous les jours, même sans leur parler, qui disparaissent soudainement.

Moi — Enfin, si ça arrivait, tu donnerais encore tout, pas vrai ?

Ichinose —  Et comment ! Je vais monter en classe A avec tous mes amis et obtenir mon diplôme.

Et dire que certains pensaient qu’elle était hypocrite. Elle venait brillamment de prouver à tous sa sincérité.  Que quoiqu’il arrive, Ichinose allait se battre jusqu’au bout pour protéger sa classe.

Ichinose —  …Merci beaucoup, Ayanokôji-kun. Si tu n’étais pas là, j’aurais été forcée de…

Moi — Sortir avec Nagumo ?

Ichinose —   Oui…

Ichinose répondit, me donnant raison.

Ichinose —  Je sais que c’est stupide de ma part, c’est juste que… Je me répétais sur tous les tons que ce n’était pas grand-chose à faire tant que je sauvais un camarade. Mais… une fois que j’ai eu une autre possibilité, j’ai été tellement soulagée. Du fond du cœur.

Elle semblait pousser un profond soupir de soulagement, car j’en entendais le bruit de l’autre côté du fil.

Ichinose —  Je l’aurais tellement regretté !!

Sur ce, Ichinose laissa échapper un rire.

Moi — Si ni le président du Conseil des élèves ni moi n’avions été là, qu’est-ce que tu aurais fait ?

Ichinose — Rhoo, t’es obligé de demander ça ?

Moi — Je suis curieux. Il est impossible que tu n’y aies pas pensé !

Ichinose — Bon… Alors j’avais deux options. La première, de partir moi-même.  

Comme je l’avais pensé, Ichinose avait aussi envisagé de se sacrifier.

Ichinose — Mais ce n’aurait sûrement pas été ce que je voulais. Après tout, si je suis là, c’est que j’ai envie d’aller jusqu’au bout.

Dans ce cas, cela signifiait que son autre plan aurait été son premier choix.

Ichinose — L’autre plan était de… de tirer au sort.

Moi — Je vois…

C’était un plan assez simple auquel n’importe qui aurait pu penser. Encore fallait-il que tout le monde finisse d’accord avec le résultat, à la fin.

Moi — Tous les élèves de la classe B auraient vraiment pu s’en tenir au hasard ?

Ichinose — Oui, nous en avions déjà discuté. Si nous n’avions pas trouvé de moyen d’éviter l’expulsion avant le jour du vote, nous aurions tiré trois noms au sort. Et nous aurions laissé les votes positifs libres, histoire de faire en sorte que ça se décide « tout seul ».

C’était la seule façon de faire de la manière la plus neutre possible. Mais si Ichinose avait été sélectionnée, les votes contre elle auraient probablement été annulés par des votes positifs. Mais tout le monde aurait probablement été d’accord avec ça de toute façon.

Moi — Ça n’aurait jamais marché dans les autres classes.

Les élèves les plus brillants n’auraient jamais été d’accord pour partir.

Ichinose — Ce n’est pas comme si quelqu’un voulait vraiment être expulsé, hein. Mais personne ne voulait voir nos amis disparaître non plus. Une fois que j’ai expliqué cela à tout le monde, ils ont accepté le plan.

La classe B en était arrivée à ce niveau uniquement parce qu’elle avait un leader d’exception comme Ichinose.

Moi — Je suis impressionné.

Bien que ça ne se voyait pas par téléphone, je baissai légèrement la tête en guise de respect.

En soi, son plan lui-même n’était pas particulièrement extraordinaire. Non, son idée était même banale au possible. Mais il était tout simplement impressionnant qu’elle ait créé un environnement où ce plan été propice, réalisable.

Ichinose — Aller, je vais devoir te laisser. Merci encore, Ayanokôji-kun !

Moi — J’étais juste l’intermédiaire. Si tu veux remercier quelqu’un, tu devrais remercier Ryuuen et ses amis.

8

Par la suite, je me rendis compte que j’avais reçu un message.

Moi —  Sakayanagi, hein ?

Je ne savais pas comment elle ava eu mes coordonnées. Mais je me disais : « pourquoi pas ? ».  J’avais pensé qu’elle viendrait voir les résultats sur le tableau d’affichage, mais… Son message me disait plutôt de me rendre au bâtiment spécial où elle m’attendait.

Même si j’avais vu le message en retard, je me disais que je pouvais certainement encore la croiser si j’y allais maintenant.

Une fois arrivé, je me rendis immédiatement à l’endroit où nous avions parlé la dernière fois.

Sakayanagi — Ah, tu es enfin là !   

Moi —  Vu que tu as trouvé mon mail, je suppose que tu as aussi mon numéro de téléphone non ?

Sakayanagi — Je n’ai pas appelé car, au pire, je ne t’en aurais pas voulu si tu n’avais pas pu venir.

Moi —   Qu’est-ce que tu me veux, alors ?

Sakayanagi — Hum. T’expliquer quelque chose.

En parlant, elle se pencha un peu en avant sur sa canne, réduisant la distance entre nous.

Sakayanagi — Mon plan était très brouillon, alors j’étais un peu inquiète. Mais on dirait que je m’en suis fait pour rien.

Bien sûr, Sakayanagi faisait référence à la façon dont elle avait manipulé Yamauchi pour qu’il concentre sur moi tous les votes négatifs.

Moi —  Quand tu m’avais parlé de retarder notre match, on va dire que je te faisais confiance à 90%. Les 10% restants, c’était quelques mesures préventives, au cas où.

Sakayanagi — Je me doute.  Mais tu es d’accord que je n’ai pas rompu notre accord, n’est-ce pas ?

Moi —  Tu n’as rien fait qui m’ait désavantagé. Tu n’as pas menti.

Bien que j’aie été forcé d’endurer au moins un certain degré de stress mental, en considérant le résultat, j’avais fini par obtenir un nombre écrasant de votes positifs. De ce point de vue, il n’y avait aucune raison pour moi de reprocher quoi que ce soit à Sakayanagi.

Sakayanagi — Merci beaucoup.

Sakayanagi inclina légèrement la tête pour montrer sa gratitude.

Sakayanagi — En théorie, Totsuka-kun aurait dû se retrouver avec un total de trente-huit votes négatifs mais n’en a finalement obtenu que trente-six. Tu as voté pour lui, non ?

Moi —  Je n’étais sûr de rien, mais quand tu as dit que tu voulais faire expulser Katsuragi, j’ai eu l’impression que c’était du bluff.

Je sentais plutôt qu’il y avait plus de chances qu’elle vise Yahiko, l’acolyte de Katsuragi. Même si mon vote n’avait rien changé, j’avais fini par voter pour lui en tout cas.

Sakayanagi — Comme c’est merveilleux. Comme je le pensais, tu es vraiment le meilleur. L’adversaire parfait !

Moi —  Et donc ? Tout ça c’était juste pour m’emmerder ? 

Sakayanagi — Eh bien… je mentirais si je disais que ce n’était pas le cas, mais il y a une raison pour laquelle j’ai dit que je voulais reporter notre match. J’en avais un peu parlé l’autre fois, mais cet examen est sans doute quelque chose qu’une certaine personne a préparé pour te faire expulser de l’école. En fait, cette personne m’a déjà envoyé un message me demandant d’aider à ton expulsion.

Moi — Un message ?

Sakayanagi —  Oui. C’est probablement la même personne qui a suspendu temporairement mon père de son poste. À l’origine, ils avaient mis en place l’examen provisoire avec des règles légèrement différentes. Les votes que les classes allaient utiliser les uns sur les autres allaient être des négatifs, et non des votes positifs, donc il n’y a pas de doute sur leur objectif. Cela aurait été un examen tout à fait déraisonnable, tu ne crois pas ?

Moi — Personne n’aurait pu survivre à une alliance interclasses.

Cela aurait été un examen déraisonnable où même Sakayanagi et Ichinose auraient été en danger si les autres classes avaient voulu les faire tomber.

Sakayanagi —  Exactement. Il semble que le personnel s’y soit opposé avec véhémence et ait donc réussi à changer cette partie. En outre, je n’aurais jamais coopéré de toute façon. Ça n’aurait pas du tout été drôle sinon. C’est pourquoi, afin d’assurer ta sécurité, j’ai décidé d’utiliser tous les votes d’éloge de la classe A sur toi. De cette façon, même si quelqu’un avait fait quelque chose en coulisses, il aurait été impossible de te faire partir.

Moi —  Alors, pourquoi avoir jeté ton dévolu sur Yamauchi ? Était-ce un hasard ?

Sakayanagi —  Tu ne te souviens pas ? Il m’est tombé dessus et m’a renversé pendant le camp d’entraînement, en plus en se montrant si grossier.

Oui, je crois que je me souvenais d’un truc de ce genre.

 Sakayanagi —   Et bien voilà ma vengeance.

Elle l’avait ciblé juste à cause de quelque chose d’aussi futile ? Pour Sakayanagi, cette seule raison aurait pu être plus que suffisante.

Sakayanagi —  Cependant, je n’ai fait que rajouter un peu d’huile sur le feu. Il aurait fini brûlé dans tous les cas parce qu’il était un fardeau pour sa classe.

Moi — Je suppose.

Même si Sakayanagi n’avait pas interféré avec l’examen, le résultat final aurait probablement été à peu près la même.

Sakayanagi —Ce sont les principales raisons pour lesquelles j’avais demandé le report de notre match. En même temps, j’aimerais bien voir mon père reprendre son poste pour que l’école puisse revenir à la normale, mais…

Soudain, dans le bâtiment spécial vide, une nouvelle personne arriva

—  Bonjour, bonjour.

Un homme seul, vêtu d’un costume, apparu devant nous.

—  C’est la première fois que je viens dans cette école. L’un d’entre vous sait-il où se trouve la zone réservée au personnel ?

Sakayanagi — Vous n’êtes pas au bon endroit. Cela dit, veuillez excuser mon manque de manières, mais puis-je savoir à qui ai-je l’honneur ?

M. Tsukishiro —  Je suis M. Tsukishiro. Je vais travailler en tant que directeur intérimaire de l’école pendant quelque temps.

Il nous fit un signe de la main poliment et nous fit un sourire en apparence très doux. Il avait probablement la quarantaine, à peu près l’âge du père de Sakayanagi.

Sakayanagi —  Fufu, c’est vrai ? Il semble que M. le directeur par intérim ait un sens de l’orientation assez médiocre, car arriver ici par hasard il faut le faire. Ou bien… avez-vous décidé de nous rendre une petite visite après nous avoir vus nous entretenir ici grâce à la caméra de sécurité, la dernière fois ? C’est l’endroit où Ayanokôji-kun et moi avions l’habitude de rencontrer secrètement, donc venir ici ne serait pas surprenant de votre part si vous avez toujours eu un œil sur nous.

Pendant qu’elle disait ça, je me souvenais de son regard très étrange qu’elle avait fait d’un coup à la caméra, la dernière fois que nous étions ici. Si quelqu’un nous avait vraiment observés la dernière fois, il aurait été facile de l’attirer en venant de nouveau ici. Non seulement Sakayanagi avait pensé à ce plan à l’avance, mais la personne en question semblait s’être montrée.

Le directeur par intérim sourit simplement, ignorant les allégations de Sakayanagi.

M. Tsukishiro —  Vous dites des choses très intéressantes. Mais je suppose que j’ai entendu dire que cette école est très amusante. Je me demande si tous les élèves ici sont comme vous ? Quoi qu’il en soit, je vous prie de m’excuser.

L’homme s’avança, comme s’il essayait de marcher entre nous deux.

Sakayanagi — Puisque vous cherchez la zone du personnel, je vous suggère de repartir par où vous êtes venu. Vous êtes dans le mauvais bâtiment.

Avec le même sourire, de façon totalement inattendue, Tsukishiro envoya valser la canne de Sakayangi alors qu’elle essayait de lui donner des directives. Naturellement, elle n’avait aucun moyen de réagir à quelque chose d’aussi inattendu, alors elle commença à chuter.

Très surpris, je lui tendis rapidement la main et attrapa Sakayanagi pour l’empêcher de tomber, mais je reçus immédiatement un coup de coude. Je n’avais pas vraiment pu le parer puisque j’avais une main occupée par Sakayanagi.

Je résistai à l’impact du mieux que je pouvais, étant obligé de la laisser tomber.  Il revint rapidement vers moi, me saisissant par le cou et me plaçant contre le mur avec une force ahurissante et surhumaine.

Tsukishiro —  Vous n’êtes pas aussi bon que le disent les rumeurs, Ayanokôji Kiyotaka-kun.

Il me pressait si fort contre la gorge que je ne pouvais pas faire un bruit. Il était difficile de s’attendre à une telle force en se basant sur son apparence extérieure. On avait l’impression qu’il serait difficile de se libérer de son emprise.

Sakayanagi —  …Vous avez fait quelque chose de tout à fait répréhensible, M. le directeur par intérim.

Tsukishiro —   Je sais qu’on t’a envoyé des instructions pour le faire expulser, Sakayanagi.

Sakayanagi —  Ce message provenait donc d’un de vos associés ? Comme les responsables de l’école ne sont pas en mesure de forcer explicitement une expulsion, il est compréhensible que vous en arriviez à compter sur quelqu’un comme moi.

Sakayanagi sourit en se levant lentement du sol.

Sakayanagi —  Merci de m’avoir aidé, Ayanokôji-kun.

Il aurait été impossible pour Sakayanagi d’éviter cela étant donné son état physique. Il y avait même une chance que cela ne se termine pas par une simple chute.

Sakayanagi —  Pensez-vous que votre comportement violent contre les élèves passera inaperçu, M. le directeur par intérim ?

M. Tsukishiro —  Je n’ai pas besoin de m’en inquiéter. Les caméras de surveillance dans cette zone ont été trafiquées pour montrer des images factices.

En d’autres termes, quoi qu’il arrive, il n’y aurait pas d’enregistrement.

M. Tsukishiro — Maintenant, Ayanokôji, j’ai un message de ton père. Il n’a plus envie de jouer à ce jeu enfantin et veut que tu rentres à la maison immédiatement. Sinon, il va passer à la vitesse supérieure.

Je ne pouvais pas dire un seul mot de toute façon. C’était vraiment quelque chose que « cet homme » ferait.

M. Tsukishiro — Tu ne vas donc rien faire ?

En réponse à mon silence complet et insensible, le directeur intérimaire se mit à marmonner alors qu’il s’ennuyait.

M. Tsukishiro — Pourquoi ne pas montrer un peu de résistance ? Montre-moi quelque chose qu’un enfant normal ne pourrait pas faire.

Son emprise sur ma gorge devint encore plus forte.

C’était un adversaire très bien entraîné et très compétent qu’un étudiant ordinaire ne pourrait certainement pas vaincre.

M. Tsukishiro — Il n’y a pas que des capacités d’observation, n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas me montrer ce dont tu es capable ?

Il me provoqua une fois de plus, mais je ne montrais toujours pas la moindre résistance. À la fin, Tsukishiro réalisa que je n’avais pas l’intention de me défendre et desserra son étau.

M. Tsukishiro — Je prends officiellement mes fonctions en avril. Je vous en prie, attendez-moi avec impatience.

Sur ce, l’homme sortit du bâtiment spécial.

Sakayanagi —  C’était un choix judicieux, Ayanokôji-kun.

Sakayanagi me félicita d’avoir enduré et de m’être retenu de me battre.

Moi —  Il est le directeur intérimaire. Si j’avais choisi de riposter, je ne sais pas comment il l’aurait utilisé contre moi.

Il a dit que les caméras de surveillance avaient été trafiquées pour montrer des images factices, mais il n’y avait aucune garantie qu’il n’avait pas d’enregistrement ou autre. Il aurait été délicat pour moi de m’être défendu et que, par exemple, son comportement violent soit supprimé de la vidéo.

Sakayanagi —  Rien de cassé, sinon ?

Moi —  Ne t’inquiéte pas. Je suis habitué à ce genre de choses. Plus important, Sakayanagi…

Sakayanagi —  Oui ?

Moi —  Faisons officiellement notre match lors du prochain examen.

Pendant que je parlais, les yeux de Sakayanagi semblaient s’élargir de surprise.

Sakayanagi —  Je ne m’attendais pas à ce que tu dises ça comme ça, d’un seul coup !

Moi —  Si cet homme est dans nos pattes à partir d’avril, je ne pense pas pouvoir me permettre de rivaliser avec toi pendant très longtemps. Je vais donc clairement relever le défi et, ensuite, je te proposerai d’en rester là à l’échelle personnelle.

Sakayanagi —  Ça me va. Je n’aurai pas besoin d’une deuxième ou d’une troisième fois. J’accepterai volontiers le privilège d’être ton adversaire.

L’examen final de 2nde allait bientôt commencer, et cela allait marquer la fin de la confrontation que Sakayanagi espérait.

9

Lundi.

Beaucoup d’élèves se demandèrent si Yamauchi allait se montrer.

Si les expulsions n’avaient pas été qu’un simple coup de bluff.

Mais non, tout ça n’était pas une blague.

Lundi, en arrivant, nous pouvions constater une table en moins dans la classe. Yamauchi semblait n’avoir jamais existé.  

Yamauchi avait disparu, emportant avec lui les sourires d’Hirata et de Kushida. 

Ni Sudou ni Ike n’avaient l’air particulièrement en forme non plus.

Mme. Chabashira —  Sans plus tarder, je vais maintenant annoncer le dernier examen spécial.

C’était donc dans cet état d’esprit que les élèves de la 2nde C se dirigeaient vers leur dernier examen de l’année.

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