CLASSROOM V10 : CHAPITRE 4


FRÈRE ET SŒUR

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Traduction : Colonel Raclette
Correction : Erionnos & Nova
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Nous étions le troisième matin après l’annonce de l’examen complémentaire.

Après demain, une personne allait quitter la classe.

Un courant d’air froid traversa mon corps lorsque j’ouvrais la porte donnant sur le couloir. Après être descendu au premier étage via l’ascenseur, je vis Sudou descendre les escaliers.

Moi — Tu prends les escaliers ?

Sudou — Ouais. Même si c’est juste pour un petit trajet,  je pensais faire un peu d’exercice.

Entre les activités de club et les études, Sudou donnait sûrement le meilleur de lui pour essayer de mener une vie de lycéen normal. Ainsi, nous nous dirigeâmes ensemble vers l’école.

Sudou — Je suis peut-être stupide et colérique, mais j’ai fait de gros progrès récemment. C’est pour ça que je veux absolument éviter l’expulsion.

Au lieu de s’adresser à moi, j’avais plutôt l’impression qu’il se parlait à lui-même.

 Moi — Serait-il faux de dire que tant que tu peux rester scolarisé ici, tu te moques de ne pas être apprécié ?

Sudou — Nan, c’est plutôt vrai même. Les grandes gueules survivront à cet examen.

 Moi — Exact.

Une fois être arrivé à l’école, je ressentis une étrange atmosphère de malaise après mon entrée dans la classe. Sudou, en revanche, se dirigea vers sa chaise comme si de rien n’était. L’ambiance avait changé. Je n’étais pas insensible à ce genre de chose non plus. Au moment où j’avais franchi la porte de la classe C, je remarquai une sensation complètement différente de d’habitude.

Certes, en apparence tout le monde agissait comme si les choses étaient normales. La salle était immergée dans les bavardages et les conversations amicales ordinaires. Mais c’était justement ça qui était bizarre : hier encore, tout le monde se tenait à carreau et osait à peine parler, s’attendant à être contrôlé et surveillé par les gens autour d’eux. Mais, aujourd’hui, il y avait une étrange sensation d’unité.

Hirata — Salut, Ayanokôji-kun !

Hirata m’interpella.

Moi —  Salut !

Suite à cette brève réponse, je pris un moment pour examiner comment Hirata se comportait vis-à-vis de cette nouvelle ambiance.

 Hirata — Hmm ? Quelque chose ne va pas ?

Je me demandais s’il ne remarquait rien d’étrange à propos de l’atmosphère de la classe, ou s’il faisait semblant de ne rien voir.

Hirata me regardait avec son expression habituelle.

Moi —  Non, ce n’est rien.

Hirata —  Vraiment ? Bon, passe une bonne journée.

Hirata finissait ses salutations et rejoignit les filles qui l’appelaient. L’étrange sentiment de malaise disparu progressivement au fur et à mesure que les élèves arrivaient dans la classe.

Je soupçonnais qu’un grand groupe d’élèves avait été formé pour se préparer à l’examen. Il y avait probablement déjà eu un consensus pour choisir non seulement celui qui devait être protégé mais aussi celui qui devait être expulsé. Il y avait onze personnes dans la classe, en mettant Hirata de côté. Si les dix autres restants combinaient leurs votes d’exclusion, cela pouvait mettre n’importe qui dans une position dangereuse. Ces dix élèves mis à part,  il y avait aussi un groupuscule de quelques personnes, dont Ike et Yamauchi. On pouvait noter également un groupe de filles qui généralement ne se parlait pas tant que ça. Peut-être même qu’un groupe encore plus grand existait à l’échelle de la classe. Toutefois, de façon surprenante, une partie des filles suivait inlassablement les pas de Kei. Par ailleurs, je n’avais pas eu de nouvelle d’elle depuis un moment.

Horikita — Bonjour.

Horikita me salua brièvement. Bien que son attitude fut la même que d’habitude, elle fit un bref regard autour de toute la classe.

Horikita — …Que s’est-il passé ?

 Moi — Tu le ressens aussi ?

Horikita — Oui, ça me met très mal à l’aise. Toutefois, si ça t’intéresse, pourquoi tu n’irais pas leur demander toi-même ?

 Moi — Je passe mon tour. Mieux vaut ne pas réveiller le chien qui dort.

Même si, dans les faits, ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait ignorer.

Moi : Il s’est passé quelque chose ?

J’envoyais ce message à Keisei, qui était arrivé à l’école plus tôt dans la matinée.

Yukimura : Aucune idée. Mais un truc a changé depuis hier on dirait.

Keisei ne semblait pas avoir tout compris, mais il était sur la bonne voie.

Moi : Peut-être qu’un grand groupe a été formé. Les gens sont étrangement calmes.

Je lui envoyais un message pour le guider dans la bonne direction.

Après l’avoir lu, Keisei balaya la salle du regard puis posa le sien sur moi.

Yukimura : Ce doit être ça. L’atmosphère pesante a disparu. Bien vu.

Moi : Je n’ai pas vraiment beaucoup d’amis, donc je suis assez sensible aux changements autour de moi.

Yukimura : Si on suppose qu’un groupe de dix ou plus a été formé, ils ont probablement déjà décidé qui sortir. Pas vrai ?

Moi : La personne qu’ils viseront sera vraiment dans une position délicate.

Yukimura : Je me demande qui est derrière le groupe…Est-ce que ça ira ?

Je pouvais ressentir l’anxiété de Keisei à travers ses messages. Plus le nombre de personnes dans un groupe augmentait, plus son emprise était grande. Même les élèves qui n’étaient pas très proches des membres originaux étaient inévitablement amenés à les rejoindre. Présider ce genre de groupe n’était pas aisé. De plus en plus de personnes entrèrent dans la classe, je mis donc un terme à la discussion avec Keisei. La suite allait devoir attendre la pause du déjeuner.

1

A l’heure du déjeuner, je rejoignis  le groupe Ayanokôji pour discuter. Bien que ce ne fussent que des bavardages, la majorité de nos conversations portaient sur l’examen complémentaire. Naturellement, le premier sujet était l’inhabituelle atmosphère qu’il y avait ce matin dans la classe. Tout cela avait déjà commencé quand Keisei était arrivé assez tôt dans la matinée. Il exposa alors au reste du groupe les signes qui montraient qu’un plus grand groupe avait été formé.

Hasebe —  … Je vois, t’as raison c’était un peu plus animé aujourd’hui comparé à hier.

Miyake — Mais… Ce n’est qu’une spéculation pour l’instant… N’est-ce pas?

Yukimura —  Ouais. Je n’ai rien de concret. Peut-être même qu’ils n’ont encore choisi personne.

Au final, ces hypothèses n’étaient basées que sur ce qu’il s’était passé plus tôt dans la matinée.

Hasebe —  Donc, sur qui on doit enquêter en premier ?

Yukimura — C’est une question difficile. Si on choisit la mauvaise personne, le meneur du groupe pourrait se rendre compte de nos investigations. Si cela arrive, il y a aussi un risque que l’un de nous puisse être visé.

Keisei mentionna la chose que nous voulions tous éviter à tout prix.

Hasebe —  Il y a sûrement une raison derrière le fait qu’ils ne nous aient pas invités.

Dans le cas d’un large groupe, il était logique d’inviter tout le monde à l’exception du groupe de la cible, l’idéal étant que trente-neuf personnes se lèguent contre une. Cependant, ce résultat n’est tout simplement pas réaliste.

Hasebe —  Et si… l’un d’entre nous était très proche de la personne qu’ils visent ?

Haruka suggéra cela avec un regard malicieux observant la réaction de chacun.

Hasebe —  …Ou… Et si l’un d’entre nous était la cible ?

Sakura — A-arrête ça, Haruka-chan…!

Au-delà de la peur d’Airi, la blague de Haruka n’était pas vraiment un sujet de la plaisanterie.

Yukimura — C’est possible qu’ils aient commencé à créer ce groupe dès le premier jour et qu’à partir de là, petit à petit, ils aient agrandi son emprise et son influence. Donc, aujourd’hui, ils ont probablement jugé qu’il était bon de sortir de l’ombre.

Les déductions de Keisei étaient censées. Le changement était considérable en une seule journée. Vraisemblablement, ce groupe avait commencé à agir depuis que l’examen supplémentaire avait été annoncé.

Yukimura —  S’ils planifient toujours d’augmenter leurs rangs, alors ils pourraient prendre contact avec l’un d’entre nous aujourd’hui.

Miyake — Et s’ils avaient l’intention de cibler l’un d’entre nous ? Qu’est-ce qu’on est supposé faire s’ils nous menacent de nous expulser en cas de non-coopération, nous forçant à nous liguer les uns contre les autres ?

Akito laissa échapper par inadvertance une des plus importantes questions.

Hasebe —  C’est méga évident ! On avait déjà décidé de nous donner la priorité les uns aux autres.

Miyake — Même si… par la suite, tu devenais leur cible, Haruka ?

Hasebe —  C’est… mais… je ne pense pas vouloir rester dans cette école au point où j’en trahirai mes amis. S’ils font quelque chose comme ça, je m’en lamenterai probablement. 

Prise au dépourvue, Haruka répondit à la question d’Akito.

Sakura — Pareil pour moi, absolument jamais ! Jamais je ne trahirai l’un d’entre vous !

Malgré son anxiété, Airi acquiesça avec sincérité.

Hasebe —  Et pour toi Keisei ?

Après une courte pause, Keisei exprima ses sentiments avec honnêteté.

Yukimura —  Je suis à peu près d’accord avec vous deux. Cependant, la réalité n’est jamais aussi simple. Dans cet examen, si vous vous faites vraiment viser, vous n’aurez probablement pas la capacité de l’éviter. Oui, c’est beau d’encaisser l’expulsion à la place d’un ami, mais… Peut-on vraiment être sûr qu’on le vivrait si bien que ça ?

Hasebe —  C’est… Kyopon, qu’est-ce que t’en penses ?

Tout le monde se tourna vers moi, je sentais comme si, dans une certaine mesure, je devais essayer d’unifier les points de vue de tout le monde.

Moi — Je ne suis pas trop d’accord avec Haruka.

Hasebe —  Quoi… Tu dis que tu serais prêt à nous trahir pour avancer avec le grand groupe ?

Moi — Non, coopérer avec un autre groupe pour exclure un ami est absolument hors de question. Cependant, il serait peut-être mieux d’entretenir les meilleures relations avec eux en surface. Les affronter et faire bande à part pourrait être contre-productif.  

Il est vital de ne pas laisser ses émotions obscurcir son jugement dans ces situations.

Moi — En jouant leur jeu via une fausse coopération, on pourrait découvrir comment ils comptent répartir leurs votes négatifs et qui ils ont l’intention d’intégrer au groupe pour le faire avancer. Ces informations seraient importantes pour avoir la balle dans notre camp.   

Hasebe — Oui, c’est pas faux.

Haruka, qui était un peu agacé, commença à regagner son calme. Il fallait à tout prix rester rationnel, sinon on perdait des chances d’obtenir des informations. Pour l’instant, nous n’avions aucun moyen de connaître qui était leur cible.

Yukimura —  Et puis, si tu prétends coopérer, il ne leur sera pas possible pour eux de trouver qui a voté pour qui vu que le vote est anonyme. Donc nous pourrions largement brouiller les pistes. Oui, je pense que c’est la meilleure approche si jamais.

J’acquiesçai la tête.

Moi —  De plus, le grand groupe a silencieusement étendu son influence depuis le jour 1 et a déjà un nombre conséquent de partisans. Ce n’est probablement pas n’importe qui derrière. Mais Hirata et Horikita semblent en dehors du processus.   

Horikita en avait peut-être une idée, mais Hirata ne semblait pas avoir remarqué  quoi que ce soit. C’était très étonnant, surtout dans un instant aussi décisif. 

Moi — Hirata n’est probablement pas au sein d’un groupe spécifique vu qu’il voit tout le monde d’un point de vu neutre. Si par mégarde ils lui demandaient de l’aide, il y avait une chance qu’il essaye de faire dissoudre le groupe. Dans tous les cas, on peut dire que la personne derrière tout ça a vraiment pensé à tout. 

Sakura — T’es incroyable Kiyotaka-kun, je n’arrive pas à croire que tu as été capable de penser à tout ça !

Airi applaudit joyeusement, comme si elle se félicitait elle-même.

Yukimura — Oui, c’est vrai que c’est Kiyotaka qui avait remarqué l’étrange ambiance de ce matin.

Moi —  Je te l’ai dit. Quand tu es seul et en retrait depuis longtemps, tu vois des choses que d’autres ne voient pas. De plus, il n’est pas garanti que le grand groupe existe vraiment, ce n’est rien de plus qu’une supposition.

Il n’y avait pas de preuve quant à sa réelle existence ou non. C’était juste pour faire avancer la conversation.

Yukimura — Quand bien même, je pense qu’il vaut mieux être prudent.

Miyake — Sérieux, ça casse les couilles cette histoire. On ne peut pas parler de quelque chose d’un peu plus positif ?

Avec un soupir, Akito parla alors qu’il jouait sur son portable. Tout le monde secoua la tête.

Yukimura — Parler de quelque chose de positif est tout simplement impossible. La réalité est que nous allons bientôt perdre l’un de nos camarades, donc même si on le faisait, ça ne serait pas très agréable.

Ces sentiments d’anxiété étaient là, qu’on le veuille ou non.

Sakura — Quand vous parlez comme ça, je… je suis vraiment inquiète.

Hasebe —  Tu continues à dire des trucs comme ça, Airi ? Ne t’inquiète pas, je suis sûre que tout ira bien pour toi.

Afin de stopper son anxiété, Haruka parla en lui tapotant gentiment la tête.

Sakura — Mais…

Hasebe —  De nous deux, les filles me détestent, genre, bien plus que toi.

Miyake — Peut-être…

Quand Akito acquiesça à ses mots, Haruka lui jeta un regard féroce. Il parla pour essayer de se défendre.

Miyake — Quoi ? Tu l’as dit toi-même.

Hasebe —  Ça va pour moi de le dire, mais tu ne penses pas que l’entendre de quelqu’un d’autre est assez moche? 

Miyake — …Sûrement.

Face à un argument aussi solide, Akito abandonna.

Sakura — Haruka-chan… Toi au moins tu es mignonne…tu as un bon sens humour…et tu es intelligente…

Hasebe —  Non non… Arrête de te dévaloriser !

Yukimura — Il n’y a pas besoin de vous inquiéter autant pour vous les filles. Il y a de bien meilleures cibles parmi les garçons.

Keisei suivit avec quelques mots pour la rassurer. En effet, les plus menacés étaient parmi les garçons.

Hasebe — Oui, mais comparé aux filles… Hey, c’est pas Hirata ? Il est méconnaissable, la vache…

Haruka sembla hésiter mais, effectivement, elle montrait bien Hirata,  marchant nonchalamment tout seul. Il était le genre de gars à toujours marcher la tête haute, le sourire aux lèvres. Mais, dernièrement, il semblait l’ombre de lui-même, dire l’inverse n’aurait été que pure flatterie ridicule.

Yukimura — Tu t’attendais à quoi ? Il est probablement inquiet à cause de l’examen.

Hasebe —  Ça y ressemble. On dirait une autre personne.

Tous deux regardaient avec inquiétude Hirata disparaître de leur vue.

Hasebe —  Il a l’air tellement désemparé…Il se met tellement de pression pour rien alors qu’il n’est pas concerné.

Yukimura —  Quelqu’un va être renvoyé. C’est inévitable.

Je sentais une légère pitié pour Hirata.

Je reçus un message pendant que j’écoutais leurs conversations. L’expéditeur ne semblait pas être quelqu’un que je pouvais négliger.

Moi —  Désolé, quelqu’un me demande.

Hasebe —  Qui donc ?

Cela semblait stimuler l’intérêt de Haruka vu qu’elle avait un regard tellement empli de curiosité. Airi me regardait aussi, avec des yeux remplis d’anxiété.

Moi —  …Horikita. C’est sûrement à propos de l’examen.

Hasebe —  Oh. Cool.

Haruka perdit tout intérêt après avoir entendu les détails. Elle s’était probablement souvenue des échanges de Horikita avec Ryuuen. Après leur avoir dit au revoir, je quittai le café.

2

Le lieu de rencontre était une aire longeant le chemin jusqu’à l’école, inhabituel pour une rencontre pendant la pause du midi. Personne n’aimait venir ici vers cette période de l’année, surtout aux moments comme le printemps ou l’automne où il y avait autre chose à faire.

  1. Désolé pour le dérangement

Moi —  Ce n’est rien. Désolé de t’avoir fait attendre par un temps si terrible.

Ne t’inquiète pas pour ça.

La personne du rendez-vous en question était bien Horikita. Cependant, ce n’était pas la cadette Horikita, mais l’aîné Manabu.

Tachibana — …Salut.

Tachibana inclina légèrement la tête. Malgré qu’ils aient tous deux quitté le Conseil des élèves, Tachibana continuait à rester aux côtés de l’aîné Horikita. Il allait sans dire que leur relation semblait aller au-delà de simple supérieur et subordonné. D’habitude, Tachibana avait tendance à être un peu acide avec moi mais, aujourd’hui, elle semblait un peu réservée. Je me demandais si c’était parce qu’elle était précédemment tombée dans le piège de Nagumo, contraignant sa classe A à prendre des mesures pour éviter son expulsion.

Manabu — J’ai entendu qu’un examen supplémentaire a commencé.

Moi —  Les nouvelles vont vite. Enfin, ce sera bientôt fini.

Manabu — Quelques 2nde sont venus nous parler. Même si nous ne pouvons rien pour eux, concrètement.

Moi —  Comme prévu, il n’y a aucun senpai disposé à prêter leurs points privés ou à aider ?

Manabu — Cela serait difficile. Les mêmes examens spéciaux reviennent certes, mais tous les trois ans. Ceci précisément afin d’empêcher les élèves actuellement inscrits de divulguer des informations sur les examens.

Je l’avais plus ou moins deviné tant c’était logique.

Manabu — L’examen spécial des terminale sera probablement grandement influencé par nos points privés. Ainsi je ne crois pas qu’on aura le luxe d’en laisser pour nos kouhai.

Oui. C’était sûrement la raison pour laquelle la mine de Tachibana était maussade. À cause de son erreur, sa classe avait été obligée de dépenser  plus de 20 millions de points. Sa réaction était tout à fait compréhensible en considérant que ces points auraient pu être importants pour leur examen spécial.

Tachibana — Je suis tellement désolée, Si seulement j’étais plus fiable…

Pleine de culpabilité, Tachibana baissa la tête vers Horikita.

Manabu — Tu fais quelque chose d’inutile.

Tachibana — Ah, o-oui…

Il se mit à la gronder. Je me demandais combien de fois elle s’était déjà excusée auprès de lui.

Moi —  Sinon tu as des nouvelles de ta petite sœur ?

Manabu — Suzune ne va pas m’approcher.

Moi —  Cet examen spécial est sans précédent. Il faut qu’il y ait quelqu’un qui puisse la conseiller.

En réalité, Horikita était désespérée. C’était assez clair étant donné son altercation avec Ryuuen. Au lieu de lui soutirer quoi que ce soit, Ryuuen l’avait complètement éteinte.

Manabu — Si c’est le cas, ça ne pourrait pas être toi. Ayanokôji ?

Moi —  Tu demandes l’impossible. Horikita et moi sommes bien trop différents.

Manabu — Donc tu dis qu’elle et moi sommes similaires ?

Moi —  Il y a au moins plus de similarités entre vous qu’entre elle et moi.

Manabu —

Il eut un moment de silence avant que je ne poursuive.

Moi —  Elle devra prendre des décisions difficiles à partir de maintenant, qu’elle le veuille ou non. Tu es le seul à pouvoir la guider.

Manabu — Même si c’est vrai, c’est quelque chose qu’elle devra gérer elle-même.

Il n’avait pas tort, il ne devait pas forcer sa jeune sœur à prendre cette décision. C’était finalement Horikita Suzune la seule souveraine.

Moi —  Donc, pourquoi exactement m’as-tu appelé ici ?

Avoir une longue et profonde conversation par un temps si froid n’était préférable pour aucun de nous. Comme il n’aimait pas vraiment parler de sa petite sœur, je m’étais dit qu’il valait mieux changer de sujet.

Manabu — C’est à propos de Nagumo. Je voulais savoir si tu l’avais remarqué faire quoi que ce soit d’inhabituel.

Moi —  Étions-nous vraiment obligés de nous voir en personne pour ça ?

Tachibana — En fait,  c’est moi précisément qui voulait te voir.

De manière inattendue, je découvris la raison pour laquelle cette rencontre avait eu lieu.

Tachibana — Je veux savoir pourquoi il t’a reconnu. 

Je pouvais voir des traces de frustration dans les yeux de Tachibana. Peu importait la raison, Horikita-senpai avait accepté sa requête pour organiser une rencontre avec moi ici. Ainsi donc il était probablement intéressé de l’aider à mûrir.

Moi —  On m’a reconnu ? Je ne crois pas qu’il me considère comme autre chose qu’un gamin.

Tachibana — Bien entendu.

Wouah. Si directe. Cela m’en fendait presque le cœur !

Tachibana — Mais… J’étais tout de même curieuse.

Manabu — Quelles sont tes impressions après avoir rencontré Ayanokôji de nouveau ?

Tachibana — Honnêtement, je n’en ai pas la moindre idée.

Manabu — Je savais que tu dirais ça.

Leur conversation me laissait perplexe. Peut-être à cause de l’atmosphère étrange mais à la fois relaxante, Horikita-senpai laissa apparaître un léger sourire.

Manabu — C’est une honte qu’on puisse connaître la vraie valeur de Ayanokôji qu’à la fin.

Moi —  Je te rassure, je ne changerai pas après votre départ donc vous n’allez rien rater.

Tachibana — Oui, je pense aussi.

Tachibana exprima son accord avec moi. Ils m’avaient appelé par un temps si froid juste pour ça. Bien, je suppose que c’était une façon de soulager un peu Tachibana.  Je parlai de nouveau.

Moi —  Nagumo n’a montré aucun intérêt envers moi. Il était venu uniquement à cause de son obsession pour toi. Si tu veux t’occuper de lui, tu peux aussi bien l’affronter directement, juste cette fois.

Ce n’était pas vraiment le genre de demande que je devais faire auprès d’un homme sur le point d’obtenir son diplôme de la classe A. C’était juste que, d’une manière ou d’une autre, Nagumo allait sûrement essayer de leurs porter un coup. Non, il était tout à fait possible qu’il l’ait déjà initié.

Manabu — …Nagumo a été en étroit contact avec la classe B de Terminale récemment. Je pense qu’il va leur offrir tout son soutien possible, juste comme il l’avait fait lors du camp d’entraînement.  

Pour le plaisir de vaincre son rival de longue date, Nagumo était prêt à offrir son aide pour rétrograder Horikita Manabu et sa classe vers la B.

Moi —  Il y aura toujours des soucis. Je veux juste vivre tranquillement.

Manabu — Si c’est vraiment ce que tu veux… Alors tu ne peux pas te permettre de négliger Nagumo.

L’aîné Horikita était convaincu que  quelque chose de terrible allait se produire lors de la prochaine année. Une fois Horikita parti, Nagumo allait hypothétiquement agir comme un tyran. Autrement dit, j’allais probablement en faire les frais.  

Moi —  Je ferai ce que je peux.

Ainsi je lui donnais cette réponse pour le moment.

3

Ce soir-là, après que je ne sorte de la douche, je vérifiai mon téléphone pour ne voir que de nombreux appels manqués de Kei. Ça semblait vraiment urgent, puisqu’elle avait appelé presque toutes les minutes. Ayant à peine fini de me sécher les cheveux, je commençai à composer son numéro pour la rappeler, mais je reçus un autre appel de sa part. Je me contentai alors de décrocher.

Moi —  Allô ?

Karuizawa — Purée, enfin tu décroches !!

Moi —  Tu sembles affreusement paniquée.

Karuizawa — C’est un bien petit mot là… quelque chose d’absolument terrible est arrivé Kiyotaka.

Moi —  Quelque chose de terrible ?

Karuizawa — Je n’ai aucune idée de qui est derrière tout ça, mais Kiyotaka… tout le monde veut voter pour ton exclusion.

Moi —  C’est donc ça ?

Karuizawa — Ça… ça veut dire que tu le savais déjà ?

Moi —  Non, tu me l’apprends. Enfin, j’avais plus ou moins compris que quelqu’un était ciblé.

En revanche, le fait que ce quelqu’un était moi était une surprise.

Karuizawa — Pourquoi es-tu toujours si calme ?

Moi —  Sais-tu combien de gens vont voter contre moi ?

Karuizawa — Je sais pas exactement. Là, comme ça, je dirais environ la moitié de la classe. Ils ont menacé tous ceux qui t’en parleraient de finir à ta place.

Vu qu’ils essayaient de me mettre dans une impasse, il était seulement naturel de lancer quelques menaces au sein du groupe. Je me demandais s’ils avaient déjà réussi à convaincre la majorité de la classe. S’ils l’avaient fait, les votes du groupe Ayanokôji et celui de Kei n’allaient absolument pas suffire.

Moi —   Tu es vraiment sûre que ça ira pour toi ? De me le dire comme ça…

Bien sûr, elle ne risquait rien tant que je ne le criais pas sur tous les toits. 

Je ne savais pas qui était derrière tout ça, mais il était très bon. Agir dans le dos de quelqu’un était simple. Convaincre tout le monde l’était moins. Le simple fait, déjà, de désigner expressément un camarade à exclure était dangereux : le « désignateur » allait inconsciemment baisser dans l’estime des gens et risquait de devenir à son tour la cible. Toute personne proposant un nom risquait donc de subir le retour du bâton. C’était exactement pour ça que Haruka et Akito, tous les deux plutôt grandes gueules, n’osaient pas désigner quelqu’un. Le plus sûr était d’attendre une discussion de groupe pour en arriver à un consensus commun.

En tout cas, la personne qui me visait n’avait visiblement pas peur d’en subir elle-même les conséquences.

Karuizawa — Tu vas faire quelque chose, pas vrai ? Genre, Tu peux faire quelque chose, non ?

Moi —  Je me le demande. Ce serait problématique si la moitié de la classe était contre moi.

Même si j’arrivais à réunir 10 votes positifs, cela ne voulait pas nécessairement dire que j’étais à l’abri. Après tout, le groupe de l’instigateur s’entraidait, donc tous les votes positifs étaient déjà réservés entre eux.

Moi —  Merci de m’avoir prévenu.

Karuizawa — Ce n’est pas un problème ou quoi que ce soit, mais… pour de vrai, tu vas faire quoi ?

Moi —  Que vais-je faire ? Je vais devoir y réfléchir un peu.

Karuizawa — Tu peux sembler parfait, mais même toi tu peux avoir des défauts ok ? Si je n’étais pas là, il n’aurait pas était impossible que tu sois expulsé sans rien remarquer, non ?

Moi —  C’est exactement pour ça que tu es là.

Karuizawa — Oh. Je vois…

C’était précisément parce que j’avais quelqu’un qui était capable d’obtenir des informations hors de ma portée que j’ai été capable de me renseigner à propos de cette nouvelle

Moi —  Je te recontacterai bientôt.

Karuizawa — Ça marche !  

Je terminai l’appel, alors que je voulais parler un peu du 8 mars de la semaine prochaine. Mais je laissai tomber l’affaire pour l’instant. Mais avant toute chose, j’avais besoin de trouver pourquoi j’étais ciblé.

 Eh bien…

Je saisi mon téléphone fermement et commençai à me creuser la tête. Celui que j’avais choisi de contacter ici allait m’aider à me décider. Contacter directement l’instigateur ou ses partisans n’était  définitivement pas une option. Cela dit, la situation n’allait pas s’améliorer en tournant autour du pot.

Dans ce cas-là… Je composai rapidement un numéro directement à partir de ma liste de contacts. Je décidai, tout d’abord, que je devais finir ce que j’avais à faire. Après un moment, l’interlocuteur décrocha.

  1. Qu’y a-t-il ?

Répondant au téléphone avec son ton de voix immuable. C’était du Horikita Manabu tout craché.

Moi —  J’ai besoin de te parler à propos de l’examen complémentaire. C’est assez important.

Manabu — Attends un peu.

J’entendais le bruit de l’eau courante de l’autre côté du fil. J’attendis une petite dizaine de secondes.

Manabu — Je faisais la vaisselle. Je ne voulais pas que le bruit interfère avec le haut-parleur.

Moi —  Désolé de te déranger.

Manabu — Donc, quelque chose de grave est arrivé.

Horikita-senpai et moi nous étions rencontrés plus tôt dans la journée. Il avait probablement compris que quelque chose de mauvais était arrivé entre-temps car je n’avais rien mentionné à ce moment-là.

Moi —  Il s’est passé quelque chose dans ma classe. Un grand groupe a été formé et ils ont décidé de qui exactement ils allaient expulser.

Manabu — Compte tenu de l’examen, l’établissement d’un grand groupe était inévitable. Qui est ciblé ?

Peut-être pensait-il à sa petite sœur, je me disais.

Moi —  Moi.

Manabu — Ce n’est pas drôle.

Moi —  Je ne plaisante pas. Plus de la moitié de ma classe s’est déjà accordée à voter contre moi.

Manabu — Oh ?

Moi —  Je suis plutôt dans une situation difficile, du coup j’ai pensé à te consulter à ce sujet.

Manabu — Même toi tu ne peux rien faire pour cet examen ? Est-ce bien ce que tu es en train de dire ?

Moi —  Peut-être bien, oui.

Cependant, pour être précis, je lui parlais parce que j’avais une idée en tête.

Manabu — Qu’est-ce que tu veux de moi ? Pour ce qui est de ton examen, je ne pense pas pouvoir faire quoi que ce soit pour t’aider.

Moi —  En fait il y a bien quelque chose que tu peux faire.

Je lui fis une proposition. Mon plan allait dépendre de sa réponse.

Manabu — …Je vois. C’est donc cela que tu veux.

Moi —  En ce qui te concerne, ça ne devrait pas être une mauvaise offre. Tu peux t’en servir comme prétexte.

Manabu — En effet. Je n’aurais pas été d’accord si ce n’était pas le cas.

Moi —  Tu n’as pas besoin d’utiliser ton ancien statut de président, ni de faire quelque chose pour m’aider directement.

Un élève doué comme Horikita-senpai devrait être capable de comprendre où je voulais en venir, même sans que je détaille explicitement mes intentions.

Manabu — Tu allais probablement le faire peu importe que tu sois ciblé ou non.

Moi —  Oui, je l’avoue. Je t’en aurais parlé plus tôt dans la journée, mais…

Manabu — Tu ne l’a pas fait car Tachibana était là ?

Bien sûr, je savais qu’elle n’était pas le genre à laisser échapper un secret, mais on n’était jamais trop sûr.

Manabu —  « Quelque chose de grave est arrivé ». Comme d’habitude, tu exagères.  

Moi —  Cela dépendra de demain. Sans ta coopération, j’aurai été forcé de changer ma tactique, et tu dois bien savoir que ce n’est pas bénéfique pour moi d’être sous le feu des projecteurs.

Manabu — …Bien. Nous agirons demain.

Moi —  Tu m’as évité beaucoup de problèmes. Je te contacterai quand j’identifierai la personne derrière tout ça.

Je mis fin à l’appel avec Horikita-senpai et branchai mon chargeur sur mon téléphone portable. Donc ça c’était fait…

C’était une stratégie que j’avais planifiée dès l’annonce de l’examen. Une mesure nécessaire pour écarter un élève non nécessaire. Cependant, dans le cas où je finissais par devenir la cible, il était vital de passer à la vitesse supérieure. Je décidais donc d’appeler Kushida immédiatement.

Kushida — Bonsoir, Ayanokôji-kun. Curieusement je me doutais que j’allais recevoir un appel de toi aujourd’hui.

Moi —  Dois-je en déduire que tu as une idée de la situation, donc ?

Kushida — Yep, on dirait que t’es dans le pétrin.

Comme prévu, la nouvelle que j’étais devenu un candidat à l’expulsion avait déjà atteint les oreilles de Kushida.

Kushida — Oh, ne me dis pas que tu voulais que je te dise tout à cause de notre prétendue coopération ? Si je divulgue une quelconque information, je serai la prochaine sur la liste.

Bien sûr, ce n’était sûrement pas pour ça qu’elle gardait le silence.

Kushida — Tu l’as entendu de qui ? Que tu étais ciblé ?

L’intérêt de Kushida était sur la personne m’ayant mise sur la voie.

Moi —  Il était anonyme.

Kushida — Humm. Alors dis-moi au moins une chose. Qu’est-ce que cette personne anonyme t’a dit ?

Ce qu’elle m’avait dit ? Je restais silencieux vu que je n’avais pas l’intention de répondre à  cette question.

Kushida — Tu es vraiment intelligent, Ayanokôji. Tu penses probablement que tu devrais éviter de lâcher des infos importantes.

Moi —  Ce que tu dis me dépasse. Qu’est-ce que tu veux savoir au juste ?

Kushida — Par exemple, est-ce qu’on t’a dit qui était la personne derrière tout ça ? Ou combien de votes contre toi il y avait ?

Cela signifiait que Kushida voulait connaître les fins détails de ce que m’avait dit Kei. Si elle avait dit à Kei que la moitié de la classe s’était accordée à voter pour moi et qu’elle avait dit aux autres élèves que le nombre n’en était que d’un tiers, elle était capable de remonter à qui m’avait donné l’info.

Kushida — Il semble que nous essayions tous deux de lire dans les intentions de l’autre. 

Moi —  Se pourrait-il que tu sois le cerveau, Kushida ?

Kushida — Oh je ne ferais pas quelque chose de la sorte. Tu dois savoir que, dans notre classe, je suis symbole de pure neutralité et de paix.

Cependant, même si elle n’était pas l’instigatrice, elle devait au moins être proche de cette personne. J’entamais ma manœuvre.

Moi —  C’est vrai. Je m’attendais plutôt à ce que tu vises Horikita si tu étais celle derrière tout cela.

Kushida — Ahaha, assez juste. Tu as pris un risque en me contactant. Je sais que tu es dans le pétrin, mais… Que veux-tu de moi ?

Moi —  Qui est derrière tout ça ?

Kushida — Même si tu le savais maintenant, ça ne t’aiderait pas vraiment, hein ?

Kushida était du genre à suivre le sens du vent, donc cela ne semblait pas difficile de l’amener de mon côté.

Moi —  Aller, dis-le moi franchement !

Kushida — Tu es assez franc, Ayanokôji. Cependant, je ne peux pas trahir mes amis…Heh.

Kushida laissa échapper un petit rire diabolique.

Kushida — Non, il serait plus précis de dire que je ne pourrais pas t’en informer même si je le voulais.

Moi —  Ce qui veut dire ?

Kushida — J’ai le regret de t’informer de cela, en tout cas, que je suis la seule à connaître l’identité de la personne qui a tout manigancé.

Moi —  …Je vois.

Kushida — En effet, tu as l’air de comprendre ce que cela signifie.

Le cerveau avait sélectionné Kushida comme bras droit. Ensuite, avec son aide, ils ont approché les personnes n’ayant  aucun lien avec moi pour les recruter dans le groupe. Etant donné les bonnes relations qu’elle avait dans la classe, il aurait été probablement difficile pour eux de refuser son invitation.

Kushida — Si c’est toi, tu seras capable de trouver qui c’est tôt ou tard, n’est-ce pas ? Donc même si je te le dis maintenant, ça n’y changerait pas grand-chose.

Moi —  Non, sans toi ce sera probablement difficile. Je devine que cette personne veut aussi essayer de rester cachée. N’est-ce pas pour cela qu’elle est absente et qu’elle a tout délégué ?

Kushida — Tu es sûr d’admettre ça sans pression face à moi ?

Moi —  C’est parce que, te connaissant, tu aurais probablement réussi à déjouer mes plans.

Je pensais que passer par Kushida allait m’aider, mais finalement c’était un échec.

Moi —  Je suis surpris  que tu aies décidé de participer à faire expulser quelqu’un de l’école, ceci dit.

Kushida — Eh bien, un peu. Je suis également dans une situation délicate, tu sais ? Si je refusais, X penserait que je ne veux pas l’aider. Ce serait problématique qu’une rumeur disant que je ne suis pas coopérative s’ébruite.

Elle était certainement dans une situation qui exigeait une coopération approfondie.

Kushida — Je ne veux pas que tu sois expulsée, Ayanokôji, mais je ne peux pas trahir la confiance d’un camarade qui m’a demandé de l’aide. De plus, je pense que X a un peu saisi mon secret. Donc je risque assez gros.

J’aurais compris que Kushida sauve les apparences en jouant la neutralité, mais j’étais ennuyé qu’elle coopère carrément. Une explication était qu’elle s’était alliée à eux pour se protéger elle-même, et un refus l’aurait privée du groupe. Alternativement, il y avait aussi la possibilité qu’elle soit mal perçue, et donc d’en subir les conséquences. Dans ce cas-là, il était plutôt préférable pour elle d’être au sommet du groupe. Cette explication semblait plutôt vraisemblable. Après tout, la fille nommée Kushida était l’incarnation de la fierté et de la popularité. Il lui fallait régner sur les autres, être adulée par eux. Elle était du genre à se sentir délectée des gens inférieurs à elle.  

Kushida — Donc, comprends-tu ma situation ? Je ne pourrais pas t’aider même si je le voulais.

Si l’identité du cerveau était découverte, Kushida allait en subir les conséquences.  Elle se faisait manipuler brillamment.

Moi —  Dans ce cas-là, je n’essaierai pas de forcer pour quoi que ce soit. Désolé de t’avoir appelée si tard dans la nuit.

Kushida — Vraiment ? Tu ne vas rien demander ?

Moi —  Je ne veux pas t’ennuyer. Il ne semble pas que tu puisses m’être d’un grand secours sur ce coup.   

Kushida — Tu penses vraiment pouvoir trouver X sans moi ?

Moi —  Aucune idée. Je ne sais pas trop comment je vais faire.

Je mimai une petite fragilité et fis mine de bientôt raccrocher, voyant si Kushida allait réagir. Si elle ne mordait pas à l’hameçon, il n’y avait rien à faire. En fait je n’avais pas vraiment besoin de savoir qui était X. Au mieux ça aurait facilité légèrement mon plan.  

Kushida — Que faire…

Contre toute attente, Kushida s’arrêta. Alors comptait-elle coopérer ?

Kushida — Eh bien, Ayanokôji est aussi mon camarade. Je suppose que je vais te le dire.

La discussion fut ainsi relancée.

Moi —  …Pourquoi as-tu changé d’avis ?

Kushida — Peut-être parce que je veux voir comment tu vas gérer ça. Ceci dit, si quoi que ce soit finit par retomber sur moi, je ne te le pardonnerai pas. D’accord.

Moi —  Je pense que toute personne saine d’esprit voudrait éviter de faire de toi son ennemie.  

Alors que je disais cela, j’avais l’impression qu’elle esquissait un léger sourire du bord de ses lèvres.

Kushida — C’est Yamauchi.

Telle était donc l’identité provisoire de X. Je disais bien « provisoire » car rien ne me garantissait qu’elle dise vrai.  

Moi —  Yamauchi, huh ?

Kushida — Tu ne sembles pas surpris.

Moi —  Il est un des gros candidats à l’expulsion. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait pris l’initiative de se protéger.

Kushida — Es-tu satisfait maintenant ?

Elle demanda avec curiosité.

Moi —  Même après avoir entendu cela, il y a toujours quelque chose que je ne comprends pas très bien. Je veux dire, toi… Te faire manipuler par Yamauchi ? Tu prends beaucoup de risques en le couvrant et en étant son médiateur.

Kushida — Alors, pourquoi je ne l’ai pas rejeté, hein ?

Moi —  Peut-être que tu t’es aperçue que quelqu’un tirait les ficelles derrière Yamauchi.

Kushida semblait s’amuser mais, soudainement, son timbre de voix devint beaucoup plus sérieux.

Kushida — Donc tu savais.

Moi —  Si je ne me trompe pas, Sakayanagi avait approché Yamauchi il n’y a pas si longtemps.

Juste avant l’examen de fin d’année, elle était venue rendre visite à Yamauchi. C’était devenu un sujet de discussion croustillant au sein de la classe C. Ainsi penser à Sakayanagi était assez crédible sans laisser penser que j’avais une relation particulière avec elle.

Kushida — C’est surprenant, mais, oui, c’est exactement ce qu’il se passe. Sakayanagi-san de la classe A semble être celle qui supporte Yamauchi. J’aimerais bien éviter qu’elle m’ait dans le collimateur.

Moi —  Comment as-tu su que Sakayanagi était celle qui le soutenait ?  Yamauchi te l’a dit ?

Kushida — Non, Yamauchi l’a gardé secret. Mais tu as conscience de l’étendue de mon réseau, n’est-ce pas ? Je l’ai su à partir de quelqu’un de la classe A. C’est à dire que Sakayanagi le manipule dans le but d’interférer avec la classe C.

Tout collait. Un peu trop même. Compte tenu de la situation, le fait que Yamauchi ait contacté Kushida directement devait probablement aussi faire partie des instructions de Sakayanagi. Mais, au sein de la classe A, Hashimoto avait des soupçons sur ma relation avec Kei. Pourquoi ne pas avoir prévenue Sakayanagi, histoire que Kei ne soit pas invitée dans le groupe et donc évite de me fuiter l’information ? 

Kushida — Est-ce une coïncidence que tu sois pris pour cible par Sakayanagi ? Ou c’est intentionnel ?

Moi —  Qui sait. Je n’ai pas beaucoup interagi avec elle. Peut-être qu’elle vise quelqu’un qui ne sort pas du lot, pour être discrète.

Kushida — Eh bien, c’est possible. Après tout, à part Horikita, Sudou, Satô, et ton groupe d’amis, personne n’allait venir t’en parler.

Malgré tout cela, quelque chose n’allait pas. Pourquoi Sakayanagi  m’avait-elle approché et m’avait demandé de reporter notre face-à-face jusqu’au prochain examen spécial ? Voulait-elle vraiment tant me vaincre qu’elle était prête à tous les coups bas ?

Elle devait être consciente que j’allais juste refuser de l’affronter au prochain examen spécial si elle complotait quoi que ce soit contre moi. Yamauchi recueillant des votes négatifs à mon encontre était un coup d’épée dans notre contrat. Autrement dit, elle mentait sur toute la ligne. Dire que notre affrontement était reporté à la prochaine fois était juste un piège. Non… De ce que je savais de Sakayanagi, elle n’était pas le genre de personne à être satisfaite d’une victoire de ce genre. Que devais-je donc en conclure ?

Moi —  Tu m’as été d’une grande aide, Kushida.

Kushida — Fais attention à ta manière de te comporter maintenant et fais en sorte d’être sûr de ne pas être expulsé !

Moi —  Peu importe ce qu’il me réserve, ce que j’ai à faire reste toujours inchangé.

Maintenant que je connaissais l’identité de l’instigateur, tout ce que je devais faire était de relayer l’information à Horikita-senpai et de commencer les hostilités.

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