CLASSROOM Y2 V6 CHAPITRE 4

Accord

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Traduction : Lost
Correction : Kenshiro
Q-check : Nova, Raitei et Ayano the best
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Je me rendis à la salle de karaoké du centre commercial Keyaki pour écouter la suite de la conversation d’hier. Ce fut certainement l’un des meilleurs endroits pour avoir un peu d’intimité, en dehors des dortoirs. Les seules personnes dans la pièce étaient Horikita et moi.

Moi — Si tu voulais juste parler, il n’y avait pas besoin de venir au karaoké, non ?

Nous connaissions déjà nos chambres respectives, s’y rendre n’était pas un tabou. Si elle avait choisi cet endroit, c’était donc que quelqu’un d’autre allait nous rejoindre. Au pire des cas, ce serait à Horikita de gérer !

Horikita — Nous avons un peu de temps avant l’heure prévue… Tu veux chanter quelque chose ?

Elle prit le micro sur la table et me le tendit.

Moi — Non merci, je vais m’abstenir. Pourquoi ne chantes-tu pas, Horikita ? Je vais t’assister !

Horikita — Non, je vais étudier.

Elle refusa immédiatement. Elle demandait aux gens de faire des choses qu’elle-même ne voulait pas faire. Puis, sans un mot, elle sortit son cahier et son propre livre afin de commencer ses révisions. Bien que de nombreuses classes soient maintenant équipées de tablettes et autres appareils, je pensais qu’il était plus facile d’étudier avec un livre et un cahier.

La pièce était assez calme sans musique, je décidai donc de m’asseoir tranquillement sur le canapé et d’attendre le moment venu, même s’il y avait une atmosphère étrangement lourde en raison de l’échange qui devait avoir lieu. Peu après 17h10 Horikita, qui regardait déjà l’heure sur son téléphone aux alentours de 17h, leva les yeux et soupira.

Horikita — Je m’excuse. L’attente risque d’être plus longue que prévue.

Il était clair que l’heure convenue était 17h, notre troisième personne devait être en retard. Le fait qu’elle n’ait pas été prévenue suggère que ce retard était logique, ou du moins que Horikita s’y attendait un minimum. Je pensais à plusieurs élèves mais je les écartai aussitôt de ma tête, patientant environ 15 minutes.

Au bout d’un quart d’heure, la porte de la salle qui n’avait pas bougé d’un poil, fut lentement ouverte par la main étrangère. C’était Kohei Katsuragi, un élève de 1ère D. Il semblait être le genre très strict sur la ponctualité, donc je fus surpris qu’il soit en retard.

Katsuragi — Je suis désolé pour le retard.

Horikita — Ne t’en fais pas. Toi aussi tu as dû avoir ton lot de problèmes, n’est-ce pas, Katsuragi-kun ?

Katsuragi — Plus ou moins.

En marmonnant, Katsuragi incita la personne qui se cachait derrière lui à entrer dans la pièce. Une autre personne apparut.

Ryuuen — Suzune, c’est bien que tu veuilles sortir avec moi, mais je m’attendais à ce qu’on soit en tête à tête….

Voici Ryuuen Kakeru, l’homme qui prit Katsuragi, l’ancien leader de la classe A, dans sa propre classe.

Horikita — Il aurait été difficile pour nous d’avoir une discussion constructive si nous avions été seuls.

Tout en souriant ironiquement, Ryuuen ne semblait pas avoir détourné son regard acéré de Horikita. Après l’incident de Kushida, Horikita avait retrouvé son calme habituel. Comme il n’y avait eu que peu d’interactions directes entre eux depuis le début de l’année de première, il n’était pas surprenant qu’ils puissent sentir le changement de Horikita même à ce stade.

Horikita — Je me demande si tu n’as pas fait exprès d’être en retard pour avoir une sorte d’avantage mental.

Ryuuen — Qui sait.

Avant même de se rencontrer, ils avaient déjà commencé à se sonder mutuellement. Je suppose que Ryuuen n’était pas informé de la raison pour laquelle il était convoqué ici.

Ryuuen — Tu as dit que tu voulais nous parler. Nous voilà. On t’écoute !

Horikita — Pouvez-vous vous asseoir ? Je n’aurais pas pris la peine de vous appeler si ça n’allait prendre qu’une minute ou deux.

Ryuuen me jeta un coup d’œil rapide mais s’assit sur le canapé fièrement, puis attrapa la tablette qui était chargée et commença à commander, comme s’il était un habitué des lieux. Il jeta enfin la tablette sur la table.

Voyant cela, Horikita prit la tablette.

Horikita — Katsuragi-kun, y a-t-il quelque chose que tu voudrais commander ?

Katsuragi — Je vais prendre un thé Oolong[1].

Elle compléta alors la commande. Puis posa la tablette soigneusement à l’endroit où elle se trouvait.

Horikita — Je vais vous dire pourquoi je vous ai tous convoqués ici.

Au moment où elle s’apprêta à s’exprimer, Ryuuen l’arrêta avec un signe de la main comme pour la dissuader de le faire.

Ryuuen — Avant ça, je veux te demander quelque chose… Qu’est-ce que ça fait d’avoir gagné des points de classe en expulsant un camarade comme un fardeau ? C’est vraiment si génial que ça ?

Il n’avait pas peur de rentrer dans le lard ! C’était une façon de la déstabiliser.

J’étais sûr qu’il avait déjà utilisé les élèves de sa classe pour enquêter, et il devait se dire que notre situation interne était critique. Horikita resta toutefois assez indifférente.

Horikita — Ça n’a pas été sans conséquences pour être honnête. Mais les choses ne se sont pas passées comme tu le crois. La situation est plutôt rentrée dans l’ordre.

C’était un mensonge. Le problème de Haruka n’était toujours pas résolu, et on ne savait pas quand la bombe allait exploser.

Ryuuen — Plutôt effrontée pour une menteuse, tu ne trouves pas ?

Ryuuen se doutait du mensonge, mais Horikita s’en moquait.

Horikita — C’est ton opinion. De toute façon ce n’est pas comme si tu allais croire tout ce que je disais comme ça.

Ryuuen — Eh bien, je ne sais pas. Peut-être que je te fais plus confiance que tu ne le penses.

Horikita — Que ça sonne faux.

Elle esquiva ses provocations. Katsuragi observa Horikita comme s’il l’analysait, et croisa lentement les bras.

Horikita — Quelles sont tes intentions ? Je pensais que tu allais expulser quelqu’un.

Ryuuen — T’avais pas envie d’être la seule à passer pour la méchante ou quoi ?

Trois des quatre classes avaient protégé leurs camarades, donc donner l’impression que Horikita aurait été la seule à avoir commis une atrocité était facile.

Ryuuen — Je regrette d’ailleurs ce choix puisque ça nous a donné aucune avancée dans la lutte face à la classe A.

Katsuragi — Ça suffit.

Alors que Katsuragi l’arrêta, on frappa légèrement à la porte. La serveuse apporta un jus d’orange et le thé Oolong que Katsuragi avait commandé. Une boisson inappropriée fut placée devant Ryuuen.

Horikita et Katsuragi furent momentanément distraits par l’étrange combinaison. Je pensais aussi la même chose. Ryuuen et le jus d’orange… Après tout, pourquoi pas ?

Katsuragi — Alors quel est le but de cette rencontre ?

Katsuragi pressa Horikita d’aller droit au but. Confuse, Horikita hocha la tête et commença à parler, en regardant à nouveau Ryuuen et Katsuragi respectivement.

Horikita — Je propose un partenariat au prochain festival sportif pour battre la classe de Sakayanagi-san.

La légère réaction de l’épaule de Katsuragi montra sa surprise. Peu de temps après, quand il redevint lui-même, il reposa la même question.

Katsuragi — Qu’entends-tu par « partenariat » ?

Le mot « partenariat » pouvait être interprété de plusieurs manières. Il était naturel qu’il veuille entendre les détails. Ryuuen, de son côté, ne semblait ni surpris ni impressionné. Il se contentait d’observer avec un sourire en coin.

Horikita — Cet examen spécial comporte des aspects compétitifs et spécifiques. J’essaie de mettre en place un système qui permettrait à nos deux classes de prendre un maximum de points.

Katsuragi — Pourquoi notre classe ? Pourrais-tu nous expliquer ?

Le leader, Ryuuen, se contentait d’écouter et n’intervenait pas.

Horikita — Tout d’abord, une telle offre à la classe A est bien entendu inenvisageable pour nous. Après tout, nous devons les rattraper. Les deux seuls choix restants sont la classe d’Ichinose et la vôtre. Même si Ichinose est la plus digne de confiance, elle n’a pas les élèves les plus doués physiquement.

Katsuragi — Nous avons donc été choisis par élimination.

Horikita — Si c’était un simple processus d’élimination, je ne travaillerai avec personne. Votre leader, Ryuuen-kun, est encore moins fiable que Sakayanagi-san.

Ce n’était certainement pas une personne avec qui il était facile de travailler.

Il hocha la tête en signe de sympathie.

Katsuragi — En effet. Même moi, qui suis l’un des siens, je le pense. De tous, il est celui que je préférerais ne pas avoir en face. Pourquoi alors, as-tu proposé cette coopération ?

Horikita — Pour gagner, bien sûr. On ne peut pas gagner sans arrêter la domination de la classe A.

Katsuragi — Mais à quoi bon coopérer avec lui si cela te déplaît ? C’est un homme qui fera tout pour obtenir ce qu’il veut. Je le sais parce que je suis passé par là moi-même. Je ne le recommanderais pas.

Il était difficile de croire qu’il était le stratège en chef du camp de Ryuuen, mais il donna une opinion sévère sur son chef. Si nous nous rallions à eux, nous risquions d’être dévorés par la classe de Ryuuen au lieu de gagner un avantage sur la classe A. Il nous prévenait du danger.

Horikita — Dans la discussion d’aujourd’hui, je n’avais pas prévu d’aller droit au but. Je n’avais pas parlé à Ryuuen-kun comme cela depuis un moment et je n’étais toujours pas sûre de faire confiance à un tel retardataire. Mais quand je t’ai vu t’excuser pour le retard Katsuragi, j’ai changé d’avis. Je sais que je peux au moins te faire confiance.

Katsuragi — Tu es si naïve. Tu ne penses pas que mon attitude est juste un stratagème de Ryuuen ?

Horikita — Oui, c’est vrai, je le découvrirai tôt ou tard.

C’était un pari de Horikita. En mettant Ryuuen et Katsuragi côte à côte, Katsuragi apparaissait comme une personne sensée et bonne comparée à son compère. Cependant, si Katsuragi agissait sous les ordres de Ryuuen, il n’aurait d’autre choix que de l’accepter.

Katsuragi — Tu as l’air un peu différente, Horikita. Tu mûris donc aussi.

Katsuragi sentit que Horikita avait changé, qu’elle avait mûri et qu’elle était à nouveau prête à s’asseoir et à discuter.

Katsuragi — Je comprends votre situation de ce point de vue. Maintenant, je vais vous donner mon opinion personnelle.

Il ajouta le mot « personnelle » car il supposait que les intentions et les pensées de Ryuuen n’allaient pas nécessairement être les siennes.

Katsuragi — J’avais aussi une intention similaire, c’est-à-dire m’allier à vous, pour anéantir la classe A.

Horikita — Toi aussi… ?

Katsuragi — Oui. Votre classe a des gens comme Sudou et Kôenji qui sont au-delà du niveau lycée pour leur âge. Parmi les quatre, vous avez la plus grande aptitude physique et le plus de talents. Vos éléments ne seraient pas un poids pour nous. Mais même si nous ne pouvons pas nous fier aveuglément à vous, coopérer est dans notre intérêt à tous.

Pendant que Katsuragi parlait, les yeux de Ryuuen étaient rivés sur moi. Mais sa bouche restait fermée. Jusqu’à présent, il n’y avait personne d’autre dans la classe de Ryuuen qui pouvait négocier pour lui alors il prenait d’habitude toujours l’initiative du dialogue. Cependant, avec l’arrivée de Katsuragi, il n’était plus nécessaire de le faire, et il avait la possibilité d’attendre et de voir. C’était vraiment une bonne chose.

Il était troublant de ne pas savoir ce que Ryuuen pensait et ce qu’il pouvait suggérer à tout moment. Même s’il était facile de parler avec Katsuragi, Horikita commençait probablement à prendre conscience de cette crainte. Mais c’était une voie inévitable si nous voulons avoir ce genre de conversations régulières pendant encore un an et demi.

Katsuragi — Mais en réalité, la décision d’approcher Ryuuen et de lui faire une proposition de coopération n’est pas totalement équitable.

Cela faisait plus d’une semaine que les détails du festival avaient été annoncés.

Si la démarche était seulement basée sur la coopération, Horikita avait déjà dû envisager l’autre partie du problème.

Katsuragi — Si nous devions former un partenariat, nous devrions naturellement nous assurer la première et la deuxième place dans notre catégorie. Lorsque cela se produira, ce sera inévitablement la force globale de la classe qui déterminera le gagnant. Sur la base de la simple probabilité, nous devons accepter la possibilité que ta classe, Horikita, finisse première et que notre classe finisse deuxième.

En coopérant les uns avec les autres pour dépasser les classes de Sakayanagi et Ichinose, nous allions créer une sorte de situation favorable pour nos deux classes. C’est pourquoi Katsuragi avait dit que ce n’était pas totalement équitable. Il avait saisi le revers de la médaille. Comment entamer des négociations avec Ryuuen sur cette base ? Je me demandais ce qu’allait faire Horikita.

Horikita — Donc tu m’opposes le fait que notre classe serait une menace pour vous.

Katsuragi — Bien sûr. La situation est très différente d’il y a un an. Contrairement à l’époque où vous étiez considérés comme un des éléments défectueux, vous êtes maintenant en classe B, grapillant au passage toujours des points de classe.  Plus récemment, Kôenji a remporté à lui seul l’examen de l’île déserte, et à l’unanimité vous avez fait le choix difficile de vous séparer d’une personne, gagnant 100 points de plus. Il ne fait aucun doute que vous êtes redoutables.

Horikita — Disons qu’il y a eu un concours de circonstances… Mais je suppose que j’aime être évaluée ainsi. Toutefois, si nous ne travaillons pas ensemble et que nous participons au Festival sportif chacun de notre côté, la classe de Sakayanagi-san va gagner la première place et ce serait le pire scénario pour nous deux. L’important n’est-il pas de la battre ?

Katsuragi — Tu n’as pas tort. Ryuuen, qu’en penses-tu ?

Pour la première fois, Katsuragi demandait l’avis de Ryuuen.

Ryuuen — Si tu veux que je te donne un coup de main, tu dois me donner quelque chose en retour, n’est-ce pas ?

Horikita — Je crois que tu n’as pas saisi. Il est vrai que c’est moi qui ai émis l’idée, mais je ne vais pas non plus te supplier. Vous êtes sur le point de former une coopération avec une classe qui est en concurrence directe avec la classe A.

Ryuuen — Ne me fais pas rire. Je suis dans une position où je peux gagner sans coopération. Que je te file ou non un coup de main est une autre histoire. Si ça te déplait, tu peux rentrer chez toi, ok ?

Horikita — Tu sais comment sortir d’ici ? En passant cette porte, tourne à gauche et tu trouveras la sortie.

Sans même envisager une quelconque concession, Horikita exhorta Ryuuen et Katsuragi à partir. Cette attitude était l’essence même de la négociation, mais en même temps, Horikita donnait l’impression qu’elle ne misait pas tout sur cette stratégie. Autrement dit, si Ryuuen quittait la table, les négociations seraient rompues. La proposition de vaincre Sakayanagi ensemble serait donc abandonnée. Après cela, si Ryuuen déclarait être prêt à travailler avec nous à nouveau, la situation allait totalement être bouleversée.

Ryuuen — Tu as du cran de bluffer comme ça.

Horikita — De quoi parles-tu ? Comme Katsuragi l’a dit, notre classe a un beau potentiel sportif. Si nous nous affrontons, te penses-tu capable de surclasser Sudou et Kôenji ?

Ryuuen — De front, peut-être pas. Mais il y a beaucoup d’autres façons d’aborder les épreuves. C’est pas comme si tu avais oublié ce qui s’était passé l’année dernière, non ?

C’était exactement ce que je craignais, un mauvais tour de Ryuuen, déguisé en accident. Il était évident que c’est ce qu’il essayait de dire.

Horikita — Cette année, il va y avoir des invités. Ainsi, les règles du festival vont devoir être religieusement respectées. Voyons jusqu’où tu pourras aller avec tes méthodes sournoises, cette fois.

Ryuuen — Il y a beaucoup d’angles morts. Comme les moments hors épreuve par exemple.

Cela désignait des zones non surveillées comme les vestiaires et les salles de bain.

Horikita — Comme ça ne m’étonne pas, de ta part. Je suppose donc que ces menaces d’agression mettent fin à notre discussion.

Sans aucune déception, Horikita claqua son carnet de notes.

Katsuragi — Ayanokôji-kun. Merci d’avoir passé du temps avec nous aujourd’hui. Je n’ai pas besoin de vous demander d’y réfléchir, mais il semble que cette affaire soit trop risquée. Je pense que l’on devrait s’arrêter là pour ce soir.

Horikita — Si ça vous va, ça me va aussi.

Ryuuen, qui regardait, ne répondit pas, mais Katsuragi fit un geste.

Katsuragi — Ryuuen. Il semble que Horikita ait plus changé que nous ne l’imaginions. Si nous ne nous présentons pas à la table des négociations comme il se doit, c’est nous qui allons y perdre.

Après avoir calmement analysé la situation, Katsuragi tourna son regard vers Horikita une fois de plus.

Katsuragi — Tu as vraiment bien analysé la situation.

Ayanokôji — Nous n’avons pas discuté de ça en amont avec Horikita avant de vous voir mais ça promettait d’être intéressant.

Après la mise à jour des données de l’OAA, l’évaluation de notre classe avait augmenté quelque peu. Nous étions donc crédibles pour négocier.

Ryuuen — Il est naturel d’essayer de faire en sorte que les choses tournent en ta faveur. Tu es devenue un peu plus intelligente, mais la seule raison pour laquelle cela semble fonctionner c’est parce qu’Ayanokôji est à tes côtés.

Dès qu’il dit cela, Ryuuen prit en face de lui le verre rempli de jus d’orange puis tenta de m’en balancer le contenu à la figure. J’esquivai immédiatement. L’endroit où j’étais assis il y avait à peine quelques secondes était recouvert d’une flaque jaune odorante.

Ryuuen — Je suis sûr que tu as remarqué ce qui cloche chez lui maintenant, pas vrai ? Tu aurais pu l’éviter ?

Katsuragi — …Hé bien…

Ryuuen — C’est vrai. Une personne normale aurait été trempée sans avoir pu réagir, mais ce type l’a fait l’air de rien.

Horikita — C’est vrai qu’il a des réflexes extraordinaires, mais quel est le rapport avec cette discussion ?

Ryuuen — Tu ne comprends pas. Avec Ayanokôji comme arme fatale, pas étonnant que tu prennes la confiance comme ça !

Ayanokôji — C’est pour ça que tu as commandé du jus d’orange ? Sérieusement…

Dès le début je trouvais ça louche, en me disant que ce n’était pas son genre de boisson.

Ryuuen — Tu aurais juste pu te le prendre et basta, non ?

Ayanokôji — Ne sois pas ridicule. Je ne veux pas être tout collant.

L’odeur, puis j’aurais collé de partout… Le thé aurait sûrement été plus supportable. Le jus d’orange est l’une des meilleures boissons pour harceler quelqu’un.

Ryuuen — Si tu veux négocier correctement, fais sortir Ayanokôji d’ici d’abord. Ensuite, nous pourrons parler.

Ryuuen proposa de poursuivre les négociations à la condition que je ne sois pas là.

Horikita — C’est tout à fait toi, ça. Mais je refuse. C’est mon camarade de classe, il a le droit d’être ici, et j’ai le droit de lui demander d’être ici. Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à utiliser les armes dont on dispose pour négocier.

Je ne savais pas à quel point elle était au fait des choses, mais je n’aurais pas été surpris qu’elle ait eu vent de l’histoire de Kei sur le toit.  Dès le début, Horikita m’avait dit qu’elle n’avait pas besoin de moi pour l’aider verbalement, que ma seule présence suffirait. Je lui fais donc honneur.

Horikita — Ma classe, qui est en position de force, propose de former une relation de coopération. Si ça n’est pas à ton goût il n’y a qu’à en rester là, ce n’est vraiment pas compliqué.

Ryuuen n’allait jamais coopérer avec Sakayanagi. Quant à Ichinose, elle n’était peut-être pas fiable sur le coup. Enfin, nos décisions allaient forcément impacter Ryuuen : allait-il prendre le risque de voir une alliance Horikita/Sakayanagi se former, même si elle était peu probable ?

Que la classe de Horikita finisse première et celle de Sakayanagi deuxième était une plutôt bonne issue pour nous. Mais permettre cela limitait le sabotage de la classe A, donc les rattraper n’allait pas être possible sur cet examen.

Horikita — Sous réserve de discussion, je suis prête à joindre mes forces à celles de votre classe. Maintenant, puis-je entendre votre réponse quant à savoir si vous acceptez ou non ?

La réponse suivante ne fut pas donnée par Katsuragi, mais par le leader, Ryuuen. Après quelques secondes de silence, Ryuuen prit sa décision.

Ryuuen — D’accord, je vais accepter ton offre.

Il répondit, mais ses mots ne s’arrêtèrent pas là.

Ryuuen — Mais à une condition. Si on doit coopérer, cela doit se faire sur une base plus équitable. Si toi ou moi atteignons l’objectif de terminer premier, il y aura une différence de 100 pc entre le premier et le deuxième. Pour compenser, celui qui aura la première place devra donner des points privés au deuxième jusqu’à la remise des diplômes sur cette base de 100 pc. Ajoute cette condition.

Il tentait de mettre en place le même type de négociation qu’avec Katsuragi l’an passé, sur l’île déserte. Alors celui qui obtiendrait le plus de points de classe allait devoir compenser la différence en points privés.

Ryuuen savait qu’il était dans une position désavantageuse. Il essayait d’obtenir des points supplémentaires, mais Horikita avait conscience de tout ça.

Horikita — Pourquoi pas, dans l’absolu. Mais je vais refuser. C’est une compétition sérieuse, et le but de ma manœuvre est de nous garantir la première ou la deuxième place. Finalement, c’est le niveau de nos classes respectives qui fera la différence, donc cette condition ne me semble pas pertinente.

Ryuuen — Kuku. Tu ne vas pas me donner le nectar sucré si facilement hein ? Au contraire, il devient un fade d’un seul coup.

Katsuragi — Il est difficile d’arracher des concessions à Horikita. Je pense qu’il est préférable de s’en tenir à ce qu’on disait au début.

Alors que Ryuuen était toujours réticent à signer formellement le contrat, Katsuragi restait toujours flexible.

Ryuuen — Ce n’est pas suffisant. Si tu veux me demander de l’aide, tu vas devoir être plus sincère.

Horikita — Sincère ? Si cette stratégie fonctionne, la classe A de Sakayanagi pourrait faire un beau -150 points. Il n’y a que des avantages pour nous, en fait. C’est pour cela que nous sommes prêts à prendre ce risque.

Comme pour le bloquer, Horikita poursuivit.

Horikita — Je me suis moi-même demandé si je pouvais vous faire confiance. Si nous concentrons nos efforts sur les compétitions collectives pour former une équipe, il sera inévitable que les compétitions individuelles seront négligées.

Il était tout à fait possible que Ryuuen donne l’ordre de trahir l’équipe et de saboter les épreuves collectives, en ne se présentant pas par exemple. Horikita et les autres leaders allaient certainement être occupés lors de la compétition, ils n’allaient pas pouvoir tout surveiller. D’autant que l’usage des téléphones portables était limité.

Horikita — C’est difficile de pleinement te faire confiance. Te proposer cette offre est déjà une énorme concession en soi. Nous ne ferons donc rien de plus.

C’était quelque chose que Ryuuen devait entendre. Même si la coopération était avantageuse pour les deux, on ne pouvait pas faire confiance à Ryuuen, c’était la condition de base. Mais Horikita était prête à aller au-delà de ça.

Ryuuen — C’est un bon argument. Tu as raison. Je suppose que je vais devoir te concéder ça.

Tout en riant et en laissant couler, Ryuuen détendit ses épaules comme s’il était satisfait des paroles de Horikita.

Ryuuen — Tu penses vraiment que tu peux me faire confiance ?

Horikita — L’ennemi de mon ennemi est mon ami, et je me fierai aux paroles utiles de mes ancêtres.

Il est difficile d’atteindre son plein potentiel dans la coopération quand on a encore des doutes persistants. Dans certains cas, on peut se retrouver à se concentrer davantage sur ses arrières que de se battre contre l’ennemi.

Ryuuen — Je ne suis pas d’accord avec tout ce que tu dis, mais une chose est sûre, ce n’est pas une bonne idée de continuer de laisser la classe de Sakayanagi mener la danse.

Katsuragi et Horikita étaient tous deux d’accord avec la réponse de Ryuuen et hochèrent la tête sans hésitation. Nous devions écraser la classe A. La laisser gagner n’était pas une option.

Horikita — Qu’on se le dise, même avec ça et un examen à la fin de l’année, ce sera un peu juste pour les rattraper.

L’idée était au moins de réduire leur avance afin que le classement soit plus serré. C’était en effet une bonne idée.

Horikita — Tu as écouté en silence, mais il est temps d’entendre ton opinion, Ayanokôji-kun.

L’idée de Horikita, le risque qu’elle prenait…D’un point de vue objectif, est-ce que j’acceptais ou non cette stratégie ?

Ayanokôji — La coopération par intérêt n’est pas une mauvaise chose. Il peut y avoir quelques désaccords, mais tout le monde comprend que Sakayanagi est la cible à abattre. Je suis sûr que Yôsuke et Kei auraient fait de même.

Horikita était une fois de plus confiante en son plan. Cependant, Ryuuen mit un terme à ses propos.

Ryuuen — J’aimerais signer le contrat, mais pas tout de suite.

Horikita — Pas tout de suite ? Penses-tu pouvoir obtenir autre chose de moi ?

Ryuuen — Permets-moi de faire une dernière remarque. Est-ce toi qui a apporté cette proposition, Suzune ? Ou était-ce Ayanokôji, qui observait la situation avec une vue d’ensemble ?

Il était très désireux de savoir qui avait eu cette idée.

Horikita — Si ce n’est pas l’idée d’Ayanokôji-kun, l’accepteras-tu ? Il semble que toi et Ayanokôji-kun ayez une relation plutôt exclusive. 

Horikita dit cela d’une manière suggestive.

Horikita — Je sais que tu reconnais ses capacités. Peut-être même que tu trouves que je suis de trop ici…

Ryuuen — Ai-je dit quoi que ce soit à ce sujet ? Je demande simplement qui a eu cette idée.

Ryuuen, légèrement exaspéré, jeta un regard à Horikita et l’incita à parler.

Horikita — C’est mon idée. J’ai seulement demandé à Ayanokôji-kun d’être présent ici, et il l’a appris en même temps que vous deux.

Si Ryuuen savait que c’était mon idée, il pouvait finir par refuser de coopérer.

Quand Horikita s’exprima franchement, Ryuuen rit.

Ryuuen — Je vois. Je suis soulagé. Si c’est le cas, je vais accepter ta proposition.

Avec ce facteur décisif, il accepta officiellement l’union de nos forces.

Horikita — …Pourquoi ?

Ryuuen — Pourquoi ? Je ne sais pas. Il faudra le découvrir toi-même.

Il esquiva la réponse en disant cela.

Horikita — Je pense que ce serait mieux pour nous deux si nous avions un contrat écrit, juste au cas où. Non, surtout pour votre bien.

Ryuuen — Je vais le faire, bien sûr. Je vais demander à Chabashira et Sakagami de nous rejoindre en attendant.

Un contrat impliquant les professeurs. Bien sûr, il y aurait une clause de pénalité dans ce contrat. Peu importe à quel point Ryuuen était doué pour faire des coups bas, il ne pouvait rien faire s’il était lié par des règles contraignantes.

Ryuuen — Je vais te laisser la paperasse Horikita, ça te va ?

Horikita — Oui. Katsuragi-kun, si tu pouvais m’aider pour les vérifications !

Quand Katsuragi regarda Ryuuen, il afficha une expression montrant que ça lui importait. La présence de Katsuragi était vraiment significative. Il était intelligent, digne de confiance, et pouvait exprimer ses opinions à Ryuuen sans hésitation. Ce dernier avait donné un grand rôle à Katsuragi. Cela valait la grande quantité d’argent qu’il dut dépenser pour le faire venir.

Horikita — Ok. Maintenant que nous avons officiellement signé, en route vers le festival sportif !

Ainsi, il fut décidé que la classe de Horikita et celle de Ryuuen se battraient ensemble lors du festival sportif. La première priorité était que notre classe gagne, et la seconde, était que nous devions travailler ensemble. Cependant, ce n’était pas encore tout, et Katsuragi changea le sujet.

Katsuragi — C’est bien que nous ayons accepté de travailler ensemble, mais il faut considérer le fait que Sakayanagi et Ichinose aient la même idée. Qu’allez-vous faire si cela arrive ?

Ce développement était tout à fait possible, en effet.

Horikita — Ce n’est pas un problème. Même si Ichinose coopère avec Sakayanagi dans ce festival sportif, nous sommes toujours meilleurs. De plus, Sakayanagi devrait sacrifier sa troisième place. Tout comme tu t’inquiétais de la deuxième place quand tu faisais équipe avec nous, Ichinose aura l’avantage si elles font équipe aussi. Avec le retrait de Totsuka et le transfert de Katsuragi, il y a 38 élèves en classe A. La non-participation de Sakayanagi a également été confirmée, donc il y a 37 élèves. La classe d’Ichinose compte 40 élèves ce qui fait une différence notable.

À aptitudes égales, le nombre d’élèves pouvait faire la différence.

Katsuragi — Mais Sakayanagi est une personne qui trouvera une stratégie pour compenser la différence de nombre.

Horikita — Tu n’as pas lu les règles ? Tout élève qui ne participe pas est prié de rester au dortoir. L’usage du téléphone portable est interdit ce qui implique que le cerveau principal de la classe A sera complètement dysfonctionnel.

Katsuragi — Il est vrai que Sakayanagi ne peut pas participer en raison de sa condition physique.

Cependant, elle pouvait participer pour la forme et glaner un total de 10 points, 5 points de base et 5 points avec les participations cumulées. Une fois cela fait, elle allait probablement trouver une façon de donner des instructions à distance.  Pour Sakayanagi, les choses allaient être moins simples que les autres.

Katsuragi — Néanmoins, la participation est un droit. Rien ne dit qu’elle va s’abstenir, même si je pense qu’elle ne le fera pas pour une raison d’honneur.

Horikita — En effet, participer en ayant conscience de sa condition physique est une véritable solution de dernier recours. Je veux dire, si tu participes à un 100 mètres avec une canne, tu dois terminer et aller jusqu’au bout même si tu es bon dernier et loin derrière. Jamais elle n’offrira un aussi piètre spectacle.

Ryuuen — Il est certain qu’une personne normale ne se ferait pas humilier comme ça. Mais une fois qu’elle aura appris que nous faisons équipe, Sakayanagi considérera probablement cette issue juste pour pouvoir être sur le terrain et donner des ordres. Supposer qu’elle n’a aucune chance de participer est une erreur. Quelle est la probabilité qu’elle ne participe pas ? Réponds sérieusement.

Katsuragi — Je dirais qu’il y a 90% de chances qu’elle ne le fasse pas.

Ryuuen — Donc, à froid, tu dis 90%. Si c’est le cas, la valeur réelle est encore plus basse. Je dirais 70% à 80% au mieux.

Katsuragi — Ça ne suffira pas. Si nous voulons être sûrs qu’elle ne participe pas, alors il devrait y avoir au moins 95% de chances.

Nous ignorant, Ryuuen et Katsuragi s’engagèrent dans une guerre des mots.

Ryuuen — Ballec. Mais si tu veux faire en sorte qu’elle ne puisse pas participer à coup sûr alors j’ai un moyen. Je vais bien m’occuper de Sakayanagi avant le festival. Et si elle s’incruste, toute la classe la dénoncera. Comme ça, j’atteindrai ces 95% dont tu parles.

Ryuuen disait qu’il était prêt à écraser toute personne sur sa route.

Horikita — D’un point de vue éthique, c’est inacceptable.

Katsuragi — Je suis d’accord. L’établissement ne restera pas sans rien faire.

Horikita et Katsuragi s’opposèrent vivement.

Ryuuen — On doit écraser Sakayanagi quoi qu’il arrive.

Katsuragi — Si c’était si simple, nous ne serions pas dans les classes inférieures.

Si Sakayanagi supervisait sa classe pendant le festival, les choses risquaient de se corser pour nous.  Sa participation ou non allait vraiment déterminer nos chances de gagner. S’assurer que Sakayanagi ne pouvait pas participer représentait la moitié du travail.

Moi — Horikita. Est-ce que je suis dans tes calculs pour la victoire de la classe ?

Horikita — En fait, j’essaie de ne pas y penser. Tu es le seul à occuper une position spéciale.

Moi — C’est une chose commode à entendre. Si la participation ou la non-participation de Sakayanagi entrave cette relation de coopération, je peux peut-être vous aider.

Katsuragi — Que veux-tu dire ?

Montrant de l’intérêt, il cessa de parler à Ryuuen et se tourna vers moi.

Moi — Si vous me laissez faire, je ferai en sorte que Sakayanagi renonce à sa participation au festival sportif.

Horikita — Quoi …… ?

Ryuuen — Oh ?

Elle était surprise et Ryuuen était impressionné. Katsuragi m’écouta en silence.

Moi — Cependant, en échange de la non-participation de Sakayanagi, je ne veux pas que mon score soit dévalué d’un seul point au festival sportif. Cela vaut non seulement pour Horikita, mais aussi pour toi, Ryuuen.

Ryuuen — Je ne t’ai pas inclus dans mes calculs depuis le début. Si tu veux arrêter Sakayanagi, tu peux nous épargner beaucoup d’ennuis.

Katsuragi — Je ne peux même pas imaginer quel genre de ruse tu vas utiliser, mais si Ryuuen et Horikita croient tes paroles et te laissent faire, je n’ai pas l’intention de faire d’autre commentaire sur cette affaire. Si Sakayanagi ne participe pas, il ne sera pas difficile pour nous de faire descendre la classe A. Mais peux-tu vraiment faire ça Ayanokôji ?

Moi — Ah. Même si je ne fais rien, il y a quand même des chances qu’elle ne participe pas. Mais je ne sais pas, j’ai envie de faire de mon mieux. Après tout, ce n’est pas tous les jours que Horikita et Ryuuen collaborent, non ? Il y a encore autre chose dont vous voulez parler, d’ailleurs ?

Pendant cette discussion, je pensais à quelque chose de différent.

Horikita — Comment ça ?

Lorsque je commençai à faire une suggestion, Horikita et Katsuragi se regardèrent l’un l’autre, tandis que Ryuuen resta silencieux à écouter. Dès que je terminai mon explication, la glace dans le verre de Katsuragi fondit et fit un grand bruit.

Horikita — C’est une idée intéressante, mais….

Horikita regarda Ryuuen avec perplexité, ne sachant pas s’il allait accepter ou non.

Horikita — Ce n’est certainement pas impossible selon les règles. Mais…

Moi — Vous n’aimez pas ce que je propose ?

Je ne voulais pas les mettre devant le fait accompli, je préférais en parler avant.

Ryuuen — Oh, je n’aime pas ça.

Ryuuen rejeta mon plan, mais Katsuragi l’interrompit.

Katsuragi — Tes sentiments personnels peuvent attendre Ryuuen. C’est une bonne idée. Nous devrions peut-être revoir les détails et les règles à nouveau. Enfin, nous parlons d’Ayanokôji. Je suis sûr qu’il les a déjà vérifiées.

Moi — Les règles sont simples. Nous pouvons dérouler le jeu plus facilement avec l’union de nos deux classes.

Katsuragi — Oui, c’est sûr…

Horikita elle-même était bien consciente des problèmes auxquels nous étions confrontés.

Katsuragi — Allons-y Ryuuen. Nous devons maintenant nous préparer à une confrontation directe avec Sakayanagi.

Ryuuen — Écoute, Ayanokôji. Si on détruit Sakayanagi, tu seras le prochain à être écrasé.

Peut-être que ces mots étaient le facteur décisif dans l’acceptation de Ryuuen de ma proposition.

Ryuuen — Katsuragi, occupe-toi de ça dès maintenant.

Katsuragi — Bien évidemment.

Horikita — Nous allons rebaptiser cela « siège de la classe A ».

Ryuuen— La priorité est d’empêcher Sakayanagi de participer au festival sportif. Toute coopération au festival ou proposition ne commencera pas avant qu’Ayanokôji n’ait validé cette première étape.

Moi — Je sais. Laisse-moi faire.

J’avais une stratégie pour arrêter Sakayanagi que ni Ryuuen, ni Katsuragi, ni Horikita ne pouvaient assurer.

1

Un peu avant 19h, Sakayanagi, Kamuro, et Hashimoto de la classe de A s’étaient réunis dans un café du centre commercial Keyaki.

Hashimoto — Je ne suis pas surpris d’être appelé à l’improviste, mais que veux-tu aujourd’hui, princesse ?

Sakayanagi — Que va-t-il se passer au prochain festival sportif ? Que devons-nous faire ?

Hashimoto — Je pensais que nous avions un plan ?

Sakayanagi — La situation peut évoluer rapidement. Et aujourd’hui, nous avons un nouveau changement.

En disant cela, Sakayanagi continua.

Sakayanagi — La classe de Ryuuen-kun et celle de Horikita-san sont entrées en contact.

En entendant cela, les yeux de Hashimoto changèrent.

Hashimoto – Qui a contacté l’autre en premier ? C’était Ryuuen ?

Sakayanagi — Ce n’est pas clair. Mais en tout cas, on peut supposer que ces deux-là sont en contact actuellement…

Hashimoto — Attends une minute. Je ne pense pas que ça va marcher. Je ne vois pas Horikita faire facilement confiance à Ryuuen. Ce n’est pas son genre.

Sakayanagi — Tu sais ce qu’on dit, « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Nous sommes dans une position solide où nous sommes les seuls en tête dans le classement. Sûrement qu’ils ne se font pas confiance, mais s’il y a un objectif commun, ils peuvent trouver un terrain d’entente. La difficulté quand deux classes s’unissent est de savoir si le marché tient la route et tu le vois directement si l’accord n’est pas équitable juste en observant leur visage.

Hashimoto — Ça a l’air dangereux. On ne peut pas les battre seuls, hein ?

Sakayanagi — Nous aurions perdu si nous avions parié que les trois classes se battaient séparément. Mais un homme averti en vaut deux.

Sakayanagi regarda Hashimoto, énonçant clairement l’évidence.

Hashimoto — Ok mais je n’aurais jamais fait équipe avec Ryuuen, personnellement. On ne sait jamais quand il peut nous trahir.

Sakayanagi — Au contraire, je pense que la situation est avantageuse pour lui. Comme ça, la classe de Ryuuen prendra la première place et la classe de Horikita la deuxième. Si ce résultat arrive, je me délecterai des larmes de cette dernière. Mais si c’est l’inverse, ce sera un peu plus compliqué.

Sakayanagi se méfiait plus de la classe de Horikita que de celle de Ryuuen. La déclaration de Sakayanagi suscita un sourire en coin sur le visage de Hashimoto.

Hashimoto — Il ne fait aucun doute qu’ils ont progressé en ce moment. Je ne pensais pas qu’une autre classe, hormis celle de Ryuuen, aurait pu expulser un camarade pour obtenir 100 points. Est-ce que Horikita a mûri ou est-ce que Ayanokôji a agi en coulisses ?

En soulignant le nom d’Ayanokôji, il se tourna vers Sakayanagi. Comme pour confirmer quelque chose. Il lui était impossible de savoir ce qui l’attendait, alors Sakayanagi continua sans hésitation.

Sakayanagi — Il s’est beaucoup amélioré dernièrement. As-tu trouvé quelque chose ?

Hashimoto — Non, pas vraiment. Cependant, je pense qu’il cache beaucoup ses capacités par rapport à ce qui est indiqué sur l’OAA. Après, Ayanokôji n’est pas le seul élève qui cache ses capacités.

Hashimoto fit rapidement machine arrière, car il n’était pas conseillé de continuer la discussion sur Ayanokôji… Il avait jugé qu’il serait plus sage de ne pas attirer l’attention sur lui.

Hashimoto — Mais qu’est-ce que tu vas faire ? Tu as dit que nous perdrions si tu n’étais pas là, mais pourquoi serais-tu absente ?  

Autrement dit, il sous entendit si elle allait abandonner la partie. Hashimoto, qui souriait, sembla troublé et son expression se durcit à nouveau. 150 points en moins n’aurait pas été un coup trop dur pour la classe A. Mais on ne se réjouit pas d’une défaite. Après tout, ils s’étaient battus avec acharnement pour établir une position solide.

Sakayanagi — Il n’y a qu’une seule solution.

Sakayanagi se mit à rire et continua.

Sakayanagi — Je vais participer au festival sportif. Même s’ils coopèrent vraiment, ils se sentent confiants car ils comptent sur ma non-participation. Je vais leur montrer que c’était une illusion.

Hashimoto — Vraiment ? T’es sûre ?

Kamuro — C’est bien que tu sois motivée, mais es-tu sûre de le vouloir ?

Les deux furent bouleversés par l’annonce de Sakayanagi et sa participation.

Hashimoto — Donc tu vas te donner en spectacle ? Il n’y a vraiment aucune limite à ce que tu peux faire.

Kamuro — Je suis sûre que tu le feras remarquablement bien. Même si tu dis que tout va bien, ça boostera le moral de la classe.

Sakayanagi — Cependant, même si je viens, cela ne signifie pas que la capacité athlétique globale de la classe s’améliorera. Je pourrai juste donner des instructions aux élèves. Autrement dit, la lutte pour la première place sera rude, même si je participe.

Kamuro — Je pense que nous sommes assez bons pour ne pas arriver à la dernière place.

Sakayanagi — Il ne serait pas difficile de voir les faiblesses dans la coopération fragile entre Horikita-san et Ryuuen-kun. Je serai là pour intervenir quand ils essaieront désespérément de travailler ensemble ce jour-là.

Hashimoto et Kamuro comptaient sur Sakayanagi, en qui ils avaient une confiance absolue. Elle avait obtenu à plusieurs reprises des résultats élevés dans le passé.

Hashimoto — C’est un soulagement. Mais comment as-tu obtenu l’information si rapidement, princesse ? D’habitude tu ne le fais pas toute seule.

Habituellement, elle utilisait Hashimoto et Kamuro pour collecter des informations. Mais cette fois, les deux n’avaient jamais entendu dire que Sakayanagi était allée à la pêche aux informations.

Donc Hashimoto avait demandé cela avec plein de curiosité.

Sakayanagi — Je suis toujours le leader de la classe A. Il faut dire aussi que je rencontre de plus en plus d’élèves de seconde.

Sans paniquer, Sakayanagi sourit doucement, comme si elle appréciait le spectacle.

2

Nous étions enfin en octobre, et le festival sportif approchait à grand pas.

Après les cours j’allais au centre commercial Keyaki

J’y allai avec Kei dans le but de faire une sortie en tête à tête. Les regards oppressants des élèves de terminale étaient toujours là, mais Kei ne semblait pas s’en soucier.

Karuizawa — Je suis habituée maintenant.

C’est bien ce que j’observais.  Aujourd’hui, Kei voulait visiter plusieurs magasins et avait décidé tout d’abord de se rendre dans une boutique de matériel électronique.

Moi — Qu’est-ce que tu as l’intention d’acheter ?

Karuizawa — Hein ? Je n’ai pas vraiment envie d’acheter quoi que ce soit. Ce n’est pas que je ne veux rien, mais aujourd’hui je ne suis pas venue ici pour moi.

Pour qui était-elle venue au juste ?

Karuizawa — C’est bientôt ton anniversaire, Kiyotaka non ? J’ai pensé à te faire une surprise mais t’offrir quelque chose qui te donne envie serait mieux je pense.

Oh, elle a raison, c’est bientôt mon anniversaire.

Karuizawa — J’ai pensé que nous pourrions regarder ensemble ce que tu voulais.

Moi — Je vois.

Cela me rappelait comment Kei m’avait demandé à plusieurs reprises ce que j’aimais et ce que j’avais l’intention d’acheter récemment. Comme j’esquivais la question à chaque fois, elle pensait le découvrir directement en faisant du shopping avec moi.

Moi — Qu’en est-il des dépenses en points privés ? Tu n’as pas dépensé énormément dernièrement ?

Karuizawa — Tu as raison, mais c’est ton anniversaire. Alors n’hésite pas s’il y a un truc qui te plait.

Elle semblait être prête à acheter n’importe quoi pour me faire plaisir. Cependant, dans ces circonstances, je savais qu’il n’était pas judicieux de lui dire que je ne voulais rien, je n’aurais pas été capable de la raisonner.

Je devais choisir quelque chose d’extrêmement bon marché qui n’allait pas trop affecter le portefeuille de Kei. C’était ce type de développement qui était recherché dans cette situation.

Karuizawa — N’y pense même pas.

Je lui lançai un regard fixe, et elle m’entoura de ses bras.

Karuizawa — Kiyotaka, achète ce que tu veux ! D’accord ?

Moi — Ok.

Cela signifiait que je n’avais pas besoin de regarder le prix sur l’objet que je voulais acheter. Alors que nous commencions à marcher les bras croisés, Kei pressa ses joues sur mon bras.

Karuizawa — Quel bonheur !

En disant cela, elle resserra sa prise sur mon bras.

Karuizawa — Je n’ai plus rien à cacher à Kiyotaka. Tu sais tout de moi. Je n’ai jamais pensé que j’aurais quelqu’un de plus important que mon père et ma mère.

Elle rougissait, mais ses yeux se rétrécirent comme si elle était vraiment heureuse.

Karuizawa — Kiyotaka, tu ne dois pas avoir de secrets pour moi, ok ?

« Secrets ». Que voulait-elle dire par là ? À propos de ma famille, de la White Room, ce que j’essayais de faire à l’école, les amitiés et relations amoureuses… Mentir sur un de ces thèmes était probablement un secret, donc.  Et là était le problème : je n’avais dit la vérité à Kei sur aucun de ces sujets-là !

Alors que nous faisions le tour du magasin en parlant des produits, nous tombâmes sur Satô, qui était dans le magasin toute seule. Dès qu’elle nous vit, les yeux de Satô se fixèrent sur moi et le bras de Kei qui s’enlaçait.

Satô — Oh, vous êtes tellement choux ! Désolée de vous déranger.

Karuizawa — Oh, attends, attends !

Kei essaya de l’arrêter, mais Satô s’enfuit immédiatement.

Karuizawa — Oups !

Kei posa sa main sur son front.

Moi — Tu es toujours inquiète pour elle ?

Karuizawa — Non, mais je ne me sens toujours pas bien à ce sujet.

Moi — Alors tu devrais t’abstenir de prendre mon bras en public à partir de maintenant.

Karuizawa — C’est hors de question, ça !

Bien qu’elle se sente désolée pour son amie, elle n’eut pas l’intention de renoncer à cette position.

Ishizaki — Oh ?  Hé, Ayanokôji !

Tout en marchant autour de la section des cuiseurs de riz et des pots d’eau chaude, je tombai sur Ishizaki et Albert. À ce moment-là, Kei serra mon bras plus fort d’un coup.

Ishizaki — T’es en rendez-vous avec Karuizawa ? En plus vous vous tenez le bras… Comme je t’envie mec.

Ishizaki me regarda jalousement, mais mon attention était concentrée sur la main d’Albert à côté de lui. Il tenait un grand pot de marque dans sa main. Albert était si gigantesque que le pot semblait relativement petit.

Ishizaki — Oh, ça ? C’est l’anniversaire de Ryuuen, le 20. Je l’achète maintenant.

Karuizawa — Quoi ? Le 20. Mais c’est le même jour que…

Surprise, Kei leva les yeux vers moi avec une certaine inquiétude.

Ishizaki — Hein ?  Quoi c’est le même anniversaire que celui de quelqu’un d’autre ?

Quand Ishizaki jeta un coup d’œil nonchalant à Karuizawa, Kei le regarda et se cacha un peu derrière moi.

Ishizaki — Qu’est que tu voulais dire juste avant ?

À ce moment-là, Albert posa légèrement la main sur l’épaule d’Ishizaki. Il semblait enfin avoir compris pourquoi Karuizawa était méfiante.

Ishizaki — Oh, c’est vrai.

Je l’entendis marmonner quelque chose. Même si c’était les instructions de Ryuuen, Ishizaki avait appelé Kei sur le toit et avait participé à ce qu’on appelle de l’intimidation. Il était tout à fait naturel que Kei en veuille encore à Ishisaki, même s’il s’en voulait encore. Après s’être mordu la langue, il serra légèrement le poing et se tapa la tête.

Ishizaki — Je suis vraiment désolé. J’aurais dû le faire plus tôt, par rapport au toit…

Moi — Ne parle pas de ça dans un endroit comme celui-ci.

Ishizaki essaya de s’excuser, mais il manquait encore de délicatesse. Le centre commercial Keyaki était un endroit bien indiscret. Kei n’aurait pas été contente si je parlais de l’incident sur le toit. Les choses auraient pu continuer ainsi. Après tout, ils ne se fréquentaient pas tant que ça. Mais les fois où ils allaient interagir allaient forcément augmenter à l’avenir.

Moi —Peut-être que nous devrions changer de lieu.

Il existait de nombreux espaces cachés, même à l’intérieur d’un centre commercial très fréquenté. Bien que mécontente, Kei me suivit, tenant toujours mon bras, sans rien dire. Albert reposa l’article sur l’étagère et suivit Ishizaki. Il semblait être empli de regrets. En passant par la sortie de secours, nous nous étions suffisamment éloignés du magasin pour que les élèves puissent nous voir, mais pas pour nous entendre. Nous n’aurions qu’à arrêter notre conversation si quelqu’un approchait.

Ishizaki — Je suis tellement désolé ! Je ne me suis même pas excusé depuis tout ce temps, vraiment !

Karuizawa — Je me fous de tes excuses. En fait, cela me met encore plus hors de moi.

Ishizaki — Hein ?

Karuizawa — Vous avez été battus par Kiyotaka. Tu t’excuses seulement parce que tu as perdu.

Ishizaki — Non, non, non, ce n’est pas…

Karuizawa — Si Kiyotaka ne m’avait pas aidé sur le toit ou s’il avait perdu contre Ryuuen et les autres, tu ne serais pas là en train de me dire ça non ?

Kei avait raison.  Je m’étais rapproché d’Ishizaki et d’Albert uniquement à cause de ce qui s’était passé sur le toit. Les choses auraient pu prendre une tournure si différente si l’issue avait été autre, je comprenais sa frustration.

Ishizaki — Je suppose que t’as pas tort, mais quand même…

Karuizawa — Je ne t’en veux pas. Il est naturel que le plus fort soit toujours le meilleur. Je n’aime pas être la faible, donc j’ai toujours essayé d’être la première, en essayant de tout faire pour rester au sommet.

Malgré les différences de degré, Kei et Ishizaki avaient certains points communs. Ils partageaient les mêmes valeurs et avaient le courage de mouiller le maillot.

Moi — Je sais ce que tu veux dire. Mais j’en suis aussi venu à comprendre Ishizaki depuis qu’on se parle. Sans aucun doute, il a évolué depuis cet incident, dans la bonne direction.

Karuizawa — C’est pas l’impression que j’ai.

Moi — C’est juste mon intuition, mais je ne pense pas qu’Ishizaki accepterait facilement de refaire la même chose à quelqu’un d’autre, même si Ryuuen le lui demandait.

Karuizawa — Ah oui ? Il n’a pas l’air de pouvoir se rebeller contre Ryuuen pourtant.

Ce point était probablement exact. Ishizaki s’étouffa sur ces mots. Il était incapable de répondre, et sa frustration commença à déborder, alors il frappa son genou avec la paume de sa main. Quand Kei vit cela, elle soupira.

Karuizawa — Assez. Pour l’instant t’es l’ami de Kiyotaka, non ? Je te pardonnerai pas mais je vais laisser ça de côté.

Ishizaki — Tu es sûre ?

Karuizawa — Oui. C’est fini, compris ?

Ishizaki — Oui, oui !

Ishizaki leva les yeux au ciel avec joie.

Ishizaki — C’est… c’est tout. Alors, vous parliez de l’anniv’ de qui ?

Ishizaki demanda de nouveau la chose à Kei. Toujours incrédule, Kei pointa son index vers moi.

Ishizaki — Quoi, vraiment ? Ayanokôji est né le 20 octobre aussi ? Si ça c’est pas le destin !!

Karuizawa — Quel destin ? il y a plus de 400 élèves dans cette école, il n’est pas étrange qu’il y ait des personnes avec le même anniversaire.

Ishizaki — Mais Ayanokôji et Ryuuen-san… C’est trop fort !!

Ishizaki s’émerveillait d’une simple coïncidence. Comme Kei le disait, ce n’était pas si étrange, mais pour une raison quelconque même Albert semblait assez heureux.

Karuizawa — On peut retourner au magasin maintenant ?

Ishizaki — Ah ! C’est vrai ! Attendez une seconde !

Sa voix était si forte que Kei, agacée, se boucha les oreilles avec ses doigts.

Ishizaki — J’ai une suggestion – si vous êtes d’accord… Pourquoi on ferait pas un truc ensemble pour les deux anniversaires ? Je suis sûr que ce serait ouf !!!

Non. Parmi tous les adjectifs disponibles pour qualifier cette idée, « ouf » n’était pas le mot qui m’était venu à l’esprit.

Rien que m’imaginer la chose… non, ça semblait tellement surréaliste.

Karuizawa — S’il s’excuse, je suis d’accord.

Ishizaki — Eh, quoi ?

Karuizawa — J’ai dit que si ce type, Ryuuen, s’excuse, alors j’accepte.

C’était une bonne manière de décliner. Ishizaki essaya de dire quelque chose plusieurs fois puis, se rendant compte de la difficulté, abandonna.

Karuizawa — Ryuuen ne s’excusera pas auprès de moi, n’est-ce pas ?

Ishizaki — Et bien, ça n’arrivera jamais.

Il serait impossible pour Ishizaki de suggérer à Ryuuen de s’excuser.  Il se figea, mais ensuite, comme s’il s’était décidé, se pinça les lèvres avec conviction.

Ishizaki — Si vous êtes tous les deux d’accord, alors je vais le lui suggérer !

Moi — Heu… je ne crois pas que ce soit une bonne idée ?

Une raclée l’attendait probablement s’il faisait ça. Ryuuen était une figure bien connue de notre année, c’était donc l’image qui nous venait à l’esprit.

Ishizaki — Je vais voir ce que je peux faire ! Si je peux lui faire promettre de s’excuser, nous aurons une fête d’anniversaire incroyable !

Karuizawa — Si ça arrive vraiment, je vais y réfléchir.

Ishizaki était plein d’enthousiasme, mais il savait que prendre un tel risque pouvait le mener à sa perte. Il aurait définitivement dû supprimer cette idée de sa tête.

Il était vrai que dernièrement, Ishizaki semblait exprimer plus de volonté propre. Il était également clair que certains changements de mentalité commençaient à apparaître chez Ryuuen, car aucun élève n’avait été exclu lors de l’examen du consensus. Mais il ne fallait rien prendre pour acquis. Les gens ne changaient pas facilement, même s’ils essayaient de le faire. Ryuuen n’essayait pas de changer, mais d’évoluer.

Un homme qui avait l’habitude de se battre uniquement avec le mal comme arme commença à utiliser le bien. Il était dans une phase transitoire, disons. Mais si Ishizaki était trop indélicat…

Karuizawa — Ne fais pas ça.

Kei essaya de l’arrêter, mais la détermination d’Ishizaki était inébranlable.

Ishizaki — Si Ryuuen dit qu’il s’excusera, c’est bon, non ?

Karuizawa — Mais…

Ishizaki — D’accord ! Et aussi, laisse-moi m’excuser encore une fois. Je m’assurerai d’avoir quelque chose d’encore plus spécial pour toi que le cadeau de Ryuuen-san !

Kei admit à contrecœur qu’elle avait perdu contre un Ishizaki très excité.

Ishizaki — C’est décidé ! Pour l’instant, allons chercher un cadeau d’anniversaire pour Ryuuen-san !

Albert acquiesça et l’accompagna au magasin. Comme prévu, ils avaient compris qu’ils ne pouvaient pas repartir avec nous deux.

Moi — Pourquoi as-tu accepté l’idée d’Ishizaki ? Je pensais que tu allais refuser…

Accepter des excuses sincères était une chose, mais je devais reconnaître que je ne pensais pas qu’elle choisirait de rencontrer Ishizaki et ses amis pour mon anniversaire.

Karuizawa — Je veux dire, pour moi, être ensemble le jour de ton anniversaire, juste tous les deux serait génial mais…

Ayanokôji — As-tu parié sur la possibilité que Ryuuen s’excuse ?

Karuizawa — Non, c’est impossible. Ce n’est pas ça.

Kei se retourna et regarda Albert et Ishizaki qui s’éloignaient de nous. Ishizaki était heureux de discuter avec Albert.

Karuizawa — Je peux sentir qu’Ishizaki aime traîner avec toi. Même toi tu as besoin d’amis, tu sais.

Je sus immédiatement qu’elle faisait référence à la disparition du groupe Ayanokôji.

Lorsque Kei réalisa que j’avais deviné, elle rougit et détourna son regard.

Karuizawa — Aussi… Ishizaki-kun dit qu’il s’excusera une fois de plus, et cette idée me plaît !!

Cette partie d’elle qui n’était pas honnête lui ressemblait bien. Mais, il était plus probable que cela ne se réalise pas. C’était mieux de prendre la proposition d’Ishizaki avec des pincettes.

Les jours passèrent ainsi jusqu’à la veille du festival sportif.

3

(Satô)

Satô, qui s’était enfuie du magasin, reprenait son souffle devant les toilettes pour femmes.

Moi — Pourquoi je me suis enfuie ?

Une amie chère est sortie avec quelqu’un que j’aime. Il n’y avait de mal à ça.

Je le savais, mais en les voyant, je fus envahie par une envie indescriptible. Si j’étais restée là où j’étais, je n’aurais pas su quoi faire. Alors j’avais soudainement fui, mais je me sentais coupable. Je m’assis sur une place et serrai les genoux.

Moi — La prochaine fois, j’essaierai de ne pas paniquer.

À cause de ça, je suis sûre que Kei m’évitait en classe pour ne pas me faire de peine. Ils devaient être encore plus intimes d’habitude !  Au moment où je me levai, une personne se tint devant moi.

 — Je suis désolé de te déranger. Es-tu Maya Satô-senpai ?

J’étais momentanément surprise quand cet élève m’aborda.

Moi — Oui, mais Eh, qui es-tu ? Tu es en seconde, non ?

 — C’est un détail pour le moment. Il y a quelque chose que je voudrais te dire. Je peux te prendre quelques minutes ?

Moi — Aucun soucis, de quoi veux-tu parler ?

Le fait de parler à quelqu’un de plus jeune et d’inconnu était perturbant pour moi. L’image d’Ayanokôji et de Karuizawa bras dessus bras dessous était encore fraîche dans mon esprit ce qui rendait difficile de penser à autre chose.

— J’ai des informations sur Ayanokôji-senpai.

Apres avoir entendu ces mots, je me calmai.

Moi — Ayanokôji-kun ?

— Oui, je parle de lui et de sa petite amie, Kei Karuizawa.

Je ne pus m’empêcher de le fixer quand il mentionna les noms des deux personnes qui occupaient maintenant 99% de ses pensées. J’étais un peu nerveuse.

 — J’aimerais te parler plus tard, en privé…

Moi — C’est…

Le jeune homme utilisa une légère force physique pour approcher ses lèvres de l’oreille de Satô.

— Si Karuizawa-senpai devait être exclu de l’école, ne penses-tu pas que cela te donnerait une chance, Satô-senpai ?

Karuizawa était ma meilleure amie, et Ayanokôji était l’homme de mes rêves. Il disait que c’était une chance de changer la relation entre les deux et ma position dans tout ça.

Un torrent d’émotions me traversa l’esprit.

Moi — De quoi tu parles ?

 — C’est à toi Satô-senpai de décider si tu veux continuer à écouter ou pas. Mais si tu ne veux pas, tu pourrais le regretter. Si tu  ne veux pas être vue, tu peux venir dans ma chambre.

Satisfait d’avoir donné verbalement son numéro de chambre, l’élève de seconde s’en alla.

Je fus confuse et incapable de comprendre ce qui s’était passé. Cependant, une seule chose m’était restée en tête…

Moi —  Une chance se présentera à moi.

Des mots suggérant la possibilité de sortir avec Ayanokôji.

Mon cœur se serra et des émotions que je ne voulais plus connaître remontèrent.

Satô —  Je vais…

4

Malgré quelques problèmes, la classe se prépara soigneusement pour le festival sportif. Certains élèves refusèrent l’idée de travailler avec Ryuuen, mais une fois les entrainements commencés, il n’y avait pas eu de problèmes majeurs. Même les camarades de classe qui étaient initialement contre l’idée étaient prêts à aider pour gagner et pratiquer des sports collectifs, jour et nuit avec des séances d’entraînement pour améliorer leurs compétences.

Cette veille du festival sportif arriva. Il était environ 21h30 quand je passai un coup de fil à Horikita.

Horikita — J’étais sur le point d’aller me coucher !

Je pouvais entendre le bruit d’un sèche-cheveux parasiter mon oreille.

Moi — C’est quelque chose d’important lié au festival sportif.

Horikita — C’est maintenant que tu te réveilles !

Dès qu’elle dit cela, elle éteignit son sèche-cheveux et la pièce devint silencieuse.

Horikita — Oh, je voulais te dire quelque chose d’abord. Sakayanagi-san a toujours l’intention de participer au festival demain, n’est-ce pas ? Je pensais que tu pouvais faire quelque chose.

Moi — Ça a un rapport avec ça justement… Je vais être absent du festival sportif demain.

Horikita — Absent ? Attends une minute, qu’est-ce que tu veux dire ?

Je pouvais dire que Horikita, à l’autre bout du fil, était visiblement agitée par cette nouvelle soudaine. J’entendis un bruissement et un petit grincement.

Moi — Tu vas bien ?

Horikita — Je suis désolée, j’ai fait tomber mon sèche-cheveux.

Je l’entendis poser le téléphone quelque part. On dirait qu’elle était pressée de ramasser son sèche-cheveux.

Horikita — Donc, quelle est la raison de cette absence ? Ça ne veut pas dire que tu es malade, n’est-ce pas ?

Mon timbre de voix était normal alors compréhensible qu’elle soit perplexe.

Moi — Oui, je vais bien pour le moment. En fait, je me sens mieux que d’habitude.

Horikita — Pourquoi donc ? Si tu es absent, tu perdras 10 points, n’est-ce pas ? Ce n’est pas rien.

Avec une classe de seulement 38 élèves, sa plainte était logique.

Moi — Je sais bien que la perte est considérable, mais cela fait partie de ma stratégie.

Horikita — Ta stratégie ?

Ma stratégie n’avait rien à voir avec le fait que des agents de mon père allaient probablement faire partie des invités. J’avais toutefois attendu le dernier moment avant d’employer ce terme.

Moi — Je vais vous aider à battre la classe de Sakayanagi, ce qui est inévitable quand on vise la classe A.

Horikita — La stratégie pour battre Sakayanagi ?

Moi — Je te l’ai dit, j’ai un moyen d’empêcher Sakayanagi de participer au festival sportif.

Horikita — Je ne sais pas comment ton absence pourrait être corrélée à la non-participation de Sakayanagi.

Horikita était sur le point de demander pourquoi, mais s’en abstint rapidement.

Horikita — Je ne peux pas comprendre ce que tu penses en ce moment. Et même si j’essayais de te convaincre, tu ne changerais pas d’avis, hein ?

Moi — Je contacterai l’administration demain matin pour leur dire que je ne me sens pas bien.

Horikita — Je n’ai pas d’autre choix que de te faire confiance ici.

Horikita, bien que stupéfaite, donna son approbation.

Horikita — Je visais au moins les trois premières places comme objectif personnel, mais maintenant je dois ajouter dix points de plus à mon total.

Moi — Merci.

Je mis fin à l’appel et branchai mon téléphone sur son chargeur.

Avant d’aller se coucher, Horikita allait sûrement être trop occupée à recalculer son score et n’allait plus être capable de dormir pendant un moment.

C’était un peu rude, mais je l’acceptai comme un coût nécessaire.

Il y avait d’ailleurs une personne que je devais appeler.

Je devais juste lui dire ce dont j’avais besoin pour que tout soit prêt.


[1] Littéralement « thé dragon-corbeau », c’est un thé à oxydation incomplète (entre le thé vert et le thé noir). Il est notamment connu pour ses multiples vertus (anti-inflammatoire, anti-stress…)

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