CLASSROOM Y2 V4 : CHAPITRE 4


Kôenji face aux groupes autonomes

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Traduction : Raitei
Correction :Raitei
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Il était un peu plus de 17h en ce dixième jour d’examen, moment où les élèves étaient libres. Le chef de la TLe B, Kiriyama se reposa les yeux après avoir terminé une conversation sur son talkie-walkie. Alors que la seconde moitié de l’examen battait son plein, Kôenji ne ralentissait toujours pas le rythme. Au cours des derniers jours, il avait accumulé suffisamment de points pour tenir tête au groupe de Nagumo.

Lorsque les dix premiers groupes furent révélés pour la première fois lors du quatrième jour d’examen, il avait été quelque peu surprenant de voir le nom de Kôenji figurer dans le top. À ce moment-là, ni Kiriyama, ni Nagumo ni personne ne s’attendait à ce qu’un individu seul résiste autant de temps.

— Kiriyama, t’as pas l’impression que Nagumo est genre…trop passif ? Il était pas censé avoir une bonne avance en points dans cette seconde partie d’exam ? Il a repoussé la confrontation avec Kôenji jusque-là, mais c’est déjà le 10e jour mec. Ils sont presque à égalité.

Mikitani également en TLe B, s’exprima tout en regardant le classement sur la tablette. Nagumo totalisait 236 points alors que Kôenji, 230.  Ce dernier était en excellente position pour renverser la situation, car il suffisait de recevoir une seule prime de rapidité pour Kôenji pour passer à la première place. Le groupe de Nagumo avait bien grossi grâce à la carte « membre supplémentaire ».  Il pouvait donc gagner plus de points par prime d’arrivée si tout le groupe se rendait en zone désignée dans le temps imparti. Kôenji, lui, ne pouvait gagner qu’un point par prime d’arrivée, mais il lui était facile de gagner des primes de rapidité. C’était d’autant plus optimal, car de tous les groupes, c’était lui qui avait le plus de primes de ce type.

Mikitani — Mec, même si Nagumo parvient à s’emparer de la première place, à ce rythme, tu vas finir troisième. Si tu finis par perdre contre un vieux première alors ta réputation auprès de tes soutiens va être ruinée.

Le groupe de Kiriyama avait actuellement 188 points. La différence de points entre son groupe et celui de Kôenji ne faisait que s’agrandir de jour en jour.

Kiriyama — Maintenant que j’y pense, y’avait eu une rumeur après l’inscription de Kôenji l’année dernière. Il ne comptait pas acheter nos points privés avec du vrai argent ? T’en a pensé quoi à l’époque ?

Mikitani — Je me disais juste que c’était un délire de riche, c’est tout.

Kiriyama — Je suis presque sûr que tout le monde le voyait comme ça. Un fils à papa avec de bonnes aptitudes sportives et des résultats corrects en cours et c’est tout. Un assisté de la vie.

En entendant la réponse de Kiriyama, Mikitani hocha la tête.

Kiriyama — Si Kôenji a réussi à passer sous les radars aussi longtemps c’est surtout parce qu’il avait l’air de ne rien prendre au sérieux. Il fait tout le contraire de ce que devrait faire un élève de notre lycée et ne joue jamais le jeu aux exams.

Tout le monde savait cela que ce soit au sein des première ou des terminale. Si Kôenji avait été quelqu’un de sérieux depuis le début alors Nagumo aurait réagi beaucoup plus tôt pour lui couper l’herbe sous le pied, car il aurait compris la menace qu’il incarnait. Ce n’était pas une simple épine dans le pied.

Kiriyama — Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais il est clair que Kôenji y va à fond. C’est la menace la plus sérieuse vu qu’il n’a pas l’air de s’épuiser. Ce monstre doit être capable de tenir jusqu’à la fin de l’exam.

Non seulement il exploitait de manière optimale le fait d’être seul, mais ne faisait aucun mouvement inutile. Suite à ses prouesses, les terminale n’eurent d’autre choix que d’élaborer un plan pour le contrer, car il pouvait finir premier devant Nagumo. Perdre contre un kôhai était déjà bien difficile pour un senpai mais perdre contre un kôhai seul, c’était une véritable humiliation.  Kôenji était donc l’homme à abattre coûte que coûte et dès que possible. Bien entendu, l’usage de la violence n’était pas autorisé et le blesser ou le forcer à se retirer entrainerait des sanctions sévères. Les terminale devaient soumettre Kôenji aussi pacifiquement que possible.

Mikitani — Kiriyama, t’as un plan ?

Kiriyama — Oui. On va utiliser les groupes autonomes.

C’étaient des groupes officieux composés de trois élèves que Nagumo avait personnellement choisis pour lui servir de bras et de jambes. Il y avait cinq groupes de TLe B, TLe C et TLe D, soit quinze groupes. Deux membres de chaque avaient pour tâche de suivre les instructions qui leur étaient données par un intermédiaire tandis que le dernier avait pour consigne de se déplacer entre les zones désignées afin que son groupe ne subisse pas de pénalités. Dans chacun de ces groupes, il y avait deux élèves libres de tout mouvement.

Mikitani — C’est cool. Tu prévois d’en utiliser combien ?

Kiriyama — Tous les six groupes que j’ai à ma disposition.

Mikitani — T’es sérieux, mec ? Avec mon groupe on est trois. Plus toi, ça devrait suffire. Mes gars resteront avec toi et…

Kiriyama interrompit Mikitani au milieu d’une phrase.

Kiriyama — Kôenji est la seule menace. On aura tout le temps de nous occuper des autres après l’avoir écrasé. On a jusqu’à la fin du douzième jour pour voir les classements ce qui nous laisse deux jours pour lui faire mordre la poussière. On va lui couper son élan.

Même si Kôenji se joignait à un autre groupe, le résultat aurait été identique.

Mikitani — Ok mais Nagumo n’a pas dit qu’il y avait un autre groupe qui l’inquiétait ? Si on envoie tous les gars dispos, ça va être chaud.

Mikitani n’avait pas été informé du groupe auquel Nagumo faisait référence, mais il supposait qu’il faisait partie des dix premiers. Ryuuen, Sakayanagi ou Utomiya entre autres.

Kiriyama — T’en fais pas. Nagumo en fait juste des tonnes.

Kiriyama savait exactement quel groupe préoccupait Nagumo et il n’était pas apparu dans le top 10 jusqu’à maintenant. Même si ce dernier accélérait le rythme, à ce stade, il était impossible pour lui de rejoindre le top 3.

Mikitani — Alors c’est juste une erreur d’analyse de Nagumo ?

Kiriyama — C’est vrai que Nagumo n’est pas du genre à se foirer.

Mikitani — Ouais. En même temps il est hanté par un fantôme du passé.

Le fantôme du passé était Horikita Manabu, le seul homme que Nagumo ait jamais reconnu. Il était ainsi compréhensible que Nagumo, habituellement plus que capable de superviser des opérations, puisse se tromper.

Mikitani— Du coup tu vas laisser les six groupes autonomes s’occuper de Kôenji pendant que tu continues à gratter des points ?

Kiriyama — Non. Je vais mener l’offensive.

Mikitani — Toi ? Je peux m’en occuper tu sais. C’est plus logique.

Si le groupe Kiriyama, actuellement troisième, partait gêner la progression de Kôenji, cela entraverait la leur aussi.

Kiriyama — Tu me demandes de te laisser diriger ?

Mikitani — C’est une question de vie ou de mort. T’as déjà trouvé ta voie, mais moi je n’ai encore rien prouvé à Nagumo. Laisse-moi gérer.

Mikitani sortit son plus beau discours, mais ce n’était pas suffisant.

Kiriyama — Ça n’arrivera pas. Si tu fais tout foirer, les résultats seront désastreux.

Mikitani — Mais tu dois occuper la deuxième place, non ? Ne perds pas ton temps pour un truc comme ça !

Désireux de s’attribuer le mérite de l’opération, Mikitani refusa de céder.

Kiriyama— À part Nagumo ou moi, personne ne pourra arrêter Kôenji. Maintenant stop.

Mikitani fronça un sourcil, mais Kiriyama ne remarqua pas son air mécontent, car il n’avait pas pris la peine de le regarder. Ce soir-là, les six groupes autonomes partirent en toute hâte, sous le commandement de Kiriyama, dans le but d’arrêter un élève isolé.

En effet Kiriyama n’avait aucune idée de l’étendue de la force de Kôenji. Le seul problème maintenant était de savoir où se trouverait la première zone désignée à 7h du matin demain, le onzième jour. Le plan d’action allait différer selon la direction que prenait Kôenji.

Il était ainsi idéal de s’occuper de tout cela après qu’il se soit installé pour la nuit, mais avant la reprise de l’examen le matin. Heureusement, l’emplacement actuel de Kôenji, B3, et l’endroit où se situait Kiriyama, E3, n’étaient pas très éloignés l’un de l’autre.

Comme les scores des groupes de tête ne pouvaient être contrôlés que jusqu’à la fin du douzième jour, Kiriyama n’avait plus que deux jours pour vérifier si ses efforts allaient porter leurs fruits. Il voulait au moins une avance de trente points pour Nagumo.

Mikitani — Jusqu’où tu vas nous faire marcher ce soir ?

Peu de temps après avoir entrepris cette mission, Mikitani posa une question à Kiriyama pour tenter de tuer le temps.

Kiriyama — Aussi loin que possible. Je suis conscient que c’est risqué de marcher dans le noir comme ça, mais j’aimerais au moins arriver à une case de lui avant de m’arrêter pour la nuit. Il faut le rattraper avant 7h.

S’ils agissaient alors que Kôenji était en mouvement, le rattraper deviendrait nettement plus difficile.

Mikitani — On a deux jours alors ça va être une promenade de santé. Ça fait dix-huit contre un, quand même.

Mikitani se retourna et regarda par-dessus son épaule, comme pour faire signe aux seize terminale qui les suivaient.

Kiriyama— Le sous-estime pas. Il y a de fortes chances qu’il nous échappe, vu l’étendue de la forêt.

Mikitani — Je sais qu’il est putain de fort pour un première, mais il reste plus jeune que nous.

Kiriyama et Mikitani n’avaient jamais vu Kôenji de près pour observer ses aptitudes physiques exceptionnelles, il leur était donc difficile de se faire une idée précise de l’individu auquel ils avaient affaire. Mais ils avaient rassemblé des données sur lui en recueillant des témoignages de divers terminale s’étaient précédemment mesurés à lui dans les tâches.

Kiriyama — Reste prudent et ravale tes paroles. Fais comme si tu allais affronter notre plus grand adversaire.

Mikitani — Ouais bien sûr. T’as raison mec.

Devant une réponse aussi hautaine et ironique, Kiriyama se sentit soulagé de ne pas lui avoir laissé le commandement des opérations.

Car face à un ennemi que l’on doit vaincre absolument, on se doit de l’affronter avec la ferme intention de le vaincre

Si l’on manque de volonté et que l’on s’y prend avec négligence, c’est nous qui mordons la poussière avec certitude.

1

Un peu après 6h30, en ce onzième jour d’examen, le groupe de Kiriyama ainsi que les six groupes autonomes avaient réussi à encercler le campement de Kôenji. Kiriyama demanda à Mikitani de faire un rapport.

Kiriyama — Quelle est la situation ?

Mikitani — Pas de mouvement à l’intérieur de la tente pour le moment, donc il doit bien dormir profondément. Ça nous faciliterait les choses si le gars tombait malade et dormait toute la journée comme ça.

C’est à ce moment-là que Mikitani fit une suggestion, non seulement à Kiriyama, mais aussi à tous élèves présents des forces autonomes.

Mikitani — Et si on l’empêchait de sortir de sa tente ? Si on le bloque, le gars ne pourra pas lever son camp.

En entendant la suggestion de Mikitani, les autres acquiescèrent, mais…

Kiriyama — C’est sûr qu’on le retardera assez pour qu’il rate sa première zone désignée. Mais si quelqu’un nous voyait ? Mieux vaut avoir une stratégie moins efficace et saine plutôt que le contraire.

Même s’il violait déjà les règles, Kiriyama voulait limiter les abus.

Mikitani — On ne peut pas d’abord faire une recherche GPS ? Pas comme si on était limité dans nos dépenses.

Kiriyama — Il ne faut pas jurer que par le GPS. Nos tablettes ne vont pas nous indiquer l’emplacement des profs par exemple. On va s’en tenir au plan et frapper une fois que Kôenji aura levé le camp. Si vous croisez le chemin d’un élève qui n’est pas en terminale ou d’un prof, éloignez-vous immédiatement de Kôenji.

Kiriyama avertit tout le monde de rester le plus éloigné possible de Kôenji en cas de témoins sur les lieux. Alors qu’on approchait les 7h du matin, la situation commença à bouger.

Mikitani — Il est en mouvement.

Kôenji semblait ne pas se soucier de la situation. Il fredonnait un air tout en commençant à démonter sa tente avec une facilité exemplaire. Il semblait prêt à attendre les 7h pile, heure où la zone désignée allait apparaître.

Kiriyama — On y va.

Ayant décidé que le moment était venu de frapper, Kiriyama donna l’ordre et se rapprocha de la cible. Mikitani et les autres le suivirent à bonne distance. Il était difficile de savoir si Kôenji était conscient ou non de la situation dans laquelle il se trouvait, car il gardait simplement les yeux rivés sur sa tablette sans même lever la tête pour regarder les alentours. Même entouré de tous ces gens, il continuait à ignorer leur présence. Mikitani commença à se rapprocher, ayant jugé que Kôenji ne faisait que feindre l’ignorance, mais Kiriyama l’arrêta d’un regard sévère avant de prendre lui-même la tête.

Kiriyama — Kôenji, tu as un moment ?

Bien qu’ayant été appelé, Kôenji ne leva toujours pas les yeux de sa tablette.

Kôenji — Que me veux-tu ?

La réponse de Kôenji fut sèche, ce qui n’était en aucun cas une façon correcte pour quelqu’un de s’adresser à un senpai mais Kiriyama ignora la chose. Après tout, il était conscient que Kôenji Rokusuke défiait le bon sens.

Kiriyama — Je ne m’attendais pas à ce que tu fasses autant d’efforts. Pourquoi ne pas avoir pris au sérieux les examens avant ?

Kôenji — Est-ce vraiment le moment de parler de cela ? Vois-tu, il est bientôt 7h, alors ne devrais-tu pas te hâter vers la zone désignée ?

Kiriyama — Tu devrais comprendre pourtant. Tu as pas mal de points.

Kiriyama était à peu près sûr que Kôenji jouait la comédie.

Kiriyama — Je vais devoir te demander de rester ici pour la journée.

Kôenji — Pour m’empêcher de gagner des points j’imagine ?

Kiriyama — Exact.

Bien entendu, Kôenji n’allait pas se contenter d’écouter sagement.

Kôenji — Je ne sais pas qui tu es, mais c’est insensé. Hélas, vu que tu as amené tout ce petit monde, je suppose que tu comptes me retenir ici si je refuse d’obtempérer, n’est-ce pas ?

Kiriyama — Même si tu continues à ce rythme, il sera impossible pour toi de prendre la première place. Tu es seul alors que le groupe de Nagumo compte sept personnes. Mon groupe est en troisième position avec six. Je reconnais que tu as bien performé ces derniers jours, mais un moment tu vas bien finir par manquer d’énergie.

Kôenji — Si c’est le cas, pourquoi tout ce numéro ?

Kiriyama — C’est juste au cas où, mais en tant que terminale, ça ne passe pas que l’on doive faire autant d’efforts pour battre une seule personne. Bien sûr, rien de mal ne t’arrivera si tu obéis aux ordres de Nagumo. C’est le président du Conseil des élèves alors il peut te rendre la vie facile sur le campus si tu es de son côté.

Kôenji s’était vu ainsi offrir deux options : céder sagement ou bien céder sous la force. Alors que le silence s’installa, la première zone désignée de la journée fut annoncée. Après avoir vérifié la notification, Kôenji rangea lentement sa tablette dans son sac à dos. Kiriyama et les autres gardaient les yeux rivés sur lui, attendant de voir s’il allait agir ou non.

Kôenji — Je dois aller quelque part alors si tu veux bien m’excuser.

Dès que ces mots sortirent de ses lèvres, Kôenji s’élança instantanément, passant entre les élèves des groupes autonomes qui l’encerclaient.

— Qu…Hey !!!

Même s’ils l’avaient encerclé, il y avait dans leur formation des brèches assez larges pour qu’une personne puisse s’y glisser. Il allait sans dire qu’ils avaient tous été négligeant en ne pensant pas à la possibilité que Kôenji puisse simplement ignorer leurs ordres et s’échapper.

Mikitani — Après lui !

Mikitani hâta ses camarades pour qu’ils se lancent à sa poursuite, mais à ce moment-là, Kôenji avait déjà disparu dans les tréfonds de la forêt.

Kiriyama — Ne panique pas. Tu ne feras que te blesser si tu essaies de le suivre.

Mikitani — On n’a pas le temps pour ça mec ! Il s’enfuit !

Kiriyama — Ecoute, il pourra peut-être mettre la main sur la prime de rapidité pour cette zone, mais c’est tout. S’il décide de jouer les fugitifs, ça signifie qu’il ne pourra participer à aucune tâche. Et s’il a le culot de se présenter à l’une d’entre elles alors il sera facile pour nous de le rattraper.

Ils ne savaient certes pas vers quelle zone Kôenji se dirigeait, mais l’existence de la recherche GPS signifiait que ce dernier ne pouvait pas se cacher éternellement.

C’était une chose dont Kiriyama avait pleinement conscience.

Mikitani, cependant, était trop impatient d’y aller, et s’élança une fois que tout le monde avait commencé la course poursuite.

2

Avec Mikitani en tête, Kiriyama et les groupes autonomes étaient actuellement à la recherche de Kôenji.

Kiriyama — Quelle est sa position actuelle ?

Mikitani — Il ne semble pas avoir bougé du tout depuis tout à l’heure. J’ai cherché trois fois maintenant et il est resté au même endroit à chaque fois.

Il était bien trop anormal que quelqu’un reste complètement immobile alors que ce n’était même pas encore la pause. Kiriyama baissa les yeux sur sa tablette pour tenter de comprendre le comportement incompréhensible de Kôenji.

Kiriyama — On dirait qu’il n’y a pas de tâches près de sa position.

Mikitani — Ouais. On devrait le rattraper dans 200 mètres à peu près.

Kiriyama — Ne sois pas négligent cette fois. Mets-le au pied du mur.

Mikitani — Pas besoin de me le dire deux fois.

Environ six heures après la fuite de Kôenji, Kiriyama et les autres parvinrent enfin à le rattraper. À la surprise générale, si ce dernier n’avait pas bougé était parce qu’il avait choisi de faire une sieste et ce, malgré la traque. Après avoir échangés des regards d’incompréhension entre terminale, Mikitani prit l’initiative de s’approcher de lui dans son sommeil. Il l’observa de haut en bas pendant un moment avant de prendre fermement la parole.

Mikitani — Lève-toi tout de suite Kôenji. T’as quand même les couilles pour faire une sieste en plein après-midi alors que t’es poursuivi. Ou alors c’est le contrecoup des dix derniers jours ? Tu dois être crevé.

Pour Mikitani, c’était la seule raison logique pour faire une sieste dans cette situation. En effet il peut arriver que le corps ne suive plus. Kôenji ouvrit lentement les yeux avec un sourire bien insouciant.

Kôenji — C’est évident.  Je ne suis qu’un humain, après tout.

Mikitani — Alors t’as qu’à te reposer ici le reste de la journée non ? Faut pas te surmener tu sais. Suis les bons conseils de ton senpai.

Kôenji — Le reste de la journée ? Quel sacré comédien tu fais.

Complètement indifférent au fait d’avoir été encore encerclé, Kôenji se leva. Mikitani qui le regardait d’en haut quelques instants plus tôt fut décontenancé par son 1m80. La situation s’était inversée et c’est Mikitani qui désormais regardait vers le haut. Les yeux de Kôenji débordaient de vitalité et il semblait bien plus grand que lorsqu’il était sorti de sa tente plus tôt dans la matinée.

Mikitani — …Si tu pouvais te reposer un peu ici on serait tous gagnants.

Même intimidé, Mikitani continua de s’exprimer.

Kôenji — Inutile de s’inquiéter. J’ai déjà bien récupéré. Je te suggère de ne pas me mettre dans le même panier que la plèbe.

Prenant l’attitude hautaine de Kôenji pour un simple bluff, Kiriyama répondit.

Kiriyama — Oui tu as l’air en forme, mais comme l’a dit Mikitani, tu as fait beaucoup d’efforts ces dix derniers jours alors ne te surmène pas. Tu as gagné plus que n’importe qui et même si tu as plus d’endurance qu’une personne moyenne, tu dois approcher de ta limite.

Kôenji — Je dois dire que le fait d’avoir une limite ne s’applique qu’à une personne qui se complait dans sa normalité.

Kiriyama — Tu dis en gros que tu n’as pas encore atteint ta limite ?

Kiriyama lui posa cette question sur un ton sceptique, mais Kôenji répondit sans même une seconde de réflexion.

Kôenji — Sache que j’ai le sommeil très léger et que je suis rarement sujet aux phases de sommeil paradoxal, même les plus fortes.

Mikitani — Hein ? Sujet aux paraquoi ?

Alors que Mikitani était confus, l’expression de Kiriyama se durcit.

Kiriyama — Un petit dormeur donc. Si c’est vrai, c’est un sérieux problème.

Mikitani — Comment ça Kiriyama ? Je capte pas.

Kiriyama — Une personne a idéalement besoin de dormir en moyenne sept à huit heures par nuit pour rester en bonne santé. Si on dort trop ou pas assez ce n’est clairement pas bon pour notre corps, mais un petit dormeur comme lui a la capacité de rester en parfaite santé avec seulement six heures par nuit.

Dans l’ensemble, le sommeil oscillait de façon répétée entre deux grandes phases différentes : le sommeil paradoxal et le sommeil lent. Le sommeil paradoxal est l’état dans lequel le cerveau est actif tandis que la phase de sommeil lent, l’état dans lequel le cerveau est endormi. Les courts dormeurs passent moins de temps en sommeil paradoxal ce qui fait qu’une ou deux siestes leur permettent d’être en pleine possession de leurs moyens.

Kiriyama — Je comprends maintenant pourquoi tu t’es permis une petite sieste comme ça.

Même si Kôenji possédait une force et une endurance extraordinaires, la fatigue commençait sans doute à se faire sentir après une longue période d’efforts physiques intenses pendant les tâches et les marches répétées.                                                    Néanmoins, il avait réussi à conserver une bonne partie de son endurance en faisant une sieste durant les temps morts, à savoir, après être arrivé dans une zone désignée ou lorsqu’il n’y avait pas de tâches à proximité. Si Kôenji était vraiment un court dormeur alors non seulement son endurance était bien meilleure qu’une personne lambda, mais ses capacités de récupération aussi

Pour la première fois, un léger sentiment d’anxiété commença à prendre forme chez Kiriyama. Même s’il avait dit qu’il fallait se ménager, tous les groupes n’en pouvaient plus. Chaque pas était une souffrance et la motivation de réussir cet examen disparaissait progressivement. Tous les élèves avaient ce sentiment de malaise au plus profond d’eux-mêmes. C’est pour ça que Kiriyama pensait pouvoir maitriser Kôenji facilement. Et si sa croyance était remise en cause ici-même ?

Kôenji — Vous avez toujours besoin de me demander quelque chose ?

Mikitani — On s’en fout de ton endurance ou de savoir si tu dors peu.  Tu vas nous écouter et…

Ayant perdu patience, Mikitani tenta une fois de plus de soumettre Kôenji, mais Kiriyama intervint au moment où les mots sortaient de sa bouche.

Kiriyama — Rien de concret. Ne te préoccupe pas de nous.

Kiriyama voulut éviter autant que possible que la situation ne s’envenime et tenta une approche en douceur. Bien que frustré, Mikitani laissa faire.

Kôenji — Fufu. Tu dis ça, mais vous ne me lâchez pas.

Kôenji ne semblait pas prêter attention à leurs avertissements. C’est à ce moment-là que la troisième zone désignée de la journée fut annoncée, ce qui incita Kôenji à se mettre en route après un bref coup d’œil à sa tablette. Mikitani prit la parole une fois que Kôenji fut un peu plus loin.

Mikitani — Ce n’est pas le genre de type qui va nous écouter, Kiriyama.

Kiriyama — Certes.

Mikitani — C’est sûr qu’il raconte de la merde avec son sommeil court.

Pourtant, de nombreux groupes avaient déjà constaté une baisse notable de leur efficacité alors que Kôenji avait maintenu un rythme rapide depuis le début. Il était évident qu’il affûtait constamment son corps, jour après jour. En fait, Kiriyama avait même émis l’hypothèse qu’il ne voyait dans l’examen spécial de l’île déserte qu’un moyen de peaufiner encore son entraînement.

Kiriyama — Nous n’avons pas d’autre choix que de changer de plan. On l’empêchera seulement de participer aux tâches.

Kiriyama prit finalement une décision et donna l’ordre à tous de poursuivre Kôenji. Mais Mikitani semblait contrarié par cette décision.

Kiriyama — C’est moi qui commande ici, Mikitani. Fais pas le con.

Mikitani — Hmph…

Malgré leurs réticences, les différents terminale commencèrent à se disperser, formant une formation en triangle de 18 personnes autour de Kôenji, qui se dirigeait à ce moment-là tranquillement vers sa prochaine destination. Pendant ce temps, Kiriyama commença à donner des ordres par talkie-walkie. Kôenj continua simplement à marcher sans prêter attention à leurs actions.

Kiriyama avait en tout trois plans différents en tête. Le premier était simple : essayer de persuader Kôenji de renoncer à obtenir la première place. Bien entendu, ce plan particulier impliquait que tout le monde se rapproche de lui pour amplifier la pression et le faire céder.

Le deuxième plan consistait à rester en formation autour de Kôenji pendant ses trajets, afin d’essayer d’inhiber ses mouvements. Et enfin, le troisième consistait à essayer d’anticiper les tâches qu’il viserait et à s’y rendre avant lui pour remplir les places.

Il y avait six groupes au total en comptant celui de Kiriyama ce qui devrait être plus que suffisant pour empêcher Kôenji de s’inscrire aux tâches. Et, même s’il parvenait tout de même à s’inscrire, ils pouvaient au moins réduire ses chances de victoire en faisant concourir tout le monde avec la seule intention de l’écraser. Les conditions pouvaient varier d’une tâche à l’autre, mais il existait deux types de participation : individuelle et groupée.

Alors que les groupes autonomes ne pouvaient pas s’inscrire aux tâches de groupe puisqu’ils n’avaient pas tous leurs membres présents, ces mêmes tâches exigeaient généralement un minimum de deux personnes pour participer. Cela signifiait que Kôenji était limité aux tâches avec une seule participation. Au fil du temps, les terminale commençaient à s’impatienter.

D’un point de vue extérieur, la vitesse de marche de Kôenji était si rapide qu’on aurait pu le prendre pour un athlète pro à tel point que lui courir après demandait une bonne dose de cardio. Les terminale commençaient déjà à montrer des signes de fatigue rien qu’en essayant de suivre son rythme absurde. Ça aurait probablement été plus facile pour eux de courir à la place.

Mikitani — Kôenji ! Arrête de faire le mec putain de merde !

Mikitani hurla, ayant jugé que Kôenji faisait semblant de garder la face.

Kôenji — Mon dieu, mon dieu, tu es bien bruyant. Que dirais-tu si j’accélérais le rythme ?

Sur ce, Kôenji se mit à courir pour la deuxième fois.

Mikitani — Pas cette fois ! Encerclez-le !

Les différents terminale qui suivaient à distance se rapprochèrent en même temps. Mais, juste avant qu’ils ne l’encerclent entièrement, Kôenji se glissa à travers les trous de leur formation.

 — C’est pas vrai !

L’un des terminale exclama sa surprise tandis que le son de sa voix fut happé par le bruit du vent. L’homme en question était déjà loin, traversant rapidement le terrain abrupt comme s’il courait sur une route uniforme d’un événement sportif scolaire. Et puis, avec une vitesse qui ferait honte à un sprinter de haut niveau, il disparut dans la forêt. Bon nombre de personnes parmi les groupes autonomes avaient confiance dans leurs capacités sportives. Même sur l’application OAA, ils avaient tous une note d’aptitude physique de B ou plus. Il s’agissait d’escouades que Nagumo et Kiriyama avaient rassemblées dans le but de monopoliser la plupart des tâches.

MIkitani — Attrapez-le ! Ne le laissez pas s’échapper !

Kiriyama — Attends, Mikitani ! N’agis pas sans mon accord !

Mikitani — Ta gueule putain ! Tu veux vraiment qu’il s’échappe encore ? On va attraper ce connard et le ramener de force !

Ignorant les ordres de Kiriyama, Mikitani et le reste des terminale se lancèrent à la poursuite de Kôenji.

Kiriyama — Quels idiots…

Kiriyama réfléchit un petit peu pour savoir s’il devait ou non les poursuivre, mais il décida finalement de sortir sa tablette pour établir une autre stratégie. Il lui était difficile de croire que Kôenji se lançait dans un sprint sans raison. Pour lui, il se dirigeait soit vers sa prochaine zone désignée, soit vers une tâche.

Kiriyama — Parmi les tâches à proximité, celle de l’E3 est la seule à laquelle il pourra participer, mais la récompense pour la première place n’est que de 8 points… Il ne serait pas surprenant qu’il donne la priorité aux 10 points de la prime de rapidité, mais… où se trouve exactement sa prochaine zone désignée ?

La zone D4 était la candidate la plus probable étant donné la direction qu’il avait prise, mais il aurait pu s’agir d’une zone désignée au hasard.

Kiriyama — …Quelle plaie mec. Impossible de lire en lui.

Kiriyama se rendit vraiment compte que Kôenji était plus qu’un individu excentrique. Ses actions semblaient défier complètement la logique.

3

L’objectif de Kôenji était la tâche en E3. En un clin d’œil, il arriva sur place et termina rapidement le processus d’enregistrement. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il s’arrêta finalement de bouger. Quelques minutes plus tard, Mikitani et les groupes autonomes le rattrapèrent, mais les inscriptions étaient déjà complètes. Ils furent contraints de s’asseoir et d’attendre la fin de l’épreuve. C’était un test d’anglais dont la difficulté était la même pour tous les élèves. C’était Dômichi, l’un des esprits les plus brillants de la terminale qui remporta la première place de justesse, suivi de très près par Kôenji, qui avait réussi à grappiller quatre points. Comme il y avait des enseignants et des personnes du staff dans les environs, Mikitani et les autres avaient prévu d’agir une fois que Kôenji aurait quitté l’endroit. Mais ce dernier se lança dans un sprint avant que les enseignants n’aient eu le temps de quitter le site de la tâche.

Ils avaient ainsi perdu l’initiative, n’ayant d’autre choix que de poursuivre activement un homme dont la vitesse dépassait de loin la leur. Ils réussirent ainsi à le rattraper encore une fois avant 15h, juste après que Kôenji soit arrivé à sa troisième zone désignée. Cette fois il fut entouré par tout le monde.

Kôenji — Vous êtes vraiment persévérants, je vous l’accorde.

Mikitani — On n’en a rien à foutre de ce que tu penses !

Ils avaient fait de leur mieux en cette onzième journée d’examen pour anticiper les tâches que Kôenji allait faire, mais pas une seule fois ils n’avaient pu l’arrêter. Leur fierté de terminale avait été piétinée. Nagumo aurait aussi été très déçu en apprenant la chose. La situation était tendue.

Kiriyama — C’est notre dernier avertissement, Kôenji.

Kiriyama s’exprima avec sévérité tandis que les groupes autonomes entouraient Kôenji pour ce qui semblait être la bataille finale.

Kiriyama — Tout ce que tu as à faire est de ne pas bouger une journée.

S’ils parvenaient à l’empêcher de bouger pendant 24 heures, c’était la première place d’assuré pour Nagumo. Tout ce qu’ils voulaient c’était empêcher le scénario où Kôenji chipait la première place à Nagumo.

Mikitani — H-hey, Nagumo a dit de l’occuper pendant deux jours. On devrait lui dire de ne pas bouger demain et après-demain non ?

Kiriyama — Nous perdrons la possibilité de vérifier les classements d’ici là. Même si je doute qu’il y ait d’autres groupes capables de nous rattraper, nous devrions nous concentrer sur l’amélioration de notre propre score au lieu d’essayer de faire taire quelqu’un d’autre.

C’était sa conclusion après avoir observé Kôenji jusqu’ici.

Kiriyama — Passer trois jours complets pour le contrer ne sert à rien.

Mikitani — Alors laisse certains d’entre nous ici pour le surveiller pendant deux jours et c’est tout !

Kiriyama — Tu penses vraiment que Kôenji va jouer le jeu ?

Si Kôenji ne restait sur place qu’un seul jour, il aurait encore d’assez bonnes chances de prendre la deuxième ou la troisième place au classement général. Cependant, s’il s’agissait de deux jours, il risquait de sortir du top 10.

Kiriyama — Ce n’est pas possible qu’il accepte une telle défaite sans broncher.

Mikitani — Eh bien tout dépend de comment on gère le truc.

Mikitani craqua finalement, ne pouvant plus supporter de suivre les ordres.

Kiriyama — …Tu crois vraiment pouvoir le faire ?

Mikitani — Bien sûr que je peux, et une fois que ce sera fait, ce sera à toi de me trouver un aller simple pour la classe A, compris ?

Mikitani s’avança, écartant Kiriyama pour s’adresser directement à Kôenji.

Mikitani — Tu as bien entendu. Demain et après-demain, tu restes ici.

Kôenji — C’est une demande ?

Mikitani — Non, c’est un ordre.

Kôenji — Quelle audace ! Et si je refuse ?

Mikitani — Dans le pire des cas, tu seras renvoyé.

Sur ces mots, Mikitani et le reste des terminale s’approchèrent encore plus. Leurs intentions étaient parfaitement claires. S’ils ne pouvaient pas résoudre ce problème pacifiquement, ils le feraient par la force. Malgré la menace, le sourire intrépide de Kôenji ne disparut pas. Il les regarda se rapprocher.

Mikitani — Vu que tu ne dis rien, ça veut dire que tu es d’accord ?

Kôenji — Je ne céderai face à personne.

Mikitani — Tu nous laisses pas le choix. On va devoir te soumettre par la force, pas vrai Kiriyama ?

Kiriyama — Je m’en fiche du moment qu’il cède. À toi de décider.

Après avoir entendu la réponse de Kiriyama, Mikitani laissa échapper un rire méprisant. Mais lorsque la dernière zone désignée de la journée fut annoncée, Kôenji se leva. Paniquant un peu, Mikitani fit aussitôt le signal de placement.

Mikitani — Je t’ai dit que tu allais rester ici !

Ils étaient si proches qu’il n’y avait pratiquement aucun moyen pour Kôenji de s’éloigner sans pousser Mikitani ou l’un des terminale à côté.

Kôenji — Je ne peux guère y voir une quelconque attirance dans ton approche. Vois-tu, je ne suis pas sodomite alors tu peux me lâcher.

Mikitani — Tu vas faire quoi ? Si tu forces le passage, je prendrai ça comme une déclaration de guerre.

Kôenji — Fufu, alors c’est comme ça ?

Kôenji sourit en faisant un pas en avant. Bien sûr, ce simple pas avait suffi pour qu’il entre en contact avec Mikitani. Cependant, il n’avait pas fait ce pas dans l’intention de le pousser. Il s’agissait plutôt d’un pas en avant ordinaire, qui se solda par un simple choc épaule contre épaule. Pour faire simple, c’était la tentative de Kôenji de passer en force devant Mikitani sans lever la main sur lui. Mikitani aurait pu être balayé, mais grâce à son physique solide, il était assez confiant dans sa capacité à tenir le choc. Pour lui, c’était l’occasion de prouver que ce n’était pas parce que Kôenji était rapide qu’il était fort, mais…

Mikitani — !!!

Il avait l’impression qu’un rocher s’écrasait lentement sur lui, et très vite, il n’eut d’autre choix que de s’écarter du chemin de ce rocher. D’un autre côté, Kôenji se contenta d’avancer comme si rien ne s’était trouvé devant lui.

Mikitani — Enfoiré ! attends !

Mikitani tendit désespérément la main pour attraper Kôenji par l’épaule, mais un effort aussi peu enthousiaste n’allait jamais l’arrêter. S’il laissait filer Kôenji maintenant sous son nez, le même jeu futile du chat et de la souris auquel il avait joué toute la journée d’aujourd’hui allait recommencer de plus belle. Ainsi, il a choisi de faire ce qu’il pouvait pour résister, mais il ne put empêcher Kôenji de le pousser en avant. Lorsqu’il réalisa que Kiriyama le regardait se débattre, Mikitani fit claquer sa langue et changea de rythme.

Il appela vivement à l’aide l’un de ses camarades, Morooka, pour maîtriser Kôenji. Cependant, au moment où Morooka posa sa main sur l’épaule de Kôenji, il se retrouva entraîné par l’élan de Kôenji. Une fraction de seconde plus tard, il s’effondra au sol de façon spectaculaire sous le coup de la douleur.

Morooka — Aaaagh ! Je crois que mon bras est cassé !

Morooka se mit à hurler au sol, un peu comme un joueur de football qui se serait blessé sur le terrain. En voyant ce qui était arrivé, Mikitani contourna rapidement Kôenji, lui barrant la route rapidement.

Mikitani — Regarde ce que t’as fait, Kôenji ! Tu l’as blessé !

Kôenji — Il a l’air plutôt de simuler une blessure non ?

Mikitani — Dis ce que tu veux, tu l’as poussé.

Tout le monde voyait que le vent avait tourné, car ils s’approchèrent à nouveau de Kôenji, l’empêchant complètement de s’échapper. L’approche plus modérée qu’ils avaient utilisée jusqu’à maintenant appartenait désormais au passé.

Kôenji — J’en suis donc arrivé au point où je ne peux plus ignorer vos actions, hm ? Que faire, que faire ? Je me le demande ?

Mikitani — T’as trop la confiance et tu penses pouvoir nous battre j’imagine ? Mais ce serait problématique si tu le faisais.

C’était une manière pour Mikitani de l’avertir en précisant que Kôenji ne pourrait pas poser un seul doigt sur eux. Cependant, plutôt que de réfuter le point de vue de Mikitani, Kôenji resta fidèle à lui-même.

Kôenji — Je n’ai aucunement l’intention de faire preuve de pitié envers ceux qui se mettent en travers de mon chemin, et encore moins envers ceux qui montrent les crocs en le faisant.

Ayant entendu Kôenji dire qu’il n’hésiterait pas à recourir à la violence, l’expression de Mikitani se durcit un instant.

Mikitani — Et si on te dénonce ?

Kôenji — Et si ? Ça ne ferait qu’entacher votre dossier. Une bande de terminale qui tente de saboter un élève de première, voilà tout.

La confiance de Kôenji provenait du fait qu’il savait que toutes les montres des terminale fonctionnaient correctement. Si ce n’était pas le cas, leur stratégie consistant à essayer de prédire les tâches auxquelles Kôenji se présentait et à s’y inscrire à l’avance ne les aurait menés nulle part. Après tout, il fallait une montre en état de marche pour s’inscrire aux diverses tâches.

Kôenji — Alors, on a fini ? À cause de vous, je vais peut-être rater ma prime de rapidité.

Cela faisait plus de dix minutes que la dernière zone désignée de la journée avait été annoncée et des concurrents devaient être en chemin. Il y avait de fortes chances que Kôenji ne puisse pas obtenir la première place, mais il était impossible de dire exactement comment les choses allaient se passer.

Mikitani — Désolé, mais… on ne te laissera pas partir.

Mikitani parlait avec certitude, faisant comprendre que lui et ses amis ne cesseraient jamais de s’en prendre à Kôenji.

Mikitani — On ne va pas non plus être gentils avec toi pour toujours.

Kôenji — Vous avez l’intention de continuer à vous montrer menaçants ?

Bien que de nombreux terminale avaient été jusqu’à présent désemparés par l’atmosphère bizarre qui régnait autour de Kôenji, ils se rappelèrent leur but initial. Ils savaient très bien à quel point il était honteux que tant de terminale entourent un élève seul d’une classe inférieure, mais c’était la seule option. En temps normal leur adversaire aurait cédé après avoir réalisé à quel point ils étaient vraiment désespérés. Mais Kôenji était différent. Il ne s’intéressait à personne d’autre que lui-même. Il ne cherchait qu’à satisfaire son sens de l’esthétisme. Ses longs cheveux blonds n’avaient rien à envier à ceux d’une femme, et il était clair qu’il en avait pris soin même pendant son séjour sur l’île. Ce dernier balaya légèrement sa frange sur le côté et afficha un sourire plein de confiance.

En voyant cela, Mikitani se sentit envahi par un mélange d’admiration et de crainte et fit inconsciemment un demi-pas en arrière.

Kôenji — Le temps c’est de l’argent, je vous attends.

Kôenji écarta les bras, semblant inviter les terminale à porter le premier coup.

— T’es sûr de ça, Mikitani ? Genre à 100% ?

L’un de ses compagnons demanda timidement confirmation. Après un moment de silence, Mikitani renforça sa détermination et lança l’ordre inévitable.

Mikitani — …Oui. Dans le pire des cas, on n’aura qu’à faire tomber Kôenji avec nous. ATTRAPEZ-LE !

Avec les mots de Mikitani comme cri de guerre, trois terminale chargèrent simultanément Kôenji. L’un d’eux vint par l’arrière pour essayer de retenir ses bras tandis que les deux autres arrivèrent par l’avant et la gauche. Au premier coup d’œil, on pouvait penser qu’il était difficile de faire face à trois assaillants, mais ils n’étaient pas vraiment expérimentés en combat.

Leurs mouvements manquaient également de coordination si bien qu’on aurait pu croire qu’ils s’étaient tous jetés sur Kôenji sans réfléchir. Aucun d’entre eux n’avait sérieusement essayé de le blesser non plus. Au contraire, ils semblaient tous penser que quelqu’un d’autre donnerait les coups. C’est pourquoi Kôenji évita l’impact d’un pas assuré sur le côté, provoquant une collision entre eux.

 — Mec ! C’est lui qu’il faut attaquer, pas moi !

 — Parle pour toi !

Les terminale commencèrent à se disputer en se rejetant mutuellement la faute et inutile de dire que c’était le scénario idéal que Kôenji espérait

Mikitani — Ne perdez pas de vue la raison de notre venue ici ! Notre cible est Kôenji seul !

Mikitani, le combattant le plus expérimenté d’entre eux, rappela à l’ordre ses camarades pour ne pas que la cohésion éclate.

4

Peu après le début du combat, Kôenji fut entouré de terminale épuisés. Ils étaient tous à genoux, la respiration lourde. Il avait brisé leur moral en esquivant sans effort leurs assauts sans jamais porter un coup.

Mikitani — Haaa… Haaa… Bordel, t’es quoi au juste ? Un monstre ? Pourquoi faire tous ces efforts ? Ça n’aurait pas été plus simple de te débarrasser de nous comme tout à l’heure ?

Mikitani plia sous la peur, ayant réalisé que Kôenji pouvait facilement s’en prendre à lui à tout moment.

Kôenji — C’est assez ennuyeux de vous voir me suivre tout le temps, tu sais ? C’est désagréable, comme si le vent balayait sans cesse des feuilles mortes d’automne pour les amener sur mon visage.

Écoutant non loin calmement, Kiriyama fit une analyse de la situation.

Kiriyama — Tu n’as pas tort, Mikitani était prêt à te pourchasser jusqu’au bout et j’imagine que tu voulais le briser psychologiquement en montrant à quel point tu es intouchable. Mais de là à penser que tu ne lèverais pas le petit doigt. Quelle prouesse digne de toi.

Kôenji avait décidé d’étouffer ce problème dans l’œuf ici et maintenant, même s’il fallait pour cela renoncer à une chance d’obtenir la prime de rapidité. Ainsi, Kiriyama et le reste des terminale s’étaient bien fait avoir.

Kiriyama — Ça va Mikitani ?

Mikitani — O-Ouais. J’suis pas blessé…

Certains étaient tombés par accident, tandis que d’autres s’étaient pris le sol suite aux esquives de Kôenji, mais tout le monde était à peu près indemne. Tout au plus, quelques égratignures sur les mains. Que Kôenji n’usa jamais de violence illustrait encore mieux la différence écrasante de niveau.

Kôenji — Je vais prendre congé, si cela ne vous dérange pas.

Kiriyama — Fais ce que tu veux, Kôenji.

Kôenji — Veuillez m’excuser, alors. Adieu.

N’ayant plus personne pour l’arrêter, Kôenji s’en alla. Une fois que le jeune homme disparut, Mikitani, dépité, commença à marmonner dans sa barbe.

Mikitani — Ce mec est vraiment un simple lycéen ?

Kiriyama — Dans la vie, il y aura toujours des gens qui ne font rien comme le commun des mortels. Ça vaut pour Nagumo.

Mikitani — Alors on est juste coincés à ramper sur le sol comme ça pour le restant de nos jours, c’est ça ?

Mikitani tapa du poing sur le sol, frustré par sa propre impuissance.

Mikitani — Ce monstre me fait passer pour une merde ! Putain de bordel !!!

Kiriyama — Notre combat n’est pas encore terminé.

Kiriyama jetai un regard dans la direction où était parti Kôenji avant de répondre à son talkie-walkie.

Mikitani — Quoi, tu vas signaler mon échec à Nagumo ?

Kiriyama — Et à quoi ça servirait à ce stade ? Tu sais, j’ai bien l’intention de gagner.

Mikitani — D’accord.

Kiriyama — Ne t’en fais pas, Mikitani. J’avais anticipé sa force extraordinaire. Mais, quelle que soit la personne, tout le monde a une faiblesse. Ça passe ou ça casse comme on dit et j’ai bien l’intention d’y aller à fond. Sinon mieux vaut ne rien faire.

Mikitani hocha silencieusement la tête, se sentant au moins quelque peu soulagé par les paroles de Kiriyama. Kiriyama, quant à lui, n’était pas le moins du monde ébranlé par ce qui s’était passé aujourd’hui. Après tout, il avait prévu dès le départ que les choses se termineraient ainsi. Tout cela faisait partie de sa stratégie visant à faire baisser la garde de Kôenji maintenant qu’il croyait que les terminale avaient renoncé à l’arrêter.

Malgré les efforts de tous les groupes autonomes, ils n’avaient effectivement rien accompli aujourd’hui. En conséquence, Kôenji avait probablement l’impression que les terminale dans leur ensemble étaient du menu fretin. Et c’était exactement ce que Kiriyama espérait.

5

Nous étions le onzième jour, peu avant 17h. Je venais à peine d’arriver à ma dernière zone désignée, J10, que je fus captivé par le paysage rocheux et vallonné qui s’offrait à moi. S’il était important pour moi de collecter des points et des provisions grâce aux tâches, il était encore plus important de garder un œil sur ma position actuelle dans le classement.

Après tout, il était étonnamment difficile de me maintenir à la onzième place en permanence. Non seulement je devais éviter d’être pénalisé pour avoir manqué trop de zones désignées, mais je devais aussi gagner juste assez de points pour rester près du top 10.

Hier, la troisième zone désignée fut B9, une désignation aléatoire que je devais atteindre depuis F4. Vu la distance à parcourir, j’avais presque immédiatement renoncé à y arriver à temps. Je n’avais pas non plus réussi à atteindre la zone suivante, C9, ce qui signifie que j’avais manqué deux zones d’affilée.

 J’avais heureusement réussi à éviter la pénalité en atteignant ma première zone désignée ce matin, C8, mais on annonça ensuite une autre désignation aléatoire tout en bas en H9, que j’ai bien entendu manquée une fois de plus. La malchance continua puisque je passai le reste de la matinée à rattraper la zone annoncée après celle-ci, I9.

Lorsqu’une désignation aléatoire décide de nous envoyer de l’autre côté de l’île, nous n’avons pas d’autre choix que de nous efforcer à y aller en espérant être chanceux par la suite. Et après l’expérience que j’avais vécue récemment, il était clair que ces désignations aléatoires lointaines étaient le principal obstacle auquel les groupes devaient faire face, ainsi que la raison numéro une pour laquelle leurs points ne semblaient jamais augmenter.

Le chemin que j’avais emprunté pour me rendre en J10 était difficile à arpenter, mais non loin devant, je pouvais entendre des discussions entre des filles et des garçons.

Le vent était assez fort, donc je ne pouvais pas vraiment comprendre ce qu’ils disaient, mais malgré cela, leurs voix me semblaient familières.

Je m’étais dit que je devais m’approcher pour voir s’il y avait des connaissances. Les voix venaient de la direction ouest, près de la bordure de mer.

En me dirigeant dans cette direction, je repérai un groupe de trois filles de la 1ère B : Isoyama Nagisa, Morofuji Rika et Shiina Hiyori.

Elles étaient avec un autre groupe de première, un groupe que je n’avais pas vu depuis le premier jour de l’examen. À savoir, celui de Ishizaki Daichi, Nishino Takeko, et Tsube Hitomi.

Nos groupes avaient chacun une route différente, mais apparemment nos zones désignées s’étaient chevauchées cette fois-ci.

— Oh ? Mais n’est-ce pas Ayanokôji-kun ?

Sur les six, cinq étaient complètement absorbés par leur conversation.

Seule Hiyori, qui était assise non loin devant moi et un peu à l’écart des autres, remarqua ma présence.

Elle me fit signe de venir vers elle dès que nos regards se croisèrent.

Moi — Tu sembles mieux t’en sortir que je ne le pensais.

Hiyori — C’est parce que nous avons travaillé d’arrache-pied pour tenir le rythme. Nous sommes même passés à un groupe de six.

Autrement dit, son groupe avait fusionné avec celui d’Ishizaki. Pour être honnête, leur groupe n’avait pas l’air d’avoir beaucoup de potentiel, mais Hiyori suffisait amplement pour faire office de matière grise et de moteur, même si ses capacités physiques étaient plutôt faibles. En fait, si l’on considérait le groupe dans son entièreté, il était plutôt équilibré.

Moi — Tu avais prévu de rejoindre le groupe d’Ishizaki depuis le début ?

Hiyori — Disons que J’avais plusieurs groupes en tête auxquels je voulais me joindre si j’en avais l’occasion, et c’était l’un d’entre eux.

Elle s’exprima sans même essayer de cacher quoi que ce soit, en tournant son regard vers Ishizaki et les autres qui étaient plongés dans une discussion amicale. Ils contemplaient en même temps le coucher de soleil à l’horizon, apaisant leurs esprits fatigués. Étant donné que le groupe était principalement composé d’élèves de 1ère B, ils semblaient bien s’entendre entre eux. Même Tsube, le seul élève d’une autre classe, semblait se fondre dans le groupe.

Hiyori — Et toi, Ayanokôji-kun ? Aucun souci de santé, j’espère ?

Même si elle avait vu que j’étais tout seul, Hiyori ne sembla pas particulièrement inquiète ou surprise à ce sujet.

Moi — Oui. Jusqu’ici tout va bien.

Hiyori — Je ne pense pas qu’il y ait de quoi s’inquiéter, mais fais attention. Après tout, il suffit d’une seule blessure pour se retirer.

Moi — Je sais.                      

Elle tapota le sol à côté d’elle, alors j’acceptai son offre et je m’assis.

Hiyori — Plus que trois jours, hein ?

Elle me posa une question alors que nous regardions la mer. Il n’y avait pas l’air d’avoir une signification spéciale derrière ses paroles.

Moi — Ouais.

J’acceptai le silence paisible qui s’installa ensuite, tout en se prélassant sous les rayons du soleil couchant.

Normalement, lorsque je rencontrais un ami ou quelqu’un dont j’étais proche, la première chose qu’il me demandait, c’était comment je m’en sortais. Puisque nous étions au beau milieu d’une âpre bataille avec notre avenir en jeu, il était normal d’être curieux. Hiyori pourtant, ne semblait pas vouloir me demander combien de points j’avais gagnés. Plutôt que d’être désintéressée, on aurait plutôt dit qu’elle était simplement convaincue que je ne serais pas expulsé.

— Oiiii ! c’est toi, Ayanokôji !

Ayant enfin remarqué ma présence, Ishizaki m’interpela tout sourire. Ses camarades m’avaient aussi remarqué, mais plutôt que de partager la joie inexplicable d’Ishizaki, ils l’attrapèrent par l’épaule.

Ishizaki — Quoi ?

Nishino — Ne les dérange pas.

Ishizaki — Hein ? C’est pas comme si Ayanokôji me détestait hein !

Nishino — C’est pas la question.

Tsube — C’est un des charmes d’Ishizaki-kun, tu trouves pas ?

Nishino — Charmes ? Tu plaisantes j’espère ? Il n’y a rien de charmant dans le fait de ne pas savoir comprendre l’ambiance.

Tsube — C’est… Eh bien, oui, je ne peux pas vraiment le nier.

Il semblerait que Nishino et Tsube se soient vraiment ouverts l’une à l’autre depuis la dernière fois. Ce rapprochement était probablement un phénomène commun à de nombreux groupes au vu de la longue période qu’ils avaient passée ensemble sur cette île déserte à se serrer les coudes. Si l’on passait chaque instant à travailler avec quelqu’un pour éviter une expulsion mutuelle, il devenait facile d’ignorer ses petits défauts.

Mais d’une certaine manière, c’était cruel. Une fois cet examen terminé, la guerre entre les classes allait reprendre, laissant présager un avenir rempli de conflits pour chacun de nous. Lorsque ce moment viendra, il y aura probablement un paquet d’élèves qui ne seront pas capables de faire des choix difficiles au vu des liens qu’ils avaient créés avec ces personnes.

Moi — Désolé de vous avoir tous dérangés.

Je les saluai en me levant pour partir, ayant conclu qu’ils ne seraient pas en mesure de parler librement entre eux avec moi dans les parages.

Cependant, Ishizaki se précipita vers moi et enroula son bras autour de mon épaule avant que je ne puisse aller très loin.

Ishizaki — C’est stressant d’être le seul gars dans ce groupe plein de nanas, alors pourquoi ne pas traîner un peu avec nous, Ayanokôji ?

Moi — Traîner avec vous… ?

Ishizaki — L’examen est terminé pour la journée de toute façon, et je parie que tu avais prévu de t’installer en I9 pour la nuit, non ?

Bien qu’il s’agît de ma dernière zone désignée pour la journée, J10 n’était pas très bien adaptée pour s’installer en raison des vents violents et du sol irrégulier et rocheux. Dans un sens, Ishizaki avait raison. J’avais en effet prévu d’éviter le littoral et de planter ma tente quelque part en I9, mais…

Hiyori — Je pense que c’est une excellente idée !

Hiyori se leva et s’approcha de nous, exprimant son soutien à l’idée d’Ishizaki. Dans l’ensemble, Ishizaki et Hiyori étaient en relativement bons termes avec moi, ce n’était donc pas un problème pour nous de partager un emplacement ensemble. Mon souci était de savoir ce que les autres filles en pensaient.

Nishino — Je suis d’accord si vous êtes tous ok. Ayanokôji-kun a l’air inoffensif de toute manière.

Tsube — Sans problème.

Mais, apparemment, aucune d’entre elle n’avait l’air d’être gênée. C’était Difficile à exprimer, mais leur groupe semblait jouir d’une atmosphère particulièrement conviviale.

On aurait pu croire qu’ils avaient oublié qu’ils se trouvaient au milieu d’un examen spécial sans pitié dont l’enjeu était lourd.

C’était le type d’atmosphère que l’on pouvait trouver au sein de groupes issus de la classe d’Ichinose, mais je suppose que la classe de Ryuuen commençait progressivement à changer elle aussi.

6

 — Ayanokôji-senpai… ! Ayanokôji-senpai… !

Plus tard dans la nuit, alors que tout le monde s’était déjà endormi, je me réveillai au son d’une voix qui chuchotait mon nom depuis l’extérieur pour ne réveiller personne dans le campement.

Je regardai brièvement ma montre pour voir l’heure qu’il était, mais à ma grande surprise, il était 2h30 du matin.

Nanase — C’est moi, Nanase.

Je me réveillai rapidement et passai la tête hors de ma tente. Bien sûr, Nanase se tenait dans l’obscurité devant moi, sa silhouette faiblement éclairée par la lumière de sa tablette. Malgré l’obscurité, je pouvais voir qu’elle était paniquée.

Moi— Qu’est-ce que tu fais ici si tard… ? Tu n’es pas blessée j’espère ?

Nanase — Je vais bien, il se trouve que j’ai atterri ici en I9 comme toi senpai. En fait, je t’ai vu de loin plus tôt dans la soirée, mais j’avais décidé de ne pas entrer en contact puisque j’étais avec Hôsen-kun.

Moi — Alors…

Nanase — Il y a urgence. Aujourd’hui… enfin hier vu l’heure tardive, Hôsen-kun m’a dit que le douzième jour, les seconde mettront en œuvre un plan à grande échelle pour essayer de te piéger, senpai.

Moi — Un plan à grande échelle ? Il t’a demandé d’y jouer un rôle ?

Nanase — Pas vraiment… comment dire… Bon, je vais te raconter depuis le début.

Après avoir pris une profonde inspiration, Nanase commença à expliquer ce qui s’était passé. Apparemment, on avait dit à Hôsen de rencontrer Takahashi, Yagami, Tsubasa et Utomiya, mais il ne s’était jamais présenté à la réunion.

Nanase ne savait pas exactement quel jour cette réunion avait eu lieu, mais plus tard, le neuvième jour, un autre élève s’était approché de Hôsen, un talkie-walkie à la main, prétendant être un émissaire du groupe.

Il était venu demander la coopération de Hôsen une fois de plus et émis plusieurs objectifs. Forcer mon retrait pendant la phase finale de l’examen spécial et traquer les élèves des classes supérieures qui passaient l’examen seuls pour les forcer à se retirer également.

L’émissaire remit à Hôsen le talkie-walkie et lui dit qu’il le contacterait le jour même avec les détails. Cependant, d’après ce que Hôsen avait dit à Nanase, il n’avait pas l’intention de travailler avec les autres seconde. Au contraire, il prévoyait de faire semblant de coopérer avec eux tout en les utilisant pour atteindre ses propres objectifs. Quoi qu’il en soit, tout cela ne fit que confirmer mes soupçons. Heureusement, j’avais déjà pris des mesures.

Moi — Ils ont fait le bon choix en se gardant de révéler les détails.

Si les détails de leur plan avaient fuité jusqu’à mes oreilles, cela n’aurait fait que me faciliter la tâche. En fait, ils n’avaient toujours pas révélé les détails de leur plan à Hôsen par crainte légitime qu’il ne les trahisse.

Moi — Qui est aux commandes de tout ça ?

Nanase — Je ne sais pas, mais Hôsen a parlé avec Tsubaki-san.

Moi — Je ne m’attendais pas à ce qu’elle prenne les devants.

Nanase — C’est ce que je pensais aussi. En fait, j’avais l’impression que la 2nde C était centrée sur Utomiya-kun. Cependant, j’ai ouïe dire que Hôsen-kun et Utomiya-kun étaient en mauvais termes. Ils se provoquaient beaucoup alors il est possible que Tsubaki-san ait juste été choisi pour servir d’intermédiaire via le talkie-walkie.

C’était certainement possible, mais quelqu’un comme Yagami ou Takahashi pouvait tout aussi bien être celui qui tirait les ficelles.

Moi — Je te suis déjà très reconnaissant de m’avoir donné le jour où ils vont agir. Je sais qu’il est tard, mais tu ferais mieux de ne pas rester ici trop longtemps. Il ne faut pas qu’ils découvrent ce que tu as fait.

Hormis ma situation, se faire prendre maintenant pouvait potentiellement causer beaucoup de problèmes pour la vie scolaire de Nanase à l’avenir. Pour le meilleur ou pour le pire, elle était coincée dans la même classe que Hôsen, et cela n’allait pas changer de sitôt. Par conséquent, je lui avais sommé de partir avant que Hôsen ne se rende compte de ce qu’elle manigançait.

Nanase — Très bien. Je te recontacterai s’il y a du nouveau.

Moi — Ah, ne fais pas ça. J’apprécie, mais tu en as déjà fait assez. Même si tu vois qu’il y a du nouveau, pas besoin de me faire un rapport. Tu n’as pas à m’aider sans cesse.

Nanase — Mais…

Moi — J’ai déjà suffisamment d’informations alors concentre-toi sur ce que tu dois faire pour ton groupe.

Si Nanase devait perdre leur confiance maintenant, je perdrai une source d’informations non négligeable. Elle perdrait ainsi beaucoup de valeur.

Nanase — Si tu le dis, senpai… Je comprends.

Après une grande inclinaison pour me saluer, Nanase s’enfonça dans l’obscurité. Une fois que sa silhouette s’évanouit, je pris ma tablette et réfléchis pendant une seconde. Alors que mes yeux s’adaptaient à la luminosité de l’écran, je pouvais sentir ma somnolence disparaître pour de bon. S’il était probablement certain que les informations transmises par Nanase étaient vraies, savoir si les choses allaient finir par se dérouler de cette façon était une tout autre histoire. Je ne connaissais pas grand-chose de la 2nde D, mais je savais que Hôsen utilisait le même genre de tactiques que Ryuuen pour garder le contrôle de sa classe.  La seule différence était que Hôsen se fichait de l’intérêt d’autrui quand il y avait des obstacles.

Hôsen avait pourtant gardé Nanase à ses côtés depuis leur première inscription ici ce qui était explicable, car Nanase avait une force mentale inouïe pour une lycéenne de seconde. S’ajoutait à cela ses aptitudes scolaires et physiques impressionnantes, c’était le genre de personne à garder auprès de soi sans hésiter. Cependant, il fallait voir à quel point Hôsen lui fait vraiment confiance. Si ce n’était pas le cas, alors il est possible qu’il ait tout révélé dans le but de l’induire en erreur. Et même si je ne pensais pas que Hôsen avait compris que Nanase était de mon côté, je ne serais pas surpris de sa méfiance. Vu qu’Amasawa était impliquée, il y avait toujours une chance qu’elle lui ait tout dit aussi…

En tout cas, ce plan de la part des seconde n’était pas vraiment une surprise. Etant donné que ma tête était mise à prix, je me doutais qu’ils allaient essayer de m’avoir à mon arrivée ici. Je lui étais reconnaissant de m’avoir prévenu, mais mon plan restait toujours le même.

7

Après une brève sieste, j’allumais la recherche GPS au coup de 6h du matin pour voir s’il y avait une activité inhabituelle parmi les meilleurs élèves de seconde, Hôsen compris. Il n’en était rien pour le moment.

Hôsen avait la même route que moi alors il était normal qu’il soit proche de ma position, mais tous les autres étaient au moins à trois cases de distance. Rien n’indiquait qu’ils préparaient quelque chose. Il était difficile d’imaginer être attaqué en public, donc tant qu’Ishizaki et les autres étaient à proximité, je pouvais me considérer en sécurité.

Hiyori, Ishizaki et les autres commencèrent à se réveiller et à se préparer pour ce douzième jour d’examen. Quand tout le monde fut prêt, nous commençâmes à faire la route ensemble. Ishizaki était encore dans le coaltar et se plaignait, mais nous ne pouvions rien y faire. Nous perdrions des points si la zone où nous étions devenait désignée.

Ishizaki et Nishino commencèrent à parler. Ils avaient dû faire les pipelettes comme ça pendant plus de dix jours. Le reste du groupe quant à lui, se concentra sur la marche, comme s’ils n’écoutaient pas.

Hiyori — Ayanokôji-kun, tu ne t’es pas senti seul durant cet examen ?

Hiyori, qui marchait à côté de moi, me posa cette question.

Moi — Pas particulièrement. Je me sens plus à l’aise en fait.

Hiyori — Pour moi, c’est quelque peu effrayant…

Moi — Toi avoir peur ? Je n’arrive pas à l’imaginer.

Parce qu’elle était toujours si détendue, elle semblait insensible à ces questions, et même lorsque des phénomènes paranormaux se produisaient, elle était du genre à frapper ses mains en trouvant ça incroyable.

Hiyori — Bien entendu que je peux ressentir la peur. C’est pourquoi je suis sincèrement impressionnée par toi.

Je pense que Horikita et Ibuki étaient mieux que moi à ce niveau. Plus nous luttions contre la solitude, plus notre état mental s’affaiblissait, et plus il commençait à penser à des choses inutiles en se faisant des films.

Hiyori — Vivre seule sur une île déserte c’est… Impossible pour moi.

Hiyori ne voulait pas l’imaginer. Je vis ainsi une nouvelle facette d’elle.

Ishizaki — Ils sont très proches, non ?

Je ne sais pas combien de temps il avait marché devant tout le groupe, mais Ishizaki se retourna et nous fixa comme s’il me disait de ne pas faire attention à lui.

Ishizaki — Pourquoi ils sortent pas ensemble ? Comme ça Ayanokôji viendra dans notre classe.

Nishino — Arrête d’y penser !

Nishino donna un bon coup de poing à Ishizaki qui hurla en se tenant la tête.

Hiyori — On te perturbe à ce que je vois, Ishizaki-kun.

Avec un petit rire, Hiyori répondit sans avoir l’air de s’en soucier plus que ça. Si je prenais les paroles d’Ishizaki pour argent comptant à chaque fois, ce serait problèmes sur problèmes alors je décidai de laisser tomber.

Ishizaki— Aïe, ça fait mal. Si tu veux qu’Ayanokôji soit dans notre groupe, c’est nécessaire non ?

Nishino — T’es bien le seul à être obsédé par Ayanokôji-kun.

Pour ceux des autres classes qui n’avaient pas les détails, c’était un mystère.  En effet, obtenir un score parfait à un examen était une sérieuse prouesse.

Ishizaki — On est pas sur la même longueur d’onde ?

Nishino — Personne n’est sur la même longueur d’onde que toi en fait.

Face à la réponse cash de Nishino, Ishizaki chercha aussitôt de l’aide.

Hiyori — Ce n’est pas vrai. On sent qu’Ishizaki-kun est déterminé. Il n’y a qu’à voir son regard.

Après la remarque de Hiyori, tout le monde baissa la tête en même temps, montrant leur incompréhension.

Ishizaki — Qu’est-ce que tu veux dire ?

Hiyori — Ce que ça veut dire. Je ne répondrai pas à d’autres questions.

Nishino — En tout cas, sois content que Shiina-san te complimente.

Ishizaki — Ouais, même si j’ai pas capté, je suis content.

Je n’avais rien à dire et je ne voulais pas être méchant alors je restai silencieux. Plus tard, à 7h du matin, apparut la première zone désignée en H10.

Hiyori et ses amis se dirigeaient vers J9, alors nous n’allions pas être en compétition. J’étais soulagé, car il n’aurait pas été judicieux d’affronter des élèves de la même année.

Hiyori — On se verra plus tard, Ayanokôji. À plus.

Ishizaki — Il reste que quelques jours alors garde la pêche !

Ishizaki m’offrit son poing que je tapai en retour, puis nous prîmes des chemins différents. Après une courte marche, je crus entendre une voix derrière moi. Je me retournai et vis Ishizaki et Hiyori qui me faisaient signe au loin. Je leur fis un signe en guise d’au revoir et me dirigeai en H10.

Je n’avais pas ménagé mes efforts pour répéter la recherche GPS à chaque heure de la journée, mais il n’y avait encore rien d’inhabituel parmi les seconde. Les informations que Nanase s’était risquée à me transmettre n’étaient pour le moment d’aucune utilité.

Soit Amasawa, qui était au courant de la trahison de Nanase, avait signalé une fuite probable de l’information, soit le plan devait se dérouler aujourd’hui, mais il avait été reporté ou annulé à cause d’un incident. En tout cas, je ne pouvais pas baisser ma garde pour les deux jours à venir.

J’avais dû ignorer les troisième et quatrième zones désignées de la journée à cause de la désignation aléatoire. Je n’avais pas perdu beaucoup de places dans le classement, mais j’avais quand même dépensé beaucoup de points pour mes recherches GPS. Je me trouvais maintenant à la seizième place.

Demain, je devais à tout prix atteindre une zone désignée pour éviter la sanction.

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