CLASSROOM Y2 V2 : CHAPITRE 1


Bouleversement dans la vie scolaire

—————————————-
Traduction : Ayanokôji is the best
Correction : Nova, Raitei
———————————————–

Ce jour-là, la classe de première D fut confrontée à une situation étrange qu’elle n’avait jamais connue auparavant. La jambe droite de Teruhiko Yukimura tremblait, tandis qu’il regardait encore et encore vers l’entrée de la classe.

Hasebe — Tu peux te calmer un peu ? Ça fait même pas 5 minutes que Kiyopon est parti. Il a été appelé par la prof, non ? Ça va durer un moment.

Dit Haruka Hasebe, une camarade de classe et amie proche de Yukimura. Sakura Airi et Miyake Akito étaient assis autour d’elle.

Yukimura — Je suis calme… ne t’inquiète pas.

Répondit Yukimura qui avait arrêté de remuer la jambe. Mais il ne fallut pas longtemps pour qu’il se crispe à nouveau. Il secouait doucement sa jambe de haut en bas, et son pantalon bruissa.

Yukimura avait prévu de parler à Ayanokôji à la fin de l’heure, mais il y avait temporairement renoncé à cause de Horikita venue le prévenir qu’il était attendu par Mlle. Chabashira. Yukimura s’était alors résigné à attendre son retour dans la classe.

Hasebe soupira, un peu impuissante, et regarda par la fenêtre. Sachant que Yukimura n’avait pas l’habitude de remuer ainsi de la jambe, elle comprit qu’il était inutile d’essayer de le calmer davantage.

L’atmosphère dans la classe de première D était lourde. Le ciel de mai qui annonçait le printemps était si azur et clair, si beau, pensait-elle sûrement. Puis, elle repensa à tout cela. Comment la situation était-elle devenue si tendue ?

Les élèves de 2nde et de 1ère avaient participé en duo à un examen en avril. Dans la cinquième épreuve de cet examen, leur ami Kiyotaka Ayanokôji avait obtenu la note maximale en mathématiques.

Sur un test normal, il n’aurait pas été surprenant de voir des élèves obtenir un tel score. Étant bon élève, Yukimura était de ceux qui pouvaient y prétendre. Bien sûr, parfois, un outsider y arrivait aussi. Soit cet élève s’était minutieusement préparé, soit il avait eu de la chance avec le sujet choisi.

Mais cet examen était totalement différent des précédents.

Bien qu’étant moins forte que Yukimura, Hasebe l’avait aussi remarqué. Dans cet examen spécial, et sur les 5 épreuves confondues, la seule personne de la classe à obtenir une note maximale était Ayanokôji. Cela ne pouvait pas être expliqué par un bachotage à l’avance ou par la chance.

En tant qu’amie, Hasebe ne pouvait pas laisser Yukimura seul et agité. Elle avait d’autres projets, mais à la fin, elle avait décidé de rester avec lui. Curieuse de savoir comment Ayanokôji avait fait.

Hasebe — La question était-elle si difficile ?

En entendant la question, Yukimura hocha la tête sans hésiter.

Yukimura — La question n’est pas de savoir si c’était difficile ou non. Je n’ai même pas compris l’énoncé, sur le moment.

Ce que Yukimura voulait dire, c’était qu’il n’avait même pas dépassé le stade de comprendre la consigne elle-même.

Yukimura — Après l’examen, j’ai fait des recherches approfondies et j’ai trouvé qu’elle allait bien au-delà du programme scolaire d’un lycéen. Dit simplement, c’était une question que personne n’aurait dû être en mesure de résoudre.

Hasebe — Pourquoi ils ont fait ça ? C’est quoi leur problème ?  Ils ont volontairement dépassé les limites de ce qui nous a été enseigné.

Yukimura — C’est vraiment pas normal. C’est ce qui a drastiquement fait baisser la note maximale que l’on pouvait obtenir dans chaque matière. Mais, il y avait aussi beaucoup de questions qui n’étaient pas aussi difficiles que ce que Chabashira nous avait dit.

En plus de proposer quelques questions très difficiles et hors programme, il y avait également quantité de questions faciles. En d’autres termes, cet examen avait été préparé de telle sorte à ce que personne n’obtienne de score trop faible mais aussi avec un plafond de verre, que nul ne devait dépasser.

Hasebe — Donc ils ont compensé en relevant la moyenne générale avec les autres questions ? Après tout, on risquait l’expulsion avec des notes trop basses, ce n’était pas vraiment un luxe…

En soi, c’était quelque chose dont on pouvait se réjouir, mais pour Yukimura, c’était sans intérêt.

Yukimura — Ayanokôji a obtenu un score parfait, ce qui devait être normalement impossible. Je… c’est comme si j’étais témoin de sorcellerie !

Yukimura avait appelé Ayanokôji par son nom de famille, ce qui montrait son ressentiment.

Sakura — Alors il a résolu une telle question…Kiyotaka-kun est vraiment étonnant !

Dit Sakura avec un léger sourire, dans le but de détendre un peu l’ambiance pesante. Mais cela eut l’effet inverse, et le visage de Yukimura se crispa davantage.

Yukimura — J’avais analysé les capacités académiques de chacun l’an dernier, au moins à un certain niveau. C’est pourquoi je suis si surpris par ce résultat : de ce que je savais sur vous, personne n’aurait dû être capable de résoudre ce problème.

— Vous pouvez m’en dire plus ?

En entendant la conversation du groupe Ayanokôji, Shinohara se joignit à eux. Sans qu’il ne le remarque, plusieurs de ses camarades de classe écoutaient ce que disait Yukimura.

Yukimura — Vous avez consulté la tablette ? Y a-t-il quelqu’un dans la classe qui a obtenu la note maximale dans l’une des matières ? Pas que je sache. Regardez aussi les autres classes. Regardez sur notre promotion. Pas un seul élève, ni Ichinose ni même Sakayanagi, n’a eu de note maximale.

Les faits parlaient mieux que les mots. Yukimura avait mis les faits sur la table. À l’aide de la tablette, on pouvait voir les résultats des examens en dehors de la classe de première D.

Shinohara — Je n’avais même pas remarqué. On peut même voir les résultats de toutes les autres classes. Pourquoi donc ?

Shinohara, surprise, prit la tablette qu’on lui tendait et la balaya du regard d’un air incrédule.

Yukimura — Je l’ignore.  Peut-être à cause de l’introduction de l’OAA, ou pour une autre raison. Quelle que soit la raison, nous devrons attendre l’annonce des détails du prochain examen pour connaître la réponse.

Karuizawa — Sérieux ?  Les gens vont savoir que je suis nulle ? C’est claqué ce système !!

Se lamenta alors Kei Karuizawa, très influente parmi les filles de la classe. Puis elle poursuivit.

Karuizawa — Peut-être qu’Ayanokôji-kun est un génie des maths ! Comme dans ces dramas télévisés, y’a des gens qui n’utilisent que les maths ou un truc du genre pour résoudre l’affaire de meurtre ? Je suis sûre que c’est un truc comme ça !

Yukimura, stupéfait de ce qu’il entendait, réfuta immédiatement l’hypothèse de Karuizawa.

Yukimura — Dans ce cas, dis-moi pourquoi il n’a jamais obtenu de score parfait aux précédents tests de mathématiques ? S’il est capable de résoudre des questions du niveau de celles qui ont été posées à cet examen, ça n’a pas de sens qu’il n’ait pas obtenu de score parfait ou au moins de très bonnes notes depuis qu’on est là.

Répliqua Yukimura avec force, voyant que la personne en face n’avait rien compris.

Karuizawa — Pourquoi tu me demandes ça ? Peut-être il a bossé comme un malade pendant les vacances de printemps ou un truc comme ça, nan ?

La réponse  complètement inappropriée de         Karuizawa augmenta encore d’avantage l’irritation de Yukimura.

Yukimura — C’est impossible dans un si court laps de temps. Même s’il avait étudié tout le temps sans jamais dormir une seconde, cela n’expliquerait pas comment il a pu résoudre des questions qui sont bien au-delà des connaissances d’un lycéen ! Si tu ne peux même pas comprendre ça, alors tu es priée de te taire !! 

La réponse implacable irrita également Karuizawa, le point de rupture était proche.

Karuizawa — Mais j’en sais rien moi. Alors tu te calmes, me soûle pas !

Maezono — Ouais ! Pourquoi tu passes ta colère sur Karuizawa-san ?

Riposta Maezono immédiatement à Yukimura, arrivant ainsi à la rescousse de Karuizawa. Revigorée par ce soutien, cette dernière fit volte-face et commença à attaquer le propos de Yukimura.

Karuizawa — Tu parles beaucoup, mais ça ne pourrait pas être juste toi qui n’as pas compris la question ? Peut-être qu’elle n’était pas si dure nan ?

Karuizawa savait au fond d’elle-même que ce qu’elle disait était impossible. Mais elle ne changea pas d’attitude, car elle savait qu’il fallait qu’elle continue à jouer les imbéciles. Cependant, avec l’atmosphère électrique, les suspicions concernant Ayanokôji augmentèrent.

Yukimura — As-tu déjà oublié ? La question était si difficile que même Sakayanagi et Ichinose n’ont pas eu la note maximale en mathématiques.

Karuizawa — Alors peut-être qu’il connaissait la réponse à cette question par hasard ?

Yukimura — Je viens de dire…

Yukimura, qui avait dépassé le stade de la colère, était atteint, sans voix. Afin de réorganiser ses émotions, il commença à s’expliquer.

Yukimura — Je… eh bien, en gros, il… pourrait être très doué en maths, je pense.

Karuizawa — Alors où est le problème ?  C’est ce que j’ai dit, qu’il était un génie des maths, naan ?

Yukimura — Ce n’est pas le point principal. Si c’est le cas, alors ce type…

— Ah, désolée de vous interrompre. J’ai eu une idée…

Au moment où Kei reprenait l’avantage, Minami Setsuya se joint à la mêlée.

Minami — Ayanokôji obtenant un score parfait est en effet étonnant, et je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit d’étrange dans ce que Yukimura a dit. C’est juste que, est-ce que ça n’arrive pas trop soudainement ? Après tout, il n’avait jamais obtenu de notes extraordinaires auparavant.

Sa déclaration semblait aller dans le sens de ce que disait Yukimura, mais jeta en même temps le doute.

Minami — Alors, je me demandais si ce Ayanokôji avait fait quelque chose de louche ?

Yukimura et beaucoup d’autres élèves semblaient trouver plausible la thèse selon laquelle Ayanokôji était un génie des mathématiques.

Cependant, une autre hypothèse venait de voir le jour : et s’il avait eu recours à d’autres « stratagèmes » ? C’était tout à fait possible. Comme voir la feuille de questions à l’avance ou quelque chose dans le genre.

Ike — Rappelez-vous, ça n’était pas déjà arrivé l’an dernier aussi ?  Avec l’exam où les questions étaient pareilles que l’année passée. 

Rappela Kanji Ike à voix haute. Il y a un an, son camarade de classe avait reçu des anciennes questions par un terminale. C’était un examen extrêmement difficile, mais en mémorisant les réponses, n’importe qui pouvait obtenir un score élevé.

Miyamoto — Mais en supposant que les questions étaient exactement les mêmes cette fois-ci aussi, n’est-il pas étrange qu’il ne nous l’ait pas dit ? Et aussi que personne dans les autres classes ne l’ait remarqué.

Miyamoto avait posément souligné les points qui ne collaient pas dans la proposition d’Ike.

Miyamoto — Alors… c’est cette méthode dont le nom m’échappe, connaître la réponse à la question à l’avance… ?  La tricherie.

Shinohara — Tricher ? Mais comment aurait-il fait ?

Interrogea Shinohara, qui se tenait à côté de lui, en réponse à sa déclaration vague.

Miyamoto — Pirater les ordinateurs de l’école et voler les réponses ou quelque chose comme ça !

Shinohara — C’est aussi stupide que ce que Karuizawa disait…

Yukimura avait mal à la tête, face au désordre qui régnait dans la classe.

Cependant cette suite de conjectures improbables eut le mérite de faire passer le temps.

La réflexion avait donc basculé vers la possibilité qu’Ayanokôji n’ait pas résolu le problème avec son intelligence mais obtenu la réponse d’une autre manière. Considérant qu’il n’avait jamais obtenu de score élevé auparavant, c’était un enchaînement assez logique.

Mais Suduo, qui avait écouté silencieusement jusqu’alors, infléchit à son tour le cours de la discussion. Il se leva, et son imposante taille de 186 cm attira instantanément l’attention de toute la classe.

Sudou — Vous me semblez bien excités là. Mais il n’y a même pas une once de preuve de la tricherie d’Ayanokôji non ? Alors ne l’accusez pas trop vite, surtout en son absence.

Les mots en eux-mêmes étaient très raisonnables, mais le fait qu’ils sortent de la bouche de Sudou surprit tout le monde. En particulier, Ike, qui était un bon ami de Sudou depuis longtemps, semblait irrité.

Ike — Que veux-tu dire, Ken ? Ne me dis pas que tu prends le parti d’Ayanokôji ?

Sudou — C’est pas ça. Mais il n’y a aucune chance qu’il ait eu les questions, non ? Alors je disais que c’est juste plus probable qu’il ait obtenu cette note avec ses capacités.

La seconde moitié de ce qu’il disait n’était pas aussi claire, mais il avait tout de même exprimé son opinion.

Miyamoto — Concernant ses capacités, sa notation de l’OAA le mois dernier était inférieure à la mienne, n’est-ce pas ? Cela aurait été impossible sans tricher !

Miyamoto, qui avait regardé les données OAA mises à jour juste après la classe, parla comme s’il détenait déjà la preuve qu’Ayanokôji avait triché.

Sudou — Ça veut dire qu’il a changé depuis l’année dernière. Tout le monde peut évoluer.

Karuizawa — C’est pas juste comme Sudou-kun le dit ? Après tout, lui aussi a bien progressé et il est légèrement au-dessus de toi, Miyamoto.

La critique acerbe de Kei embarrassa Miyamoto pendant un moment. Il y a un an, et pendant toute l’année précédente, Sudou avait été le plus mauvais élève de toute la classe. Mais maintenant, et après mise à jour de l’OAA, ses notes avaient bondi à 54. Ce n’était qu’un seul point de plus que les 53 de Miyamoto, mais c’était quand même au-dessus.

Miyamoto — C’est parce que Sudou a étudié dur, je reconnais ses progrès, mais… mais Ayanokôji a progressé trop vite, beaucoup trop vite !

Karuizawa — Il est donc possible qu’il se soit retenu, comme Kôenji !

Continua Karuizawa, maintenant le fait qu’il était un génie des mathématiques. On aurait dit que la conversation avait fait un tour complet et prenait une nouvelle direction.

Ike — Eh bien, n’est-ce pas encore plus problématique ? Cela signifie qu’il n’a pas contribué à la classe pendant tout ce temps ?

Des points qui auraient pu être marqués, mais il n’en fit rien. S’il cachait vraiment sa force, alors le pic que Ike venait de lancer était légitime.

Sudou et les autres, qui entretenaient depuis toujours une bonne relation dans leur cercle d’amis, étaient sur le point d’être plongés dans une querelle interne.

Jugeant qu’il ne pouvait pas laisser traîner les choses plus longtemps, l’un des élèves prit le rôle d’arbitre.

Hirata — Calmons-nous un peu. La colère n’a jamais permis de résoudre les problèmes.

Au moment où l’atmosphère de la classe se dégradait, Yosuke Hirata intervint pour appuyer sur le bouton pause. Hirata, qui préservait toujours l’unité de la classe, était resté silencieux jusqu’à présent. Il avait attendu de voir comment la classe allait évoluer, ce qu’elle pensait, avant de les sortir de l’impasse.

Il s’adressa d’abord à Sudou avec douceur.

Hirata — Sudou-kun, n’est-ce pas bientôt l’heure de tes activités de club ?

Sudou — Eh ? Ahhhh, maintenant que tu le dis…

Bafouilla Sudou, revenu soudain à la réalité.

Hirata — Je sais que vous êtes préoccupés par le sujet, mais il y a beaucoup de choses incertaines en ce moment. Il ne faut pas que les activités de club en pâtissent. Vous savez qu’ici l’excuse du « c’est juste pour cette fois » ne fonctionne pas, n’est-ce pas ?

1

Notre classe D venait de terminer le premier examen spécial de l’année de 1ère.

Bien que blessé à la main gauche lors du combat contre Hôsen, j’avais réussi à éliminer le risque d’expulsion. La blessure qui résultait de cet affrontement allait probablement prendre du temps à guérir, mais on ne pouvait rien y faire.

Sous le regard de Tsukishiro, je quittai la salle de réception et, sitôt la porte fermée, je laissai échapper un souffle. Et maintenant, ma vie quotidienne insouciante de lycéen allait enfin reprendre.

Enfin, comme si la situation actuelle permettait des pensées aussi naïves…

Déjà, rien que le fait d’être convoqué par le directeur était tout sauf banal.

En y réfléchissant, je devais accepter la réalité en face : bien qu’échappé dans cette école, il y avait toujours une chaîne invisible qui me tenait.

Et la seule façon de s’en libérer était de se faire expulser.

Chabashira — On dirait que tu as fini de parler ?

Moi — Eh bien, oui.

Mlle. Chabashira, qui attendait non loin, me rejoignit avec désinvolture. Je fus un peu déprimé à sa vue, ce que j’évitai de laisser paraître sur mon visage. Pour l’instant, Tsukishiro ignorait mon entente avec Chabashira, professeur principal de la classe 1ère D, et M. Mashima celui de la 1èreA. Mlle Chabashira m’attendait juste après avoir été convoqué par Tsukishiro. Comment ne pas trouver cela suspect ?

En considérant que c’était le devoir d’un professeur, on pouvait trouver normal. Mais avec Tsukishiro aux manettes, je ne pouvais pas exclure la possibilité que ce soit un nouveau piège. Pour cette raison, j’aurais préféré ne pas la voir.

D’autant que c’était étrange qu’un professeur attende son élève comme ça, elle devait s’en douter. Il était certes évident qu’elle avait dû être étonnée par ma note à l’épreuve de mathématiques, et que je dévoile ainsi une partie de ma force, mais c’était très négligent de sa part.

À sa décharge, elle et moi avions des positions très différentes à l’égard de cet homme. Pour elle, la chose la plus importante était qu’il était en relation étroite avec le père d’un de ses élèves. Elle ignorait tout de la White Room, alors c’était excusable. Il était donc naturel que nous ne voyions pas les choses sous le même paradigme. Ainsi donc j’allais me dispenser de tout commentaire.  

La seule chose que je pouvais faire maintenant était de quitter les lieux aussi rapidement que possible.

Chabashira — Tu vas bientôt devenir une célébrité. Petit à petit.

Je me demandais ce qu’elle allait dire, et c’était à peu près ce à quoi je m’attendais.

Moi — Cela ne m’enchante pas, mais c’était nécessaire. Je ne peux que supposer que c’est dans les limites de ce qui est autorisé.

Chabashira — Laissons un instant de côté les élèves des autres classes, comment vas-tu expliquer cela à ta propre classe ? Tu as toujours tout fait pour passer inaperçu, et tout d’un coup, tu obtiens un score parfait à un examen de mathématiques des plus difficiles. Ils ne vont plus te lâcher maintenant. T’es-tu préparé à ce scénario à l’avance ?

J’ignorai ses paroles, réfléchissant à mes obligations pour le reste de la journée. J’avais laissé mon sac dans la salle de classe, il fallait donc y retourner.

Moi — Il ne sert à rien d’agir à l’avance. Je verrai en fonction des réactions.

Dévoiler à mes camarades de classe à l’avance que j’allais obtenir une note parfaite en mathématiques dans l’examen spécial aurait été une chose discutable à faire, de toute façon.

Chabashira — Cela ne va pas être facile. Prépare-toi à être bombardé de questions.

 Moi — Je sais.

Si elle avait déjà une idée de ce qui allait se passer, elle pouvait me laisser partir.

Moi — Pourrions-nous en rester là ? Si on me voit marcher seul avec un professeur à partir de cet endroit, ça va attirer inutilement l’attention.

Chabashira — Je sais, je sais.

Marmonna-t-elle en se dirigeant vers le bureau.

Elle avait l’air de faire de son mieux pour dissimuler ses émotions, mais je pouvais facilement voir qu’elle débordait de joie.

Par rapport aux autres professeurs principaux, c’était elle qui mettait le plus de distance avec ses élèves. Mais en réalité, c’était peut-être celle qui était paradoxalement la plus intime.  C’était précisément à cause de ses regrets en tant qu’ancienne élève de ce lycée qu’elle était si réservée.

Avec un élève lambda, son visage impassible aurait suffi. Toutefois, moi, ça me faisait rire.  Être facile à manipuler pouvait avoir des avantages, mais ce n’était pas le moment de s’amuser là, avec elle…  Il n’y avait aucune raison de gaspiller mon énergie avec Chabashira, alors je la mis au second plan pour l’instant.

Après ça, je tentai de joindre Horikita, qui ne décrochait pas. J’envoyai dans la foulée un simple message, qu’elle ne lut pas.

Moi — On ne peut rien y faire, hein.

Pour l’instant, c’est elle qui me semblait être la personne la plus utile pour résoudre la situation. Avec son implication dans le duel de mathématiques et les questions relatives au Conseil des élèves, faire un peu le point sur la situation aurait pu un peu aider. M’enfin, j’allais devoir faire sans !

Je voyais déjà ma salle de classe. Je me demandais quelle ambiance régnait dedans après la publication de mon score parfait en mathématiques. Il aurait été idéal que la majorité des élèves soit retournée au dortoir comme d’habitude.

Dès le premier pas à l’intérieur, je constatai néanmoins que la situation différait de ce que j’avais espéré. Cela faisait trente minutes que j’avais été convoqué par Tsukishiro. Normalement, la grande majorité des élèves aurait déjà dû avoir quitté la salle de classe. Cependant, même si les seuls élèves présents étaient ceux qui n’avaient pas d’activités de club, il y avait encore pas mal de monde.

Leur objectif était évident : moi. Inutile d’être expert en la matière, l’atmosphère était palpable rien qu’à la façon dont ils me regardaient.

Horikita, qui n’avait pas répondu à mon appel, était également présente. On dirait qu’elle avait mieux évalué la situation que je ne l’aurais cru. Je n’eus pas le temps de respirer que, dès mon entrée, une horde d’élèves s’abattit sur moi.

Celui qui menait la charge était Keisei, membre du groupe Ayanokôji.

Son expression quelque peu rancunière contrastait avec celle ravie de Chabashira.

Horikita — Désolée, je ne pouvais pas décrocher quand tu as appelé tout à l’heure !

Keisei voulait me parler juste après l’école, mais l’apparition de Horikita l’en avait empêché, donc je commençai par m’excuser pour ce retard.

Yukimura — Ce n’est pas grave. Je suppose que tu as le temps maintenant ? J’ai quelques questions à te poser.

Haruka et Airi, qui étaient également membres du groupe Ayanokôji, le rejoignirent.  Akito n’était pas là, probablement parti en même temps que les autres pour son activité du club. Les autres élèves présents ouvrirent grand leurs oreilles, observant la situation.

Yukimura — Tu… C’est quoi ces 100 points en maths ? J’ai vérifié les notes de tous les autres 1ère avec l’OAA, et même Sakayanagi n’a obtenu aucune notre maximale. Tu es le seul de toute la promotion.

Normalement, obtenir une bonne note à un examen n’aurait pas créé ce genre d’atmosphère. Mais cet examen était d’un calibre différent. En particulier, plus un élève était bon, plus le caractère incongru de ma note maximale lui sautait aux yeux. Il semblait que même ceux qui n’avaient pas le niveau scolaire pour le comprendre par eux-mêmes avaient également compris cette anomalie après que les autres élèves de leur entourage en aient parlé.

Moi — À propos de ça…

Mon regard se dirigea vers Horikita, dont le siège était au premier rang, pour lui demander de l’aide.

Horikita — Eh bien, laissez-moi vous expliquer.

D’habitude, à cette heure, Horikita aurait déjà regagné le dortoir, mais elle avait dû décider de rester, sentant que j’allais me prendre la tempête avec les élèves restés ici pour m’attendre. Décision fort judicieuse. Comme elle ne me lâchait pas du regard, je n’eus pas besoin de lui demander confirmation.  

Pour aider à rassembler l’attention dispersée, elle se leva et s’approcha de moi.

Yukimura — C’est… à Kiyotaka que je parle.

Keisei exprima un profond dégoût envers Horikita, qui était, je l’accorde, un peu intervenue comme un cheveu sur la soupe.

Horikita — Oui. Mais, Yukimura-kun, c’est moi qui ai les réponses que tu cherches.

Yukimura — …Que veux-tu dire ?

Avec cette attitude mystérieuse, Horikita réussit à attirer sur elle l’attention de Keisei et de tous les autres élèves en une seule phrase.

Horikita — Ni Yukimura-kun, ni moi… Non, ni même personne parmi les élèves de 1ère n’a réussi à décrocher une note maximale, alors comment est-ce que Ayanokôji-kun a-t-il réussi ? Cela paraît bien irréaliste non ?

Horikita adressa la question à Keisei, mais tout le monde y pensait aussi.

Yukimura — C’est exact… Pour être honnête, je ne comprends pas. Je l’ai déjà dit, non ? Les questions à la fin du devoir étaient impossibles à résoudre. Mais Kiyotaka les a toutes réussies comme personne, et je n’arrive pas à comprendre.

En fait, je me souvins qu’après l’examen, une partie de la classe avait manifesté une grande surprise quant au contenu.  Avec Keisei et Yosuke en tête, les élèves qui avaient les meilleures notes discutaient des questions extrêmement difficiles. Le sujet avait même gagné le groupe Ayanokôji, et j’avais esquivé la question au lieu de fournir une réponse claire à ce sujet.

Yukimura — Kiyotaka savait pertinemment que personne de la classe ne pouvait résoudre ces questions. Pourtant, il ne s’est même pas vanté devant nous d’avoir réussi. Vous ne trouvez pas ça bizarre ? Ça donne même l’impression qu’il nous a caché quelque chose… Peut-être qu’il a fait quelque chose de mal, et qu’il connaissait les réponses depuis le début, ou quelque chose comme ça.

Horikita — Il a triché… C’est bien cela que tu sous-entends.

Horikita exprima sans ménagement ce que Keisei disait à mots couverts. Keisei détourna le regard avec embarras, mais Horikita continua sur le sujet.

Horikita — Dans cette situation, il est difficile de ne pas être suspicieux. Si je n’étais pas au courant, je… je penserais certainement la même chose que toi. Mais, ce n’est pas le cas ici.

Horikita prit une inspiration, et scruta les élèves qui la regardaient.

Horikita — J’expliquerai la même chose aux élèves qui ne sont pas ici en ce moment. Pour résoudre le mystère du score parfait d’Ayanokôji-kun, nous devons remonter au printemps de l’année dernière.

Le printemps de l’année dernière. En d’autres termes, le moment où nous étions arrivés dans cette école.

Horikita — Nous avons depuis changé de place, mais vous vous souvenez que jusqu’à récemment, nous étions voisins de siège, n’est-ce pas ? Peu de temps après le début de l’année scolaire, en parlant avec Ayanokôji-kun, j’ai découvert qu’il était extrêmement bon en classe…  Même meilleur que moi.

Yukimura — Meilleur que toi dans les matières scolaires ? Attends un peu. Je me souviens que les notes de Kiyotaka étaient moyennes depuis le début de l’année. Je suis désolé, mais je ne vois pas en quoi cela mérite une attention particulière. Sa note à l’OAA n’est-elle pas C, en moyenne générale ?

La question acerbe de Keisei, qui était parfaitement sûr de sa mémoire, resta sans effet sur Horikita.

Horikita — Bien sûr. C’est parce que ma stratégie était déjà en marche avant que le premier examen ne soit terminé.

En disant cela, Horikita s’était éloignée de moi, pour se diriger vers le pupitre. Cela avait pour but de détourner l’attention des élèves. Je m’attendais à ce qu’elle m’aide, mais elle fit encore mieux que cela.

Horikita — Dès le début, il avait les connaissances nécessaires pour obtenir des résultats parfaits en mathématiques. Et comme j’étais la seule à le savoir, j’avais pensé à une petite stratégie.

Yukimura — …Une petite stratégie ?

Pour Keisei, l’affaire ne se limitait pas à une ou deux questions à un examen. Il devait se demander comment j’avais obtenu ces connaissances.

Mais pour le moment, Horikita s’écarta de ce sujet, et poursuivit sur sa lancée. Non pas sur la façon dont j’avais obtenu ce savoir, mais sur la raison pour laquelle il était nécessaire de dissimuler à tout le monde mon excellence scolaire.

Ce faisant, elle relégua l’ancien centre d’intérêt majeur à un simple élément d’une stratégie autrement plus élaborée.

Horikita — En avril dernier, lorsque nous, de la classe D, étions ravis de recevoir cette grosse somme de rentrée, je me sentais un peu honteuse, comme si c’était excessif. Et j’eus l’intuition que l’avenir était quelque peu incertain. Alors je pris la décision de demander à Ayanokôji-kun, qui se trouvait à côté de moi, de se retenir quelques temps… Comme on voudrait dissimuler une arme secrète, un atout dans sa manche. Ainsi donc, il a été d’accord pour se maintenir à un niveau qui ne ferait pas baisser la moyenne de la classe. Et c’est ainsi que ses capacités académiques ont été évaluées C par l’école.

Horikita avait présenté le maintien du secret sur mes capacités académiques comme faisant partie d’une stratégie préalablement bien établie.

Bien sûr, en y repensant rétrospectivement, il était possible pour les autres de relever des incohérences. Le fait que Horikita à l’époque n’était pas quelqu’un qui s’entendait avec les autres, le moment exact où elle avait remarqué que j’étais doué pour les études… Il y avait des failles partout.

Cependant, pour la plupart des gens, les souvenirs d’il y a un an appartenaient à un passé lointain. Contrairement aux événements intenses qui restent gravés dans l’hippocampe lui-même, cette scène qui n’avait pas fait grand bruit était d’autant plus oubliable. Seule une poignée de personnes aurait capable de se souvenir de ces événements comme si c’était hier. La plupart se diront « alors c’était comme ça, hein » et combleront leurs trous de mémoires de façon biaisée.

Bien sûr, cela n’allait pas suffire pour des personnes comme Keisei, animé par un fort sentiment de méfiance. Il ne lâcha pas Horikita, et s’attaqua aux points difficiles à expliquer.

Yukimura — …Voilà qui n’est guère convaincant. Si tu avais des doutes sur les règles de l’école, il aurait été bénéfique pour l’ensemble de la classe qu’il obtienne de meilleures notes dès le départ. Comme il a obtenu un score parfait à cet examen, obtenir A ou A+ en capacité académique était tout à fait réalisable. On peut toujours dire que ce ne sont les notes que d’une seule personne, mais cela aurait permis de regagner des points de classe.

Keisei exprima qu’il ne saisissait pas les avantages de cette stratégie de réserve.

Horikita — Si on ne regarde que sous l’angle des points de classe, c’est vrai. Mais à l’inverse, s’il s’était donné à fond dès le début, que penses-tu qu’il serait arrivé à Ayanokôji maintenant ? Non, pour le dire plus précisément, à quoi penses-tu que son année aurait ressemblé ?

Face à la méfiance de Keisei, Horikita improvisa et prit le problème sans se défiler. Elle était si éloquente qu’on aurait dit qu’elle avait tout prévu dès le départ.

Yukimura — À quoi aurait ressemblé son année… ?

Comme il ne comprenait pas, Keisei répéta la question, alors Horikita commença à développer.

Horikita — Prenons ton point de vue, Yukimura-kun, et supposons que Ayanokôji-kun ne se soit pas retenu depuis avril de l’année dernière. Dans ce cas, dès le mois de mai, Sakayanagi-san, Ichinose-san, et Ryuuen-kun l’auraient immédiatement repéré. Et dans ce cas, ils auraient probablement tout tenté pour le faire expulser.

Yukimura — Donc tu dis que des élèves auraient pu le prendre pour cible ?

Horikita — Exact. Tout peut arriver dans cette école. Après tout, elle a même pris la peine d’organiser un vote intra-classe pour expulser des gens. Je te rappelle d’ailleurs qu’Ayanokôji-kun avait failli être exclu à cause de la stratégie de Sakayanagi-san. Bien que rien ne le distingue des autres à ce moment-là et qu’il ait supposément été choisi par pur hasard, il n’est pas impossible qu’il ait en réalité vraiment été ciblé.

Horikita disait que j’étais possiblement la cible de Sakayanagi et non Yamauchi.

Yukimura — Non, c’est faux. Si Kiyotaka avait fait de son mieux dès le départ, personne ne l’aurait mis dans la liste des gens contre qui voter.

Horikita — Je n’en suis pas si sûre. Pour éviter de se faire expulser, Yamauchi aurait été plus prudent dans ses manœuvres, et la stratégie de Sakayanagi-san aurait été plus complexe et plus difficile à détourner.

Continuer ainsi n’allait aboutir à rien de plus qu’une bataille d’arguments, mais cela avait le mérite d’empêcher Keisei d’examiner les choses en profondeur. Ainsi, peu importe l’examen, la même logique aurait pu être réutilisée. 

Yukimura — …Alors pourquoi avoir choisi de le révéler maintenant ? Cela va aboutir à ce que tu souhaitais éviter. En attirant l’attention maintenant il pourrait vite être pris pour cible.

Keisei pensait qu’il n’y avait aucune différence entre les risques de se donner à fond dès le début et de le faire maintenant. Mais il semblait que Horikita avait prévu cette réponse et ne semblait pas en difficulté.

Horikita — Non, il y a une énorme différence entre avoir révélé sa force il y a un an et le faire maintenant. Au cours de l’année dernière, l’unité de notre classe D a progressé à pas de géant, et chacun de nous a gagné en force individuelle. Nous sommes devenus capables de prendre les bonnes décisions.

Je suis sûr que s’il comparait avec ce qu’il était il y a un an, Keisei aurait vu les choses de la même façon.

Horikita — Cela ne concerne pas qu’Ayanokôji-kun. Disons que… bon, il n’est pas présent mais c’est plus facile à comprendre avec l’exemple de Sudou-kun. À cette même époque de l’année dernière, il était difficile à approcher, et sans doute le plus grand fardeau pour notre classe. Et qu’en est-il maintenant ? Bien qu’il soit parfois encore un peu sauvage, il s’est considérablement amélioré. Scolairement, il a accompli de réels progrès. Cela couplé à ses capacités physiques déjà excellentes, et cela donne une évaluation OAA même plus élevée que la tienne, Yukimura-kun.

Keisei était encore au-dessus de lui en avril, mais avec cet examen, Sudou avait renversé la tendance.  Elle frappa Keisei avec le fait irréfutable de l’évaluation globale de l’OAA.

Horikita — Quand nous sommes entrés dans cette école, qui aurait eu la moindre envie d’aider ou même de protéger Sudou-kun en cas de besoin ?

Au moment où Sudou était proche de la porte de sortie[1], ceux qui s’en étaient réjoui et lui avaient ri au nez étaient-ils aptes à aider un camarade de classe, à ce moment-là ? C’est ce que voulait dire Horikita. Cependant, si Sudou était en difficulté maintenant, Keisei aurait été le premier à se creuser les méninges avec les autres pour réfléchir à une stratégie pour le protéger.

Horikita — Mais maintenant, si quelqu’un ciblait Ayanokôji-kun, nous pourrions nous réunir pour le protéger. C’est ce que j’attendais. Et c’est pourquoi j’ai décidé de rendre publique sa véritable force, débutant ainsi l’augmentation de la force globale de notre classe.

Quelques élèves étaient déjà convaincus. Cependant, un peu plus de la majorité élèves avait encore des doutes. Mais là, Horikita n’avait pas les moyens de convaincre tout le monde. Puisque toute l’histoire était un tissu de mensonges, il était inévitable que des failles subsistent.

Bien sûr, il était possible de faire une trêve pour le moment. Cependant, il aurait été bien plus pratique d’avoir quelques renforts… Après avoir vérifié que les regards étaient braqués sur Horikita, je regardai Yôsuke, le garçon qui jouissait de la confiance absolue de la classe. Bien que Yôsuke soit face à Horikita, il faisait parfois semblant de regarder tout autour de lui pour masquer le fait que c’était moi qu’il observait. Il me jetait des regards discrètement.

Tout comme les autres élèves, il y avait beaucoup de choses que je lui avais cachées. S’il avait été un élève comme les autres, il aurait probablement été tout aussi suspicieux à mon égard que Keisei et les autres et se serait joint à eux pour me lancer des questions acerbes.

Mais je n’avais rien à craindre de sa part. Il était plus que quiconque attaché à la paix et à la bonne entente au sein de la classe. Dans la situation actuelle, même sans qu’on lui dise, il comprit que son intervention serait la bienvenue.

Yukimura — J’admets, en partie, cette stratégie d’atout gardé en réserve, Horikita. Dans ce cas, j’ai une autre question. Est-ce que Ayanokôji est excellent en maths seulement ?

Horikita — À ce stade, je ne peux pas faire de commentaire sur ce point.

Répondit calmement Horikita à la question de Keisei.

Horikita — L’élève dénommé Kiyoyaka Ayanokôji, a-t-il montré toute l’étendue de ses talents, ou se retient-il encore ? Peu importe la pure vérité, nous pouvons la cacher pour nous assurer qu’Ayanokôji continue de pouvoir surgir à tout moment et faire échouer les plans des autres classes.

Yukimura — Ce…

Hirata — Je vois. Je comprends ce que Horikita-san veut dire.

Alors que Keisei était sur le point d’objecter à Horikita, il fut arrêté par un tir de couverture de Yôsuke, qui observait depuis le début.

Après quoi Yousuke se rangea lentement à côté d’Horikita.

Hirata — Je ne comprenais pas au début, mais en écoutant la discussion, c’est devenu plus clair. C’est vrai qu’un ennemi dont on ne connaît pas les capacités peut être dangereux. D’autant que même si nos camarades de classe ne sont pas informés, les risques de fuite d’informations sur Ayanokôji sont nuls.

En mettant en évidence cet avantage, il soutenait Horikita en comblant les lacunes de son argumentation. Ayant compris que Yôsuke abondait en son sens, Horikita lui emboîta le pas et approuva.

Horikita — Oui, il va attirer l’attention sur lui à l’avenir de toute façon, alors nous utiliserons pleinement cette opportunité. Laisser nos adversaires le voir comme une inconnue dans l’équation pouvant frapper à tout moment est la meilleure option. Il pourrait même y avoir des élèves à l’extérieur en train de nous écouter. C’est le genre d’école dans laquelle nous sommes.

Tout le monde regarda vers le couloir. L’élève connu sous le nom d’Ayanokôji était-il seulement bon en maths, ou son excellence s’étendait-elle aux autres matières ? Nous allions induire en erreur les autres classes en les laissant dans le doute sur les moments où je devais être considéré comme une menace.

Soutenues par celles de Yôsuke, les paroles de Horikita prirent immédiatement plus de poids.

Karuizawa — Horikita-san est vraiment bonne, n’est-ce pas ? Je suis vraiment épatée…

À cet instant, Kei frappa avec une déclaration désinvolte.

Karuizawa — Tu ne penses pas aussi, Shinohara-san ?

Puis elle chercha l’approbation de son amie Shinohara. Je pense qu’elle essayait de détourner l’attention de mes compétences en mettant en avant celles de Horikita. Même sans avoir donné de signal ou d’instructions à Kei comme je l’avais fait avec Yôsuke, elle avait instantanément compris ce qu’elle devait faire et l’avait fait.

Shinohara — C’est vrai ! J’avais l’impression que Horikita-san et Ayanokôji-kun parlaient souvent secrètement, mais en fait c’était pour le bien de la classe !

À son arrivée ici, Horikita ne parlait à personne d’autre que moi. En fin de compte, cela s’avéra utile puisque notre histoire gagnait en crédibilité grâce à ce fait. 

La brillante couverture de Kei, Horikita et Yôsuke eut un effet remarquable. L’effet de groupe jouait pleinement.

  • Si Yosuke et les autres pensent que c’est vrai, alors ça doit être vrai…

Yukimura — Une stratégie pour cacher notre force…. C’est vrai, les autres classes doivent aussi être surprises maintenant.

Même Keisei, qui avait été méfiant jusqu’à présent, semblait convaincu.

Horikita — Même si je n’avais pas complètement compris tout le fonctionnement de l’école, j’avais pensé que garder un atout en réserve était une bonne chose. J’ignore si c’est heureux ou malheureux, mais Ayanokôji-kun est peu à son aise en ce qui concerne la communication, et il semble qu’il n’aime pas se faire remarquer. C’est aussi une des raisons pour lesquelles il était partant pour tout ça.

Horikita exprima le fait que sa stratégie était possible parce que ça nous arrangeait tous les deux. Elle détourna ensuite le regard de Keisei, et s’adressa à la classe.

Horikita — Vous connaissez désormais le secret sur la façon dont Ayanokôji-kun a obtenu un score parfait en mathématiques. Désolée que vous l’ayez appris de cette façon.

Horikita n’avait pas le droit à l’erreur, et s’en était bien tirée. Mais si nous laissions traîner les gens ici trop longtemps, de nouvelles questions pourraient surgir.

Hirata — Je pense qu’il serait mieux que nous en restions là pour le moment. Comme l’a dit Horikita-san, les murs ont des oreilles.

Yôsuke clôt proprement le sujet, expliquant aux autres pourquoi il serait mauvais de prolonger la conversation. Plus un élève était intelligent, plus il avait de doutes, Toutefois… Plus il était intelligent, plus il avait de chances de comprendre que ce n’était pas une conversation à tenir ici.

Preuve en était que même Keisei avait cessé ses attaques. D’une certaine manière, on pouvait dire que cette réunion avait dissipé tous les doutes.

Et grâce à l’intervention de Horikita, qui avait dépassé toutes mes espérances, il allait m’être plus facile d’agir dans le futur. Même si j’avais déjà montré ma force auparavant, désormais tout était explicable… « Je me cachais ».

Je lui étais sincèrement reconnaissant d’avoir si bien résolu la question sans même avoir eu besoin de s’entretenir avec moi à l’avance.

2

Les élèves se dispersèrent après notre réunion improvisée, soulignant alors la fin tardive de la journée scolaire. J’en devais vraiment une à Horikita et Yôsuke !

Ils avaient peut-être compris mes pensées car Horikita fut la première à partir, pendant que Yôsuke riait avec les filles, Kei au centre, alors qu’ils quittaient la classe. Je pris mon sac, avant de me mêler à la foule et sortir dans le couloir.

Ma journée aurait pu être considérée comme terminée… Mais la situation actuelle n’était pas aussi simple. Bien que la réunion ait dissipé les doutes sur les points principaux, des questions relationnelles demeuraient.

Quelques personnes me rattrapèrent en courant. Je savais sans même réfléchir qu’il s’agissait des membres du groupe Ayanokôji. Parmi les personnes s’approchant par derrière, il y avait en tête une personne dont les bruits de pas étaient intenses. Il était inutile de me retourner pour estimer la frustration accumulée par Keisei.

Je fis semblant de ne pas le remarquer et continuai à avancer. Après un moment, il m’appela.

Yukimura — Kiyotaka.

Je ralentis jusqu’à m’arrêter à l’appel de mon prénom.

En regardant en arrière, les trois arboraient toujours des expressions figées.

Hasebe — Repartir sans même saluer, n’est-ce pas un peu cruel ?

Dit Haruka avec force, la plus franche du groupe. Synthétisant ainsi les pensées du sévère Keisei à l’avant ainsi que de l’anxieuse Airi à l’arrière.

Cela sembla faire effet, car l’émotif Keisei qui était sur le point d’exploser, garda la bouche fermée pour le moment. Après avoir pris sa respiration, il dit ceci une fois de plus.

Yukimura — Pourquoi est-ce que tu ne nous en a pas parlé du tout ? Si c’était pour cacher des informations comme Horikita l’a dit, ça veut dire que tu ne nous faisais pas du tout confiance ?

Bien qu’il ait accepté dans une certaine mesure les déclarations de Horikita, il avait toujours l’air mécontent. C’était normal. C’était comme si je m’étais payé sa tête, lui qui me donnait gentiment, et sérieusement, des cours de soutien pour améliorer mes notes. Partageant son avis sur la question, Haruka et Airi semblèrent acquiescer.

La façon la plus simple d’en finir était de rejeter toute la faute sur Horikita.

Mais je ne pouvais pas supporter de lui faire une telle chose, alors qu’elle venait juste à l’instant de m’ôter une grande épine du pied.

Non, il fallait penser à l’avenir. Keisei était un excellent élève, et il était l’un des meilleurs de la classe pour analyser les situations avec précision. Je me devais d’assumer une part de responsabilité afin d’éviter qu’il ne soit trop frustré et que ça ait des répercussions durables sur son moral. Un Keisei affaibli serait vraiment dommageable pour la classe, en plus d’ajouter encore plus de problèmes à Horikita qui tenait les rênes la 1ère D.

Moi — J’ai toujours eu confiance en vous. Mais j’ai estimé que ne pas le révéler à qui que ce soit était mieux pour la classe. C’était encore plus difficile de ne rien pouvoir vous dire, à vous, puisque nous sommes très proches.

Au lieu de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre, je dis à Keisei que c’était ma propre décision. Même s’il s’approcha avec un air menaçant, il avait renoncé à parler après avoir écouté Haruka, et n’avait pas d’autre choix que de ravaler sa colère.

Moi — Je comprends parfaitement ta colère. Après tout, ça touche aussi notre amitié, et tu as même été mon tuteur. Je suis vraiment désolé.

Tout le monde se sentirait mal à l’aise en découvrant que la personne à qui il enseigne dissimulait qu’elle avait un meilleur niveau.

Et je suppose que Haruka et Airi à ses côtés n’en pensaient pas moins. Haruka, à côté de Keisei, avait entendu mes excuses, et décidé de garder le silence. Elle avait probablement estimé qu’il fallait laisser Keisei réfléchir et digérer tout ça par lui-même.

Yukimura — Pour être honnête, je suis toujours en colère. Tu aurais pu me dire dès le début que tu pouvais réussir cet examen sans les cours de soutien.

Moi — Tu as raison.

Pour Keisei, ma situation et mon passé n’avaient pas d’importance. Il était normal qu’il ait voulu que je lui en parle dès le début.

Yukimura — Et d’après ce qu’a dit Horikita, tu vas continuer à te retenir ? Si tu ne me dis pas dans quel domaine tu vas te retenir, je ne peux pas te faire entièrement confiance.

À partir de maintenant, Keisei          allait toujours avoir des doutes. « Dans quoi est-il doué, dans quoi ne l’est-il pas ? ». En tant que tuteur, cela devait le gêner d’avoir quelqu’un d’aussi étrange que ça près de lui.

Yukimura — « Je veux sortir de ce groupe »… Eh bien, je mentirais si je disais que je n’ai pas eu cette pensée.

Hasebe — Yukimuu, tu es sérieux ?

Haruka, qui était restée silencieuse, a pris la parole. Après tout, il était impossible de rester silencieux après avoir entendu ça.

Yukimura — Oui, je suis sérieux. Jusqu’à l’explication dd Horikita, j’étais décidé à partir parce que je ne me m’attendais vraiment pas à ça. Je ne pensais plus pouvoir lui faire confiance. Mais… après avoir été dans le même groupe pendant si longtemps, je peux encore comprendre certaines choses. Je sais que Kiyotaka n’est pas une mauvaise personne. Comme c’était pour le bien de la classe, il est compréhensible qu’il ne puisse le dire à personne. Mais il aurait pu me dire au moins qu’il n’avait pas besoin de cours particuliers. C’est vrai qu’il n’est pas très doué en communication, alors il n’a pas pu le dire. Je peux le comprendre aussi…

Keisei serra les poings et parla en toute sincérité.

Yukimura — C’est juste que… oui, c’est juste que… j’ai besoin de temps pour mettre de l’ordre dans mes idées.

Keisei accompagna cela d’un bruyant soupir.

Yukimura — Il est inutile de continuer… Au final, ce que je voulais dire, c’est que… ça n’a pas d’importance si tu caches ta force dans d’autres domaines. Ce n’est pas comme si tu gênais la classe comme Kôenji, donc personne n’a le droit de se plaindre. Si je continue à te critiquer, l’atmosphère va empirer.

Bien qu’insatisfait et pas totalement convaincu, Keisei choisit ravaler ses sentiments pour le bien du groupe Ayanokôji, ainsi que nos autres camarades de classe.

Yukimura — C’est ce que dit mon côté rationnel, mais au niveau émotionnel ce n’est pas aussi simple, donc je vais devoir y réfléchir. Ensuite je composerai avec la partie de ta force que tu as montrée pour m’adapter. Par exemple, je continuerai alors à te donner des cours particuliers dans les autres matières où je vais supposer que tu es moyen. Est-ce que ça te va ?

Dans une situation où notre amitié était menacée, c’était une très bonne proposition. Je n’avais aucune raison de refuser, alors je hochai la tête pour accepter.

Moi — Merci, Keisei.

Dis-je pour exprimer ma gratitude.

Airi, qui avait assisté à toute la scène, trouva finalement le courage de parler.

Sakura — Que diriez-vous d’une poignée de main de réconciliation ?

Hasebe — Une poignée de main de réconciliation ? C’est bien !

En entendant la proposition d’Airi, Haruka exprima son accord. Sentant l’atmosphère lourde et déprimée se dissiper progressivement, Keisei secoua immédiatement la tête.

Yukimura — Non, c’est très embarrassant.

Haruka attrapa la main droite de Keisei qui voulait refuser. Elle attrapa également ma main droite pratiquement au même moment.

Hasebe — Très bien, allez !

En disant cela, elle serra nos mains l’une contre l’autre, nous forçant à les serrer. Nous n’avions pas préparé nos mains à se serrer, alors elles se touchèrent juste.

Hasebe — Je ne lâcherai que quand vous aurez serré, d’accord ?

Yukimura — Je sais, je sais…

Peut-être que le fait que sa main touche la mienne dans cette poignée de main bâclée était encore plus humiliant, car Keisei finit par céder. Sur ce, nous nous serrâmes la main, symbole de notre réconciliation officielle.

Yukimura — Je suis d’accord avec ça, mais Akito ne sait toujours rien.

Hasebe — Miyacchi ne sera probablement pas un problème. Je pense qu’il reparlera avec Kiyopon sans souci ?

Yukimura — …C’est vrai.

Keisei réfléchit un instant. Il arriva rapidement à la même conclusion.

Hasebe — Eh bien, retour à la normale. J’ai l’impression d’avoir déposé un énorme poids de mes épaules.

Haruka et Airi se regardèrent, toutes deux étant d’accord.

Hasebe — Tu es devenu une célébrité tout d’un coup, Kiyopon… Ça…

Haruka me regarda fixement comme si elle se souvenait de quelque chose, et son visage se figea. Nous attendions qu’elle continue, mais elle ne semblait pas vouloir le faire.

Sakura — Qu’est-ce qui ne va pas, Haruka-chan ?

Dit Airi, inquiète pour Haruka qui ne bougeait plus. À ce moment, elle continua, comme si le sort était rompu.

Hasebe — Oh, ahh. Bon, ce n’est rien. De toute façon, ça va être difficile pour toi maintenant que tu es une célébrité !

Yukimura — Obtenir la note maximale n’était pas un peu excessif ? Sakayanagi, qui était 2ème dans l’année, n’a eu « que » 91 points.

Le sujet des inquiétudes de Keisei s’était déplacé.

Sakura — En parlant de Sakayanagi-san, elle a eu des notes similaires dans toutes ses matières, non ?

Airi essayait de se souvenir.

Elle avait obtenu 91 points en mathématiques, et étonnamment, elle eut des notes proches dans les autres matières. Compte tenu de la difficulté des examens, elle était sans aucun doute une élève extrêmement douée pour les études. Sur l’ensemble des 1ère, elle était définitivement la deuxième après moi. Ce qui était encore plus impressionnant était qu’elle n’était pas issue d’un endroit spécial comme la White Room. Aussi, il n’était pas exagéré de dire qu’elle était tout simplement un génie.

Yukimura — Je savais qu’elle était intelligente, mais depuis l’introduction de l’OAA, sa force est devenue plus apparente.

Avec des regrets dans la voix, Keisei reconnaissait la force de Sakayanagi. Il n’y avait aucun doute à ce sujet vu ses notes dans le passé, mais sa force avait maintenant atteint un autre niveau. S’était-elle retenue, ou avait-elle commencé à étudier en dehors des cours ?

Quoi qu’il en soit, il ne faisait aucun doute qu’elle était devenue un problème plus important qu’auparavant, et un adversaire encore plus redoutable.

Hasebe — Pour célébrer notre réconciliation, pourquoi ne pas se retrouver au centre commercial Keyaki une fois les activités du club de Miyacchi terminées ?

Personne ne refusa la proposition de Haruka.

3

Le soir, à 19h, devant le centre commercial Keyaki. J’arrivai avant eux et les attendis en silence. Étant à l’origine du chaos, ce n’était pas le jour pour être en retard.

Moi — Je suis arrivé trop tôt…

L’horloge indiquait 18h30. Malgré cela, je ne trouvais pas l’attente pénible. Au contraire, la patience était peut-être un de mes talents.  Puis c’était agréable d’avoir un peu de temps pour me vider l’esprit.

Cependant, les choses avaient pris une tournure gênante. En effet, j’attirais pas mal l’attention. Après tout, les résultats de mes examens avaient été rendus publics, sauf aux terminales, et ce n’était sûrement qu’une question de jours avant que ça ne fasse le tour de l’école entière. Je craignais d’avoir trop attiré sur moi l’attention de tout le lycée pour un moment.

Je n’avais rien à faire pour le moment, alors je restais là. Soudain, mon téléphone vibra. C’était un message du groupe Ayanokôji. Airi disait qu’elle quittait le dortoir. Les 4 autres avaient déjà lu le message. Je ne dis pas que j’étais déjà sur place, et me contentai de regarder leurs statuts.

Ichinose — Ayanokôji-kun, tu attends quelqu’un ?

C’était Ichinose qui m’appelait. Je levai la tête. Elle était accompagnée de son camarade de classe Kanzaki. Plongé dans mon téléphone, je ne l’avais pas vue approcher.

Bien que l’école soit fière de son immense campus, les endroits où les élèves se rendaient étaient limités. Aussi, en restant un moment à attendre à l’entrée du centre commercial Keyaki, un endroit fréquenté par de nombreux élèves, il était inévitable de croiser des visages familiers.

Moi — J’attends mes amis pour aller manger. Et vous ?

Je dis la vérité car il n’y avait aucune raison de la dissimuler. Ichinose et Kanzaki répondirent en même temps, sans même échanger de regard.

Ichinose — Même chose pour nous, n’est-ce pas ?

Kanzaki — Oui.

Répondit sèchement Kanzaki. Mais son regard était davantage fixé sur Ichinose que sur moi. « Même chose pour nous », hein ? Pas tout à fait, apparemment.

Ichinose — Dis, j’ai vu tes résultats aux examens. Tu as eu la note maximale en maths, c’est incroyable !

Kanzaki — Selon tes résultats de l’année dernière dans l’OAA, tu ne devrais pas avoir les capacités pour obtenir un score parfait.

Ichinose n’avait pas soulevé la possibilité que j’avais caché ma force. Kanzaki, lui, avait pris les choses sous l’angle opposé, jouant ouvertement la carte du mépris.

Moi — Il y a plusieurs bonnes raisons à cela. Mais en accord avec mes camarades, j’avais décidé de cacher le fait que je suis bon en mathématiques.

C’est cette version que je leur donnai. Ichinose et Kanzaki pouvaient comprendre la situation dans une certaine mesure. Charge à eux d’utiliser leur imagination pour compléter le reste du puzzle. Normalement, cette explication devait suffire. Mais le regard inquisiteur de Kanzaki ne s’effaça pas.

Kanzaki — Donc tu dis que tu l’as volontairement caché pendant tout ce temps. On dirait que le problème est encore plus gros que je ne le pensais.

Ichinose — Kanzaki-kun, il ne faut pas voir les choses ainsi. Chaque classe est libre d’avoir sa propre stratégie et sa propre façon de voir les choses.

Kanzaki accepta la critique d’Ichinose comme une évidence.

Kanzaki — C’est vrai. Il n’a pas utilisé de sales tours comme Ryuuen. Pourtant, il y a des choses que je n’aime pas chez lui. N’oublie pas que pour obtenir la note maximale, il fallait résoudre cette question extrêmement difficile. Il a beau dire qu’il s’est mis d’accord avec ses camarades…

Kanzaki était sur le point de continuer, mais Ichinose l’arrêta d’un ton ferme.

Ichinose — Ayanokôji-kun n’est pas notre ennemi.

Elle était très mécontente de l’attitude hostile et querelleuse de Kanzaki. Ce genre d’attitude était rare chez Kanzaki, mais si je devais désigner celui qui avait la bonne attitude, c’est lui que je choisirais, car il était sur ses gardes.

Kanzaki —  Notre alliance a été dissoute. Il ne fait aucun doute que la

classe 1ère D est notre ennemi.

Ichinose — C’est…  mais nous n’avons aucune raison de nous engager dans une dispute inutile !

Kanzaki — Ce n’est pas une dispute inutile. Il est crucial de connaître la véritable force de notre adversaire.

Ichinose — Ayanokôji-kun a juste caché le fait qu’il était bon en maths.

Kanzaki fit un pas en avant, la distance entre nous était maintenant inférieure à la distance entre lui et Ichinose.

Kanzaki — Alors, que caches-tu d’autre ? C’est juste en maths tu dis ? Non, ça ne peut pas être juste les maths. Quelles autres capacités nous caches-tu ? C’est aussi en accord avec tes camarades de classe que tu as caché ta vitesse au sprint jusqu’au relais de l’examen interclasse ? À la classe B… Non, à la classe C, le pire c’est que tu as encore d’autres capacités cachées.

Ichinose — Cependant, il y a une limite aux résultats des tests. Quel que soit son niveau, la note maximale s’arrête à 100 points, et la meilleure évaluation est A+. Même s’il obtenait la note maximale dans toutes les matières, il n’y aurait pas beaucoup d’écart entre lui et Sakayanagi-san, deuxième de la promotion.

En réalité, il n’y avait que 9 points de différence entre Sakayanagi et moi.

Avec le même écart dans les cinq matières, cela ne faisait que 45 points au total. Ichinose ne pensait pas que c’était une grande menace.

Ichinose — Notre moyenne générale en classe C est beaucoup plus élevée. La différence de points que fait Ayanokôji-kun après avoir montré sa vraie force, nous pouvons la combler grâce à notre meilleure moyenne générale.

Kanzaki — Cela pourrait être vrai si on ne tenait compte que des examens écrits mais…

Ichinose — Restons-en là, Kanzaki-kun. Tu sais bien que ce n’est pas le lieu pour débattre de ces choses, n’est-ce pas ?

Ichinose, qui était fondamentalement pacifiste, craignait que cela ne tourne au chaos si nous continuions à nous disputer ainsi devant un lieu de grand passage comme le centre commercial Keyaki.

Kanzaki — Il semble que je me sois un peu emballé…

Kanzaki, pensant peut-être que continuer une dispute ici ne lui apporterait pas plus de réponses, se tut et détourna le regard.

Kanzaki — Je vais y aller en premier.

Ayant dit cela, Kanzaki quitta Ichinose et disparut rapidement dans le centre commercial. Nous le regardâmes partir tranquillement.

Ichinose — Je suis désolée, mais vu notre situation actuelle, Kanzaki est un peu à cran en ce moment.

Sa classe, qui était en seconde position depuis le début, avait chuté d’une place et se trouvait désormais être la classe C. Avec l’échec de leur stratégie générale qui avait fonctionné jusqu’à présent, la classe était dans l’obligation de réagir et trouver des solutions. Dans cette situation, il était compréhensible qu’il soit sur les nerfs. Ou plutôt, c’est Ichinose, encore capable d’être agréable dans ces circonstances, qui n’avait pas la bonne appréciation de la situation. Kanzaki commençait à penser qu’il fallait abandonner cette attitude pacifique à l’avenir, et il avait raison.

Ichinose — Ou alors est-ce moi qui ai tort… ?

Ichinose n’était pas totalement inconsciente de ce que pensait Kanzaki. Mais elle avait, pour l’instant, décidé de rester elle-même et de ne rien changer. Il y avait un monde d’écart entre ça et le refus de voir la réalité.

Moi — Tu te souviens de ce que je t’ai dit avant ?

Ichinose — Oui, tu m’as dit de rester avec mes camarades de classe et d’aller de l’avant, n’est-ce pas ?

Moi — Il se peut que certains élèves aient envie de changer de classe à partir de maintenant, tout comme Kanzaki. Ou du moins des mécontents qui voudront changer les choses ou te disputeront le rôle de chef. Peut-être même que certains trahiront la classe. Ta 2nde B telle qu’elle s’est construite au début, autour de toi, n’existe plus.

De tous les élèves de la 1ère C, c’est chez elle que ces mots étaient susceptibles de trouver la plus grande résonance.

Moi — Peu importe ce qui se passe à partir de maintenant, il faut que tu gardes le cap, que tu gardes confiance en tes camarades de classe, et surtout que tu te mettes en sécurité en priorité.

Ichinose — C’est d’accord. Je continuerai à les protéger. S’il y a un moment où quelqu’un de la classe doit partir, je pense que je me dévouerai.

Ce n’était pas des paroles en l’air, Ichinose en était capable. Assumer la responsabilité de la rétrogradation de la classe et quitter l’école…

Moi — Je suis ravi d’entendre ça, mais il y a une chose qui me dérange.

Ichinose — Quoi donc… ?

Elle ne comprenait pas et inclina légèrement la tête.

Moi — Je ne permettrai jamais que tu te fasses renvoyer.

Il fallait qu’elle se souvienne de la chose la plus importante. Pour cette année, il était de la plus haute importance qu’elle continue à aller de l’avant.

Je la regardai dans les yeux, puis j’allumai un feu ardent au fond de ses pupilles. Ce qu’elle reçut n’était pas l’obscurité, mais une lumière qui n’allait jamais s’éteindre. S’il y avait une possibilité que la lumière se répande dans la mauvaise direction, j’étais prêt à en gérer les conséquences.

Ichinose — C-c’est… ouais… je vais… définitivement… rester.

Marmonna-t-elle, levant vers moi des yeux embarrassés.

Ichinose — Tu…. es vraiment étonnant, Ayanokôji-kun… Penser que tu as réussi à obtenir un score parfait à un examen si difficile.

Dit-elle en changeant sa façon de regarder, comme si elle essayait de changer de sujet.

Moi — C’est peut-être la seule chose pour laquelle je suis doué.

Ichinose — Même si c’est le cas, c’est quand même incroyable. Ça veut juste dire que tu as une arme et que tu ne perdras contre personne d’autre.

Moi — Toi aussi, tu as… d’énormes atouts à faire valoir.

Ichinose — Ce serait bien, mais…

Mais elle manquait autour d’elle de personnes sachant les utiliser. Ce n’était pas qu’elle n’avait pas de bons camarades de classe. Mais tel était le revers de la médaille de son arme : sa capacité à rassembler les gens autour d’elle évitait de laisser quiconque sur le côté, mais en même temps rendait tout le monde interdépendant et faisait perdre toute individualité à chacun.

Ichinose — …Je dois y aller. Nous sommes ici depuis longtemps, et ça me gêne de laisser Kanzaki m’attendre.

Je hochai légèrement la tête et la raccompagnai, en observant sa silhouette.

Pensant qu’il était presque l’heure de retrouver les autres, je sortis à nouveau mon téléphone pour le confirmer.

— De quoi parlais-tu avec Ichinose-san à l’instant ?

Dit soudainement la voix de Haruka, qui était un peu plus loin. Je vis qu’Akito, Keisei, et Airi étaient déjà là et me regardaient. On dirait que les autres membres du groupe s’étaient déjà réunis pendant que je parlais à Ichinose.

Moi — De ma note de mathématiques.

Yukimura — Pas étonnant. Après tout, ils se sont vite rendus compte que tu étais doué dans ce domaine.

Keisei comprenait facilement depuis que je m’étais expliqué à ce sujet. Mais il y avait quelque chose de bizarre chez Haruka, qui n’ajouta rien de plus et reprit rapidement son expression habituelle.

Le lendemain, à partir du 2 Mai, débutait la Golden Week.

Les élèves avaient tous réussi leur examen sans problème, donc j’étais sûr que nous allions tranquillement profiter de cette semaine de vacances en toute insouciance.

4

La Golden Week fila en un clin d’œil, et nous retournâmes à notre vie scolaire.

Le décor était resté le même, mais la vie quotidienne commença à changer lentement.

Sudou — … Yo.

Le matin, juste après la pause, Sudou fut la première personne que je rencontrai, près de la consigne à chaussures à l’école. C’était juste une rencontre avec un camarade de classe, mais cela faisait aussi partie de ce changement de vie quotidienne.

Sudou — C’était agité pour toi dernièrement. Ça s’est calmé un peu ?

Moi — C’est redevenu comme avant. J’ai passé la Golden Week tranquille.

Sudou — Je vois. Ces vacances sont passées archi vites !

Je marchais côte à côte avec Sudou, qui avait calé son rythme de marche sur le mien, jusqu’à la classe. Comme il avait dû quitter la salle pour ses activités de club, Ike et Hondô devaient lui avoir transmis les détails. Je n’eus pas eu besoin de lui dire ce qui s’était passé, car il devait avoir tout compris.

Sudou — Donc, tu cachais le fait que tu étais bon en cours suite à une stratégie de Suzune, n’est-ce pas ?

Je hochai légèrement la tête en signe d’accord, et Sudou fit une petite moue. Il détourna le regard de moi pour se tourner droit devant lui.

Sudou — Eh bien, c’est vrai que vous étiez assez proches tous les deux depuis la rentrée. C’est un peu tard maintenant, mais je comprends.

Moi — On ne s’entendait pas si bien que ça. Au début, c’était plutôt comme si on voulait garder nos distances l’un de l’autre.

Sudou — Vraiment ? Désolé, je n’en avais pas l’impression.

Sa remarque était logique, après tout Sudou était amoureux de Horikita. Mais je décidai de jouer un peu le jeu sans trop insister là-dessus.

Sudou — J’en ai entendu parler par Yôsuke après coup. Tu lui as dit du bien de moi, n’est-ce pas ?

Moi — Ce n’était pas spécialement le but, je ne faisais qu’énoncer les faits.

Sudou — Tu appelles ça des faits, mais tu ne connaissais pas non plus la vérité à ce moment-là.

Moi — Bien sûr que si.

Sudou s’énerva un peu et refit la moue en reprenant la parole.

Sudou — C’était un secret que tu es un génie en maths, mais est-ce que le fait que tu sois bon au combat en est également un ?

Pour Sudou, cet aspect était apparemment plus important que les mathématiques.

Moi — Je ne vois pas de quoi tu parles.

Je fis semblant de ne pas comprendre de quoi il parlait. Cependant, Sudou n’était plus le genre de personne à reculer sur un simple bluff.

Sudou — Arrête de faire le con. J’ai affronté Hôsen, donc je connais sa force. Elle est surhumaine. Et il est plus rapide que tous ceux que j’ai combattus jusqu’à présent. Sérieux, c’est un monstre.

Sudou disait que c’était précisément parce qu’il l’avait affronté qu’il avait pu se rendre compte en personne.

Sudou — C’était la première fois que j’ai eu peur dans un combat. Son visage souriant est encore gravé dans mon cerveau.

S’arrêtant, il tapa sa tempe avec son index gauche deux, trois fois.

Sudou — Tu avais peur, hein. Malgré tout, tu t’es battu courageusement pour Horikita.

Moi — Eh bien, il n’y avait pas le choix. Ce type est très fort.

Je ne pouvais pas le nier. D’après ce que j’avais vu, Hôsen avait une véritable obsession pour la violence.

Moi — Mais tu avais aussi une chance de gagner, non ?

Quelques jours auparavant, Sudou avait été mis KO par Hôsen uniquement parce qu’il s’était fait piéger. Dans une situation où il fallait rester face à son adversaire, Hôsen avait utilisé Horikita comme leurre pour déstabiliser Sudou. Ce qui avait précipité sa défaite.

Sudou — Qui sait… Dans un combat sérieux, je ne pense pas pouvoir gagner contre lui.

Sudou était tout sauf un faible. Si lui, qui avait d’excellentes qualités physiques et une bonne force parlait ainsi de Hôsen, c’est qu’il était vraiment fort.

Même les plus forts du lycée comme Manabu, le frère aîné de Horikita, qui avait étudié les arts martiaux, ou Albert, qui était né avec un corps remarquable, ne pouvaient pas battre Hôsen en combat.

Sudou — Hey- ce n’est pas de ça dont je voulais parler ! Mes affaires n’ont pas d’importance.

À ce moment-là, Sudou regarda mon visage.

Sudou — Tu… tu as surpassé la force de ce monstre qu’est Hôsen et tu l’as arrêté. Je n’ai pas tort, n’est-ce pas ?

Prétexter un mouvement réflexe pour justifier une puissance renforcée l’espace d’un instant n’allait sûrement pas prendre avec Sudou. Il associait cela à ma note parfaite en mathématiques, donc pour lui ce n’était pas surprenant.

Et il y avait des choses qu’il ne pouvait voir que grâce à son affection pour Horikita.

Moi — Et tu es convaincu que ce n’est pas le fruit du hasard, Sudou ?

Sudou — Oui, c’est vrai.

Sudou attrapa mon biceps avec sa main droite. Pour confirmer la puissance de mes muscles, il les pressa légèrement plusieurs fois et poursuivit.

Sudou — Ça confirme cette impression que j’ai depuis l’année dernière, quand je t’ai vu à la piscine. Tu ne participes pas aux activités de club, mais tu as un corps très musclé. C’est difficile à deviner sous tes vêtements, mais ces muscles sont fermes… ce qui ne s’obtient qu’au prix d’un entraînement rigoureux.

Sudou s’entraînait physiquement très régulièrement. Impossible de lui mentir. Noyer le poisson en disant que je faisais quelques pompes le matin n’allait pas prendre non plus. Il ne faisait pas que regarder. Quand on le touche, le corps ne sait pas mentir.

Sudou — En parlant de ça, ta force de préhension, quand on l’a mesurée avant le festival du sport, était d’environ environ 60 kg, non ?

Sudou repensa aussi à l’année dernière.

Sudou — À l’époque, je pensais déjà que c’était incroyable… mais tu te retenais. Quelle est ta force de préhension exactement ?

Moi — Aucune idée. Honnêtement, je ne sais pas.

Sudou — Tu ne sais pas ?

Moi — Je ne l’ai jamais réellement mesurée.

Sudou — Comment est-ce possible ? On a régulièrement des évaluations physiques en primaire et au collège !

Moi — Honnêtement, je ne me souviens pas.

Bien sûr, il y avait des examens physiques réguliers dans la White Room.

Ils recueillaient même bien plus de données que ne pouvait le faire une école traditionnelle. Cependant, les instructeurs ne nous communiquaient pas ces données. Et les élèves eux-mêmes ne s’intéressaient pas à tous ces chiffres, de toute façon. Ils ne les voyaient que comme des chiffres qui montaient ou descendaient.

De plus, alors que je m’entraînais quotidiennement en White Room, ce n’était plus le cas depuis un moment, si bien que mes capacités physiques diminuaient lentement.

Sudou — Tu ne sais vraiment pas ?

Dit Sudou, me regardant droit dans les yeux. Il avait dû comprendre que je ne mentais pas.

Moi — À l’époque, tu avais dit qu’une force de préhension de 60 kg était la moyenne pour des élèves de seconde, alors j’ai adapté la force pour avoir ce résultat dans le but de ne pas me faire remarquer.

Plus tard, j’appris que c’était supérieur à la moyenne, et je me souviens avoir été un peu surpris.

Sudou — Et alors, quelle est ta force réelle ?

Un cœur assoiffé de réponse, empli d’envie et de jalousie.

Sudou — À quel point tu es fort… hein.

Selon la réponse, sa perception allait changer… Mais pendant que je réfléchissais…

Sudou — Laisse tomber. Tu n’as pas à répondre.

Sudou retira de lui-même sa question, comme s’il refusait ma réponse. Même en dévoilant tout sur ma situation, ce n’était pas quelque chose que n’importe qui pouvait comprendre. Et c’était très difficile de tout résumer en quelques mots

Sudou — Puissant ou pas, peu importe si tu ne t’en sers pas.

Il relâcha mon biceps. Sudou, tout comme Keisei, avait commencé à digérer.

Sudou — Mais je comprends maintenant que tu es un type incroyable. Tu es très puissant, Ayanokôji.

Moi — Cela ne te contrarie pas que j’ai toujours caché ma force ?

Sudou — Eh bien, au début, je captais pas et je comprenais ce que Yukimura ressentait. Dans un domaine où je me sens fort, ça me perturbais qu’il y ait eu juste à côté un mec bien plus fort qui cachait sa force. Mais après j’ai fini par comprendre ta façon de voir les choses. Si tu n’aimes pas te faire remarquer.

La réponse de Sudou fut pour moi totalement inattendue.

Sudou — Ce serait certainement un mensonge si je disais que je m’en moque, mais je fais de mon mieux à ma façon pour grandir. Ça n’a rien à voir avec l’attitude des autres, c’est ce que je pense.

Occupez-vous de vous-même, pas des autres. Il dit cela comme pour dire que chacun travaillait à s’améliorer avant tout pour lui-même.

Sudou — Et y’a un truc où tu ne me battras jamais, c’est le basket.

Pour la première fois, Sudou rit avec audace. C’était une déclaration pleine d’assurance, à propos de quelque chose qu’il n’avait même pas besoin de démontrer. Bien sûr, c’était indiscutable. Même si j’avais joué une ou deux fois, le résultat était évident. Je n’avais aucune chance de gagner.

Sudou — Au basket, je te prends quand tu veux !

Moi — Non merci. Je ne veux pas devenir ton punching-ball.

Sudou — Hahahahahah ! Tu comprends vite !

Quand les gens ont un domaine dans lequel ils sont indiscutablement meilleurs que les autres, ça leur donne une grande confiance.

Sudou — Ok, je ne parlerai à personne de l’affaire avec Hôsen. J’ai fait quelques détours mais c’est de ça que je voulais parler.

Moi — D’accord.

Je le remerciai du fond du cœur pour sa considération à mon égard.

Sudou — Bon, ne parlons plus de Hôsen, mais je peux te demander une dernière chose ?

Moi — Si c’est une chose à laquelle je peux répondre.

Sudou — Tu ne pensais pas que j’allais parler à quelqu’un d’autre de la bagarre avec Hôsen ?

Une question très soudaine, qui aurait eu sa place plus tôt dans la conversation. Si Sudou avait été témoin, il était fort possible que je doive le forcer à se taire.

Bien entendu, j’avais déjà pensé à passer par Horikita, mais… après cette discussion, et ma note en maths, je pouvais deviner ce qu’il pensait à l’aide de son regard.

Moi — Avec l’ancien Sudou, je me serais probablement arrangé pour te faire taire. J’aurais même demandé à Horikita de te l’ordonner.

Sudou — Avec l’ancien moi ?

Moi — D’après l’évaluation de l’OAA, c’est toi qui as connu la plus forte progression de tous les élèves en classe D. Contrairement à avant où tu étais impulsif, tu es maintenant capable d’évaluer calmement la situation. C’est pourquoi je n’ai pris aucune mesure.

Cette décision était basée sur ma propre analyse de Sudou Ken.

Mais cela aurait été très différent avec des élèves comme Ike ou Hondô dans cette situation.

Sudou — J’ai l’impression… qu’on me parle enfin comme à un a…

Sudou eut une expression surprise, et soupira d’admiration.

Sudou — Ça me fait plaisir de savoir que tu as une haute opinion de moi.

En disant cela, Sudou avait rapproché son visage du mien.

Sudou — Il y a encore une question que j’aimerais poser. Toi et Suzune…

Moi — Nous ne sortons pas ensemble.

Alors que je reprenais mes distances avec son visage qui était trop proche, j’utilisai une attitude de « voilà la vérité » pour lui répondre.

Sudou — Oh…

La réponse instantanée lui fit froncer un peu les sourcils.

Sudou — À ce sujet, eh bien, ce n’est pas comme si je te disais de ne pas sortir avec elle. Suzune est libre de sortir avec moi, ou toi, ou n’importe qui d’autre si elle le souhaite. Mais bon, si tu me caches des trucs là-dessus, crois-moi je n’aurai aucune pitié !

Moi — Ok, ok… Si par hasard ça arrivait, tu en serais le premier informé, d’accord ?

Sudou — Bien. Attends, non, ce n’est pas …mais, non, c’est bon.

Maintenant qu’il avait enfin posé la question qui le préoccupait le plus, Sudou poussa un soupir de soulagement.

Sudou — C’est peut-être dur venant d’un ami de Haruki, mais je suis content que tu n’aies pas été exclu lors du vote de classe. Il n’y a aucun doute que tu es indispensable pour nous faire monter en classe A. À plus tard, Ayanokôji.

En disant cela, Sudou accéléra le pas et se dirigea vers la salle de classe. Était-ce pour des raisons de discrétion ?

Quelqu’un d’indispensable pour parvenir à nous élever à la classe A…

Je n’aurais jamais pensé recevoir une telle évaluation de Sudou.

Cependant, je n’étais pas le genre de personne dont la classe avait besoin actuellement. Par exemple Il ne faisait aucun doute que Sudou lui-même était devenu une des pièces maîtresses de la 1ère D.


[1] Rappel :L’exclusion de Sudou avait été prononcée en raison d’une note trop basse, ce qu’Ayanokôji et Horikita avaient réussi à annuler en achetant un point à Mlle. Chabashira.

—————————————————
<= Précédent // Suivant =>
———————————————