CLASSROOM Y2 V10 Chapitre 5

Game changer

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Traduction : TyMoo
Correction : Raitei
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(Hashimoto)

Nous étions le jeudi matin, veille d’examen spécial. Nous avions eu droit à une journée de repos. En temps normal, le sommeil n’était pas un problème, mais moi, Hashimoto, j’avais très peu dormi cette nuit. 

— Le manque de sommeil est mauvais pour toi… Tu somnoles…

Alors que je peinais à soulever mon corps, je vis un message de Kitô.

Kitô — Le manque de sommeil est mauvais pour toi… Tu somnoles…

Ce n’est que la veille d’examen qu’elle s’était décidée à rassembler les « chefs » de classe pour discuter. Cependant, personne n’allait donner d’informations détaillées sur les ordres reçus. Sakayanagi avait toujours procédé ainsi. Elle ne communiquait que les infos utiles et nous considérait comme ses pions.

Moi Pff…

En plus du message de Kitô, j’avais reçu des dizaines de messages. Ceux-ci venaient de la fille avec qui je sortais actuellement. La veille, je m’étais souvenu avoir échangé des messages avec elle jusqu’à assez tard, mais j’avais abandonné à mi-chemin parce que la conversation n’avait pas de fin.

— Où va-t-on ensuite ?

—  Je veux manger ça, je veux ça.

—  Qu’est-ce que tu n’aimes pas ?

— Je veux te voir, je suis seule.

C’était des choses bien triviales.

Moi — Désolé, je me suis endormi. Je me rattraperai la prochaine fois.

Avec un joli emoji, j’envoyai à la fin cette réponse sans émotion, pensant la satisfaire. Si elle était persistante, j’avais juste besoin de la larguer, mais il y avait encore des informations que je voulais recueillir. Peu importe la classe ou l’ennui de la relation, il n’y avait jamais trop d’informations.  Oublions-là et focalisons-nous pour sur le problème Sakayanagi.

C’était littéralement son cas qui m’avait empêché de dormir la nuit dernière. Je voulais savoir comment nous allions nous battre pour cet examen et les préparatifs. Plus l’examen de fin d’année approchait, plus mon anxiété grandissait chaque jour. 

Je le voyais cet avenir où je pouvais perdre contre Ryuuen dans une confrontation directe avec une quantité importante de points de classe en jeu.

C’était un scénario que je devais absolument éviter.

Et pour ce faire, je devais user de tous les moyens possibles.

1

(Hashimoto)

Sakayanagi était indifférente à l’heure et au lieu fixés, qu’il s’agisse du karaoké ou du dortoir qui permettaient la discrétion. Même dans le bâtiment spécial ou derrière la salle de sport, il y avait plusieurs emplacements permettant des réunions discrètes, mais elle ne devait pas s’en soucier puisqu’elle ne divulguait rien.  Aujourd’hui, comme à notre habitude, nous nous dirigeâmes vers le café le plus animé du Keyaki. Elle semblait profiter de ce moment et choisit un emplacement populaire. Kamuro et Kitô la suivaient. 

Moi — Toutes mes excuses princesse. Je suis un peu en retard.

Dis-je en m’asseyant sur une place vide et en l’affublant de ce surnom.

Sakayanagi — Tu sembles assez proche d’elle, je me trompe ?

Moi — Ah, comment tu le sais ?

Jusqu’à l’année dernière, je n’avais qu’à faire attention aux élèves de la classe A, mais maintenant que nous étions en première, les kôhai étaient à compter dans l’équation. Avais-je négligé cela ? Non, s’il y avait un élève de seconde, j’aurais dû le remarquer dans l’allée des salles de première. Cela signifiait…Avait-elle secrètement gardé un autre pion pour observer ? La plupart du temps, c’était Kamuro, Kitô ou moi, mais périodiquement, Sakayanagi contactait quelqu’un sur son téléphone pour recevoir des informations. J’avais posé des questions à ce sujet une fois, mais elle n’avait jamais rien révélé. Il était également possible que cette personne soit là.  Je décidai qu’il n’était pas nécessaire de se précipiter pour connaître l’identité de cet élève, mais si j’étais surveillé activement, cela changeait la donne.

Moi — Je suis assez timide quand il s’agit d’amour, alors garde ça secret, ok ?

Sakayanagi — Héhé, je te promets que je ne le dirai à personne.

Kamuro — Alors ? De quoi parle-t-on aujourd’hui ?

Sakayanagi — Tu le sais très bien, Masumi-chan.

Kamuro — Hé. Ne m’appelle pas par mon prénom.

Sakayanagi — Je m’excuse. C’est juste une habitude.

Kamuro — Hein ? Tu ne m’as presque jamais appelé comme ça.  

Sakayanagi — Dans mon cœur, c’est toujours Masumi-chan.

Kamuro — Que c’est grossier !

Elle rejeta fortement l’appellation, on ne peut plus dégoûtée. J’aurais moi aussi trouvé ça malaisant venant d’elle, mais cela a un impact certain.

Moi — Alors, allons-nous commencer, princesse ? Il s’agit de l’examen spécial, n’est-ce pas ?

Sakayanagi — Examen spécial ? Non, tu te trompes, Hashimoto-kun. Aujourd’hui n’est qu’un simple goûter entre amis.

Elle se mit à rire. J’exagérai ma réaction en tombant presque de la chaise. 

Moi — Si c’était le cas, tu n’aurais pas eu besoin de rassembler toutes les têtes pensantes ici. 

Sakayanagi — C’est pour les « caméras », comme on dit.

Moi — Si d’autres classes découvrent notre réunion, cela va exacerber la tension. Elles vont redoubler d’efforts pour gagner.

Comment ça pour les caméras ? Pour plaire à qui au juste ? C’était ridicule ! Je me suis retenu jusque-là pour qu’elle ne lâche aucune info à la fin.

Moi — C’est quoi le projet en fait ? Tu peux t’expliquer ? 

Sakayanagi — C’est bien de rendre les autres classes sérieuses.

Kamuro — En quoi c’est avantageux ? C’est le contraire, non ?

Oui, le mieux aurait été de faire baisser leur garde.

Sakayanagi — J’ai envie de profiter comme il se doit. Dernièrement, avec le festival culturel et le voyage scolaire, il n’y avait pas vraiment d’enjeu.

Elle donnait la priorité à son propre plaisir. C’est ainsi que Sakayanagi dirigeait la classe tout ce temps. Ce fut toléré parce que les résultats étaient là et nous avons régulièrement accumulé des points de classe. Mais si ce n’est plus le cas, la valeur de Sakayanagi allait chuter drastiquement. Étais-je le seul ici à voir la chose ? Après avoir terminé ce simulacre de goûter entre amis, je me rendis aux toilettes de la zone Est. Je n’y allais pas pour faire mes besoins ou pour voir quelqu’un, c’était juste une habitude difficile à enlever.

J’entrai dans la dernière cabine et verrouillai la porte. Puis, une fois le couvercle automatique de la lunette ouvert, je m’assis sans baisser le pantalon. Les toilettes du Keyaki étaient toujours propres. Il n’y avait pas de mauvaise odeur non plus alors c’était agréable. Et puis bon, même si cela n’avait pas été parfait, j’aurais toléré la chose. La musique du centre commercial était un peu forte, mais je me penchai vers l’avant en joignant mes bras sur les genoux et fermai les yeux. C’était l’endroit pour apaiser mon cœur et me ressourcer.

Au collège ou avant, les endroits isolés étaient rares alors c’était un lieu de refuge précieux que j’ai gardé même au lycée. Rompre les habitudes n’est pas chose aisée. Pendant environ 30 minutes, je restai là sans sortir mon téléphone une seule fois, me demandant quand allais-je rentrer. Lorsque plus personne n’eut l’air d’utiliser le robinet, je me levai et tirai la chasse. Je me lavai les mains, les séchai et quitta les toilettes.

— Elle était bonne cette grosse commission ?

Moi — Tu m’as surpris. Depuis combien de temps tu es là ?

Ryuuen, qui s’était appuyé contre le mur à côté de l’entrée et avec son portable dans la main, esquissa un sourire.

Ryuuen — Je me demandais juste ce que tu faisais.

Moi — Lâche-moi un peu. Demain, c’est l’examen spécial alors j’aimerais ne pas attirer l’attention. Tu n’aurais pas pu venir chez moi ou autre part, non ?

Ryuuen — Si tu n’as rien à cacher, ça ne devrait pas poser problème.

Moi — Tu en demandes trop. Dépêche-toi.

C’était bien pour moi de pouvoir lui parler, mais je n’aimais pas ces visites surprises. Surtout dans le cas de Ryuuen qui savait très bien ce qu’il faisait. 

Mais pour comprendre le fonctionnement interne des classes adverses, les discussions avec lui étaient inévitables. C’était une mer agitée, mais tant que je pouvais y naviguer sans me faire retourner, ce n’était pas un souci.

2

En ce jour de repos, je passai la matinée avec Kei au Keyaki. Bien qu’elle exprimât parfois son inquiétude au sujet de l’examen spécial de demain, elle arrivait globalement à gérer la pression en ignorant tout simplement ce qui l’attendait. Tout en discutant de choses triviales, nous retournâmes au dortoir ensemble. Sur le chemin du retour, mon téléphone sonna. En voyant l’écran, je vis que c’était Kanzaki. Kei jeta un coup d’œil pour voir qui appelait, mais en voyant qui c’était, elle perdit tout intérêt et sortit son propre téléphone. Nous arrêtâmes tout deux de marcher quasi simultanément et je répondis.

Moi — Quoi de neuf ?

Kanzaki — Où es-tu en ce moment ? Je suis allé directement dans ta chambre, mais tu n’étais pas là.

Moi — Je suis sur le chemin du retour. Qu’est-ce que tu me veux ?

Kanzaki — Peux-tu m’accorder un peu de temps afin de discuter ? Watanabe et moi serons là. Est-ce que cela te convient ?

Il était inhabituel que quelqu’un me rende visite sans rendez-vous. 

Moi — J’arrive. Tu peux prévenir Watanabe.

Kanzaki — Très bien. Je peux attendre devant ta chambre ?

J’acceptai et mis fin à l’appel. En même temps, Kei rangea son téléphone. 

Karuizawa — Kanzaki-kun et Watanabe-kun ? Il se passe quoi ?

Moi — Je ne sais pas. On dirait qu’ils veulent me parler. Ils attendent devant ma chambre. Désolé, mais je pense qu’on va devoir reporter.

Karuizawa — Pas grave, mais tu es proche de ces deux-là, Kiyotaka ?

Moi — J’étais dans le même groupe que Watanabe pendant le voyage scolaire. Je l’ai beaucoup vu récemment.

Karuizawa — Oh, tu te fais de plus en plus d’amis, je vois.

Kei semblait surprise et un peu satisfaite, faisant quelques petits hochements de tête. Nous entrâmes tous les deux dans l’ascenseur et descendîmes au quatrième étage. Lorsque les portes s’ouvrirent, nous vîmes Watanabe et Kanzaki attendre. Ils nous remarquèrent, et Watanabe agita la main. 

Karuizawa — À plus tard. Appelle-moi quand tu peux. Prends le temps.

Considérant Watanabe comme mon ami, Kei afficha un sourire, montrant qu’il ne fallait pas se faire de soucis. Depuis notre réconciliation, elle semblait avoir retrouvé son sang-froid.

Kanzaki — Désolé pour la visite soudaine. Vous aviez l’intention de passer du temps ensemble plus tard ?

À notre rencontre, Kanzaki aborda le sujet avec prudence.

Moi — Pas de soucis. Pas comme si je vous voyais souvent tous les deux.

Je les invitai après avoir ouvert la porte. Leurs regards surpris balayèrent le salon, qui avait une apparence féminine et colorée.  En mettant mes invités à l’aise, je demandai leurs préférences en matière de boissons et allai à la cuisine. Peu après, Kanzaki se leva et s’approcha de moi.

Kanzaki — Je ne savais pas trop si elles pouvaient venir alors j’ai gardé le silence, mais quand elles ont su que je passais te voir, elles voulaient être là. Désolé pour cet imprévu, mais je peux ajouter deux personnes ?

Moi — Je suppose que je n’ai pas trop le choix. Qui sont-elles ?

Kanzaki — Ichinose et Amikura.

Cet ajout soudain ne me gênait pas, mais je n’arrivais pas à comprendre ce regroupement. Kanzaki tentait de réformer la classe en s’opposant à Ichinose dans les coulisses, car elle voulait maintenir le statu quo. Ichinose semblait être au courant des agissements de Kanzaki, mais elle ne tentait rien. Peut-être que j’allais trop loin dans ma réflexion, mais il n’y avait aucun signe que Himeno et Hamaguchi soutenaient Kanzaki en soi.

Kanzaki — La stratégie de classe concernant l’examen spécial à venir est réglée, et Ichinose voulait confirmer quelques derniers détails avec toi. Cependant, cela pourrait ne pas t’être bénéfique non plus.

Il s’excusa. Je pouvais sentir qu’il n’était pas très enthousiaste.

Moi — Ça ne me dérange pas. Elles veulent me parler de quoi ?

Kanzaki — Pour Watanabe, c’est une coïncidence. Je l’ai croisé en venant.

Watanabe — Oui, ce n’était pas prévu.

Aurait-il pu anticiper l’arrivée d’Amikura d’une manière ou d’une autre ? Ou est-ce que je réfléchissais trop ? Quoi qu’il en soit, je n’avais pas pris la peine de demander parce que cela n’avait pas d’importance. J’allumai la télévision puis m’engageai dans des bavardages triviaux pour passer le temps. Environ 15 minutes plus tard, la sonnette retentit. Comme prévu, Ichinose et Amikura firent leur apparition avec des collations du Keyaki dans les mains. Après avoir préparé des boissons pour tout le monde, je me préparai à écouter.

Ichinose — Kanzaki-kun te l’a peut-être déjà dit, mais concernant l’examen spécial de demain, je voulais discuter de quelque chose avec toi, Ayanokôji-kun. Je suis désolée pour cette demande soudaine.

Ce n’était pas spontané de sa part.

Moi — Cela ne me dérange pas spécialement, mais pour la stratégie de classe, tu devrais voir ça directement avec Horikita. C’est le leader ici.

Ichinose — Je veux plutôt que tu écoutes notre version de l’histoire.

Kanzaki — Attends, j’aimerais d’abord te demander quelque chose.

Ichinose — Hein ? Je t’écoute.

Kanzaki — Si tu souhaites collaborer, je m’y opposerai fermement.

Comme s’il voulait avoir le premier mot, Kanzaki prit l’initiative pour étaler ses préoccupations. Il parlait de la collaboration globale de l’examen.

Ichinose — Tu es inquiet de la possibilité où je chercherais à égaler les scores pour les quatre classes, n’est-ce pas ?

Kanzaki — Pour être franc, oui, c’est exactement ça.

Ichinose — Pourquoi n’as-tu pas abordé ce sujet lors de notre réunion ?

Kanzaki — Peu importe l’opinion que j’exprime, la majorité de la classe aurait été d’accord avec toi alors je voulais éviter la chose. Si les discussions se déroulaient dans mon dos, je n’aurais pas été en mesure de montrer mon opposition.

C’est pour cela qu’il avait évité le sujet jusqu’à présent, n’ayant jamais soulevé la question auparavant. Il avait ses propres raisons de ne pas en parler dans un cadre plus privé. Si je devais aider à la réforme de la classe, je me rangerais du côté de ceux de l’opposition. Cela faisait sûrement partie de son calcul.

Amikura — L’examen spécial est demain ? N’est-il pas trop tard pour faire pression pour que les quatre classes trouvent un arrangement ?

Amikura, assise à côté d’Ichinose, s’attendait à ce que quelqu’un fasse un tel commentaire et prit les devants. Il était en effet très tard.

Moi — Normalement oui, mais il s’agit d’Ichinose. Je ne serais pas surpris de la voir réfléchir à ce sujet jusqu’à la toute fin pour éviter l’expulsion de quelqu’un. Elle pourrait clairement changer de décision à la dernière minute pour protéger ses camarades.

Amikura — Si les quatre classes pouvaient se coordonner et assurer la victoire ensemble, cette idée aurait pu être prise en considération. Mais même si nous perdons des points au classement en essayant une entente, tant que les autres en perdent aussi, ça se discute aussi.

Kanzaki — Mais si nous perdons la chance de monter au classement…

Kanzaki, qui avait redouté ce moment, était sur le point de contre-argumenter avant d’être doucement arrêté par Ichinose.

Ichinose — Ne t’inquiètes pas. Je ne suis pas venue supplier Ayanokôji-kun pour ça. Si j’avais l’intention de le faire, il aurait été plus approprié de parler directement à Horikita-san.

Ainsi, Ichinose le rassura même si Kanzaki restait toujours inquiet. Coopérer contre l’expulsion même sans alliance pourrait être envisageable.  Mais si Ichinose restait déterminée à protéger ses camarades de classe, même à son propre détriment, leurs chances de victoire diminueraient. Pour cacher son anxiété, Kanzaki afficha maladroitement une expression de soulagement.

Kanzaki — Ouf. Je suis désolé de vous avoir brusquement interrompu. Je suis doué pour ruiner les conversations. Je cause toujours des ennuis.

Je lui indiquai qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour ça.

Ichinose — Kanzaki-kun, tu es devenu assez proche d’Ayanokôji-kun.

Kanzaki — Tu trouves ?

Ichinose — Tout à fait. Ton ancien toi aurait réfléchi à deux fois avant de parler aussi ouvertement des affaires internes de la classe. Et si Hirata-kun ou Kaneda-kun étaient présents ici, ta réponse aurait été complètement différente.

Kanzaki inclina la tête, confus. Mais c’était inutile. Elle avait dû sentir que quelque chose n’allait pas avec Kanzaki et Himeno.

Kanzaki — Peu importe, poursuivons la conversation.

Ichinose hocha la tête avec un sourire et se tourna vers moi.

Ichinose — La raison pour laquelle je suis venue te voir Ayanokôji-kun…

Je m’étais préparé à ce qui pouvait suivre, mais finalement, ce ne fut pas grand-chose. Elle voulait simplement gagner avec ses camarades, une ambition pleine de bonne foi. Mais elle n’avait pas eu besoin d’amener Kanzaki juste pour ça. Kanzaki, qui avait écouté jusque-là la conversation avec un visage sévère, se relâcha. Nous parlâmes maintenant de choses triviales.

Grâce à Watanabe, l’atmosphère s’égaya et cette réunion se déroula comme un simple rendez-vous entre amis. Alors que l’horloge indiquait six heures et que le ciel s’était obscurci, Kanzaki suggéra de mettre fin à la réunion. Ichinose, Amikura et Kanzaki sortirent en premier, suivis de Watanabe.

Watanabe — Je n’étais pas sûr de la façon dont se passeraient les choses aujourd’hui, mais c’était plutôt amusant finalement.

Probablement parce que Watanabe avait pu parler avec Amikura. Quand je le saluai du regard, il montra un large sourire. Alors que la porte d’entrée se fermait derrière les invités qui partaient, le silence revint. La télévision qui n’avait pas été si intrusive jusqu’à présent semblait soudainement trop bruyante alors je finis par l’éteindre. Alors que j’étais sur le point de débarrasser les tasses sur la table, la sonnette retentit. Comme je n’avais pas encore contacté Kei, il était peu probable que quelqu’un me rende visite sans que je ne le sache.  Je me demandais alors qui cela pouvait être. Tout en m’interrogeant sur l’identité de l’individu, j’ouvris la porte. De l’autre côté se trouvait Ichinose, qui, pour une raison quelconque, était revenue seule. 

Ichinose — Désolée, Ayanokôji-kun. J’ai oublié mon portable.

Je pensais qu’elle tramait quelque chose, mais ce n’était que ça.

Ayanokoji — Ton portable ? Où est-il ? Je vais le chercher.

Ichinose — Je pense qu’il est sous la table, je suis vraiment désolée.

Oublier son téléphone était une chose commune vu qu’il faisait partie de notre quotidien. On remarquait vite son absence. Kei l’oubliait souvent dans ma chambre et revenait en panique pour le récupérer. 

Moi — Attends un peu.

En laissant Ichinose dans l’entrée, je vérifiai sous la table. Je trouvai rapidement son téléphone, exactement là où elle fut assise. Je revins après une dizaine de secondes et le lui rendis.

Ichinose — Merci. Encore désolée.

Moi — À plus tard.

Ichinose — … Euh, pouvons-nous parler un peu ?

Nous avions déjà énormément parlé, mais il faut dire que les filles avaient toujours quelque chose à ajouter. Avec plus de compréhension que de surprise, je hochai la tête en guise d’affirmation.

Ichinose — Les gens pourraient se méprendre s’ils nous voyaient seuls. Peut-être devrais-je verrouiller la porte ?

Après l’avoir suggéré, elle se retourna pour le faire, avant de se figer.

Ichinose — Non, ce n’est pas une bonne idée. Si la porte était verrouillée et que quelqu’un venait… Ce serait encore pire.

Deux personnes seules ensemble était encore un événement innocent. En fait, jusqu’à peu, les camarades de classe d’Ichinose étaient ici. Mais si la porte était verrouillée avec seulement nous deux, la situation aurait été radicalement différente. Cela suggérerait que nous cachions quelque chose et que nous ne voulions pas que les autres le voient.

Ichinose — Mako-chan et les autres viennent de partir. Je leur ai clairement dit que j’avais oublié mon téléphone chez toi. Même si quelqu’un nous voit maintenant, nous avons une bonne excuse.

Elle ne se parlait pas à elle-même, elle semblait m’expliquer ses intentions à haute voix. Elle ne verrouilla donc pas la porte.

Moi — Tu as fait exprès de l’oublier pour rester seule avec moi ?

Peu importe ce qu’elle avait en tête, Ichinose se mit à sourire.

Ichinose — Qu’en penses-tu, Ayanokôji-kun ?

Je ne m’attendais pas à ce qu’elle réponde par une autre question.

Moi — Pour moi, ton oubli était intentionnel.

Ichinose, incapable de se retenir, baissa les yeux et reconnut la chose.

Ichinose — Je voulais te voir, Ayanokôji-kun. Juste tous deux, peu importe comment… Ne me trouves-tu pas repoussante… ?

Moi — Repoussante ? Pourquoi tu dis ça ?

Ichinose — Pourquoi… ? Parce que j’ai fait tout mon possible pour t’avoir alors que tu as déjà une petite amie.

À l’inverse, si c’était un garçon qui aurait fait ça, il aurait été vu comme un harceleur, mais finalement, tout dépendait de l’état d’esprit de la victime. Il suffisait que cette dernière soit incommodée pour considérer la chose comme du harcèlement. Ce n’était pas le cas si elle s’en fichait.

Moi — Tu es tout de même assez prévenante malgré la situation.

Si elle forçait ses visites, ma relation avec Kei aurait empiré. Ce n’était pas le cas ici, car sa venue était légitime.

Ichinose — Tu penses sincèrement que je ne suis pas repoussante ?

Moi — Non, tu ne l’es pas.

Tout ce que je pouvais dire en la voyant c’est qu’elle devenait un sujet de plus en plus intéressant, rien de plus. Immédiatement après, elle s’approcha lentement pour s’appuyer contre mon torse. 

Ichinose — C’était un accident… J’ai trébuché et tu viens de m’attraper… n’est-ce pas ?

Ayanokoji — Oui. Rien ne prouve le contraire.

Je ne la regardais pas, mais j’ai pu sentir son sourire avec cette réponse.

Ichinose — Je t’aime, Ayanokôji-kun. En fait, je suis dingue de toi. Je n’ai jamais été amoureuse, mais pourtant, j’ai l’impression que cela pourrait être mon premier et dernier amour. C’est étrange, n’est-ce pas ?

La Ichinose d’avant n’aurait jamais fait tout ça et je dois dire que ça avait d’une certaine manière un effet sur le sexe opposé. L’amour, devenu force motrice, fut utilisé pour atteindre un potentiel insoupçonné afin de créer la situation qu’elle désirait. C’était la résultante de sa générosité sans limite. J’avais préparé différents acteurs comme Kanzaki et Himeno pour provoquer quelque chose, mais j’entrevoyais maintenant une nouvelle voie. C’était clairement une bonne chose pour moi, car je pouvais désormais aborder le développement de leur classe sous deux angles différents.

À l’origine, Il y avait un seul scénario de prévu, mais avec un risque élevé d’échec. La survie de leur classe était maintenant possible autrement même si ce risque élevé d’échec était toujours là. M       ais bon, il était peut-être encore trop tôt pour juger à ce stade. Un parfum merveilleusement attrayant et extrêmement difficile à décrire jaillit de ses cheveux. Ce n’était pas une simple odeur de shampooing.

Ichinose — Si nous n’étions pas dans des classes différentes, nous aurions pu passer plus de temps ensemble…

Puis ce que nous redoutions arriva. La porte s’ouvrit soudainement avec force.

Watanabe — Désolé Ayanokôji, j’ai besoin de tes conseils…

Je vis le visage de Watanabe, revenu quelques minutes après notre petite réunion. Ichinose aurait dû tenir compte d’une visite soudaine et rester sur ses gardes, mais je ne m’attendais pas non plus à ce qu’on ouvre la porte comme ça sans toquer. Mon corps s’était tendu à cause de ce scénario inattendu. Figée de stupéfaction, Ichinose regarda simplement en arrière, surprise.

Watanabe — Qu–quoi !?

Watanabe lui-même, qui avait ouvert la porte sans réfléchir, haleta de surprise plus que quiconque. C’était de longues secondes qui s’écoulaient. La chaleur du corps d’Ichinose à cause du contact avec ses vêtements du quotidien disparut aussitôt. Il était impossible de faire passer le contact physique comme un simple accident ou une coïncidence. L’excuse selon laquelle elle avait failli tomber n’allait convaincre personne.

Bien que Watanabe était d’abord incapable de saisir la situation, cela n’allait pas durer éternellement. Naturellement, non seulement moi, mais Ichinose devions avoir compris la gravité de la situation. Quel genre de réponse Watanabe allait-il donner ?  Il fallait le savoir pour appliquer notre plan d’action. Il n’y avait rien que je puisse faire en ce moment, alors je les laissai parler.

Watanabe — Oh, euh, euh, désolé, je n’ai pas frappé… alors euh, je vais y aller !

Face à la situation incommodante, la décision de Watanabe fut de tourner et fuir. Alors qu’il essayait de fermer la porte, Ichinose se déplaça plus rapidement. Elle empêcha la porte de se fermer complètement avec sa main. 

Ichinose — Watanabe-kun.

Watanabe — Oui ?

Il se tint tout de suite debout après avoir entendu sa demande très formelle. 

Ichinose — Peux-tu entrer ?

Watanabe — Mais je m’incruste. Mon problème n’est pas important !

Ichinose — Peux-tu entrer ? S’il te plaît.

Watanabe — …D’accord.

Je ne pouvais pas voir l’expression d’Ichinose vu qu’elle faisait face à Watanabe, mais lorsqu’elle se retourna, je vis son sourire habituel. Il n’y avait aucun signe d’agitation sur son visage alors qu’elle devait être tendue à l’intérieur. Elle s’était rapidement adaptée, décidant de la marche à suivre. Elle fit entrer Watanabe et verrouilla la porte du genkan[1] après avoir obtenu mon approbation. Maintenant que nous étions trois, verrouiller la porte n’était pas un souci. Il fallait saluer son sang-froid dans une telle situation.

Ichinose — Entre.

Avec nous trois réunis dans cette zone d’entrée un peu exiguë, j’invitai Ichinose et Watanabe à avancer plus loin dans la pièce principale. Son expression tendue montrait clairement ses émotions. Ni Ichinose ni moi-même ne semblions paniquées, il était tout naturel qu’il soit effrayé par notre calme.  La chambre était exceptionnellement silencieuse, en partie parce que j’avais éteint la télévision. Watanabe, qui s’était assis de son propre chef, n’était probablement pas en pleine possession de ses moyens. 

Ichinose — À propos de ce qui s’est passé plus tôt, j’ai agi par moi-même. Ayanokôji-kun n’est pas à blâmer.

Watanabe — Oui, bien entendu.

Ichinose — Je n’aime pas vraiment ce ton formel.

Watanabe — D-désolé…

Ichinose — C’est moi qui l’ai pris dans les bras. Tu l’as bien vu ?

Il ne pouvait que faire un hochement de tête répétitif pour aller dans son sens.

Ichinose — J’ai mal agi. Je sais que tu n’as pas à garder cela secret, Watanabe-kun, mais tu n’es pas quelqu’un de mal intentionné. Je crois que tu ne répandrais pas cette histoire pour nuire aux autres.

Ichinose ne le faisait pas seulement taire, elle essayait de susciter de la culpabilité en lui. C’était bien plus efficace que des menaces.

Ichinose — Désolée, Ayanokôji-kun. J’ai agi de manière égoïste.

Moi — Ce n’est pas grave.

Ichinose — Je suis heureuse que tu me le dises, mais si Karuizawa-san apprenait cela, elle se mettrait en colère… Non, elle serait profondément affectée. Je suis prête à recevoir n’importe quelle punition.

Elle savait que je ne la punirais pas pour si peu. C’était juste le coup de grâce verbal pour Watanabe. Ses mots et son analyse psychologique étaient impeccables. Mais jusqu’où allait-elle aller ? Sa sincérité se mêlait au calcul sans que je ne puisse dire les proportions. Le silence envahissait à nouveau la pièce. Je ne pouvais pas laisser ce mutisme durer.

Moi — Vous devriez tous les deux rentrer chez vous pour aujourd’hui.

Elle acquiesça aussitôt, attendant la chose, mais Watanabe était immobile. Il était passé de la panique au calme. À quoi pensait-il ?

Moi — Watanabe ?

Il poussa un profond soupir et regarda entre moi et Ichinose.

Watanabe — Ne pas frapper est une violation des mœurs. Je suis clairement en tort. Je suis revenu parce que je voulais discuter avec Ayanokôji. Alors, heu, ça te dit d’écouter une histoire du collège ?

Je n’avais en effet pas demandé pourquoi Watanabe était revenu.

Ichinose — Je suppose que je vais vous laisser alors.

Watanabe — A-Attend Ichinose, si tu es d’accord, tu peux rester.

Malgré cette demande soudaine alors qu’elle était sur le départ, elle retint ses pieds. Dans un semblant de consultation, il commença à parler de son passé.

Watanabe — En deuxième année de collège, j’avais fait une rencontre cruciale. Je suis rapidement devenu ami avec une fille que j’ai rencontrée en début d’année. Nous étions assis ensemble et c’était notre premier contact. Elle a dit qu’elle me trouvait intéressant, et nous sommes devenus de plus en plus proches. Nous étions dans le même groupe lors d’un voyage scolaire et j’étais convaincu que c’était le destin.

C’était une histoire de cœur. Ce n’était peut-être pas son premier amour, mais il était clair d’après son comportement que c’était important pour Watanabe.

Watanabe — J’ai même pensé qu’elle m’aimait vu que nous étions devenus proches, mais j’étais naïf à l’époque. Elle sortait en fait avec un gars d’une autre classe qui avait toujours le sourire d’ailleurs. Je ne le savais pas et mes sentiments pour elle n’avaient fait que s’intensifier.

Un amour non partagé… C’était comme entre Kei, Ichinose et moi.

Watanabe — Chaque jour, je l’appelais et nous parlions de tout et n’importe quoi, même tard dans la nuit…

Ce n’était pas un souvenir heureux, son visage semblait rempli d’amertume.

Watanabe — Mais un jour, nous nous sommes parlé franchement au téléphone. J’ai été choqué quand elle m’a dit qu’elle m’aimait. J’étais si heureux… Je n’ai pas su répondre quand elle m’a demandé ce que je pensais d’elle. Il m’a fallu genre cinq minutes pour dire que c’était réciproque.

Il eut un rire gêné. Son expression fut empreinte d’autodérision.

Moi — Elle sortait avec quelqu’un d’autre aussi, c’est ça ?

Ma première pensée était qu’elle faisait double-jeu, mais il nia la chose.

Watanabe — Non… Elle a été larguée par lui avant. Je ne sais pas quand, mais je pense que lors de ma discussion avec elle au téléphone, ils étaient en mauvais terme.

Elle avait jeté son dévolu sur Watanabe, qui était proche d’elle, une fois célibataire. Cela semblait en effet être le cours naturel des choses.

Watanabe — Je n’étais pas au courant de ses relations passées à ce moment-là, mais elle avait opté pour le second choix que j’étais après avoir été lâchée par ce gars populaire. Je n’avais clairement aucun recul.

Watanabe avait fini par sortir avec elle. Comme c’était des collégiens, leur relation restait secrète. Ils échangeaient des messages et se rendaient visite occasionnellement. Tout cela semblait se dérouler en douceur.

Watanabe — Nous nous sommes embrassés deux fois. Et puis plus…

Il semblait plus gêné que timide. Mais le destin prit un tournant pour lui en troisième année. Ils se retrouvèrent dans des classes différentes en raison du mélange des élèves. Dans cette classe, il y avait un garçon de l’école primaire qui avait fini par aimer cette fille. Il était facile de comprendre la suite.

Watanabe — Elle a fini par s’excuser au téléphone en pleurant en disant qu’on ne pouvait plus sortir ensemble. Notre relation avait commencé au téléphone pour se finir au téléphone. Que c’est risible.

Après cela, elle commença à sortir avec cet ami proche de Watanabe.

Watanabe — C’était inévitable, mais dur à encaisser. Le pire c’est quand mon ami a ri en me disant qu’il l’avait largué quelques mois plus tard.

La relation entre Watanabe et cette fille était un secret. Par conséquent, son ami proche ne voulait probablement pas lui faire de mal même si la probabilité pour qu’il le sache n’était pas nulle.

Watanabe — Je suis timide quand il s’agit d’amour… Je pensais ne plus jamais être amoureux, mais allez savoir, je suis tombé sous le charme d’une autre fille en venant dans ce lycée.

Watanabe était positif et joyeux. Je le pensais timide sur ces questions, mais son passé était marqué par des souvenirs douloureux.

Watanabe — Voilà, vous comprenez. Je n’ai jamais eu l’intention de partager un passé aussi embarrassant avec qui que ce soit. Alors, je veux que vous me fassiez confiance. Je ne parlerai à personne.

Un échange de secrets. C’était la meilleure chose qu’il pouvait offrir.  Il n’était pas obligé de jouer cette carte, mais il voulait nous prouver sa sincérité.

Watanabe — Je voulais parler aujourd’hui de cette fille que j’aime. Non pas que quelque chose se soit passé, mais il faut savoir se confier quoi.

À quoi ressemblait Amikura aujourd’hui ? Est-ce qu’elle me regardait ? Mon histoire était-elle intéressante ? Il souhaitait simplement confirmer cela.

Watanabe — En fait, j’avais l’intention de revenir immédiatement après être parti, mais l’oubli du portable d’Ichinose a retardé mon timing. Je ne pensais pas qu’elle resterait.

Bien sûr, cela avait dû troubler l’esprit de Watanabe. Ce dernier avait entendu Amikura et Himeno dire qu’Ichinose pouvait avoir le béguin pour moi. Par conséquent, il n’était pas surpris au fond, mais ce n’était pas l’objectif ici. 

Ichinose — Mon amour est à sens unique, c’est tout. Mako-chan et Chihiro-chan savent également que je suis amoureuse d’Ayanokôji-kun.

Elle l’admit comme si elle ne pouvait plus le cacher, mais certains le savaient déjà. Ce n’était pas une révélation particulièrement importante.

Ichinose — Je suis juste retournée chercher quelque chose que j’avais oublié, et sur un coup de tête…

Watanabe — Je vois… Un caprice…

Il semblait comprendre, mais il était certes un peu confus. L’impulsivité d’Ichinose qui était là avant lui fut pesante pour lui.

Ichinose — Je pense que je te comprends mieux après notre conversation d’aujourd’hui, Watanabe-kun. Tu aimes Mako-chan, n’est-ce pas ?

Watanabe — Qu-quoi !? Co-comment as-tu su qu… !?

Ichinose — C’est évident si tu y regardes de plus près. Récemment, tu as été particulièrement obnubilé par Mako-chan.

N’importe qui l’aurait remarqué lors de la réunion d’aujourd’hui, pas seulement Ichinose. Le regard et la passion de Watanabe étaient intenses et trop évidents pour être cachés.

Ichinose — Mako-chan semble toujours aimer son camarade de collège, mais elle veut aussi se lancer dans un nouvel amour. Je ne sais pas envers qui seront ses sentiments, mais je suis sa meilleure amie et je sens que je peux te faire confiance.

C’était une proposition adorable d’Ichinose. Watanabe essayait de demander pardon en parlant des secrets de son passé, mais Ichinose prévoyait de mettre en œuvre une stratégie ou plus précisément une assurance. Elle comptait fournir des informations à propos d’Amikura, sous-entendant pouvoir agir comme entremetteuse. Watanabe était timide quand il s’agissait d’amour, mais ses sentiments pour Amikura étaient authentiques.

Et c’est justement pour ça qu’il n’avait pas eu le courage d’aller de l’avant. S’il pouvait compter sur l’aide d’Ichinose, c’était comme avoir un atout inestimable. Un allié des plus forts. Leur relation de confiance passa de 100 % à 120 %. Les émotions de Watanabe étaient complètement contrôlées par Ichinose.

Watanabe — Vraiment ? En es-tu sûre ?

Ichinose — Bien sûr. Tout d’abord, tu dois lentement te rapprocher de Mako-Chan.

Watanabe — D’accord !

Watanabe répondit avec enthousiasme. Il était probable qu’il se sente toujours coupable d’avoir vu quelque chose qu’il n’aurait pas dû, mais ce sentiment allait se dissiper progressivement. Un triangle amoureux et un scandale illicite… Toutes ces choses étaient en fin de compte l’affaire de quelqu’un d’autre, quelque chose d’excitant, mais de temporaire.

S’il répandait cette information, Ichinose devenait une ennemie. S’il gardait cela pour lui, elle devenait une alliée. Il était naturel qu’il aille vers la deuxième option. Qu’importe les actions d’Ichinose, cela n’avait aucune incidence tant que son propre amour triomphait. Cette dernière avait réussi à contrôler une situation qui aurait pu devenir périlleuse en la retournant à sa faveur.

Ichinose remarqua que Kanzaki et les autres agissaient de manière suspecte.  Watanabe, qui s’était rassemblé du côté du groupe de réformateurs de Kanzaki, avait complètement rejoint cette fois le camp d’Ichinose. Cela rendait les choses plus compliquées pour moi, car j’avais prévu d’inciter Kanzaki à changer de classe. Mais on dirait qu’Ichinose avait déjà commencé à se mettre en mouvement sans que je sois impliqué. 

Qui sait si cette action pouvait conduire à l’unité de la classe ou au chaos. Compte tenu de cela, il n’était peut-être pas trop tard pour attendre et voir ce que les actions d’Ichinose allaient donner jusqu’à la fin de l’année scolaire.

3

(Hashimoto)

Il était environ 8h du soir. Seul dans ma chambre, je poussai un grand soupir.

Moi — Aucun contact comme prévu. Elle prévoit probablement de se détendre et d’attendre que l’examen arrive.

Compte tenu de ses exploits passés, il était toujours probable qu’elle gagne sans rien faire. Soixante ou quatre-vingts pour cent. C’est ce qui est probable pour que Sakayanagi assure la première place ou au pire, la deuxième place.

Mais cela n’allait pas suffire. Il y avait quelque chose de crucial à faire pour nous assurer le maintien en classe A. Je m’étais préparé et appelai Sakayanagi. Cela allait être une bataille pour déterminer la façon dont j’allais me battre.

Sakayanagi — Il est inhabituel que tu appelles à cette heure-ci, Hashimoto-kun.

La voix de Sakayanagi sortie du téléphone, accompagnée d’une douce musique classique en arrière-plan.

Moi — Désolé d’appeler si tard, princesse.

Sakayanagi — Ne t’en fais pas. Je t’en prie, dis-moi ce qui te tracasse.

On pouvait facilement dire à son comportement calme qu’elle avait beaucoup de temps pour converser.

Moi — Le goûter d’aujourd’hui était amusant, mais il y a certaines choses que je dois aborder. D’après mes recherches, il semblerait que le risque ait été évité. Je souhaitais t’en assurer.

Ce n’était qu’une manœuvre pour évaluer sa réaction. Il fallait y aller lentement et sûrement. C’est pour cette raison que je m’étais répété la scène autant de fois dans ma tête après mon retour à la maison.

Sakayanagi — À quel risque fais-tu référence ?

Quelle sache ou non ce qui se passe, peu lui importe tant qu’elle pouvait mettre en place ses propres règles du jeu. Elle n’avait que faire des choses qui n’étaient pas sous son contrôle. Ce n’est pas top pour ses alliés d’agir ainsi.

Moi — C’est évident, n’est-ce pas ? La possibilité que les trois classes s’allient et attaquent la classe A. Si les trois classes pactisent, elles pourraient manipuler la majorité des points. Il n’y aurait aucune chance de gagner si cela était fait intelligemment.

Sakayanagi — Tu as l’air très inquiet pour un problème peu important.

Ce n’était pas un problème mineur que d’affronter les trois classes comme des ennemis pour elle ? J’essayais nerveusement de savoir si elle était sérieuse.

Moi — Je suis inquiet. Tu ne l’es peut-être pas, princesse, mais pour moi, la formation d’alliances est une menace en soi. Cela leur permettrait de coordonner des attaques sur la classe A.

Sakayanagi — Ces trois classes se battent ardemment pour arriver à notre position. Elles veulent gagner autant de points que possible à l’examen. Une alliance pour nous faire tomber est peu probable.

J’ai compris ce qu’elle disait. Même si la classe A terminait à la dernière position, nous chuterions simplement un peu du haut du classement. Les classes d’Ichinose et de Ryuuen n’en profiteraient pas réellement. La classe d’Ayanokôji et Horikita voulait justement en profiter pour gratter un peu d’avance.

Moi — Mais si quelqu’un capable de mener cela à bien se cache dans l’ombre, alors c’est une autre histoire.

Si Ayanokôji est le genre de personne que je pense, il serait capable d’une telle manœuvre. 

Sakayanagi — Je ne peux pas complètement nier cette possibilité. Mais est-ce pour ça que tu m’as appelé ?

Elle semblait laisser entendre que je lui faisais perdre son temps.

Moi — Non, il y autre chose. En fait, c’est le sujet le plus important. Je veux contribuer à la classe.

Afin de réussir l’examen spécial, j’avais transmis toutes les informations que j’avais recueillies jusqu’à présent à Sakayanagi. Kôenji a fait une promesse avec Horikita, et elle allait l’honorer.  Je ne pouvais pas apporter de précisions à ce sujet, mais il semblait que Ryuuen avait pris contact avec ses camarades de classe et complotait à propos de quelque chose. Quel élève des autres classes devrait être prioritaire pour l’expulsion, et ainsi de suite. J’ai même inclus des détails obscurs qui semblaient dénués de sens pour une personne lambda.

Moi — Voici toutes les informations que j’ai sur la classe de Horikita.

Je voulais qu’elle félicite mon enthousiasme. C’était pour notre bien.

Sakayanagi — Tu as certainement travaillé dur pour recueillir ces informations, Hashimoto-kun.

Mes souhaits avaient été satisfaits, et ma ferveur semblait résonner au téléphone. 

Moi — Bien sûr. Avec un rival accumulant un nombre étonnant de points de classe, je veux rassembler chaque petite information et la partager avec toi, princesse. Le meilleur moment aurait été pendant notre goûter.

Sakayanagi — Tu es un travailleur acharné. Tu sors donc avec Maezono-san pour obtenir des informations et non parce que tu l’aimes ?

Voilà où on en arrivait. Sakayanagi n’avait peut-être pas de jambes, mais elle avait beaucoup d’yeux. On m’avait donc vu sortir en public avec Maezono plusieurs fois, mais je ne devais pas paniquer. Il fallait lui faire face.

Moi — Eh bien, cela fait partie de la stratégie. Quand l’as-tu découvert ?

Sakayanagi — J’ai remarqué que tu as récemment beaucoup été en contact avec elle. Les enregistrements audios concernant la discussion sur la « menace Ayanokôji » que tu as partagée avec Masumi-san, cela vient d’elle, n’est-ce pas ?

Moi — Mon Dieu. Masumi-chan te l’a-t-elle dit ?

C’était mauvais pour mon cœur. J’aurais clairement paniqué si je ne m’étais pas préparé au pire. Je voyais déjà Kamuro me dire « Tu ne m’a pas dit de ne pas le dire à Sakayanagi. Et même si c’était le cas, c’est à moi d’en décider ».

Moi — J’espère que tu pourras utiliser les informations, princesse.

Sakayanagi — J’apprécie sincèrement ta gentillesse. Je ne suis pas sûre d’en faire quelque chose, mais j’en ferai bon usage.

Moi — Si j’ai bien compris, tu ne souhaites pas utiliser ces informations ?

Sakayanagi — J’ai déjà une stratégie. Je ne m’appuierai pas uniquement sur les informations que tu as recueillies. Disons que je vais devoir prendre certains paramètres en considération.

Elle semblait moins excitée maintenant qu’elle avait ces infos. 

Moi — Posent-elles problème ?

Sakayanagi — Oui. L’inattendu pendant les examens rend les choses amusantes. Tu viens de me voler une partie de mon plaisir.

Elle ne manquait jamais de m’amuser avec ses déclarations ridicules. Notre classe était juste son terrain de jeu. Elle se fichait de conserver notre avance.

Moi — Alors, peux-tu garantir que tu peux gagner cette fois-ci ?

Sakayanagi — Je ne perdrai pas. Tu comprendrais si tu prenais du recul.

En me basant sur sa grande confiance et sur ses résultats passés, j’aurais peut-être été moins inquiet.  J’avais rassemblé trop d’informations. L’existence d’Ayanokôji avait forcé des changements importants dans mes plans.

Moi — Bon sang, tu es si confiante… Je comprends. Alors ne t’inquiète pas concernant ce que je t’ai dit. Je vais juste observer, tant qu’aucun problème ne se pose.

À ce moment-là, il était inutile d’aller plus loin. De mon côté, j’avais évacué tout ce que je pouvais pendant cet appel téléphonique. 

Sakayanagi — Qu’il en soit ainsi alors. Alors…

Pendant l’appel, sa voix resta calme, mais il semblait qu’elle supprimait son malaise. Sakayanagi détestait être aidée. Elle voulait se battre avec les informations qu’elle recueillait tant que c’était de sa propre initiative. C’est pourquoi elle était agacée par cette masse inattendue d’informations. Même si ce n’était pas exceptionnel, c’était un peu plaisant pour moi.

Moi — C’est bien mérité.

J’avais pris quelques coups, mais ma bataille était loin d’être terminée. C’est là que les choses sérieuses allaient commencer.

Par rapport à la détermination qu’il a fallu pour appeler Sakayanagi, je ne sais pas combien d’autres moments comme ça seront nécessaires, mais j’exécuterai ma stratégie afin de gagner.


[1] Le genkan(玄関) est comme un couloir d’entrée. C’est là où l’on enlève ses chaussures avant d’entrer dans la partie principale de l’habitation.

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