CLASSROOM Y2 V10 Chapitre 4

Conseil

—————————————-
Traduction : Kojishida
Correction : Raitei
———————————————–

Le week-end s’acheva après avoir découvert l’identité du bienfaiteur de Mii-chan. Même après les deux premiers jours de la semaine, Horikita ne vint pas me demander conseil. Mercredi après-midi, deux jours avant l’examen spécial, un élève proposa un plan inattendu.

Ike — J…J’ai peut-être une stratégie gagnante incroyable !

Ike se leva et frappa ses mains sur le bureau ce qui raisonna sur la chaise. Tout le monde était encore en classe alors il avait attiré l’attention. Cependant, personne ne s’attendait à quoi que ce soit de sa part de probant.

Shinohara — Comment ça Kanji ? On parle de toi là !

 Sa petite amie était la plus surprise, mais aussi, la plus rabat-joie.

Ike — Je suis sérieux ! Laissez-moi refaire mes calculs, heu…

En disant cela, Ike commença à compter sur ses doigts. Le calcul ayant l’air de se complexifier, il finit par sortir son téléphone.  Mais la cruelle réalité est que nos camarades de classe commençaient à partir, jugeant probablement que cette idée soudaine n’en valait pas la peine.  Cependant, Ike, inconscient de la foule qui se dispersait, hocha la tête comme s’il avait fini de tout vérifier.

Ike — Pas de doute, c’est une idée gagnante ! Je peux en parler ?!

Horikita — Ike-kun. Je vais te répondre sérieusement pour l’instant, mais je ne veux pas que l’on discute de stratégie ici.

Ike — Ah, oui, il ne faut pas que stratégie parfaite soit divulguée… !

Hirata — Horikita-san, allons à l’endroit habituel.

Il semblait qu’il se réunissait fréquemment avec Horikita en secret au vu de ses dires. Ils se préparaient sans aucun doute pour l’examen spécial.

Horikita — Bonne idée. Ceux qui sont intéressés pour venir avec nous peuvent lever la main.

Shinohara leva immédiatement la sienne, ainsi que Hondô et Miyamoto. Personne d’autre ne semblait attendre grand-chose de l’idée d’Ike. Quant à moi, j’étais plutôt intrigué alors j’avais levé la main en toute décontraction.

Horikita — Pourquoi ce changement d’avis ? Tu as une bonne raison ?

Les trois autres étaient des amis proches d’Ike ce qui expliquait pourquoi elle m’avait demandé une raison à ma participation.

Moi — Je ne peux pas me contenter d’être curieux ? Ike a dit que c’était une stratégie gagnante et il a l’air confiant. Je suis juste intrigué.

Horikita — Je vois, c’est très bien comme ça. Je n’avais pas d’autres réunions de prévues pour aujourd’hui de toute façon.

Suite à cette conversation, nous nous mîmes en route tous les six. Nous quittâmes le bâtiment scolaire pour nous diriger vers le Keyaki en salle de karaoké. C’était l’endroit idéal pour une discussion confidentielle. On pouvait en plus acheter des petits snacks et des boissons à des tarifs abordables ce qui en faisait un endroit idéal.

Ike — Satsuki, tu veux la même chose que d’habitude ?

Shinohara — Oui. Toi aussi, Kanji ?

Ike et Shinohara se blottirent l’un contre l’autre, explorant le menu et tout en discutant bien familièrement.

Moi — Hé, Horikita.

Horikita — Oui ?

Moi — C’est un peu déroutant de venir ici discuter et manger alors que l’objectif initial est de chanter.

Horikita — Certes, mais tu t’inquiètes pour des choses bien inutiles.

Ike — T’es débile Ayanokôji ou quoi ? C’est évidemment parce que tu es obligé de consommer au moins une boisson.

Ike, qui avait écouté notre conversation, me sermonna un petit peu. J’avais juste dit ça comme ça, mais je ne répondis rien pour éviter que Shinohara ne perde son regard amoureux qui était lancé en direction d’Ike. Je me contentai de regarder le top des musiques sur le terminal.

Moi — …Je vois.

Je ne comprenais pas tout, mais il y avait pas mal de chansons que je connaissais de nom. Les chansons asiatiques hors Japon avaient l’air tendance de nos jours, car plusieurs occupaient les premières places. La qualité devait être au rendez-vous.

Horikita — Il ne reste plus que ta commande, Ayanokôji-kun.

Alors que j’étais perdu dans le classement, les autres avaient fini de choisir.

Moi — Alors, je vais prendre du thé de varech aux prunes.

Horikita s’occupa de commander pour tout le monde alors nous n’avions plus qu’à attendre. Il valait mieux éviter toute interruption pendant notre discussion. Même si on se fichait qu’un membre du personnel nous entende, il valait mieux rester prudent. Quelques instants plus tard, les boissons arrivèrent à notre table.

Horikita — Alors, écoutons ce que tu…

Je décidai de laisser les autres parler et porta mon thé à la bouche.

Moi — C’EST CHAUD ! Désolé… continuez.

Après avoir subi le regard perçant de tout le monde, je m’excusai et détournai le visage. Le bout de ma langue était si brûlant qu’il m’engourdissait. Il fallait faire attention dorénavant.

Horikita — Ahem, écoutons l’idée d’Ike-kun.

Horikita, en tant que leader, se pencha sérieusement sur l’idée d’Ike même si la situation paraissait lunaire. Son expression ne montrait aucun signe d’amusement ce qui tendit un peu le visage d’Ike.

Ike — Si on réunit 68 points, on est d’accord que c’est un score gagnant ?

Après un rapide clin d’œil à Shinohara, Ike commença à susciter mon intérêt.

Horikita — 68 points ? Bien sûr, avec 68 points, nous aurions de bonnes chances de victoire, mais c’est un score très spécifique.

Le manque de transparence concernant les tâches à accomplir dans le cadre de cet examen ne permettait pas d’anticiper le nombre de points que chaque classe pouvait obtenir. Pourtant, Ike affirmait que nous pouvions obtenir 68 points. Cette affirmation suscita un fort sentiment de malaise chez Horikita.

Sentant son scepticisme, Ike finit rapidement la moitié de sa bouteille de soda, s’humectant la gorge, et commença à parler de la solution qu’il venait d’avoir.

Ike — Même si c’est risqué, on pourrait obtenir exactement 68 points. Il faudrait simuler une maladie au moment où l’examen commence. Avec 38 élèves, il suffit juste d’en laisser cinq pour la défense avec le chef.

Hondô — Quoi ? Mais en faisant ça, on perd 32 points dès le début ! Tu as compris les règles au moins ?

Exaspéré, il posa ses mains sur le canapé et regarda le plafond, soupirant lourdement. Horikita, elle, écoutait attentivement. C’était logique. Une élimination de 32 personnes garantissait 68 points au maximum et non 100.

Horikita — En effet. Même si nous soustrayons 32 points pour les élèves éliminés, nous sommes assurés d’obtenir 68 points.

Hondô et Miyamoto furent déconcertés par cette déclaration. Shinohara, qui avait peut-être déjà entendu la stratégie, souriait.

Ike — L’adversaire ne peut nommer que cinq élèves. Il n’aura d’autre choix que de viser les cinq meilleurs de notre classe.

Miyamoto Ah…

Miyamoto comprit avant Hondô, et laissa échapper un bruit.

Ike — Il y a 20 tours et à chaque tour on peut récolter jusqu’à 5 points car 1 point par élève. C’est clairement faisable, non ?

Une idée intéressante que je n’aurais jamais pensé provenir de lui.

Ike — Et puis on évite de faire réviser tout le monde, si c’est pas beau !

Hondô — L’établissement laisserait une telle absence ? C’est gros.

Hondô, perplexe face à sa stratégie logique, en souligna la faille.

Miyamoto C’est clairement suspect.

Miyamoto exprima également son scepticisme. En effet, il semblait absurde que 32 élèves de la classe tombent malades le jour de l’examen.

Ike Faire semblant d’être malade fait partie de la zone grise dans les règles. Je ne pense pas que l’école empêcherait la chose, suspect ou pas. Personne ne peut prouver que nous le faisons exprès.

Il était inimaginable que 32 personnes tombent malades en même temps, mais même si l’établissement est sûr à 99% que nous mentons, il reste tout de même 1% de doute qui l’oblige à céder. Il était clairement établi que ceux qui ne se présentaient pas étaient éliminés de toute manière.

Horikita — C’est une excellente idée dans le sens où ça maintiendrait tout de même une moyenne élevée de points.

Ike — Vous avez vu ? Alors, alors ?

Avec l’appréciation inattendue d’Horikita, même Hondô, qui était sceptique, commença à reconnaître que c’était ingénieux.

Hirata — Une stratégie visant 68 points au lieu de 100… Eh bien, n’est-ce pas pour le moins original ?

Shinohara J’ai également été surprise lorsque Kanji m’en a parlé. C’est une bonne idée, n’est-ce pas ?

L’accent avait été mis sur la capacité à finir à 68 points, mais il y avait d’autres avantages. La stratégie ne nécessitait pas de compétences, de chance ou de préparation préalable. Elle pouvait être mise en œuvre immédiatement avant le début de l’examen, et aucune autre classe ne pouvait nous empêcher d’obtenir 68 points. Et, dans le pire des cas, même si la classe était classée dernière, nous pourrions choisir l’un des 32 élèves à exclure. Par conséquent, ce plan permettait également d’écarter facilement un élève moins compétent.

Même si le choix de l’élève à exclure parmi les 32 élèves allait être difficile, si nous décidions à l’avance qui expulser avec le consentement préalable, la suite des événements se déroulerait sans heurts. Le risque d’expulsion pouvait être nul si une personne faisait jouer son point de protection. À première vue, l’idée ne semblait pas mauvaise, mais il était peu probable qu’elle soit adoptée.

Horikita — S’il n’y avait pas eu une certaine règle dans cet examen, cela aurait pu rester une idée que nous aurions pu mettre en œuvre.

Ainsi, le plan d’Ike était menacé, car Horikita y voyait les obstacles.

Ike — J’insiste pas non plus pour mon plain, mais pourquoi ?

Ike était vraiment confiant alors il voulait une raison valable.

Horikita — Supposons que la classe de Ryuuen-kun mette en place cette stratégie juste après le début de l’examen.

Elle commença ainsi la discussion en émettant une hypothèse.

Horikita — Malgré l’expulsion, l’arrivée de Katsuragi-kun a permis de rééquilibrer le nombre à 40. À l’exception du leader et de cinq élèves, il y aurait 34 éliminations. Cela signifie qu’ils obtiendraient au maximum 66 points.  Si les trois classes restantes parviennent à obtenir 67 points ou plus, cette approche devient risquée.

Ainsi, ils n’auraient aucun moyen de prétendre à plus et seraient bloqués. Sur la défensive, leur classe ne pourrait compter que sur des erreurs adverses.

Ike — Mais il n’y a aucune garantie que les trois autres classes marquent 67 points ou plus, non ? Le risque d’être dernier est toujours là, mais il y a une grande probabilité de finir premier.

Horikita — Non. Il est très probable que si la classe de Ryuuen-kun utilise cette stratégie, elle finira à la dernière place.

Ike — Pourquoi ? On connaîtra la difficulté des questions qu’au moment de l’examen, non ? Alors…

Ike ne comprenait pas en quoi ils pouvaient largement finir derniers.

Ike — S’ils veulent utiliser la stratégie de la fausse maladie pour provoquer une élimination de masse, ils devraient naturellement le faire dès le premier tour. Il n’y a que peu d’intérêt à le faire aux autres tours.

Plus on repoussait l’échéance, plus on risque d’abaisser le maximum de points.

Ike — Et puis vu que c’est une stratégie qui se voit bien, ils vont être choqués de ce beau coup.

Horikita — Au contraire. Cela rendra les choses plus faciles pour les trois autres classes.

En disant cela, Horikita prit son téléphone portable, qu’elle avait posé à côté d’elle, et le montra à son interlocuteur.

Ike — Le portable… ? On peut l’utiliser pendant l’examen, non ?

Horikita — Oui. Si la classe de Ryuuen-kun ne peut obtenir que 66 points au maximum en usant de ta stratégie alors il suffit d’un coup de téléphone pour que les trois autres classes coopèrent afin d’avoir le plus de points possibles et ainsi, faire en sorte que sa classe soit dernier. Cela arrangerait en fait tout le monde qu’une classe s’expose de la sorte.

Ike — Attends, je capte pas trop. Si on coopère, ils perdraient ?

Horikita — Oui. Qui cibler, qui protéger ? Rien qu’en partant de là, les deux classes cibles de Ryuuen-kun assureraient 50 points. Par conséquent, elles n’auraient qu’à grappiller 17 points supplémentaires pour dépasser la classe de Ryuuen. Conformément aux règles, nous pouvons augmenter la difficulté en utilisant des points, mais vu qu’ils n’ont pas  de marge de manœuvre, ils ne peuvent attaquer qu’avec la difficulté de base ce qui rend ces 17 points gagnables facilement par les adversaires.

Obtenir une précision de 34 % était suffisant, peu importe le contenu des questions. Tant que le pourcentage ne tombait pas significativement plus bas, on restait dans la zone de sécurité. Le taux pourrait même être plus bas encore grâce au système de protection. Viser 66 points était une stratégie qui avait ses avantages, mais l’inconvénient était de taille, car cela ne permettait pas de faire face aux imprévus. La classe de Ryuuen qui avait eu 34 éliminations dès le départ ne verrait un changement positif qu’après la fin du 7e tour de défense. Si l’on choisit une difficulté élevée lors de l’attaque, le score final que l’on peut obtenir diminue à chaque fois : 65 points, 64 points et ainsi de suite.

Horikita — Je pense que tu comprends ce qui est le mieux entre viser la victoire avec 66 points ou obtenir 17 points ou plus en 10 tours avec ses propres capacités.

Après avoir entendu l’explication, Ike passa de l’extase au soupir et relâcha ses épaules, désemparé.

Ike — Bon sang ! Je pensais qu’on pouvait gagner à coup sûr ! Je me sens mal d’avoir réuni tout le monde !

Ike était déçu, car il ne s’attendait pas à être réfuté. Horikita fut un peu troublée.

Horikita — Tu n’as pas à t’excuser. Ta stratégie était bien pensée. Ce dont je dois m’excuser, c’est d’avoir supposé dès le départ qu’elle ne serait certainement pas utile.

Ike — Euh, oh… ça me rassure même si je reste déçu.

Horikita — Ta stratégie aurait ses chances dans le cas où les trois autres classes ne coopèrent pas. Nous pouvons gagner même face à une coalition, mais ce serait plus optimal avec une classe ayant un faible niveau. Je pense que nous avons les capacités pour gagner sans passer par cette méthode qui nous mettrait au pied du mur.

Voilà pourquoi le plan d’Ike ne fut pas adopté.

Ike — Tu m’as aussi appris quelque chose de précieux.

Horikita — De précieux… ?

Ike — C’est clair que face à une alliance, c’est plus difficile de gagner.

À chaque tour, une classe en attaque une autre et doit également se défendre contre une autre. Au bout de dix tours, les choses s’inversent. Si deux classes coopèrent, il est facile d’obtenir 50 points. Avec trois classes en coopération atteindre 100 points était bien faisable. Mais même si l’on s’assure d’avoir une classe en dernier en formant une alliance, on progresse au même rythme.

Ce qui signifie qu’il faudrait une mort subite à la fin pour désigner un vainqueur parmi les trois classes et c’était difficile de mettre ça en place. Au vu des écarts de points actuels entre toutes les classes, celles de Ryuuen et d’Ichinose, qui étaient en mauvaise posture, allaient vouloir obtenir un maximum de points. Naturellement, la classe de Horikita souhaitait également s’élever encore un peu plus dans le classement. Il n’était pas difficile de faire de la classe A le seul ennemi, mais on ne pouvait pas dire que c’était une stratégie optimale que de ne regarder que ceux qui étaient devant. Dans cet examen, il n’y avait véritablement qu’un seul gagnant.

Horikita — Tu as été bien courageux de t’exprimer.

Ike — S-s-si c’est le cas, heu…eh bien… Tant mieux, héhé.

Peut-être satisfait des éloges d’Horikita, Ike se gratta l’arrière de la tête.

Horikita — Shinohara-san, Hondô-kun, et Miyamoto-kun aussi. N’hésitez pas à exprimer toutes vos idées. Transmettez également la chose à nos camarades qui n’étaient pas là. Je vous promets de vous prendre tous au sérieux.

Il valait mieux exprimer toutes les idées qui nous venaient à l’esprit comme indiquait Horikita. Qu’elles soient bonnes ou non n’était pas l’important. En effet, le plan d’Ike avait ses défauts, mais avec un avis extérieur, il a approfondi sa compréhension de la situation en pesant le pour et le contre. C’était en rien inutile, bien au contraire. Après un petit moment, les autres quittèrent la salle de karaoké en souriant et en bavardant.

Moi — Que vas-tu faire après ça, Horikita ?

Horikita — Je vais rentrer. Jusqu’à hier, j’ai enchainé les réunions avec Hirata-kun et d’autres. Aujourd’hui ça aurait dû être un jour de pause.

C’était admirable de sa part de créer un espace pour un rassemblement même quand elle avait prévu de se reposer. Horikita semblait ne pas apprécier plus que ça son café vu qu’elle en avait bu très peu. C’était l’inconvénient d’un karaoké de servir beaucoup de boissons peu chères, mais moins qualitatives.

Horikita — J’ai été surpris que tu veuilles écouter l’idée d’Ike-kun. Sa stratégie était intéressante, mais te connaissant, n’aurais-tu pas déjà envisagé quelque chose comme ça avant ?

Plutôt que de lui répondre ou non, je décidai autre chose.

Moi — Et si nous changions de lieu pour en parler ?

Horikita — Je n’ai rien de prévu après, mais c’est inhabituel de ta part. Si c’est pour me parler de problème avec Karuizawa-san, je décline.

Elle fit cette plaisanterie tout en se levant avec l’addition dans les mains.

Moi — Si c’était le cas, je suis sûr que tu ne serais pas la meilleure personne pour t’en occuper.

Horikita — En effet.

Moi — J’aimerais discuter de l’examen spécial avec toi, en tête-à-tête.

En entendant cela, Horikita écarquilla les yeux de surprise.

Horikita — Toi ? À propos de l’examen spécial ?

Moi — Est-ce si surprenant ?

Horikita — Je prends souvent l’initiative dans nos conversations.

Moi — C’est possible.

Difficile de se rappeler de la chose, mais c’était sûrement elle.

Horikita — Comme je ne peux pas toujours compter sur toi, j’avais décidé de ne pas te demander inutilement ton aide cette fois-ci.

Moi — Je ne te propose rien en soi. Je veux juste savoir une chose.

Horikita — Je vois. Tu cherches à jauger ma combativité ?

Elle montra une attitude un peu irritée et troublée, comme celle d’un enfant.

Moi — Ça te dérange ?

Horikita — Pas du tout. C’est juste que je ne peux pas vraiment refuser. Où devrions-nous nous installer ?

Moi — Que dirais-tu d’un café ? J’ai envie d’un bon café là.

Le thé n’était pas mauvais non plus, mais j’avais envie d’une légère amertume.

Horikita — Est-ce de la paranoïa si j’ai peur qu’on nous espionne ?

Moi — Pas d’inquiétude à ce niveau, personne ne pourra nous entendre.

Horikita — Eh bien, si tu le dis. On y va tout de suite ?

Elle me fit confiance sans hésiter, et ensemble, nous quittâmes le karaoké.

1

Nous n’avions pas beaucoup parlé en chemin et arrivâmes rapidement au café que nous avions choisi. Comme c’était un jour de semaine, il était relativement vide et nous avons pu choisir librement nos places. Après avoir demandé à Horikita ce qu’elle voulait boire, je décidai de lui indiquer une place près de la fenêtre, la laissant s’asseoir en premier. Je fis ensuite tranquillement la queue derrière deux personnes qui attendaient déjà au comptoir.

Horikita, assise, me regardait d’un air un peu inquiet. Elle était probablement perplexe, ne sachant pas de quoi j’allais parler ensuite. Comment aborder la situation, la stratégie, le processus de réflexion, ce qu’il fallait privilégier ou non, Je n’étais pas intéressé par ces détails. Je voulais laisser le leader, Horikita, s’en charger. Alors, qu’allais-je faire ? Pourquoi avais-je pris rendez-vous avec Horikita ? C’était pour lui donner une nouvelle force. Un sujet que j’avais décidé de lui confier alors que l’examen spécial approchait à grands pas.

Elle pouvait le faire maintenant parce qu’elle avait assez mûris et elle continuait de grandir.  Elle se connaissait bien, ainsi que la classe et avait trouvé un ami. Voilà pourquoi il était maintenant possible de passer à l’étape suivante. Lorsque mon tour arriva, je commandai deux cafés de spécialité blend et attendis près du comptoir qu’ils soient préparés. Au bout de deux minutes environ, alors que l’extraction semblait terminée, on m’apporta deux tasses. Je les saisis par les poignées et me dirigeai vers l’endroit où Horikita attendait.

Horikita — Pour le paiement…

Moi — Ce n’est pas grave. C’est toi qui as payé le karaoké. En plus, tu m’as invité à déjeuner l’autre jour.

Horikita — Dans ce cas, j’accepte volontiers ton offre.

Nous savourâmes tous les deux lentement le café chaud et savoureux. En regardant le profil de Horikita lorsqu’elle expirait, je pouvais voir la fatigue. En plus du manque de sommeil, elle devait constamment avoir le cerveau en éruption de jour comme de nuit, jour de cours ou non.

Horikita — …J’ai quelque chose sur le visage ?

Elle me jeta un regard noir, car je la fixais sans même me cacher.

Moi — Je me faisais une réflexion. Tes cheveux ont bien poussé, non ?

C’était une diversion assez efficace si la personne concernée s’en préoccupait. Elle passa ses doigts dans les cheveux et laissa son regard s’égarer.

Horikita — Cela fait presque un an que je les ai coupés court. Le temps passe vite, n’est-ce pas ?

Moi — Tu pleurais à chaudes larmes.

Horikita — Que se passerait-il si un accident tragique se produisait ici ? Que je t’attrapais et que je versais du café bouillant dans ta chemise ?

Moi — Je serais brûlé et ce ne serait pas un accident.

Horikita — J’imagine que tu aurais esquivé le jet de café, n’est-ce pas ?

Lorsque nous étions au karaoké avec Ryuuen, Horikita avait été témoin du moment où j’étais sur le point d’être aspergé de jus d’orange de nulle part. Pour me toucher, il fallait en effet m’attraper, mais des éclaboussures de café chaud n’avait pas les mêmes conséquences que celles d’un simple jus.

Horikita — Pourquoi déplaces-tu ta chaise ? Je ne ferais jamais une telle chose. Je ne veux pas causer de problèmes au gérant du café.

Moi — Donne la priorité à mon bien-être plutôt qu’à celui du café, non ?

Horikita — Tu es vraiment bizarre.

Moi — En quoi au juste ? Je te retourne la chose.

Je fus bousculé par la nature étrange de Horikita.

Horikita — Mais non. C’est juste que parfois mon sérieux passe mal.

C’était vraiment elle qui était un cas, mais je n’allais bien entendu ne rien dire.

Horikita — Passons à ce que tu voulais vraiment parler, l’examen.

En effet, il était temps de passer au sujet principal.

Moi — Il n’y a pas lieu de se méfier des gens ici, mais nous n’avons pas à dévoiler le contenu de notre stratégie. Ce que je veux savoir est un peu différent. Dans quel état d’esprit tu abordes cet examen ?

Horikita — …Heu… je suis désolée, mais par « état d’esprit », tu…

Moi — Gagner l’examen, se creuser les méninges et se battre pour prendre des décisions. C’est quelque chose que tu peux maintenant faire avec n’importe qui, comme tu le fais avec Yôsuke et les autres tous les jours. Ce que je veux faire ici, c’est quelque chose qui ne peut se faire qu’entre toi et moi, du moins pour l’instant. Cet examen spécial peut se solder par une expulsion. Je sais que tu es consciente de la chose, mais je veux que tu me dises quels types de changements vont se produire en toi par rapport à ce qui s’est passé lors de l’examen du consensus.

En évoquant des points concrets du passé, elle comprit ce que j’entendais.

Horikita — Nous seuls pouvons en effet avoir cette discussion.

C’était l’acte d’exposer ses pensées les plus intimes. Il doit compter sur ses camarades, mais difficile pour un chef d’exposer ses faiblesses.

Horikita — Vas-tu me corriger si j’ai le mauvais état d’esprit ?

Moi — Que je puisse donner des conseils appropriés ou non est une autre question, mais j’ai l’intention d’exprimer mon point de vue.

Horikita redressa sa posture et croisa mon regard. Je pensais qu’elle allait commencer à parler, mais elle plissa les yeux et porta sa main à la bouche.

Horikita — C’est louche.

Elle semblait très troublée, comme si elle n’avait pas eu l’intention de le dire.

Horikita — Désolée. J’ai été quelque peu directe.

Moi — Suis-je vraiment si suspicieux ?

Horikita — Le fait que tu t’inquiètes pour moi me fait un peu peur.

Moi — Certes mais de là à en avoir peur, c’est un peu exagéré.

Horikita — Oui, tu as raison. Hum, laisse-moi rassembler mes idées.

Elle se redressa à nouveau.

Moi — Je vais être franc. Que feras-tu si nous sommes derniers ?

Elle devait se préparer. Même si la situation était différente de l’examen du consensus, il fallait bien expulser quelqu’un sur la base de quelque chose.

Horikita — Difficile de répondre à ça maintenant.

Moi — Pas faux.

Horikita — Depuis ce jour, je n’ai cessé de me remettre en question. Parfois, je me sens coupable et j’ai des regrets, même si je pense avoir pris la bonne décision. C’est déprimant.

Elle marmonna cela tout en baissant légèrement le regard.

Horikita — On verra dans le futur, mais Il n’y a pas que moi. Tous nos camarades évoluent chaque jour petit à petit. Les capacités fluctuent.

En effet. Il y avait des jours où Ike était dernier et d’autres où c’était Hondô. Il était naturel que la décision soit difficile pour savoir qui exclure.

Horikita — Mais le prochain examen spécial est différent. J’ai l’intention d’y faire face avec deux options en tête au cas où nous nous retrouverions derniers. L’un est un choix moins douloureux, l’autre est plus amer. Cependant, comme il y a plusieurs obstacles, il n’y a aucune garantie que le choix le moins douloureux puisse être réalisé…

Elle semblait avoir bien réfléchi à la question.

Moi — Si on perd, impossible d’éviter l’expulsion. Il n’y a pas de parcours idéal où l’on perd sans un expulsé car il n’y a pas assez de points privés pour sauver tout le monde. Tu as donc deux cas de figure en tête ?

Le choix le plus amer devait se faire à contrecœur. C’est la responsabilité d’un chef de choisir parmi ceux qui ont abandonné, même si elle ne le voulait pas.

Horikita — Quoi qu’il en soit, je n’aurais aucune hésitation cette fois.

Il ne servait à rien de bluffer sinon elle perdrait en crédibilité. En observant le regard sincère de Horikita, je pouvais voir sa détermination.

Moi — Je vois. Tu ne seras donc pas perdue dans une telle situation.

Horikita — Peut-être que je ne devrais pas penser à perdre en premier lieu, mais puisqu’il y a un risque d’expulsion, je ne peux pas m’empêcher de prendre une décision à l’avance. C’est une honte, et tu peux en rire…

Moi — En quoi je pourrais en rire ?

Horikita — Généralement on ne pense pas à la défaite comme option.

Moi — Tant que tu as l’intention de gagner à la fin, ce n’est pas une erreur. Si tu penses à ça c’est parce que la classe est au centre de tes préoccupations. Tu ne fais que remplir ton devoir.

Horikita — Merci…

Il n’y avait aucune raison de me remercier, mais elle était en mesure d’écouter mes conseils. C’est peut-être pour cela que Horikita était honnête.

Moi — Je suis content que mes craintes n’aient pas été fondées. Si quelque chose se passe mal, je suis sûr que je peux te faire confiance.

Horikita — Tu m’as bien aidé lors du consensus. C’est tout pour toi ?

Horikita, qui avait un peu libéré son fardeau me posa la question.

Moi — Non. On peut dire que nous entrons à peine dans le vif du sujet.

Horikita — Je vois. Je t’écoute. Si tu ne veux pas parler de stratégie, tu cherches à écouter la mienne ? Non, ça m’étonnerait.

Moi — Pour gagner cet examen, il faut absolument vaincre les autres classes auquel cas, ce sera l’expulsion assurée pour une personne.

Horikita — En effet.

Moi — Mais ce n’est pas forcément toi qui dois en prendre la responsabilité, tu comprends ?

Horikita — J’imagine que chaque leader a ses propres méthodes.

Moi — Tu as de l’expérience sur  ça maintenant, mais si je ne t’avais pas aidé lors du consensus, qui sait ce que la classe serait devenue.

Horikita — C’était en effet humiliant. La classe aurait pu s’effondrer.

Moi — Il faut apprendre de ses erreurs, mais on ne peut pas échouer à chaque fois. Le filet de sécurité n’est pas garanti. Choisir la bonne réponse dès le départ et s’en sortir témoigne des véritables capacités.

Tenant une tasse légèrement refroidie, Horikita sirota tranquillement son café.

Horikita — Tu as tout à fait raison.

Moi — Soyons plus précis. Il y aura sans doute un moment où nous devrons affronter directement une classe particulière. À ce moment-là, tu auras trois possibilités. L’une est celle où notre classe gagne, une autre où notre classe perd, et la troisième n’est ni une victoire ni une défaite, mais un match nul. Quel avenir préfères-tu ?

Horikita — Je veux que ma classe gagne. Il n’y a pas d’autres choix.

Moi — Ajoutons une nouvelle condition. Ta classe gagne, mais celle vaincue a une expulsion. Comment déciderais-tu dans ce cas ?

Horikita — Ça me désolerait, mais la priorité est à la victoire.

Moi — Tu opterais donc pour la victoire de la classe.

À ma question, les lèvres de Horikita se resserrèrent légèrement.

Horikita — Est-ce mal de prioriser à la victoire comme dans cet examen ?

Moi — Personne n’a dit que c’était une erreur. Ajoutons une dernière condition. La classe est celle de Ryuuen, et celle qui a été expulsée est Ibuki Mio. Tu préférerais quelle option ?

Ne s’attendant pas à ça, elle se figea après ses réponses sans hésitations.

Horikita — …Ibuki-san… ?

Moi — Qu’est-ce qu’il y a ? Laquelle des trois options choisirais-tu ? Gagner, perdre, ou faire match nul ?

Horikita — Attends. Ibuki-san est proche de Ryuuen-kun. Je ne peux pas imaginer qu’elle se fasse expulser. Est-ce une hypothèse valable ?

Moi — Tu es bizarre. Une hypothèse n’est qu’une hypothèse.

Horikita — Mais…

Moi — La position et la sécurité d’Ibuki ne sont pas garanties. Au vu de l’OAA d’Ibuki, elle est une cible potentielle. Compte tenu de la personnalité de Ryuuen, c’est un scénario possible. Et puis qui dit que Ryuuen choisira ? Des accidents inévitables pourraient se produire.

Après avoir dit cela d’un ton ferme, Horikita s’exprima à contrecœur.

Horikita — Pour le bien de notre classe, il est naturel de choisir la victoire, même si cela signifie sacrifier Ibuki-san

Moi — Mais tu es hésitante quand même. Tu préfères éviter un avenir où tu auras un dilemme.

Horikita — Qu’essaies-tu de me dire ?

Moi — Je ne connais pas tous les détails de tes relations, mais je crois que parmi les autres classes, Ibuki est plus proche de toi que les autres, que tu le veuilles ou non.

Horikita — Le terme « proche » est à relativiser, mais je ne le nie pas.

Elle maintint le contact visuel, essayant d’afficher une attitude détachée. Même si elle dit qu’elle ne nie pas, elle n’avait pas conscience de la chose, laissant son réflexe défensif prendre le dessus. Le fait de ne pas vouloir le reconnaître était la preuve que c’était une gêne. Il était peut-être possible de tromper les autres avec des informations visuelles, mais lorsqu’il s’agissait d’informations auditives, des compétences plus élevées étaient nécessaires. Plus on essaye de contrôler son comportement, plus on est négligent avec ses mots.

Moi — Dans cet examen spécial, la règle veut qu’un élève soit exclu par une autre classe. On ne peut prévoir qui sera la cible cette fois.

Horikita — Et tu dis que même Ibuki-san n’est pas une exception.

Moi — Si Ryuuen avait choisi Ibuki en cas de défaite ou qu’il y avait une forte probabilité, serais-tu toujours capable de prioriser la victoire ?

Jusqu’à présent, Horikita, bien qu’agitée, avait insisté sur la victoire. Son attitude jusqu’alors inflexible fut écrasée pour la première fois. Provoquer directement ou non l’expulsion d’Ibuki, elle l’aurait sans hésiter l’an passé. Mais les circonstances avaient changé. Elle avait appris à la connaître. Elle savait profondément quel genre de caractère elle avait et qui elle était. Même si elles sont rivales, elle était sans aucun doute devenue une amie.

Horikita — Pourquoi… demandes-tu une telle chose ?

Plutôt que de répondre, elle tenta une fuite.

Moi — Cet examen spécial, c’est l’occasion d’éliminer les élèves que l’on veut voir expulsé mais c’est le principe d’une bataille que de perdre les plus vulnérables. Si l’on peut acquérir un avantage stratégique en attaquant Ibuki, seras-tu capable en tant que leader de le faire ? Je voulais m’assurer de la chose dès maintenant afin que tu sois prête.

Si je lui disais cela le jour de l’examen, il aurait été difficile pour elle de réfléchir à la chose au vu du laps de temps très court. Il fallait en parler maintenant.

Horikita — Tu veux dire que… Je devrais être prête à l’éventualité de perdre Ibuki-san ou quelqu’un comme elle ?

Moi — Non, je dis qu’il est important d’avoir conscience de ça. Tu es tellement centrée sur ta propre classe que tu n’as pas une bonne compréhension des trois autres. Tu veux te débarrasser d’untel ou protéger untel de manière vague, mais t’es-tu véritablement préparé mentalement à la réalité de la situation ?

Horikita — Eh bien… Non. Je ne pensais qu’à minimiser les dommages de notre classe en cas de défaite en choisissant d’avance qui expulser et aux ressources que je devais mettre en place pour gagner.

Comprenant qu’il était inutile de nier davantage, elle capitula. Elle n’avait pas réfléchi à qui elle allait cibler et c’était plus facile à dire qu’à faire. En tant que leader, elle savait qu’elle devait garder les meilleurs alors elle n’y pensait pas.

Il fallait qu’elle y pense pour ne pas se faire avoir par les imprévus.

Horikita — Alors, que dois-je faire pour résoudre ce problème… ?

Moi — Je te l’ai dit. Il suffit d’en avoir conscience. Chacun a son propre style. Ryuuen est sans pitié pour ses adversaires. Il est toujours en train de réfléchir à des moyens de vaincre les meilleurs éléments. Sakayanagi a tendance à cibler les personnes qu’elle n’aime pas, quelle que soit leur force ou leur faiblesse. Totsuka est un bon exemple. Dans le cas d’Ichinose c’est le contraire, elle ne pense pas à expulser son vis-à-vis. Il y a des tendances, des forces et des faiblesses chez chacun.

Horikita — Mais je ne sais pas encore quel style me convient…

Moi — C’est ce que cette bataille va te révéler Que ce soit pour vaincre l’adversaire ou pour te protéger, si tu es consciente de ces deux choses, tu sauras ce que tu dois faire. Ne te bats pas sans but. Sois consciente. Rien qu’en faisant cela, le monde que tu verras changera grandement.

Horikita ferma les yeux et se murmura quelque chose en bougeant légèrement les lèvres. Je continuai à l’observer en silence jusqu’à ce qu’elle comprenne.

Horikita — Franchement, je ne pense pas avoir pris conscience, là.

Moi — Je vois.

Horikita — Mais je vais continuer à me répéter la chose jusqu’à l’examen spécial. Si ça ne marche pas, je continuerai même après. Je ne sais pas jusqu’où je peux aller… Je suis désolée. Je ne suis pas assez bonne…

Elle se moqua d’elle-même pour sa réponse bancale.

Moi — Pas de problème. C’est le début. Je t’ai transmis la chose.

Ce n’était qu’une question de temps. Que ce soit maintenant demain ou un peu plus tard importait peu. J’avais presque fini d’analyser cet être nommé Horikita Suzune qui était une personne compétente par rapport à la moyenne et ayant la capacité d’être reconnue parmi ses pairs au sein de la société. Une personne qui avait les qualités requises pour mener une vie heureuse sur le long terme si elle continuait sur cette voie.

Mais elle n’allait probablement pas accomplir d’exploits notables dans le futur, ou léguer un héritage pour les générations futures. Elle n’avait pas la capacité de surpasser les nombreux talents des autres. Cependant, nous n’étions pas encore entrés dans la société. Il s’agissait d’une école, un monde où se mêlaient jeunesse et immaturité. Dans cet environnement miniature, semblable à un jardin, elle avait le potentiel de déployer des capacités qui dépassaient l’entendement. C’est grâce à cette perspective dont m’a fait part Horikita Manabu. S’il ne me l’avait pas dit, je n’aurais pas remarqué son brillant potentiel.

Moi — C’est tout ce que je voulais dire.

Horikita me regarda intensément sans détourner le regard.

Horikita — Hé, qu’est-ce que tu es, au juste ?

Moi — Qu’est-ce que tu veux dire ?

Horikita — Cxactement ce que je veux dire. Je ne te comprends pas…

Moi — Tu as besoin de me comprendre ?

Horikita — Tant que je suis au centre de la classe,  je dois apprendre à connaître mes camarades. Même pour le prochain examen spécial, être au courant des détails nous met dans une position avantageuse.

Si elle pouvait saisir les forces et les faiblesses de chacun pour les défis individuels, cela pouvait clairement servir.

Moi — Alors, tu comprends Kôenji ?

Horikita — Je ne peux pas dire que je le comprends, mais je pense avoir une idée de lui. Est-ce que je me trompe ?

Moi — …Tout à fait.

J’évoquai le nom de Kôenji pour détourner le sujet de moi, mais il était facile et simple de comprendre quel genre de personne était vraiment Kôenji.

Horikita — Tu n’étais pas intéressé par le fait d’atteindre la classe A, et tu étais réservé et peu sociable. Mais avant que je ne le réalise, tu as commencé à sortir avec Karuizawa-san et à aider la classe en sachant que cela te ferait remarquer. Il n’y a pas de cohérence dans tes actions.

Moi — Ne peux-tu pas simplement considérer que j’ai grandi ? Un collégien sans prétention fait ses débuts au lycée et prend peu à peu du courage. Bientôt, il vise la classe A et commence à s’enthousiasmer, ce qui le conduit à ce qu’il est aujourd’hui… quelque chose comme ça.

Horikita — Je ne vois pas les choses comme ça. Je suis convaincue que tu ne rentres dans aucune catégorie conventionnelle. Tu as toujours un raisonnement au-delà de l’ordinaire pour ce que tu fais. Car…

Après ce « car », Horikita perdit ses mots.

Horikita — …Comment une telle personnalité a-t-elle pu émerger, je me le demande. Quel genre d’enfant étais-tu ?

Moi — Tu changes de sujet, hein ? Même si tu me demandes quel genre d’enfant j’étais, je suis toujours un enfant, comme tu peux le voir.

Horikita — Ce n’est pas ce que je veux dire. Je parle de l’époque où tu étais beaucoup plus jeune. Quelle école primaire as-tu fréquentée ?

Moi — Tu ne connaîtrais pas même si je te le disais.

Horikita — Ce n’est pas forcément le cas, n’est-ce pas ? Je pourrais être originaire de la région et te surprendre.

Moi — J’avais parlé de quelque chose de similaire auparavant. Je n’ai pas envie de le faire à nouveau.

Horikita — Désolée, mais je ne me souviens pas, peux-tu me le redire ?

Même si j’essayais de l’éviter, Horikita persistait à me questionner.

Moi — Ce n’est pas quelque chose que je peux partager. Je veux garder certaines choses pour moi.

J’ai bien fait comprendre que je n’étais pas à l’aise avec des questions supplémentaires, et elle reçut le message, bien qu’à contrecœur. Recevant beaucoup d’infos à la fois, son état de fatigue commença à se montrer.

Moi — Tu devrais faire une pause pour te calmer.

Vu qu’elle était un peu déroutée, je lui suggérai la chose.

Horikita — Oui, tu as raison…

Avant de partir, nous devions terminer nos cafés. Je repris ma tasse à peine touchée, et nous bûmes presque simultanément. Le café était tiède…

Horikita — Il a bien refroidi.

Moi — Il est bien froid, n’est-ce pas ?

Horikita — Ne me copie pas.

Moi — S’il te plaît, ne me copie pas.

C’était trivial, mais être sur la même longueur d’onde était étrangement drôle.

Horikita — Eh…?

Il serait exagéré de dire qu’elle était surprise, mais Horikita ouvrit grand les yeux et émis un petit son montrant qu’elle était quelque peu interloquée.

Moi — Qu’est-ce qui ne va pas ?

Horikita — Non… c’est… J’ai juste que…tu souriais un peu…

Moi — Hein ? Alors, qu’est-ce qui ne va pas ?

Horikita — En fait, j’ai l’impression que c’est la première fois que je vois une telle expression sur ton visage.

Moi — Vraiment ? Je ne suis pas un bébé qui vient d’apprendre à sourire.

On m’avait déjà dit quelque chose de semblable de nombreuses fois. J’avais fait des efforts pour sourire alors ça ne devait pas être si rare. Mais…

Moi — Tu as raison, c’était peut-être un moment rare.

Je venais de sourire naturellement. C’était bien une émotion incontrôlée. Combien d’expériences de ce type avais-je vécues jusqu’à présent ?

En comprenant à quel point c’était difficile, cela était devenu intéressant. J’avais l’impression qu’une once de couleur avait été ajoutée à ce carnet de croquis vierge. Et ce n’était pas devant Kei, ni devant un ami comme Yôsuke. Je ne savais pas pourquoi cette expression était apparue devant Horikita.

Moi — Je me demande pourquoi j’ai souri. Tu le saurais par hasard ?

J’avais espéré une réponse claire de sa part, me demandant si notre scène était si amusante, mais elle détourna le regarda et répondit aussitôt.

Horikita — Je ne saurais te dire. Même si tu le demandes si sérieusement.

Moi — Alors, il ne s’est rien passé de particulièrement drôle ?

Horikita — C…Comme je te l’ai dit, je ne saurais te dire.

Horikita, qui s’était détournée, éleva légèrement la voix et soupira.

Horikita — À cause de ton raisonnement étrange, je me sens idiote d’avoir souri aussi…

Horikita avala le reste de son café et se leva.

Horikita — Avons-nous fini de parler ? J’ai à faire.

Moi — Tu n’avais pas dit que tu n’avais rien de prévu ?


Horikita — Je viens de me rappeler avoir des projets.

Elle prit alors la tasse vide dans les mains.

Horikita — Je serai seule à réfléchir au prochain examen et à tous ceux qui suivront.

Moi — C’est très bien.

Elle s’apprêta à repartir, mais s’arrêta comme si elle se souvenait d’une chose.

Horikita —Ah oui, Il y a quelque chose que je dois confirmer avec toi.

Moi — C’est à propos de la catégorie à exclure de l’examen spécial ?

Horikita — C’est exact.

Moi — Et nos autres camarades de classe ?

Horikita — J’ai eu des nouvelles de tout le monde, sauf de toi. Nous devons vraiment prendre une décision rapidement.

Pendant que je me la coulais douce, elle avait déjà pris ses dispositions.

Horikita — Je sais que tu t’en fiches un peu, mais as-tu un avis ?

Moi — Divertissement, musique et sous-culture.

Horikita — Cela n’a rien avoir avec les études. J’ai choisi la même chose.

Moi — Je voulais surtout exclure ce que je ne maîtrisais pas.

Actus, mode de vie et alimentation, je n’y connaissais pas grand-chose également, mais il y avait plus de marge de manœuvre.

Horikita — D’accord, je vais les enregistrer pour toi.

Moi — Merci.

De manière inattendue, cela me donna l’occasion de réfléchir sur moi-même.

—————————————————
<= Précédent // Suivant =>
———————————————