CLASSROOM Y2 V10 Chapitre 1

VOUS ÊTES AU DÉBUT DU VOLUME 10

Le 3e trimestre de première commence

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Traduction : Zark
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Une foule de personnes se rassembla sur le chemin de l’école. C’est une image que l’on ne voyait pas du tout pendant les vacances d’hiver. Cela ne me dérange pas d’observer les endroits calmes mais, étonnamment, je préfère voir des vagues d’étudiants. Peut-être m’étais-je habitué à cette vue qui s’offrait à moi depuis le temps. Pressentant cette fin qui approchait, la nostalgie devait inconsciemment commencer à faire son nid.

Karuizawa — Ça va Kiyotaka ? Tu t’es arrêté.

Depuis mon bras droit enveloppé de chaleur, je voyais le visage de ma copine Kei, qui levait les yeux vers moi. Ses lèvres humides avaient attiré mon attention. Elle avait dû mettre son rouge à lèvres préféré en sortant.

Moi — Non, ce n’est rien.

Tout en pensant à cela, nous partîmes ensemble. Les journées que je passe avec elle me permettaient au moins de me libérer de l’ennui. Même si je ne parlais pas, Kei, bien bavarde, avait toujours un sujet de conversation adapté à la journée. Cependant, j’avais clairement de moins en moins de temps seul. Si on me demande si mes journées passées avec elle sont nécessaires ou inutiles, je dirai que c’est du 50-50. La raison pour laquelle elles sont nécessaires est qu’elles me permettent d’acquérir un petit peu de compétences en communication grâce à des discussions interpersonnelles répétées. C’est une occasion précieuse d’affiner mes faibles compétences en communication. D’un autre côté, en raison de mon manque d’expérience, je choisis souvent la mauvaise réponse, ce qui résulte souvent en sautes d’humeur de sa part comme aujourd’hui. C’est un domaine dans lequel je rencontre des difficultés à n’en pas douter.

Karuizawa — Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Moi — Tu ne veux pas ?

Karuizawa — Ça me dérange pas, mais …… ça me donne envie de t’embrasser encore. Ça me donne trop envie, même.

La veille de la rentrée, Kei passa tranquillement sa journée chez moi. Avec deux personnes si proches et du sexe opposé, isolé au sein d’un même espace, il n’était pas nécessaire de se demander comment cela se finit.

Kei s’efforça de serrer son bras droit contre le mien. Finalement, nous restâmes proches l’un de l’autre jusqu’au moment où les cours allaient commencer. Une fois arrivés à l’entrée du bâtiment scolaire pour prendre nos chaussures d’intérieur, nous étions obligés de nous décoller. Près de la moitié des élèves étaient déjà arrivés dans le secteur et la classe était déjà animée.

Karuizawa — Salut tout le monde !

C’était le début du troisième trimestre. Kei salua avec sa main ses camarades de classe. Elle lâcha lentement mon bras et me fit un clin d’œil en me disant « à plus tard ». Après être partie en me laissant un tel signe affectueux, je me dirigeai vers ma place au milieu de la classe et posai mon sac vide. Depuis l’introduction des tablettes au sein de la classe, le nombre de choses physiquement utiles avait diminué, même si j’avais toujours besoin de mon sac.

Sudou — Raah, ne sois pas aussi malaisant comme ça dès le matin !

Sudou qui était déjà arrivé dans la classe, vint me dire cela directement.

Sudou — Aller en cours en prenant le bras de sa petite amie, c’est genre le graal des gens populaires. Je t’envie tellement.

Sudou était donc gêné et envieux en même temps. Il fallait savoir.

Moi — Je te le dis au cas où mais ce n’est pas moi qui l’ai souhaité.

Sudou — Je me doute bien. Heureusement j’ai envie de te dire.

Il continua à spécifier que ce n’était pas mon style tout en rapprochant sa tête,

Sudou — C’est bien de faire les amoureux, mais t’as vu durant les vacances ? Il y a eu un mail de l’école concernant des secondes qui se sont fait gauler entrain de… Bref, vu que c’est toi, t’as surement pas à t’inquiéter, mais fais gaffe quand même.

Moi — C’est vrai. J’avais oublié ce mail.

À la fin des vacances d’hiver, il y a eu un mail de l’administration stipulant que deux seconde avaient reçu des sanctions. Leur anonymat fut préservé mais il indiquait qu’un garçon et une fille avaient été vus par un tiers en train de se livrer à l’extérieur à des actes équivalant à des rapports sexuels. En principe, les actes visant à la stimulation sexuelle et plus sont passibles de sanctions.

Sudou — Franchement, ils auraient pu juste faire ça dans la chambre. Et toi, senpai[1] ?

Moi — Comment ça ?

Sudou — Ça se trouve tu veux faire ces choses à l’extérieur aussi, non ?

Me disant que si ce sujet le gênait, il n’avait pas à me poser la question, je décidai de lui répondre tout de même sans m’étendre non plus.

Moi — Comme le mail l’indique, l’enceinte de l’école est truffée de caméras. Si tu agis de manière suspecte, le risque d’être surpris est élevé. Je choisis donc de résister à mes pulsions.

Sudou — Ouais… En fait, y a que toi pour avoir ce genre d’avis…c’est frustrant.

Sudou finit par être troublé d’une certaine manière sans que je ne comprenne pourquoi.

Sudou — Pfff

Je ne l’avais pas spécialement mal pris, mais j’avais entendu son « pfff ». On aurait dit un soupir instinctif, mais il sembla s’en être rendu compte et s’empressa de s’excuser.

Sudou — C’était pas contre toi. Désolé si tu as mal pris le truc.

Moi — T’en fais pas, ça ne m’a pas gêné. Mais qu’est-ce qui ne va pas ?

Il était du genre à s’emporter en public mais pas à soupirer autant. Ce changement n’est pas quelque chose à prendre à la légère.

Sudou — Je suis un peu fatigué ces derniers temps. Je pensais que j’arrivais bien à faire les deux, réviser et faire du sport, mais j’ai de plus en plus de mal. …tu vois.

Il expliqua ensuite que c’était une erreur de m’avoir dit autant de choses et qu’il aurait dû en cacher la raison. Lui faire part de mes inquiétudes était probablement contre-productif alors j’optai pour lui donner un conseil.

Moi — Plus tu te précipites pour réviser, plus il y a de chances que tu oublies ce que tu apprends. Mieux vaut prendre un chemin sûr et sans danger, qu’un chemin tortueux et dangereux.

Sudou — …ouais. En tout cas, j’espère que notre trimestre se passera bien.

En changeant de sujet, il se mit à sourire, puis alla s’asseoir. Quelques instants plus tard, Satô arriva dans la salle et alla saluer nos camarades avant de passer à côté de moi.

Satô — Vous êtes en forme dès le matin, tous les deux.

Murmura-t-elle comme si elle nous remerciait pour le « spectacle », avant de rejoindre son groupe d’amies. On dirait bien qu’elle était derrière Kei et moi sur le chemin de l’école.

1

Même après les vacances d’hiver, rien n’avait changé dans les habitudes de l’école et des enseignants. Lorsque Chabashira-sensei arriva en classe, elle nous souhaita rapidement la bonne année et posa les mains sur son bureau.

Mlle. Chabashira — Aujourd’hui, c’est le début du troisième trimestre. Comme le dit ce proverbe, janvier s’en va, février s’enfuit et mars est sur le départ. Autrement dit, c’est une période de l’année qui passe en un clin d’œil. Je vous invite donc à être productifs dans vos journées. Restez sur vos gardes jusqu’au bout.

Personne ne fit la remarque, mais quelques mèches de cheveux à l’arrière de Chabashira-sensei prêtaient à rire car elles étaient en pétard. S’était-elle réveillée en retard ? Après avoir parlé aux élèves sur un ton sévère, malgré son manque de crédibilité, elle mit fin à la réunion de ce matin. Alors que Chabashira-sensei partait de la salle de classe, elle s’arrêta à la sortie.

Mlle. Chabashira — J’ai oublié de vous dire une chose. Le mois prochain, nous aurons la première réunion élève/professeur de ce lycée. Nous parlerons principalement de votre vie scolaire jusqu’à présent et aussi tout ce qui concerne votre futur parcours professionnel. Bien entendu, nous avons déjà demandé leur avis.

Dit-elle à mes camarades de classe tout en se retournant. Certains élèves décidaient seuls de leur orientation professionnelle mais la plupart prenaient en compte l’avis de leurs parents. Ainsi, c’était la preuve que l’école effectuait son travail même en l’absence d’élèves.

Ike — Je ne pensais pas que cette école avait ce genre de chose.

Ike, toujours à s’exprimer avant tout le monde, n’avait surpris personne.

Mlle. Chabashira — Même si le lycée n’est légalement pas obligatoire, nous ne pouvons pas ignorer complètement l’avis des parents et décider de votre avenir sans les consulter. Naturellement, quand le moment sera venu, une réunion parent/élève/professeur sera organisée.

Cela signifiait qu’il était possible que cet homme revienne à nouveau. Non… Il a dit qu’il n’allait plus jamais revenir ici. Comment allait donc se dérouler la réunion ? Bien que cette question fût préoccupante, il y allait avoir en février une réunion parent/professeur alors nous allions bien voir d’ici là. Et puis, j’avais conscience que mon avis importait peu alors je ne me sentais pas vraiment concerné.

En ce sens, j’étais très reconnaissant que Chabashira-sensei soit au courant de ma situation personnelle, même si ce n’était qu’un pied dans le pas de la porte. Comme il n’est pas nécessaire d’avoir une discussion plus approfondie, cela n’allait être qu’une formalité. En revanche, pour mes camarades de classe, la rencontre parent/professeur, puis parent/élève/professeur allait certainement avoir un impact majeur. Allaient-ils continuer à suivre leur chemin tout tracé ou allaient-ils le contourner et chercher d’autres voies ? Les parents et les enseignants allaient en tout cas pouvoir les guider dans les zones d’ombre de leur parcours futur.

Mlle. Chabashira — Si vous avez des questions, vous pouvez venir me les poser directement.

Après avoir dit ce qu’elle avait à nous révéler, Chabashira-sensei mit la main sur la porte. Puis au moment où la porte se referma dans son dos, avec son autre main, elle sembla toucher l’arrière de sa tête.

Elle avait probablement remarqué ses cheveux en pétard.

2

Après le départ de Chabashira-sensei, la classe se mit soudainement à parler de la réunion parent/professeur et de leur avenir.

— Bientôt il faudra réfléchir sur ce que l’on va faire plus tard.

  • Il faut prendre en compte le fait qu’on n’est pas sûrs de finir en classe A. Hirata-kun, qu’est-ce que tu vas faire toi ?

Les filles se rassemblèrent autour de Yôsuke, assis au centre de la classe.

Hirata — J’envisage d’aller à l’université, quel que soit le diplôme. J’ai su bien rapidement que mes parents veulent que je fasse ça.

Je n’avais pas l’intention d’écouter mais je les entendais malgré moi. Actuellement, Yôsuke ne semblait pas avoir l’intention de trouver un emploi et voulait poursuivre ses études. Si l’on considérait son attitude et ses capacités académiques, c’était un choix plutôt logique. Qu’on ait les privilèges de la classe A ou non, si on n’avait pas la volonté de faire des efforts, même ce joker de la classe A n’était pas viable. Cela valait pour plein de choses.

  • Ah ouais. Je pensais vraiment que t’allais devenir footballeur.

Hirata — Haha, c’est un peu exagéré. Même si tu utilises ton diplôme en classe A en forçant un avenir de sportif professionnel, si tu n’es pas assez bon, tu es viré en un rien de temps. Je continuerai à jouer au football après l’université, mais ce sera juste un hobby.

C’est par la suite que c’était difficile de trouver un emploi dans le domaine du sport. S’il y avait des personnes qui devait utiliser ce joker pour entrer dans ce domaine, c’était ceux avec un talent caché ou ceux qui ne pouvaient pas suivre un parcours classique. Quelle était donc la bonne façon d’utiliser les avantages de la classe A ? Keisei, qui s’était imposé comme un des meilleurs élèves de la classe, prit la parole.

Yukimura — Avec le diplôme de classe A, il faut trouver un emploi dans une grande entreprise. Si on a la capacité de travailler comme n’importe qui, on ne se fera pas renvoyer facilement, à l’exception des cas où nos capacités ne sont manifestement pas à la hauteur. Nous faire rentrer directement dans une grande société est l’utilisation la plus intelligente de ces privilèges.

Face à cette remarque intelligente de Keisei, mes camarades de classe hochèrent la tête, convaincus. À partir du moment où une entreprise embauche des gens, elle a une grande responsabilité. À moins qu’il ne fasse une grosse bourde, il est injuste de renvoyer quelqu’un simplement parce qu’on ne l’aime pas. Le lycée kôdo ikusei reconnu par le gouvernement existant depuis longtemps est largement connu. Un certain nombre de diplômés de la classe A ont été acceptés jusqu’à présent sans problèmes. En ce sens, si on choisissait une grande entreprise, on s’assurait un bon avenir.

Hirata — Le choix de Yukimura-kun est peut-être judicieux si l’on ne pense qu’à l’efficacité. Mais pour moi, il est également important de viser la profession que l’on souhaite poursuivre.

C’était aussi une autre bonne réponse. Nous n’avions qu’une seule vie, donc il n’est pas encore nécessaire de décider si l’on allait vivre que pour l’argent et un emploi stable. La question était de savoir s’il fallait essayer d’avoir l’emploi idéal ou un emploi réaliste.

Tôt ou tard, les élèves ici présents allaient se trouver à la croisée des chemins. Pour être honnête, pour chaque choix il y a une bonne et une mauvaise réponse. Je n’ai qu’un seul avenir qui m’attend après mon diplôme, mais je ne saurai que plus tard si c’était le bon ou le mauvais choix.

Aurai-je le sentiment d’avoir eu une bonne vie ou non ?

Lorsque l’on questionnera notre existence dans le futur, la conclusion qu’on en tirera nous donnera une réponse.

3

C’était l’heure du premier déjeuner post vacances d’hiver. Kei avait déjà formé un groupe avec Satô et d’autres filles et se dirigea vers la cafétéria. Il était également très important qu’elle passe du temps avec ses amies. En sortant des couloirs lorsque j’observa Kei de derrière, je vis que les filles étaient parfaitement alignées.

Moi — Pourquoi s’alignent-elles toujours côte à côte, qu’elles soient quatre ou cinq ?

Horikita — Ne me demande pas mais c’est gênant en tout cas de ne pas faire la queue normalement.

Horikita, qui se tenait derrière moi, n’avait pas l’air d’en savoir plus.

Horikita — As-tu des yeux dans le dos ? C’est étrange que tu aies pu remarquer ma présence.

Moi — Ne vaut-il pas mieux laisser ce mystère tel quel ?

Horikita — Tu n’as donc pas l’intention de t’expliquer.

Moi — Alors j’y réfléchirai si tu me dis pourquoi les filles sont alignées.

Kushida — C’est une question à laquelle Horikita-san ne peut pas répondre, et c’est terrible. Elle n’a pas assez d’amis au point de pouvoir créer une file d’attente comme Karuizawa.

Après Horikita, c’était au tour de Kushida de pointer le bout de son nez.

Kushida — Il faut savoir qu’il y a une hiérarchie des choses. Même si on bloque le couloir et que ça gêne, c’est parfois nécessaire pour maintenir une bonne cohésion de groupe.

Moi — Je vois. On évite donc naturellement de rester derrière les gens qui sont susceptibles de nous gêner plus loin.

Kushida — On peut dire ça. On n’en parle pas forcément, mais je pense qu’on le sait intuitivement d’une manière ou d’une autre.

Ce serait un mécanisme assez féminin de psychologie de groupe.

Horikita — C’est vraiment stupide. Il faut penser aux gens qui nous entourent.

Kushida — Oui, oui, c’est sûr que pour quelqu’un qui n’a pas d’amies c’est facile à dire.

Horikita — Tu me cherches c’est ça ?

Kushida — Tu pensais le contraire ? T’es bien drôle.

Les deux se jetèrent des regards noirs et des étincelles fusèrent.

Moi — Arrêtez, ça ne mène à rien. Vous avez besoin de moi pour quoi ?

Horikita — Ayanokôji-kun, puis-je t’inviter à déjeuner aujourd’hui ?

J’avais beau y repenser, cela me donnait de mauvais souvenirs.

Moi — Me dire ça ne présage rien de bon. Je parle d’expérience.

Horikita — C’est impoli. Je ne te volerai pas d’argent, et pas de conseils louches promis. Rassuré maintenant ?

Moi — Hmm, bon ok.

Je ne voulais pas l’offenser en disant que ce n’était toujours pas le cas alors je me contentai de hocher la tête.

Kushida — Tu as quand même pas mal réfléchi.

Horikita — En effet, mais ce n’est pas grave. Ça te va aussi, Kushida ?

Kushida — Oui, ce serait avec grand plaisir.

Elle était revenue à son mode angélique comme si de rien n’était.

Moi — Tu invites donc aussi Kushida. C’est plutôt inhabituel.

Est-ce que Horikita m’avait invité pour éviter de se retrouver seule avec Kushida ? Mais si c’était le cas, elle n’avait pas besoin de mettre en place tout ça. Il y avait sûrement une autre raison, pour qu’elles s’associent et je me demandais bien laquelle. Kei n’était pas dispo aujourd’hui, il n’y avait donc pas de mal à manger avec elles.

Kushida — Et donc ? On va à la cafétéria ?

Horikita — Non, hmm… Il serait préférable d’aller dans un endroit calme.

Kushida qui marchait à côté de moi avait les mains vides. Est-ce ce moment où l’on passe par une épicerie pour acheter un bentô[2] en chemin ? Je ne savais pas trop mais j’aurais sûrement bientôt ma réponse car nous nous levions de nos sièges et nous nous retrouvâmes dans le couloir. Bien évidemment, nous n’étions pas tous les trois alignés. Horikita était devant tandis que Kushida et moi étions alignés derrière.

Kushida — Hé, Horikita-san. Je veux reconfirmer, tu as vraiment l’intention d’aller manger ?

Horikita — J’ai été plutôt claire. Nous allons effectivement manger.

Kushida — Ah… Bon, on peut s’arrêter en chemin ? Je vais aller acheter des médocs pour mon estomac.

Horikita — Cela ne sert à rien. Je comprends tes inquiétudes, mais c’est un achat inutile.

Je vois, c’était donc seulement pour des médicaments si elle voulait s’arrêter. C’est vrai que cela pouvait s’avérer utile en cas d’indigestion.

Moi — Attendez. Comment ça des médocs ? Nous allons manquer quoi ?

Il est évidemment étrange qu’elle veuille se procurer la chose sans raison. Horikita répondit à ma sollicitation directe sans se retourner.

Horikita — Un bentô fait maison d’Ibuki-san.

Moi —… Du fait maison d’Ibuki ?

Je fus perdu dans mes pensées un petit moment, mais je devais calmement faire face à la situation.

Horikita — Aujourd’hui, elle nous a préparé un bentô pour tous les trois. Il y aura donc trois portions égale. Je ne t’en avais pas parlé ?

Moi — Tu n’avais clairement pas l’intention de me le dire.

Si j’avais reçu une telle explication dès le début, j’aurais détalé comme un lapin. Et j’avais du mal à croire qu’Ibuki m’avait compté dans l’équation. C’était tellement inattendu.

Moi — De mémoire, Ibuki n’est pas très doué en cuisine, hein ?

En évitant de dire qu’elle était nulle, je tentai de cacher mon inquiétude.

Horikita — C’est le genre de personne qui n’a jamais cuisiné pour elle-même. C’est pourquoi elle mange souvent que des repas déséquilibrés. Tu t’en souviens ?

Pendant les vacances d’hiver, juste après le nouvel an, j’avais croisé par hasard Horikita, Kushida, et Ibuki en supermarché. C’était à ce moment-là que j’avais entendu parler de ses habitudes alimentaires.

Horikita — Comme la malbouffe est nocive pour la santé, je l’avais récemment invité quelques fois dans ma chambre pour manger des repas que j’avais préparé. Ça lui permettait d’économiser de l’argent donc elle venait à contre-cœur.

Kushida — C’est tout de même super mignon de sa part de se forcer à venir comme ça.

Le terme n’était pas vraiment approprié mais soit.

Moi — Pour quelqu’un qui déteste Horikita, tu es bien au courant.

Kushida — Je me suis incrustée quelques fois. J’espérais une bagarre.

C’était du Kushida tout craché. Elle aimait voir le pire se réaliser.

Horikita — C’était bien embêtant de cuisiner pour trois personnes.

Malgré tout, ça n’avait pas l’air de la déranger. Peut-être s’était-elle habituée.

Moi — Mais pourquoi Ibuki a commencé à faire des bentô ?

Kushida — Elles se sont embrouillées. Horikita-san lui dit cash qu’elle pouvait au moins apprendre à cuisiner, mais Ibuki a répondu avec orgueil qu’elle pouvait le faire facilement si elle en avait envie. Du coup on a eu un : « Alors cuisine ! ». Et puis « Je te ferai la cuisine alors prépare-toi !». Puis cela a fini sur un « Si tu ne réussis pas, meurs » et « Si je réussis, je te bute ». Et nous voilà aujourd’hui.

C’est intéressant de voir à quel point il était facile de comprendre et d’imaginer le déroulement des événements. Mais les deux derniers échanges étaient probablement un mensonge. Enfin, j’espère…

Moi — Ok, j’ai tout compris. Bon, je dois aller à la cafét’, à la prochaine !

Au croisement, je tentai de fuir mais Kushida m’attrapa aussitôt le bras.

Kushida — Tu es chanceux. Une fille t’a préparé un bentô !

Moi — Tu m’as piégé.

Dis-je avec mécontentement à Horikita qui se tenait toujours devant moi.

Horikita — Ce n’est pas agréable de t’entendre dire que je t’ai piégé. Je veux simplement partager la cuisine d’Ibuki avec le plus grand nombre de personnes possible. Mais ce serait étrange d’impliquer des personnes qui ne sont pas proches d’elle, non ? Et il est encore trop tôt pour dire que ce sera mauvais.

Du déroulement de la conversation, je ne pouvais pas penser qu’elles étaient très impatientes de goûter à sa cuisine. J’étais dans une situation sans issue alors j’étais obligé de capituler.

Moi — Mais Kushida, tu aurais pu éviter tout ça, non ?

Je comprenais la raison de sa présence dans les repas entre Horikita et Ibuki mais elle aurait pu aussi éviter d’aller potentiellement s’empoisonner aujourd’hui. Le risque était trop grand. Ou bien cela valait-il le coup pour elle ?

Kushida — Oui, mais… tu sais, moi aussi j’ai mes raisons.

Horikita — Il me semble que toi aussi tu n’aimes pas perdre Kushida-san. Je suis sûr que tu es venue contre ton gré parce qu’Ibuki-san t’as provoqué de manière futile en te disant que tu serais lâche de t’enfuir.

Kushida — …. Je voulais juste voir Ibuki échouer et s’excuser.

Cette appellation familière sans suffixe honorifique semblait bien indiquer son intention, mais même si elle échouait, Ibuki allait-elle s’excuser ? Eh bien, elle avait peut-être pensé que c’était une chance unique à saisir malgré tout au vu du caractère de cochon d’Ibuki.

Horikita — On dirait qu’elle n’est pas encore arrivée. Nous sommes pourtant tout juste à l’heure…

Nous nous arrêtâmes devant un couloir menant à l’extérieur, qui était apparemment le lieu de rendez-vous. Elle m’avait menti lorsqu’elle voulait un endroit calme. Elle avait l’intention de m’impliquer dès le début.

Moi — Hé, les salles de classe ne sont pas si loin. On avait vraiment besoin de se donner rendez-vous ici ?

Horikita — Certes mais Ibuki-san ne voulait pas y aller avec nous.

Si elle détestait tant Horikita (et probablement Kushida), elle aurait dû refuser le duel. C’était un bon exemple de problèmes que l’on pouvait avoir quand on était quelqu’un qui n’aimait pas perdre.

Kushida — De toute façon elle va se rater avec un bentô bien dégueu.

Horikita — Je ne veux pas juger sans y goûter mais c’est fort probable.

Moi — Sûrement… Je vais devoir manger un plat raté…

Ibuki — Arrêtez de dire que ça va être raté !

Ibuki nous avait rejoint en criant, alors que l’atmosphère était sur le point de devenir embarrassante. Elle tenait dans sa main la bombe…enfin, le bentô que personne ne voulait. J’aurais aimé qu’elle l’oublie ou qu’elle annule.

Ibuki — Que fout Ayanokôji ici en fait ? Il était pas invité.

Horikita — Plus il y a de juges, et plus le jugement sera objectif. Maintenant que nous sommes tous là, changeons de lieu. Tu ne veux pas que les gens pensent que nous sommes proches, n’est-ce pas ?

Ibuki — Bah ouais !

Nous sortîmes donc du couloir en ce début janvier. Il faisait plutôt froid ce qui expliquait pourquoi il n’y avait personne sur les tables pour manger. Ibuki souleva ce qui semblait être une boîte de bentô enveloppée dans un simple emballage trouvable en boutique et le posa sur le banc de manière brutale.

Ibuki — Je vais vous faire regretter d’avoir dit que ce serait raté, alors bouffez ça tout de suite.

Kushida — Quelle confiance. Peut-être qu’un miracle s’est produit.

Elle était en effet pleine d’assurance. C’était quelque peu rassurant mais cela ne voulait pas dire que c’était réussi.

Horikita — C’est son genre. Il ne faut pas se fier à son expression.

Horikita, qui ne se laissait pas avoir, détourna son regard d’Ibuki et baissa les yeux en direction du bentô. Au même moment, les faibles espoirs que moi et Kushida avions s’envolèrent instantanément.

Kushida — Ouais… S’il n’y avait pas eu le duel, je ne serais pas venue.

Horikita — Je veux bien que tu sois confiante mais ne soit pas brusque avec la nourriture. Même si ta cuisine est bonne, tu serais disqualifiée en tant que cuisinière.

Ibuki — La ferme ! Contentez-vous de manger et vous vous excuserez après, Horikushi ! Et Ayanokôji aussi tant qu’on y est !

Horikita — Depuis quand tu mélanges mon nom avec celui de Kushida-san ? J’aimerais que tu arrêtes ça tout de suite.

Ça ne me dérangeait pas d’être appelé au dernier moment comme roue de secours mais en quel honneur je devais participer à la farce ?

Moi — Vous êtes toutes les trois devenues vraiment proches.

Cela semblait contradictoire vu l’atmosphère, mais j’avais cette impression

Horikita — En quoi Ayanokôji-kun ? Je te prie de tenir ta langue.

Kushida — Elle a raison. Ne prends pas tes délires pour la réalité.

Ibuki — La prochaine fois que tu dis ça, je te défonce !

Visiblement, j’étais le seul à penser ça. En tout cas, j’étais de trop.

Moi — Je peux rentrer ?

Je ne voulais pas les déranger, mais…

Ibuki — Ne pars pas !

Horikita — Ne t’enfuis pas.

Kushida — Ça ne se fait pas, Ayanokôji-kun !

Les trois s’étaient exprimées en même temps. Je ne savais pas trop pourquoi mais je ne pouvais vraiment pas m’échapper de là. Je finis par prendre place, pensant que les écouter allait peut-être s’avérer intéressant.  La plat d’Ibuki n’était clairement pas complexe même pour un débutant. Pourtant, pour faire admettre la défaite à Kushida et Horikita, elle avait sûrement fait plusieurs essais. Malgré une attente faible, le premier élément important était la présentation. Un bentô à l’apparence ordinaire fut sorti de l’emballage (que l’on trouve également en magasin).

Ibuki — Bon, je l’ouvre.

Ibuki les bras croisés, ne montra aucun signe d’inquiétude. Le couvercle s’ouvrit lentement. La première chose qui attira mon attention, était le riz. Pas du riz blanc, mais du riz cantonnais. Plusieurs types de légumes et de viandes avaient été utilisées lui donnant diverses couleurs. En revanche, il y avait une trop grande portion de riz. Hormis cela, il y avait des tomates, des omelettes, du gratin et des mets mijotés, puis aussi de la friture et des mini-hamburgers. C’étaient de petites portions mais les 7 mets alignés donnaient une grande variété. Le facteur décisif était la présence de décorations dans la boîte. Niveau apparence, c’était pour le moment passable.

Horikita — Tout ça est fait maison ?

Ibuki — Bien sûr.

Le fait qu’elle ait répondu sans hésitation indiquait que c’était sûrement vrai, mais je ne m’attendais pas à y trouver des mets mijotés dedans.

Horikita — Je te donne un bon 30 pour l’esthétique.

Ibuki — La cuisine c’est surtout une question de goût.

Horikita — Ce que j’ai dit est un compliment, au cas où. Je m’attendais à te mettre une note proche de zéro à la base.

Elle venait dire sans aucune once de gêne et de manière bien hautaine que la note de 30/100 était un compliment. Horikita semblait avoir préparé à l’avance plusieurs paires de baguettes jetables. Elle nous les distribua.

Horikita — Passons à la dégustation.

Kushida — C’est la première fois que je fais une dégustation aussi malaisante. Ça fera un souvenir fan-ta-stique.

Kushida sépara sa paire de baguettes mais ne semblait pas vouloir prendre les devants, attendant que Horikita mange. Horikita se mit à saisir délicatement du riz cantonnais avec ses baguettes avant de le porter à sa bouche. Elle saisit ensuite un morceau de gratin et le goûta. Lorsqu’elle finit de manger en silence, Kushida l’interpela.

Kushida — Alors, c’est comment ?

Horikita — Pas encore. Je ne veux pas que mon avis ait un impact sur le tiens. C’est à ton tour.

Kushida — Tsk.

Wow…quel tchip ! Si les élèves qui se faisaient encore des illusions sur Kushida avaient vu cela, ils se seraient probablement évanouis. Si des gens nous écoutaient par hasard, il était impensable qu’ils voient cela comme quelque chose d’involontaire.

Kushida — C’est possible juste les mini tomates ?

Horikita — Fais-le sérieusement.

Kushida — Tsk. Tu soules pour des détails.

Elle tchippa encore et un tchip bien plus fort que le précédent. À contrecœur, elle choisit de manger les mets mijotés et le mini hamburger.

Kushida — Ah…Je vois. Bon tiens Ayanokôji-kun.

Le bâton fut passé à mon tour par Kushida, qui avait l’air d’avoir jugé la chose. Que faire maintenant ? Il y avait sept aliments différents dans le bentô, y compris les mini-tomates. Parmi tous ces choix, 4 aliments fûrent mangés par ces deux-là. Il était donc préférable de manger les deux restants sans compter les mini tomates, à savoir les bouts d’omelettes et la friture. C’était un choix entre la vie et la mort, ou peut-être entre la mort et la mort.

Moi — Commençons par l’omelette.

C’est un incontournable du bentô. Il faut beaucoup d’habileté pour maîtriser la chose mais c’est facile à cuisiner. Une fois en bouche, je me méfiai instinctivement des morceaux de coquille d’œuf potentiellement présentes. Mais cela passa dans mon estomac sans le moindre problème. Je passai ensuite à la friture. Je m’étais rendu compte en prenant l’aliment avec une baguette que c’était similaire à un korokke niveau texture.

Moi — …

Je me méfiais aussi un peu mais je finis par le poser en bouche. Après avoir goûté la chose, la garniture sortie de la friture. C’était bien un korokke niveau goût. Cette forte texture pâteuse c’est ce qui m’avait le plus marqué. Les ingrédients avaient encore leur humidité et la panure était trop légère. La texture en bouche était mauvaise avec un arrière-goût désagréable. Une fois fini, je posai mes baguettes en silence et fermai les yeux un instant… Je vois… La réponse me vint naturellement en avalant.

Horikita — Maintenant que nous avons tous les trois finis, je vais te donner mon avis honnête. Ce n’est pas bon.

Ibuki — Hein ?

Horikita — Ce n’est pas immangeable, et visuellement c’est loin d’être un zéro pointé. On voit ici le travail acharné d’un novice mais c’est très salé et assaisonné de manière hasardeuse.

Ce n’était certainement pas immangeable. Mais comme l’avait dit Horikita, c’était très mal assaisonné.

Horikita — Les carottes peuvent être mangées sans être épluchées, mais elles ne sont pas très bonnes et de tailles inégales. Tu as essayé de t’y atteler avec sérieux, mais tu n’as pas réussi à cacher tout ce que tu trouves pénible.

Bien qu’elle n’ait vu et mangé qu’un seul bentô de sa part, elle a pu deviner un par un toutes les méthodes et réflexions qu’elle a eu lors de la préparation. Il était évident qu’elle avait presque visé assez juste au vu de l’expression amère d’Ibuki.

Kushida — Je ne veux plus manger. C’est donc ça gaspiller un repas.

Face à l’attitude désagréable de Kushida, Ibuki secoua ses épaules de frustration.

Kushida — Comment t’as pu oser sortir que tu ne perdras pas face à la cuisine de Horikita avec un plat comme ça. Ça aurait été mieux que tu payes quelqu’un de compétent pour cuisiner à ta place.

Elle se faisait critiquer sévèrement ce qui me peina mais on n’y pouvait rien au vu de la piètre qualité de son plat.

Ibuki — Je suis sûre que vous êtes pas objectifs !

Horikita — Alors mange. J’imagine que tu n’as même pas goûté.

Ibuki — Goûter ? non mais…visuellement ça a l’air normal quoi.

Horikita — Je n’ai pas dit que c’était immangeable. Je dis juste que ce n’est pas bon. Bref, vas-y, mange.

Forcée de prendre le bentô qu’elle avait elle-même préparée, Ibuki l’accepta avec irritation et pris des baguettes.

Ibuki — …Uh, c’est dégou…délicieux ! Mon dieu !

Horikita — Arrête de mentir

Frappé à la tête par Horikita, Ibuki gémit.

Ibuki — Mais pourquoi c’est aussi mauvais ! Le goût est tellement banal et décevant ! Et c’est salé !

Horikita — J’ai tout expliqué. C’est parce que tu as tout fait à la louche.

Ibuki — Ouais mais je pensais qu’entre une grosse cuillère et deux cuillères à café, y’avait pas tant de différence. C’est relou.

Là était le problème. Les aliments contenus dans le bentô présentaient d’importantes différences d’assaisonnement et étaient soit trop fade, soit trop assaisonnés.

Horikita — Je vais te mettre 20 pour ce que tu nous as préparé aujourd’hui.

Ibuki — Sur 20 ?

Horikita — Sur 100 bien sûr.

Ibuki — Quoi ? Je croyais avoir réussi à te soudoyer.

Horikita — Je n’ai clairement pas été sévère avec toi mais je ne peux pas en manger plus.

Kushida — Vraiment ? Moi je te donnerai un 2.

Ibuki protesta fortement en tapant son pied contre le sol, face à leur critique.

Horikita — Tu as le même avis, non ? Ayanokôji-kun.

Moi — Pas vraiment, vu que j’ai trouvé que ce bentô n’était pas immangeable, ma note est plus élevée.

Ibuki — Voilà ! Vous voyez !

Elle fut très satisfaite de voir enfin l’apparition d’un premier soutien aussi léger soit-il. Cela l’avait fait bondir.

Horikita — Tu es sérieux ? C’est un bentô mauvais et mal fait.

Kushida — Je suis d’accord avec toi en étant objectif.

Horikushi eut donc un avis similaire sans hésitation mais moi je voulais apporter un avis différent. Différents points de vue devaient être évoqué pour donner une appréciation globale de ce bentô.

Moi — Mais ce n’est pas immangeable. Tu l’as admises toi-même, n’est-ce pas ?

Horikita — Certes, mais ce n’est pas pour ça que je veux le manger.

Moi — Je ne pense absolument pas vouloir manger ça dans mon quotidien, mais que ferais-tu sur une île déserte ? Si tu n’avais que ça à manger, tu serais contente, non ? Concernant la note que je vais donner…

Horikita — Pas besoin de ta note. Merci d’avoir pris un exemple tiré par les cheveux. Au moins, je sais que tu ne la complimentes pas.

Moi — …D’accord.

L’annonce de ma note fut interrompue alors que j’étais sur le point de la révéler ce qui me laissa un sentiment désagréable. Ou peut-être était-ce la nourriture qui avait provoqué une indigestion chez moi.

Horikita — Si on fait la moyenne ça fait 11. C’est dommage, Ibuki-san.

Si on n’incluait pas ma note, il n’y avait pas besoin de m’inviter… Ce qui est fait est fait mais ça me laissait tout de même un sentiment de déception dont je n’arrivais pas à me débarrasser.

Ibuki — Ugg…

C’était le résultat de son attitude présomptueuse alors qu’elle ne savait pas cuisiner. Elle n’avait d’autre choix que d’accepter son échec.

Horikita — Si dans quelques jours tu veux proposer un autre plat, je pourrais reprendre un peu de mon temps.

Ibuki — Je cuisinerai plus jamais !

Se faisant continuellement critiquer, Ibuki laissa échapper sa frustration après une première expérience traumatisante.

Horikita — Abandonner aussi tôt n’est pas une si mauvaise chose. La cuisine ce n’est pas fait pour toi.

Elle ignora la critique de Horikita et se mit à grogner et croiser les bras.

Ibuki — En fait, je me suis rendue compte que ceux qui cuisinent sont débiles. Vous perdez votre temps.

Horikita — Que veux-tu dire ?

Ibuki — Même si on ne cuisine pas, on peut tout simplement acheter un bentô quelquepart. Ça permet de gagner du temps et de ne pas avoir à gérer les restes de nourriture. En plus, c’est très bon. Tu vois !

C’était en effet le but d’un repas déjà prêt.

Horikita — Il ne faut pas le faire. Tu dois prendre en compte ta nutrition quand tu manges. Combien de temps vas-tu me faire répéter ce que je t’ai expliqué à maintes reprises ? C’est pour cela que tu ne grandis pas.

Kushida — Ahahahaha, t’as raison. Que ce soit sa mentalité ou son corps elle n’a pas l’air d’avoir grandi.

Ibuki — Hé, Kushida ! Tu regardes où en disant ça !

Horikita — À ton avis ?

Ibuki — Je vais te botter le cul ! Puis je vais te forcer à te prosterner !

Horikita — Allez, allez, on ne réagit pas à la première remarque venue. D’ailleurs le fait que tu sois tout le temps irritée est aussi une preuve que tu n’as pas assez de vitamine. Viens à nouveau dans ma chambre aujourd’hui à 19h00.

Ibuki — Si tu insistes à ce point, je viendrai !

Elle allait donc y aller… Je pensais qu’elle allait refuser mais son agacement n’était pas assez fort pour l’en empêcher. Elle pouvait manger un repas nutritif et savoureux, tout en réduisant ses dépenses alimentaires après tout. Il y a certes des inconvénients à écouter Horikita lui faire la morale, mais il était dommage de se débarrasser de tous ces avantages.

Ibuki — À plus !

Sur ces mots, Ibuki s’éloigna et partit très rapidement. Si elle se trouvait dans un bâtiment, elle aurait forcément gêné les gens du dessous.

Horikita — Elle n’a même pas rangé sa boîte à bentô. Franchement…

Horikita rangea la chose tout en se plaignant comme une mère devant les bêtises de sa fille. Elle allait probablement apporter la boite chez elle pour la laver. Kushida, assise à côté d’elle, se leva et détourna le regard.

Kushida — Eh bien, moi aussi je m’incrusterai à 19h.

Horikita — …Pourtant je ne t’ai pas invitée toi.

Kushida — Je veux aussi économiser autant que possible mes points privés. Quel plaisir de manger un plat payé par tes soins.

Elle semblait vraiment prendre son pied pour des choses peu communes.

Horikita — Tu n’as pas déjà économisé assez jusqu’à maintenant ?

Kushida — Clairement pas assez. J’étais censée recevoir des points privés chaque mois de quelqu’un, mais mes plans sont tombés à l’eau.

Malgré le sourire, ses yeux froids se dirigèrent vers moi. Elle reprit immédiatement son apparence d’ange et partit en direction de la cafétéria.

Horikita — Bonnn, nous avons enfin fini. Joli travail, Ayanokôji.

Moi — Ouais, toi aus…Non, attends un peu.

J’arrêtai avec force Horikita qui était en train de partir avec la boîte à bento.

Horikita — Oui ?

Moi — J’ai goûté un bentô pas très bon, mais je ne me souviens pas que tu m’aies offert à déjeuner.

Horikita — Tu aurais pu manger ce mauvais bentô et puis c’est tout.

Elle me donna la boîte en me montrant qu’il y avait plein de restes. Je repoussai la boite sans aucune hésitation.

Horikita — Je plaisante. Allons maintenant à la cafétéria. Je t’achèterai tout ce que tu veux.

Il semble que Horikita avait mauvaise conscience.

Moi — Mais quand même, Ibuki et Kushida… Ça doit te coûter chère de leur préparer des plats.

Horikita — Mes frais de nourriture ont presque doublé. En plus, Kushida-san vient sans se faire inviter.

Moi — Pour Kushida, ta présence et celle d’Ibuki est peut-être un moyen d’évacuer ?

Si elle ne les aimait vraiment pas, elle ne passerait pas autant de temps avec elles, même pour des repas gratuits.

Horikita — Je ne sais pas. Elle semble adorer plus qu’autre chose me mettre en difficulté. Y compris Ibuki-san, je pense qu’elles ne peuvent pas s’empêcher de vouloir me voir dans une situation délicate. Elles cherchent à me frustrer.

C’était peut-être le cas. Plus elles passaient de temps ensemble, plus elles avaient de chances de voir les faiblesses de Horikita.

Moi — Je n’arrive pas trop à me l’imaginer, mais quand vous êtes toutes les trois ensembles, il n’y a pas aussi des moments sympatiques ?

Horikita — Pas vraiment. Ce n’est pas un groupe typique de filles que tu peux imaginer facilement. Il n’y a même pas un seul rire, et c’est même plutôt tendu. Tu as vu l’échange de tout à l’heure ?

En y repensant, le rassemblement de tout à l’heure n’était certainement pas très agréable. Même si Kushida pouvait montrer des sourires, peut-être par habitude, c’est au moins deux fois moins que lorsqu’elle passait du temps avec d’autres personnes. Mais étrangement, elle ne créait pas d’atmosphère pesante. C’était même plutôt convenable.

Horikita — Allons-y. Nous allons perdre notre temps si nous continuons à parler de ces deux-là indéfiniment.

Moi — Faisons ça.

Alors que l’on commença à marcher, je réfléchissais sur ce qui venait de se passer. Mis à part le supplice qu’avait subi ma langue et mon estomac, la réunion d’aujourd’hui en valait la peine. Horikita, Kushida, puis Ibuki d’une classe différente… Elles avaient noué une nouvelle relation étonnamment solide qu’il ne fallait peut-être pas sous-estimer. Si je qualifiais cela d’amitié, elles nieraient toutes certainement de concert, mais cette synchro pouvait aussi être interprétée comme le résultat d’une amitié naissante.

Cependant…

Horikita — Quoi ?

Horikita, qui marchait à côté de moi, n’appréciait pas que je la regarde ainsi. Elle se mit à plisser des yeux avec férocité

Moi — J’étais juste en train de penser à quel plat bien cher tu pourrais m’acheter.

Horikita — Dans ce cas, mange ce que tu veux sans te soucier du prix.

Moi — J’ai envie de manger le plat le plus cher.

Horikita — Vraiment…Fais comme bon te semble !

Mais par la suite, je fus contrains de choisir seulement parmi quelques plats.

4

Kei, qui était venue cet après-midi, partit. Il était 9h du soir lorsque je préparais mes affaires pour le lendemain. La télévision, restée allumée, semblait diffuser une émission de divertissement alors je m’arrêtai pour la regarder. Un homme d’une quarantaine d’années en était le présentateur et il plaisantait avec divers comédiens. On changea ensuite de décor pour nous retrouver en promenade en ville avec un animateur. Après un certain temps, ce dernier fit les mêmes plaisanteries et remarques que le présentateur dans un comique de répétition. Cinq tableaux furent affichés, provoquant de la surprise et des rires pour savoir lequel d’entre eux était le vrai.

Moi — Le quatrième.

Après avoir marmonné la réponse avec indifférence, je pris la télécommande pour éteindre la télévision sans attendre la confirmation. La chambre qui fut animée, devint en un instant silencieuse. Kei aime regarder la télé et l’allume souvent lorsque nous sommes seuls. Bien que je n’aie rien contre, après avoir essayé plusieurs genres d’émission pour apprendre, j’ai compris que je n’étais pas fan de tout ce qui était divertissement. Je me dirigeai vers le tiroir et pris mon carnet avec les crayons de couleur au-dessus.

J’avais acheté ça avec mes points privés peu après mon entrée ici mais je n’y avais jamais touché. C’est Kei qui l’avait trouvé alors qu’elle fouillait mes affaires. Elle fut intriguée que le carnet soit vierge. J’ouvris ainsi le cahier de dessin sur mon bureau ainsi que l’étui argenté à crayons de couleur. Alors que je prenais ces crayons inutilisés, ma main s’arrêta…

Qu’allais-je dessiner ?

Je pensais pouvoir dessiner sur un coup de tête, mais ma main ne bougeait pas. Dans la White Room, j’avais appris beaucoup de techniques pour améliorer mes aptitudes comme la copie d’image où je n’étais pas mauvais. Mais on ne m’avait jamais enseigné la réflexion et la créativité. Après avoir regardé le carnet vierge pendant un moment, je refermai l’étui en argent.

Moi — Encore un autre jour de passé…

Je murmurai cela en rangeant le carnet et les crayons de couleur dans le tiroir. Comme l’avait dit Chabashira-sensei, peut-être que ce troisième trimestre allait passer en un clin d’œil.


[1] Ici senpai dans le sens de quelqu’un de plus expérimenté que lui dans le domaine amoureux.

[2] Panier-repas typiquement japonais.

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