CLASSROOM V9 : CHAPITRE 1


Les intentions du président

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Traduction : Dogyuun
Correction : Raitei
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[Bureau du Conseil des élèves]

En seconde B, Honami Ichinose, c’est bien ça ?

Ichinose — Oui.

Elle s’exclama à voix haute et arbora une expression plutôt tendue face au vice-président Nagumo.

Nagumo — Qu’est-ce que le président du Conseil t’a dit ?

Ichinose —  Il m’a dit que c’était encore trop tôt…

Ichinose qui voulait rejoindre le Conseil des élèves avait postulé peu de temps après la rentrée. Toutefois, le Président Horikita avait rejeté sa candidature. Elle qui brûlait d’envie de faire partie du Conseil fut assez déçue, mais en apprenant la situation, le vice-président Nagumo l’approcha.

Il y avait trois raisons à cela. Premièrement, elle faisait partie de la classe B tout comme lui. Deuxièmement, elle avait des notes excellentes et enfin c’était une fille très jolie. Quelque chose que Nagumo recherchait dans le sexe opposé. C’était surtout pour ça qu’il l’avait approchée. Les deux premières raisons n’étaient rien d’autre que du bonus. L’important était de savoir si ça valait la peine de l’avoir à ses côtés en tant que chasse gardée.²

Nagumo — J’ai ouïe dire que tu faisais partie du Conseil lorsque tu étais au collège, et que tu en étais même la présidente.

Ichinose — Oui, c’est pour cela que je voulais rejoindre le Conseil au lycée.

C’était un mensonge et aussi une vérité.

Nagumo — Ton professeur principal, Mlle Hoshinomiya m’a aussi dit que tes résultats lors de l’examen d’entrée étaient excellents.

Ichinose — Merci beaucoup.

Elle accepta docilement ces louanges. Mais elle ne pouvait pas regarder Nagumo dans les yeux.

Nagumo — Je ne vais pas te mentir, tu me fascines.

Ichinose — Mais visiblement… Le président Horikita n’a pas décrété la même chose…

Ichinose avec un sourire amer se rabaissa. Elle ne s’attendait pas à ce que l’on rejette sa candidature. Malgré cette expression terne, un soupçon de sourire persistait. Parce qu’elle pensait qu’elle ne ferait pas bonne impression en se montrant complètement abattue.

Nagumo — Le prez Horikita est très strict. Il a probablement refusé ta candidature parce que tu ne fais pas partie de la classe A. C’est une personne qui accorde beaucoup d’importance au statut.

Ichinose — Je vois…

Ce n’était que pur mensonge. On pourrait penser que Horikita Manabu était superficiel, mais il n’en était rien. Au contraire, il évaluait les personnes individuellement, indépendamment du rang de leurs classes. Il reconnaissait la valeur d’une personne compétente. Toutefois pour Ichinose, qui avait vu sa candidature rejetée, les mots de Nagumo résonnaient comme une vérité.

Ichinose — Je me demande si une promotion en classe A me permettrait d’intégrer le Conseil.

Nagumo — Je n’en suis pas si sûr. Même si tu étais promue en classe A, rien ne garantit qu’il te reconnaîtra à ta juste valeur. Autrement dit, il a été décrété que tu n’étais pas à la hauteur dès l’instant où tu as mis les pieds dans ce lycée. Peu importe tes efforts, il n’acceptera jamais un élève marqué au fer rouge par la classe B.

Aux paroles sèches de Nagumo, le léger sourire sur le visage d’Ichinose s’évanouit.

Ichinose — M,-mais tu es dans la classe B non, Nagumo-senpai ?? Et tu es vice-président alors…

Nagumo réduisit aussitôt ce mince espoir à néant.

Nagumo — Pour mon cas c’est assez particulier. Tout d’abord j’ai rejoint le Conseil avant que le Président Horikita n’arrive au pouvoir, c’est-à-dire sous le commandement du précédent président, l’année dernière. Mais à l’époque, le vice-président Horikita s’était fermement opposé à mon entrée jusqu’à la toute fin.

L’expression d’Ichinose s’assombrit. Nagumo ne put s’empêcher de ressentir de la joie en voyant cela. C’est à ce moment qu’il prit la décision de faire rentrer Ichinose au Conseil des élèves. Et qu’il prit également la décision de l’aimer comme si c’était sa propriété.

Nagumo — Je tiens à rajouter une chose, je sais ce que je vaux. Je peux fièrement dire que normalement j’aurais dû être en classe A. C’est précisément la raison pour laquelle lorsque j’ai postulé au Conseil des élèves, j’ai révélé toute la vérité derrière mon affectation dans la classe B. Je n’ai pas omis un seul détail.

Ichinose — Révéler la vérité ?

Nagumo — Oui en effet. J’ai démontré que pour ce qui est des capacités académiques, je n’étais nullement inférieur aux élèves de la classe A. Tu comprends maintenant pourquoi je suis vice-président.

Ichinose — Pour quelle raison tu es en classe B Nagumo-senpai ?

Nagumo eut un sourire narquois intérieurement.

Nagumo — Désolé mais je n’ai pas l’intention de répondre à cette question. Celle qui doit répondre à mes interrogations c’est toi, Ichinose.

Ichinose — Moi ?

Nagumo — Et pour l’instant je ne suis pas convaincu. Normalement, il serait étrange qu’une personne de ta trempe ne soit pas dans la classe A. Tes notes sont excellentes et tu es très sociable. De plus tu as déjà fait partie du Conseil des élèves au collège. Alors, pourquoi avoir été placé dans la classe B ? Il y a anguille sous roche.

Ichinose ne put camoufler sa surprise, lorsque Nagumo mit le doigt sur une incohérence. Tout ça n’était qu’une hypothèse élaborée à partir des informations qu’il avait obtenues de sa professeure principale.

Nagumo — Dis-moi ce que tu crois être la raison de cette étrange affectation.  Si j’estime que tu es digne de faire partie de la classe A alors je t’accepterai dans le Conseil des élèves quitte à prendre toutes les responsabilités derrière s’il y avait le moindre le problème.

Ichinose — Tu… peux vraiment faire ça ?

Nagumo — L’autorité du président Horikita est absolue c’est vrai. Mais qu’arrivera-t-il après qu’il soit diplômé ? Si les nouveaux élèves de seconde ne sont pas acceptés, comment le Conseil pourra former ses successeurs ? C’est donc moi, le prochain président qui va avoir la charge de former tout ce beau petit monde.

Ichinose —  …Je suppose…

Nagumo —  Tu as l’air d’hésiter, mais quelqu’un qui n’est pas capable de saisir une telle opportunité n’a pas sa place au sein du Conseil.

Ichinose avait un secret. Elle se revit cloîtrée dans sa chambre.

Ichinose — Ce que je vais dire là…

Nagumo — Ça ne quittera pas cette pièce. Ton secret deviendra notre secret.

Le passé qu’elle avait enterré était sur le point de refaire surface.

C’est justement parce qu’elle avait perdu la confiance des autres qu’elle avait besoin de faire confiance aux autres.

Ichinose — J’ai… J’ai…

Ichinose révéla toute la vérité. À propos de sa propre “erreur”.


Février venait de débuter et le camp venait de toucher à sa fin. Sakayanagi Arisu de la classe A se trouvait dans la salle du Conseil. Après avoir posé son béret préféré sur la table, elle fit face au président du Conseil, Nagumo Miyabi, en première A.

Sakayanagi — Ma foi, le bureau du Conseil des élèves est moins sobre qu’avant. C’est très tape-à-l’œil tout ça.

Si on le prenait bien, ça signifiait que c’était propre et plutôt attirant. Si on le prenait mal, cela signifiait que c’était de mauvais goût. Les effets personnels de Nagumo étaient placés çà et là dans la pièce, comme si c’était son bureau personnel.

Un endroit qui n’existait que pour exhiber sa force, c’était l’impression que cette pièce donnait à Sakayanagi.

Nagumo — Est-ce que Horikita-senpai t’aurais recommandée au Conseil ?

Sakayanagi —  Hélas, comme tu peux le voir, je ne suis pas taillée pour un tel rôle alors je y ai jamais été invitée.

Nagumo — C’est juste qu’il n’a pas l’œil pour ce genre de choses.

Sakayanagi — Se pourrait-il que tu sous-entendes que tu es différent, très cher président du Conseil des élèves ?

Nagumo rit légèrement.

Nagumo —  Je t’y accueillerai volontiers. Mais tu serais ma propriété.

En répondant, Nagumo caressa la tête du lapin empaillé près de lui. Était-ce le sien ou bien à l’une des filles proches de lui ?  En tout cas il n’avait nullement l’intention d’emprunter la force d’autrui. Il se basait en tout et pour tout sur les apparences, mais comptait régner seul.

Bien qu’ayant pu changer de sujet, Sakayanagi continua farouchement.

Sakayanagi —  Que dois-je faire pour obtenir tes bonnes grâces ?

Nagumo — Tu dois me montrer ta valeur. C’est le seul moyen. Il n’est pas trop tard pour me rejoindre.. Range-toi à mes côtés Sakayanagi.

Sakayanagi — Je comprends…

Sakayanagi sourit et continua de s’exprimer.

Sakayanagi — Ne tentons pas le diable. À mon humble avis ce serait plus problématique qu’autre chose si deux chefs faisaient partie d’un même groupe. Mais le plus important, comment réagiraient les aînés ? Ils se sentiraient humiliés.

Nagumo — Deux leaders ?

Cela donnait l’impression que Sakayanagi se considérait comme l’égal de Nagumo si ce n’est supérieur à lui en dépit du fait qu’elle n’était qu’en seconde. Même après avoir entendu ça, Nagumo ne fut pas irrité. Au contraire, il relaxa ses joues et rit.

Nagumo — Entre toi et Ryuuen, les élèves de votre promo sont vraiment intéressants.

Aucun lycéen ne voulait faire du Conseil des élèves son ennemi. Il y avait ceux qui rêvaient d’atteindre la classe A et ceux qui faisaient au mieux pour ne pas attirer l’attention. Mais Sakayanagi et Ryuuen n’étaient pas du genre à hésiter à se faire des ennemis. Qui plus est, ils étaient sans pitié.

Nagumo —  Je ne pense que ce soit un mode de vie raisonné.

Il y a des élèves qui auraient fait des louanges à ce genre de personnes qui avaient tellement d’ennemis qu’ils ne savaient plus où donner de la tête. Mais Nagumo n’en faisait pas partie.

Il reconnaissait plutôt la valeur des gens capable d’abandonner leurs fiertés au moment opportun afin d’accomplir leur but. Le téléphone de Nagumo qui était sur la table vibra une fois. Ces vibrations se répétèrent à intervalle régulier.

Sakayanagi — Y a-t-il un problème ?

Nagumo — Je t’accorde de mon temps. Ne t’en fais pas pour cet appel, ça peut attendre.

Sakayanagi — Que les gens populaires ont la vie dure. Tu reçois toujours des appels comme ça ?

Nagumo — Si tu comprends ça, alors pourquoi ne pas aller à l’essentiel ? Si tu ne souhaites pas rejoindre le Conseil, je me demande quel motif justifie cet entretien seul à seul ? Je suis désolé, mais après ça, un autre élève seconde veut s’entretenir avec moi. Cette personne a déjà pris rendez-vous alors je ne peux pas t’accorder plus de temps.

Sakayanagi —  Je vois, je ferais mieux de rentrer dans le vif du sujet alors.

Nagumo précisa délibérément que l’élève était en seconde, mais cela ne fit pas sourciller Sakayanagi. Nagumo en conclut au contraire qu’elle était intéressée.

Sakayanagi — Je suis venue ici pour te demander une faveur. C’est à propos d’un membre du Conseil, Honami Ichinose-san de la classe B en seconde. Je compte très prochainement engager les hostilités. Il est possible que cela s’envenime très fortement.

Nagumo — Tu me l’as déjà dit, et donc ?

Il la pressa de continuer. Il avait déjà entendu cela d’elle lors de leurs précédents entretiens. Peu de personnes étaient bien sûr au courant de cela.

Sakayanagi —  C’est la seule élève de seconde au Conseil. En d’autres termes, c’est une potentielle présidente.

Nagumo — En supposant qu’aucun élève de seconde ne soit accepté au sein du Conseil et qu’aucune nouvelle recrue de l’an prochain ne lui fasse de l’ombre.

Sakayanagi — En effet, tu as raison.

En d’autres termes, si Ichinose chutait,  le Conseil des élèves ainsi que Nagumo chuteraient avec elle.

Sakayanagi —  En guise de cadeau pour l’autre jour, je voulais te prévenir. Dans le pire des cas, Ichinose Honami-san pourrait se faire expulser donc je dois te demander de faire avec.

Sakayanagi fit cette déclaration sans montrer le moindre signe de peur.

Nagumo — Je ne me souviens pas t’avoir autorisé » à aller si loin Sakayanagi.

Pour la première fois, le sourire de Nagumo disparut.

Sakayanagi — Effectivement, tu m’as simplement dit d’un peu la “bousculer”. Cependant je songeais à prendre des mesures un chouia plus répressives.

Nagumo — Honami m’appartient, un jour je sortirai avec elle. Je t’ai seulement autorisée à l’affaiblir un peu.

Sakayanagi — J’en suis consciente, mais il y a toujours des choses que l’on ne peut pas prédire.

Nagumo fixa longuement Sakayanagi, son regard était aiguisé. Certains pourraient même dire que c’était un regard noir, mais elle n’y prêta pas vraiment attention.

Sakayanagi — Puis-je en conclure que… son expulsion te laisserait de marbre ?

Nagumo souleva lentement son coude de l’accoudoir.

Nagumo — Quelle audace. Tu n’as pas peur de moi ?

Sakayanagi — Que veux-tu c’est dans ma nature.

Nagumo — Dis-moi quelque chose. Tu aurais tout simplement pu mettre tes plans à l’œuvre sans me consulter. Mais tu es scrupuleusement venue me demander la permission. Est-ce que je dois en déduire que tu ne veux pas faire de moi ton ennemi ?

Sakayanagi — Tu peux l’interpréter comme bon te semble.

Nagumo — Ne tourne pas autour du pot. Je veux connaître le fond de ta pensée.

Nagumo cherchait à connaître le sens de ses actions malgré la flatterie.

Sakayanagi — Tu as plus de pouvoir que je ne l’imaginais. Si, afin de protéger Ichinose-san, le Conseil… Non, si pour la protéger tu comptes te mettre en travers de ma route, ce serait plutôt fâcheux.

Sakayanagi également préférera que Nagumo ne couvre pas Ichinose. C’était sa réponse. Satisfait, Nagumo sourit rapidement. C’était une façon détournée de dire qu’elle ne voulait pas avoir à faire avec lui, qu’elle voulait éviter de faire de Nagumo son ennemi.

Nagumo — Il semblerait que l’information que je t’ai donnée s’est avérée utile.

Sakayanagi — En effet, je serai en mesure de m’attaquer au talon d’Achille d’Ichinose-san. J’utiliserai cette information à bon escient.

Nagumo — Bien Sakayanagi. Le Conseil fermera les yeux sur tes actions.

Sakayanagi — Dois-je en conclure que j’ai carte blanche ?

Nagumo avait été pourtant clair dans sa réponse

Nagumo — Tu chipotes. JE fermerai les yeux. Tu comptes faire quoi ?

Sakayanagi — Tu le sauras bien assez vite… Je vais en rester là pour aujourd’hui.

Il n’y avait aucun avantage à parler de sa stratégie ici. Ce fut la conclusion à laquelle arriva Sakayanagi. L’homme qui se trouvait devant elle, Nagumo Miyabi,  n’était pas une personne digne de confiance. Il allait jeter littéralement en pâture un talent du Conseil.

Sakayanagi — Par ailleurs, je n’ai pas souvent l’occasion de m’entretenir avec toi en tête à tête alors j’aurais une question à te poser.

Nagumo — Qu’est-ce ?

Sakayanagi — Bien que la probabilité que cela arrive soit faible, lorsque la situation atteindra son point culminant il n’est pas inconcevable qu’un élève utilise la force brute. J’aimerais que tu me dises ce que tu en penses président.

Sakayanagi était persuadée qu’elle ne perdrait contre personne pour ce qui est de l’ingéniosité que ce soit face à des Katsuragi, Ichinose ou Horikita. Cependant, lorsqu’il était question de lutte physique, c’était une autre histoire. Une fille estropiée comme Sakayanagi n’aurait aucune chance.

Nagumo — Tu ne t’en sortirais pas contre une personne qui utiliserait la force brute comme dernier recours ?

Sakayanagi — Nous ne pouvons pas vraiment dire que ce soit mon domaine de prédilection.

D’autant plus pour Sakayanagi, qui était handicapée.

Nagumo — Malheureusement pour toi, je ne condamne pas l’usage de la violence. Tout d’abord, les altercations entre élèves ne sont pas une anomalie. Contrairement à Horikita-senpai, je n’ai pas l’intention de sévèrement punir cela. Si ce n’est qu’un petit accrochage je ne prendrai pas cela au sérieux.

Cette déclaration semblait désavantager Sakayanagi qui n’était pas taillée pour les affrontements. Toutefois elle se préoccupait de quelque chose d’autre.

Sakayanagi — Je vois… Alors l’altercation survenue entre la classe C et la classe D il y a un certain temps. Si c’était toi, président Nagumo, tu n’aurais pas géré la situation de la même manière que le précédent président ?

C’était l’affaire entre Sudou et le groupe d’Ishizaki. Bien que Nagumo n’était pas directement impliqué, il aurait été peu probable que le vice-président n’en avait pas eu vent.

Nagumo — Voyons voir… Cet incident s’est fini avec l’implication du lycée. Je ne peux pas vraiment aviser innocemment, mais je ne serai pas allé jusqu’à l’expulsion. J’aurais probablement opté pour une suspension des deux parties. Bien sûr,  je n’aurais pas demandé que leurs points de classe soient déduits non plus. Mais après ce n’est qu’un avis.

Peu importe à quel point était tolérant le Conseil, si l’établissement disait “non” alors c’était “non”.

Sakayanagi était probablement au courant de cela. Même s’il possédait plus de pouvoir qu’un élève lambda, il restait un lycéen.

Sakayanagi — D’accord. Je remarque que tu es une personne très tolérante.

Il fallait garder en tête qu’à l’avenir, les affrontements qui allaient englober des intimidations et de la violence deviendraient des facteurs à prendre en compte.

Nagumo — Si ça te préoccupe autant, je peux te préparer une escorte d’élèves de première. Ils n’auront aucun mal à maîtriser des seconde

Sakayanagi — Je te suis reconnaissante, mais je me vois dans l’obligation de décliner. Je préfère me battre avec mes propres pièces, c’est comme ça que je fonctionne.

 Ce que Sakayanagi voulait savoir était jusqu’où pouvait-elle aller sans craindre de représailles. C’en était déjà assez de savoir qu’elle avait le droit de contre-attaquer après que l’on s’en soit pris à elle.

Nagumo — Satisfaite ?

Sakayanagi — Oui, pleinement.

Après avoir eu ce qu’elle voulait avec Nagumo, Sakayanagi se leva lentement en prenant sa canne.

Sakayanagi — Oh, d’ailleurs.

Nagumo — Tu as encore quelque chose à me demander ?

Sakayanagi —  Ce sera rapide.

Ne prêtant pas attention aux paroles de Nagumo, Sakayanagi continua.

Sakayanagi — Notre conversation est terminée, mais j’ai appris quelque chose de bien intéressant. C’est à propos d’un élève qui s’amuse à acheter des points privés de terminales qui sont sur le point d’être diplômés ce me semble avec de l’argent réel. Un système vraiment ingénieux pour s’assurer une place en classe A. Du jamais vu.

Pendant le camp  d’il y a quelques jours, c’était un sujet qui fut mis sur la table lors de la conversation entre Kôenji et Nagumo. C’était une information que les garçons avaient entendue par hasard, mais il ne serait pas étrange que l’un d’entre eux en ait informé Sakayanagi. Au contraire, c’était même plutôt logique qu’elle soit au courant.

Nagumo — Je vais m’assurer qu’il n’utilise plus cette stratégie. Mis à part ça, Kôenji n’est pas le seul à avoir pensé à cette stratégie. Il y a d’autres élèves qui ont réfléchi à s’approprier l’excédent de points privés que les terminales possédaient, juste avant la remise des diplômes.

Nagumo ricana comme s’il disait que c’était quelque chose qui était déjà arrivé par le passé.

Nagumo — C’est la raison pour laquelle le lycée a annoncé récolter les points privés.

Sakayanagi — Ah bon ? Si on comprend bien les règles, on voit pourtant que les points privés deviennent inutiles une fois sortie du système. Il est logique pour un terminale de confier l’excédent de ses points privés à un camarade d’une année en dessous.

Même un amas de poussière pouvait devenir une montagne. En obtenant des points privés de plusieurs personnes, quelques élèves pourraient amasser un sacré pactole niveau points. Ce n’était pas étonnant que Nagumo se soit rendu compte des agissements de Kôenji si tôt

Sakayanagi —  En théorie, il n’y a que les terminale qui sont censés être au courant. Je vais faire abstraction de la façon dont tu as pu obtenir cette information en dépit du fait que tu ne sois qu’en première… La raison pour laquelle tu laisses délibérément cette information fuiter auprès d’un élève de seconde est parce que tu as l’intention de modifier cette règle que tu viens d’énoncer.

Nagumo — Kôenji semble être le seul qui possède un montant supérieur à ce que l’école autorise. C’est une forme de transgression.

En annonçant cela devant tous les garçons de tous les niveaux, cela a exposé le vide juridique créé par le lycée. Il y a une grande chance que l’administration mette une règle en place afin de prévenir les terminales de transférer leurs points privés à d’autres personnes. En temps normal, peu importe la richesse de sa famille, cela ne garantissait pas que l’on puisse rembourser notre  après la remise des diplômes. Mais, Kôenji faisait exception. C’était de notoriété publique que la famille Rokusuke possédait un fort capital au vu Conglomérat derrière. Il pouvait ne pas payer les gens au final, mais c’était risqué pour lui vu sa renommée.

Sakayanagi — Être né avec une cuillère en argent dans la bouche, c’est une compétence. N’a-t-il pas le droit d’en faire usage ?

Nagumo — Anticiper et détruire, n’est-ce pas des compétences aussi ?

Sakayanagi — Fufu. Tu marques un point.

Sakayanagi rit comme si elle était fascinée et frappa le sol avec sa canne une fois.

Nagumo — Je n’ai jamais aimé la règle qui permet d’être promu en classe A en échange de 20 millions de points. Si possible, j’aimerais réordonner le système tout entier. Enfin, en supposant que le système perdure, bien que ça ne se s’appliquera pas à vous les seconde.

Tous les élèves connaissait cette possibilité pour grimper en classe A. Le lycée n’allait pas annuler la chose comme ça.

Sakayanagi — Mais j’ai ouïe dire qu’aucun élève à ce jour n’avait été en mesure d’économiser 20 millions de points. Je ne pense pas que tu devrais prendre cela en considération si ce n’est qu’une formalité.

Nagumo —  On ne peut juste pas économiser cela seul.

Sakayanagi — Ce serait insensé d’économiser collectivement, à l’échelle d’une classe. Il y’a cette stratégie qui consiste à envoyer un espion dans une classe ennemie pour la saboter, certains élèves craignent ce scénario. Mais ce n’est pas très réaliste. Même si les classes les moins bien classées envoyaient un de leurs camarades dans le haut panier, une fois qu’il goûterait au prestige de la classe A, il tournerait le dos à ses anciens camarades.

Nagumo — Certes, en général ce serait le cas, mais il peut toujours y avoir quelqu’un de loyal envers ses camarades, avec un très haut sens de la justice.

Sakayanagi — Tu as raison. Il est évident que les élèves des classes hautes ne partagent pas toutes les informations avec une personne qui viendrait d’être transférée subitement. Mis à part ça, lors des examens, si un incident devait survenir, le retour de bâton pouvait être ma foi assez violent. Saboter sa classe c’est risquer une expulsion.

Comprenant que le système n’avait plus de secret pour Sakayanagi, Nagumo hocha la tête de satisfaction.

Nagumo — Je préfère t’avertir. Ce n’est pas comme si ton tempérament me déplaisait, mais en continuant sur cette voie tu ne te feras que des ennemis, tu sais ? Tu ne crois pas qu’il serait plus sage de gagner la confiance de ton entourage ? Il n’est pas trop tard pour créer des liens de confiance.

Sakayanagi — Afin de plus tard exploiter cette confiance pour t’assurer la victoire ?

Nagumo —  C’est le chemin le plus sûr vers le sommet.

Une trahison de quelqu’un que tu n’aurais jamais soupçonné te trahir un jour. Ce serait une attaque qui infligerait des coups critiques.

Sakayanagi — Tu me dis de créer des liens de confiance, mais tu ne penses pas avoir été trop rapide en brisant la confiance que tu avais pu établir ? Comme tu l’as si bien dit, ne serait-il pas plus efficace d’utiliser ça à la fin ?

Elle parlait de la déclaration de guerre contre l’ex-président du Conseil des élèves pendant le camp. Ce fut la rupture de ces liens de confiance.

Nagumo — J’ai brisé ces liens de confiance ?

En réponse aux paroles de Sakayanagi, Nagumo répondit en ayant l’air de se retenir de rire.

Nagumo — J’ai perdu pour de bon la confiance de Horikita-senpai et des terminale de la classe A. Mais rien n’a vraiment changé par rapport aux terminale des autres classes et avec les première. Les élèves de seconde comprendront cela bien assez vite.

Nagumo agissait de façon dure et vaniteuse. Pendant un moment, c’était ce que pensait Sakayanagi, mais elle changea immédiatement d’avis. Briser les règles établies avec Horikita Manabu était prévu depuis le début. Il était même possible que ce soit un consensus sur lequel les élèves de première étaient arrivés au préalable.

Nagumo — Laisse-moi te corriger, Sakayanagi. Je reconnais ton talent. Si tu souhaites rejoindre le Conseil des élèves à l’avenir, je t’accepterai.

Sakayanagi — Je te remercie. Mis à part ça, je suis contente d’être venue ici aujourd’hui. J’ai pu savoir quel genre de personne tu es, président Nagumo. Au moins, je suis contente de savoir que nous sommes plus semblables que je ne l’étais avec le président Horikita.

Inclinant la tête par politesse, Sakayanagi quitta le bureau du Conseil des élèves. Quand elle le fit, Nagumo la suivit aussitôt.

Nagumo — Tu as oublié ton béret.

Sakayanagi — Sapristi ! J’ai failli le laisser là, je te remercie.

Après avoir repris son béret, Sakayanagi baissa encore la tête.

Sakayanagi — Je te prie de bien vouloir m’excuser.

Nagumo — Sakayanagi, saurais-tu des choses sur Ayanokôji ?

Nagumo posa cette question de facon inattendue.

Sakayanagi — Ayanokôji… ? Je pense que je me souviens de son nom. C’est un élève de seconde il me semble ?

Nagumo — Je vois, non ce n’est rien.

Si elle n’était pas au courant, il n’y avait aucune raison de mettre ça sur le tapis. Nagumo essaya de mettre fin à la conversation.

Sakayanagi —  Si c’est nécessaire, je peux me renseigner à son sujet.

Sakayanagi proposa son aide comme si elle voulait l’imposer.

Nagumo — Non, j’ai dit que ce n’était pas la peine alors oublie.

Sakayanagi — Ah bon ? Alors je te prie de m’excuser.

En s’en allant, Sakayanagi croisa une élève. C’était une personne connue même de Sakayanagi malgré son réseau étroit, Kushida Kikyô de la classe C, en seconde.

Kushida — Bonjour, Sakayanagi-san.

Sakayanagi — Cette rencontre serait-ce une coïncidence ? Ou bien à tout hasard tu veux te rendre dans le bureau du Conseil ?

Kushida — Oui. Je pensais postuler. C’est la même chose pour toi Sakayanagi-san ?

Sakayanagi — On va dire ça. Je te prie de bien vouloir m’excuser.

Kushida — À plus~

Sakayanagi doutait de la volonté de Kushida d’intégrer le Conseil en cette période même si elle avait toute la crédibilité pour le faire. Elle n’était tout simplement pas convaincue des dires de Kushida. Et puis les filles étaient au courant des actions de Nagumo lors de l’examen spécial. Il n’était pas étrange qu’une élève de seconde ne soit pas suspicieuse envers lui.

Si elle était au courant de la véritable nature de Kiyotaka Ayanokôji et qu’elle était de mèche avec lui, il était possible qu’il l’ait chargé de renseigner sur Nagumo. Mais elle connaissait bien Ayanokôji, elle savait qu’il n’était pas du genre à provoquer Nagumo pour le moment. Elle savait aussi que Kushida Kikyô n’avait aucune mauvaise rumeur qui circulait à son sujet.

Sakayanagi — Fufu. C’est précisément ce genre de personnes qui s’avèrent être les pires.

Sakayanagi pensait en tout cas que Kushida n’était pas aussi gentille qu’elle le prétendait.

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