CLASSROOM V9 : CHAPITRE 6


Quelque chose de vague

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Traduction : Nova & Raitei
Correction : Raitei, Nova
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Pour Hashioto Masayoshi, il était inutile de se demander de quel côté il était. Lui-même, sans exagérer, ne s’en souciait pas du tout : Sakayanagi ou Katsuragi, il défendait son bifteck et puis voilà. Bien qu’il ait eu la chance de commencer dans la classe A, il envisageait toujours le risque de retomber en classe B ou C.

L’important pour lui était de jouer LE rôle décisif. C’est la raison pour laquelle il avait, après avoir senti son potentiel, pris contact avec Ryuuen Kakeru après que ce dernier se soit rapidement hissé au pouvoir au sein de la classe C, au début de l’année.

Son talent exceptionnel aurait pu faire tomber Sakayanagi et Ichinose. Hashimoto avait réalisé que l’homme avait une force sinistre. Si Ryuuen l’avait demandé, Hashimoto n’aurait pas hésité à lui communiquer des informations sur la classe A : s’il agissait pour le compte de Sakayanagi, il aurait été tout à fait prêt à lui planter un couteau dans le dos, même à elle, si Ryuuen avait pu aller plus loin.

Naturellement, il se mit donc à viser Ichinose en classe B. Cependant, Ichinose était différente de Sakayanagi ou de Ryuuen parce que les dessous-de-table ne fonctionnaient tout simplement pas avec elle. Voilà pourquoi Hashimoto avait choisi une autre approche, celle de mettre une personne de la classe B dans la confidence. En effet, sans aller jusqu’à trahir Ichinose, quelqu’un de la classe B avait tissé des liens avec lui.

Hashimoto avait rapidement mis en place ce type de réseau avec les élèves de chaque classe immédiatement après son arrivée dans le lycée. C’était une façon de couvrir ses arrières en cas d’imprévu. 

Et aujourd’hui, une fois de plus, il prit des dispositions préliminaires en prévision d’une nouvelle situation inattendue.

Motodoi — U-um, Hashimoto-kun. Tu as une minute ?

Après les cours, une fille de la classe A, Motodoi Chikako, appela Hashimoto dans le couloir. Comme ce dernier, elle était membre du club de tennis. Il semblait qu’elle ait couru pour le rattraper après qu’il ait quitté la classe. Elle avait l’air un peu agitée, incapable de garder son calme. Hashimoto comprit immédiatement ce qui se passait.

Nous étions le 14 février. Il avait déjà vécu plusieurs fois ce genre de scène. Cependant, même s’il avait compris, il ne le laissa pas entrevoir.

Hashimoto — Bien sûr, Motodoi. Qu’est-ce qu’il y a ?

Après avoir reçu une réponse si douce, Motodoi exprima sa pensée.

Motodoi — C’est du chocolat. Parce que, euh… C’est la Saint-Valentin aujourd’hui !

Tout en parlant, elle lui tendit le chocolat, ce que Hashimoto accepta.

Hashimoto — Merci Motodoi, ça me fait plaisir !

Motodoi — Super !!

Hashimoto avait déjà remarqué la façon dont cette Motodoi le voyait : ces chocolats s’adressaient à un partenaire potentiel, pas à un simple ami. Il était assuré de réussir si lui-même se déclarait à elle, mais hélas il ne ressentait rien. Pire, il la voyait comme une personne qui ne valait tout simplement pas la peine d’être utilisée, ayant jugé qu’il n’y avait aucun bénéfice à sortir avec elle.

Motodoi — Viens plus souvent, tu manques au club ces derniers temps !

Hashimoto — Désolé. C’est vrai que je n’étais pas trop là…

Motodoi — Clairement !  Nos senpais se sont inquiétés.

Hashimoto — Je vais essayer. Dans tous les cas merci, je te rendrai la pareille le mois prochain !

Motodoi — O-oui.

Motodoi rougit, hocha la tête et s’enfuit. C’était comme si elle s’échappait de cette atmosphère embarrassante. Malgré son manque d’intérêt pour elle, Hashimoto demeura ambigu pour garder cette option ouverte. Qui sait, peut-être allait-elle changer un moment donné ?

Hashimoto se remit à accélérer le pas en se dirigeant vers la 2nde C. Quelqu’un de bien plus intéressant que Motodoi s’y trouvait, en effet. Il s’agissait d’Ayanokôji Kiyotaka.

Hashimoto — Pourquoi est-ce que je me soucie tant de lui ?

Une partie de lui-même ne pouvait s’empêcher de se poser des questions. Avant le camp d’entraînement, il ne pensait rien de lui. C’était juste un banal étudiant dont le visage devenait vaguement familier. Il se souvenait de sa performance contre l’ancien président du Conseil des élèves pendant la compétition sportive, mais c’était tout ce à quoi il pensait. Même à l’époque, Hashimoto ne pensait pas que son évaluation de quelqu’un devait changer simplement parce qu’il était rapide. De plus, Sakayanagi et Ryuuen étaient très vifs d’esprit mais ne semblaient pas s’être intéressés à Ayanokôji plus que ça.

Récemment, cependant, un évènement l’avait contraint à changer d’avis sur Ayanokôji. En effet, Nagumo Miyabi avait prétendu, ni plus ni moins, que Horikita Manabu estimait énormément Ayanokôji. Était-ce une blague ? Non, Hashimoto ne pouvait nier qu’il y avait forcément une part de vérité.

En y repensant, il y avait des signes qu’il avait négligés.

Tout d’abord, pourquoi l’ancien président du Conseil des élèves et Ayanokôji s’étaient-ils personnellement affrontés pendant le relais ? Simple coïncidence ou véritable duel ? Des doutes comme ceux-ci avaient commencé à germer dans son esprit.

Hashimoto n’était pas non plus convaincu de ce qui était arrivé à Ryuuen, qui aurait été renversé par Ishizaki et d’autres personnes de sa propre classe.

En outre, la classe C actuelle, qui avait commencé l’année tout en bas de l’échelle, commençait à combler progressivement l’écart avec les classes supérieures. Et si Ayanokôji avait réellement été impliqué dans chacun de ces événements ?

Hashimoto — Et si… il avait une existence qui surpassait à la fois Sakayanagi et Ryuuen… ?

Mais, à ce stade, tout cela lui semblait encore peu probable. Cela tenait encore du fantasme. Peut-être bien que Nagumo plaisantait vraiment, et que l’épisode du festival sportif était purement fortuit… C’était pourquoi Hashimoto désirait en avoir le cœur net. Il passait généralement son temps à agir sous les ordres de Sakayanagi et à répandre des rumeurs sur Ichinose. Mais, plus récemment, il utilisait son temps libre pour suivre Ayanokôji.

Hashimoto arriva finalement devant la classe C, mais Ayanokôji n’était déjà plus là.

Hashimoto — Tu ne perds jamais de temps,  n’est-ce pas Ayanokôji ?

Son cercle d’amis étant plutôt limité, il traînait rarement dans la classe après l’école. Était-il avec Yukimura et Miyake, ses amis proches ? Yukimura et Sakura étaient pourtant encore dans la classe.

Hashimoto — Yo, Hirata !

Observer une autre classe comme ça était suspect. Ainsi il fit le choix d’aborder directement Hirata.

Hirata — Yo, Hashimoto-kun. Ça va ?

Hashimoto — Oui, je suis juste venu voir si tu ne t’étais pas trouvé une nouvelle petite amie !

Hirata — C’est tout ? Pour l’instant ce n’est pas à l’ordre du jour !

Hashimoto — En train de guérir ton cœur brisé, c’est ça ?

Hirata — Haha… On peut dire ça oui.

Hashimoto — T’inquiète, on en reparlera bien posément un moment ! Juste, je me renseigne sur les coordonnées des gens avait qui j’ai été en collocation pendant le camp d’entraînement. Je cherchais Ayanokôji mais on dirait bien qu’il est déjà parti.

Hirata — Tu ne l’as pas croisé ? Il venait à peine de partir !

Il l’avait manqué de peu. Jugeant rapidement qu’il pouvait encore le rattraper, Hashimoto remercia Hirata et repartit immédiatement dans le couloir. Les examens de fin d’année arrivant bientôt, Hashimoto ne pouvait pas se permettre de continuer à suivre Ayanokôji tous les jours : il espérait réussir une bonne fois pour toute afin de se consacrer pleinement aux examens et les aborder de la meilleure façon ;

Hashimoto — J’adorerais découvrir quelque chose.

C’était avec cette conviction que Hashimoto avança. Heureusement, il ne tarda pas à apercevoir Ayanokôji près de l’entrée principale, sur son portable. Attendait-il quelqu’un ou tuait-il juste un peu de temps ? Dans les deux cas, c’était un coup de chance. Ayanokôji utilisait toujours son téléphone portable pour rester en contact avec quelqu’un. Etait-ce simplement Miyake ou quelqu’un d’autre ? Ou parlait-il à quelqu’un que Hashimoto ne connaissait pas ?

La seule chose dont il semblait sûr, c’était qu’Ayanokôji était une cible exceptionnellement facile à traquer. Hashimoto avait en effet suivi bon nombre d’élèves jusqu’à présent. Katsuragi, Ryuuen, Kanzaki, et même Ichinose de temps en temps… Tomber sur eux un jour sur deux était déjà un exploit, et il fallait minimum une semaine pour déterrer un scoop à leur sujet. Alors qu’Ayanokôji, lui, en plus de sembler accorder peu d’importance à ce qui se passait autour de lui, avait un quotidien monotone avec un cercle social bien restreint.

Malgré cela, Hashimoto ne se laissa pas aller à la complaisance. « On n’est jamais trop prudent » comme il se disait. Et il continua donc à observer Ayanokôji d’encore plus loin que nécessaire. À ce moment-là, Hashimoto reçut un appel téléphonique d’un de ses camarades de classe, Naoki Shimizu.

Hashimoto — Hé ! Il s’est passé quelque chose, Naoki ?

Naoki — Non, c’est à propos de ce matin… Ça me gave ! 

Hashimoto — Essaye de passer à autre chose, non ? Il y a déjà assez de rumeurs dans notre classe.

Un événement quelque peu problématique avait eu lieu au sein de la classe A ce matin-là. En effet, Shimizu s’était déclaré à une fille nommée Nishikawa, confession qui avait été rejetée. Néanmoins, toutes les filles de classe en parlaient déjà. Une seule personne suffit à une histoire pour circuler.

Hashimoto — Tu t’inquiètes vraiment beaucoup trop. À se demander comment tu as fait pour te déclarer !

Naoki — C’est vrai… mais je ne peux toujours pas pardonner à Nishikawa d’en avoir parlé à la terre entière.

Hashimoto — J’aimerais pouvoir t’écouter d’avantage mais je suis en plein dans un truc là…

Naoki — Oh vraiment ? Désolé !

Hashimoto s’arrangea pour le rappeler plus tard, avant de raccrocher.

Hashimoto — C’est toujours comme ça quand on agit avant d’avoir mis toutes les chances de son côté…

Avec la conviction de réconforter son ami plus tard, Hashimoto revint à sa mission de suivre Ayanokôji jusqu’aux dortoirs.

Hashimoto — S’il va directement dans sa chambre comme ça, alors je suppose que je ne découvrirai rien de nouveau aujourd’hui non plus.

Le plus dur en suivant Ayanokôji, c’était bien le sentiment de lassitude. Cependant, dans l’ascenseur, Ayanokôji ne s’arrêta pas au 4ème étage, là où se trouvait sa chambre.  Hashimoto observa qu’Ayanokôji s’arrêta à l’étage des filles.

Hashimoto — Si ma mémoire est bonne… C’est l’étage d’Ichinose non ?

Ou était-ce une simple coïncidence, et il était donc là pour rencontrer une autre fille ? Cependant, étant donné les récents événements, il lui était difficile de ne pas penser à Ichinose.

Hashimoto — Ça paraît bizarre mais c’est Ichinose après tout.

Alors qu’Ayanokôji n’avait qu’un nombre très limité d’amis, Ichinose était incroyablement populaire. Qu’elle lui parle n’était donc guère choquant. Et puis elle avait tellement de charme… Lui rendre une petite visite de courtoisie n’était de refus pour personne !

Cependant, Ayanokôji remonta immédiatement dans l’ascenseur pour redescendre au 4ème.

Hashimoto — Hein ?

Rien de tout cela n’avait de sens. Hashimoto continua de surveiller le moniteur alors que l’ascenseur remontait à nouveau à l’étage d’Ichinose et que plusieurs filles de la classe B montaient. Il en vint à la conclusion qu’Ayanokôji était tombé sur toutes ces filles qui étaient venues visiter Ichinose avant lui et avait donc rebroussé chemin.

Juste au cas où, Hashimoto prit immédiatement l’ascenseur pour monter au quatrième étage, mais Ayanokôji avait déjà disparu. Il était à peu près certain qu’il était retourné dans sa chambre.

Hashimoto —  Donc, au final, je ne découvre rien aujourd’hui non plus, hein ?

Réfléchissant à s’il fallait ou non en rester là pour aujourd’hui, Hashimoto décida finalement de songer à la situation de plus près. Après tout, il était encore assez probable qu’Ayanokôji essaie d’entrer en contact avec Ichinose plus tard, directement ou par un intermédiaire. De plus, tant qu’il utilisait l’ascenseur, peu importait qu’il monte ou descende, car il pouvait confirmer les choses grâce à l’écran.

La résolution de Hashimoto de rester dans le coin porta ses fruits au bout d’une heure. En effet, Ayanokôji prit l’ascenseur et se rendit au 1er étage. À noter qu’il n’avait pas retiré son uniforme.

Hashimoto —  Est-ce qu’il retourne à l’école ?

Pourquoi être rentré sinon ? D’autant qu’il n’avait pas son sac sur lui.

Hashimoto se leva rapidement et se cacha dans la cage d’escalier de secours.

Hashimoto — J’ai hâte de voir où cela va nous mener à partir d’ici.

Comme pour répondre aux souhaits de Hashimoto, Ayanokôji sortit du hall, se dirigeant vers une partie du campus relativement peu fréquentée. Donc il n’allait pas vers l’école ou faire des courses. Alors quoi ? La zone vers laquelle il se dirigeait n’était pas le genre où l’on allait retrouver des amis. Un rendez-vous confidentiel était l’option la plus probable. L’ancien président du Conseil des élèves Horikita ? Ryuuen ? Ni l’un ni l’autre, en réalité.

Hashimoto —  Sérieusement ?

La personne qui se présenta pour rencontrer Ayanokôji n’était autre que Kei Karuizawa, en 2nde C. C’était une fille qui, en raison de sa récente rupture avec Hirata, avait fait parler d’elle au sein de la classe A. N’ayant jamais interagi avec elle, Hashimoto ne put s’empêcher d’être étonné. L’étonnement laissa même place à de la colère, comme s’il se sentait trahi. Après tout, cela n’avait rien à voir avec ce qu’il s’attendait de découvrir d’Ayanokôji.

Quelle était la nature de leur relation ? Ils étaient clairement plus que de simples amis. Mais était-ce de l’amour ?  Hashimoto avait déjà pu observer  Hirata et Karuizawa à plusieurs reprises, mais il n’avait jamais ressenti d' »amour » ou d' »intimité » entre eux.

Hashimoto —   …Je ne comprends pas. Pourquoi Ayanokôji alors ?

En premier lieu, lequel d’entre eux s’intéressait à l’autre ? Était-ce réciproque ? À choisir entre Ayanokôji et Hirata, 80% des filles auraient probablement penché pour Hirata. Mais il n’était pas surprenant non plus que 20% craquent pour Ayanokôji. Pour lui, Karuizawa fasait partie des 20%…

Hashimoto — Ayanokoji… aurait été en contact fréquent avec Karuizawa… ?

Hashimoto abandonna immédiatement cette idée. Après tout il ne pouvait être sûr de rien pour l’instant. Cependant, en raison de la faible fréquentation des lieux, il était possible d’entendre clairement leur conversation.  

Hashimoto —  Grrr… Qu’est-ce que je fais alors ?

Au moment où Hashimoto réfléchissait à la suite des événements, la conversation entre Karuizawa et Ayanokôji prit une autre tournure.

Hashimoto —  Du chocolat hein ?

Karuizawa remit à Ayanokôji quelque chose, des deux mains. Nous étions le 14 février, n’importe qui aurait deviné en quoi un cadeau donné dans un endroit si désert en ce jour consistait. Il était donc clair que Karuizawa éprouvait certains sentiments envers Ayanokôji.

Hashimoto —  Eh bien, en tout cas, je suppose que je peux en rester là pour aujourd’hui.

Mais ce n’était pas ce que Hashimoto était venu chercher. Tout en commençant à rentrer, il s’arrêta d’un coup.

C’est dans cet esprit que Hashimoto commença à rentrer chez lui. Cependant, il s’arrêta ensuite sur place.

Hashimoto —  C’est une occasion rare… Pourquoi ne pas directement discuter un peu ?

Étant donné qu’il ne restait plus beaucoup de temps avant les examens de fin d’année, cela pouvait sembler la meilleure option possible. D’autant que Karuizawa était présente également… Peut-être pouvait-elle exposer quelques faiblesses d’Ayanokôji. Parler à ce dernier allait être l’occasion de le sonder afin de voir s’il représentait réellement une menace ou non.  Satisfait de sa décision, Hashimoto se dirigea vers Ayanokôji et Karuizawa.

1

Je sentis quelqu’un s’approcher de nous par derrière. Alors il allait sortir de sa cachette ?

Hashimoto —  Yo, Karuizawa.

C’était Hashimoto, qui dissimulait sa présence derrière moi depuis que j’avais quitté le hall.

Karuizawa —  …Euh, qui ?

Kei ne semblait pas savoir qui était Hashimoto, alors elle se tourna vers moi pour tenter d’avoir une explication.

Moi —  C’est Hashimoto, de la classe A. Il était dans mon groupe au camp d’entraînement.

Hashimoto —  Oui ! Salut Ayanokôji aussi !

Après cette rapide salutation, Hashimoto s’approcha de Kei.

Hashimoto —  Pour qu’un homme et une femme se rencontrent en secret dans un endroit comme celui-ci… Quel tombeur, Ayanokôji !

Je savais que Hashimoto essaierait de me contacter un jour, mais je devais réfléchir aux raisons pour lesquelles il avait choisi de le faire maintenant, plus que jamais. Néanmoins, j’utilisais son plan dans mon propre intérêt également.

Moi —  Ho, on ne fait rien de spécial.

Hashimoto —  Pas la peine de me le cacher, c’est la Saint-Valentin après tout ! En fait, elle t’a donné un petit quelque chose non ?  

Il semblait que Hashimoto m’avait vu accepter son chocolat et le mettre immédiatement dans mon sac.

Moi —  Elle m’a donné ce chocolat par convenance. Je ne suis pas venu ici en m’attendant à recevoir quelque chose.

J’essayais de le nier, mais Hashimoto vit clair dans mon excuse, avec un sourire narquois.

Hashimoto —  Tu le savais, pas vrai ? Ton sac.

Moi —  Mon sac ?

Hashimoto —  Tu es passé aux dortoirs avant de venir ici… Donc pourquoi t’encombrer avec ton sac ?

Moi —  En fait je devais me rendre à la bibliothèque. Mais, juste avant d’y aller, Karuizawa m’a appelé donc j’ai un peu changé de programme. C’est tout.

Hashimoto — En d’autres termes… Ce n’est qu’une coïncidence ?

Je hochai la tête en réponse à la déduction de Hashimoto avant de sortir deux livres de bibliothèque de mon sac et de les lui montrer pour le prouver.

Hashimoto — Enfin, au final ça revient au même non ? Tu as reçu les chocolats. Haha !!

On dirait que ça semblait vraiment important pour lui.

Moi —  Et ? Je ne suis pas sûr de comprendre.

Hashimoto — Je suis simplement curieux. L’ancien petit ami de Karuizawa, Hirata, était l’un des gars les plus populaires de toute l’école, n’est-ce pas ? Je me demande juste pourquoi elle t’a choisi après avoir largué Hirata.

En d’autres termes, il voulait savoir comment les choses en étaient arrivées là. Kei, qui avait écouté notre conversation en silence, prit la parole.

Karuizawa —  Aah, désolée, mais il y a un petit malentendu.

Hashimoto — Un malentendu ?

Karuizawa — Oui. Normalement je devais les donner à Hirata-kun. Ça aurait été dommage de les jeter non ? Donc j’ai pensé à Ayanokôji-kun !

Hashimoto — Donc tu donnes quelque chose d’aussi intime à la légère, comme ça ? Et je parle même pas de l’emplacement… À d’autres !

Hashimoto se mit à éclater de rire en disant ça, ce qui ne manqua pas d’agacer Karuizawa.

Karuizawa — C’est toi qui débarques, t’incrustes et nous sors tes déductions à deux balles ? Pour qui tu te prends ?

Kei lui lança ensuite un regard autoritaire.

Hashimoto — Hé ! Je voulais juste connaître la vérité.

Hashimoto semblait un peu dépassé. Il est vrai que nous n’avions pas réfléchi à tous les détails concernant notre rencontre. C’est pourquoi je décidai de reprendre la main et d’adopter une toute autre tactique. C’était en même temps parfait pour tester Karuizawa et voir jusqu’où elle pouvait me suivre.

Moi — Bon, je crois qu’on devrait être franc Karuizawa… Tu aurais des problèmes si on te pensait en couple avec moi, pas vrai ? Alors allons-y.

Ce faisant, je lui passai le relais.

Sans hésitation, Kei poussa un petit soupir.

Karuizawa — Ugh. Je vais lui dire, mais ça ne doit absolument pas sortir d’ici, d’accord ?   

Kei pointa Hashimoto.

Karuizawa — J’ai en fait confié ce chocolat à Ayanokôji-kun… Pour qu’il le donne à l’élu de mon cœur !

Hashimoto — Donc Ayanokôji n’est qu’un intermédiaire ?

Karuizawa — C’est exact. Tu comprends alors ?

L’expression de Hashimoto disait que c’était tout simplement incroyable.

Hashimoto — Si c’est le cas, alors c’est pour qui du coup ?

Hashimoto ne semblait pas vouloir en rester là.

Karuizawa — Ça va pas ? C’est la première fois qu’on se parle et tu veux que je te déballe ma vie privée !

Kei semblait un peu bancale, mais rien ne laissait penser qu’elle jouait la comédie. Son côté « gyaru » lui sauva un peu la mise.

Hashimoto — C’est… Eh bien, je suppose que tu as raison !

Hashimoto acquiesça d’un regard un peu surpris et finit par baisser la tête en guise d’excuse.

Karuizawa — Tu penses que c’est en baissant la tête que ça va passer ?

Hashimoto — Hein ? Désolé, je pensais vraiment que vous vous aimiez peut-être mais je me suis vraiment mépris on dirait… Désolé de t’avoir mise mal à l’aise !

Karuizawa — Mais, surtout, ça ne te regarde pas en fait !

Hashimoto — Justement, ça me regarde beaucoup !

Hashimoto s’approcha de l’irritable Kei. Il tendit son bras et le posa contre le mur derrière elle, lui fermant le passage

Karuizawa — Quoi ?

Hashimoto — Tu m’intéresses depuis pas mal de temps alors pourquoi ne pas sortir avec moi, Karuizawa ? Je ne sais pas qui tu aimes maintenant, mais si tu ne lui as toujours pas donné de chocolat, c’est que tu n’as pas encore fait part de tes sentiments. N’est-ce pas ?

Pensant qu’il avait encore ses chances, Hashimoto se précipita sur Kei.

Karuizawa — C’est quoi ce bordel ? T’as craqué !

Hashimoto — Tellement imprévisible… C’est ça l’amour !! N’est-ce pas intéressant ?  

Ce faisant, il me jeta un regard perçant pendant une fraction de seconde. Il tentait peut-être de provoquer une réaction de ma part en faisant un geste sur Kei. J’intervins alors.

Moi — Alors, je suppose que je vais rentrer.

Karuizawa — Hein ? Attends, je vais y aller aussi !

Kei repoussa de force Hashimoto et s’en alla.

Karuizawa — Quelle froideur !

Hashimoto sourit amèrement. Il ne semblait pas vouloir poursuivre sa tactique agressive. Ou plutôt, il semblait avoir perdu tout intérêt pour Kei. Cette dernière poussa un petit soupir délibérément excessif avant de repartir seule vers les dortoirs.

Hashimoto — Désolé de m’immiscer dans ce genre de choses !

Moi — Ho, c’est rien.

Je marchai avec Hashimoto jusqu’au croisement entre les dortoirs et l’école

Hashimoto — Mais, avoue, t’as un peu de mal avec ça non ?

Moi — Pardon ?

Hashimoto émit un sourire moqueur avant d’enrouler son bras autour de mon épaule et de me chuchoter à l’oreille.

Hashimoto — Je parle du fait que tu es un homme maintenant. Les filles qui manquent d’expérience ne seront pas capables de faire avec tes lacunes !

Il insistait, en remettant cette histoire sur le tapis.

Hashimoto — Ne sois pas si dépité ! Déjà tu as ça pour toi. Tu as le respect de tout le monde déjà !

Je n’étais pas du tout heureux. Au contraire, ce qui s’était passé au camp d’entraînement était devenu de plus en plus une source de malaise constant.

Hashimoto — Au fait, King. Et si on échangeait nos coordonnées ?

Moi — Je suis d’accord pour te donner mon numéro tant que tu n’utilises plus jamais ce surnom.

Hashimoto — Hahaha, c’est d’accord !  

Je sortis donc mon téléphone portable et j’échangeai mes coordonnées avec Hashimoto.

Hashimoto — Eh bien, je vais y aller aussi. À plus !  

Et Hashimoto repartit comme il était venu. Pensait-il avoir obtenu suffisamment d’informations ? Ou avait-il l’impression d’être allé trop loin ? Dans les deux cas, je me disais qu’il avait encore assez de mal à me cerner. Si seulement cela pouvait rester ainsi !

Juste après, je me rendis alors à la bibliothèque pour retrouver Hiyori. Ensuite, j’avais rendez-vous avec quelqu’un d’autre dans l’enceinte de l’école

2

Ce soir-là, j’étais rentré plus tard que prévu, si bien que je n’avais donc pas pu voir le groupe Ayanokôji.

En rentrant, vers 19h, je découvris un sac en papier placé juste devant ma porte. Je jetai un coup d’œil à l’intérieur de ce sac et y trouvai deux boîtes emballées différemment. L’une était carrée, l’autre circulaire, et chacune avait un prénom écrit dessus. Il s’agissait de chocolats de la Saint-Valentin de Haruka et Airi. D’après notre discussion de groupe, Akito et Keisei en avaient également reçu. Une fois dans ma chambre, j’alignai mon « butin » du jour sur mon bureau.

Moi — Je ne m’attendais pas à en avoir cinq…

Kei, Airi, Haruka, Hiyori, et… une autre. Il s’agissait d’une boîte de chocolats, le tout enveloppé d’un joli ruban rose.

Plus tard dans la nuit, juste après 22h, je ressorti vêtu d’un sweat à capuche et montai dans l’ascenseur. La caméra de surveillance à l’intérieur ne pouvait sûrement pas distinguer mon visage. Une simple précaution.

En premier lieu, l’idéal aurait été de se retrouver ailleurs, mais si elle était vraiment malade… Du coup, peut-être même qu’elle dormait déjà ? J’avais réussi à avoir ses coordonnées grâce à Horikita, et pu confirmer via SMS qu’elle était toujours réveillée. Je poursuivis donc mon plan.  Cependant, je n’avais toujours pas dit à Ichinose que je comptais venir dans sa chambre.

Je sortis de l’ascenseur à l’étage d’Ichinose et me dirigeai vers sa porte. Je sonnai. Dix secondes s’étaient écoulées. Puis vingt. N’entendant rien à l’intérieur, je sonnai une fois de plus. Peut-être était-elle étonnée de recevoir de la visite si tard ? Je comprenais. Après une trentaine de secondes supplémentaires, je décidai de l’appeler.

Moi —  Ichinose, c’est moi. Ayanokôji.

Je ne voulais pas rester bloqué à son étage après le couvre-feu, et je pense qu’Ichinoser ne voulait pas ça pour moi non plus.

Ichinose —  …Ayanokôji… kun. Qu’est-ce qui se passe ?

Je pouvais entendre la voix d’Ichinose de l’autre côté de la porte. Concernant sa voix, elle semblait faible. Immédiatement après avoir parlé, une petite toux retentit dans la pièce. Il m’était difficile de discerner si elle était vraiment malade ou non en me basant uniquement sur le son de sa voix et de sa toux.

Moi —  Quelque chose d’important est arrivé. J’espérais pouvoir t’en parler en personne. Tu serais ok ?

Ichinose —  Eh bien… Euh…

Moi —  Pour être honnête, les choses pourraient devenir gênantes si je suis vu par une autre fille en ce moment-même…

Je lui mis volontairement un peu de pression.

Ichinose —  Attends une seconde, d’accord ?

Après une courte attente, j’entendis le bruit du déverrouillage de serrure.  Ichinose ouvrit la porte et, en effet, elle semblait au bout de sa vie.

Ichinose —  Nyaha, c’était un peu exagéré, Ayanokôji-kun…

Elle portait un masque et semblait vraiment être en mauvais état. Je pu alors confirmer qu’elle ne simulait pas une maladie.

Moi — Désolé, j’ai un peu forcé… Tu n’as pas l’air bien.

Ichinose —  Ouais… je suis juste un peu fatiguée, c’est tout.

Moi —  Je m’excuse de passer à un si mauvais moment

Ichinose —  C’est bon, j’ai déjà quasi plus de fièvre. Comment dire… En vrai de vrai j’ai plutôt une faim de loup parce que je ne suis pas sortie et que je passe mon temps allongée, tu vois le genre ? Du coup je suis désolée mais je vais te faire mettre ce masque !

Pour ne pas me refiler sa maladie, Ichinose m’offrit un autre masque. Mon système immunitaire était beaucoup plus puissant que la moyenne, mais personne n’était absolument à l’abri de ce genre de choses je suppose. Puis je ne pouvais pas refuser et tomber malade ensuite, Ichinose s’en serait probablement voulu.

Moi —  Tu es passée à l’infirmerie pour voir ça ?

Ichinose —  J’y suis allée un peu plus tôt dans la semaine !

De nombreux élèves pensaient qu’Ichinose faisait semblant car elle vivait mal les rumeurs. Mais il n’y avait pas de doute là-dessus, elle était vraiment bien mal en point.

Ichinose —  Tu étais probablement inquiet que je sois absente à cause de toutes ces rumeurs en ce moment. Merci de t’inquiéter !  

Moi —  Et bah…

Avait-elle réussi à voir clair dans mon jeu ?

Ichinose —  Tu es la première personne que je rencontre en face à face depuis que je suis malade !

Moi —  Ah oui ?

Ichinose —  Des gens étaient venus me rendre visite alors que ma fièvre était plus forte, mais je me sentais vraiment pas bien du coup j’ai dû les renvoyer chez eux. Depuis mes amis me laissent un peu d’espace, me croyant déprimée.

J’étais venu la voir bien plus tard que les autres, mais j’étais ironiquement la première personne à la rencontrer.

Ichinose tentait de se remettre de sa maladie. Toutefois, il était évident qu’elle était normalement du genre à faire attention à sa santé. D’autant que les examens de fin d’année approchaient, Ichinose aurait en théorie tout fait pour éviter de tomber malade. Il paraissait donc évident que son état grippal était le résultat du choc émotionnel et de l’affaiblissement du système immunitaire que cela avait engendré.

Ichinose —  Je ne vais pas sécher juste à cause de ces rumeurs.

Eh bien, Ichinose elle-même n’allait pas l’admettre de toute façon.

Moi —  Tu es si courageuse !

Ichinose —  « Courageuse » tu dis haha. Au fait, tu pourrais fermer la porte ? J’aérais la pièce mais il fait un peu froid maintenant. D’ailleurs, n’oublie pas de te laver soigneusement les mains une fois parti !

Moi —  T’inquiète !

Elle avait un humidificateur qui fonctionnait dans sa chambre. En effet, les virus hivernaux se développent dans l’air froid et sec. L’air sec augmente directement la quantité de virus qui flotte dans l’air. C’est pourquoi il est important d’augmenter l’humidité de la pièce pour créer facilement un environnement où le virus deviendrait inactif. Négliger ces précautions pourrait entraîner des rhumes prolongés et même augmenter les chances d’infecter tout visiteur. En fait, la principale raison pour laquelle les rhumes ont tendance à se prolonger pendant les mois d’hiver est la sécheresse de l’air.

Hé, mais en repensant… Beaucoup de filles étaient venues dans ma chambre ces derniers temps, et je m’étais rendu dans beaucoup de chambres de filles aussi. C’était étrange qu’aucune de ces visites n’ait eu de rapport avec des histoires d’amour jusqu’à présent !

Ichinose — Qu’est-ce qu’il y a ?

Ichinose me regardait avec une étrange expression alors que je me tenais là, fixant l’humidificateur.

Moi —  Je suis vraiment désolé de te déranger pendant que tu te reposais.

Ichinose — Non, c’est vraiment bien. C’est certainement plus sûr de ne pas rencontrer quelqu’un en face à face pour le moment, mais c’est probablement mieux de faire savoir à quelqu’un d’autre que j’ai vraiment attrapé quelque chose.

Ichinose était bien consciente que les gens doutaient de sa maladie. Elle me montra son téléphone portable, comme pour essayer de me le prouver. Il y avait d’ailleurs des traces d’échange qu’elle avait eus avec Horikita. Il semblait qu’elle s’inquiétait pour Ichinose à sa façon.

Nous n’avions pas parlé longtemps. Je pris congé dès que le bon moment se présenta.

3

Le jour du test arriva. Chaque classe devait normalement être concentrée là-dessus mais, en réalité, tout le monde était préoccupé par autre chose.

Moi —  C’est assez bruyant.

Horikita —  Et pour cause. C’est à cause de ces rumeurs scandaleuses qui circulent depuis ce matin.

Moi —  Ah oui ? Et ça concerne Ichinose encore ?

Horikita —  Non. Ce sont de nouvelles rumeurs qui ont fait un énorme scandale au sein de la classe.

Moi —  Des nouvelles rumeurs…

Un seul regard sur la salle de classe agitée suffisait pour voir que ça n’avait pas l’air banal.

Horikita —  D’ailleurs il y en a une qui te concerne, Ayanokôji-kun.

Sur ce, Horikita me montra l’écran de son téléphone portable. Elle avait noté un total de quatre rumeurs sur le bloc-notes du téléphone.

Horikita —  Voilà voilà…

  1. Ayanokôji kiffe Karuizawa Kei
  2. Hondō Ryōtarō adore les obèses.
  3. Shinohara Satsuki se prostituait au collège.
  4. Satō Maya déteste Onodera Kayano

Et c’était reparti comme en 40 ! Des rumeurs avec le nom complet de 4 personnes avaient été diffusées.

Moi —  D’où viennent ces ragots ?

Horikita —  Tu sais, les forums de discussion que l’école a mis en place pour chaque classe ?

Moi —  Ceux sur l’appli de l’école ?

Pour vérifier leur solde de points ou quelque chose de ce genre, les élèves de l’école se connectaient à une application spécialement créée par l’école. Cette application dispose d’espaces de discussions. Cependant, vu toutes les applications de chat utilisées par les jeunes, ces fonctions n’étaient pas très utilisées des élèves.

Moi —  Et qui les a découvertes ? 

Horikita —  Lorsque je suis arrivée en classe ce matin, les rumeurs étaient déjà bien rependues. Il est possible que quelqu’un soit tombé dessus accidentellement alors qu’il utilisait l’application. Aussi, il y a des notifications qui sont envoyées lorsqu’il y a du nouveau sur les forums.

Ces forums n’étaient pas seulement destinés à des discussions de classe. Ils étaient également utilisés pour des conversations générales. Comme n’importe qui pouvait y accéder, il y avait une forte probabilité que ces rumeurs soient également vues par les autres classes.

Moi —  Tu ne crois pas que c’est un peu différent de ce qui s’était passé avec les rumeurs précédentes ?

Horikita —  Qu’il s’agisse du même auteur ou non, il existe d’innombrables façons de répandre des rumeurs. Alors ça ne sert à rien de jouer au jeu des différences, tu ne crois pas ? Surtout que le mal est fait, ce n’est pas le plus important à l’heure actuelle.

Et elle en profita pour légèrement changer de sujet.

Horikita —  Je vais juste demander pour être sûr, mais…

Moi —  Non.

Je niai immédiatement.

Moi —  Peu de gens savent que je suis en contact avec Karuizawa.

Horikita —  Donc tu aurais une idée de qui serait derrière tout ça ?

Moi —  Pas vraiment non. 

Je lui fis un bref résumé de ce qui s’était passé lors de ma rencontre avec Hashimoto la veille.

Horikita —  Il est fort probable que ce soit Hashimoto-kun qui ait répandu les rumeurs sur Ichinose-san. Il ne serait donc pas surprenant qu’il répande également ces nouvelles rumeurs sur Karuizawa-san et toi.

Moi —  Mais, et les autres ? De plus il n’y a pas beaucoup de moyen de vérifier si c’est vrai…

Horikita —  Oui…

Qui allait vraiment perdre son temps à ça ?

Yamauchi —  Oi ! T’étais vraiment une prostituée, Shinohara !? »

Incapable de lire l’atmosphère de la pièce, Yamauchi cria la chose le sourire aux lèvres.

Shinohara — B-bien sûr que non !

Shinohara se leva dans la panique et nia catégoriquement. L’embarras et la colère étaient clairement visibles sur son visage.

Yamauchi — Ok, alors prouve-le !

Shinohara —  Et comment je suis censée prouver ça ? Abruti !

Pendant ce temps, les élèves, captivés par les rumeurs, commencèrent à les répandre parmi ceux qui venaient d’entrer en classe. Eh bien, ça allait finir comme ça tôt ou tard.

Yamauchi — Alors tout ce qui a été publié était du pipo, c’est ça ?

En regardant la dispute de Shinohara et Yamauchi se dérouler, je confirmai mes pensées avec Horikita.

Moi —  Hmm… Je suppose que nous n’avons pas d’autre choix que de vérifier avec chacune des victimes une par une ? Comme Yamauchi le fait.

Cependant, la plupart des gens n’étaient pas capables de s’immiscer dans le traumatisme de quelqu’un comme ça.

Shinohara —  Bah oui ! Tu te laisses emporter par les rumeurs comme ça toi ? Sans même savoir d’où elles viennent !

La colère de Shinohara envers Yamauchi n’était nullement déraisonnable. Elle était même anormalement calme.

Yamauchi —   Mais, d’un côté… Elles semblent assez crédibles quand on y réfléchit un petit peu…

Ike — Haruki, arrête…

En réponse à la traque impitoyable de son ami, Ike intervint et saisit Yamauchi par l’épaule pour lui faire signe qu’il était temps d’arrêter.

Yamauchi —   Qu’est-ce qui ne va pas ? C’est ma chance de me venger de Shinohara qui m’a toujours pris de si haut.

Ike — Se venger… ? Mais, quoiqu’il en soit, ces rumeurs doivent être des mensonges.

Yamauchi —  Et comment on le sait ? Une fille relativement laide comme elle aurait totalement pu faire quelque chose comme ça.

Yamauchi continua à parler sans réfléchir, sans se soucier le moins du monde des sentiments d’Ike sur la question.

Yamauchi —  Oh, je vois… Ike, tu as le béguin pour Shinohara, n’est-ce pas ? C’est pour ça que tu ne peux pas admettre…

Ike —Haruki !

Ike saisit Yamauchi par le col de sa chemise.

Incapable de rester assis et de regarder de loin plus longtemps, Sudou les sépara de force. Au même moment, Hirata arriva dans la classe et se rendit immédiatement compte de la situation. Il s’approcha de certaines des filles et commença à entendre les détails des rumeurs. Comme Shinohara niait tout, Yamauchi décida de changer temporairement de cible..

Yamauchi —  Alors, Hondou~, t’aimes vraiment que les grosses ?

Hondou —  N-non ! Absolument pas ! Ces rumeurs sont des mensonges ! N’est-ce pas, Ayanokôji ? T’es pas sur Karuizawa non ? 

Naturellement, Hondou nia tout également et se tourna vers moi pour que je l’aide à échapper aux projecteurs. L’attention de tout le monde se concentra immédiatement sur moi. Heureusement, Kei et la plupart de ses amies n’étaient pas encore arrivées en classe. Je lui répondis par un signe de tête.

Hondou —  Tu vois ? Je t’avais dit !

Il cria ça en tournant son attention vers Yamauchi.

Yamauchi —  Alors tout était vraiment faux ?

Alors que nous niions tous les trois notre part de rumeurs, la classe commença à se calmer un peu.

Maezono —  Mais… Satô-san n’aime pas beaucoup Onodera-san, n’est-ce pas ?

Maezono marmonnait ces quelques mots distraits. Ils étaient probablement sortis de sa bouche sans réfléchir, car Onodera n’était pas encore arrivée.

Satô — Qu… ! Attends, Maezono-san !

Satō tenta frénétiquement d’arrêter Maezono, mais il était déjà trop tard

— En y repensant, quelqu’un ici a-t-il déjà vu Satô traîner avec Onodera ?

Satô — M-mais…

Les choses semblaient évoluer de telle sorte qu’il n’était plus possible de contenir les rumeurs. Sudou maintint Ike et Yamauchi séparés l’un de l’autre.

Sudou — Ayanokôji, t’aimes pas Karuizawa pour de vrai ?

Même Sudō avait éprouvé le besoin de me poser une telle question.

Moi — Et bien, non. 

Sudou — Hmm. Peu m’importe que ce soit vrai ou non. Hey Suzune !

Horikita —  Quoi, Sudou-kun ?

Sudou — Ah, eh bien, c’est juste que j’ai réussi à entendre une partie de votre conversation. Si vous êtes d’accord, j’aimerais vous aider.

Horikita —  Comment ça ?

Sudou — Eh bien, je n’ai pas honte. Je devrais pouvoir me renseigner sur les rumeurs comme l’a fait Haruki.

Quelle offre ! Il était vrai qu’il pouvait être utile sur ce point. Mais il disait avoir  entendu notre conversation. Il aurait donc dû m’entendre dire à Horikita que je ne m’intéressais pas à Kei.

Horikita —  Tu n’es pas la personne la plus populaire, alors je ne sais pas si tu es vraiment qualifié. Peut-être devrais-tu déjà travailler ce point-là. Regarde un peu Yamauchi-kun qui a sa réputation réduite à néant.

Yamauchi semblait avoir réussi à renverser instantanément Sudou de sa position de personne la plus détestée de la classe. Plus important encore, même Ike, son ami le plus proche, avait exprimé sa colère face au comportement de Yamauchi.

Sudou — C’est probablement vrai… Mais je veux vraiment être utile d’une manière ou d’une autre.

Sudou me jeta un coup d’œil un instant avant de se retourner immédiatement. Je suppose qu’il devait être vaguement conscient que Horikita me consultait à propos de diverses choses. Bien sûr, il devait aussi comprendre qu’il était facile pour nous de nous parler simplement parce que nous étions assis l’un à côté de l’autre.

 Horikita —  Dans ce cas, surveille Yamauchi-kun pour qu’il ne devienne pas incontrôlable. Ce serait différent si une seule rumeur circulait mais, cette fois, si ces rumeurs gênantes sont vraiment vraies, tout se corse… J’aimerais que tu t’occupes aussi de Hondou-kun, car ces rumeurs ont probablement beaucoup refroidi son moral. Tu peux faire ça, d’accord ?

Sudou — Oui, tu as raison.

Sudou semblait un peu déçu, mais il avait tout de même suivi docilement les instructions de Horikita.

Après avoir confirmé que Sudou était parti, elle revint à nos moutons.

Horikita —  Selon toute vraisemblance, tout cela faisait également partie du plan de Sakayanagi-san. Elle n’allait pas se contenter de s’en prendre à Ichinose-san, elle avait mis en place le même type de piège pour la classe C. Je pense qu’elle essayait de nous secouer avant nos examens de fin d’année… Que devrions-nous faire ?

Moi —  Tu crois qu’il y a un moyen de faire face à ces rumeurs ? Plus nous essaierons de nier, plus nous ferons exploser le problème. Même si nous admettons qu’elles sont vraies, les gens continueront à médire. Les rumeurs sur moi ne sont pas très importantes, mais si les rumeurs sur les autres commencent à être traitées comme des faits, alors cela pourrait causer beaucoup de dégâts.

Horikita —  Oui, tu marques un point.

Horikita acquiesça en regardant Shinohara et Hondou. La façon dont elle l’avait fait m’a fit me demander si elle s’imaginait à leur place.

Horikita —  Mais c’est quand même un sale coup. Comment pouvons-nous lutter contre quelque chose comme ça ?

Moi —  Je me le demande.

Horikita — Même si tu vois le feu commencer à se propager, tu vas quand même rester assis à regarder ?

Moi —  Ce n’est pas si important pour moi. En revanche, Karuizawa va très probablement être confrontée à certains problèmes.

Horikita —  En d’autres termes, tu t’en fiches ?

Moi —  Oui, je m’en fous.

Pour une raison ou une autre, il semblait que Horikita voulait me voir paniquer. Grâce à cela, je pus voir une rare expression de déception chez elle.

Horikita —  Et bien, heureusement que ce n’est pas l’inverse.

Pourtant c’est l’inverse qui était vrai, à savoir que Kei avait le béguin pour moi. Mais oui, les rumeurs auraient été bien plus dures dans l’autre sens. Les gens auraient certainement dit d’elle qu’elle était facile, qu’elle courrait déjà après un autre gars juste après avoir rompu avec Hirata.  Enfin, peu importait à quel point on se donnait du mal, il existera toujours des gens pour prendre pour argent comptant tout ce qu’on leur dit.

Horikita —  Mais… je ne peux pas rester assise et rester les bras croisés sans rien faire.

Moi — Qu’est-ce qu’on y peut ?  

D’un côté on ne pouvait pas ignorer les rumeurs en effet, ça n’allait pas les étouffer pour autant. Yamauchi tenta d’approcher à nouveau Shinohara et Satô, mais Hirata intervint en premier.

Hirata —  Yamauchi-kun, ce n’est pas parce que quelque chose a été posté sur le forum de notre classe que c’est forcément vrai. En tout cas ce n’est pas une raison pour s’en prendre aux autres.

Yamauchi—  Mais comme pour les rumeurs d’Ichinose, tout le monde est au courant non ? Donc peu importe ce qu’on dit, ça ne change rien.

Hirata —  Je ne suis pas d’accord. Pour l’instant, je pense que la bonne ligne de conduite est d’éviter de se laisser piéger par ces rumeurs et de rester soudés.

Les paroles de Hirata furent accueillies avec une forte approbation des garçons et des filles. Bien sûr, il ne s’agissait pas d’une solution permanente, mais elle était suffisante pour gérer la crise avec succès pour le moment.

À ce moment-là, un message arriva sur le téléphone portable d’Horikita.

Horikita —  De Kanzaki-kun…

En disant cela, Horikita jeta un coup d’œil au message.

Horikita —  Il semble qu’Ichinose-san soit encore absente aujourd’hui.

Elle allait donc rater test. Je mettais ma main à couper que, même malade, elle devait certainement quand même vouloir participer à cette évaluation. Sans compter qu’Ichinose était le chef de la classe B, celle qui avait choisi d’endosser toutes les responsabilités. Mais à en juger par son apparence la veille, il n’était pas surprenant qu’elle ne se soit pas remise.

Horikita —  Encore une chose… Il semble qu’il y ait aussi eu des rumeurs sur le forum de la classe B.

Moi — La classe B a pris connaissance des rumeurs sur la classe C du coup.

 Horikita —  Je crois bien que oui…

Horikita se connecta rapidement à l’application sur son téléphone et consulta le forum de la classe B. Il s’avéra que quatre rumeurs y étaient également répertoriées, similaires à celles trouvées pour la classe C. Il en allait de même pour le forum de la classe D.

Horikita —  Et comme par hasard aucune rumeur pour la classe A. Tu as du temps après les cours aujourd’hui ? J’aimerais avoir plus amples détails sur Ichinose de Kanzaki, et j’aimerais aussi discuter de la façon de gérer ces forums.

Moi — Bien sûr.

J’acceptai la demande d’Horikita.

Horikita —  Pour l’instant, concentrons-nous sur le test. Après tout, c’est une occasion précieuse pour nous de confirmer le niveau de difficulté de l’examen de fin d’année et de bien comprendre où nous en sommes en tant que classe.

Cependant, si cela devait être facile pour Horikita, les personnes visées par ces rumeurs ne pouvaient pas en dire autant.

Quand Kei et le reste de son groupe d’amies arrivèrent enfin, la classe commença à chuchoter. Beaucoup me dévisagèrent de temps à autres avec un regard de dégoût. Même si je ne pouvais entendre leur discussion, le genre de choses qu’ils se disaient était parfaitement évident. Quelque chose comme… « Vous croyez vraiment qu’Ayanokôji-kun a le béguin pour Karuizawa-san ? ». « Et toi, tu en penses quoi, Karuizawa-san ? ». Et j’étais sûr que Kei leur répondait, me décrivant avec des mots comme « dégoûtant » et « terrible ».

J’aurais continué à les regarder parler, mais je ne voulais pas entendre les insultes qu’elles lançaient, alors je détournai le regard.

Puis, le vrai problème, c’était les autres victimes de rumeurs, pas moi.

4

L’examen provisoire débuta malgré l’atmosphère malsaine régnant encore dans la salle de classe. C’était un moment décisif pour la fin de l’année scolaire.

Le contenu de ce test était plus corsé que ceux du même genre que nous avions passés jusqu’à présent. Les élèves ayant réussi à passer les examens précédents sans problème allaient probablement s’en sortir. Mais que dire de ceux qui étaient déjà un peu justes ? Ils allaient certainement devoir redoubler d’effort.

Je reçus une invitation pour étudier avec tous les membres du groupe Ayanokôji, mais j’avais déjà rendez-vous avec Kanzaki et Horikita après les cours. Kanzaki semblant très occupé, il s’était arrangé pour que nous nous rencontrions au centre commercial Keyaki après le test. Une fois la sonnerie retentie, je suivis Horikita jusqu’à l’endroit où Kanzaki nous attendait. C’était près de l’entrée sud du centre commercial, soit l’endroit du campus le plus éloigné de l’école, de sorte qu’il n’y ait pas trop de monde dans le coin.  À vrai dire, je ne m’intéressais pas aux luttes interclasses qui avaient lieu sous nos yeux. J’étais juste encore un peu inquiet pour Ichinose en tant qu’ami on pouvait dire.

Obtenir plus d’informations n’était pas une mince affaire, surtout avec Hashimoto qui ne me lâchait pas d’une semelle. Mais d’un côté c’était exactement ce que je voulais. En effet, comme prévu, Hashimoto m’avait suivi jusqu’à l’entrée sud du centre commercial.

Horikita — Ça fait deux jours et vous n’avez pas eu plus de nouvelles ?

Kanzaki — Ce n’est pas vraiment ça, c’est juste qu’elle est lente à nous répondre. Tout ce qu’elle m’a dit, c’était qu’elle était enrhumée.

Récemment, Kanzaki était dans un état de stress constant, totalement incapable de se détendre. Ichinose lui avait probablement dit d’innombrables fois d’arrêter de s’inquiéter, mais cela semblait plus facile à dire qu’à faire. Elle-même ne voulait sûrement pas se montrer dans un piteux état à ses camarades, mais dans un même temps elle devait sûrement se préoccuper des rumeurs.

Horikita — Qu’à dit votre professeur principal ?

Kanzaki — Rien de spécial. Juste qu’elle était tombée malade.

Leur professeur principal n’en savait donc pas plus. La raison pour laquelle l’expression de Kanzaki était lourde était qu’il ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur la véritable raison des absences d’Ichinose. Récemment, Ichinose avait été au centre d’un maelström de rumeurs. L’incertitude de Kanzaki était tout à fait justifiée.

Horikita — Et si vous alliez lui rendre visite ? Tout ne deviendrait-il pas clair si vous alliez la rencontrer en personne ?

Kanzaki — Certaines des filles de ma classe ont essayé de la voir, mais il semble qu’aucune d’entre elles n’ait réussi à lui faire ouvrir sa porte.

Consciente que la situation n’était pas très optimiste, Horikita analysa soigneusement la situation.

Horikita — Je suppose que s’il y a un côté positif, c’est qu’elle est excellente en cours. Même si elle a manqué le test, je ne pense pas que ce sera un gros handicap pour elle.

Les élèves malades qui manquaient le test, comme Ichinose,  avaient encore des options. Ils pouvaient non seulement passer un examen de rattrapage, tout en ayant la possibilité de se renseigner un petit peu sur le contenu auprès des autres élèves l’ayant passé.

Kanzaki — Ce n’est pas ce qui nous inquiète en fait. Nous sommes juste préoccupés par son état d’esprit…

Juste au moment où Horikita et Kanzaki commencèrent à élaborer un plan, un groupe de personnes nous approcha. Hashimoto semblait déjà les avoir bien informés.

Sakayanagi — Il semblerait qu’Ichinose-san soit encore absente aujourd’hui. Les examens de fin d’année vont débuter à la fin de la  semaine prochaine. Si les absences sur multiplient d’ici là… cela pourrait devenir un problème, vous ne pensez pas ?

Kanzaki — …Sakayanagi.

Sakayanagi et ses sous-fifres approchèrent Kanzaki, lui indiquant très clairement qui elle était venue rencontrer. Elle était accompagnée de Hashimoto, Kamuro, et d’un autre élève, un garçon de la classe A nommé Kitô.

En d’autres termes, les principaux membres de la faction Sakayanagi.

Sakayanagi — De quoi discutes-tu avec ces élèves de la classe C ?

Kanzaki — Hmm… Ça ne te regarde pas ?

Sakayanagi — Il semble que nous ne soyons pas les bienvenus ici.

Horikita — Vous auriez peut-être dû y penser avant de diffuser vos stupides ragots,  si vous vouliez être « les bienvenus ».

Sakayanagi et ses camarades de classe se regardèrent et ne purent retenir leur rire.

Sakayanagi — Oh s’il te plaît…De quoi parles-tu au juste ?

Kanzaki — J’espère que tu es au courant que l’unité de ma classe ne faiblira pas juste à cause de quelques rumeurs.

Sakayanagi — Je ne sais rien de la situation de la classe B, mais j’attends de voir ça avec impatience.

Sakayanagi n’était peut-être venue que pour voir les résultats de ses plans en personne mais Kanzaki se montra ferme.

Horikita — Ne la laisse pas t’atteindre, Kanzaki-kun. Tout cela fait partie de son plan.

Kanzaki — Je sais bien…

Face à un problème comme celui-ci, Kanzaki souffrait précisément à cause de son côté avenant. Il se souciait trop des autres.

5

Même après les cours, les rumeurs continuaient à se répandre sans fin.

Karuizawa — Attend un peu !! C’est quoi ce bordel, Kiyotaka ?!

Alors que je soufflais un peu après être rentré, je reçus un appel de Kei.

Moi — Qu’est-ce que tu veux dire par « ce bordel » ?

Bien entendu je savais très bien, mais je voulais entendre sa version.

Karuizawa — Ho, pas à moi ! À moins de vivre dans une grotte t’as pas pu passer à côté de la rumeur sur nous deux !

Moi — Ne t’inquiète pas !

Karuizawa — N-non-non mais tu crois que je peux l’ignorer juste parce que c’est une rumeur ?? Comment ça a fini comme ça d’abord ?

Elle se mit à parler si fort que j’en eu des acouphènes. J’éloignai donc le téléphone de ma tête pendant un moment, avant de baisser un peu le volume.

Moi — Peut-être que Hashimoto a répandu ça après ce qui s’est passé hier. Ou peut-être qu’il n’est pas le seul à nous avoir vus ensemble.

Karuizawa — Eeee~ !

Kei laissa échapper un cri silencieux.

Moi — Ce n’est pas plus mal. Après tout, ça aurait été terrible si la rumeur avait été dans l’autre sens.

Karuizawa — L-l’autre sens ?

Moi — Une rumeur comme « Kei a le béguin pour Ayanakôji » aurait été bien plus gênante, non ? Tu venais de rompre avec Hirata, une telle rumeur aurait porté atteinte à ta réputation, tout le monde t’aurait certainement qualifiée de facile ou autre…

Karuizawa — …Je suppose que oui, mais…

Moi — Ne t’en fais pas. Les rumeurs ont toujours tendance à s’effacer avec le temps !

Karuizawa — Ah oui ?

Moi — Cela dit, grâce à cette rumeur, il devrait être plus facile pour nous deux d’entrer en contact. En effet, si on nous voit ensemble désormais, les gens vont penser qu’on a brisé la glace à cause de la rumeur. Donc c’est tout bénef.

Il fallait voir les choses du bon côté. Je n’avais jamais eu l’intention de lui parler dans un endroit à la vue de tous au départ, mais cette rumeur pouvait nous servir.

Karuizawa — Non non non non non !!!!

Cette fois-ci, elle répéta le mot « non » plus de fois encore.

Karuizawa — Si on nous voit seuls ensemble, les gens nous regarderont étrangement bizarrement non ?

Moi — « Étrangement bizarrement », hein ?

Parler en mode pléonasme était à la mode ?  Quelle étrange façon de parler.

Enfin, j’avais eu un avant-goût du type d’informations que je fournissais indirectement à Hashimoto lorsqu’il me suivait.

Moi — De toute façon, ne t’inquiète pas.

Karuizawa — Même si tu me dis que… Non, c’est toujours absolument impossible !!

Après un long silence, elle finit par décréter que c’était au-dessus de ses forces. Après s’être plaint d’autres choses pendant un certain temps, Kei mit finalement fin à l’appel.

6

L’examen spécial n’avait pas lieu ce mois-ci. Tout le monde aurait donc dû concentrer ses efforts sur la préparation de l’examen final mais la tension était à son combe à cause des rumeurs. Nous étions le vendredi 18 février. Trois jours après la fin du test. À une bonne distance du bâtiment des cours, des élèves des classes A, C et D s’étaient réunis.

Au vu de l’importance de l’examen à venir, Hirata avait tenté d’endiguer le flot des nouvelles rumeurs afin que l’on se concentre sur le plus important, mais malgré ses efforts, elles avaient quand même réussi à se répandre. La classe A, la seule qui n’avait pas fait l’objet de calomnies, s’était déjà emparé de ces informations.

Hashimoto — Yo Ishizaki, tu voulais me dire quelque chose ?

Toujours avec la même attitude, Hashimoto de la classe A, prit la parole et posa une question à Ishizaki.

Ishizaki — Te dire quelque chose ? Dis-moi, Hashimoto, pourquoi avoir emmené Kitô avec toi ? Je t’avais dit de venir seul non ?

Hashimoto — Eh bien, tu as amené Albert, je suis juste prudent.

L’atmosphère était tendue. Difficile d’imaginer qu’ils faisaient partie du même groupe durant le camp d’entraînement. Mais leur réaction était compréhensible.

Hiyori — Nous vous avons fait venir ici aujourd’hui pour discuter. N’est-ce pas, Ishizaki-kun ?

Ishizaki et Albert n’étaient pas les seuls élèves de la classe D à être venus participer à la conversation. Hiyori et Ibuki étaient également là.

Hiyori — S’ils sont capables de se contrôler, tout devrait bien se passer.

Ishizaki  — Mais…

Même si elle s’arrêta, l’inquiétude de Hiyori était légitime. Compte tenu de la personnalité des personnes présentes, il était difficile d’imaginer que rien ne se passerait.

Hashimoto — Et eux alors ? Je ne savais pas que tu avais invité aussi des gens de la classe C.

En nous regardant, Hashimoto poussa un soupir, visiblement exaspéré.

Ishizaki — C’est pas vous qui les avez ramenés ?

Il semble que les classes A et D n’appréciaient pas notre présence.

Miyake — Bien vu, Ayanokôji.

Akito prit la parole à côté de moi, accompagné du reste du groupe Ayanokôji. Avant de venir ici, nous nous étions tous vus au café pour étudier.

Moi — Je me rappelais la fois où Kanzaki et Hashimoto s’étaient un peu pris la tête. Du coup je suis venu avec Akito au cas où.

Après avoir vu les élèves des classes A et D partir, j’avais fait savoir à Akito qu’il pouvait se passer la même chose que la dernière fois. Cependant, Airi, Haruka et Keisei se joignirent à nous de manière inattendue.

Yukimura — Il y a même plus de gens. Ça peut devenir sérieux.

Hasebe — Purée, c’est quoi votre problème encore ?

Dit Haruka, irritée d’être tombée sur une scène identique à la dernière fois.

Hashimoto — Laissez tomber. Écoutons ce que tu as à dire, Shiina-chan.

Hiyori — C’est votre classe qui est à l’origine des rumeurs non ?

Hiyori prit l’initiative de diriger la conversation pour calmer le jeu.

Hashimoto — Hé hé hé. Pourquoi tu nous demandes ça ?

Ishizaki — C’est pas évident ?!

Hiyori — S’il te plaît Ishizaki-kun.  Laisse-moi faire.

Hiyori fit preuve de calme et empêcha Ishizaki de s’en prendre à Hashimoto.

Hiyori — On m’a informée de ton altercation avec Kanzaki-kun. Es-tu à l’origine des rumeurs sur Ichinose-san ?

Hashimoto — Sérieusement ? Ce sont eux qui te l’ont dit ?

Il nous pointa du doigt Akito et moi, puisque nous avions assisté à la scène.

Hiyori — Peux-tu répondre à la question, Hashimoto-kun ?

Sans même nous regarder, Hiyori continua à faire pression sur Hashimoto pour obtenir des réponses.

Hashimoto —…Eh bien, Ayanokôji et Miyake sont déjà au courant, alors je vais parler franchement. À un moment, j’avais entendu des rumeurs sur Ichinose, alors j’ai décidé d’aider à les faire circuler parce que ça me semblait amusant. Je n’étais pas la source.

Bien sûr, Hashimoto ne reconnaissait pas la vérité.

Hiyori — Tu penses franchement qu’on va accepter une telle excuse ?

Hashimoto — C’est la vérité pourtant. Eh bien, je suppose que ce n’était pas bien de propager ces rumeurs pour le fun, mais c’est quand même étrange que les élèves de la classe D viennent s’immiscer dans quelque chose qui ne les concernent pas du tout.

Avec un regard joyeux, mais perçant, Hashimoto poursuivit :

Hashimoto — Si ça se trouve, c’est votre classe qui a lancé ces rumeurs.

Ishizaki — Petit con ! On sait  que c’est Sakayanagi derrière !

Hashimoto — Oh, alors tu sautes aux conclusions comme ça maintenant ? Il est vrai que notre chef est belliqueuse et qu’elle a déjà lancé des pics à Ichinose, mais ce n’est pas une raison pour la désigner coupable. Déjà, ce ne sont pas vos affaires, mais en plus vous n’avez aucune preuve.

Ishizaki était frustré par la réponse de Hashimoto, mais il n’y avait rien d’incorrect dans ce qu’il avait dit. Les lettres qui avaient été placées dans toutes les boîtes aux lettres. Les rumeurs qui avaient été mises en ligne. Il n’y avait aucune preuve concluante permettant de lier Sakayanagi à tout cela. Cependant, j’étais certain à 80 ou 90 % que c’était elle.

Hashimoto — En gros c’est pour ça que je suis venu ici aujourd’hui. Pour voir si c’est vraiment vous qui répandez ces rumeurs. Je ne m’attendais pas à ce que vous souteniez Ichinose je dois dire.

Ishizaki et ses amis ont répondu à la remarque de Hashimoto par des expressions élogieuses. Comprenant la situation dans laquelle il se trouvait, Hashimoto a poussé un soupir.

Ishizaki — Fais pas l’idiot, Hashimoto. Non seulement t’es allé  répandre des rumeurs sur Ichinose, mais en plus tu nous provoques !

Hashimoto — Je vois. En fait vous vous en fichez d’Ichinose, mais c’est parce que votre classe fait l’objet de rumeurs c’est ça ? En même temps c’est de l’info aussi Ishizaki. T’es parti en maison de correction à cause d’un incident que tu as commis à l’école primaire.

Au moment où Hashimoto lança ce pic, Ishizaki craqua. Hiyori s’empressa de l’attraper par le poignet et de le retenir, l’empêchant de sauter sur Hashimoto. La rumeur qu’il évoqua était inscrite sur le forum de l’établissement. Étant donné la nature de ce mensonge, la colère d’Ishizaki était justifiée. Ce genre de résultat était inévitable. Sans vouloir s’arrêter, Hashimoto a poursuivi :

Hashimoto — En tout cas chapeau. Malgré les rumeurs qui pèsent sur vous avez quand même eu le temps de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas. Je suis impressionné.

Ishizaki — Putain Hashimoto, tu vas arrêter de te foutre de notre gueule ?

Miyake — Cède pas, Ishizaki !

Pensant que Hiyori ne serait pas capable de le gérer seule, Akito s’empressa de parler pour arrêter Ishizaki.

Ishizaki — T’en mêle pas, Miyake ! J’peux pas laisser la classe A nous insulter comme ça ! Je vais le goumer !!

Miyake — Arrête-ça Ishizaki ! Tu vas juste te faire du mal. Je sais que t’es bon en combat, mais c’est pas le moment !

Kitō fit un pas en avant et se mit en garde face à Ishizaki et Albert. Il était prêt à en découdre si la situation dégénérait.

Miyake — Arrêtez ça tout le monde !! Vous savez très bien que le règlement est strict à ce sujet !

A bonne distance d’eux, Akito prit la parole pour tenter de calmer les choses.

Hashimoto — Eh bien, c’était vrai… jusqu’à maintenant.

Miyake — Jusqu’à maintenant ?

Hashimoto — Il semblerait que l’actuel président du Conseil soit prêt à fermer les yeux sur des petites altercations comme la nôtre.

Hashimoto s’approcha et lança un coup de pied à bonne distance sur Ishizaki, mais Akito intercepta immédiatement le coup avec son bras gauche.

Miyake  — Le président pense qu’il peut faire tout ce qu’il veut ?

Les paroles de Hashimoto ne suffisaient pas à garantir que l’interdiction de se battre avait réellement été levée. Il préféra le prouver en faisant lui-même le premier pas.

Hashimoto — Pas mal, Miyake. Je comprends pourquoi tu étais confiant pour nous arrêter si on en venait aux mains.

Hashimoto se replia et reprit ses distances. L’atmosphère devint encore plus tendue et rigide qu’auparavant. Hiyori prit la parole.

Hiyori — Les combats ne sont toujours pas autorisés.

Hashimoto — Je sais. Je ne suis pas venu ici pour me battre avec vous. C’était juste ma façon de vous prouver à tous que nous sommes plus que capables de nous défendre.

Hiyori — On peut vraiment te faire confiance ?

En regardant Hiyori dans les yeux, Hashimoto hocha la tête, mais pour nous il n’inspirait en aucun cas confiance.

Ishizaki — Laisse tomber Hiyori, ce type ment comme il respire. Peu importe comment on voit les choses, les rumeurs ont été propagées par la classe A, seule classe qui n’a fait l’objet d’aucune rumeur.

Hiyori — Peut-être qu’ils ne sont vraiment pas en tort.

Hashimoto — Comme le sous-entend Shiina-chan, si c’était nous qui avions posté les rumeurs, n’aurions-nous pas également posté sur le forum des mensonges sur la classe A aussi pour éviter les soupçons ?

Miyake — C’est difficile à dire. Je ne pense pas que tous les élèves de la classe A sauraient que Sakayanagi est la principale responsable des rumeurs sur Ichinose. Si la classe n’était pas informée à l’avance, il est logique que la confusion soit de mise.

Après la remarque d’Akito, Hashimoto poussa un autre soupir.

Hashimoto — Eh bien, ce que tu dis n’est pas bête, mais au final c’est de la probatio diabolica.

Son excuse était extrêmement suspecte, mais en fin de compte, nous n’avions aucune preuve pour la réfuter. En même temps, il lui était également difficile de prouver son innocence.

Ibuki — Seuls les poings les feront parler, pas le choix.

Hashimoto — Woah Woah, du calme Ibuki-chan. Se battre avec nous comme ça n’arrangera rien, tu sais ?

Ibuki — Tu me dis d’arrêter alors que c’est toi qui veux en venir aux mains de base ? Ça tourne pas rond chez toi ?

Hashimoto — La classe A n’a rien à voir avec ça. Crois-moi.

Sur ce, Hashimoto laissa échapper un rire, mais Ibuki ne souriait pas, au contraire, elle semblait faire de son mieux pour contenir sa rage. Ibuki avait après tout été victime des rumeurs sur le forum de l’établissement, tout comme Ishizaki.

Ishizaki — Vous pensez que vous pouvez nous prendre de haut parce que Ryuuen n’est plus notre chef !?

Ishizaki avait finalement atteint ses limites et mit Akito à l’écart. Ibuki s’avança pour affronter Hashimoto et Kitō à ses côtés.

Hashimoto —  Attendez, attendez, tout doux !

Ishizaki — Demande à Sakayanagi de s’excuser pour toutes ces rumeurs sur Ichinose et sur nous !

Hashimoto — Mais je vous ai dit que vous faites erreur.

Ishizaki — Quelle blague !

Ishizaki donna un coup de pied fort sur la rampe d’à côté. Hashimoto commença à comprendre que la situation devenait un peu incontrôlable.

Hashimoto — Et tu vas faire quoi ?

Ishizaki —…Bah on va te faire taire avec la force.

Hashimoto — T’es sérieux ?

Ishizaki— Oui. Si ça te plait pas alors demande à Sakayanagi de retirer les rumeurs maintenant.

Hashimoto — Je l’ai déjà dit plein de fois déjà. Ce n’est pas nous.

Même s’il continua de nier, Hashimoto également comprit que ce n’était pas une excuse que les autres accepteraient facilement. Après tout, Sakayanagi avait déclaré la guerre à Ichinose. Il était difficile de prouver son innocence. L’expression de Hashimoto s adoucit pendant un moment.

Ishizaki — Oh ? Qu’est-ce qui te fait sourire ?

Hashimoto — Désolé, désolé. Tout cela est tout simplement trop absurde. Je ne comprends pas ce que vous attendez de moi.

Comme Hashimoto ne voulait pas reconnaître que Sakayanagi était la source des rumeurs, il n’avait pas d’autre choix que d’envoyer balader Ishizaki.

Ishizaki — Alors, je suppose qu’il faudra aller demander à Sakayanagi elle-même.

Hashimoto —  Toi ? Bon courage.

Hashimoto fit un signe de la main dédaigneux, comme pour dire qu’elle n’allait pas s’embêter avec des gens comme nous. Avant qu’ils ne viennent tous ici, Ishizaki a dû contacter Hashimoto parce qu’il savait qu’il n’y aurait aucun moyen pour lui d’atteindre directement Sakayanagi.

Hashimoto — Kitô. Nous n’aurons peut-être pas d’autre choix.

En analysant l’atmosphère, Hashimoto conclut qu’ils n’arriveraient à rien avec une conversation pacifique. Kitô sembla préparé à ce résultat, alors il se mit en position de combat. Immédiatement, Ishizaki poussa un cri de guerre et chargea en essayant de s’attaquer à Kitô. Au même moment, Ibuki attaqua Hashimoto d’un coup de pied voltige, mais il réussit à esquiver au tout dernier moment.

Hashimoto — C’était juste !

En raison de ses mouvements brusques et nerveux, le téléphone portable et la carte d’étudiant d’Ibuki tombèrent de sa poche. Hashimoto se rendit compte qu’Ibuki était plus rapide et plus fort qu’il ne le pensait. Il exprima son inquiétude face au danger qu’il courait, mais s’ensuivit un regard d’admiration sincère.

Hashimoto — De mémoire, tu étais moins forte que ça, Ibuki-chan.

Miyake — Arrêtez ça !

Akito cria tout en ramassant son portable sur le sol. Cependant, les élèves de la classe D s’en fichèrent. Ibuki ne semblait pas se soucier le moins du monde que son téléphone ait pu être endommagé par la chute. Je tendis la main et ramassai sa carte tombée près de mes pieds. Mon regard se porta soudainement sur la petite photo d’identité d’Ibuki. Son expression était toujours aussi raide et elle paraissait asociale, mais un détail avait attiré mon attention.

Moi — Qu’est-ce qui se passe… ?

Yukimura — Quoi, Ayanokôji ?

Keisei s’exprima après avoir entendu mon marmonnement. Je secouai immédiatement la tête pour signifier qu’il n’y avait rien et  mis temporairement la carte d’étudiant d’Ibuki dans ma poche pour la garder en sécurité.

Moi — La priorité est d’arrêter le combat.

Yukimura — Tu comptes t’y prendre comment ?

La situation s’était déjà transformée en deux contre deux, et le deuxième round était sur le point de commencer.

Hasebe — On ne devrait pas s’impliquer.

Sakura — C’est dangereux, Kiyotaka-kun.

Haruka et Airi suggérèrent que nous restions en dehors de tout ça.

Moi —Mieux vaut laisser Akito s’en occuper alors.

Afin d’empêcher le prochain échange de coups, Akito s’interposa entre Ishizaki et Hashimoto.

Ishizaki — Ne te mets pas en travers de mon chemin, Miyake !

Ishizaki tenta de le repousser avec la force brute, mais Akito le saisit par la main et le força à s’effondrer sur le sol.

Ishizaki — Enfoiré ! Lâche-moi !

Miyake — Désolé Ishizaki. Ça n’a rien de personnel.

Ibuki — Arrêtez de vous en mêler !

Ibuki se mit à viser la tête d’Akito qui se détacha rapidement d’Ishizaki en esquivant de peu le coup de pied dans le même temps. Mais cela lui fit perdre l’équilibre. Profitant de l’ouverture, Albert enlaça Akito par derrière.

Tiens-le bien Albert.

Miyake — Merde… !

Akito ne put résister à la force d’Albert qui était d’un tout autre niveau. C’était aussi signe que la classe D avait conclu qu’ils gagneraient le combat si personne ne venait les interrompe.

Ishizaki — Ibuki !

Ishizaki l’interpela alors que Kitō s’avança en visant son cou.

Ibuki — Ne me prends pas pour une merde !

Elle réagit rapidement en repoussant la main de Kitō.

Yukimura— Ces types se battent sérieusement ! Que faisons-nous ?

Nous quatre, qui observions de loin, n’étions pas en mesure de les arrêter.

Hashimoto — On ne peut rien y faire maintenant que les choses ont progressé jusque-là, mais vous autres, de la classe C, vous gênez vraiment là.

Tout en surveillant Ishizaki qui était en train de se relever, Hashimoto s’adressa à nous.

Yukimura — Nous ne sommes venus ici que par hasard, mais j’ai quelque chose à dire. Notre ami Ayanokôji a été la cible des rumeurs, tout comme Ishizaki et les autres.

Airi fit un signe de tête enthousiaste.

Hashimoto — Hmm, maintenant que tu le dis… Quelque chose à propos de son coup de foudre pour Karuizawa, n’est-ce pas ? C’est une belle rumeur non ?

Sakura — Ce n’est absolument pas une belle rumeur !

Airi, habituellement calme, éleva la voix en signe de protestation. Je pris la parole après elle, en essayant de donner l’impression que j’étais d’accord avec mes amis sur la question.

Moi — Je ne voulais pas le dire, mais je te soupçonne aussi, Hashimoto.

Hashimoto — je suppose que c’est logique. Après tout, je suis le seul à vous avoir vus vous rencontrer en secret il y a quelques jours.

Sakura — E-en secret ?

Airi et Haruka me regardèrent immédiatement.

Moi — Il n’y a rien entre nous.

Hashimoto — Vraiment ? Mais Kiyotaka-kun, je commence à penser que… toi et Karuizawa-san avez été en assez bons termes l’un avec l’autre ces derniers temps…

Airi m’observa attentivement, elle avait donc dû comprendre cela. Cependant, ce qui était vraiment important ici, c’était que Hashimoto l’entende. Il était essentiel pour lui de savoir que d’autres personnes étaient au courant de ma relation avec Kei.

À l’époque, nous avions utilisé l’excuse que je n’étais que l’intermédiaire pour la livraison de ses chocolats de la Saint-Valentin à son véritable amoureux. Pour que cela se produise, Kei et moi aurions dû avoir au moins un certain degré d’intimité l’un avec l’autre au départ. Ses actions avaient pour but de me tester. Je profitai de l’occasion pour évaluer la façon dont mes camarades de classe voyaient ma relation avec Kei. L’excellence de Hashimoto lui avait fait écarter bien d’autres possibilités. Même s’il avait gardé un œil sur moi, grâce à ce témoignage, il allait maintenant se retrouver avec une conclusion erronée. En conséquence, ses soupçons à mon égard commençaient à s’estomper.

Ishizaki — C’est à moi que tu as affaire là, Hashimoto !

Hashimoto — Bon sang… Ça devient plutôt gênant.

Hiyori — S’il te plaît, arrête Ishizaki-kun. Je ne te permettrai pas d’aller plus loin.

Hiyori déclara fermement sa position à Ishizaki. Incapable d’ignorer complètement ce qu’elle disait, Ishizaki se tourna vers elle avec un regard troublé.

Ishizaki — M-mais !

Moi — Supposons que tu réussisses à battre Hashimoto-kun et Kitô-kun et que tu le forces à tout avouer. Ce ne serait toujours pas une preuve réelle. Je suis également assez certaine que Sakayanagi-san n’avouera rien du tout. Le fait que nous n’ayons pas réussi à le faire avouer n’est-il pas plus que suffisant ?

Ishizaki — Alors tu veux qu’on en reste là sans rien faire ?

Hiyori — Je sais que cela semble injuste, mais il faut le supporter.

Ishizaki— C’est pas toi qui voulais organiser cette rencontre ? Maintenant tu veux qu’on se retire ? C’est n’importe quoi !

Hiyori — Je me rachèterai auprès de vous tous plus tard, promis.

Amusé par ce qu’il entendait en écoutant leur conversation, Hashimoto siffla.

Hashimoto — Hoooh ? Donc Ishizaki n’est pas celui qui a organisé cette rencontre ? C’est Shiina-chan ?

Hiyori — Albert-kun. S’il vous plaît, laissez Miyake-kun partir aussi »

Suivant ses instructions, Albert relâcha lentement Akito.

Hiyori — Nous avons inquiété la classe C, j’en suis désolée.

Alors qu’elle parlait, Hiyori se tourna vers nous et inclina profondément la tête.

Hashimoto — Comme c’est égoïste de conclure notre conversation comme ça. Devons-nous simplement accepter de nous faire malmener avec vos soupçons sans fondement ?

Hiyori — Peux-tu nous pardonner ?

Hiyori reçut les plaintes de Hashimoto de front. Hashimoto devrait comprendre qu’il n’y avait aucun avantage à faire traîner cette confrontation plus longtemps.

Hashimoto — Ce n’est pas comme si nous étions blessés. Cette fois-ci, on s’arrête là, Kitô. Mais, s’il vous plaît, arrêtez de douter inutilement de nous. La prochaine fois, assurez-vous d’abord d’avoir des preuves indéniables.

Hiyori avait réussi à maîtriser la situation avant que les choses ne dégénèrent trop, mais maintenant, la classe A était arrivée au point où elle ne pouvait plus avoir de bonnes relations avec les autres classes.

7

Cette nuit-là, je passai un coup de fil à Horikita Manabu.

Horikita-senpai — C’est plutôt inhabituel que tu me contactes.

Moi — Il y a une chose que je voulais te demander.

Horikita-senpai — Je t’écoute.

Je l’ai informé de ce que j’avais remarqué après avoir regardé les cartes d’identité de deux élèves.

Horikita-senpai — Tu en es sûr ?

Il fut surpris, comme si c’était la première fois qu’il entendait parler de ça.

Moi — Si je comprends bien, cela ne s’est jamais produit auparavant ?

Horikita-senpai — Exactement. C’est peut-être une erreur.

Bien sûr, on ne pouvait pas exclure complètement la possibilité que ce soit une erreur, mais c’était difficile à croire.

Horikita-senpai — Bien sûr, l’école change et évolue aussi chaque année donc le phénomène que tu as remarqué a forcément une certaine signification. Cette connaissance pourrait t’être utile à l’avenir.

Même si ce futur se présentait, si cela était possible, j’espérais avoir déjà mis fin à tout cela sans avoir à utiliser cette carte.

Horikita-senpai — Il est fort probable que les élèves de seconde doivent passer un examen spécial de plus cette année.

Cela veut dire que la situation est différente pour les élèves des autres années ?

Horikita-senpai — Du moins, cela a été le cas jusqu’à présent. Les terminales devront passer au moins deux examens spéciaux supplémentaires si rien n’a changé à ce niveau.

Moi — ça ne va pas arranger les affaires de ta classe.

Si Nagumo devait user de son influence et apporter son aide aux élèves de terminale B, cela mettait la terminale A dans une position très incertaine.

Horikita-senpai — C’est certainement une situation risquée et imprévisible, mais il n’y a pas lieu de s’en inquiéter.

Comme on pouvait s’y attendre de la part de l’ancien président du Conseil, il  n’était en rien désespéré. Il avait la capacité de surmonter la crise que sa classe traversait. Il n’avait pas perdu sa combativité. J’avais confiance en lui pour ça ce qui n’était pas le cas de nagumo qui ne faisait que concentrer ses attaques dans des failles faciles à exploiter. Le fait qu’il ait ciblé Tachibana Akane pendant le camp d’entraînement est l’illustration parfaite de ça.

Horikita-senpai — Au lieu de t’inquiéter pour moi, tu devrais plutôt t’en faire pour les élèves de seconde.

Moi — Si le Conseil fournissait un soutien à Nagumo, ils pourrait couvrir ses actions jusqu’à un certain point, non ?

Horikita-senpai — Ah, certes, mais si cela va trop loin, le Conseil peut être dissous de force par l’établissement pour abus de confiance. Mais c’est de Nagumo dont il s’agit. Il devrait être capable de couvrir correctement ses exactions. Kushida t’a causé du tort du coup ?

Moi — Je m’en suis occupé.

Horikita-senpai — Ils ont l’air de comploter quelque chose en coulisses concernant Ichinose.

Moi — Je te recontacterai.

Après avoir obtenu les informations dont j’avais besoin, je mis fin à l’appel.

8

Après cela, quelques jours passèrent en un clin d’œil. Pendant cette période, la toujours controversée Ichinose continua sa série d’absences, ne se présentant même pas une seule fois en cours. Cependant, les choses changèrent le 24 février, un jour avant l’examen de fin d’année. Ichinose était enfin revenue à l’école. Bien que je ne l’avais pas vue personnellement, Ichinose fut apparemment absente depuis plus d’une semaine et de nombreuses personnes la surveillaient. La nouvelle m’était parvenue presque immédiatement. Cela dit, sa présence n’était vraiment importante que pour la classe B. Pour la classe C, l’examen de fin d’année qui avait lieu le 25 était beaucoup plus important.

Yukimura — Très bien. Ayanokôji. Akito. Haruka. Airi. Vous avez tous fait un excellent travail. »

Pendant notre pause-déjeuner, le groupe Ayanokôji s’était réuni autour du bureau de Keisei avant le cours. Nous avions passé un examen blanc que Keisei nous avait distribué et le moment était venu d’en connaître les résultats. Il s’agissait d’un test qu’il nous avait fait passer la veille, dans le but de connaître nos véritables capacités.

Hasebe — Wow~ ! Kiyopon, tu as eu un 90 ! C’est ouf !!

Au milieu de son sandwich, Haruka prit la parole, surprise par mon résultat.

Moi — Eh bien, le test de Keisei était vraiment bien fait. Vous n’avez pas réussi à obtenir à peu près le même score ?

Bien qu’il y avait eu quelques variations dans les scores, les trois réussirent à obtenir un score de plus de 80.

Yukimura  — Si vous êtes capables de réussir le test maintenant, l’examen de demain ne sera pas un problème.

Miyake — Si tu dis ça Keisei alors c’est que ça va être du gâteau !

Akito fit tourner ses épaules raides à plusieurs reprises. Il avait l’air excité.

Sakura — Merci beaucoup Keisei-kun. J’ai été… anxieuse à chaque fois que je passais un examen, mais maintenant je suis rassurée !

Yukimura — C’est normal. C’est le moins que je puisse faire.

Un peu gêné par les paroles de Sakura et Akito, Keisei se gratta légèrement le nez.

Hasebe — Mais t’es vraiment sûr que nous n’avons pas besoin de faire autre chose aujourd’hui ?

Yukimura — Vous avez tous passé beaucoup de temps à étudier cette semaine. Comme aujourd’hui est le dernier jour avant le vrai examen, je préférerais que vous fassiez tous une pause. Vous avez tous étudié avec sérieux et je ne pense pas que vous oublierez facilement ce que vous avez appris. Il serait même dangereux que vous vous surmeniez au point de tomber malade ou de vous endormir pendant l’examen.

Hasebe — Compris. Je vais suivre tes instructions, Yukimû !

Alors que Haruka répondit à Keisei par un salut bizarre, les autres hochèrent la tête, approuvant ses paroles. Soudainement, un grand bruit retentit dans toute la classe. La porte de la classe fut violemment ouverte.

Ike — Hey, Faut que vous voyez ça !

Et dire que nous allions profiter du reste de notre déjeuner…

Hasebe — Fait chier…

Haruka avait fait tomber son sandwich sur le sol, surprise par le bruit soudain.

Hasebe — Heeey ! C’est quoi ton problème ?

Sans cacher son mécontentement, Haruka jeta un regard furieux à Ike.

Ike — Il se passe quelque chose ! Des élèves de la classe A viennent de passer en classe B !

Ike reprit son souffle.

Horikita— Avec le retour d’Ichinose-san en classe, Sakayanagi-san s’est donc mise en mouvement.

Marmonnant cela, Horikita, qui déjeunait également dans la classe, se leva en hâte. Sans me dire un mot, elle se précipita hors de la salle. La voyant partir, Sudou, Hirata et d’autres la suivirent aussitôt. C’était l’examen de fin d’année alors si Sakayanagi voulait agir c’était aujourd’hui ou jamais. Elle voulait probablement y aller frontalement afin de faire tomber Ichinose dès son retour à l’école.

Yukimura — Qu’est-ce que tu vas faire, Akito… ?

Miyake — Je n’ai pas le choix. Si ça part en freestyle comme la dernière fois, il va bien falloir quelqu’un pour arrêter ça.

Yukimura — C-C’est pas faux.

Miyake — Mais Haruka, Airi. Vous devriez rester ici toutes les deux. Il n’y a pas de raison que plus de gens s’impliquent.

Hasebe — Ouais, t’inquiètes, on va prendre le temps et finir le déjeuner.

Sakura — Que vas-tu faire Kiyotaka-kun ?

Moi — Je…

Keisei se leva avec Akito. Dans ce genre de situation, il m’était difficile de dire que je resterais moi aussi.

Moi —  Je viens au cas où, mais je ne pense pas être d’une grande aide.

Nous quittâmes la classe tous les trois, en direction de la classe B. L’agitation s’était déjà répandue dans le couloir, alors que les gens se rassemblaient.

Shibata — Que fais-tu là, Sakayanagi !?

En entrant dans la salle de la classe B, nous vîmes Shibata s’approcher d’elle.

Sakayanagi — Qu’est-ce que je peux bien faire ici si ce n’est vous sauver chers élèves de la classe B.

Sakayanagi était seulement accompagnée de Kamuro et de Hashimoto. Des problèmes auraient pu survenir s’ils avaient eu  un groupe plus important voilà pourquoi ils avaient choisi de venir en petit comité.

Ichinose — Je me demande ce que tu veux dire par là, Sakayanagi-san.

Ichinose s’exprima du plus profond de la classe, entourée de plusieurs de ses camarades.

 — Attends, Ichinose. Tu n’as pas besoin de t’impliquer dans tout ça.

 — Ouais ! Ne fais pas ça Honami-chan !

Ils l’entourèrent étroitement, faisant de leur mieux pour empêcher Ichinose d’entrer en contact avec Sakayanagi.

Sakayanagi — Pour commencer, je suis contente que tu sois en bonne santé. J’aurais aimé te contacter plus tôt, mais j’ai été très occupée à étudier pour l’examen. Tu arrives juste à temps pour l’examen de fin d’année demain.

Ichinose — Oui, merci.

Elles se parlaient à distance et chaque élève de la classe B regardait Sakayanagi avec hostilité. Même si c’était la pause déjeuner, tous les élèves de la classe B étaient présents. Il était fort probable qu’ils se soient tous regroupés dans le but de protéger Ichinose. Cependant, Sakayanagi ne semblait pas du tout ébranlée par leur unité. Elle semblait plutôt apprécier le sentiment d’être en territoire ennemi. Elle avait anticipé les mouvements d’Ichinose. Étant donné qu’elle était actuellement au milieu d’un maelström de rumeurs, elle avait prévu que cette dernière n’utiliserait pas la cafétéria ou d’autres installations du campus pendant la pause déjeuner.

Kanzaki — Tu as dit que tu voulais nous sauver Sakayanagi ?

Sakayanagi — C’est exact.

En réponse à la question de Kanzaki, elle hocha la tête avec un sourire éclatant.

Kanzaki — Tu admets donc avoir répandu les rumeurs ? Tu n’es pas venue t’excuser ?

Sakayanagi — Ce n’est pas moi.

Kanzaki — Alors quel est ton but ?

Sakayanagi — Dans le passé, il y avait des rumeurs sur le nombre élevé de points qu’Ichinose-san possédait. L’établissement l’avait innocentée.

Kanzaki — Et donc ?

Afin d’empêcher Ichinose de dire quoi que ce soit, il répondit sans hésiter.

Sakayanagi — Ce n’est peut-être que mon imagination, mais il existe très peu de méthodes permettant à quelqu’un de mettre la main sur une somme aussi importante de points sans enfreindre les règles. Par exemple, on pourrait collecter périodiquement des points privés auprès de tous ses camarades de classe pour jouer le rôle d’une banque. J’ai déterminé que c’était précisément Ichinose-san qui assumait cette responsabilité dans votre classe.

Kanzaki — Ce n’est pas quelque chose que je peux te révéler.

La réaction de Kanzaki était tout à fait naturelle. Après tout, c’étaient les affaires de la classe B.

Sakayanagi — En effet. Je ne suis pas venue ici en cherchant une réponse C’est juste que…Si elle jouait vraiment le rôle d’une banque alors cela pourrait être très dangereux pour vous tous.

Pendant qu’elle parlait, Sakayanagi dirigeait son regard en direction d’Ichinose, qui la fixait avec intensité.

Ichinose —  ………

Ichinose ne répondit pas. Elle ne fit que fixer Sakayanagi

Sakayanagi — Est-ce que je me trompe  Ichinose Honami-san ?

La question de Sakayanagi était vraiment cruelle. Elle avait certainement réussi à pousser Ichinose au bord du gouffre, incapable de faire autre chose que de répondre par le silence. Une simple poussée suffisait pour la faire tomber dans l’eau. Mais son plan ne fonctionna pas.

Ichinose — Pourriez-vous me laisser un peu d’espace ? Chihiro-chan. Mako-chan.

Chihiro — M-mais !

Ichinose — C’est bon. Tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour moi. Je vais m’en sortir.

Avec un doux sourire, Ichinose s’avança calmement et réduisit la distance avec Sakayanagi. En fin de compte, Ichinose ne se tourna pas vers Sakayanagi, mais vers tous ses camarades de classe.

Ichinose —… Je vous dois des excuses.

Debout sur l’estrade, Ichinose baissa la tête pour s’excuser auprès des élèves de la classe B.

Shibata — Pourquoi tu t’excuses Ichinose ? Tu n’as rien fait de mal !

Secouée par ses paroles, Shibata tenta d’interrompre les excuses d’Ichinose.

Sakayanagi — S’il te plaît, n’essaie pas de l’arrêter, Shibata-kun. Elle est sur le point d’avouer.

Sakayanagi sourit joyeusement.

Ichinose — Le secret que j’ai toujours caché…

Kanzaki — Ichinose ! Tu n’as pas besoin de dire autre chose pour l’instant.

Se sentant déstabilisé, Kanzaki tenta d’empêcher Ichinose de continuer encore une fois, mais elle ne recula pas.

Ichinose — De nombreuses rumeurs étranges circulent à mon sujet ces derniers temps et l’une d’entre elles n’est pas sans fondement. Tout comme le stipule cette lettre, je suis une criminelle.

Tandis qu’elle prononçait ces mots, Sakayanagi afficha un sourire satisfait.

— C’est vrai ?

La salle de classe normalement bruyante tomba dans le silence.

Sakayanagi — Il semblerait que tes petits camarades de classe  soient un peu déboussolés. S’il te plaît, donne-leur tous les détails, Ichinose- san. Quel genre de crime as-tu commis ?

Ichinose — Je…

Ichinose s’arrêta un moment et avala sa salive.

Ichinose  — Je vous tout vous dire.

En se déclarant ainsi, Ichinose commença enfin à parler du passé qu’elle avait gardé enfoui en elle.

Ichinose — J’ai fait du vol à l’étalage.

Ichinose Honami, l’élève modèle dont le charisme touchait tous les élèves de seconde, réussit à laisser sans voix Keisei et Akito.

Mako — Honami-chan… une voleuse… ? Vraiment ?

Ichinose — Oui. C’est la vérité Mako-chan.

Tout en s’excusant, Ichinose commença à raconter son expérience du vol.

Ichinose — Je viens d’une famille sans père et j’ai vécu avec ma mère et ma sœur de deux ans plus jeune que moi. Même si nous n’étions pas très riches, nous n’avions jamais été malheureux. Ma mère avait du mal, elle travaillait à plein temps, car elle élevait seule ses deux filles. C’est pourquoi, dès l’école primaire, j’avais prévu de trouver un emploi après le collège. Après tout, cela coûterait trop cher d’aller au lycée, alors j’avais voulu trouver un emploi pour aider ma mère à subvenir aux besoins de ma petite sœur. Mais, elle était contre. Comme moi je souhaitais le bonheur de ma petite sœur, ma mère souhaitait le bonheur de ses deux filles.

Ichinose s’ouvrit à tous.

Ichinose — J’ai compris que, même sans argent, si je bossais dur, je pouvais obtenir une bourse. Alors, j’ai aiguisé mes compétences et j’ai réussi à atteindre le sommet de l’école. Mais… pendant l’été de ma troisième année de collège… ma mère s’était trop surmenée et s’était effondrée.

La mère d’Ichinose  avait renoncé à son propre corps pour élever ses filles.

Ichinose — C’était presque l’anniversaire de ma jeune sœur. Aussi longtemps que je me souvienne, elle n’avait jamais rien demandé. Elle était toujours en première année de collège, il aurait donc été acceptable qu’elle se comporte parfois un peu comme une enfant gâtée, mais elle avait toujours réussi à se retenir.

Au lieu de s’acheter les vêtements qu’elle voulait ou de sortir avec ses amis, elle se contenta de tout supporter et de se retenir de demander quoi que ce soit. Et puis un moment, ma petite sœur exprima qu’elle voulait quelque chose pour la première fois. Une pince à cheveux à la mode que sa célébrité préférée portait à l’époque. Ma mère avait sans doute surchargé son emploi du temps pour acheter cette barrette à ma sœur.

Cependant, en raison de son hospitalisation soudaine, elle n’avait pas pu offrir ce cadeau d’anniversaire à sa fille.

Ichinose — Je peux encore me souvenir de tout. Ma mère, en sanglots, s’excusant depuis son lit à l’hôpital. Le visage de ma sœur alors qu’elle incendiait notre mère de tous les reproches possible et qui finit par pleurer et crier pour sa pince à cheveux qu’elle était impatiente d’avoir. Même à ce moment-là, je n’étais pas encore capable de la blâmer. C’était le seul cadeau qu’elle avait jamais demandé…

Sakayanagi écouta la confession d’Ichinose avec un sourire inébranlable.

Ichinose — En tant que sœur aînée… je pensais que je devais trouver un moyen de redonner le sourire à ma frangine. Alors, après l’école, le jour de son anniversaire, je suis allée dans un magasin.

L’anxiété se dessinait sur le visage d’Ichinose

Ichinose — Durant cette période, mon cœur fut plongé dans l’obscurité. Je me disais que ce n’était pas grave de faire quelque chose de péché, juste une fois pour le bien de ma jeune sœur. Après tout, il y avait tant de gens dans le monde qui faisait constamment de mauvaises choses…. Qu’il n’y avait aucune raison que ma famille, qui s’était toujours retenue, soit blâmée pour mes actions. Je me disais que ce serait acceptable, que ce serait pardonné… À l’époque, c’était mon interprétation égoïste de la réalité. La pince à cheveux qui devait normalement coûter plus de 10 000 yens et que ma sœur voulait si désespérément… Je l’ai volée.

Ichinose parlait comme si elle révélait quelque chose de lourd.

Ichinose — Même si je savais que cette décision allait rendre tout le monde malheureux, je voulais quand même faire quelque chose pour ma sœur.

C’est ce désir légitime qui était à l’origine de tout cela.

Ichinose — …Mais, ce n’est toujours pas une excuse, n’est-ce pas ?

Ichinose marmonna cela avec un sourire amer.

Ichinose — En fin de compte, un crime est un crime. Peu importe ce que vous faites pour vous repentir, votre péché ne disparaîtra jamais.

Hashimoto — Et tu as été prise sur le fait ?

En réponse à la question de Hashimoto, Ichinose fit non de la tête.

Ichinose — C’était la première fois que je volais, la première fois que je commettais un crime. Personne ne l’avait découvert. Immédiatement après, j’étais rentrée chez moi et je donnai la barrette à ma petite sœur qui boudait dans son coin. Mais, comme elle venait d’être volée, je n’avais pris le temps de l’emballer. Elle était quand même très heureuse malgré tout. Quand j’avais vu son visage souriant, pendant un instant, la culpabilité de ce que je venais de faire s’était un peu estompée. Mais cela n’a pas duré très longtemps. La culpabilité grandissait peu à peu.

Le sourire d’Ichinose était encore amer.

Ichinose — Une mère remarque quand ses enfants ont fait quelque chose de mal. Même si j’avais dit à ma sœur de garder le cadeau secret, elle a porté la barrette lorsque nous sommes allées rendre visite à notre mère à l’hôpital. En soi elle n’avait pas eu tort de faire ça, elle n’aurait jamais pensé que je l’avais volé. C’était la première fois de ma vie où je voyais ma mère sérieusement en colère. Elle me gifla et prit la barrette de ma sœur. Ma petite sœur en pleurs ne devait pas comprendre pourquoi. Alors qu’elle a dû rester hospitalisée, ma mère m’avait trainé de force au magasin. J’ai dû me prosterner pour me faire pardonner. C’était la première fois que je comprenais vraiment ce que j’avais fait. Le poids du crime que j’avais commis. Peu importe le nombre d’excuses que je cherche, rien ne pourra atténuer la chose.

C’était le passé d’Ichinose. Le passé qu’elle avait caché.

Ichinose — Finalement, le magasin ne m’a pas remis à la police, mais l’agitation était vive alors je me suis enfermée dans ma chambre pendant presque la moitié de la troisième année de collège. Un moment, je me suis dit qu’il fallait avancer depuis que mon professeur principal m’avait parlé de notre lycée. Il n’y avait ni frais d’admission ni frais de scolarité. Il fallait juste obtenir le diplôme de collège et réussir les examens d’entrée. De plus un emploi pouvait être garanti à la sortie. C’était donc ma chance de repartir de zéro.

Après avoir terminé, Ichinose baissa de nouveau la tête devant ses camarades de classe.

Ichinose — Je suis désolée tout le monde. Je suis un leader pathétique.

Shibata — Ce n’est pas vrai Ichinose.

En écoutant non loin d’elle, Shibata prit la parole.

Shibata — Je t’ai bien écoutée et ça se voit que tu es quelqu’un de bien !

— Ouais ! Honami-chan a peut-être fait quelque chose de mal, mais…

Le bruit fort et distinct d’une canne frappant le sol résonna dans toute la salle.

Sakayanagi — Epargnez-moi cette guimauve infecte de votre part.

L’ambiance de soutien à Ichinose vola en éclat à cause de Sakayanagi.

Sakayanagi — Vraiment, quelle farce grossière. Essaies-tu de gagner la sympathie des autres en évoquant tous ces détails inutiles de ton passé ? Quelles que soient les circonstances, le vol à l’étalage reste un vol. Tu l’as fait parce que tu le voulais bien, point. Pas la peine de le maquiller derrière des beaux discours.

Alors que Sakayanagi parlait, Kamuro, qui se tenait juste à côté d’elle, montra momentanément une expression raide.

Ichinose — Je suis d’accord. Mes circonstances n’ont rien à voir.

Sakayanagi — En effet. Concernant la grande quantité de points privés qui t’ont été confiés, n’est-il pas possible que tu les voles aussi à la remise des diplômes ?

Ichinose — ……Je ne ferai jamais une chose pareille, Sakayanagi-san. Ne pas tenir compte des avis de mes camarades de classe pour entrer en classe A toute seule serait un acte de trahison. Je ne pense pas que l’établissement l’autoriserait.

Sakayanagi — Tu es intelligente et je sais que tu n’utiliseras pas une tactique aussi évidente. Mais que se passerait-il si tu faisais encore usage de tes talents d’orateur pour rechercher la sympathie de tes camarades afin qu’ils acceptent ton transfert en classe A ?

Sakayanagi était implacable.

Ichinose — Tu as raison… Peut-être… Peut-être que tout ce que je fais paraîtra hypocrite, peu importe à quel point j’essaie de faire au mieux.

Ce banal acte de délinquance la suivra toujours. Après tout, le soupçon qu’elle pourrait un jour trahir la classe était toujours présent.

Sakayanagi — Est-ce que tout le monde comprend maintenant ? Voici la vraie Ichinose Honami-san. Tant que vous avez ce genre de personne qui vous guide, la classe B n’a aucune chance.

Sakayanagi exposa en détail la réalité de la situation.

Sakayanagi — Profite de cette occasion pour rendre les points privés à tes camarades de classe et quitte le poste de leader. C’est le minimum que tu puisses faire. Sinon les rumeurs continueront.

Ichinose ferma tranquillement les yeux et prit une profonde respiration.

Kanzaki — Que vas-tu faire, Ichinose

Kanzaki s’exprima en tant que représentant du reste de la classe B, en lui posant la question de savoir si elle continuerait ou non à diriger la classe. Une décision qu’Ichinose devait prendre elle-même. Si son esprit venait d’être brisé, il y aurait eu des chances pour qu’elle cède, mais elle ce fut déjà le cas auparavant. Elle s’était rétablie et était devenue plus forte que jamais.

Ichinose — Je vais conclure maintenant.

Tout en s’exprimant, elle se tourna vers Sakayanagi en souriant.

Ichinose — Je suis certainement une voleuse et comme l’a dit Sakayanagi-san, je ne pense pas qu’il y ait de place pour la sympathie. Après tout, un crime est un crime, et je n’ai pas l’intention de m’enfuir. Cependant, je n’ai jamais été poursuivie pour ça. Autrement dit, l’incident est clos. Je n’ai rien à expier.

Sakayanagi — C’est culoté de dire ça alors que tu as été dans la confidence juste avant. Regrettes-tu vraiment tes erreurs ? Permets-moi d’en douter maintenant.

Ichinose — Peut-être, mais je refuse de regarder en arrière. Je ne laisserai plus mon passé me contrôler.

Tournant son visage souriant vers ses camarades de classe, Ichinose continua.

Ichinose — Même si je n’ai honte de rien, allez-vous me suivre jusqu’à la fin ?

Elle demanda cela à sa classe qui sombra un instant dans le silence. Ce n’était pas qu’elle ne regrettait pas. Elle avait honte de son passé et était sur le point de fondre en larmes. Elle voulait fuir tout cela. Mais elle avait enfin choisi d’aller de l’avant et d’affronter son passé. Elle avait vécu des moments difficiles avec ses camarades de classe pendant cette année scolaire. Il leur était impossible de ne pas comprendre ce qu’elle vivait.

Shibata — Tu sais très bien que tu as  notre soutien, n’est-ce pas ?!

Cria Shibata avec un sourire. En même temps, tous ses camarades de classe applaudirent, mettant en évidence l’unité de la classe B. Cela montrait l’étendue de l’admiration qu’ils lui portaient. Keisei et Akito semblèrent également avoir été séduits par cette démonstration d’unité, car tous deux furent ravis. À l’exception de la classe A, les élèves des autres classes exprimèrent également leur soutien.

Kamura — Sakayanagi… Et maintenant ?

L’attaque de Sakayanagi avait été contrée. Kamuro sembla le comprendre également, c’est pourquoi elle avait pris la parole. Sa question pouvait être interprétée comme une demande de retrait.

Sakayanagi — Fufufu

 Sakayanagi rit.

Sakayanagi — Fufufufufufufu.

Puis elle a ri à nouveau, un peu plus longtemps cette fois.

Sakayanagi — Je vois. Il semblerait que tu aies réussi à tromper tes camarades de classe. Cependant, comme tu l’as souligné précédemment, le passé d’un criminel ne disparaît pas comme ça. Je suis sûr que les rumeurs à  ton sujet continueront à se répandre dans le futur.

Ichinose — Peut-être mais je ne fuirai pas.

Sakayanagi — Vraiment ? Nous verrons bien.

Nagumo — Très bien, ça suffit tout le monde.

Alors que Sakayanagi était en train de donner une réponse, deux enseignantes et un élève de première entrèrent dans la classe. C’était le président du Conseil, Nagumo, le professeur principal de la classe B Hoshinomiya et Chabashira.

Sakayanagi — Il semblerait que quelques personnes très importantes se soient présentées, mais c’est un problème qui ne concerne que les élèves de seconde.

Nagumo — Tu as raison. Ce litige ne concerne que les seconde mais à partir d’aujourd’hui, il est contraire aux règles de répandre des rumeurs irresponsables.

Sakayanagi — Qu’est-ce que cela sous-entend ? Je ne tolère pas ces rumeurs non plus, mais si elle était gênée par ces dernières, pourquoi n’a-t-elle pas signalé la chose à l’établissement ?

Nagumo — Tu te trompes Sakayanagi. Ce problème ne concerne plus seulement Ichinose.

Sakayanagi —…Comment ça ?

Au moment où Nagumo allait s’expliquer, Chabashira intervint à la place.

Mlle. Chabashira — Je n’entrerai pas dans les détails, mais nous avons déjà confirmé qu’il y a à peu près une vingtaine de rumeurs calomnieuses qui circulent actuellement. Si cela continue, la moralité publique de notre école risque de se corrompre. Les rumeurs sont des rumeurs. Qu’il y ait ou non des preuves concluantes, l’établissement veut que cela cesse. Par conséquent, je vous informe qu’à l’avenir, toute personne trouvée en train de calomnier pourra être punie.

Jusqu’à présent, l’établissement avait toléré la propagation sans fin de rumeurs, mais maintenant des mesures avaient été prises.

Sakayanagi —…je vois, donc c’est comme ça.

Après avoir entendu l’explication de Chabashira, Sakayanagi semblait avoir tout compris.

Sakayanagi — L’établissement passe enfin à l’action.

Horikita se rapprocha de moi après avoir observé la situation et me fit part de ses réflexions.

Horikita — Ce n’est qu’une réflexion à chaud, mais n’est-ce pas suffisant pour sauver chaque classe ? Grâce à l’intervention de l’établissement, la faction de Sakayanagi-san ne pourra plus attaquer Ichinose-san. Cela devrait également faire taire les rumeurs concernant Hondō-kun, Shinohara-san, Satō-san, et la tienne qui ont été publiées en ligne.

Moi —  En effet.

Horikita — Sakayanagi-san est allé un peu trop loin. Elle a tenté de s’attaquer à plusieurs classes en même temps, mais cela s’est retourné contre elle parce que cela a attiré l’attention de l’établissement. Elle a été trop gourmande.

Horikita se tut un moment puis continua

Horikita — Mais…

Moi — Mais quoi ?

Horikita — Non, ce n’est rien.

Horikita ne semblait pas vouloir en dire plus.

Sakayanagi — Retirons-nous. Maintenant que l’établissement a fait son entrée, notre présence n’est plus nécessaire.

Comprenant la situation, Sakayanagi donna l’ordre de se retirer. Aussitôt, la salle de classe déjà bruyante se mit à s’agiter encore plus. La classe A avait été repoussée avec succès. Haruka nous fit un accueil enthousiaste quand nous retournâmes en classe.

Hasebe — Hé, comment va la classe B ? On dirait qu’il s’est passé beaucoup de choses.

Miyake — C’est inattendu. Ichinose a réussi à repousser Sakayanagi.

Akito résuma brièvement ce qui s’était passé. La vérité derrière les rumeurs sur Ichinose et les détails sur l’interdiction faite à l’école de répandre des rumeurs à l’avenir.

Miyake — Il devrait y avoir une annonce officielle pendant les cours cet après-midi.

Hasebe — Du vol à l’étalage, hein ? Je m’attendais pas à ça d’elle, mais ça arrive des erreurs de jeunesse. Je comprends qu’elle ait eu besoin de s’enfermer un temps pour réfléchir, car c’était dur d’affronter la chose.

Haruka, maintenant pleinement informée des détails de la situation se mit à soutenir Ichinose.

Yukimura — En tout cas, tout ça est terminé. Nous pouvons mettre de côté toutes ces rumeurs et nous concentrer sur l’examen.

Hasebe —  Kiyopon va enfin pouvoir être tranquille n’est-ce pas ?

Moi — Eh bien… je suppose.

Et puis, mon téléphone portable a sonné.

Hasebe — Qui appelle ?

Moi — Un numéro que je n’ai pas enregistré.

Je montrai mon écran à Haruka et aux autres. C’était un numéro différent de celui qui m’avait appelé au milieu de la nuit il y a peu de temps. Je me levai de mon siège, et pris un peu de distance par rapport aux autres. Je répondis à l’appel.

Moi — Allô ?

 — C’est bien toi Ayanokôji-kun ?

Je reconnus immédiatement cette voix. C’était Sakayanagi.

Moi — Comment connais-tu mon numéro… ? Enfin j’ai ma petite idée.

Sakayanagi — Il reste encore une dizaine de minutes avant la fin du déjeuner, est-ce que tu veux bien venir me voir un instant ?

Il aurait été facile de refuser, mais il aurait aussi été difficile de prendre le temps de la rencontrer plus tard.

Moi— Où veux-tu me vori ? Je suis dans le couloir.

Sakayanagi — Pourquoi pas devant l’entrée du bâtiment ?

Moi — Ok.

J’ai mis fin à l’appel et me dirigeai vers l’entrée. Je pensais que Hashimoto et Kamuro l’avaient accompagnée, mais Sakayanagi était seule à mon arrivée.

Sakayanagi — Sois rassuré, il n’y a personne d’autre avec moi en ce moment. Je dois dire que tu t’es vraiment surpassé cette fois-ci, Ayanokôji-kun.

Moi — De quoi tu parles ?

Sakayanagi — Il semble que, sans que je m’en rende compte, tu te sois installé dans les coulisses. Il reste encore quelques mystères non résolus, mais je n’ai pas envie de parler de ce qui s’est passé là-bas. Cela dit, il y a une chose qui m’intrigue. Pourquoi as-tu décidé de protéger Ichinose-san ?

Sakayanagi me fixa, attendant une réponse.

Moi — Attends. Je ne comprends pas de quoi tu me parles.

Sakayanagi — Parce tu l’as sauvée, Ichinose-san, est devenue combative…Non, grâce à ça elle a réussi à s’en remettre. Il est peut-être possible que ce ne soit pas la première fois qu’elle avoue tout. Peut-être qu’elle avait déjà tout dit à quelqu’un avant ?

Moi — Et tu penses que ce quelqu’un c’est moi ?

Sakayanagi — Précisément.

C’était une conclusion tout à fait naturelle pour elle.

Moi — N’as-tu pas utilisé Kamuro pour me forcer à agir ?

Sakayanagi — Utiliser Kamuro-san ?

Moi — Avant que le secret d’Ichinose ne soit révélé, elle m’avait tout raconté.

Sakayanagi — C’était quelque chose qu’elle a fait de son propre chef.

Moi — Non, ce n’est pas vrai et tu le sais.

Sakayanagi — Qu’est-ce qui vous rend si sûr ?

Il semble que, pour une raison quelconque, elle voulait voir les informations dont je disposais déjà.

Moi — Elle m’a présenté une canette de bière comme preuve de son vol à l’étalage. Mais, elle ne l’avait pas volée ce jour-là. Kamuro l’avait volée quand elle avait intégré l’établissement

Sakayanagi — Et sur quoi tu te bases ?

Moi — La date limite. Après avoir vu la date sur la bière que Kamuro m’a montrée, je suis allé à l’épicerie et je l’ai comparée avec la date des autres bières où il y avait une différence de quatre mois. Kamuro m’a dit que tu lui avais confisqué la canette de bière qu’elle avait volée dans le passé, en lui disant que tu t’en débarrasserais. Soit elle m’a donné une canette préparée bien à l’avance ce qui est peu probable, soit elle  t’a contactée après avoir quitté ma chambre pour te prendre la canette directement.

Quand je discutais avec Kamuro, j’avais déjà mes doutes.

Sakayanagi — Pourquoi est-ce que je m’y prendrais de manière aussi indirecte ?

Moi — Pour me faire sortir de l’ombre.

Sakayanagi — Fufufu. Peut-être qu’un « On ne peut rien te cacher Ayanokôji-kun » est de mise ici.

Moi — Il aurait été facile pour moi de rester assis et de ne rien faire. C’est plutôt ce que je voulais faire au début.

Celle qui m’a empêché de rester dans mon coin n’était autre que Sakayanagi elle-même. Elle avait fait tomber Ichinose de ses propres mains, puis elle est allée lui offrir une main de soutien immédiatement après. Bien sûr, elle avait utilisé un moyen très détourné pour le faire.

Sakayanagi — Tout cela pour t’impliquer, Ayanokôji-kun.

La canne à la main, Sakayanagi s’avança lentement, raccourcissant la distance entre nous deux.

Sakayanagi — Peu m’importe qu’Ichinose-san tombe en cours de route ou non, mais s’il y avait ne serait-ce qu’une petite chance que tu décides d’intervenir, j’espérais que tu la saisisses. C’était du 50/50, mais j’ai obtenu le résultat que j’espérais à la fin.

En d’autres termes, pour Sakayanagi, l’existence d’Ichinose n’avait aucune importance.

Sakayanagi — Faisons un concours, Ayanokôji-kun.

Moi — Et si je refuse ?

Sakayanagi — Même si tu fais semblant de ne pas être touché, si je lance une rumeur comme quoi tu es l’éminence grise de la classe C, tu ne résoudras pas ce problème en en lançant d’autres pour contrebalancer.

Même si l’établissement avait officiellement imposé une restriction à la diffusion de rumeurs, Sakayanagi continuerait probablement à diffuser cette information sans hésitation.

Sakayanagi — Alors, qu’en est-il ? Tu ne comptes pas accepter ?

Moi — Sur quoi serions-nous en concurrence ? Tu es dans la classe A, je suis en la classe C. La différence entre nous est évidente.

Sakayanagi — Je ne sais rien du contenu du prochain examen, mais pourquoi ne pas s’affronter pour le classement ? Si tu gagnes, je te promets de ne divulguer ton passé à personne.

Si cette condition n’était pas trop mauvaise, rien ne garantissait qu’elle tienne parole. Je n’avais pas non plus l’intention de signer un accord ou d’enregistrer vocalement mon consentement à ce sujet.

Sakayanagi — Tu ne me crois pas, n’est-ce pas ? Mais il semble que tu n’as pas d’autre choix que de me faire confiance. Sinon ton passé sera exposé au grand jour. Tu n’auras plus ta vie ordinaire tant rêvée.

Moi — Fais ce que tu veux. Sache que si cela arrive, tu n’auras plus jamais de confrontation avec moi.

Sakayanagi —…Fufu. Je m’attendais à cette réponse.

Sakayanagi elle-même devait savoir que je n’accepterais pas facilement un défi. C’est pourquoi, jusqu’à présent, elle n’avait encore parlé à personne de mon passé.

Sakayanagi — Et si je mettais en jeu ma scolarité ? Si tu gagnes, je quitte ce lycée. Tu peux demander à mon père, le président de l’école, de se porter garant de notre duel.

Sakayanagi montrait qu’elle avait une confiance absolue.

Sakayanagi — Bien sûr, même si tu venais à perdre contre moi, je n’exigerais pas ton retrait. Je n’ai pas non plus l’intention de demander quelque chose de spécial. Je voudrais cependant exposer à notre établissement que tu es le cerveau de la classe C. Si je ne te fais pas courir ce risque, tu n’accepterais pas ce duel sinon.

Elle me regarda, attendant une réponse.

Moi — Si ce sont tes conditions alors je les accepte.

Sakayanagi — Merci beaucoup, Ayanokôji-kun. Avec ça, ma vie scolaire ennuyeuse touchera à sa fin.

Avec un sourire satisfait, Sakayanagi prit congé. Je décidai de passer un coup de fil à la figure centrale de tout cet incident. Ni Kei, ni Horikita, ni son frère.


 — Je me disais qu’il était temps que tu prennes contact avec moi. Bonsoir, Ayanokôji-kun.

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