CLASSROOM V9 : CHAPITRE 4

Les secrets de Kamuro et d’Ichinose

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Traduction : Dogyuun
Correction : Raitei
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Nous étions vendredi, il s’était déjà écoulé quatre jours depuis l’altercation entre Kanzaki et Hashimoto. Les rumeurs concernant Ichinose se propageaient de jour en jour. Nous en étions arrivés à un point où il n’aurait pas été exagéré de dire que tous les élèves du lycée en avaient eu vent. Cependant, elle n’avait pas l’air d’en avoir parlé à l’administration. L’impression qu’elle renvoyait était celle d’une personne pour qui ces rumeurs étaient futiles. Malgré la virulence de ces dernières, Ichinose gardait la tête haute. Ainsi, comme elle l’avait prédit, les élèves commencèrent à la soutenir en disant que c’était un coup monté, que ce n’étaient que des mensonges.

Toute rumeur est éphémère. Le plan qui visait à diffamer Ichinose avait misérablement échoué. Elle avait parfaitement réussi à déjouer ce plan en ne sortant pas du silence. Pour couronner le tout, les élèves commencèrent à se concentrer sur leurs révisions, l’examen final approchant à grands pas. Toutefois, durant cette période, un autre incident se produisit ce qui raviva la flamme de la rumeur..

C’était un vendredi, après les cours. Sur le chemin du retour, je vis une grande foule lorsque je mis un pied dans le hall du dortoir. J’avais l’étrange sensation d’avoir vécu cette scène.

Moi  — On appelle ça une sensation de  déjà-vu.

Etonnamment, Katsuragi se trouvait au même endroit que la dernière fois. La seule différence était que Yahiko se tenait à côté de lui. Étant donné qu’il n’y avait aucune connaissance dans les alentours, je décidai de me rapprocher d’eux pour les interpeller.

Moi — Pourquoi toute cette foule ?

Katsuragi — Ah. Il semblerait qu’une lettre ait été placée dans la boite aux lettres de tout le monde. C’est la deuxième fois que cela se produit.

Kasturagi marmonna cela en croisant les bras d’un air mécontent.

Yahiko — Tu n’as pas reçu de lettre Ayanokôji ?

Yahiko me pressa d’aller regarder, par conséquent je hochai légèrement la tête.

Moi — Je vais vérifier pour en avoir le cœur net.

J’allais vers ma boite aux lettres, tapai mon code et regardai à l’intérieur. Je vis un papier plié en quatre, exactement comme ce fut le cas pour la première fois. Si c’était exactement le même type de message que la dernière fois, alors le message devait être imprimé et non écrit à la main. De ce fait, je pris mon temps pour ouvrir le papier.

Ichinose Honami est une criminelle !!

Cependant, cette fois le nom de l’expéditeur n’était pas mentionné. C’était tout ce qu’il y avait écrit. La police d’écriture était standard, rendant la lettre assez simple. Étant donné que ce n’était pas le genre de choses que l’on pouvait imprimer au cybercafé, l’auteur s’était surement servi de son imprimante personnelle. Cette seule phrase me remémora les rumeurs qui s’étaient tassées. En outre, la lettre alla un peu plus loin en utilisant le terme de “criminelle”. Cela dit, il n’était indiqué nulle part ce qui méritait cette appellation…

Katsuragi —  Ichinose sera surprise…

Yahiko — Mais si c’est fait de façon si directe, l’expéditeur ne va pas s’attirer de gros ennuis ? Ce n’est pas tolérable de faire quelque chose de si malveillant, en public qui plus est.

Yahiko demanda à Katsuragi si la lettre n’était pas une erreur de calcul de l’expéditeur.

Katsuragi — Effectivement, la situation est légèrement différente de la dernière fois vu qu’il y avait des faits et que le lycée était même partie jusqu’à faire une annonce publique pour innocenter Ichinose. Là on est dans de la diffamation pure. Si elle se plaignait à l’administration, il serait possible que l’on retrouve la trace de l’expéditeur.

Yahiko — Alors celui qui a fait ça est débile !

Katsuragi — Non, je ne pense pas vraiment.

Yahiko — Tu crois ?

Katsuragi — Le fait qu’Ichinose aille se plaindre à l’administration… Il est impossible que l’auteur de la lettre n’y ait pas pensé.

Yahiko — Huh… Serait-il possible que… Tu connaisses la personne qui répande ces rumeurs ?

Katsuragi — Ce ne sont que des suppositions.

Bien que Sakayanagi m’avait donné un avant-gout de ses plans, elle avait délibérément nié son implication dans ces rumeurs. Il était ainsi possible que Hashimoto ait agi de son plein gré, ou sous les ordres d’un senpai. Il était également possible que la source des rumeurs provienne d’une autre personne. Cependant, Katsuragi venait de dire qu’il avait sa petite idée. Par conséquent, Sakayanagi était le suspect numéro 1

Katsuragi — Seule Ichinose peut faire appel à l’administration. Tout est entre ses mains.

C’est comme si l’auteur de la lettre était convaincu qu’Ichinose allait rester dans le silence. En effet, si Ichinose ne portait pas plainte, le lycée n’allait pas entrer en jeu. Et c’est sur cette pensée qu’Ichinose faisait enfin son entrée dans le hall. Des camarades de classe avaient dû la prévenir. Une amie lui donna aussitôt la lettre qu’elle lut aussitôt. Katsuragi etmoi, ainsi qu’une dizaine d’élèves restèrent là, à l’observer.

Ichinose — …

Ichinose resta silencieuse. Elle ne fit que fixer la lettre.La phrase marquée sur la lettre ne prenait pas plus de cinq secondes à lire, mais elle passa une dizaine de secondes à lire cette unique phrase encore et encore

Ichinose — Y’en a dans plusieurs boites aux lettres ?

 Amikura —  Oui… C’est horrible n’est-ce pas ? Il y en a probablement une dans la boite aux lettres de chaque élève de seconde.

Une élève de la classe B, Mako Amikura se rapprocha et prit Ichinose dans ses bras.

Amikura — Hey, tu n’as pas besoin de supporter ça plus longtemps. Pourquoi ne pas aller en parler aux professeurs ? On ne peut pas fermer les yeux sur ça, c’est allé trop loin.

— C’est vrai ! Si on en parle aux profs, ils trouveront à coup sûr le coupable !

Jusqu’à présent les rumeurs étaient invisibles, se cantonnant à de simples commérages. Cependant cette fois, c’était différent. Il y avait maintenant une preuve tangible. C’était la preuve que quelqu’un s’attaquait malicieusement à Ichinose.

Ichinose — Ça va aller. C’est trois fois rien, ce n’est pas ce genre de choses qui va m’affecter.

Amikura — T-tu dois aller en parler ! Si tu ne le fais pas, ces horribles rumeurs te concernant vont se répandre partout !

Il n’était pas étonnant de voir ses camarades essayer désespérément de la convaincre d’aller en parler. Même si en supposant que neuf personnes sur dix ne croyaient pas à ces rumeurs, cela restait problématique si une seule personne y croyait tout de même. L’image d’Ichinose Honami se détériorerait progressivement. Elle était capable de garder le silence, mais ses camarades ne voyaient pas les choses comme ça. Ils voulaient tous l’aider et prouver son innocence afin de punir le responsable. Cependant, cela mettait Ichinose dos au mur.

Ichinose — Je suis désolé tout le monde, vous continuez de vous inquiéter pour moi. Mais s’il vous plait, ne vous en faites pas pour moi.

Avec ces mots, elle sourit aux filles de la classe B.  Ces lettres avaient sans aucun doute été glissées lorsque tout le monde dormait.

Étant donné que peu de personnes vérifiaient leur boite aux lettres le matin, la chose fut découverte  après la fin des cours. Pendant ce temps, une fille qui se tenait à l’écart, regardait la réaction des élèves de la classe B. Katsuragi la fixait d’un regard aiguisé. C’était une élève de la classe A, Kamuro Masumi. Elle était souvent vue avec Sakayanagi, mais aujourd’hui, elle était seule.

Yahiko — Quelque chose ne va pas avec Kamuro ?

Katsuragi — Non… ce n’est rien

Katsuragi ne donna pas de réponse claire. Il jeta la lettre dans la poubelle puis appela l’ascenseur et rentra avec Yahiko. Katsuragi conserva son air sévère jusqu’à la fermeture des portes. Voyant l’ascenseur monter, je décidai de rentrer chez moi également.

1

Ma chambre se trouvait au quatrième étage, porte 401. Au moment où j’entrai dans l’ascenseur, Kamuro pointa le bout de son nez.

Moi —  Quel étage ?

Je lui posai cette question au moment où j’allais choisir l’étage, elle ne répondit pas, par conséquent les portes de l’ascenseur se fermèrent en silence. Nous arrivâmes au 4e étage dans une ambiance de mort. Lorsque je sortis de l’ascenseur, Kamuro fit de même comme si elle me suivait. Ce ne pouvait être une simple coïncidence, car l’excuse d’aller voir un garçon n’était pas crédible. Aussitôt que j’arrivai devant la porte de ma chambre qui était près de l’ascenseur, je me retournai et lui demandai :

Moi — Je peux t’aider ?

Kamuro — Je veux te parler.

Moi — J’aurais tout de même préféré que tu me le dises un peu plus tôt au lieu de me suivre.

Kamuro —  Et pourquoi ? Tu as des choses à faire ?

Moi — Non pas vraiment, ça te dérange d’en parler ici ?

Kamuro — Je suis assez frileuse tu vois. Donc on va parler chez toi.

Cela ressemblait plus à menace qu’à une demande.

Moi — D’accord…

Je déverrouillai la porte et nous rentrâmes dans la chambre. L’expression de Kamuro ne changeait pas, elle avait l’air figée. Elle observa ma chambre avec un regard sérieux.

Kamuro — Quelle chambre monotone.

Moi — C’est vraiment le premier truc que t’as à dire après t’être imposée dans mon espace ?

Kamuro — Quand est-ce que je me suis imposée ? t’ai-je forcé pour rentrer ? Tu m’as donné la permission, c’est tout.

Après avoir dit cela, Kamuro s’assit sur mon lit.

Moi — Permission, permission c’est vite dit, enfin bref, parle.

Kamuro — Donne-moi quelque chose à boire, ça va durer.

Elle était vraiment malpolie.

Moi — Alors j’ai du thé ou bien du café.

Kamuro — Tu n’aurais pas du chocolat chaud plutôt ?

Moi — …Oui j’en ai aussi.

Kamuro — Je vais prendre ça alors.

Je lui avais délibérément proposé deux choix, mais elle en choisit un troisième.

Moi — De quoi voulais-tu me parler ? S’il faisait trop froid dans le couloir, nous aurions pu parler dans le hall.

Étant donné que le hall était chauffé, nous aurions pu parler là-bas sans soucis. Pendant que je préparai le chocolat chaud, je guidai la conversation.

Kamuro — Il n’y aura personne pour nous déranger ici. Ta chambre était le meilleur endroit pour cela.

Moi — Que veux-tu dire par là ?

Pour être franc, je n’étais absolument pas intéressé et je ne voulais pas savoir.

Kamuro — Est-ce ma présence qui te met mal à l’aise ?

Moi — C’est le contraire qui serait étrange. Une fille que je ne connais ni * ni d’Ève ni d’Adam, qui plus est une rivale de la classe A, s’invite dans ma chambre.

Kamuro — Hmm, ta réaction n’a rien à voir avec celle de Yamauchi.

Elle répondit en me regardant droit dans les yeux comme si elle s’attendait à ce que je fasse quelque chose.

Kamuro — Tu veux en savoir plus n’est-ce pas ?

Moi — Absolument pas.

Kamuro — Ah bon ? Très bien, je ne parlerais pas de ça. De toute façon ça n’a aucune importance.

Il était possible que notre conversation soit écoutée en temps réel avec son portable ou bien qu’elle enregistrait notre discussion, mais vu que Kamuro jouissait d’une position spéciale, Sakayanagi sachant déjà qui j’étais, il était inutile pour elle d’essayer de me la faire à l’envers. Sakayanagi pouvait me déclarer la guerre à tout moment et si elle ne le faisait pas jusque-là c’était pour ne pas que je sorte du lot.

Kamuro — Tu penses quoi du contenu de cette lettre ?

Moi — Comment ça ?

Kamuro — Exactement ce que j’ai dit. Est-ce que tu penses que c’est une criminelle ?

Moi — Je ne sais pas et ça ne m’intéresse pas vraiment.

Kamuro — Même si tu t’en fiches, tu as quand même un avis sur la question non ? A ton avis, Ichinose est une bonne ou une mauvaise personne ?

Moi — On ne peut pas décréter qu’une personne est mauvaise parce que c’est une criminelle. De la même façon qu’on ne peut pas qualifier une personne de “bonne” parce qu’elle n’est pas une criminelle.

Pour commencer, la notion de bien et de mal était déjà ambiguë et très subjective. Ce qui était considéré comme bon ou mauvais pouvait changer rapidement.

Kamuro — …

Kamuro me fixa sans dire un mot. Elle n’avait pas l’intention de me laisser guider la conversation dans cette direction, car c’était un peu plus philosophique. À ce stade, il n’y avait aucun intérêt à éviter la conversation.

Moi — A mon avis, les lettres ne sont que des rumeurs répandues par quelqu’un, quelque part.

Kamuro — Effectivement. J’ai entendu dire que quelqu’un répand des rumeurs.

Moi  — Ce n’est qu’une hypothèse, mais je pense qu’il y a une part de vérité dans cette rumeur ce qui explique pourquoi Ichinose n’essaie pas de démentir. Si elle avait nié les faits, la vérité lui aurait éclaté à la figure.

Kamuro — Sa stratégie serait donc d’ignorer les rumeurs afin que cela ne reste que des suspicions.

Moi — Oui, mais ça ne résout pas le problème. Si la personne qui répand les rumeurs connait la vérité, les rumeurs deviendront de plus en plus précises jusqu’à ce qu’Ichinose soit forcée de révéler la vérité. Il est très probable que lorsque ça arrivera, elle ne pourra pas garder le silence.

L’eau commençait à bouillir alors je la versai dans une tasse  Je posai ensuite son chocolat chaud sur la table. Kamura l’ignora.

Moi — Tu ne vas pas boire ?

Kamuro — Je supporte mal les boissons trop chaudes.

Je doutais de la véracité de ces propos.

Moi —  Elle est donc la cible de rumeurs par un autre élève qui connait véritablement son secret. Un secret qu’Ichinose aurait aimé garder enfoui.

Kamuro — Comment se fait-il que tu sois au courant ?

Moi — Tu dois savoir pourquoi. Sakayanagi l’a dit devant toi après tout.

Kamuro — C’est vrai, je m’en souviens.

Cependant, Kamuro elle-même n’avait aucune raison valable de me révéler cela. Était-ce une partie du plan de Sakayanagi ?

Kamuro — Enfin bref, Sakayanagi ignore que je suis avec toi en ce moment. Elle serait surement furieuse si elle l’apprenait.

Moi — Est-ce que ça sous-entend que tu t’opposes à Sakayanagi ?

Kamuro — C’est une façon de voir les choses.

Moi — Désolé mais je n’y crois pas.

Kamuro — Logique. Alors je vais te révéler son secret. De toute manière, demain ou après-demain, tout le monde sera au courant.

Rien ne garantissait qu’elle allait me dire la vérité.

Kamuro — Mais avant, je dois te révéler pourquoi j’obéis au doigt et à l’œil à Sakayanagi.

Moi — Ton secret à toi ?

Kamuro — Je sais que tu t’en fiches, mais tu vas quand même m’écouter.

Intéressé ou non, cela n’avait aucune importance, j’étais obligé de l’écouter au risque de ne l’avoir jamais sortir de ma chambre.

2(Kamuro)

C’était environ une semaine après la cérémonie de la rentrée… Sakayanagi était entré en contact avec moi. Sur le chemin de retour, en direction du dortoir, je m’arrêtai à l’épicerie. Je finis de faire mes affaires et je partis

Sakayanagi — Un moment s’il te plait.

Sur le chemin entre l’épicerie et le dortoir, une de mes camarades m’interpella.

Moi — Qu’est-ce que tu veux ?

Sakayanagi — Ça ne fait pas très longtemps que les cours ont commencé et j’ai pensé faire un peu connaissance avec toi Kamuro-san.

Moi — Tu te souviens de mon nom.

Sakayanagi — J’ai mémorisé le visage et le nom de tous mes camarades.

Cela dit, cette fille marchait très lentement. La canne était une preuve du dysfonctionnement de ses jambes. Je m’étais souvenu de son nom. Arisu Sakayanagi, car à cause de son handicap, elle se démarquait. Bien que je n’avais nullement l’intention de me souvenir du nom de mes camarades, le sien avait réussi à rester dans ma tête pour je ne sais quelle raison.

Sakayanagi — Puis-je te tenir compagnie sur le chemin du retour ?

En temps normal j’aurais refusé. Cependant, bien que ce ne fût pas directement à cause de ses jambes, l’ambiance rendait complexe un refus.

Kamuro — Allons-y.

Sakayanagi — Je te remercie.

Elle me fit un sourire plaisant et accéléra afin de se caler à mon rythme.

Kamuro — Je n’irai pas t’aider si tu tombes.

Sakayanagi — Ne t’en fais pas, cette canne est ma vieille amie.

Cela dit, elle ne marchait pas très vite.

Kamuro —  Haa…

Bien que je laissai délibérément échapper un long soupir, Sakayanagi n’y porta pas intention. Son corps était frêle, mais son cœur était celui d’un lion.

Sakayanagi — D’ailleurs, que faisais-tu à l’épicerie ?

Kamuro — Hein ?

Sakayanagi — D’après ce que je vois, tu n’as rien acheté.

Kamuro — Et alors ? Je n’ai pas trouvé ce que je cherchais.

J’essayai d’avorter la conversation ici, mais Sakayanagi m’attrapa le bras.

Sakayanagi — Tu as commis un vol, n’est-ce pas ?

Sakayanagi eut un regard perçant. Ses yeux étaient étincelants comme si elle avait trouvé un nouveau jouet amusant.

Sakayanagi — Je suppose que tu as fait un petit repérage pour déterminer la position des caméras. C’est ton premier vol ici ou tu n’es pas à ton premier coup d’essai ?

Kamuro — Tu as des preuves ?

Sakayanagi — À mon grand désarroi, il semblerait que tu ne me prennes pas au sérieux, pourtant je suis sûre de moi sinon je ne serais pas venue vers toi.

Kamuro — Tu as raison.

Sakayanagi m’avait donc approchée parce qu’elle m’avait pris en flag.

Kamuro — Quand bien même c’est le cas, tu vas aller me dénoncer ?

Sakayanagi — Voyons. Bien qu’il soit facile d’aller rapporter cela aux autorités compétentes du lycée,  j’aimerais que nous discutions avant.

Kamuro — hein ?

Ignorant ma confusion, Sakayanagi continua la conversation.

Sakayanagi — Ton exécution était brillante. Ce qui m’a le plus étonnée était le fait que tu aies gardé ton assurance. En temps normal, les voleurs essaieraient d’acheter de petites bricoles pour ne pas paraître suspect. Cependant tu n’en as eu nullement le besoin. Cela prouve que c’est une seconde nature chez toi.

Sakayanagi avait marqué en plein dans le mille. Après m’avoir vue en action une seule fois, elle avait pu déterminer que je le faisais depuis longtemps déjà. Mais cela n’avait aucune importance, je n’avais pas l’intention de faire durer ce petit jeu plus longtemps. Peu importe à quel point, mon exécution était bonne, ça ne faisait pas disparaitre le fait qu’elle m’avait observée.

Kamuro — Fait ce que tu veux. Je m’en fiche.

Je pris mon sac et la canette de bière que j’avais volée. Les individus qui avaient moins de 20 ans n’étaient pas autorisés à en acheter. C’était seulement vendu aux professeurs ou au personnel qui vivait sur le campus.

Kamuro — Qu’est-ce que t’attends pour contacter l’école ?

Même après avoir dit cela, Sakayanagi me demanda quelque chose qui n’avait rien à voir.

Sakayanagi — Est-ce que tu bois souvent ?

Kamuro — Hah ? …. Non. L’alcool ne m’intéresse pas vraiment.

Sakayanagi — En d’autres termes, tu ne voles pas pour décompresser ou te faciliter l’accès à des produits, mais juste pour le plaisir de voler. Que dis-je, juste pour le plaisir de fauter même. Tu es dans la pure recherche du pêcher.

 Elle analysa la situation arbitrairement.

Kamuro — Je vois, tu es en mesure d’analyser calmement la situation. Et si tu allais me dénoncer ?

Sakayanagi — C’est vraiment ce que tu veux ? Tu sais que risque l’expulsion.

Kamuro — Et donc ?

Sakayanagi — Cela fait une semaine depuis la rentrée. Il y a encore des choses à vivres agréables comme désagréables, ce serait bien dommage.

Kamuro — Alors j’irai moi-même me dénoncer.

J’essayai de prendre mon téléphone, mais elle m’arrêta.

Sakayanagi — Je pense que je t’apprécie bien Kamuro-san. Tu es ma première amie.

Après avoir dit cela, elle me somma de ranger mon téléphone.

Kamuro — Qu’est-ce que tu me racontes ?

Sakayanagi — Je vais garder ton secret, mais en retour s’il te plait, aide moi avec certaines choses.

Kamuro — Ce n’est pas ce que j’appelle une amie.

Sakayanagi — Ah bon ?

Kamuro — Tu crois vraiment que je vais t’écouter sans broncher ?

Sakayanagi — En effet, tu te fiches peut-être de ton sort, mais ce fait sera inscrit sur ton dossier. Si on expose tes penchants, tu ne pourras plus voler à l’avenir comme tu le veux à l’avenir.

Kamuro — T’es en train de me dire que tu es prête à ne pas me dénoncer et que je pourrais continuer à voler comme je l’entends ?

Sakayanagi — Tu es libre de faire ce que tu veux effectivement. Je ne m’en soucierai pas. Et même si je te disais que c’était moralement inacceptable, changerais-tu d’avis pour autant ?

Kamuro —  Non…

Sakayanagi — Mais tu sais, suivre mes instructions sera tout sauf ennuyeux. Cette place dans ton cœur qui ne peut être comblé que par le vol à l’étalage, j’arriverai à la combler avec autre chose…Oui, très probablement même…

C’était ma première rencontre avec Arisu Sakayanagi.

3

Kamuro — Ah, que c’est fatigant. Ça faisait un bail que je ne m’étais pas assise en parlant autant.

Après avoir fini son histoire, Kamuro me regarda avec le même regard sérieux qu’elle avait au début.

Kamuro — En bref, je vole de manière récurrente.

Moi — Même récemment ?

Kamuro — Sakayanagi m’a fait pas mal bosser ces derniers temps. Je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de le faire.

Même si ce n’était pas ce qu’elle voulait, elle n’avait pas l’air d’être mécontente. Avant Sakayanagi, personne ne comptait sur elle. Elle gardait une part d’ombre dans son cœur. Cependant, il était essentiel pour Sakayanagi de garder Kamuro dans une position ou il lui serait difficile de voler c’est pour ça qu’elle avait pris  l’avantage sur elle. Si Kamuro continuait ses vols, tôt ou tard, on serait remonté à la source, car dans un petit campus, les problèmes d’inventaire se remarquaient très vite. La classe A aurait subi un violent revers.

Moi — Durant le camp, Sakayanagi avait dit que toi et Ichinose partagiez le même secret.

Si Kamuro disait vrai, Ichinose avait dû être une habituée du vol à l’étalage.

Kamuro — C’est exactement là où je voulais en venir.

Moi — Que cherches-tu en me racontant ça ?

L’idée qu’on fouille dans le passé d’Ichinose lui faisait mal en quelque sorte.

Kamuro — Je n’aime pas particulièrement Sakayanagi ou Ichinose. Mais, pour être honnête après avoir appris que c’était une voleuse, ça m’avait fait un sacré choc. Elle est super populaire, elle a tout pour elle, comme moi d’ailleurs tu me diras…

Kamuro se mit à rire et fit preuve d’autodérision

Kamuro — Arrêter Sakayanagi, toi tu peux le faire n’est-ce pas ?

Moi — Donc tu veux que j’aide Ichinose ?

Kamuro — Oui. Si ça continue comme ça Ichinose va finir brisée. Je ne parle pas de son corps, mais plutôt de son cœur.

Moi — Je vois.

Il m’était difficile d’évaluer la véracité des propos de Kamuro tout comme il était compliqué pour elle de prouver ses dires. Même si l’épicerie remarquait une différence entre le stock digital et physique, il était toujours complexe d’en déterminer la cause. En effet, ça pouvait être aussi une erreur humaine. Lorsqu’elle avait commencé à voler dans ce campus, elle n’avait jamais pris le même article plusieurs fois.

Il était aussi impossible de demander à l’épicerie de me montrer les caméras de surveillance pour avoir la preuve qu’elle volait.  La seule chose que je pouvais faire était de rapporter un potentiel méfait pour avoir accès aux caméras. Mais ça pouvait se retourner contre moi. Et puis même si elle disait la vérité, je n’avais pas envie pour autant de jouer le jeu.

Il était possible qu’elle ne porte pas Sakayanagi dans son cœur, mais je ne voyais pas son intérêt à s’opposer à elle en allant demander de l’aide à un parfait inconnu comme moi. Alors pourquoi faire tout ça ? En y pensant de façon rationnelle, c’était probablement un plan de Sakayanagi. Elle s’était probablement servie d’Ichinose comme un leurre afin de me confronter

Kamuro — Tu crois que je mens ?

Après une longue période de délibération, Kamuro brisa le silence.

Moi — Pour être franc je n’ai aucune garantie que ce que tu dis est vrai.

Bien entendu, j’étais presque sûr qu’elle disait vrai, mais le fait qu’elle soit proche de Sakayanagi était un facteur que je ne pouvais ignorer.

Kamuro —  Dans ce cas, tout ce qu’il me reste à faire est de te le prouver.

Moi — Tu en es capable ?

Kamuro — Probablement.

Après avoir dit cela, elle me donna sa carte d’étudiant.

Kamuro — Dans ce cas, reste ici et ne verrouille pas la porte.

Kamuro quitta la pièce. Non… Avait-elle vraiment l’intention de piquer quelque chose pour me prouver que c’était une voleuse ? Je regardai sa carte pendant un moment et environ 10 minutes après, Kamuro revint. Elle sortit quelque chose de ses habits.

Kamuro — Maintenant…

Il semblerait que je ne m’étais pas trompé.

Kamuro — Au début je pensais prendre un paquet de chewing-gum ou des petites bricoles du genre, mais une bière était bien plus crédible.

Si c’était quelque chose comme un paquet de chewing-gum que tout le monde pouvait acheter, il aurait été aisé de me duper en l’achetant en avance. Mais c’était une autre histoire s’il était question d’alcool. Même si elle empruntait la carte d’un autre élève, il lui aurait été impossible d’acheter de la bière. Qui plus est, il aurait été impensable qu’elle soit de mèche avec un employé ou un professeur. C’était clairement de la marchandise volée. L’avait-elle vraiment fait pour gagner ma confiance ?

Kamuro — Tu me crois maintenant ?

Après cela, Kamuro mit la bière de côté, mais je l’attrapai.

Moi — Juste au cas où, je vais m’assurer qu’elle est authentique, rien ne dit que c’est une réplique.

Kamuro — … Idiot. Tu crois vraiment que je pourrais faire quelque chose comme ça ?

Kamuro se montra réticente un instant, mais elle finit par me donner le produit. La canette était froide, comme si on venait de l’acheter. J’analysai lentement la surface du produit. C’était une canette authentique.

Kamuro — Si t’y tiens tant, je peux te la filer.

Moi — Non ça ira.

Je n’avais pas envie qu’on retrouve ça dans ma chambre. Kamuro reprit la bière et commença à jouer avec en la lançant dans les airs.

Kamuro — Enfin bref, tu me crois maintenant ?

Moi — Avec ça, il serait difficile de ne pas te croire.

Kamuro — Je suis contente de l’entendre.

Moi — Même s’il y a une chose qui me turlupine, pourquoi moi ?

Kamuro — Tu devrais savoir qu’il n’y a que sur toi que je peux compter.

Je pris le chocolat chaud que je lui avais préparé. Au point où on en était, j’étais sûr qu’elle ne le boirait pas vu qu’il était froid maintenant.

Moi — Je n’ai rien à y gagner.

Kamuro — C’est vrai.

Satisfaite, Kamuro se redressa.

Kamuro — Je regarderai le résultat.

Kamuro essaya de mettre fin à la conversation seule et se dirigea vers la porte.

Moi — Un instant.

Kamuro — Quoi ?

Moi — Tu as oublié ta carte d’étudiante.

Se rendant compte qu’elle l’avait complètement oublié, elle attrapa sa carte avec son autre main et s’en alla. Fermer les yeux sur la situation que traversait Ichinose était-elle la bonne décision ? Kamuro en tout cas avait pris des risques.

Moi — Dois-je m’impliquer ?

Je pense qu’il fallait profiter de la situation. Je pris ma carte d’étudiant et mon téléphone et partis en direction de l’épicerie. Sur le chemin, je reçus un appel du frère de Horikita. Et moi qui pensais que je pourrais souffler après avoir parlé à Kamuro, je m’étais trompé. Mais il n’était pas du genre à m’appeler pour des broutilles.

Horikita-senpai — Je dois te parler de certaines choses.

Sans me saluer, il entra directement dans le vif du sujet.

Moi — C’est urgent ?

Horikita-senpai — Il se pourrait même que ce soit trop tard. Ça concerne ma petite sœur.

Moi — Ça concerne ta petite sœur ?

C’était inattendu. Le grand frère de Horikita n’évoquait jamais sa sœur si la situation n’était pas extrême.

Horikita-senpai — Kikyô Kushida. Elle est entrée en contact avec Miyabi Nagumo.

Moi — Vraiment ?

J’étais autant impressionné par l’action de Kushida que par la vitesse du réseau d’information de Horikita Manabu.

Moi — Je pensais que tu étais entouré d’ennemis. Je dois dire que tu m’impressionnes pour avoir obtenu une telle info. Qui est la taupe ?

Horikita-senpai — Cette information provient de Kiriyama. C’est indéniable que ma relation avec Nagumo s’est détériorée lors du camp. C’est certain qu’il prépare quelque chose. Je dois entrer en action.

Le vice-président Kiriyama ? Pendant que je réfléchissais en silence, il continua.

Horikita-senpai — Tu ne lui fait pas totalement confiance ?

Moi — Ce n’est pas vraiment contre lui, mais je ne le connais pas aussi bien que toi.

Horikita-senpai — Mieux vaut être prudent en effet.

En tant qu’ex président du Conseil, il faisait toujours un minimum confiance aux gens jusqu’à ce qu’il y ait des suspicions ou des trahisons claires. J’avoue que je ne pouvais pas être comme ça.

Moi — Que s’est-il passé ?

Horikita-senpai — Elle lui a demandé de l’aide pour faire expulser ma sœur, Suzune Horikita. C’est très audacieux de sa part.

Moi — Je me demande ce qu’il s’est passé afin qu’elle change de stratégie.

Kushida avait donné sa parole pourtant, mais elle n’avait pas du tout l’intention de respecter sa promesse. De la même façon qu’elle avait utilisé Ryuuen pour parvenir à ses fins, elle s’était approchée de Nagumo. Vu le personnage qu’est Nagumo, c’était cohérent. Bien entendu, Kushida aurait également dû s’en rendre compte. Même si elle avait réussi à acculer Horikita, elle aussi était au pied du mur. Mais elle devait penser que la fin justifiait les moyens. Pour être franc, elle s’était jetée dans la gueule du loup en s’alliant à Ryuuen. Mais avec Nagumo, c’était une autre histoire vu que c’était un ainé et après qu’il soit diplômé, elle passerait une année sans risque que son secret ne fuite. Mais à condition que Nagumo soit quelqu’un de fiable et qu’il ne révèle son secret à personne.

Horikita-senpai —Nagumo et ses sbires vont agir contre Suzune.

Moi —  Qu’attends-tu de moi ? Tu ne me demandes pas de protéger ta petite sœur quand même ?

Horikita-senpai — Si Suzune quittait l’école de son plein gré ce serait sa décision et sa responsabilité. Cependant Kushida t’a aussi mentionné comme nuisible.

Moi — Je vois…

Je n’étais pas encore dans le collimateur de Nagumo, mais si mon nom parvient à ses oreilles cela  lui donnerait des indices. En d’autres termes, je me devais d’éliminer la menace tout de suite avant qu’elle n’en dise trop.

Moi — Quelle est la probabilité pour que Nagumo et Hahsimoto soient de mèche ?

Horikita-senpai — Pourquoi cette question ?

Moi — J’ai remarqué un léger changement dans le comportement de Hashimoto depuis la fin du camp. Je n’en avais pas la certitude, mais après l’avoir rencontré récemment, je me suis rendu compte que quelque chose clochait bien. Hashimoto m’espionne clairement.

Le nombre de personnes qui pouvaient vendre la mèche à Hashimoto était limité.

Horikita-senpai — Tu as vu juste, durant le camp, Nagumo a parlé de toi à Hashimoto. Cependant Hashimoto n’est toujours pas arrivé à la conclusion que c’est toi qui tires les ficelles derrière Suzune.

Moi — Je vois.

C’était bien ce que je pensais. Sakayanagi n’était pas derrière.

Horikita-senpai — Je sais que cela ne sert à rien de demander, mais… Es-tu mécontent ?

Moi — Non. Cela ne change rien à la situation.

Horikita-senpai — Je suppose.

Ça n’avait aucune importance si l’un des sbires de Sakayanagi faisait cavalier seul. Tant que je ne faisais rien, j’étais en sécurité. Et puis Sakayanagi n’avait qu’à l’ordonner d’arrêter de creuser pour qu’il cesse son enquête à mon sujet. Mais le problème Nagumo, comme l’était Ryuuen, allait être plus complexe. Il serait inapproprié de ne pas me mettre en mouvement.

Horikita-senpai — J’ai accompli mon devoir  en te transmettant ces informations. Maintenant, la balle est dans ton camp.

Moi — Merci.

L’appel prit fin.

Dans cet établissement, l’information a beaucoup de valeur. Chaque jour quelqu’un essaie d’échafauder des plans pour avoir un avantage. En ce sens, l’ainé Horikita était une de mes sources utiles d’information. Son réseau n’était peut-être pas aussi large  et rapide que celui de Nagumo, mais sa précision et sa crédibilité étaient bien plus importantes.

En tout cas, il y avait des étincelles qui commençaient à scintiller un peu partout. Il fallait que je les fasse disparaître avant que le feu ne prenne.

Pour cela, j’allais devoir agir en premier.

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