CLASSROOM V10 : CHAPITRE 2


Le vote de classe

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Traduction : Nova
Correction : Raitei
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Mardi 2 mars. Cours du matin. Comme chaque jour, Chabashira franchit la porte peu après que la cloche ait sonné.

La classe était emplie d’une atmosphère de détente. Après tout, il avait été annoncé hier que nous avions tous réussi l’examen de fin d’année sans problème. Il restait encore quelques jours avant le début de l’examen spécial de fin d’année pour les seconde, le 8 mars, il n’était donc pas surprenant qu’il n’y ait pas un soupçon de stress dans la salle.

Cependant, l’expression de Chabashira, debout sur l’estrade, était plus sinistre que d’habitude. Elle dégageait quelque chose de tendu.

Hirata — Excusez-moi. Il s’est passé quelque chose ?

Hirata, tel le gardien de la stabilité de la classe, prit l’initiative de prendre la parole. Mais Chabashira ne répondit pas tout de suite, choisissant plutôt de garder le silence. Comme si elle avait peur de dire quoi que ce soit.

Jusqu’à présent, quelle que soit la gravité de la situation, elle nous disait les choses sans pitié. Il n’avait donc pas fallu longtemps pour que la classe se rende compte que cette situation était anormale.

Mlle. Chabashira — …Il y a quelque chose que je dois vous dire à tous.

Elle hésitait beaucoup. Son expression était toujours aussi sévère, mais le son de sa voix lui donnait l’impression de lutter.

Mlle. Chabashira — …Comme je vous l’ai dit hier, le dernier examen spécial pour les seconde commencera le 8 mars. Après cet examen, vous passerez en première , conformément au règlement de notre école.

Chabashira se retourna, prit un morceau de craie et s’approcha du tableau noir.

Mlle. Chabashira — Cette année, cependant, la situation est légèrement différente des années précédentes.

Hirata —Différente… Comment ça ?

Hirata demanda des précisions, pressentant un danger imminent. 

Mlle. Chabashira Pas un seul élève de votre classe n’a abandonné cette année, même après l’examen de fin d’année. Arriver à ce point sans un seul abandon n’a jamais eu lieu auparavant dans l’histoire de l’établissement.

Ike — Nous sommes plutôt géniaux vus comme ça, n’est-ce pas ?

Je me disais que nous ne devions pas trop nous emballer, mais Ike y alla de sa petite réflexion.  La Chabashira habituelle l’aurait probablement rappelé à l’ordre, or cette fois…

Mlle. Chabashira — C’est vrai, et l’école le pense aussi. Normalement, ce serait quelque chose à fêter. Même nous, en tant que professeurs, espérons voir le plus grand nombre possible d’élèves obtenir leur diplôme. Cependant, il faut dire que plusieurs problèmes surgissent lorsque les choses ne se passent pas comme nous l’attendons.

La façon dont elle parlait était étrange. Hirata et Horikita semblaient également  être perturbés par rapport à son choix de mots.

Horikita — C’est comme si vous étiez déçue que personne n’ait encore abandonné.

Mlle. Chabashira — Ce n’est pas ça. Mais, parfois, il y a des situations qui dépassent nos attentes.

Même si elle disait quelque chose dont elle devrait être heureuse, les paroles de Chabashira étaient lourdes.

Afin de dissiper cette lourdeur, Horikita poursuivit.

Horikita — Quel est donc votre problème alors ?

« Votre » était de trop puisque Chabashira n’était pas celle qui posait les règles. Elle était juste l’employée qui nous relayait les consignes.

Mlle. Chabashira — Étant donné qu’il n’y a pas eu d’expulsions parmi les seconde, l’école…

Chabashira s’arrêta un instant, puis, enfin, fit sortir les mots qui étaient restés coincés dans sa gorge.

Mlle. Chabashira — …a décidé que, compte tenu des circonstances très favorables, vous serez soumis à un examen spécial complémentaire à partir d’aujourd’hui.

Elle avait noté la date du jour, « Mardi 2 mars », ainsi que les mots « Examen spécial complémentaire » au tableau.

Ike — Eeeh !? Qu’est-ce que c’est que ça ? Un autre examen spécial ! ? C’est tellement injuste ! L’école se comporte comme des petits enfants gâtés juste parce qu’aucun de nous n’a abandonné !?

Chabashira passa simplement sous silence les plaintes d’Ike. Ce n’est pas comme si les élèves avaient le choix. Non, en fait même elle n’avait pas le choix. Chabashira avait l’air moins calme que d’habitude. Elle ne semblait pas vouloir nous effrayer, il était donc fort probable que l’école ait pris cette décision à la hâte. Cela semblait un peu différent de ce que nous avions fait jusqu’à présent…

Horikita marmonna doucement, ayant réalisé qu’il ne servait à rien de lutter contre elle pour le moment. Seuls les élèves qui réussissaient à passer cet examen spécial complémentaire pourraient se présenter à l’examen spécial du 8 mars. Après avoir donné une petite explication, Chabashira s’arrêta un moment.

— J’ai pas signé pour ça ! J’y crois pas !

Mlle. Chabashira — Votre mécontentement est tout à fait justifié. Après tout, l’école a mis en place un examen spécial sans aucun préavis. Bien qu’il ne s’agisse que d’un examen de plus que les années précédentes, il sera toujours inévitablement un fardeau pour les élèves. C’est une vérité que moi et les autres enseignants admettons.

Une vérité que d’autres enseignants admettent ? En d’autres termes, même si les enseignants ont pris la chose au sérieux, l’école elle-même ne l’avait pas fait. La façon dont elle l’avait formulé permit d’arriver à ce genre de conclusion.

L’accumulation d’examens spéciaux supplémentaires était bien entendu un poids.  Par exemple, s’il s’agit d’un examen écrit qui teste les capacités académiques, retour aux révisions.  Et quid d’une épreuve physique ? La pression était palpable dans tous les cas.

Même si plusieurs élèves exprimaient leur mécontentement, nous n’y pouvions rien. Chabashira reprit donc ses explications.

Mlle. Chabashira — Le contenu de l’examen spécial est extrêmement simple, et le taux d’abandon est assez faible, à moins de trois pour cent par classe.

Un taux d’abandon inférieur à trois pour cent ? En effet, c’est peu.  Mais peut-être que cet examen spécial complémentaire était différent des examens que nous avions eus jusqu’à présent. En effet, elle n’avait jamais évoqué le taux d’abandon scolaire jusqu’ici. Et je n’étais visiblement pas le seul à avoir tiqué dessus.

Lorsque je dirigeai brièvement mon regard vers la jeune fille assise à côté de moi, nos regards se croisèrent par hasard car elle me regardait déjà.

Horikita — Qu’est-ce qui se passe Ayanokôji-kun ?

Moi— Non. Rien.

Horikita — Si tu continues à me regarder sans rien dire, ça va juste me mettre mal à l’aise. Tu sais ?

Moi — …Ouais.

Je détournai le regard, décidant de regarder un peu par la fenêtre.

Dans une salle de classe aussi petite, je pouvais entendre tout ce qui se disait, peu importe où je regardais.

  1. Quel genre d’examen ce sera ? Que nous demandera-t-on ?

Mlle. Chabashira — Vous semblez être anxieux sur ce point en particulier, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Cet examen spécial complémentaire n’aura rien à voir avecles capacités scolaires ou physiques. Le moment venu, vous devrez faire quelque chose de si simple que tout le monde devrait pouvoir le faire, comme écrire votre propre nom sur le test. S’il n’y a finalement que 3% de chances d’abandonner l’école, c’est vraiment peu, n’êtes-vous pas d’accord ?

Pendant tout ce temps, elle tourna autour du pot pour éviter de toucher à la véritable nature du problème : le contenu de l’examen.

Hirata — Si c’est si simple que ça, qu’il y ait tout de même 3% ne me rassure pas vraiment.

Mlle. Chabashira — Je comprends, Hirata. Néanmoins, réduire ce pourcentage à zéro ne dépendra que de vous et de vos préparatifs en amont. C’est dans la poche suivant votre comportement.

Hirata  D’où vient ce taux d’abandon ? On dirait presque que c’est du hasard. Ne me dîtes pas que nous tirons au sort ?

Les chances que quelqu’un dans cette classe abandonne l’école n’étaient pas nulles, il fallait le dire. Bien que Chabashira ait sous-estimé le taux d’abandon scolaire, la charge qu’il faisait peser sur les élèved était plus importante que prévu. Hirata, le premier à le comprendre, insista davantage sur ce point.

Hirata  S’il vous plaît, dites-nous. Quel genre d’examen spécial allons-nous passer ?

Mlle. Chabashira — Le nom de l’examen spécial est « Sondage de classe ».

Hirata — Sondage… classe ?   

Chabashira inscrit le nom de l’examen spécial au tableau.

Mlle. Chabashira — Je vais maintenant vous expliquer les règles. Pendant les quatre prochains jours, vous serez évalués par vos camarades de classe. Puis, le samedi, vous choisirez les noms de trois élèves que vous jugerez dignes d’éloges et les noms de trois que vous jugerez dignes de critiques, par vote. C’est tout.

Cela signifie-t-il que nous allions nous évaluer tous les uns les autres ? En y réfléchissant objectivement, des élèves populaires comme Hirata et Kushida étaient avantagés, contrairement à d’autres, considérés comme plus faibles ou peu appréciés.  

Un signe que l’école était vraiment dans l’urgence était que l’école utilisait un samedi pour organiser cet examen en partie. Cependant, qu’en était-il des première et des terminale ?

Ike  Quoi ? C’est tout ?

Mlle. Chabashira — En effet. Je ne vous ai pas dit que c’était simple ?

Hirata  Dans ce cas, comment l’école détermine-t-elle le résultat de l’examen ?

Mlle. Chabashira — Je vais vous expliquer ça maintenant.

En resserrant sa prise sur la craie, Chabashira se mit à écrire sur le tableau une fois de plus.

Mlle. Chabashira — L’essence de cet examen spécial tient dans le nombre de votes positifs et négatifs que vous cumulerez samedi. L’élève  qui obtient le plus grand nombre de votes positifs recevra une récompense spéciale. Cette récompense spéciale ne sera pas constituée de points privés, mais de point d’un nouveau genre : les points de protection.

C’était un genre de point dont nous n’avions pas entendu parler jusqu’à présent. Bien sûr, cela attira l’attention de tout le monde.

Mlle. Chabashira — Les points de protection vous donnent le droit de passer outre une expulsion. Même si vous échouez à un test, tant que vous disposez d’un point de protection, vous pouvez l’utiliser pour annuler les questions qui vous ont fait défaut. Toutefois, ces points ne peuvent pas être transférés entre élèves.

Un vent de surprise s’empara de toute la classa, et c’était peu dire.

Mlle. Chabashira — Vous devriez tous être capables de comprendre à quel point ces points sont impressionnants. Ils sont en effet équivalents en valeur à vingt millions de points privés. Bien sûr, aux yeux d’un excellent élève qui n’a aucune raison de craindre l’expulsion, ils n’ont peut-être pas autant de valeur.

Vrai et faux. Personne n’était complètement à l’abri dans cette école. La récompense était bien trop extravagante. Non, elle était plus que ça… Ces points de protection avaient le potentiel d’être une arme scandaleusement dangereuse selon la manière dont ils allaient être utilisés.

Mais le corolaire d’une récompense si haute d’un côté allait être… une sanction d’autant plus importante pour nos trois derniers.

Hirata  Donc quelquechose de mal va arriver aux trois élèves les moins bien classés… ?

Mlle. Chabashira — Non. Cette fois, la sanction ne s’applique qu’à l’élève qui reçoit le plus de votes négatifs dans chaque classe. Les autres élèves ne seront pas pénalisés, non, peu importe le nombre de votes négatifs qu’ils reçoivent. Après tout, le thème de cet examen spécial est de choisir qui prendra la première place, puis de décider qui prendra la dernière.

Hirata  Quelle est la nature de la sanction ?

Mlle. Chabashira — Cette fois, l’examen spécial est différent de ceux que vous avez passés jusqu’à présent, avec un point en particulier très différent : Il est mené pour remédier au problème de l’absence d’abandons.

En effet. Le détail dont les élèves devraient vraiment s’inquiéter était la raison pour laquelle l’examen spécial complémentaire avait été mis en place, premièrement. Si cet examen était organisé parce qu’il n’y avait pas encore eu d’abandons…

Mlle. Chabashira — Cet examen spécial est exactement aussi facile que je vous l’avais dit. Même si vous n’avez ni les capacités académiques ni le talent physique, vous ne serez pas désavantagés. Mais alors, pourquoi l’école va-t-elle jusqu’à tu offrir la récompense spéciale que constituent les points de protection ? Probablement parce qu’il est impossible pour vous tous de passer en premiere sans laisser un de vos camarades de classe derrière.

Chabashira se retourna et regarda chacun de nous, un par un.

Mlle. Chabashira  Donc, l’élève le moins bien classé… sera expulsé de l’école.

Qui dit vote dit résultat.Qui dit résultat dit classement, donc première et dernière place. Dernière place voulait dire exclusion. Cela était inévitable. La vraie question allait plutôt être « qui » ? Voici le genre d’examen auquel nous étions confrontés.

L’école avait mis en place cet examen complémentaire justement parce qu’elle était contrariée que personne n’ait encore abandonné, après tout. Donc cet examen n’aurait eu aucun sens si on pouvait le contourner si facilement.

Pourtant, en repensant à  tout ça, le visage du père de Sakayanagi, le président de l’école, me revint en tête. Même s’il ne m’avait pas montré sa vraie nature lors de ma rencontre avec lui, il ne semblait pas être le type de personne à mettre en place quelque chose de si délirant.

Ike  Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, sensei… La personne en dernière place… vous dites sérieusement qu’elle va être expulsée ?

Mlle. Chabashira  C’est exact. À la guillotine ! Mais rassurez-vous, la classe elle-même ne sera pas pénalisée si quelqu’un abandonne cette fois.

Cette situation était clairement différente des examens spéciaux précédents. En effet, habituellement nous avions plus de chance d’être expulsés, mais toujours avec un moyen de nous en sortir. Mais, cette fois, un sacrifice était inévitable.

C’était précisément en raison de leur désir de forcer les expulsions qu’ils ont dû offrir quelque chose comme des points de protection en retour. Mais, même ainsi, les élèves trouvaient toujours la situation disproportionnée.

Mlle. Chabashira  Cela semble déraisonnable, n’est-ce pas ? C’est ce que je pense en tant que professeur. Mais, on ne peut rien y faire maintenant que l’école a pris sa décision. Vous n’avez d’autre choix que de respecter les règles et de passer l’examen spécial.

  1. Vraiment…?

Des nuages noirs planaient sur la classe alors que tout le monde venait de réussir l’examen de fin d’année. Ce week-end, un élève de cette classe allait disparaître.

Mlle. Chabashira  Comme il ne reste que peu de temps avant le jour du vote, je vais m’assurer que vous ayez toutes les informations en main. Le nombre total de votes positifs et négatifs pour chaque élève sera rendu public à la fin de l’examen. En d’autres termes, les résultats pour l’ensemble de la classe seront annoncés. Toutefois, les informations concernant les votants ne seront pas divulguées, car le vote sera effectué de manière anonyme.

Un examen comme celui-ci se devait nécessairement d’être anonyme, sinon je n’imaginais pas le carnage si les votes négatifs étaient rendus publics.

Mlle. Chabashira  Pour aller plus loin, un vote positif et un vote négatif s’annuleront. Disons, par exemple, que vous avez reçu des votes négatifs de dix personnes, et des votes positifs de trente personnes. Cela équivaudrait à un total de vingt votes positifs. En outre, aucun des deux votes ne peut être émis pour vous-même, et il est également interdit de voter plusieurs fois pour la même personne.

Hirata  Qu’en est-il de l’abstention… ? Aurons-nous le droit de nous abstenir d’utiliser nos votes de censure si nous le voulons ?

Mlle. Chabashira  Bien sûr que non. Vous devrez exprimer tous vos votes, quel que soit le type de vote. Même si vous êtes malade et à la maison le jour de l’examen, vous devrez quand même voter.

En gros, il n’était impossible pour aucun d’entre nous de laisser son bulletin de vote vide ou de s’abstenir totalement de voter.

Plusieurs élèves étaient visiblement troublés par cette situation. C’était notamment un examen très dangereux pour ceux qui avaient l’impression d’accumuler des votes de censure.

Ceux qui dépendaient entièrement des autres pour surmonter ces examens allaient également ressentir une pression considérable.

Hirata  …Attendez, il est trop tôt pour céder au désespoir.

Hirata prononça des paroles rassurantes, essayant de calmer Ike et les autres.

Horikita Sensei a dit plus tôt qu’il était probablement impossible pour tout le monde d’éviter l’expulsion. Cela signifie qu’il devrait y avoir une faille quelque part.

Lorsqu’elle nous expliquait les règles lors des examens précédents, il y avait toujours l’un ou l’autre sous-entendu glissé dans son discours qui nous mettait sur la voie. Mais qu’en était-il cette fois-ci ? Ce « probablement impossible » signifiait qu’il existait des méthodes que nous n’avions pas encore envisagées.

Horikita — Même si ce n’est pas facile, il existe un moyen d’éviter que l’un d’entre nous n’abandonne l’école.

Hirata — Que veux-tu dire, Horikita ?

Horikita  Si toute la classe s’unissait et choisissait trois personnes pour les votes positifs et trois personnes pour les votes négatifs, les six se retrouveraient avec un total de zéro voix. De cette façon, personne ne se retrouverait à la dernière place. N’est-ce pas ?

Sudou — Tss !! C’est ça ! Comme prévu de Suzune !

Ce n’était pas bête. À condition que tout le monde joue le jeu. Cependant, si une seule personne devenait un traître, les élèves qui avaient été trahis seraient poussés sur la voie de l’expulsion. Après tout, les points de protection allaient attirer toutes les convoitises. Et je ne parlais même pas des gens comme Kushida, qui détestait Horikita. Mais même si elle pouvait poser problème, il y avait toujours moyen de la contrôler, notamment en menaçant de dévoiler son vote. En bref, il y avait toujours un risque d’être exposé, donc trahir sa classe n’était pas chose aisée.

Mlle. Chabashira  Ce que Horikita vient d’évoquer à propos du contrôle des votes n’a aucun sens.

Ike  Pourquoi sensei ?

Mlle. Chabashira  Si personne n’est sélectionné à la première ou à la dernière place, l’examen spécial sera considéré comme un échec. Quelles que soient vos intentions, si le résultat du vote est un total net de zéro pour chaque élève de la classe, un autre vote sera organisé. En d’autres termes, l’examen se répétera à l’infini jusqu’à ce que vous  décidiez de renvoyer quelqu’un.

Ainsi donc cette issue de sortie était compromise.

Horikita — Cette règle n’est-elle pas étrange ? Si nous votions honnêtement et que nous nous retrouvions par hasard avec un total de zéro voix de chaque côté, les résultats seraient toujours les mêmes, même si nous tenions un autre vote. Si nous faisions ensuite déformer les résultats par la force, les élèves n’auraient pas l’impression d’avoir été choisis par une évaluation légitime.

Mlle. Chabashira  Horikita, ton raisonnement est correct. S’il devait arriver par hasard que le total net des votes soit de zéro pour tout le monde, un nouveau vote semble en effet contradictoire. Mais soyons sérieux, se retrouver avec un total net de zéro voix pour tout le monde dans un examen où  tout le monde vote est plutôt peu probable, n’est-ce pas ?

La réponse de Chabashira était plutôt rationnelle. Un total net de zéro vote pour tout le monde n’aurait quasi aucune chance de se produire sans que les gens n’aient voté intentionnellement en ce sens.

Horikita— …Alors, que se passe-t-il quand il y a égalité entre deux personnes au top et au bas du classement ? Là il y a une bonne chance pour que ça se produise, non ?

Mlle. Chabashira — Dans un cas comme dans l’autre, il y aura un vote pour départager. Cependant, même dans ce cas, le vote pourrait être à égalité une deuxième fois. Dans ce cas, la situation sera évaluée selon une méthode spéciale préparée par l’école. Je ne suis pas en mesure de donner plus de détails sur cette méthode pour l’instant.

Cela signifiait-t-il qu’elle ne nous le dirait que si cela se produisait réellement ? Mais les chances d’en arriver là étaient plutôt faibles.

Mlle. Chabashira — Mais là encore, cette possibilité est quasi nulle.

Horikita — Pourquoi ? Mon dernier scénario est plus que probable.

Mlle. Chabashira — Et bien, parce que vous recevrez également des votes positifs d’élèves des autres classes.

Horikita— Des autres classes ?

Mlle. Chabashira — En plus de votre vote dans votre classe, vous devrez tous choisir un élève que vou jugez digne d’éloges dans une autre classe et voter pour lui, à part. Naturellement, cela comptera comme un vote positif normal. En d’autres termes, si un élève est très mal aimé dans sa propre classe mais très populaire auprès des élèves des autres classes, il serait théoriquement possible pour cet élève de terminer avec un total d’environ quatre-vingts votes de louange, même après prise en compte des votes négatifs.

Qu’une seule et même personne reçoive 100 votes positifs avait peu de chances d’arriver. Enfin, compte tenu de ces dernières informations, il était donc assez évident qu’un second vote pour départager avait peu de chance d’arriver.

Avec cela, il semblait que nous avions assemblé chaque pièce du puzzle.

Examen complémentaire – Le vote de classe.

Contenu de l’examen : L’examen consiste en un vote où chaque élève de chaque classe doit attribuer trois votes positifs et trois votes négatifs.

Règle 1 :

Les votes positifs et négatifs s’annulent mutuellement.

(Votes positif) – (Votes négatifs) = Résultats.

Règle 2 :

On ne peut pas voter pour soi-même.

Règle 3 :

Il est interdit de voter plusieurs fois pour la même personne, de laisser une partie du bulletin de vote vide, de s’abstenir totalement de voter et d’autres actes de même nature

Règle 4 :

L’examen sera répété jusqu’à ce qu’un premier et un dernier soient déterminés. Le dernier élève sera expulsé.

Règle 5 :

Vous êtes tenus de voter en parallèle pour un élève d’une autre classe.

Tels étaient les détails de l’examen complémentaire.

Il ne faisait aucun doute que cet examen était extrêmement simple et direct. Mais, en même temps, il était clair qu’il était le plus cruel auquel nous ayons eu à faire face jusqu’à présent.

Ce week-end, un élève de chaque classe allait disparaître.

Cependant…

Hirata — Sensei. Pourquoi avez-vous dit que c’était probablement impossible ? Peu importe comment je le vois, je ne trouve aucune faille.

Mlle. Chabashira — C’est exact. Il n’y a pas de failles. Mais il est vrai aussi qu’il y a de la place pour l’incertitude. Vous y avez probablement tous déjà pensé, mais tout change lorsque vous utilisez des points privés.

Hirata — Vous dites que nous pouvons utiliser nos points privés pour éviter l’expulsion ?

Mlle. Chabashira — 20 millions. Si vous êtes capable de préparer autant de points, l’école n’aura pas d’autre choix que de révoquer votre expulsion.

C’était probablement sur ça que s’appuyait le « probablement » utilisé plus tôt.

Le fait qu’il n’y ait aucune restriction au transfert de points privés signifiait que les négociations qui en font usage allaient être tolérées. « Si vous pouvez obtenir des votes de louange avec de l’argent, alors obtenez-les ». C’est ce que l’école nous disait.

Ils ont également jugé que c’était une forme de force parmi d’autres, aux côtés des capacités montrées à tous au cours de l’année écoulée ou les relations nouées depuis le début de l’année.  Nous étions libres de nous attaquer à cet examen comme nous le voulions.

Ike — S’il vous plaît, attendez. Vingt millions de points, c’est un peu…

Mlle. Chabashira — C’est très cher, même en rassemblant tous les points privés de la classe C. Mais si vous avez collecté des points des autres classes ou reçu la charité des élèves de la classe supérieure, ce n’est pas impossible.

Ce serait certainement possible en théorie si nous allions au-delà de notre propre classe et de notre année scolaire. Mais arriverions-nous à rassembler autant ? Même pour les classes A et B cela était très difficile. Non, même si c’était le cas, il était douteux qu’ils les utilisent pour protéger un seul élève. Il serait très risqué pour eux de se débarrasser de tout ce qu’ils ont accumulé jusqu’à présent.

Mlle. Chabashira — C’est la seule façon de contourner les règles établies par l’école. Je vous le dis d’avance, toute autre tentative de contourner les règles de cet examen est absolument impossible. C’est à vous de juger et de décider du reste.

Chabashira termina son explication alors que l’heure toucha à sa fin. Dès qu’elle quitta la salle, la classe tomba dans la tourmente.

— Aaaaah. On fait quoi ?

— Bordel, c’est horrible !

  1. Vous êtes obligés de faire autant de bruit ?
  1. « Bruit » ? C’est quoi votre souci ? De toute façon vous allez voter pour nous, avouez !!!

Les garçons et les filles s’en prenaient les uns aux autres.

—  Comme c’est moche.

Un élève rit avec mépris, en surveillant le conflit entre les garçons et les filles.

L’extra-terrestre de la classe, Kôenji Rokusuke.

Kôenji — Inutile de paniquer, n’est-ce pas ?

Sudou — Et comment tu peux rester aussi calme là ? Surtout après tous les problèmes que t’as causés à la classe jusqu’ici ?

Sudou prit la parole pour interroger Kôenji. Jusqu’à présent, il avait causé pas mal de problèmes au sein de la classe grâce à son attitude fantaisiste.

Sudou — T’as fait le lâche pendant l’examen de l’île déserte et pendant le festival sportif.

Leur conversation commença à attirer les regards de toute la classe. À ce stade, les élèves les plus influençables cherchaient la personne qui deviendrait le sacrifice, tout cela pour éviter d’être expulsés de l’école.

Kôenji — C’est toi qui ne comprends pas, le rouquin.

Kôenji croisa les jambes et les étendit sur son bureau.


Kôenji — Il semble que tu aies l’impression que tout ce que tu as cultivé au cours de l’année écoulée est la clé de cet examen improvisé.

Sudou — Bah ouais, exactement !

Kôenji — Et bien c’est faux. Cet examen spécial vise sans aucun doute les deux prochaines années.

Kôenji rejeta catégoriquement l’opinion de Sudou, ou plutôt, l’opinion de toute la classe.

Sudou — Hein ? Qu’est-ce que tu veux dire… ?

Complètement perdu, Sudou considéra probablement ça comme une fantaisie ordinaire habituelle de Kôenji.

Kôenji — Écoutez bien. Cet examen est littéralement un cas particulier. N’est-il pas habituel qu’une classe reçoive une forte pénalité lorsque quelqu’un est expulsé ? Mais cette fois-ci, ce n’est pas du tout le cas. En d’autres termes, il s’agit d’une occasion en or de nous débarrasser d’un élève inutile.

Sudou — C’est toi l’élève inutile ; un fardeau total pour la classe !

Kôenji — Oh non, pas du tout.

Sudou — Quoi ? Mais il ose… !?

Kôenji — Après tout, je suis incroyable.

Kôenji s’exprima avec une audace débordante, comme s’il était sûr d’avoir le dernier mot. Sudou en fut perturbé.

Kôenji — En ce qui concerne les examens écrits, je suis toujours en tête de classe, non, de toute l’année scolaire. En fait, je n’ai été classé deuxième qu’une fois, de peu, à l’examen de fin d’année. Bien sûr, si j’avais fait de gros efforts, j’aurais facilement été le premier.

En plus de ça, en termes de capacité physique, je suis même supérieur à toi. Si tu es honnête tu le reconnais.

Kôenji afficha le sommet de son potentiel.

Sudou — Et !?? Tout ça n’a aucun sens si tu prends pas les choses au sérieux !

Kôenji — Bien sûr. C’est pourquoi, à partir de maintenant, je vais tourner la page. Avec cet examen comme tournant, je deviendrai un élève utile qui contribuera sur chacun des suivants. Ce serait un grand avantage pour la classe, non ?

Sudou — Prends-nous pour des bouffons ! Je suis bien plus utile que toi !

Les dires de Sudou étaient discutables mais fondés. Personne dans la classe, y compris moi-même, n’avait de raison de croire aux balivernes de Kôenji. Au contraire, il n’y avait aucune raison réelle pour lui de changer pour peu qu’il réussisse à passer entre les mailles du filet.

Kôenji — Toi ? Plus utile que moi ? Est-ce que tout le monde ici est d’accord ?

Kôenji ignora Sudou, et s’adressa à ses camarades de classe.

Kôenji — Cela ne vaut pas que pour toi, petit rouquin. Il n’y a juste aucune garantie pour que des élèves n’ayant rien montré jusqu’ici deviennent soudainement utiles à l’avenir, n’est-ce pas ? N’importe qui peut faire des promesses vides de sens, comme je viens de le faire, mais ce qui compte vraiment en fin de compte, c’est la force cachée. Sans potentiel, les promesses sont inutiles.

L’idée que les élèves sans capacité devaient s’efforcer de tourner une nouvelle page. L’idée que les élèves ayant des capacités devaient s’efforcer de tourner une nouvelle page… Kôenji disait que ces deux idées étaient similaires mais ne se valaient pas.

Le principe d’accumuler des votes positifs et négatifs n’avait pas l’air de le choquer. Au contraire, Kôenji semblait se réjouir de cet examen complémentaire !

Toutefois, cela ne signifiait pas qu’il ne courrait aucun risque. En fonction des actions que la classe prenait pour aller de l’avant, il risquait de recueillir un nombre important de votes négatifs. Pour le meilleur ou pour le pire, il en avait trop dit.

Bien que, en toute honnêteté, j’étais plutôt d’accord avec Kôenji.

Si nous devions penser à la classe dans son ensemble, il était nécessaire de prendre une décision claire. L’occasion nous était donnée de sélectionner soigneusement un élève faible et de nous en débarrasser pour le bien de la classe dans son ensemble, au lieu de choisir simplement en fonction de nos préférences personnelles.

En se basant sur les examens spéciaux précédents, il y avait probablement eu de nombreux cas où un élève qui avait de grands atouts aurait pu être renvoyé en raison de quelques faiblesses. En d’autres termes, c’était le cas de Sudou, qui se disputait avec Kôenji. Contrairement aux capacités physiques dont il avait eu la chance de bénéficier, ses capacités académiques étaient en lice pour être les plus mauvaises de la classe. En fait, ses capacités académiques l’ont presque tellement freiné que, à un moment donné, il était sur le point d’abandonner. Cependant, avec l’aide d’Horikita, Sudou avait progressivement commencé à compenser ses lacunes et, par conséquent, à montrer sa valeur en tant que membre de la classe.

Comme Sudou, la plupart des gens ont à la fois des forces et des faiblesses.

Mais la classe ne manquait pas de personnes disposant de beaucoup de faiblesses mais n’ayant aussi aucun talent particulier.

Tout le monde avait le potentiel pour grandir en tant qu’être humain, mais chacun s’épanouit à des moments différents, et certains sont simplement plus limités. C’est exactement pour cela qu’il nous fallait profiter de cet examen.  Malheureusement, il semblait que Kôenji était la seule personne de la classe à en être consciente.

Sudou — Allez, c’est bon !! Je ne pense pas qu’on ait besoin de quelqu’un comme toi, ça, c’est sûr !

Kôenji — Peu importe l’inaptitude de tes petits amis ?

Sudou — Inaptitude… Tu dis que mes potes sont cons ? Mais t’es vraiment un sac à merde !

Sudou claqua son poing sur le bureau de Kôenji et le fixa avec férocité.

Kôenji — Exactement. En tout cas, ce sera tout ? À tous, si c’est votre décision, n’hésitez pas à faire ce que vous voulez, mais d’ici là… pour autant que je sache, cette classe restera simplement pathétique et inférieure.

Kôenji se recoiffa calmement, sans montrer le moindre intérêt. Ses provocations répétées avaient enflammé Sudou.

Sudou — Sérieux…

Hirata — On se détend ! On devrait en parler calmement, non ?

Hirata s’immisça entre les deux. Combien de fois Hirata avait-il fait le médiateur cette année ? C’était une scène à laquelle je m’étais déjà habitué, et Sudou  visiblement aussi puisque ça n’avait plus l’air de le calmer.

Ike — Se détendre, hein, Hirata ? C’est facile pour toi, après tout t’es quasi certain de pas finir dernier.

Hirata — Mais…

Les paroles d’Ike mirent Hirata dans une situation délicate.

Il est vrai que Hirata avait beaucoup contribué à la classe au cours de l’année écoulée. C’était peu dire de dire qu’il ne risquait absolument rien au cours de cet examen. Ainsi donc, les paroles d’un élève bien à l’abri pouvaient ne pas avoir l’effet escompté.

Hirata — Je… Rien n’est sûr, tu sais…

Il le niait mais, au fond, il ne trompait personne.

Sudou — « Rien n’est sûr » qu’il a dit, t’as entendu Ike ?

Ike — Ho oui, Hirata doit vraiment être en train de stresser !!

Yamauchi et Ike  échangèrent des sourires amers qui étaient, en fait, plus emplis d’étonnement que d’irritation.

Cette réaction était compréhensible. Personne ici n’avait jamais considéré Hirata comme un candidat potentiel à l’expulsion. Il pouvait recueillir quelques votes négatifs, ça, personne n’était à l’abri, mais il était assuré d’obtenir plus qu’assez de votes positifs pour les annuler.

Hirata — …!

Hirata tenta de dire quelque chose à plusieurs reprises, mais les mots ne sortirent pas.

Après tout, l’examen spécial venait encore d’être annoncé. La nouvelle n’avait pas encore été digérée pour que tout le monde écoute calmement ce que Hirata avait à dire.

Sudou — On reprend, Kôenji.

Kôenji — Je n’ai plus rien à ajouter, je crois que j’ai tout dit.

Sudou persista. À ce stade, le la seule personne capable de l’arrêter serait…

Horikita — Ça suffit Sudou-kun.

Horikita prit la parole, le dernier mot de la discussion.

Horikita — Ne t’emporte pas, car tes notes se sont un peu améliorées.

Sudou — Non. C’est pas ça…

Horikita — Chut !

Sudou — Je l’ai…

Elle avait le contrôle total de Sudou, en quelques mots seulement.      Elle lui demanda de retourner à sa place et de garder ses distances.

Hirata — Merci, Horikita…

Horikita — Ce n’est rien comparé aux problèmes qui nous attendent avec cet examen.

En disant cela, Horikita s’éloigna également de Kôenji et retourna à sa place.

Je l’abordai à son retour, avec une pointe de sarcasme.

Moi — Merci d’être si dévouée !

Horikita — Quelle plaie, je te jure.

Elle poussa un soupir avant de se rassoir.

Horikita — Les choses sont vraiment devenues gênantes. Malgré toute l’instabilité ambiante, la classe avait toujours su coopérer. On avait tout surmonté et, là, ils viennent et nous forcent à mettre quelqu’un dehors… C’est bien trop cruel.

Horikita se lamentait, incapable de faire quoi que ce soit pour le chaos qui enveloppait la salle.

Moi — Cruel, hein.

Bien sûr, j’avais compris qu’elle cherchait simplement à se plaindre, qu’elle n’attendait pas de réponse concrète.

Horikita — Tu ne crois pas ?

Moi — Il n’y a jamais eu de garantie dès le début, depuis que nous nous sommes inscrits.

Horikita — Oui, c’est sûr. C’était vraiment juste une pensée comme ça. Mais je trouve ça quand même un peu scandaleux.

Moi — Ça sonne presque comme une vengeance car personne n’a encore été expulsé.

Il était rationnel de se sentir frustré, comme Horikita.

Quant à moi, je ne pouvais pas me permettre d’être un simple spectateur pendant cet examen particulier. Beaucoup d’élèves étaient exposés. Non, en tant qu’élève se situant au bas de la hiérarchie sociale, je craignais d’être encore plus exposé au risque d’accumuler des votes en ne m’impliquant pas dans cet examen. Il me fallait tâter le terrain. Cela ne m’enchantait guère mais…

Malgré les grognements de Horikita, je pouvais sentir quelque chose comme une détermination farouche dans son expression.

Par la suite, l’atmosphère agitée persista dans toute la classe jusqu’à la fin de matinée.

1

Pendant la pause déjeuner, le groupe Ayanokôji décida de profiter du temps libre pour s’entretenir au café.

Hasebe — Ah bon sang, ça craint vraiment !! Forcer quelqu’un à abandonner… Mais à quoi pense l’école ?

Haruka poussa un soupir exaspéré en enfonçant une paille dans son verre. Keisei fut le premier à réagir.

Yukimura — Je suis d’accord. Le plus impardonnable pour moi est le fait que mes camarades de classe doivent se battre les uns contre les autres. C’est un véritable virage à 180 degrés par rapport aux examens que nous avons eus jusqu’à présent et qui ont nécessité une coopération. C’est absolument déconcertant.

Miyake — Je te comprends. Jusqu’à présent, quel que soit le type d’examen, nous n’avons eu qu’à aller à l’encontre des autres classes.

Akito exprima également son accord.

Hasebe — Juste parce qu’il n’y a pas eu une seule expulsion… c’est comme si l’école essayait directement de nous faire tomber !

Tout au long de la matinée, tout le monde avait passé le temps d’une manière ou d’une autre, sans pouvoir se calmer. C’était tout naturel tant tout le monde était mécontent. Je me demandais si ça avait fait le même effet dans les autres classes ?

Hasebe — Je me demande s’il n’y a vraiment pas un tuyau pour l’examen. Yukimuu, tu es trop intelligent, tu as pensé à quelque chose ?

Yukimura — Hé bien,non… La proposition initiale de Horikita de répartir les votes de manière égale était la seule stratégie à laquelle je pouvais penser. Mais, d’après ce que Chabashira-sensei nous a dit, ce n’est pas une option.

Bien que l’examen supplémentaire fût un peu égoïste, nous ne pouvions pas ignorer les règles fixées par l’école. Et il n’était pas surprenant que Keisei n’ait pas trouvé de solution puisque, peu importe comment on se triturait le cerveau, l’issue de cet examen avait été scellée.

Yukimura — Je pensais pourtant que l’école n’aimait pas les abandons. Du moins, c’est ce que je pensais au départ mais, maintenant, il semblerait que la politique soit différente.

Hasebe —…Alors l’école veut vraiment voir les gens se faire expulser…

Ayant encore une lueur d’espoir, l’expression de Haruka devint sinistre.

Yukimura — C’est pourquoi il vaut mieux ne pas être optimiste cette fois-ci. L’issue sera probablement difficile à digérer.

Un résultat difficile. En d’autres termes, une expulsion de notre classe. C’était l’inévitable qui nous attendait.

Yukimura — …Il est possible que l’un d’entre nous disparaisse ce week-end.

N’ayant pas dit un mot depuis un certain temps, Airi secoua la tête anxieusement. Son comportement donnait l’impression qu’elle n’était pas conditionnée à imaginer un tel avenir.

Miyake — Keisei. Au lieu d’attendre les bras croisés, il doit bien y avoir quelque chose à faire, non ?

Demanda Akito, espérant entendre quelque chose pour dissiper son anxiété.

Comme à l’accoutumée, Keisei hocha la tête une fois et regarda rapidement chacun d’entre nous.

Yukimura — Comme le dit Akito, nous devons au moins tout faire pour nous sauver. Pourquoi ne pas nous réunir et voter les uns pour les autres ?

Miyake —  Par voter les uns pour les autres, tu veux dire utiliser nos votes positifs ?

Yukimura — Oui, je ne pense pas que l’un d’entre nous finira 1er. Mais, juste au cas où, il serait préférable pour nous de travailler ensemble afin d’éviter la dernière place.

En travaillant à cinq, nous pouvions obtenir chacun trois votes positifs. Le plus important étant que cela pouvait annuler trois éventuels votes négatifs.

Sakura —  Mais est-ce que ça ira ?  Ne sommes-nous pas censés voter pour l’élève qui a le plus contribué à la classe… ? Sensei nous a aussi dit que ce serait une perte de temps d’essayer de contrôler les votes comme ça…

Airi, toujours aussi honnête, parla avec un certain malaise.

Yukimura —  Dans une certaine mesure, le vote pour ses amis est inévitable. Chabashira- sensei et les autres élèves devraient déjà en être conscients. De plus, même si nous ne le faisions pas, d’autres groupes d’amis ne vont pas s’en priver. D’autant qu’il est possible de concentrer tous ses votes négatifs sur une seule personne. Rien que nous 5, ça peut faire 5 votes négatifs sur quelqu’un…  Ce n’est pas négligeable.

Sakura —  Cinq votes… c’est… un chiffre lourd pour cet examen. Avec un groupe assez grand, il ne serait pas si difficile d’en mettre dix ou vingt à quelqu’un, n’est-ce pas ?

Yukimura —  Et oui. En bref, les élèves populaires sont avantagés.

En effet, c’était l’un des points clés de l’examen.

Pour un élève donné, plus son statut social était élevé, plus sa tendance de vote sera favorable. Les élèves très influents pouvaient bénéficier de l’avantage de pouvoir constituer un groupe et de s’attaquer à des élèves spécifiques.

Hasebe — Je suis également d’accord pour que notre groupe se couvre mutuellement. Ce n’est pas comme si je voulais que l’un d’entre nous disparaisse.

J’avais soutenu cet avis.

Moi — Moi aussi.

Airi suivit.

Yukimura —  C’est donc décidé.

Keisei hocha la tête en réponse à l’accord unanime du groupe.

Miyake —  Attendez, attendez. Il y a quelque chose dont j’aimerais d’abord tu parler.

Même si Akito était d’accord avec la stratégie de Keisei, il semblait y avoir quelque chose qui le chiffonnait.

Miyake — Y aura pas des gens qui essaieront de créer des groupes plus importants que le nôtre ?

Yukimura —  Bien sûr que cela pourrait arriver. Il y a plutôt de bonnes chances que ça arrive même.

Naturellement, Keisei en savait déjà beaucoup et confirma cette crainte. Mais si Keisei avait suggéré de former un grand groupe, je n’aurais pas eu d’autre choix que de l’en empêcher. Car en pratique ce n’était pas la meilleure stratégie pour cet examen.

Miyake —  Alors, on ne devrait pas prendre des mesures pour rivaliser avec les autres ?

Yukimura —  Non… À notre échelle, je pense que le mieux serait de se faire discret jusqu’à la fin de l’examen. Nous devons juste nous assurer que nous n’avons aucun différend avec quelqu’un dans la classe, quel qu’il soit. Alors, renonçons à l’idée de faire un grand groupe.

Miyake —  Donc… Pour éviter d’être pris pour cible par les autres, on devrait essayer de ne pas se démarquer.

Attirer inutilement l’attention aurait fait de nous des cibles faciles, comme Sudou et Kôenji.

Yukimura —  De plus, nous ne sommes évidemment pas un groupe adapté à ce genre de stratégie expansionniste.

Miyake —  Eh bien, je suppose que oui.

Keisei conclut donc que le grand groupe était une mauvaise idée.

J’avais été heureux que tout le groupe, y compris Haruka, soit parvenu à un consensus. C’était agréable de voir qu’il n’y avait plus aucune possibilité que l’un d’entre eux soit pris dans ma stratégie et soit désavantagé.

Yukimura —  Cependant, si vous êtes personnellement invité dans un autre groupe, je pense que vous pouvez accepter l’invitation. Ce serait un moyen précieux pour vous éviter d’être visé par des votes négatifs.

Même si nous avions convenu de conserver nos votes positifs au sein du groupe Ayanokôji, cela ne représentait que trois votes par personne. Ainsi rester en bons termes avec les autres groupes et grappiller d’autres votes ne pouvait être que bénéfique.

Hasebe —  Mais c’est peu probable ça, non ? L’une des raisons pour lesquelles nous nous sommes regroupés à l’origine est que nous ne sommes pas capables de faire ce genre de choses.

Haruka semblait dire que nous avions créé notre groupe précisément parce que nous n’étions pas vraiment intégrés avec d’autres. Je suppose que Keisei avait déjà ça en tête lorsqu’il avait fait cette suggestion au départ.

Alors oui, si l’un d’entre nous recevait une invitation, pourquoi pas. Mais il ne fallait pas non plus trop s’éparpiller en passant pour la personne qui tente de gratter l’amitié, au risque que cette stratégie ait l’effet inverse. Les gens ne sont pas dupes, intégrer un groupe à ce moment de l’année n’allait pas être si simple.

Sakura —  Avec seulement trois votes… il n’y a… aucun moyen de dire avec certitude que nous serons tous en sécurité, n’est-ce pas ? Je… je ne suis d’aucune aide pour la classe, donc… peut-être que tout le monde utilisera ses votes négatifs sur moi…

L’idée de devenir elle-même la cible avait rendu Airi encore plus mal à l’aise.

Pour cet examen, si toute la classe devait concentrer ses votes de censure sur une seule personne, il n’y avait effectivement aucun moyen de se défendre. Hirata ou Kushida pouvaient obtenir suffisamment de votes positifs pour largement compenser les négatifs… Non, en fait même ça n’était pas garanti puisque l’examen portait principalement sur les groupes que l’on pouvait allier à notre cause. En fait, peu de personnes allaient voter objectivement.

Hasebe —  Ne t’inquiète pas trop, Airi. Tu vas te décomposer sinon !

Sakura —  O-oui…

Le visage d’Airi fut envahi par les ténèbres. Malgré les encouragements, elle ne pouvait pas s’empêcher de ressentir un malaise. Il y avait certainement de nombreux inconvénients à avoir une personnalité timide comme la sienne dans un examen comme celui-ci.

Hasebe — Vraiment… Nous faire nous battre entre nous, c’est vraiment dégueulasse.

Moi — Oui, c’est vrai, mais on n’a pas vraiment le choix…

Hasebe — Vas-tu vraiment l’accepter si facilement Kiyopon ?

Moi — Même si nous ne le voulons pas, qu’est-ce qu’on y peut ?

Haruka acquiesça, surprise de ma réponse.

Hasebe — Oh, au fait, je viens de remarquer…Regardez ça !

Haruka nous pointa du doigt Keisei et moi. Enfin, plus précisément, cela se passait derrière notre épaule. En regardant par-dessus mon épaule, je vis la silhouette d’un garçon de la classe D. Il était clairement en désaccord avec son entourage et se fit remarquer. C’était probablement pour ça que cela avait attiré l’attention de Haruka.

Hasebe — Il y a quelque chose de bizarre dans toute cette situation, et il y a aussi quelque chose d’inhabituel avec Ryuuen-kun.

Yukimura — Hah. Ce n’est rien d’autre qu’un roi qui s’est donné de grands airs avant de finir dépouillé de toute sa gloire et de sa fortune.

Le ton de Keisei était si froid que je m’étais  demandé si c’était parce qu’il avait une haine particulière pour les gens comme Ryuuen. C’était pourtant une conséquence naturelle, compte tenu des stratégies utilisées par ce dernier et de la mauvaise attitude qu’il avait eue dans ses rapports avec les autres classes.

Bien sûr, il n’était pas question que Ryuuen éprouve des remords pour sa situation actuelle ni qu’il se sente inquiet.

Hasebe — Mais, cet examen risque d’être un peu inquiétant pour Ryuuen-kun, n’est-ce pas ? Ou non ?

Keisei fit encore une fois un signe de tête en réponse aux questions douteuses.

Yukimura — « Inquiétant » est un euphémisme. Ne serait-il pas plus exact de dire que « sans espoir » ? Il a fait ce qu’il voulait pendant si longtemps qu’il ne pourra pas éviter d’accumuler des votes négatifs.

Akito hocha la tête, partageant l’avis de Keisei. Haruka prit la parole pour compléter le point de vue de Keisei.

Hasebe —  C’est un peu pitoyable, n’est-ce pas ? Le fait qu’il puisse être forcé de quitter la classe même qu’il contrôlait.

Sakura — Mais, n’est-il pas trop calme ? Qu’il lise un livre en plein air, tout seul… Je pleurerais probablement à sa place.

Airi prit la parole, en regardant Haruka d’un air interrogateur.

Hasebe —  Vraiment ? C’est parce qu’il a abandonné. Vu le type d’examen dont il s’agit, il n’y a aucune raison pour que des personnes sans amis et détestées par leur entourage se débattent. Il prévoit probablement de garder la face jusqu’à la fin, tu ne penses pas ?

Cette conclusion ne semblait pas si erronée. Cependant, si Ryuuen ne faisait vraiment rien, il y avait une forte probabilité qu’il soit expulsé de l’école.

Hasebe —  Miyatchi, va lui demander comment il se sent en ce moment. Je ne peux pas lui demander ça moi…

Même s’il semblait calme et posé, cela ne changeait rien au fait que ses crocs étaient pointus. Il n’y avait aucun moyen de savoir ce qu’il allait faire si on le ridiculisait.

Miyake —  Arrêtez de le fixer autant.

Hasebe —  Ok~

Haruka répondit à l’avertissement d’Akito, en baissant les mains.

Miyake —  Pour en revenir au sujet, tu penses quoi de ce que Kôenji disait tout à l’heure ?

Akito demanda à Keisei à propos de ce qui s’était passé plus tôt ce matin. Keisei y avait probablement déjà réfléchi, car il réagit presque immédiatement.

Yukimura —  Ce qu’il disait ce matin sur le potentiel ? Eh bien, il dit des vérités. Mais, à mes yeux, Kôenji est un élèven inutile. Ce type cause toujours des problèmes à la classe. C’en est presque effrayant.

En se plaçant du point de vue de Keisei, qui était opposé à la prise de risques, Kôenji était certainement une existence imprévisible.

Yukimura —  En outre… cela peut sembler un peu cruel, mais si nous nous débarrassons de Kôenji, les conséquences ne seront pas très graves. En fin de compte, c’est une personne sur laquelle il serait très facile pour moi d’utiliser un vote négatif. Votre avis ?

Miyake —  Eh bien, tu n’as pas tort… Si nous devons choisir quelqu’un, l’idéal serait que ce soit quelqu’un pour qui nous pourrions voter sans culpabiliser.

Sakura —  Euh… Même si Kôenji-kun est une personne étrange, il obtient toujours des résultats étonnants, n’est-ce pas ? En ce qui concerne les examens, je pense qu’il contribue beaucoup plus à la classe que moi…

Au milieu de sa propre anxiété, Airi prit la parole pour défendre Kôenji.

Sakura —  Je pense toujours que Keisei-kun et Kôenji-kun sont incroyables à chaque fois que les résultats sortent…

Yukimura — Ce n’est pas bon, Airi. Il faut que tu apprennes à prendre des décisions, tu sais ?

Sakura —  Je sais, mais…

Il semblait qu’Airi était fortement opposée à l’idée de devoir voter pour quelqu’un. Haruka prit la parole alors qu’Airi se faisait à nouveau toute petite.

Hasebe —  Pour l’instant, je pense que Kôenji-kun est un vote solide. Je n’ai aucune objection à cela.

Haruka se tourna vers Keisei, lui demandant son avis.

Yukimura — Pour l’instant, bien sûr. Comme nous devrons de toute façon choisir trois personnes, nous pourrons faire des ajustements plus tard si la situation l’exige.

Kôenji était devenu l’un des candidats pour les votes négatifs.

Il était normal que les avis soient partagés sur lui.  Après tout, même moi je pensais qu’il était peu fiable et source de beaucoup de risques. Mais son potentiel était énorme. S’il s’attaquait de front aux examens et aux problèmes, il était capable d’accomplir à peu près n’importe quoi. En tout cas, il était sûrement assez talentueux pour que j’aie cette impression.

Miyake — Je n’ai rien contre lui personnellement… mais il est difficile de dire si Kôenji est bon pour la classe ou non.

Cela semble également être la raison pour laquelle Akito accepta la décision de voter pour lui. Son existence elle-même semblait difficile à mesurer, même après avoir pris en considération les rumeurs.

Miyake — En plus, il y a… Ike-kun, Yamauchi-kun, et Sudou-kun, n’est-ce pas ? Ils semblent tous être de bons choix pour les votes négatifs.

Yukimura — Mhm. Ces quatre là, y compris Kôenji, semblent tous être des candidats probables à l’expulsion en ce moment. Cependant, je ne peux pas imaginer qu’ils vont tous rester assis et attendre le jour du vote. Ils forment probablement tous de grands groupes pour recueillir des votes positifs et faire de leur mieux pour compenser les négatifs qu’ils vont recevoir.

Miyake — Donc nous ne sommes pas en sécurité.

Exact. L’examen avait déjà commencé : une bataille pour se faire des alliés et établir un ennemi commun.

Miyake — Franchement, quand je nous entends parler, j’ai vraiment du mal à croire qu’on était tous de super camarades solidaires contre vents et marées jusqu’à ce matin…

Akito laissa s’échapper un soupir de frustration en visualisant la tournure des évènements. Comme si quelque chose lui était venu à l’esprit, Haruka regarda de nouveau Ryuuen.

Hasebe —  Il reste encore plusieurs candidats à choisir. Tant qu’on peut au moins éviter l’expulsion…

C’est précisément parce qu’elle comprenait l’état actuel de la classe C que Haruka était consciente des difficultés rencontrées par Ryuuen en D. Peu importe qui on est, on n’a aucune chance si on est visé par tout le monde.

Hasebe —  Miyatchi, Yukimuu. Hypothétiquement parlant, que feriez-vous si vous étiez à la place de Ryuuen-kun ?

Miyake — Je ne ferais rien. Il serait inutile de se battre si toute la classe était contre moi. J’abandonnerais probablement.

Akito aurait rapidement jeté l’éponge. Keisei, lui, réfléchit sérieusement à sa question pendant un moment avant de finalement secouer la tête.

Yukimura — C’est impossible.

Hasebe —  Impossible ? Et si tu menaçais la classe entière ou quelque chose comme ça ?

Yukimura — Ce serait vraiment contre-productif.

Il y avait probablement plusieurs élèves qui s’attendaient à ce que Ryuuen fasse exactement cela.

Yukimura — Ceux qui se sentent menacés pourront voter sans réserve pour Ryuuen.

Hasebe —  Et recueillir des votes de louange en se léchant les bottes des autres classes ?

Yukimura — Si Ryuuen te le demandait, tu voterais pour lui ?

Hasebe —  Eh~ ? Je ne pense pas…

Yukimura — Alors tu as ta réponse.

Keisei prit la chose du côté pratique pour monter à Haruka où était le problème.

Yukimura — Et c’est logique. La plupart des gens penseraient comme toi, peu oseraient aider  Ryuuen.

Hasebe —  Alors un peu de corruption, ou genre on achète les votes de gens de la classe ?

Yukimura — Cela coûterait très cher, même pour Ryuuen qui a vraisemblablement  économisé un grand nombre de points. Bizarrement, non seulement il s’est fait trop d’ennemis, mais il donne aussi l’impression d’être un adversaire gênant. Je doute qu’un de ses camarades de classe soit prêt à lui vendre un vote positif pour seulement quelques points privés.

Hasebe —  Et avec les autres classes du coup, il n’a pas sa chance ?

Yukimura — Non, pas vraiment. Du point extérieur, comme nous, ne serait-il pas plus facile de concurrencer la classe D avec Ryuuen dehors ?

Hasebe —  Aah… Tu as peut-être raison. C’était effrayant quand on ne savait pas ce qu’il allait faire ensuite.

C’est exactement la raison pour laquelle Ryuuen était en difficulté. S’il n’était qu’un fardeau pour la classe D, il aurait pu jouer sur les autres classes et empêcher son expulsion.

Cependant, comme Ryuuen était reconnu unanimement par tous les élèves de seconde comme une personne dangereuse, beaucoup souhaitaient certainement le voir quitter l’école.  Il n’y avait pas d’avantages pour les autres classes à laisser délibérément subsister une telle menace potentielle.

Il se pouvait que certains élèves de la classe D pensent à long terme, ou croient aveuglément que Ryuuen les sauverait. Mais ces élèves-là constituaient une minorité.

Ryuuen pouvait penser à passer des contrats avec plusieurs autres élèves en promettant de voter pour chacun d’entre eux.  Mais difficile de prouver qu’ils ont effectivement rempli leurs obligations contractuelles dans la mesure où le vote allait être anonyme. Et même s’il se plaignait à l’administration, cela allait être trop tard puisque déjà expulsé. Et puis encore fallait-il trouver quelqu’un prêt à conclure un contrat avec Ryuuen.

Yukimura — Donc c’est un échec et mat complet…

Hasebe — Il fait tout ce qu’il peut pour se calmer. Après tout, se débattre désespérément serait honteux là non ?

Miyake — Ouais… Ce serait plutôt honteux pour quelqu’un qui agissait comme si l’endroit lui appartenait !

C’est dommage, mais l’expulsion de Ryuuen était pratiquement gravée dans la pierre.

Bien sûr, s’il avait vraiment une raison de se battre, la situation aurait été différente. Mais là… Enfin, nous ne faisions que spéculer finalement.  Il était le seul à savoir ce qu’il pensait de tout ça.

— Et si on essayait d’en savoir plus ? 

Quelqu’un parla par-dessus mon épaule, le son de sa voix résonnant près de mon oreille. C’était Horikita. Elle avait un sac en plastique à la main avec un sandwich qui sortait un peu.

Miyake — Essayer de savoir quoi ?

Akito l’avait interrogée, ne comprenant pas trop où elle voulait en venir. Non, il avait ressenti quelque chose de troublant.

Horikita — Ce qu’il pense de tout ça, ce qu’il prévoit de faire ensuite. Nous n’avons pas d’autre choix que de lui demander directement.

Yukimura — Arrêtez ça. Ne réveillez pas le chien qui fait sa petite sieste.

Personne ne voulait se porter volontaire pour approcher Ryuuen.

Horikita — C’est très bien alors.

Yukimura — Il n’y a aucune raison pour que l’un d’entre nous, toi y compris, s’implique avec Ryuuen en ce moment. Il n’a rien à voir avec nous.

Horikita — C’est vrai. Il ne concerne certainement pas la classe, mais il pourrait m’être utile.

C’est ce que dit Horikita avant de s’arrêter un instant. Peu après avoir vu que je n’avais pas l’intention de la rejoindre, elle partit le voir seule.

— « Pourrait m’être utile » ? Mais de quoi elle parle ?!

Keisei et Akito étaient visiblement confus, penchant la tête sur le côté.

Hasebe — Hé, ce n’est pas un peu problématique ? Horikita-san n’est pas en danger ?

Sakura —  Je pense aussi… Kiyotaka-kun ?

Haruka et Airi prirent la parole pour me dire ça. Je suppose que je n’avais d’autre choix que d’y aller. Il était très peu probable qu’il se passe quelque chose mais bon, c’était toujours mieux d’avoir quelqu’un avec soit.

Pour le meilleur ou pour le pire, Horikita n’était pas du genre à mâcher ses mots. Ainsi je crus bon d’empêcher Akito de venir et partir la rattraper.

Moi — Qu’est-ce que tu comptes dire à Ryuuen ?

Horikita — J’ai juste pensé qu’il pouvait me fournir des informations utiles.

Des informations utiles ? Je ne comprenais pas ce qu’elle s’attendait à apprendre de lui. Mais voyant comment elle agissait, elle avait probablement une idée derrière la tête.

Horikita — Est-ce que Sakura-san et les autres t’ont demandé de veiller sur moi ?

Moi — En quelque sorte.

Horikita — Oh, vraiment !

Tout au long de nos courts échanges, le rythme d’Horikita ne varia pas. En peu de temps, nous arrivions là où Ryuuen était assis. Il avait déjà dû remarquer notre présence, mais son regard était fixé sur le livre qu’il avait en main. Il semblait s’agir de littérature.

Horikita — Tu es terriblement calme, Ryuuen-kun.

Ryuuen — Je me demandais qui c’était, mais c’était juste Suzune et son petit suiveur sans cervelle.

Il ferma soudainement le livre, le sceau sur la couverture montrant qu’il avait été emprunté à la bibliothèque.

Cela va sans dire, mais le petit suiveur sans cervelle dont il parlait faisait bien sûr référence à moi. Il me regarda seulement un instant avant de détourner son regard et de faire face à Horikita.

Ryuuen — Et donc, qu’est-ce que tu me veux ?

J’étais curieux de savoir pourquoi Horikita prenait le risque d’essayer d’entrer en contact avec Ryuuen en premier lieu.

Horikita — Je vais aller droit au but. Ce nouvel examen spécial… Qu’est-ce que tu vas faire ?

Ryuuen — Ce n’est pas comme si j’avais beaucoup de choix. Je ne vais rien faire.

Horikita — Alors tu te serais docilement résigné à abandonner l’école ?

Si les choses restaient en l’état, l’expulsion de Ryuuen était inévitable.

Ryuuen — Je fais une bonne cible. Dans un examen comme  ça où un renvoi est possible, personne ne veut attirer l’attention et être la personne à abattre. Dans mon cas, je suppose que c’est déjà trop tard.

Ayant constaté que la conversation ne valait pas son temps, Ryuuen rouvrit son livre et poursuivit sa lecture.

Ryuuen — Les votes négatifs seront exprimés pour moi et puis c’est tout. Ce genre de vote fait culpabiliser les gens, alors autant soulager un peu leur conscience en les laissant voter pour moi.

Ryuuen semblait sérieusement s’être résigné à l’idée de quitter l’école.

Horikita — Si tu as vraiment l’intention de quitter l’école, je ne m’en plaindrai pas. Non, pas seulement moi. Il y a probablement beaucoup de gens dans les classes B et A qui veulent que tu déguerpisses aussi. Pour le meilleur ou pour le pire, tu es allé trop loin. Personne n’est prêt à te donner un coup de main.

Elle lui exposa la réalité de la situation. Dans certains cas, des mots comme ceux-ci seraient un coup puissant, même pour quelqu’un de lucide sur sa situation. Mais, là, ils ne signifieraient rien pour Ryuuen : il avait non seulement déjà tout compris tout seul mais avait également digéré tout ça.

Ryuuen — C’est probablement vrai. La classe D n’aura aucune chance après mon départ. Pour les élèves des autres classes, ce serait le jugement le plus approprié pour eux de m’écraser ici.

Plutôt que de le tourner de manière négative, il le tourna plutôt de manière positive.

Horikita — C’est une très haute évaluation de toi-même, du Ryuuen tout craché. C’est typique de toi. Mais même avec toute cette confiance, tu es retombé en classe D à cause de ce manque de compétence en tant que leader, n’est-ce pas ?

Ryuuen — Kuku. Certainement.

La classe D avait pu progresser sous la dictature de Ryuuen. Maintenant qu’elle s’était effondrée et qu’ils avaient touché le fond, ils perdaient la possibilité de remonter.

Cependant, le plan de Ryuuen n’avait jamais rien eu à voir avec le classement des classes. Que l’onssoit en classe A ou en classe D, tant que que l’on avait des points privés, on pouvait transformer la défaite en victoire. C’est pourquoi, même face aux critiques sur le fait d’être le plus bas dans le classement, il n’avait pas besoin de s’agiter.

La classe A était peut-être la classe supérieure, mais la supériorité en soi n’avait pas de valeur. La stratégie de Ryuuen était axée sur l’avenir. C’était une façon intéressante de lutter, mais elle présentait de nombreuses lacunes. Premièrement, il avait utilisé la force pour tenir sa position, et n’avait pas cherché à comprendre ses camarades de classe. Il regardait trop loin devant lui et ne voyait pas ce qui se passait autour de lui. Ce sont les raisons qui avaient joué un rôle dans sa défaite et qui l’avaient conduit à sa situation actuelle.

Horikita — Il semble que nous ne pourrons jamais nous comprendre.

Ryuuen — Ho que si. Satisfaite ?

Même si j’avais écouté la conversation de Horikita depuis le début, je ne comprenais toujours pas où elle voulait en venir.

Horikita — Aujourd’hui, c’est peut-être la dernière fois que nous pourrons nous parler, alors je peux te poser une seule question ?

Elle semblait aller au cœur du problème. Était-ce la question qui allait conduire Horikita à l’information qu’elle recherchait ?

Horikita —  Tu es dans une situation plus désespérée que n’importe qui d’autre en ce moment. Si tu fais de gros efforts pour cet examen… serais-tu capable de réussir et d’éviter l’expulsion ?

Elle le regarda d’un air aiguisé, le mettant au défi de la regarder dans les yeux et de répondre. C’est la raison pour laquelle elle s’était adressée à lui, même si elle n’avait aucune raison de s’inquiéter. Elle voulait lui demander comment il comptait surmonter l’issue presque certaine de son expulsion de l’école.

Ryuuen — Quelle question stupide. Bien sûr que je pourrais.

Ryuuen répondit sans hésitation. Il était convaincu que tant qu’il voulait survivre, il en était capable. Le regard qu’il avait dans les yeux ne montrait pas l’ombre d’un doute.

Horikita —  C’est ce que j’attends de toi, même si tu bluffes peut-être. Je ne ressens rien d’autre que de la confiance en toi.

Ryuuen — Es-tu enfin satisfaite ? Ou veux-tu entendre mon plan secret pour survivre à l’examen ?

Horikita —  Il n’y a pas besoin. Je ne suis pas dans la même position que toi.

Ryuuen —  C’est sûr.

Horikita —  Merci. J’ai l’impression que je vais peut-être réussir à renforcer un peu plus ma détermination grâce à toi.

Ryuuen —  Ta détermination ?

Horikita acquiesca, en précisant.

Horikita —  Il y aura certainement des expulsions en raison de cet examen complémentaire. C’est un destin inévitable. Il est donc nécessaire que nous déterminions correctement la personne la plus apte à être expulsée. Comprends-tu le poids de ce que je dis ?

Ryuuen —  Tu es marginalisée au sein de ta classe, tu te sens menacée.

Ryuuen sourit en répondant, sans apporter de réponse claire.

Ryuuen —  Si c’est comme ça que ça finit, alors ce serait juste la pleine mesure de mes capacités.

Horikita — Décevant. Donc tout ça n’était vraiment que du bluff ?

Ryuuen —  !…

Même si Horikita avait parlé à Ryuuen calmement, Ryuuen avait vu clair dans son jeu. Non, plutôt que de voir à travers, c’était plutôt comme s’il l’avait brisée lui-même.

Ryuuen —  Tu… Tu cherches juste à te valoriser en me parlant. Mais on dirait que ça ne mène à rien.

Les paroles de Ryuuen alimentèrent progressivement un feu au sein d’e Horikita.

Ryuuen —  Qui choisir ? C’est là que l’examen est difficile.

Horikita — …Je peux faire ça. Je n’ai jamais eu de pitié pour ceux qui étaient des freins à la classe.

Ryuuen —  Non, tu n’en es pas capable.

Horikita — Tu… Qu’est-ce que tu sais de moi ?

Ryuuen —  J’ai eu beaucoup de temps pour te surveiller cette année, donc je te comprends assez bien. Je vois en toi comme dans un livre ouvert, cette faiblesse que tu essayes de cacher…

Horikita n’avait aucune chance de gagner cette épreuve de force verbale. Si, elle continuait avec des phrases bateaux comme :

Horikita — J’ai l’impression que je vais peut-être réussir à renforcer un peu plus ma résolution.

Petit moment d’hésitation avant qu’elle n’ajoute.

Horikita — Je peux le faire.

Ryuuen avait remarqué instantanément ces petits détails que d’autres personnes ne pouvaient normalement pas remarquer. Horikita lui montrait sa faiblesse sans même le savoir. Leur conversation était entièrement sous le contrôle de Ryuuen.

Ryuuen —  Tu es prise au piège. Il est impossible que tu sois assez impitoyable pour faire un choix à ce stade. Tu aurais dû éviter de t’attacher à ta classe dès le début comme moi, ou traiter des camarades comme des pièces d’échec comme Sakayanagi.

C’est vrai que les choses sont différentes une fois qu’on a noué des liens, en général. À son arrivée ici, Horikita agissait toujours sans hésitation. Elle était tout à fait disposée à abandonner Sudou après son échec au premier examen. Mais qu’en était-il de même maintenant ? Sa relation avec ses camarades de classe avait changé.

Horikita — On dirait que tu as déjà tout compris, mais malgré ça tu ne peux rien faire. N’est-ce pas ?

Ryuuen — Et qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Horikita— As-tu vraiment perdu contre un camarade de classe, ou contre quelqu’un d’extérieur… ?

Horikita me fixa pendant une fraction de seconde avant de se retourner immédiatement sur Ryuuen.

Horikita — Quel qu’il soit, vas-tu simplement accepter en silence ton statut de perdant et abandonner l’école ?

Horikita lui jeta ces mots au visage comme une ultime provocation. Cependant, Ryuuen ne broncha pas.

Ryuuen— C’est la récompense d’Ishizaki, celui qui m’a battu, alors je compte bien rester en retrait et l’accepter. C’est une opportunité que toi, et le reste de ta classe, ne devriez pas manquer.

Ryuuen laissa transparaître un sourire en parlant avant de nouveau tourner son attention vers son livre.

Horikita — …Oh vraiment ? Alors, je dois juste garder un œil sur toi et m’assurer que mes camarades de classe ne gaspillent jamais, jamais, leurs votes positifs sur toi. Bien sûr, même si je ne le faisais pas, il n’y aurait aucune chance qu’ils votent pour toi de toute façon.

Horikita s’éloigna enfin. Je la suivis. L’attention de Ryuuen était fixée sur son livre alors que nous partions. Horikita parla pendant que nous marchions, sa voix à la fois calme et remplie de colère.

Horikita — Ce type est le mensonge incarné. Ce n’est pas qu’il ne lutte pas pour rester, il se donne de grands airs. Mais ça n’a pas d’importance. Peu importe combien il se bat, il est condamné à abandonner l’école.

Moi — Qui sait. Il a peut-être vraiment une sorte de plan.

Horikita — Impossible. Il n’y a aucun moyen pour Ryuuen-kun d’empêcher son expulsion, quelle que soit la manière dont on la considère. Même s’il s’excusait auprès de sa classe et commençait à être un être humain vraiment décent pour une fois, cela ne changerait pas le nombre de votes qu’il obtiendrait de toute façon.

Moi — Ouais. Il n’y a aucune chance qu’il puisse réussir avec une telle stratégie.

Horikita — Il serait inutile pour lui d’essayer de me menacer ou de corrompre les gens aussi. Tu disais la même chose tout à l’heure, non ?

Elle avait raison sur ce point. Elle avait dû écouter notre conversation.

Horikita — Ou, peut-être as-tu déjà quelque chose en tête ? Un moyen pour Ryuuen-kun d’éviter l’expulsion ?

Moi — Non, pas du tout.

J’essayais de trouver une solution depuis un certain temps, mais étant donné sa situation, je ne pouvais toujours pas penser à quelque chose qui pouvait le sauver. Il me manquait encore une pièce essentielle du puzzle.

Horikita — Alors c’est tout, pour le moment.

Horikita quitta le café dans la même humeur frustrée qu’à son arrivée. Je me retournai brièvement, jetant un coup d’œil à Ryuuen. Je me demandais si les choses auraient été différentes si Ryuuen et moi nous étions rencontrés plus tôt… Non, il n’y avait plus aucune raison de penser à un élève qui était sur le point de disparaître.

Je cessais d’y penser et je décidais de revenir au groupe Ayanokôji.

2

Cette nuit-là, je reçus un appel de Kei.

Pour l’essentiel, il s’agissait de l’examen spécial.

Karuizawa — Oui, donc, cet examen. Qu’est-ce que je dois faire ?

Moi —  Tu as commencé à former un groupe autour de toi, non ?

Karuizawa — Eh bien, en quelque sorte. Il y a sept filles dans mon groupe.

Elle énuméra les noms des filles autres qu’elle-même. C’étaient toutes des filles avec lesquelles Kei s’entendait généralement bien.

Karuizawa — Après tout, tout le monde a peur de se faire expulser. En étant totalement honnête, je ne sais pas combien de gens me détestent vraiment.

Moi —  Ce ne serait pas si étrange si tu obtenais quelques votes négatifs.

Karuizawa — Uhm. Tu devrais pas dire le contraire, quitte à me mentir ?

Kei me répondit avec colère de l’autre côté du téléphone.

Moi —  Pour l’instant, le mieux est d’agir calmement pour ne pas trop attirer l’attention. Il est possible que tu deviennes une cible pour l’expulsion si tu te démarques de manière négative.

Karuizawa — Je comprends. Je vais m’assurer de ne rien faire de stupide.

Moi —  Bien. De plus, le fait que tu aies déjà rompu avec Hirata est assez avantageux.

Karuizawa — Hein ?

Moi —  Hirata est très populaire auprès des filles. Si tu étais encore avec lui… certaines d’entre elles auraient peut-être prévu de recourir à l’expulsion pour vous séparer.

Karuizawa — Eeeh, c’est effrayant. Bien que tout à fait possible…

D’autres élèves pouvaient faire quelque chose d’impulsif simplement en raison de l’anonymat du vote.

Karuizawa — Tu devrais t’en sortir, non ? Tu ne te distingues pas parce que tu restes dans l’ombre, et tes notes sont dans la moyenne aussi.

Aux yeux de la plupart de la classe, il ne devrait y avoir aucune raison ni de me louer ni de me critiquer.

Moi —  Faire profil très bas peut avoir ses avantages.

Karuizawa — Mais tu pourrais avoir un vote de censure de Sudou-kun, n’est-ce pas ? Par exemple, pour se débarrasser d’un rival qui vise Horikita-san. Bien que, eh bien, c’est probablement juste ce qu’il pense.

Moi —  C’est possible.

Comme il n’y avait pas d’autre choix que de voter pour trois personnes, tout le monde allait probablement obtenir quelques votes de censure. Mais ce n’était pas suffisant pour vraiment s’en inquiéter.

Karuizawa — De toute la classe, je dirais que les trois idiots et Kôenji-kun sont les plus à risque non ?

Il semblerait que le groupe d’amis de Kei soit parvenu à une conclusion similaire à celle du groupe Ayanokôji.

Moi —  Ce sont les meilleurs choix, mais nous ne savons toujours pas ce qui va se passer. Cela dit, Kôenji n’est probablement pas en très bonne position pour le moment.

Karuizawa — Ce n’est pas le genre de personne qui ferait des groupes et coordonnerait des votes, n’est-ce pas ?

Moi —  Ouais.

Ike, Yamauchi et Sudou allait bien évidemment former un petit groupe pour se soutenir mutuellement. Kôenji, en revanche, était impuissant et seul. Il avait également tendance à se faire des ennemis grâce à son attitude entêtée. De plus, le jour même de l’annonce de l’examen, il avait eu la bonne idée de se disputer avec Sudou devant toute la classe.

Karuizawa — Alors, que vas-tu faire ? Sur qui comptes-tu utiliser tes votes négatifs ?

Moi — Je n’y ai pas encore vraiment réfléchi, mais j’ai l’intention de choisir des personnes peu utiles à la classe, en cours.

Karuizawa — Comme tu es mesuré, c’est tout toi.

Comme quelqu’un devait inévitablement quitter l’école, c’était la seule façon pour moi de trancher.

Karuizawa — Ah ? Il n’y a pas moyen, mais… tu ne parles pas de gens comme moi, n’est-ce pas ?

Moi —  Tu es très précieuse pour la classe. Il n’y a pas moyen que je fasse ça.

Karuizawa — R-réellement ?

Moi —  Bien sûr.

Sa réaction était de la surprise mélangée à un peu d’embarras.

Moi —  Si la classe prend une décision sur les élèves dont elle doit se débarrasser, c’est-à-dire si tu remarques un certain consensus évident, fais-le moi savoir. Il m’est difficile d’obtenir ce genre d’information moi-même.

Karuizawa — Okay~

Je terminai l’appel avec Kei.

J’avais dit choisir des personnes peu utiles. Mais, au fond, ça restait une approche purement personnelle.  Comme je n’étais pas activement impliqué dans la classe, je n’avais pas l’intention de m’impliquer profondément dans la manipulation des votes.

En conséquence, j’avais l’intention d’accepter de tout cœur le résultat de la classe, quel que soit le groupe qui s’affrontait. Bien sûr, à condition de ne pas être moi-même au cœur des votes négatifs.

Enfin, dans tous les cas, comme Kei l’avait mentionné précédemment, les chances qu’Ike, Yamauchi ou Sudou soient expulsés étaient plutôt hautes. Kôenji aussi. Côté des filles, celles qui ont de mauvaises notes comme Inogashira, Satō et Airi n’étaient probablement pas en sécurité non plus. Mais, sous peu, des groupes visibles allaient sûrement bientôt se former et des grosses tendances de votes risquaient donc de se dégager pour des critères autres que scolaires. Ainsi les personnes isolées comme Kôenji et les timides comme Airi n’ayant pas beaucoup d’amis étaient des cibles prioritaires.

J’étais vraiment curieux de savoir comment ça allait finir.

Je devais juste recueillir des informations pour me préparer à tout développement inattendu et garder un œil sur la tendance du vote.

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