CLASSROOM Y2 V11 Chapitre 1

L’énigmatique réunion élève/professeur

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Traduction : Zark
Correction : Raitei
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Du temps s’était écoulé depuis l’examen spécial de survie et élimination. Même si l’exclusion de Kamuro avait beaucoup surpris au vu de sa proximité avec Sakayanagi, Kamuro n’était pas proche d’autres élèves extérieurs à sa classe. Le choc de son exclusion ne dura finalement pas si longtemps. Mais ce n’était pas le seul facteur. Nous étions de plus en plus habitués et insensibles à la douleur lorsqu’un camarade partait.

Au début du mois de février, nous fûmes rapidement informés du jour et des détails de la réunion élève/professeur. Une discussion allait avoir lieu pour chaque élève pendant 15 minutes, répartie sur 5 jours. Afin d’assurer le temps nécessaire aux entretiens, les heures d’après cours étaient réquisitionnées, et les cours de l’après-midi, remplacés par des heures de permanence, où les élèves pouvaient être appelés à tout moment à venir dans une autre salle pour la réunion.

Aujourd’hui, c’était déjà la cinquième et dernière journée, jour où mon entretien était prévu. Par la fenêtre de la salle, je voyais le soleil qui commençait à se coucher. Alors que j’attendais patiemment, Mlle Chabashira m’envoya un message via mon portable afin que je me rende immédiatement en salle de réunion. Il n’y avait presque plus d’élèves dans l’école, hormis ceux qui rentraient chez eux après les activités de club. Arrivé devant la salle, je serrai légèrement la main et frappai la porte trois fois pour signaler ma présence. Naturellement, Chabashira-sensei me donna l’autorisation d’entrer.

Moi — Je me permets d’entrer.

J’ouvris discrètement la porte après avoir dit cela, puis mon regard se posa s’arrêta sur elle, assise en train de scroller sa tablette.

Mlle Chabashira — Tu es donc là. Assieds-toi.

Après m’avoir un peu regardé, son attention revint ensuite sur la tablette.

Moi — Vous avez beaucoup de travail.

Mlle Chabashira — Pour un professeur principal, c’est une période très chargée, que cela nous plaise ou non. Mais je me dis que c’est la fin des réunions élève/professeur aujourd’hui alors je me sens soulagée. J’ai eu raison d’avoir gardé les deux énergumènes pour la fin.

Après avoir répondu cela, elle me demanda de m’asseoir. Je pris place sur la chaise vide en face du bureau.

Moi — Les deux énergumènes…

Mlle Chabashira — Tu es choqué d’être traité de la même manière que Kôenji ?

Moi — Je mentirais si je disais que cela ne me travaille pas.

En répondant, elle se mit à rire légèrement avant de poser la tablette.

Mlle Chabashira — Kôenji serait donc plus spécial que toi ? Je comprends que tu puisses le penser, mais de mon point de vue il n’y a pas tant de différence que cela. Tu es toi aussi bien spécial.

Visiblement, j’étais perçu ainsi du point de son point de vue. J’aurais pu émettre une contradiction, mais je préférai me retenir et passer à autre chose.

Mlle Chabashira — Bien. Je n’ai pas souvent d’occasions de parler en tête à tête avec chaque élève. Avant de parler de ton orientation, nous allons discuter de ta vie lycéenne. J’aimerais que tu me dises s’il y a des points où tu aimerais que l’école s’améliore.

Moi — Pas de suggestion particulière. Personnellement, je suis épanoui.

Mlle Chabashira — Je vois. Je vois. As-tu des sujets qui te préoccupent comme ton social par exemple ?

Moi — Non.

Chabashira-sensei se montra sceptique avec mes réponses rapides.

Mlle Chabashira — La majorité des élèves donnent au moins un ou deux avis ou ils font au moins semblant de réfléchir. Mais tu es sincère.

Elle semblait troublée par mes réponses plus synthétiques qu’elle ne l’aurait imaginé.

Moi — Je n’ai vraiment aucun problème.

Si j’avais une demande, je n’aurais pas hésité à lui en faire part en tout cas.

Mlle Chabashira — Ta réponse me va mais Il n’y a vraiment rien ?

Elle fit part de son inquiétude de professeur en vérifiant plusieurs fois.

Moi — Rien du tout. Je suis satisfait de ma vie lycéenne, et je n’ai pas de problème en particulier.

Mlle Chabashira — D’accord… Alors c’est une très bonne chose.

Elle semblait ne pas pouvoir cacher son inquiétude mais pour le moment, elle décida de croire son élève sur parole. Elle reprit sa tablette en re-scrollant.

Moi — Vous avez aussi bien changé, Chabashira-sensei.

Peut-être que mes dires lui avaient mouche, alors elle grimaça et soupira.

Mlle Chabashira — Je ne pense pas avoir changé. En revanche, on peut sûrement dire que je suis plus honnête envers moi-même.

Elle avait vécu l’examen spécial du consensus en tant qu’élève et enseignante. Elle a gagné et perdu à travers ces deux expériences similaires. En début de scolarité, il était impensable d’imaginer un sourire de la part de Chabashira-sensei. C’était maintenant un lointain souvenir.

Mlle Chabashira — …hum hum. Quoi qu’il en soit, n’hésite pas à me concerter si tu as des problèmes concernant ta vie lycéenne à l’avenir.

Moi — D’accord.

Après avoir répondu clairement, le préambule se termina. Nous pûmes rentrer dans la phase principale de l’entretien.

Mlle Chabashira — Si tu as bien réfléchi, dis-moi si tu souhaites continuer tes études ou travailler après le diplôme.

Pour un lycéen, cette question était cruciale pour sa vie. C’est pourquoi les professeurs devaient guider les élèves vers le bon chemin pour qu’ils ne se perdent pas. Cependant, je n’allais pas pouvoir répondre à ses attentes.

Moi — Concernant mon orientation, la décision reviendra à mon père. Je ne pense pas qu’il y ait matière à discuter.

Mlle Chabashira — Tu comptes donc obéir à ton père ?

L’absence de mère fut sûrement prise en compte dans les données de l’école.

Moi — Oui.

Mlle Chabashira — Je vois. Même si c’est assez rare, il existe tout de même des élèves qui privilégient l’avis des parents. Mais dans la majorité de ces cas, les élèves savent à l’avance.

Même ici, nous prenons en compte le souhait des parents. Il y a même eu des moments où nous avions pu participer avec eux dans leur processus de réflexion. Mais pour le moment, nous n’avons reçu aucune indication de la part de ta famille concernant ton avenir.

Il est vrai que pour obéir à ses parents il fallait au préalable recevoir des directives de leur part. Cependant, moi qui n’allais ni continuer les études ni travailler, toute communication était inutile. Mais il était impossible à Chabashira-sensei de deviner la situation.

Moi — Je ne vois pas de problèmes.

Mlle Chabashira — Peut-être mais, dans le cas où tu souhaites continuer tes études, il faudrait commencer à s’activer. On doit commencer à effectuer des recherches sur des concours d’université qui correspondrait à ton niv…

Alors que Chabashira-sensei me parla d’un air exaspéré, elle s’arrêta. Elle se redressa, et me regarda droit dans les yeux.

Mlle Chabashira — Je ne connais pas en détail ton passé et je m’en veux vraiment d’avoir tenté de l’exploiter en faisant semblant de le connaître. Mais en tant que professeur principal, je veux connaître les capacités de chaque élève que j’ai en charge. C’est même un devoir.

Moi — Je comprends. Je ne compte pas vous gêner.

Je ne voyais pas bien l’écran de la tablette à cause des reflets, mais dans le cas où elle rendait au lycée des cases d’orientation vides, elle serait fautive. De plus, même si cela dépendait des écoles, si par exemple l’élève souhaitait intégrer une très bonne université ou entrer dans le monde travail, l’évaluation de l’enseignant et le bulletin avaient des conséquences directes.

Mlle Chabashira — Alors dis-moi. Dans le cas où ton responsable légal souhaite que tu continues tes études, puis-je considérer que tu possèdes les capacités pour répondre à leur souhait ?

Peu importe ma réponse, mon avenir n’allait pas changer. Cependant ce serait dommage de lui causer du tort à cause d’un cas anormal comme le mien. Il fallait au moins lui donner une réponse un minimum concluante.

Moi — Je pense pouvoir intégrer n’importe quelle université.

Mlle Chabashira — …Je vois. En temps normal j’aurais juste dit de faire attention à ne pas dire de bêtises, mais si c’est toi qui le dis alors c’est que ça doit être vrai. Je peux être certaine de la chose.

Sans me contredire, Chabashira continua.

Mlle Chabashira — Tu sembles avoir reçu une éducation relativement prodigieuse. Si tu es assez intelligent pour dire cela sans hésitation, je t’aurais demandé de plus contribuer à la classe que d’habitude… mais pour cette fois, laissons la chose de côté.

Après avoir fini d’inscrire sur la tablette ce dont on discutait, Chabashira-sensei leva sa tête.

Mlle Chabashira — J’ai compris ta situation actuelle. Mais qu’en est-il de ton avis Ayanokôji ? Certes, tu vas suivre l’avis de tes parents mais n’as-tu pas un avenir que tu aimerais avoir de toi-même ?

Moi — Non.  Et même si c’était le cas, je n’ai aucun pouvoir de décision.

C’était tout simplement une perte de temps.

Mlle Chabashira — Excuse-moi. Je t’ai peut-être posé une question incommodante.

Moi — Ce n’est pas grave. En réalité, je ne possède simplement aucun rêve ou souhait actuellement. Si je trouve un objectif à atteindre plus tard alors je vous en ferai part.

Mlle Chabashira — Je comprends. Pour le moment tu vas obéir à tes parents. Une réunion parent/élève/professeur sera organisée après la fin du troisième trimestre durant les vacances de printemps. On se dit que tu décideras clairement de ton avis à ce moment.

Moi — On fait comme ça alors.

Cependant un entretien avec mon père n’allait sûrement pas se réaliser. Même si cet homme venait, j’imaginais déjà notre conversation factice dans la mesure où il ne pouvait pas parler de la White Room publiquement.

Mlle Chabashira — Pour le moment cette réunion est prévue au 1er avril. Ça fera un bail que tu n’as pas vu ton père. Si besoin, il est possible de prendre plus de temps. Vois ça comme une bonne occasion de parler sans filtre de ton orientation.

Elle s’exprimait comme si elle était certaine de la venue de mon père. Ou bien elle avait vraiment l’information.

Moi — Puis-je vous demander une chose ?

En pensant à la possibilité, je lui posai la question. Ça valait le coup de vérifier.

Mlle Chabashira — Oui ?

Moi — Mon père va-t-il venir ? Ce ne sera pas un remplaçant ?

Ne comprenant pas où je voulais en venir, d’un air intrigué, Chabashira-sensei hocha la tête.

Mlle Chabashira — C’est ce qu’on m’a dit.

Moi — Vraiment ? La réunion n’a pas été refusée de sa part dès le début ?

Même si elle n’a pas l’air de bien comprendre, Chabashira-sensei montra tout de même ce qu’elle savait.

Mlle Chabashira — C’est vrai qu’au début, lors de l’envoi du mail, ils avaient répondu qu’un remplaçant viendrait parce que ton père était trop occupé. Ta question est donc justifiée. Mais plus tard, en envoyant les détails des dates de la réunion, la situation avait visiblement changé.

Au cas où, elle vérifia une deuxième fois sur la tablette, puis continua.

Mlle Chabashira — J’ai reçu un appel comme quoi ton père viendrait directement. C’était sa voix au téléphone alors il n’y a pas d’erreur.

Moi — Alors ça…

Comment cela se faisait-il ? Cet homme ne revenait pas facilement sur ces propos. En tout cas, c’était comme ça envers les élèves de la White Room. Alors qu’il a dit qu’il ne reviendrait pas dans cette école me voir, il comptait finalement participer à la réunion malgré un refus cohérent au départ ? S’il est revenu sur sa parole, il y a forcément anguille sous roche.

Moi — Vous avez parlé de quoi concrètement avec lui ?

Mlle Chabashira — Nous n’avons pas vraiment discuté en profondeur. Il a juste dit qu’il devait y avoir un remplaçant mais que son emploi du temps avait changé et qu’il pouvait participer. Il a juste demandé à ce qu’on l’informe rapidement si les dates proposées par ce dernier ne convenaient pas à l’école. C’est tout naturel.

Moi — En effet.

Il ne devait pas venir car occupé mais son emploi du temps avait changé alors il a décidé de donner les dates où il était libre. Il n’y avait aucun point étrange.

Mlle Chabashira — Mais… ah non, oublie.

Chabashira-sensei voulait dire quelque chose mais s’arrêta.

Moi — Mais… ?

Moi qui voulais ne serait-ce qu’un petit indice, je tentai de la faire parler.

Mlle Chabashira — Ce n’est pas si important. Mais, j’ai trouvé que c’était un peu étrange. S’il y a des modifications de date, il est naturel de vouloir être informé pour s’arranger pour ne pas rater le jour de l’entretien de son enfant. Mais il voulait être informé pour tous les élèves de la classe.

Moi — Même pour un entretien d’un camarade ?

Mlle Chabashira — C’est ça. Je le trouve bien soucieux, mais si c’est juste l’informer cela ne me dérange pas.

Ça expliquait pourquoi elle avait accepté sans rien dire. Mais si cet homme avait des arrière-pensées alors c’était là qu’il fallait creuser.

Moi — Si vous le voulez bien, pouvez-vous me montrer le programme ?

Mlle Chabashira — Le programme ? Hmm, oui. Il n’y a pas de mal à ça.

Elle le chercha sur sa tablette avant de me montrer l’écran.

Mlle Chabashira — Voilà le programme avec la liste des réunions de la classe. Ce sera pareil qu’ici. Tu es donc prévu pour la fin, Ayanokôji.

Le 26 mars, le 28 mars, le 30 mars, le 1er avril, soit 4 jours au total. Effectivement, mon nom se trouvait à la fin, soit le 1er avril, à 17h.

Mlle Chabashira — Il n’y a rien de particulier, non ? C’est bon ?

Moi — Oui, merci beaucoup.

Chabashira-sensei reprit la tablette qu’elle avait retournée vers moi.

Mlle Chabashira — Dans une relation parent-enfant je ne dis pas qu’il ne faut pas être soucieux. Je ne connais pas en détail ta relation, mais il n’y a aucun parent qui n’aime pas son enfant. C’est sûrement une manière de montrer à quel point il se soucie de toi.

Moi — C’est peut-être ça.

Je répondis ainsi, car il était inutile de discuter plus longtemps avec Chabashira-sensei de cet homme et ses complots.

Il avait forcément quelque chose en tête. Avait-il décidé de m’expulser lui-même de l’école en ne confiant plus la tâche à quelqu’un d’autre ? Même si c’est le cas, il avait déjà dû apprendre la dernière fois que ça ne servait à rien de venir directement mettre les pieds ici.

J’avoue que je n’arrivais clairement pas à comprendre l’objectif derrière tout ça.

1

Après mon entretien encore teinté de mystère, fini, je rentrai au dortoir avant qu’il ne fasse noir, et pris l’ascenseur. À 19h, j’avais prévu de diner avec Kei. Ainsi, j’avais une heure pour faire les préparatifs. D’abord, il fallait se laver les mains… Alors que je commençais à prévoir ce que j’allais faire dans ma tête, lorsque je sortais de l’ascenseur…

— Yo. T’es rentré assez tardivement Ayanokôji.

Devant la porte de ma chambre attendait une personne que je n’aurais pas cru voir. C’était un élève de la classe de Sakayanagi, Masayoshi Hashimoto. Il tapait du pied comme s’il attendait depuis longtemps.

Hashimoto — Vu que tu reviens seul, je suppose que Kei n’était pas là.

Il dit cela en vérifiant qu’il n’y avait personne dans l’ascenseur qui se refermait.

Moi — J’étais à ma réunion élève/professeur, d’où mon retour tardif.

Hashimoto — Oh, je vois… Je n’avais pas pensé à cette possibilité. Je dois te parler, t’as du temps ?

Il avoua la raison de son attente, tout en pointant son manque d’appréciation.

Moi — Cela n’a pas l’air d’une discussion rapide.

Hashimoto — Exactement. Cela m’aiderait que tu sois compréhensif.

Je ne pouvais pas non plus l’ignorer comme ça.

Moi — Si ça te va, entre chez moi.

J’aurais probablement moins de temps pour préparer le diner, mais je pourrais m’adapter si ce n’est pas trop long. Je n’avais pas plus de raison de refuser, donc je laissai rentrer Hashimoto.

Hashimoto — Désolé hein.

Moi — Je peux t’écouter, mais ne t’attends pas à une bonne hospitalité.

Hashimoto — Pour l’instant rien que ça me suffit.

Il eut un petit rire comme s’il se moquait de lui-même, et me donna une légère tape dans le dos en insérant la clé. Lorsque j’ouvris la porte, je regardai un instant vers l’escalier de secours. J’avais senti quelqu’un nous observer ; néanmoins je ne savais pas si Hashimoto avait senti cette présence, il était peut-être même au courant. Pour le moment je rentrai sans y prêter attention.

Hashimoto — Désolé pour le dérangement… Oh, en effet, la différence est flagrante dans une chambre quand on a une petite amie.

À son entrée, il fit part de ses observations à cause de la patte de Kei.

Hashimoto — Je peux m’asseoir sur le lit ? C’est peut-être malpoli ?

Moi — Malpoli ? Non, fais ce que tu veux.

Même s’il avait murmuré qu’il allait prendre place, il s’assit lentement, montrant qu’il se souciait du lit des autres.

Moi — Alors ? De quoi s’agit-il ?

Hashimoto — C’est une histoire assez compliquée. J’ai besoin d’aide sur le comportement que je dois adopter à l’avenir.

Il était difficile de lui dire quoi que ce soit dès le début, donc je décidai de demander plus de détails.

Moi — Ton comportement ?

Hashimoto — T’en as déjà entendu parler nan ? La cause de l’exclusion de Kamuro.

Moi — J’ai juste entendu des rumeurs. Visiblement, quelqu’un serait entré en contact avec Ryuuen et aurait envoyé les informations. Résultat, la classe A a dégringolé en dernière position.

Hashimoto — C’est exact. À cet examen, dès que les informations fuitaient, les chances de victoire disparaissent aussi avec.

Comme le disait Hashimoto le facteur décisif de leur défaite a été causé par la fuite d’information du traitre. Sans lui, la classe A aurait probablement pu éviter la dernière place.

Hashimoto — J’ai été le premier suspecté. Actuellement, plusieurs personnes de la classe me lancent un regard noir.

En réalité, l’information ne s’était pas arrêtée qu’à leur classe. Ça montre que l’acte de trahir est très impactant et peut être une menace.

Moi — Honnêtement j’en ai aussi entendu parler. Je compatis.

Il est vrai qu’à l’heure actuelle, concernant l’identité du traitre, le nom que l’on entendait le plus c’était Hashimoto. Il aurait été en contact avec Ryuuen pour passer un accord secret. Si on prend en compte ses actions passées bien suspectes, on peut dire que la conclusion était cohérente. Nous n’avions rien entendu concernant l’existence de preuve irréfutable mais par élimination, on suggérait qu’il s’agissait de Hashimoto. 

Moi — Tu ne peux rien y faire, tu ne veux pas céder ? Dire que tout était de ta faute.

Hashimoto — Si ça me permet d’arrêter mon chagrin, alors j’aimerais agir pour prouver mon innocence.

Moi — Je ne sais pas. On parle souvent de présomption d’innocence, mais moi je pense que dans la vraie vie ça ne marche pas comme ça. Lorsqu’on est suspecté, si on prend la parole de manière maladroite, cela peut renforcer les suspicions. Les personnes qui désignent coupable sans preuve, peuvent même suspecter un simple signe de tristesse.

C’est ce qu’on appelle le phénomène de la chambre d’écho. Lorsque plusieurs élèves portant la même opinion se rassemblent, la vérité devient celle de cette opinion majoritaire. Cette école étant fermée à l’extérieur, le phénomène à tendance à être particulièrement accentué. Malheureusement, tant qu’il ne peut pas apporter une preuve irréfutable qu’il n’est pas coupable, Hashimoto ne pourra rien y faire.

Hashimoto — T’as peut-être raison. Il faut opter pour le silence.

Moi — Tu comprends ?

S’il n’a pas de preuve irréfutable, il aura beau parler la situation ne changera pas. Au contraire, des propos maladroits peuvent empirer son cas.

Hashimoto — Je vais pleurer.

Alors qu’il fit semblant de se retenir de pleurer, je l’interpelai.

Moi — Bon, on peut en finir avec la mascarade ? Quelle est la raison de ta trahison envers Sakayanagi ?

Son mouvement s’arrêta net en entendant ces mots. Ses doigts s’éloignèrent petit à petit de son visage.

Hashimoto — Eh, tu aurais pu me laisser finir. J’ai l’air d’un idiot maintenant d’avoir fait semblant d’être la victime.

Moi — J’ai pensé que c’était une perte de temps. Il commence à se faire tard, et j’aimerai préparer le diner rapidement.

Je lui dis cela, en sachant que Kei allait venir ici plus tard.

Hashimoto — Quoi, t’as rendez-vous avec ta copine ?

Moi — On peut dire ça.

Hashimoto — Comment ça ? Notre amitié devrait être plus forte que celle d’une fille.

Moi — Désolé mais j’ai des priorités. Impossible de changer mon programme. Et depuis quand avons-nous une forte amitié ?

Lorsque je lui répondis honnêtement, Hashimoto posa ses mains sur le lit et pris une inspiration.

Hashimoto — Bon, tant que tu comprends la situation calmement ce n’est pas grave. En fait, actuellement c’est ce qui m’arrange le plus.

Après avoir marqué une pause, il revint tout de suite au cœur de la discussion.

Hashimoto — Pour quelles raisons penses-tu que j’ai trahi Sakayanagi ?

Hashimoto me demanda de réfléchir et de lui donner une réponse.

Moi — Je ne peux pas le savoir. La seule raison à laquelle je pense c’est l’obtention d’un grand nombre de points privés en retour.

J’évoquai simplement le scénario le plus plausible mais je restai sceptique. En effet, c’était bien trop grand comme sacrifice.

Certes, il a fait perdre Sakayanagi une fois mais les conséquences furent la perte de 100 points de classe ainsi que l’exclusion du bras-droit, Kamuro. J’imagine que cela faisait partie de la négociation que d’exclure un cadre de Sakayanagi mais 500 000 ou 1M de pp, c’était peu cher pour ce coup fatal.

Hashimoto — Ce que je veux ce n’est pas l’avis que l’on peut entendre de n’importe qui, mais le tien, Ayanokôji.

Hashimoto avait bien compris que je ne répondais pas sérieusement.

Moi — Désolé mais je ne compte pas donner d’avis.

Hashimoto — Quoi ? Pourquoi ? Parce qu’on a aucun lien ?

Moi — Ce n’est pas ça. Tu n’es juste pas sérieux.

Hashimoto — Hein ? Moi je te parle sérieusement là. J’essaye de trouver coûte que coûte une solution pour me sauver.

Moi — Si tu parles sérieusement c’est trop tard pour dire ça.

Hashimoto — Trop tard…

Moi — Quelqu’un qui ne peut pas décider de sa ligne de conduite, ne doit pas trahir sa classe.

Tirer sur Sakayanagi était tout comme viser la tête de son général. On ne prend pas cette décision à la légère. Il faut pouvoir encaisser les conséquences.

Hashimoto — En effet, c’était bête d’engager la conversation comme ça.

Dès le début de la discussion, ce point me laissait sur ma faim. Il s’excusa à plusieurs reprises pour son erreur, puis reprit la conversation en se rectifiant.

Hashimoto — La raison de ma trahison contre Sakayanagi est ton existence Ayanokôji. Ça a commencé lorsque j’ai essayé de la persuader de te prendre en classe A.

Moi — Persuader ? On ne peut pas parler de persuasion. Tu as simplement impliqué ta classe dans un process d’automutilation.

Hashimoto — Drôle de façon de dire les choses. Enfin, tu as raison dans la globalité.

Hashimoto répondit en riant, mais était-il vraiment détendu ? Je sentais qu’il dissimulait ses sentiments afin que je ne le perce pas à jour. Ça voulait sûrement dire qu’il évitait de montrer une faiblesse. Même si ses dires étaient véridiques, j’avais l’impression qu’il cachait aussi un certain nombre de secrets.

Moi — Mes questions ne cessent de se multiplier. Déjà pourquoi trahir Sakayanagi après l’avoir comparée à moi ? Tu ne penses pas que c’est une histoire que les autres élèves auraient tellement du mal à saisir ?

Hashimoto — Ceux qui ne comprennent pas sont juste incompétents. On ne peut plus rester sans rien faire. J’ai à ma manière travaillé bien plus, et je suis certains que t’es le plus incroyable. Je peux t’expliquer depuis le début mon raisonnement mais tu n’as pas le temps pour ça.

Moi — Même si je le nie, je ne pourrais pas te convaincre.

Hashimoto — Non. Tu as les capacités à toi tout seul de bouleverser le classement des classes. C’est pour ça que j’ai menacé Sakayanagi de continuer à la trahir tant qu’elle ne te prenait pas. Toi en classe A, c’est synonyme de victoire assurée. C’est la formule gagnante.

Hashimoto serra les poings, mais c’était bien trop téméraire et irréaliste.

Moi — Je suis désolé, mais ce n’est qu’un doux rêve. Même si j’avais les capacités que tu décris, cela n’aurait aucun sens si je devenais l’ennemi de Sakayanagi. Effectivement, j’avais dit que j’y réfléchirais positivement lorsque j’avais été approché à ce sujet auparavant mais je ne me souviens pas avoir dit formellement que je viendrais.

Il avait manifestement pris une décision trop hâtive.

Hashimoto — Alors même si je rends le transfert possible, tu ne viendrais pas en classe A ?

Moi — Pour l’instant c’est tout ce que je peux dire. Je ne veux vraiment pas rentrer en conflit avec Sakayanagi.

Lorsque je lui ai dit honnêtement ce que j’en pensais, Hashimoto reçut un choc mais marmonna qu’il s’en doutait.

Hashimoto — Un oui aurait été la meilleure réponse, mais tant pis. Je savais que ça ne serait pas si facile.

Le calme avec lequel il avait répondu signifiait qu’il avait pleinement envisagé la possibilité que je ne choisisse pas la classe A. Dans ce cas, pour quelle raison avait-il trahi sa classe ? Au vu du peu d’informations à ma disposition, la déduction était difficile.

Hashimoto — Hé, est-ce que j’ai une tête de traître à ce point ? J’ai été immédiatement soupçonné par Sakayanagi.

Moi — Tu es ce genre de personnage.

Hashimoto — Tu pourrais un peu me défendre, non ? Je plaisante ! Même si c’est moi qui ai pris l’initiative, j’ai reçu frontalement une déclaration de guerre totale. En y réfléchissant, je n’ai aucune chance de gagner.

Sakayanagi avait mal encaissé le départ de Kamuro. Son ressentiment envers lui devait être plus fort qu’il ne le pensait.

Hashimoto — Mais est-ce que je suis le seul responsable de cette trahison ? Je leur ai dit la meilleure solution pour être diplômé en classe A. J’ai durci le ton parce qu’ils ne voulaient pas m’écouter. Ai-je tort ?

Moi — Quel culot. Mais ton intuition n’est pas une erreur. Il est vrai qu’en continuant à suivre les ordres de Sakayanagi avec les rapports de forces actuelles, il n’y avait aucune garantie que vous resteriez dans la classe A à l’avenir.

Le vrai problème étant l’écart des points de classe qui se réduisait petit à petit.

Hashimoto — N’est-ce pas ?

Moi — Mais tu as aussi commis une grosse erreur en même temps.

Hashimoto — Celui d’avoir fait de Sakayanagi mon ennemie ?

Moi — C’est à la fois vrai et faux. Se mettre Sakayanagi à dos n’est pas une mauvaise chose en soi. L’erreur est d’avoir agi en te mettant à dos Sakayanagi alors que tu n’avais aucune garantie pour la battre. Si tu savais que c’était peine perdue alors tu aurais dû adopter une approche différente.

Hashimoto — J’y ai réfléchi à ma façon. Mais je suis arrivé à la conclusion que c’était la seule solution.

Moi — C’est une réponse à laquelle tu es arrivé après avoir calculé les choses dans ta tête. Je ne peux pas dire si c’est la bonne réponse.

Hashimoto ne le niant pas, il imaginait ce qui allait se passer par la suite.

Hashimoto — De toute façon je ne peux plus revenir en arrière. Dans ce cas, penses-tu qu’en l’état, je vais me faire manger par Sakayanagi ?

Moi — C’est ce qui arrivera sûrement. Si cela ne te plaît pas, la seule option qui te reste est de gagner contre Sakayanagi.

Hashimoto — Tu penses que je pourrai la battre dans un affrontement ?

Moi — Juste pour être sûr, selon toi est-ce que vaincre Sakayanagi c’est l’expulser de l’école ?

Hashimoto acquiesça. Autrement dit, il n’y avait aucun moyen de réconciliation. Il n’y avait donc qu’une réponse.

Moi — Aussi favorable que je sois, la probabilité est bien trop faible. Même si cela dépend du prochain examen spécial et qu’il y a une part de mystère, nous pouvons supposer que Sakayanagi veut plus t’expulser que Ryuuen. Dans le cas extrême, même si tu parviens à forcer l’expulsion de Sakayanagi, elle pourrait même te poignarder dans le dos par vengeance et t’emmener dans sa chute.

Dans ce cas, Ryuuen n’aurait plus à accepter l’existence gênante de Hashimoto le traitre, et en même temps, il pourrait enterrer un ennemi puissant, faisant ainsi d’une pierre deux coups. Non…

Tout d’abord, il était difficile de vaincre Sakayanagi même dans une lutte sans merci. Entre Sakayanagi et Hashimoto, il y’avait une différence de force écrasante à première vue. Elle avait une ou deux longueurs d’avance sur Hashimoto et possédait même un point de protection. Pour la vaincre, il fallait donc la poignarder deux fois. De plus, Hashimoto ne pensait plus qu’à son affrontement contre Sakayanagi. Mais c’était une chose bien naïve. Je comprends que la vaincre signifiait la résolution des problèmes, mais même s’il arrivait à ses fins, cela n’aurait été que le début.

Il fallait reconstruire une classe qui s’était effondrée et affronter ceux qui voulaient venger Sakayanagi. Les problèmes allaient affluer les uns après les autres. Sans avoir l’assurance que je viendrais en classe A, il l’avait trahi en sachant qu’il serait en mauvaise posture face à Sakayanagi. C’était un comportement tout bonnement étrange et c’était un euphémisme.

Moi — En tout cas, le Hashimoto que j’en ressort de cette discussion, est une personne qui ne fait pas assez confiance aux gens.

Il ne révélait pas tout et agissait ensuite selon son propre jugement. C’est bien lorsque ça réussit, mais lorsque tout s’écroule, il ne peut compter sur personne.

Hashimoto — Je ne le nie pas. Mais Ryuuen et Sakayanagi non plus, ils ne font pas confiance aux autres.

Moi — Parce qu’ils ont acquis la capacité de se battre sans faire confiance aux autres.

Hashimoto — On en revient donc à ce sujet.

Hashimoto n’était pas vraiment dépourvu de vision. Il avait senti qu’il perdrait tôt ou tard, dans une situation où nous étions ennemis. Jusque-là, il n’avait pas tort. Mais jusqu’à maintenant et à l’avenir, il allait réfléchir et continuer à tirer des conclusions tout seul. C’était le résultat des effets néfastes venant de l’incapacité à faire confiance à autrui. Si Hashimoto avait réussi à s’entourer de quelques personnes de confiance, sa situation actuelle aurait pu être un peu meilleure.

Hashimoto — Je ne veux pas que tu penses que je me suis dressé contre Sakayanagi sans aucune chance de gagner. Je ne suis pas aussi stupide.

Hashimoto marmonna qu’il avait ses propres chances. J’ai voulu l’écouter un peu plus, mais il me regarda, ne voulant pas continuer

Hashimoto — Avant de te faire écouter la suite, il y a quelque chose que je voudrais vraiment vérifier Ayanokôji.

C’est ainsi que Hashimoto posa une certaine question. Pourquoi avait-il décidé de trahir Sakayanagi et de tout miser à ce moment-là ? C’était la question qui pouvait éclaircir cette affaire.

2

La discussion avec Hashimoto avait pris plus de temps que prévu.

Hashimoto — Désolé, j’ai parlé trop longtemps.  Karuizawa vient, non ?

Moi — Pas le choix. Je ne pouvais pas non plus te couper, vu le sujet.

Hashimoto — Puis-je en conclure que ce fut une discussion fructueuse ?

Après avoir hoché la tête, Hashimoto hocha également la sienne pour me répondre. Contrairement à tout à l’heure où il montrait une mine déconfite, il était maintenant quelque peu radieux. C’était comme s’il avait réussi à tout évacuer. En accompagnant Hashimoto, je décidai de faire un tour dehors.

Moi — Je vais aller à la supérette pour acheter le diner.

Alors que Hashimoto s’apprêtait à appuyer sur le bouton d’appel de l’ascenseur, lorsque je dis cela, au lieu d’appuyer sur le bouton pour aller aux étages supérieurs, il appuya sur le bouton qui faisait le contraire.

Hashimoto — Alors est-ce que je peux t’accompagner ? Bien sûr, pas de discussion sérieuse.

Il avait aussi l’air exténué. Voulant sûrement manger rapidement sans prise de tête, on décida de se rendre à la supérette ensemble. Nous prenions donc l’ascenseur et descendions dans le hall. C’est alors que nous tombâmes sur Morishita, la camarade de Hashimoto, sûrement en train de rentrer chez elle.

Morishita — Quel hasard, Kiyotaka Ayanokôji.

Moi — C’est en effet un hasard.

Nous sentions à ce moment l’évolution des relations. En deux ans de vie scolaire, nous nous étions rencontrés à plusieurs reprises. Alors qu’on ne se souciait pas l’un de l’autre jusqu’à récemment, à chaque rencontre nous nous arrêtions et une discussion commençait naturellement.

Morishita — Voici également le traitre Hashimoto. Quel hasard.

Hashimoto — Oh, mais quelle manière d’entamer une discussion. Par pitié arrête un peu.

Morishita — Excuse-moi. C’est vrai que nous n’avons aucune preuve pour arriver à cette conclusion. Je vais me rectifier.

Quand bien même, cela ne changeait pas le fait qu’elle pensait la chose. En réalité c’était bien le traitre, mais ma présence devait le soulager.

Morishita — Cela ne te surprend donc pas, Kiyotaka Ayanokôji.

Moi — J’ai déjà entendu les rumeurs. Puis contrairement aux élèves de la classe A, je ne suis pas très intéressé par la vérité.

Morishita — Je vois. Je pensais que c’était parce que tu avais été consulté par le traitre.

Elle disait ce qu’elle pensait sans hésitation, nous provoquant sans ménagement. Alors que j’admirais son audace, Hashimoto intervint.

Hashimoto — Arrête. Libre à toi de me suspecter mais tant que princesse ne donne pas de directives, évite d’impliquer des personnes extérieures.

Morishita — Certes. Il fait presque nuit d’ailleurs. Pourquoi cette sortie ?

Elle n’essaya pas de forcer plus que ça.

Moi — Je vais à la supérette pour acheter mon diner.

Hashimoto — Moi aussi.

Morishita — Je n’ai pas posé la question à Masayoshi Hashimoto, mais je vois. Je pensais cependant que Kiyotaka Ayanokôji était le genre de personne qui cuisinait souvent soi-même. A-t-il été retenu parce qu’il parlait à quelqu’un ?

En ce moment je cuisinais souvent moi-même, mais d’où avait-elle obtenu cette information ? Les soupçons de Morishita se renforçait peu à peu. Ainsi Hashimoto répondit à la suspicion.

Hashimoto — Je suis avec Ayanokôji depuis qu’on est dans l’ascenseur. Il a été retenu par son entretien élève/professeur.

Pensant que cela serait embêtant d’être interrogé sur ces questions délicates, il répondit spontanément de manière détendue. Cependant, cela rendit au contraire Morishita plus suspicieuse.

Morishita — Cela me paraît bizarre. L’horaire de fin de la réunion élève/professeur de Kiyotaka Ayanokôji est passé depuis bien longtemps. Il semblerait que vous aviez longuement discuté tous les deux aujourd’hui.

Elle avait donc effectué des recherches sur la classe et avait même saisi des informations que Hashimoto n’avait pas.  Cela s’était retourné contre lui.

Hashimoto — Nan, je t’ai dit que je n’ai rien avoir là-dedans. Je ne sais absolument pas ce que faisait Ayanokôji.

Morishita — Pourtant il semblerait que vous étiez déjà ensemble au 4ème étage. Vous êtes montés dans l’ascenseur ensemble.

Elle dit cela comme pour bloquer toute issue, tout en portant légèrement son regard sur l’écran de l’ascenseur[1].

Hashimoto — Tsk, on a donc été vus…

Morishita — Si c’était quelqu’un d’autre, cela serait passé mais pas de chance, c’était moi.

Hashimoto sourit amèrement, se montrant contrarié. Mais il ne semblait pas pour autant pas paniqué.

Morishita — Est-ce qu’il s’agit d’une prise d’initiative du Traitor ?

Hashimoto — Hein ? Traitor ?

Morishita — Ça veut dire traitre en anglais.

Lorsqu’elle lui expliqua, Hashimoto baissa les épaules comme s’il était déçu.

Hashimoto — Te fais pas d’idées Morishita. C’était pour totalement autre chose.

Morishita — Quel genre de chose ?

Hashimoto — Ça je ne peux pas le dire. C’est un truc de mec, pas vrai ?

Il me demanda d’être en accord avec lui alors je m’alignai sur sa version.

Morishita — Je ne peux donc pas en savoir plus à cause de la différence du sexe. Quelle manière pratique d’échapper aux questions.

Hashimoto — Peu importe ce que je dis, tu ne me croiras pas.

Hashimoto dit qu’il ne pouvait rien y faire, en haussant les épaules. Comme je l’avais dit tout à l’heure, plus il parlera et plus il aura de chance d’être suspecté.

Morishita — Peu importe. Est-ce que je peux aussi venir avec vous ?

Hashimoto — Bah si tu veux, mais tu as aussi quelque chose à faire ?

Morishita — Oui, probablement. Je trouverai une idée en y allant.

Elle révéla d’elle-même qu’elle n’avait pas encore la raison, mais nous n’étions pas en droit de refuser. De toute manière, elle aurait pu nous suivre de loin.

Hashimoto — Ok, j’ai compris. Bon bah, allons-y tous les trois.

Morishita — Je vous suis, alors.

Morishita tourna la tête et prit les devant.

Hashimoto — Pourquoi tu te mets devant… Tu es toujours aussi incompréhensible. Désolé, Ayanokôji.

Moi — Pas grave. Ce n’est pas vraiment un problème.

Sa présence me rappela que je ne connaissais que ses capacités académiques, grâce à l’OAA. Je n’en savais pas plus sur elle. C’était peut-être l’occasion de demander.

Moi — Quelle est la place de Morishita dans la classe ?

Hashimoto — Aucune place en particulier comme tu peux le voir. Elle est perspicace mais assez excentrique. Et surtout, toujours seule.

Moi — Elle n’a pas d’amis proches ?

Hashimoto — Pas que je sache.

Venant d’une personne obsédée de la collecte d’information, je pouvais me fier à ses dires. Regardant Morishita de dos, Hashimoto, intrigué, mit l’index et le pouce sur son menton.

Hashimoto — C’est pourquoi ça me surprend, qu’elle vienne entamer une conversation comme ça…

Après avoir dit cela, il me lança un regard, m’incitant à prendre les devants.

Moi — Elle ne surveille pas juste le traitre ?

Hashimoto — Eh bien, cette possibilité n’est pas nulle, mais… D’ailleurs, toi aussi tu ne te gênes pas pour m’appeler comme ça.

Moi — Pourquoi m’abstenir ?

Hashimoto — Bon Sang ! Morishita n’était pas vraiment une partisane de Sakayanagi pour moi. Elles sont camarades, c’est tout. En plus, ce n’est pas le genre de personne qui va chercher activement à résoudre des problèmes. Je ne vois pas pourquoi elle enquêterait.

Morishita n’était donc pas du genre à prendre des initiatives ? Était-ce vraiment le cas ? Bien que nous n’ayons eu qu’un petit nombre d’échanges, j’avais plutôt l’impression de l’inverse. Pour moi, c’était quelqu’un qui agissait seule activement pour résoudre les choses d’elle-même. Bien sûr, elle avait pu changer d’avis après la défaite, alors qu’avant, elle laissait la responsabilité a Sakayanagi qui avait été solide jusque-là. Mais difficile de croire que Hashimoto soit surpris. Il sait parler sans montrer ses pensées, tissant vérité et mensonge dans des proportions similaires. Cette situation où nous marchions tous les trois ensemble n’était peut-être même pas le fruit d’une simple coïncidence.

On peut en tout cas supposer que Hashimoto voulait entrer en contact avec moi pour tenter de causer une interaction avec la classe A. S’il ne voulait pas que Sakayanagi ait une chance d’être au courant de notre rendez-vous, il n’aurait pas attendu devant ma chambre alors qu’il y avait un risque d’attirer l’attention. On avait échangé nos contacts donc on pouvait discuter discrètement autant qu’on le souhaitait. L’objectif était donc de faire savoir à Sakayanagi directement, ou indirectement, qu’il avait pris contact avec moi.

Bien sûr, seul Hashimoto connaît la vérité pour le moment, mais il y avait aussi des choses que l’on pouvait deviner. Les vérités et les mensonges de ce dernier et ce qu’il a montré chez moi. Tout ce qu’il fait n’est lié qu’à son propre intérêt.

« Je veux être le seul à en profiter ».

« Je veux être le seul à être sauvé ».

« Je veux être le seul à gagner ».

Il ne se soucie pas de ce qui arrive aux autres dans ces décisions. Pour un pacifiste, l’existence de Hashimoto est le mal incarné. Plus j’apprenais à le connaître, plus je partageais son avis car il était en accord avec sa propre nature. Et pour accomplir un tel mal, il fallait avoir une force irréfutable.

Or, Hashimoto n’avait pas cette force. C’est pourquoi, tel un caméléon, il avait appris à s’adapter en fonction de son environnement. Il essayait de se fondre dedans pour survivre. C’est exactement ce que nous faisions en ce moment et jusqu’à présent.

Nous quittions tous les trois le hall d’entrée en direction de la supérette. Nous entrâmes à l’intérieur du magasin, puis, en prenant un panier, je contactai Kei. Je lui demandai ce qu’elle voulait pour le diner. Même les plats à réchauffer de la supérette étaient délicieux. Pendant que nous faisions nos courses, je croisai une personne rentrée après nous au coin des boissons.

— Ah……Bon…bonsoir…

C’était Miki Yamamura, une fille de la même classe que Hashimoto.

Moi — Je ne m’attendais pas à te voir ici.

Yamamura — Euh, Oui.

Yamamura acquiesça, semblant mal à l’aise par ma réponse. Comme je le pensais c’était visiblement Yamamura qui surveillait Hashimoto dans l’escalier de secours. Même après avoir quitté le dortoir, je n’avais presque pas pu ressentir sa présence, ne sachant pas qui c’était. Mais mes doutes s’étaient avérés. Je ne savais pas si elle agissait seule mais sa présence à mon étage montrait qu’elle surveillait Hashimoto. En effet, je ne voyais pas de raison particulière pour que Yamamura se cache pour me surveiller.

Hashimoto — Oh, Yamamura. Quelle coïncidence !

Hashimoto nous ayant vu discuter, se rapprocha avec ses nouilles instantanées goût curry en main.

Yamamura — Bonsoir… Hashimoto.

Hashimoto — C’est la première fois que je te croise à la supérette.

Parlait-t-il juste de ses habitudes, ou avait-il senti que quelque chose clochait ? Dans le doute, il observa la réaction de Yamamura.

Yamamura — Eh bien, tu sais, je vais souvent ici… Environ une à deux fois par semaine… Je n’attire juste pas l’attention… Si tu veux bien m’excuser…

Hashimoto — Oh, c’est moi qui m’excuse.

En essayant de la tester, il pointa son manque de présence donc Hashimoto s’excusa rapidement.

Morishita — C’est inhabituel. Miki Yamamura qui parle à un garçon.

Hashimoto — C’est toi qui dis ça, Morishita ?

Morishita — Moi c’est pour suivr… non, en fait je suis intéressé par Masayoshi Hashimoto. De l’amour peut-être ?

Hashimoto — Arrête de me relancer exprès le sujet toutes les minutes. Bon, de toute façon Yamamura aussi me suspecte sûrement.

C’était on ne peut plus logique. Alors que Hashimoto cherchait à la tester, Yamamura avait fui son regard. Le silence pesant et la musique légère de la supérette créait une sorte d’ambiance dissonante. Ce n’était ni Hashimoto ni Yamamura qui décida de mettre fin à cela mais Morishita.

Morishita — Tant qu’on y est, faisons nos courses ensemble. Ça ne te dérange pas ?

Yamamura — Hein, euh, ah, oui… Si ça ne vous gêne pas…

Pour une fois, son incapacité à lire l’ambiance porta ses fruits. Elle avait très vite réussi son coup et Yamamura finit par faire ses courses avec nous.

Bon, à l’origine une supérette est un endroit où l’on fait ses courses, donc ce n’était pas si étrange. Je n’ai pas souvent eu l’occasion de voir Yamamura parler avec d’autres élèves, mais elle avait visiblement aussi du mal à parler avec ses camarades de classe. Morishita la forçait à moitié à prendre les produits dans sa main qu’elle lui recommandait en tirant sur sa manche dans les rayons. N’arrivant pas à refuser, elle avait déjà trois/quatre produits dans le panier.

Moi — Tu ne devrais pas trop insister.

Morishita — Pourquoi ? Miki Yamamura accepte volontiers mes recommandations.

Moi — Je ne pense pas qu’elle soit satisfaite. J’ai beau regarder, elle a un air embarrassé.

Morishita — C est vrai ?

Yamamura — Euh, eh bien…

Ne sachant pas quelle partie prendre, Yamamura se tut.

Morishita — Je te force à acheter des choses ?

Yamamura — Non, ce n’est pas vraiment ça…

Sous la pression des mots, Yamamura se recroquevilla, et ravala sa réfutation.

Morishita — Tu n’aimes pas ça ? Bon, je vais te donner ma prochaine recommandation. Et garde ça secret aux autres.

Alors qu’elle ne travaillait même pas pour la supérette, elle essayait de faire acheter les produits. Elle finit par prendre prendre un jus de la vitrine même.

— Désolée d’interrompre votre conversation amicale, mais pourriez-vous vous écarter ?

Pendant notre conversation, une nouvelle cliente s’était arrêtée au rayon des boissons. Elle semblait m’avoir remarqué, mais Yamamura qui était proche de moi, semblait l’avoir ignorée. Elles se heurtèrent ainsi légèrement les épaules.

Yamamura — Ah, euh, pardon.

La supérette n’était pas très spacieuse, donc quelques personnes rassemblées, suffisaient à gêner les autres clients qui choisissent leurs articles. Ce n’était pas particulièrement un gros choc, mais elle s’excusa et laissa le passage.

— Non moi aussi je ne faisais pas attention. Désolée

Elle prit une bouteille de thé vert en faisant voltiger ses cheveux.

— Moi j’aime bien cette marque de thé. On ressent bien le goût et les arômes comme si ça avait été infusé dans une théière. Pas vrai Ayanokôji ?

La personne qui m’adressa la parole était Fuuka Kiryûin de la Terminale B, parlant comme une promotrice de cette marque de boisson.

Moi — Je n’ai jamais rien bu de cette marque donc je ne sais pas.

Kiryûin — C’est dommage. Si tu en as l’occasion, tu devrais essayer.

Moi — Tu es sur le point de rentrer ? Kiryûin-senpai.

Kiryûin — Ah, je suis un peu en retard. C’est pour ça que je passe à la supérette pour aujourd’hui. Cette fille-là, c’est ta nouvelle petite amie ?

Moi — Non.

Yamamura — Ah, euh… Je suis Yamamura…

Morishita — Je suis Ai Morishita.

Kiryûin — Yamamura et Morishita. Vous êtes dans la même classe que Ayanokôji ?

Moi — Non, elles sont en classe A.

Kiryûin — Oh ? C’est bien que tu aies un large cercle d’amis. Il faut que tu en prennes soin.

Moi — C’est toi qui dis ça, Kiryûin-senpai ?

Pour une personne qui se démarquait des groupes de terminales, en restant distante, c’étaient des paroles qui ne lui ressemblaient pas.

Hashimoto — Bonsoir Kiryûin-senpai. Moi c’est Hashimoto, en classe A également.

Alors que Kiryûin regardait Yamamura, il l’interrompit et s’immisça en lui tendant la main. Il la salua. Kiryûin hocha la tête en effleurant légèrement sa main.

Kiryûin — Je me souviendrai de vous trois.

Après une courte discussion, Kiryûin finit de payer l’addition avant nous et quitta la supérette. Alors qu’elle ne semblait pas s’intéresser beaucoup aux autres, elle a dit qu’elle se souviendrait d’eux ce qui m’avait un peu étonné. Mais si ça se trouve, c’était des mots sans profondes significations.

Hashimoto — Je ne savais pas que tu étais proche de Kiryûin-senpai. Cette personne est connue pour ne pas parler aux autres

Moi — Je ne suis pas si proche que ça.

Hashimoto continua un moment de regarder au loin Kiryûin qui retournait au dortoir.


[1] Dans les ascenseurs japonais il y a souvent un écran qui affiche la vue des caméras de l’ascenseur

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