CLASSROOM V11,5 : CHAPITRE 5


Les soupçons de Matsushita


(Matsushita)       

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Traduction : Dogyuun
Correction : Nova //Ayanokôji is the best
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Le 3 avril, alors que les vacances de printemps touchaient à leur fin, moi, Chiaki Matsushita, avais pris une décision.

Moi — Bien sûr que je suis intéressée.

Depuis l’examen des batailles évènementielles, ce sentiment persistait dans mon cœur. La source de ce mal portait le nom d’Ayanokôji Kiyotaka. Dernièrement, j’avais commencé à l’observer de très près. Mais si j’en avais parlé à qui que ce soit, on aurait probablement dit que j’avais le béguin, le coup de foudre ou je ne sais quoi.

Mais ce n’était clairement pas le cas. Je pouvais clamer haut et fort que ce n’était pas de l’amour ni quelque chose qui s’en rapprochait. Plutôt, je l’avais à l’œil. Mes camarades auraient certainement eu du mal à me suivre là-dessus, mais j’étais déjà en train d’utiliser mes propres méthodes pour arriver à mes fins.

Afin que vous compreniez ce que j’ai ressenti en premier, une petite présentation s’impose. Je suis née dans une famille typique de classe moyenne, et mes parents ont toujours été très gentils avec moi. Ils n’ont jamais restreint mes libertés. Ils m’achetaient tout ce que je voulais et moi, de mon côté, je ramenais des bonnes notes à la maison. Bref, un foyer aimant où la bonne entente régnait, où chacun remplissait sa part du contrat. Puis la nature m’a également bien gâtée physiquement, bien que je consente que ce soit assez peu modeste de le dire moi-même.

Une personne lisant dans mes pensées m’envierait sûrement. Grandir, expéri- menter pas mal de relations amoureuses et éventuellement me marier à un homme financièrement confortable… Je ne considérais pas que j’avais la meilleure vie au monde mais je pensais que j’étais tout de même très chanceuse.

J’avais plusieurs perspectives pour ma vie future. Je me disais que travailler en tant qu’hôtesse de l’air dans une compagnie aérienne ou réussir à entrer dans une grande entreprise n’avait pas l’air si mal. Cependant, étant donné que j’avais réussi à intégrer ce lycée, j’avais revu mes ambitions à la hausse. Étudier dans une université prestigieuse à l’étranger, puis travailler à l’ambassade et puis à l’ONU… le chemin vers le succès devenait de plus en plus clair, plus limpide !

Tout semblait parfait pour me mener à la voie royale dont je rêvais. Cependant, je fis une erreur de calcul après être rentrée dans ce lycée. En effet, le futur auquel j’aspirais n’était envisageable que si je me faisais diplômer en faisant partie de la classe A. En d’autres termes, se faire diplômer de la classe B ou en dessous n’avait aucun intérêt. Bien sûr, j’avais confiance en mes capacités pour réaliser mon rêve… Mais se faire diplômer de la classe B ou en dessous pouvait se relever être un obstacle dans la mesure où cela allait me donner une image de personne n’ayant pas réussi à atteindre son but… D’autant que je fus carrément placée en classe D !

Je ne m’en étais pas inquiétée plus que ça en rentrant ici. Cependant, c’est cette insouciance qui a mené à ma chute. En un mois, nos points de classe furent épuisés et nous descendîmes en bas du classement.

Moi — En y repensant avec le recul… est-ce qu’on avait nos chances à l’époque ?

J’étais persuadée que oui. Bien que nous ayons été placés en classe D, nous avions tous commencé au même niveau. Si nous avions pris conscience de la situation pendant le premier mois, nous aurions pu monter dans le top. Cela dit, malgré notre faux départ du début de l’année, un an après, nos points de classe avaient bien augmenté.

On avait même été la classe C pendant un temps. C’était donc toujours possible de rejoindre le haut du panier…

Moi — Non ce n’est pas si simple…

Même si je le savais depuis le début, la disparité de niveau entre les classes était beaucoup plus grande que je ne l’avais imaginé. Il était inévitable que tôt ou tard l’écart allait se creuser cette année. La différence de niveau entre ma classe et les autres était beaucoup trop grande. Si nous ne remédions pas à cela, nos chances d’atteindre la classe A allaient être proches de 0.

Bien que je ne le crie pas sur tous les toits, je savais que j’étais une des meilleures élèves de seconde. Globalement, je dirais que je faisais partie du premier décile des élèves les plus talentueux. Malgré cela, je ne m’étais pas distinguée plus que ça dans la classe D. À la place, j’étais quelque part dans le milieu du classement. Simplement parce que j’avais décidé de camoufler ma force. Bien sûr pas au point d’handicaper la classe en cas d’urgence, mais je n’aimais pas me démarquer. De surcroît, mes amies n’étaient pas vraiment des têtes.

La moitié des élèves de classe D étaient plutôt dans le neuvième et dixième décile des élèves de seconde. Montrer sans crier gare l’étendue de mes capacités aca- démiques, dans ce genre d’environnement, pouvait attiser la  jalousie.  Ou plutôt faire qu’on se repose trop sur moi, ce qui me dérangeait un peu. C’était quelque chose que je voulais éviter. De plus, même si je me donnais à fond pour la classe, la situation n’allait pas changer pour autant. Pour le meilleur ou pour le pire, j’étais juste une excellente élève, pas un génie. Par ailleurs, je n’étais pas le genre de personne à prendre des initiatives.

Seulement ça… Si possible, je voulais emprunter le chemin le plus court pour obtenir une vie stable. Dans ce dessein, je devais faire en sorte que les élèves de la classe D travaillent deux fois plus dur.

En observant les événements de l’année passée, j’étais déjà arrivée à la conclusion que c’était impossible et j’avais presque abandonné. Cela dit, bien qu’il y ait des élèves talentueux dans ma classe – je pensais à Horikita-san, Hirata-kun ou même Kushida-san mais aussi des élèves intelligents comme Yukimura-kun ou Mii-chan – ce n’était pas suffisant. En fait, la plupart des élèves de la classe nous entravaient. Avec eux, notre classe était sous assistance respiratoire.

Si seulement il y avait deux ou trois élèves en plus avec un niveau équivalent à ceux que je venais de mentionner… que c’est frustrant !

Moi — Mais… oui.

J’étais tourmentée par cette idée jusqu’à ce qu’Ayanokôji-kun fasse son apparition. Bien que ce fût basé sur peu d’éléments, je le suspectais d’être le même genre d’élève que moi et de cacher sa force. J’avais toujours eu le sentiment qu’il voulait juste mener une vie de lycéen paisible, et que c’était la raison pour laquelle il  avait intégré ce lycée. Mais contrairement à moi, il n’aspirait pas à un grand succès et se fichait éperdument qu’on soit la classe A ou D.

Toujours est-il que je le soupçonnais de cacher un grand pouvoir. Si mon intui- tion s’avérait exacte… En m’incluant, la classe D avait deux cartes de plus à jouer. Dans ce cas, moyennant notre investissement, la situation pouvait évo- luer. Ces idées tournaient en boucle dans ma tête…

Bon, maintenant je suppose que vous vouliez savoir comment j’en étais arrivée à mes conclusions ?

Il y avait plusieurs trucs qui clochaient à son sujet.

Déjà, de temps à autres, je pouvais surprendre Karuizawa-san le chercher du regard. Au début je pensais me faire des films, mais sa rupture avec Hirata-san peu de temps après n’avait fait que confirmer mes soupçons. Oui, elle en pinçait pour Ayanokôji-kun. Karuizawa-san, qui ne voyait la valeur des gens que par le prestige social, avait choisi Ayanokôji.

Est-ce que c’était parce qu’il était beau ? Non, ce n’était sûrement pas si simple, dans ce cas autant rester avec Hirata-kun bien plus populaire. Ou bien… Était- ce parce que le manque de popularité d’Ayanokôji-kun était compensé par une grande puissance ? Si ce que je pensais était vrai, alors tout concordait parfaitement.

De plus, Ayanokôji-kun entretenait une certaine relation avec le leader de la classe, Horikita-san, en plus de Hirata-san. Il n’y avait aucun doute que ces élèves le considéraient beaucoup. De surcroît, il avait l’air d’être assez proche d’Ichinose-san aussi. Sans parler de sa prestation incroyable pendant le festival des sports où il avait fait jeu égal avec le président du Conseil des élèves, Horikita Manabu. Avec du recul c’était vraiment très étrange. Puis Sakayanagi-san qui avait fait toutes ces manigances pour finalement lui donner un point  de  protection, on en parle ? Tout le monde pensait que ce n’était qu’un hasard, qu’elle l’avait donné à n’importe qui pour faire expulser Yamauchi-kun… Mais après coup, en plus du fait qu’il ait endossé le rôle de chef et qu’il se soit impliqué dans la compétition comme ça, je ne pouvais plus croire à des coïncidences.

Les pièces du puzzle se rassemblaient et normalement Ayanokôji Kiyotaka aurait dû être reconnu de tous. Mais la plupart des élèves ne semblaient pas en avoir pris conscience. Logique puisqu’il n’avait jamais montré explicitement son pouvoir. Bien que courir rapidement était honorable, il n’y a qu’en primaire où ça fait monter une cote de popularité.

Pour les lycéens… Non… Plus l’on se rapproche du monde des adultes, plus les compétences sociales deviennent essentielles. La plupart des élèves populaires possèdent les deux : des capacités académiques honorables alliées à de bonnes capacités sociales. Manquer de l’un ou l’autre change drastiquement la façon dont les autres nous voient. Dans notre cas, Ayanokôji-kun renvoyait sûrement une  impression  de  ce  genre  :  il  courait  vite,  sans  plus.  Avec   de bonnes compétences sociales, Ayanokôji-kun aurait été un des  plus populaires. La star de la classe D en duo avec Hirata-san.

Mais ce n’était qu’une situation hypothétique ou plutôt un non-sens complet. Cela revenait à dire que Sudou-kun était intelligent ou même que c’était facile de s’entendre avec lui. Que Yukimura-kun était sportif… Bref, c’était de la pure fantaisie.

Pour recentrer la réflexion, le plus important pour la classe D c’était de cocher les cases “capacités académiques” et “capacités physiques”. Il était très probable qu’Ayanokôji-kun remplisse ces deux conditions. Il était même probable qu’il était bien supérieur à Hirata-kun dans ces deux domaines. Un diamant brut, un trésor caché qui ne demandait qu’à être découvert !!

D’accord, j’admets volontiers m’être emportée sur la fin… En tout cas, s’il se trouvait être vraiment comme ça, il pouvait devenir un atout majeur de la classe D pour la faire monter.

Mais en étant réaliste, sans exagérer, s’il était juste de mon niveau ça aurait été juste parfait. La raison pour laquelle je commençais à surveiller Ayanokôji- kun était par rapport à son impact pendant l’examen de fin d’année. Une question de calcul mental qui m’avait bien donné du mal et, pourtant, Ayanokôji-kun le fit sans aucune difficulté. C’était on ne peut plus suspect. Percer le mystère de sa force était donc devenu mon objectif. Et si force il y avait, il n’y avait aucune raison de ne pas s’en servir. Mais ses capacités académiques et physiques étaient au moins similaires aux miennes, ça j’en étais sûre.

En tenant compte de la façon dont il avait agi dans les coulisses pendant un an, des méthodes conventionnelles n’allaient sûrement pas être efficaces. Mais j’avais assez confiance en mes capacités d’observation et en manipulation subtile. Rien que pour ça, j’étais en position de force. Je devais donc l’approcher le plus naturellement possible, le connaître un peu mieux et ensuite le faire coopérer.

OUI, l’éveil d’Ayanokôji Kiyotaka allait acter la contre-attaque de la classe D !

Moi — Je pars vraiment en vrille là…

L’idée de promotion en classe A était séduisante. Mais la raison pour laquelle j’agissais maintenant n’était pas seulement pour ça. Oui, l’ennui n’y était pas pour rien. Je n’aspirais pas seulement à la stabilité en suivant la vie comme un long fleuve tranquille. Je voulais être exaltée aussi, de l’aventure. Je voulais être celle qui allait changer le destin de la classe D. C’était l’une des raisons pour lesquelles je voulais rentrer en contact en Ayanokôji-kun.

Je  me  changeai  alors  que  j’avais  rendez-vous  avec  mes  amies  au  centre commercial.

1

Ces derniers jours, je me concentrai sur la foule tumultueuse à la recherche de la silhouette d‘Ayanokôji-kun. Néanmoins, la probabilité d’une rencontre accidentelle n’était que très peu probable. Je ne l’aperçus pas la première moitié des vacances de printemps. Quel dommage…

Je voulais plus de preuves, plus de matière. Désir et curiosité dictaient mon comportement.

Shinohara — Matsushita-san ! Par ici ! Moi — Salut~ !

11 heures. Je rencontrai Shinohara-san et Satô-san, la bande habituelle.

Pendant les vacances d’été, nous nous étions vues tous les jours, parlant oisivement de tout et n’importe quoi. Ce n’était pas déplaisant mais c’était un peu lassant… J’avais agi comme une bonne élève pendant l’année passée, j’avais besoin d’action ! Par conséquent, je décidai d’ajouter un peu de piment.

Moi — Alors Shinohara-san, ça avance avec Ike-kun ?

Je voulais me débarrasser de cet ennui en la taquinant un peu.

Shinohara — Attend quoi ?! Nononon, avec lui ?!

Shinohara nia aussitôt, ce qui ne faisait que témoigner de sa gêne. Le regard de Satô assez surpris qui disait “tu veux vraiment qu’on aille sur ce terrain-là ?” mélangé à une pointe d’excitation… Il était évident que Shinohara-san et Ike- kun s’étaient rapprochés ces derniers mois comme les rumeurs le disaient. On avait beau essayer de cacher les choses, l’école demeurait un monde restreint… Un couple organisait un rencard ? Tout le monde était au courant dans l’heure.

Moi — Je me suis dit qu’il était peut-être temps que tu nous en parles ? Shinohara — Je t’ai déjà dit que ce n’était pas possible…. Fin’

regarde, c’est d’Ike qu’on parle. C’est l’archétype du looser !

Les mots de Shinohara-san qui niait sonnaient effectivement juste. Juste en le regardant, on voyait bien que ce n’était pas le haut du panier. Il était petit, avait du mal avec les cours et manquait cruellement d’aisance sociale. De mon point de vue, il avait une infinité de failles. Cependant, l’amour n’a pas de loi et il est possible qu’une personne soit attirée par quelqu’un ne présentant pas d’intérêt spécifique : au fond, l’amour, c’est un peu comme se retrouver en plein milieu d’un carambolage et ne plus rien comprendre ! Et en prenant en compte la place de Shinohara-san dans la classe, ils allaient bien ensemble. En tout cas, ils n’étaient pas si incompatibles qu’elle le croyait.

Moi — Ça sent pas bon, t’es amoureuse de lui mais il ne voit rien.

Les yeux de Satô-san scintillaient étant donné que nous parlions d’amour, souriant devant Shinohara-san.

Shinohara — Je t’ai déjà dit, c’est pas ça.

Moi — Pas la peine de nier, je voulais juste savoir ce que t’en pensais.

Voyant que Shinohara-san ne voulait rien dire, je me servis de Satô pour l’encourager.

Satô — Oui, moi aussi ça m’intéresse ! Dis-nous, allez steuplait !

Dans ce genre de situation, il était pratique de dire à Satô-san quoi faire discrètement. Ce n’était pas le genre de personnes à beaucoup réfléchir. Et ça se voyait, hélas, dans ses notes.

Enfin, je peux paraître méchante là comme ça mais ça ne veut pas dire que je les détestais. Shinohara-san et Satô-san étaient des amies précieuses. Dès qu’elles avaient un problème, j’étais là en tant qu’oreille bienveillante pour les soutenir. Bien sûr, si nous avions eu le même niveau, ça aurait été encore mieux.

Shinohara-san, qui ne savait pas ce que je pensais, commença à parler de sa relation avec Ike-kun.

Shinohara  — Récemment,   on   se   prend    la   tête    pour   rien.  Alors honnêtement, ça n’avance pas tant que ça…

Shinohara secoua la tête en soupirant. Cependant, elle ne disait pas que ça n’avançait pas du tout.

Moi — Disons que la communication n’est pas votre point fort. Vous avez du mal à dire les choses. Ce sera peut-être plus simple la prochaine fois si vous retombez dans une situation similaire.

Malgré la bonne alchimie qu’il y avait entre ces deux-là, ils se disputaient tout de même pour des choses bizarres.

J’avais l’impression que s’ils franchissaient cet obstacle, leur relation évoluerait pour le mieux.

Shinohara —  Enfin bref, assez parlé de moi, et toi Matsushita-san ? T’as quelqu’un dans le viseur ?

Moi — Moi ?

Shinohara-san me posa cette question, comme je m’y attendais. Ou plutôt, il était plus juste de dire que je l’avais poussée à me poser cette question.

Satô —  Tu nous avais dit avant que si tu sortais avec quelqu’un, ce serait un senpai.

Comme si elle venait de se souvenir de quelque chose, Satô-san rebondit sur la question de Shinohara. Quel que soit le sujet, tant que c’était à propos de relations amoureuses, ça y allait. Les filles étaient comme ça.

Moi — Ouais c’est vrai que j’ai dit ça, mais… S’il remplit certains critères, ça passe s’il n’est pas plus âgé.

Manipuler ce qu’elles pensaient pour ensuite doucement diriger la conversation là où je souhaitais. Ce n’est pas aussi savant que ça en a l’air. C’est quelque chose de banal qui arrive tous les jours à chaque seconde, mais les gens s’en rendent peu compte.

Satô — Ohh !! Donc t’as changé d’avis ?

Satô-san était bien évidemment intéressée par le sujet étant donné que, pour une fois, on parlait de moi.

Moi — Je n’ai pas abaissé mes standards. L’apparence et la personnalité doivent toujours être au top du top. Et… son environnement familial aussi. Je veux que ses parents soient des gens bien diplômés.

Peu importe les exploits de l’enfant, si le palmarès des parents n’est pas là ça n’avait pas de sens pour moi.

Shinohara — Quelqu’un qui a un bon environnement familial… Genre Kôenji-kun ?

Demanda Shinohara-san dubitativement.

Satô — Hein ? Même si au niveau physique c’est pas mal, est-ce qu’il serait pas un peu… Voilà quoi ?

Après avoir entendu le nom de Kôenji-kun, Satô-san devint un peu hésitante. La réputation de Kôenji-kun au sein de la classe D était catastrophique. Tout simplement parce qu’il était une nuisance pour l’entièreté de la classe.

Cependant, d’un point de vue purement objectif, c’était autre chose. Dans l’absolu il doit sûrement représenter l’homme parfait, tant au niveau physique que de ses antécédents. Il avait également un côté gentlemen. Alors ce n’est pas étonnant que des filles d’autres classes soient intéressées. Même s’il était rarement sérieux, on pouvait tout de même entrevoir l’étendue de ses capacités. On pouvait considérer que c’était une des rares personnes qui remplissait les critères que j’avais cités. Kôenji-kun était même, selon moi, le premier de notre classe en habiletés pures.

Cependant, est-ce qu’il allait changer ? Ce n’était pas le genre de personne que l’on pouvait convaincre de faire quelque chose, il n’écoutait que ses propres envies

Un tordu au-delà de toute imagination. Depuis le début, je savais que lui parler allait être inutile, une perte de temps. En comparaison à Sudou-kun et Ike-kun, il était même… Non… On pouvait clairement dire que c’était le plus gros fardeau de notre classe.

Moi — Kôenji-kun, jamais de la vie… Pas même si c’était le dernier garçon sur terre. Enfin non, je ne le considère même plus comme un humain de toute façon.

Après avoir entendu mon commentaire, Shinohara-san et Satô-san explosèrent de rire.

Moi — S’il était sérieux, il serait plus populaire que Hirata-kun, mais je sais qu’il ne sera jamais sérieux.

C’était ce que je voulais dire.

Shinohara-san et Satô-san approuvaient pleinement mon avis. C’était le cas d’école qui démontrait qu’un seul défaut suffisait à ruiner toutes les qualités du monde, faisant passer son évaluation de 100 à 0.

En commençant par la relation entre Ike-kun et Shinohara-san, puis en poursuivant avec mon garçon idéal, je passais à l’étape suivante.

Moi — En parlant de ça Satô-san, ça avance avec Ayanokôji-kun ? Satô — Euuh…. ? Pour-pourquoi tu me demandes ça ?

Après lui avoir posé une question à laquelle elle ne s’attendait pas, Satô-san se figea.

Shinohara-san, qui donnait l’impression de se souvenir de quelque chose, dirigea son regard vers Satô-san. Pendant les vacances d’hiver, Satô-san nous avait dit quelque chose. Elle nous avait avoué qu’elle s’était éprise d’Ayanokôji-kun et qu’elle hésitait à lui avouer ses sentiments. À l’époque, de la même façon qu’avec Shinohara-san et Ike-kun actuellement, j’observais confortablement depuis les coulisses en donnant des conseils.

Satô — C’est… ce n’est pas comme si…

Voulant nier, Satô-san hésita. Et lorsque je m’en aperçus, Satô arrêta subitement de parler d’Ayanokôji-kun. Pas besoin de nous le redire deux fois, Shinohara- san et moi-même n’avons pas plus insisté : ou elle s’était fait recaler, ou elle avait changé d’avis. En clair, tant que Satô-san n’évoquait pas le sujet d’elle- même, nous devions faire attention à ne pas parler de ça. Cependant, si je vou- lais en savoir plus à propos d’Ayanokôji-kun, je ne pouvais pas totalement faire l’impasse sur le sujet…

Satô — Vous… vous me promettez de ne rien répéter ?

Contre toute attente, elle se décida à parler. Shinohara-san et moi, sûres que nous nous apprêtions à entendre quelque chose d’intéressant, lui fîmes une gentille tape sur l’épaule.

Moi — Promis juré ! On est meilleures amies non ?

Et c’est ainsi que nous allâmes au café afin d’écouter les problèmes de Satô- san.

2

Nous préparions le terrain afin qu’elle s’exprime librement.

Là où les mecs ne passent pas par quatre chemins, nous les filles on attend le moment propice pour parler. Chacun son truc !

Satô — Alors… Je… je lui ai avoué mes sentiments…

Après avoir entendu ça, Shinohara ainsi que moi recrachâmes presque notre thé.

Shinohara — Hein ? Hein ?! Vrai-vraiment ? Depuis quand ça ?

Shinohara-san, qui pensait être en tête en ce qui concerne les relations avec les garçons, ne put s’empêcher de demander. Me concernant je savais qu’il s’était passé quelque chose entre eux, mais je ne savais pas qu’elle avait autant avancé. Mais l’issue était facile à deviner : s’ils sortaient ensemble, elle n’aurait eu aucune raison de nous le cacher. Ou en admettant qu’elle voulait regarder leur relation discrète, je n’ai rien remarqué. Ce qui voulait dire que…

Satô — Il m’a rejeté…

Elle avait dû se faire rejeter il y a longtemps car elle semblait avoir déjà digéré. La pauvre avait dû pleurer de nombreuses fois, là elle donnait l’impression d’être passée à autre chose. Alors ça devait dater des vacances d’hiver, quelque chose par là.

Cependant, c’était sûrement arrivé parce que nous l’avions poussé à avouer ses sentiments prématurément. Si c’était le cas, nous étions un peu responsables de l’avoir forcée à se jeter dans la gueule du loup…

Shinohara — Serieusement ! Ayanokôji-kun, il est idiot ce blaireau ?!

C’était tout de même une fille qui faisait le premier pas en se confessant et on parlait de Satô-san. Elle était impeccable. Shinohara-san semblait aussi étonnée que furieuse que Satô-san se soit faite rejeter.

Shinohara — Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’il a dit non ce bouffon ?!

Satô — …C’est en raison de ses sentiments. Il a dit qu’il n’était pas amoureux de moi et donc qu’il ne pouvait pas sortir avec moi.

Shinohara-san se mit la main sur le front, incrédule.

Moi — Est-ce que c’est parce qu’il aime déjà quelqu’un d’autre ? Genre Horikita-san.

Lorsque j’essayai de confirmer ça avec Satô-san, elle secoua la tête. Dès que l’on évoquait Ayanokôji-kun, Horikita-san n’était jamais très loin. Mais récemment, il donnait l’air de se détacher de plus en plus d’elle. Il y avait eu de nombreuses rumeurs sur eux deux à l’époque, mais dans la mesure où personne n’avait jamais eu de preuves tangibles, ces rumeurs s’éteignirent d’elles-mêmes.

Satô — Il a dit que ça valait aussi pour Horikita-san et Kushida-san.

Ce n’était pas étonnant pour cette dernière, ces deux-là n’avaient pas l’air très proches.

Shinohara — Nononononnon, quo- ?

Ignorant Horikita-san, Shinohara-san était plus choquée par rapport à Kushida- san.

Shinohara — Ok je vois… Ça confirme que ce débilos n’est pas intéressé par l’amour… Ça me donne des frissons.

Je pouvais comprenais un peu son point de vue. Cependant Satô-san n’avait pas l’air d’accord.

Moi — Si même des filles mignonnes ne l’attirent pas… Peut-être qu’il est déjà sur quelqu’un non ?

Je demandai cela en regardant directement Satô-san, mais elle détourna le regard et hocha la tête. Quand on aime quelqu’un, les autres autour semblent ne plus exister. En tout cas ça se vérifiait pour Satô-san par rapport à Ayanokôji-kun.

Satô — Je suppose que Ayanokôji-kun aime… Karuizawa-san.

Dit-elle en regardant au loin.

Shinohara — Tu rigoles… Attends, c’est vrai ? Hein ? Sérieux ? Karuizawa- san ?!

Shinohara-san et moi nous regardâmes à nouveau. Si quelqu’un avait entendu ça… C’est vrai qu’il s’agissait plutôt d’un couple inattendu. Je fis semblant d’être choquée bien que j’avais ma petite idée là-dessus depuis un moment.

Satô  —  Ouais.  Et  d’ailleurs…  Karuizawa  partage  probablement  ses sentiments aussi… C’est ce que je pense.

Moi — Est-ce la raison derrière la rupture avec Hirata-kun ?

À propos de ma question, Satô-san qui n’était pas entièrement sûre, hocha la tête. Donc elle y avait pensé aussi.

Shinohara — Passer de Hirata-kun à Ayanokôji-kun ? Désolée, mais je ne comprends rien du tout.

Je ne pense pas que Shinohara-san, qui avait choisi Ike-kun, était en mesure de faire la fine bouche.

Satô  —  En  vrai  je  ne  trouve  pas  ça  si  bizarre.  Je…  Je  pense  aussi qu’Ayanokôji-kun est meilleur.

Moi — Tu as toujours des sentiments pour lui ?

Satô — J’aimerais l’oublier et passer à autre chose, mais j’y arrive pas, j’arrive pas à me le sortir de la tête…

Elle se rendit compte qu’elle n’avait pas arrêté d’observer Ayanokôji-kun jour après jour. J’avais de la peine pour Satô-san, mais les informations qu’elle me fournissait étaient très utiles.

Shinohara — En parlant de ça… J’ai l’impression qu’Ayanokôji-kun fait de  plus en plus parler de lui récemment.

Shinohara-san ne put s’empêcher de faire cette remarque.

Shinohara — Quand il a pris le rôle de chef par exemple. Ah et aussi quand Sakayanagi-san lui a filé un point de protection.

Satô-san pensait la même chose également et évoqua le fait qu’il était toujours l’épicentre dans ces situations.

Shinohara — Je ne comprends pas vraiment. Pourquoi Ayanokôji-kun précisément ? Même si Horikita-san nous avait dit que c’était une coïnci- dence.

Je doutais également de la véracité de ses propos. Néanmoins je doute qu’avec mes super copines, ici et maintenant, nous puissions arriver à une conclusion satisfaisante.

Moi — En fait, si on réfléchit deux secondes… En lui donnant un point de protection, ça le forçait à endosser le rôle de sacrifice dans les examens ou un truc du genre. Donc le seul élève qui a disposé d’une immunité dans notre classe a été un élève moyen, pas un de nos meilleurs éléments. En supposant que ce soit la stratégie de Sakayanagi depuis le début, ça se tient.

Je leur donnai une explication un peu rationnelle puis changeai de sujet.

Shinohara — Ahh ouais, pas bête !

Si Sakayanagi-san avait choisi Ike-kun plutôt que Ayanokôji-kun, ça aurait été bien plus facile de gagner toutefois. Bien sûr, il y a avait l’éventualité qu’elle voulût faire face à un adversaire inattendu qui se trouvait être Ayanokôji-kun. Mais passons, pour l’instant il était mieux de laisser ça de côté.

Pour en revenir aux histoires de cœur, Karuizawa-san aimait Ayanokôji-kun et cela semblait réciproque. Juste en apprenant ça, je pouvais considérer que ma pêche aux informations d’aujourd’hui avait été fructueuse.

Moi — Je pensais pourtant que Karuizawa-san partageait mes critères en matière d’homme.

Shinohara — Est-ce que tu dis qu’il est fort ?

Moi — J’ai l’impression que tout ce qu’il sait faire c’est courir vite non ?

Satô — Mais, plutôt que de dire qu’il est intelligent, vous n’avez pas l’impression qu’il sait tout sur tout ?

Nous demanda Satô-san.

Shinohara — Carrément pas.

Shinohara-san nia directement, mais je décidai de prendre le parti de Satô-san pour voir.

Moi — C’est vrai qu’il ne donne pas la même impression que les autres garçons. Il dégage une certaine aura, il a l’air assez rassurant.

Étant donné que Shinohara-san ne prit pas le parti de Satô-san je décidai de le faire moi-même.

Satô — Bah voilà ! C’est exactement ça !

Satô-san, qui s’était supposément fait rejeter, était tout de même très heureuse d’entendre des éloges sur Ayanokôji-kun. Si heureuse que ses yeux scintillaient de mille feux. Elle l’aimait encore, ça crevait les yeux.

Shinohara — Vous êtes sûres que ce n’est pas son côté taciturne qui vous donne cette impression ?

Moi — Ike-kun c’est l’exact opposé non ? Il ne sait jamais quand s’arrêter de parler.

Shinohara — Ouais c’est vrai ça, même quand je lui dis de se calmer il continue.

Bien que Shinohara-san dit qu’elle n’était pas satisfaite, ce n’était pas l’impression qu’elle renvoyait.

Satô — Donc, je…

Alors que Satô-san s’apprêtait à parler à nouveau, j’aperçus la silhouette d’Ayanokôji-kun au loin. Cependant, les filles étaient trop absorbées par la conversation pour le remarquer.

Matsushita — Désolée les filles. Je peux faire un appel ?

Après leur avoir demandé si je pouvais m’absenter un moment, elles acceptèrent

avec entrain.

Moi — C’est possible que ça prenne un moment alors contactez-moi si vous changez de plan.

Après avoir dit cela, je fis semblant d’appeler en m’en allant au loin. Peu après, je revis la silhouette d’Ayanokôji-kun. Comme on dit : il faut battre le fer tant qu’il est encore chaud !

Étant donné que Satô-san et Shinohara-san étaient toujours dans notre champ de vision, je ne pouvais pas me presser. Je le suivis donc en faisant semblant d’être au téléphone. Quelle distance fallait-il maintenir pour ne pas être aperçue, mais sans pour autant le perdre de vue ? S’il me surprenait, il allait être à tous les coups sur ses gardes alors que je voulais maquiller cette rencontre fortuite en coïncidence… Si je ratais cette opportunité, je n’allais pas le revoir avant la rentrée.

Heureusement, il n’y avait personne avec Ayanokôji-kun. Alors que j’allais surgir pour le saluer… Je me cachai aussitôt parce que je vis quelqu’un approcher.

Moi — Cette personne je crois que c’est… le nouveau proviseur !

Pour je ne sais quelle raison, cette personne semblait converser avec Ayanokôji- kun. Quel duo intéressant. Peut-être que j’allais pouvoir en tirer quelque chose finalement… Si leur conversation  concernait la “force”, les écouter pouvait m’éclairer sur pas mal de points.

Moi — Sa conversation avec le proviseur dure pas mal quand même là…

Ça faisait déjà dix longues minutes. Ce n’était clairement pas pour échanger des banalités. Se pouvait-il qu’Ayanokôji-kun et le nouveau proviseur soient des connaissances ? Ils avaient l’air proches, mais d’un autre côté Ayanokôji- kun semblait aussi blasé que d’habitude.

Moi — Je ne comprends pas.

Ils avaient l’air de se connaître, mais d’un autre côté on avait l’impression que c’était la première fois qu’ils se rencontrent, parlant de choses variées. À en juger par leur gestuelle, ça n’avait pas l’air d’être un conflit. Me rapprocher ne serait- ce qu’un peu plus m’aurait permis d’entendre leur conversation, mais c’était bien trop dangereux. Bien que je pouvais faire semblant de n’être que de passage, je n’aurais pas pu continuer à me cacher. La meilleure solution était donc de rester là où j’étais.

Après les avoir observé pendant un moment… Leur longue conversation prit enfin fin.

Moi — Qu’est-ce que Ayanokôji-kun va faire…

Il reprit sa route. Comme si rien de tout de ça n’était arrivé, il commença à marcher dans une certaine direction. J’aurais aimé récolter des indices de cette conversation. Mais en vain… J’avais déjà abandonné mon plan initial de parler avec Ayanokôji-kun.

Je devais attendre d’être mieux préparée. Mais j’étais tout de même décidée à le suivre pendant un petit moment et, si rien d’intéressant, je n’avais qu’à retour- ner auprès de Shinohara-san et Satô-san.

Alors que je rattrapai Ayanokôji-kun qui avait tourné à droite, je commençai à penser à ce que j’allais faire les jours d’après.

3

(Ayanokôji)

Ce jour, je me rendis seul au centre commercial.

Étant donné que les vacances d’été touchaient presque à leur fin et que la rentrée approchait, je décidai d’aller m’acheter de nouveaux habits entre autres. C’était du moins ce que j’avais prévu à la base, mais la situation changea.

Tout d’abord, je regardai derrière moi. Ensuite une autre personne arriva.

— Est-ce que tu as 5 minutes ?

Alors que j’étais en train de me décider à ou aller en premier, je surpris sur une conversation entre quatre adultes. Trois d’entre eux semblaient être des ouvriers du bâtiment en se fiant à leurs vêtements et au fait qu’ils tenaient un bloc note.

Cependant, la dernière personne était Tsukishiro, en costume, applaudissant en se rapprochant de moi. Après que j’arrêtai ma course, Tsukishiro regarda derrière les trois personnes qui se trouvaient derrière lui.

M. Tsukishiro — Pour le plan de construction, suivez le plan qu’on a établi au préalable.

Après que Tsukishiro ait donné ces instructions, les autres marchèrent au loin.

M. Tsukishiro — Mon cher Ayanokôji-kun ! Comme je suis heureux que tu jouisses comme il se doit de tes vacances de printemps comme tout lycéen qui se respecte !

Au début, je pensais qu’il allait me parler doucement, mais il opta plutôt pour le sarcasme.

Moi — Est-ce que vous avez quelque chose à me dire monsieur le proviseur ?

M. Tsukishiro — Oh non, visiblement je ne suis pas le bienvenu.

Tsukishiro le savait pertinemment, mais parla délibérément plus fort. Bien que ce n’était pas assez fort pour que les passants l’entendent, c’était suffisamment fort pour savoir que c’était volontaire.

Moi — C’est parce que parler avec le proviseur attire inutilement l’attention. Je pense qu’un élève comme moi devrait rester dans l’ombre.

Je voulais déterminer ses intentions au plus vite. D’autant que j’étais embêté par Matsushita derrière, qui me suivait.

Moi — Je vais vous le redemander. Avez-vous quelque chose à me dire, monsieur le proviseur ?

Bien qu’à cette distance elle ne devait pas être en mesure d’entendre le contenu de la conversation, ça pouvait lui donner quelques idées.

M. Tsukishiro — Au vu de mes affaires, je te le dirai lorsque j’en aurai envie. Je sais que c’est difficile, mais s’il te plait tiens bon. Tu veux bien ?

Il était impossible que Tsukishiro tienne compte de mes sentiments. Il était mieux de dire qu’il voulait que notre conversation dure le plus longtemps possible étant donné que cet endroit était assez fréquenté.

Moi — J’ai compris, prenez votre temps.

M. Tsukishiro — Bien. Et si nous parlions de la météo ?

Clap. Tsukishiro applaudit en disant ça, mais plissa aussitôt les yeux après. Il fit cela pour jauger ma réaction, c’était trop léger. Ce n’était pas possible de m’affecter.

M. Tsukishiro — Je plaisantais. J’ai des choses à faire alors je ne vais m’attarder plus longtemps.

Tsukishiro était plutôt clair par rapport à ça. Il était évident qu’il essayait juste de me provoquer et qu’il avait vraiment quelque chose à dire. Mais l’élève, l’organisation du lycée… tant que je restais un élève, je n’étais pas en mesure de me rebeller contre lui. Tsukishiro voulait me montrer ça.

M. Tsukishiro — Et si nous disions ça ? Retourne auprès de ton père pendant tes vacances de printemps.

Tsukishiro s’en fichait de là où on parlait même si d’autres personnes pouvaient entendre. Cependant, même si le contenu de la conversation était entendu par d’autres élèves, ce n’était pas un problème pour lui, j’étais le seul à avoir quelque chose à perdre.

Cela dit…

M. Tsukishiro — Tu entends m’ignorer et marcher au loin n’est-ce pas ? Mais si j’étais toi je ne ferais pas ça. N’oublie pas que je suis le proviseur. Si tu te comportes froidement, je changerai ma manière d’agir.

Comme s’il lisait dans mes pensées, Tsukishiro sourit.

Moi — Dommage pour vous, mais je n’ai pas l’intention de quitter ce lycée volontairement.

M. Tsukishiro — Tu crains autant la White Room ?

Moi — J’apprécie mon quotidien ici, je veux être diplômé comme n’importe quel autre élève. Il n’y a pas d’autres raisons.

M. Tsukishiro — C’est vraiment un très bon lycée. Les énormes subventions allouées par le gouvernement ont permis la construction d’un centre commercial de cette envergure. Un endroit pareil coûte des millions de yens chaque année. Mais la plupart des citoyens de ce pays sont stupides, acceptant tout sous prétexte que c’est pour éduquer des gosses.

Tsukishiro soupira et dirigea ses yeux vers l’intérieur du centre commercial.

M. Tsukishiro — En raison de cela, j’ai pas mal d’affaires à gérer. Je suis le proviseur de ce lycée actuellement, c’est la raison pour laquelle je suis autant affairé.

Tsukishiro devait jouer le rôle du proviseur en surface, donc il avait en effet pas mal de choses à faire.

M. Tsukishiro — Revenons à nos moutons. Cette fille qui te suit, ce ne serait pas Matsushita Chiaki ?

Tsukishiro dit cela calmement tout en continuant de me regarder.

M. Tsukishiro — Même si ça n’a duré qu’un instant, je l’ai vue se cacher derrière le mur. Tu es plutôt populaire.

Alors il ne faisait pas que me regarder mais accordait aussi pas mal d’attention à ce qui nous entourait. En vérité il avait toujours l’air d’être ainsi, même quand il parlait à d’autres adultes.

Moi — Je ne m’attendais pas à ce que vous mémorisiez le nom et prénom de mes camarades si vite.

M. Tsukishiro — C’est ta camarade alors il n y a rien d’anormal.

Il semblait que l’angle d’attaque qu’il avait choisi était l’angle psychologique.

M. Tsukishiro — Je suis sûr qu’elle te suit parce qu’elle t’a vu répondre au calcul mental. Tu ne te sens pas un peu cerné ? Tu souhaites une vie de lycéen paisible, mais ça devient de plus en plus compliqué désormais.

On aurait dit qu’il essayait de me dégoûter du lycée.

Moi — Si vos attaques restent dans ce spectre de difficulté, ça ira.

M. Tsukishiro — Je ne vais pas te mentir, je m’en fiche de ce que tu fais. Disons plutôt que ça m’ennuie de perdre mon temps à faire la police.

Moi — Rien ne vous empêche de faire vos bagages et de partir si ça vous dérange autant.

M. Tsukishiro — Ton père n’est pas d’accord. Si je lui désobéis, je ne survivrai pas dans ce monde. Après tout, moi aussi je veux grimper l’échelle sociale.

Tsukishiro ne s’arrêta pas et continua.

M. Tsukishiro — Ne me regarde pas avec cet air surpris. Tu voulais des excuses non ? Les voilà.

Moi — C’est vrai.

M. Tsukishiro — J’ai vu tes exploits dans la White Room. Tu es vraiment un gamin extraordinaire. Tu n’as que seize ans, mais tes capacités sont sans pareilles. Même les adultes ne font pas le poids, autant sur le plan physique qu’intellectuel. Tu es hors de portée pour eux.

Tsukishiro réduit la distance qui nous séparait et affichait un sourire.

M. Tsukishiro — Enfin bref, tu as passé une année dans ce lycée sans encombre. Pourquoi ne pas arrêter maintenant ? Ce serait la décision la plus sage.

Il voulait dire que je devais me contenter de cette année passée ici et retourner à la White Room sans poser plus de questions?

Moi — Je ne suis qu’un enfant après tout. Je ne vais pas céder aussi facilement.

M. Tsukishiro — Heh, tu crois être capable de m’échapper ?

Moi — Je ne sais pas, mais tout ce que je sais, c’est que je résisterai jusqu’à la fin.

M. Tsukishiro — Il y a un vieux dicton qui dit que la grenouille au fond du puit ne connaît pas l’océan. Tu sembles pas mal te surestimer, jusqu’à refuser ma gentilesse.

Tsukishiro écarta légèrement les bras.

M. Tsukishiro Bien que je ne sache pas pour ce lycée, tu n’es clairement pas le numéro un. Parmi les élèves de la White Room passés après toi, il y a eu pas mal de spécimens  qui  t’ont  égalé  voire  dépassé.  Tu dois  comprendre que tu n’es qu’un amas de masse.

Moi — Dans ce cas, ne faites pas attention à moi.

M. Tsukishiro — Si tu n’étais pas son fils, c’est probablement ce que j’aurais fait oui. Mais ton père veut vraiment te récupérer et a de plus grands projets pour toi. Même s’il a l’air froid en apparence, il reste ton père. Il croit dur comme fer que ton existence peut devenir un modèle pour les prochaines générations.

Tsukishiro ne cacha pas le fait de ne pas être 100% d’accord avec mon père, mais

il le fit pour me rappeler l’étendue de sa force, pour montrer qu’il pouvait se permettre de ne pas l’approuver complètement.

Moi — Que pensez-vous de la White Room, proviseur ?

M. Tsukishiro — Tu veux savoir ce que j’en pense ?

Moi — Votre avis sur la White Room, si son existence est nécessaire ou pas.

Étant donné que je n’allais pas plier, je voulais qu’il me dise ça.

M. Tsukishiro — Je n’ai aucune raison de répondre.

Moi — Après avoir entendu votre réponse, qui sait peut-être que je changerai d’avis.

M. Tsukishiro — Je me doute que ça ne suffira pas à réellement te faire changer d’avis, ce serait trop simple. M’enfin pourquoi pas.

En dépit du fait qu’il savait que je mentais en toute vraisemblance, Tsukishiro accepta.

M. Tsukishiro — Tout d’abord, il est nécessaire de le contextualiser. Tu savais que la White Room a été construite il y a 20 ans ?

Moi — Bien sûr, après tout je fais partie de la quatrième génération.

M. Tsukishiro — Oui, et comme tu le sais donc des générations t’ont précédé. Chaque génération est éduquée sous différentes règles et reçoit l’éducation  correspondante.

Ensuite, on vérifie quel groupe a reçu l’éducation la plus efficace. Bien que seulement 19 générations aient été formées à cause de l’interruption de l’année dernière… Des centaines d’enfants ont été formés dans le cadre du système éducatif de la White Room. Les enfants de différentes générations ne se seraient pas rencontrés. Bien qu’ils étaient dans le même complexe, ils ne connaissaient ni l’apparence ni le nom de personne.

Moi — Vous êtes plutôt bien renseigné. Tsukishiro — Juste un peu.

Tsukishiro était une figure très proche de mon père, la conversation rendit cette information évidente. Il avait dû me dire ça pour me le faire comprendre. Parfois il semblait être quelqu’un de tout à fait banal, mais en l’observant autrement il avait l’air vraiment de quelqu’un d’impressionnant.

Il pouvait s’adapter à toute situation. C’était la raison pour laquelle on lui avait assigné ce rôle d’espion.

Tsukishiro — Tous les enfants ont une  certaine  marge  de  progres- sion. Cependant, dépasser cette marge n’a jamais été possible. La vérité est que dans ce complexe qui existe depuis presque vingt ans, aucun enfant n’a donné de résultats réellement satisfaisants. Cela se confirma pour tout le monde sauf toi, mais ça n’était vrai qu’il y a encore deux ans.

Je me demande combien d’argent avait été investi dans la White Room ? Une centaine de millions de yens n’auraient pas suffit. Il semblerait que je fus le premier qui donna des résultats satisfaisants. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que ce projet était une usine à gaz.

Moi — Qu’en est-il des enfants qui sont devenus talentueux ? Que font- ils maintenant ?

C’est la partie que j’ignorais. Que faisaient les gens de ma génération après avoir quitté la White Room. Tsukishiro montra un visage surpris mais compris aussitôt.

M. Tsukishiro — Bien évidemment, tu n’as aucun moyen de savoir où les enfants qui ont quitté les installations sont allés. Ces enfants ont mer- veilleusement bien fleuri et contribué à la société…

Si tel est le cas, c’est un soulagement. Mais, les enfants de la White Room restaient avant tout des individus avec leurs propres problèmes. Comment ne pas avoir de séquelles d’une expérience pareille ? Pas sûr que leurs capacités puissent être utilisées à bon escient.

Tsukishiro continua sa tirade en adoptant un regard circonspect.

M. Tsukishiro — Recevoir une éducation complète et optimale dès la naissance. Si cela peut être réalisé, alors le Japon connaîtrait une croissance inédite dans ce monde. Cependant, ce n’est pas si simple. Sous l’influence de divers facteurs mystérieux, la croissance des gens varie beaucoup. Il est impossible de cultiver le succès en utilisant la même méthode sur tout le monde. Mais même ainsi, nous avons réussi à produire des résultats tangibles. Prenons l’exemple de la cinquième et de la sixième génération, parmi ceux qui ont survécu jusqu’à la fin, il y en a certains qui ont le potentiel pour produire de grands résultats. Il ne reste plus qu’à perfec- tionner le système, et après cela, la White Room pourrait être un incon- tournable dans le futur. Le plan de ton père est très stupide… et aussi très effrayant.

Après le fait que Tsukishiro parla de façon détournée, il arriva à une conclusion.

M. Tsukishiro — Globalement, c’est ce que je pense de la White Room, c’est à la fois stupide et effrayant.

Moi — Merci pour cette longue réponse détaillée, elle m’a bien servie.

M. Tsukishiro — La quatrième génération démoniaque. Avec tous les élèves qui échouèrent les uns après les autres à cause de l’éducation trop lourde, il n’eut qu’un survivant et ce fut toi. Je te vois également comme un spécimen utile. Afin de ne pas tout gâcher, je pense qu’il serait mieux que tu retournes à la maison.

Tsukishiro prit son téléphone et me le tendit.

M. Tsukishiro — Appelle ton père et dis-lui que tu veux rentrer. C’est le meilleur moyen de protéger ton égo et ce sera quelque chose à donner en retour parce que ton père t’aime.

Moi — Monsieur le proviseur Tsukishiro, vous ne m’avez pas menti et avez fait en sorte de répondre sincèrement.

Que ce soit à propos de la White Room ou bien moi. Et après ça, Tsukishiro afficha un sourire.

Moi — Pour ma part, ce que je pense de vous monsieur le proviseur Tsukishiro, c’est que vous êtes un homme qui cache ses émotions en portant perpétuellement un masque de fer. Cependant, aujourd’hui du moins, j’eus l’impression que vous l’avez un peu retiré.

En d’autres termes, il était si habile qu’il donnait une impression de sincérité et d’authenticité à chaque fois qu’il parlait. Donc il ne fallait pas se fier à sa pa- role, il était si convainquant qu’il pouvait persuader quelqu’un que le noir est blanc et que le blanc est noir.

M. Tsukishiro — Il semblerait que je n’aie aucun moyen de gagner ta confiance.

Moi — Désolé.

M. Tsukishiro — Nom d’un petit bonhomme.

Moi — Proviseur, est-ce que ce ne serait pas mieux de laisser tomber maintenant ? Si vous échouez à me faire expulser vous perdrez la confiance de mon père. Même s’il ne fait que vous réprimander, à mon avis il serait plus sage de s’en arrêter là ou vous pourriez vous faire humilier.

M. Tsukishiro — Tu es bien aimable de t’inquiéter pour moi. Cependant, ces mots sont inutiles parce que je n’écouterai pas.

Bien que j’ignorais ce qui était vrai et faux dans ses mots, Tsukishiro laissa échapper un sourire effrayant.

M. Tsukishiro — De plus, moi, je suis un adulte. Je n’ai pas peur de l’échec. Si par chance tu me faisais échouer, ça n’aurait aucune importance. Ce qu’il se passera c’est que l’on m’enverra sur une autre mission. L’on dit bien :

« Le ridicule ne tue pas. ».

Moi — Vous avez accepté d’aider mon père parce que vous le craignez, mais maintenant vous dites que vous n’avez pas peur d’échouer. Que pensez-vous réellement ?

Tsukishiro — C’est en effet le cas.

Tsukishiro se battait au sommet depuis des décennies. Son masque de fer était plus puissant que je ne le pensais. Étant donné qu’il avait été envoyé par cet homme, qui n’était pas du genre à faire les choses au hasard. Ça, je le savais.

M. Tsukishiro — Si tu n’es pas d’accord, tout ce que nous pouvons faire c’est nous battre.

Moi — Visiblement.

Tsukishiro ayant l’air satisfait, s’éloigna de moi.

M. Tsukishiro — C’est bientôt l’heure. Il serait inapproprié de les faire attendre plus longtemps.

J’imagine qu’il faisait allusion aux adultes qu’il avait supervisés.

M. Tsukishiro — Mais étant donné que tu n’as pas l’intention d’arrêter le lycée de ton plein gré, à partir d’aujourd’hui ta vie dans l’enceinte de cette école sera rude.

Moi — Bien que je souhaite une vie de lycéen paisible, il semblerait qu’il n’y ait aucun moyen que j’obtienne l’objet de ma convoitise.

Tsukishiro sourit, et alors qu’il était sur le point de s’en aller, il fit une proposition.

M. Tsukishiro — Veux-tu faire un jeu qui te sera profitable ? Moi — Un jeu ?

Tsukishiro — L’année prochaine j’intégrerai un élève de la White Room dans ce lycée.

Je me demandais ce qu’il allait dire mais c’était pour le coup inattendu.

Moi — Est-ce vraiment une bonne idée de me révéler cette information ?

Tsukishiro — Ce n’est pas un problème. De toute façon, tu es tellement perspicace que tu avais déjà envisagé cette éventualité n’est-ce pas ? Nous souhaitons poser un ultimatum à cet enfant, si tu découvres son identité je l’expulserai moi-même.

C’était une décision que je n’avais pas besoin de prendre moi-même. Je pris l’information que Tsukishiro me donnait mais je n’avais pas l’intention d’en faire quelque chose de concret.

Tsukishiro — Tu n’as pas l’air convaincu. Tu crois vraiment que je suis en capacité d’envoyer quatre ou cinq personnes ici ? Cette école n’a pas de critères de sélection si laxistes, tu réfléchis un peu trop.

Moi — Que ce soit une personne ou cent, je n’avais pas l’intention d’y croire du tout.

S’il avait l’intention d’envoyer des gens ici, cet homme aurait envoyé autant de gens qu’à son aise. Il était clair que c’était ce genre de personne.

Tsukishiro — C’est peut-être vrai.

Moi — Mais, comment est-ce que je peux gagner votre jeu ?

Tsukishiro — L’année prochaine il y aura 160 élèves en seconde. Si tu me désignes le bon avant Avril, j’abandonnerai. Et si nous faisions ça ? Je ferai une exception et je briserai les règles avec cette condition.

Une sacrée condition. Mais si le problématique Tsukishiro s’en allait, ce serait une épine de moins dans le pied.

Moi — Je n’arrive pas à vous croire.

Tsukishiro — Libre à toi de me croire ou non, il n y a aucun mal.

L’effet psychologique mis à part, c’est vrai qu’il n’y avait aucun risque. En acceptant ce défi, je n’avais rien à perdre.

Moi — D’accord, j’ai compris. Je vais prendre part à votre petit jeu. Je vais recevoir cette information en surface. Mais vous avez l’air un peu trop confiant en les capacités de cet élève. Moi aussi j’ai confiance en une chose.

Tsukishiro — Hm ? Quoi donc ?

Moi — La grenouille au fond du puits ne connait peut-être pas la profondeur de l’océan, mais elle connait la hauteur du ciel.

Tsukishiro — Ce que tu dis c’est que… Après tout le temps passé dans le petit monde qu’est la White Room, tu es en mesure de comprendre l’essence de cet endroit mieux que personne ?

Ce fut l’éducation de la White Room qui me donna cette confiance. Peu importe le nombre d’enfant passés par les mêmes étapes, personne ne pouvait arriver au même résultat. Que ce soit la troisième génération des années précédentes ou les cadets de la cinquième génération, c’était pareil. Je continuais, faisant face à Tsukishiro, qui me regardait toujours avec hésitation.

Moi — Il y a vraisemblablement des gens qui sont meilleurs que moi sur terre. Après tout, nous sommes 7 milliards d’humains sur cette planète. Mais la White Room est différente.

Dans ce petit monde, il y avait une personne meilleure que moi. Et c’est avec

cette détermination que je répondis.

Tsukishiro — Cette paire d’yeux, c’est la même que ton géniteur. Ces yeux terribles qui cachent une noirceur sans pareille. Cette noirceur dans tes yeux est la seule que les élèves de la White Room ne peuvent pas répliquer.

Après cela il s’en alla, je repris alors ma balade dans le centre commercial, me disant que ça allait aller pour Tsukishiro pour l’instant.

Le problème actuel était Matsushita qui se cachait derrière moi. Bien que j’aurais pu juste l’ignorer, cela aurait été problématique qu’elle aille ébruiter qu’il se passe quelque chose entre moi et le proviseur.

Après avoir confirmé que Matsushita me suivait toujours, j’attendais pour saisir une opportunité.

Pourquoi me suivait-elle ? Je devais savoir ça. Bien que c’était peu probable, je devais tout de même envisager la possibilité qu’elle soit de mèche avec Tsukishiro. D’ailleurs je ne savais pas vraiment depuis combien de temps elle me suivait.

De là, une chose était sûre : je devais décider de l’endroit où m’entretenir avec elle. Lui parler ici allait attirer l’attention. Alors que je prévoyais la façon d’engager la conversation, je pris la décision de régler ce problème le plus vite possible. Le bon point, c’était que Matsushita et moi étions camarades de classe. Ainsi donc même si d’autres personnes nous voyaient parler, cela n’allait pas être si étrange que ça.

Je fis une accélération avant de tourner à droite afin de prendre Matsushita en embuscade. Si elle n’était plus là, je me serais servi de Kei pour régler le pro- blème plus tard. Environ dix secondes après, Matsushita tourna également à droite et tomba sur moi.

Matsushita — Woah ?!

Il semblait qu’elle ne s’attendait pas à me voir ici, laissant échapper un petit cri de sursaut. Si elle ne me suivait pas, elle n’aurait pas eu une telle réaction.

Moi — Qu’est-ce que tu me veux ?

Je lui demandai alors que Matshita posa sa main sur sa poitrine afin de calmer son rythme cardiaque.

Matsuhita — Ce que je te veux ? Bah c’est ce que je vais dire, visiblement tu m’as grillée.

Apparemment après avoir vu ma réaction, elle s’est rendue compte que se servir d’une excuse ne fonctionnerait pas.

Moi — Pourquoi tu m’as suivi ?

C’était ce qui comptait le plus. Si elle voulait simplement faire un coucou elle n’avait pas besoin de me suivre.

Matsushita — Je t’ai suivi pour une bonne raison Ayanokôji-kun.

Après avoir regardé aux alentours en confirmant qu’il n’y avait personne, elle avoua qu’elle me pistait.

Ma relation avec Matsushita était superficielle. Mais si l’on se concentrait sur son comportement, on se rendait compte qu’elle était plutôt alerte. C’est probablement parce qu’elle ne voulait pas qu’on sache ce qu’elle pense. Ce qui expliquait aussi pourquoi elle m’a suivi.

Matsushita — A ton avis pourquoi est-ce que je te suis ?

Ce n’était pas une question simple à laquelle on pouvait répondre, c’était évidemment une attaque psychologique. Il semblait qu’elle allait chercher à rebondir sur quelque chose après ça.

Moi — Je ne sais, je ne comprends pas vraiment. Quand est-ce que tu déjà commencé à me suivre déjà ?

Je n’allais pas lui révéler quand est-ce que j’ai remarqué qu’elle me suivait.

Alors que je répondais à ses questions, j’en posais aussi de mon côté.

Matsushita — Juste maintenant ap- Moi — Juste maintenant ?

Afin d’éviter que Matsushita ne pose d’autres questions ou qu’elle ne change de sujet, je lui coupai la parole en lui posant une autre question. Si je lui donnais cette opportunité, elle allait à tous les coups me demander quand est-ce que je l’ai vue.

Matsushita — Quand tu… Ah ouais, quand tu parlais avec le proviseur.

Matsushita déforma la vérité, mais avoua qu’elle m’avait vu parler avec le provi- seur. Peu après, Matsuhita-san se mordilla légèrement le coin de la lèvre, sem- blant se rendre compte qu’elle avait fait une petite erreur. Ainsi donc je pou- vais l’amener à peu près où je voulais, car elle n’avait d’autres choix que de me questionner.

Matsuhita — Je t’ai vu parler avec le proviseur, que s’est-il passé ?

Moi — Il semblerait que le centre commercial soit en procédure de rénovation, c’est pourquoi il demandait à des élèves leurs avis sur ce qu’ils aimeraient voir, et ce genre de chose. Il m’a choisi par hasard.

Matsushita – Ah d’accord, je vois…

Matsuhita-san, qui avait dit qu’elle avait commencé à me suivre pendant ma conversation avec le proviseur Tsukishiro, avait peut-être décidé de se servir de

cette information à son avantage. Cependant, c’eût l’effet inverse.  Étant donné que même des ouvriers suivaient le proviseur, elle était obligée de me croire.

Moi — Alors qu’est-ce que tu veux me demander ?

Matsushita — Je n’ai pas vraiment de questions. Il y a simplement des choses qui me trottent dans la tête.

Après avoir dit cela, Matsushita-san finit par révéler la véritable raison derrière cet acte.

Matsushita — Lors du dernier examen spécial… Tu étais le chef n’est-ce pas ?

C’était donc ça, après avoir entendu sa phrase je compris la raison.

Matsushita — Pendant le calcul mental, tu m’as donné la même réponse que Kôenji-kun.

Il serait assez difficile de dire que c’était du pur hasard.

Moi — Au collège, j’ai fait pas mal de calcul mental, c’est pour ça que je suis plutôt bon.

Matsushita — Moi aussi, mais tu n’es pas “plutôt bon”, je pense que tu as tes chances pour les compétitions nationales.

Aussitôt que je finis de parler, Matsuhita-san répondit du tac au tac. Il semblait qu’elle n’ait pas apprécié le fait que j’ai bloqué son premier mouvement.

Moi — C’est juste une discipline où je suis bon. Et pour être franc, j’ai déjà participé à des compétitions nationales.

Matsushita — …Sérieux ?

Moi — Ouais, il semblerait que ça te perturbe

Matsushita — Mais du coup, tu n’aurais pas dû le dire plus tôt ?

Moi — C’est vrai mais j’imagine que tu me connais un minimum. Je ne suis pas le genre de personne qui pourrait l’annoncer au milieu de la classe. De plus, on m’a donné un point de protection ce qui m’a forcé à devenir chef. Sans oublier que notre adversaire était Sakayanagi-san de la classe A. Même si je suis bon en calcul mental, je ne savais pas si je pouvais vraiment aider alors je n’étais pas vraiment confiant.

Un manque de confiance en soi couplé à un manque de compétence sociale. C’était la vision que mes camarades avaient de moi.

Matsushita — C’est… possiblement vrai.

Bien qu’elle avait l’impression que mes mots étaient faibles, Matsushita ne voulait pas l’accepter alors elle passa à l’étape supérieure.

Matsushita — Je… je l’ai vu. Lorsque tu as parlé avec Hirata-kun sur le banc.

Elle devait parler de la période où Hirata était seul pendant les votes positifs et négatifs.

Jusqu’à preuve du contraire je n’ai pas d’yeux derrière la tête alors je ne savais pas si quelqu’un nous observait silencieusement derrière. Cependant, ce n’était pas le genre de chose qui m’inquiétait. Même si quelqu’un voyait cette scène de derrière, ce n’était pas quelque chose de spécial.

Matsushita  —  Après  j’étais  éloignée  parce  que  je  me  disais  qu’on m’apercevrait si je me rapprochais plus. Mais je crois que je l’ai vu pleurer.

Après avoir été témoin de cette scène et comprenant ce qu’il se passait, il semblait qu’elle avait récolté pas mal de données. Les intentions de Matsushita devinrent de plus en plus limpides à présent. En prenant en compte ses mots et ses actions, je pouvais supposer qu’elle n’avait rien à voir avec Tsukishiro.

Matsushita — Et le lendemain, Hirata retourna en classe et semblait aller mieux. C’est un peu trop gros pour être une coïncidence à mon avis.

Je pensais que c’était une élève banale mais elle était plus maligne que je le croyais. Elle n’avait aucun intérêt à me dire tout ça maintenant d’ailleurs. Mais elle n’avait pas l’air d’agir sur un coup de tête. Au minimum de la curiosité. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser qu’elle avait autre chose en tête… Si c’était pour me parler de ça, elle n’aurait pas voulu en discuter au coin d’un mur à l’improviste mais aurait planifié un minimum. En tout cas, elle avait agi aujourd’hui car elle avait repéré que j’étais seul dans le centre commercial.

Matsushita — Le niveau national au calcul, ta vitesse fulgurante pendant le festival de sport sans compter la consolation de Hirata pendant le Vote Positif et négatif. En prenant en compte tout ça… ça me donne l’impression que tu te retiens ? En fait, que ce soit au niveau des études ou par rapport au sport, tu montres moins de choses que tu ne sais en faire, pas vrai ?

Alors cette personne qui était une parfaite étrangère pour moi, jusqu’à il y a quelques temps, me parlait parce qu’elle avait des doutes concernant mes capacités ? Je ne m’attendais absolument pas à ça d’elle, je devais bien l’avouer.

J’en vins rapidement à une conclusion, prenant la décision d’aller droit au but.

Moi — Est-ce que tu fais ça parce-que tu veux que t’aide à atteindre la classe A ?

Matsushita — …Alors tu avoues ?

Il semblerait que Matsushita-san ressentit une certaine dose de peur après mes aveux.

Moi — Effectivement, il semblerait que je me retienne.

Matsushita — Pourquoi ? Pourtant c’est bénéfique d’être bon dans cette école.

Matsushita-san, prenant la confiance, commença à me poser des questions et à me critiquer.

Moi — En fait… J’aime pas vraiment attirer l’attention. Si du jour au len- demain mes notes grimpaient, à mon avis je devrais aider les autres non ? Et les compétences sociales ne sont pas mon point fort. C’est la même chose pour le sport.

Matsushita — C’est donc ça.

De la même  façon que  Matsushita-san camouflait ses capacités. Il  y avait probablement des parties de mon excuse qu’elle partageait ce qui fit qu’elle me comprit mieux. Alors elle me crut.

Matsushita — S’il te plait, contribue activement pour la classe à l’avenir. Si tu en as le pouvoir, je veux que tu en fasses bon usage. C’est le seul moyen d’emmener notre classe au sommet. Si ta force est authentique et que tu as l’étoffe d’un leader je te soutiendrai.

Elle pensait comme Horikita. “Si tu en as la force, utilise-la à plein potentiel.” Moi — Je partage ton point de vue.

Matsushita — Hein ?

Il semblait qu’elle ne s’attendait pas à ce que je coopère si facilement avec elle, alors Matsushita-san poussa un cri de surprise.

Moi — Mais n’en attends pas trop de moi. Je me suis déjà servi de 80% de mes capacités totales. Même si je me donnais à fond, je ne pense pas que je serai en mesure d’égaler Hirata autant sur le plan intellectuel qu’en sport.

La vie sociale à part, pour l’instant je devais faire en sorte d’être convainquant. Avouer tout de suite que je cachais mes capacités allait me faire gagner sa confiance et me rendre moins suspect. Alors, sans même qu’elle me le dise, j’avais remarqué que Matsushita-san camouflait aussi sa force. Bien sûr, elle avait l’impression de mener la danse dans cette guerre psychologique, pensant qu’elle avait déjà calculé ma force hypothétique.

Matsushita — Attend, tu viens de dire que tu utilisais 70 à 80% de ta puissance… c’est vrai ça ?

Matsushita-san n’avait aucun moyen tangible de savoir si ma force était supérieure à celle d’Hirata-kun. Cependant, elle me demanda de confirmer la véracité de mes propos.

Matsushita — Hmm…

Malgré le fait que j’hochai la tête pour confirmer, Matsuhista-san n’avait pas l’air convaincue.

Matsushita — Alors qu’en est-il de Karuizawa-san ? Moi — Que veux-tu dire par là ?

Matsushita — … Sa rupture avec Hirata-kun a quelque chose à voir avec toi.

Moi — Qui t’a dit ça ?

Matsushita — C’est ce que je pense personnellement… A mon avis, il y a un lien.

Décidément, Matsushita-san avait bien fait ses recherches en amont. C’était la raison pour laquelle elle ne pouvait pas se contenter de ça. L’expression confiante de Matsushita-san disparut soudain.

Matsushita — Qu’est-ce que Karuizawa-san te trouve ? Qu’est-ce qui te rend si spécial que ça pour l’avoir fait rompre avec Hirata-kun ? S’il-te- plaît dis-le moi.

Moi — La raison c’est que, euuh…

Étant donné que j’étais bien en dessous de Hirata en ce qui concerne le statut, les motivations de Karuizawa étaient difficiles à justifier.

Matsushita — Est-ce que tu vas me dire qu’elle ne te voit pas comme quelqu’un de spécial ?

Moi — … Je suppose que oui.

Après avoir entendu ce que je dis, Matshita hocha la tête accepta.

Matushita — Bien sûr. Toi, Ayanokôji-kun, dois être plus—~-6666-

Moi — Non… Comment dire, je pense que tu te fourvoies sur quelque chose.

Matsushita — Je me fourvoie ? Pourtant je t’ai demandé parce que j’avais confiance en ce que je disais.

Moi — C’est vrai que la relation que j’entretiens avec Karuizawa… n’est pas anodine.

Matsushita — C’est la raison pour laquelle je voulais connaître l’étendue de ton pouvoir, Ayanokôji-kun.

Moi — Non, ça-

Matsushita — On tourne en rond, alors pourquoi tu ne dis pas ça ?

Moi — Ce n’est pas le cas. Enfin comment dire, c’est pas facile à formuler.

Alors que je me tenais debout, mon regard vagabonda Faisant face à Matsushita qui ne voulait pas laisser tomber, je continuais de lui parler.

Moi — Ce n’est pas facile à dire. Non enfin… J’ai l’impression que c’est en raison de la façon dont j’ai avoué mes sentiments. Plutôt que de dire que je suis spécial, c’est mieux de dire qu’elle sait et qu’elle est consciente que j’existe.

Matsushita — Hein… ? Moi — Hmm ?

Nous nous regardâmes tous les deux.

Matsushita — Ce n’est pas plutôt parce que Karuizawa-san s’est rendue compte de ta force, et c’est pour ça qu’elle pense que t’es spécial ?

Moi — Ce n’est pas du tout lié à ça.

Matsushita — Mais je ne pense pas que transmettre tes bonnes intentions suffirait à faire penser à quelqu’un que tu es spécial.

Je réduis en un éclair la distance qui nous séparait et la pris par les épaules.

Il semblerait que Matushita ne s’attendait pas à ce que je fasse cela et ne put cacher sa stupeur. Je la regardai droit dans les yeux en la prenant par les épaules et dit.

Moi — Matushita, je t’aime. Dès le premier jour où j’ai croisé ton regard je suis tombé sous ton charme. S’il te plaît, sois ma copine.

Matsushita — Qu-que ?! Hein- !

Le cerveau de Matsushita dut court-circuiter pendant un moment, mais je la relâchai rapidement.

Moi — Si je t’avouai mes sentiments de cette façon, quoi que tu répondes, est-ce que tu pourrais faire comme si de rien était après ?

Matsushita — Tu-tu plaisantais, ah. C’était donc ça, c’était donc ça… ah.

La vérité est plus vue qu’entendue. En lui faisant expérimenter cela, elle allait comprendre plus facilement. Bien qu’ils ne soient pas réciproques, le simple fait qu’une personne du sexe opposé nous avoue ses sentiments suffit à considérer son existence. Sous réserve bien sûr de ne rien avoir contre elle.

Moi — À mon avis, la rupture avec Hirata n’était qu’une coïncidence. Et de toute façon je ne me suis déclaré qu’après leur rupture.

Parce que je ne m’étais pas prononcé publiquement sur la question, Matsushita- san n’avait aucun moyen d’évaluer la véracité de mes propos.

Matsushita — … C’est donc ça, c’est la situation. Désolée de t’avoir suivi.

Moi — J’aurais juste une requête, ce qu’il s’est passé avec Karuizawa-san… Matsushita — Je sais. Motus et bouche-cousue, quoi qu’il arrive.

On ne pouvait pas savoir si elle avait accepté ma réponse à 100%. Mais en lui donnant ces informations, je pouvais calmer sa soif de curiosité pendant un temps. Puis rien ne garantissait qu’elle tienne sa langue, bien que probablement peu de gens allaient la croire de toute façon.

Dans tous les cas, il valait mieux faire semblant de coopérer avec elle pour l’instant et faire en sorte qu’elle se contente de ça, au risque pour elle de mettre son nez dans des affaires dangereuses.

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