CLASSROOM Y2 V6 CHAPITRE 6

Visiteur

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Traduction : Lost
Correction : Kenshiro
Q-check : Nova, Raitei
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Il était maintenant environ 11h. Je pouvais entendre faiblement le bruit des acclamations venant de l’extérieur des fenêtres fermées. Le festival sportif semblait donner beaucoup d’excitation, mais tout ne se déroula pas sans heurts, car la classe faisait beaucoup d’efforts pour finir premier. Mais nous pouvions clairement rivaliser avec les autres classes et les autres années. Voilà pourquoi je n’avais pas hésité à retirer ma participation. Puisque le nécessaire avait été fait, je laissais le reste de la situation aux soins du proviseur Sakayanagi. Je n’avais pas une confiance totale en lui, mais s’il devait me trahir, ma présence dans cet établissement ne ferait pas long feu.

Il ne me restait plus qu’à observer les résultats des classes de première. La non-participation de Sakayanagi avait-elle eu vraiment un impact majeur sur le résultat du tournoi ? Et surtout, ma stratégie pour la contenir avait-elle marché ? Je regardai de manière pensive la porte d’entrée, mais il était trop tard pour faire quoi que ce soit dans tous les cas et ce n’était qu’une question de temps avant que ce festival ne se termine. Au moment où je m’apprêtais à préparer le déjeuner, la sonnette retentit. Était-ce quelqu’un que je pouvais accueillir chez moi ? J’en allais avoir le cœur net bientôt.

 — Bonjour, Ayanokôji-kun.

Encore à distance de l’entrée, j’entendis une voix qui mit fin à ma méfiance. C’était bien à cette personne que je pensais. Je baissai quelque peu ma garde en posant la main sur la poignée. J’essayai également de m’imaginer plusieurs scénarios mais sa présence ici laissait peu de place à un quelconque piège. En effet c’était Sakayanagi de l’autre côté, en tenue décontractée, me regardant avec un sourire.

Sakayanagi — Je te dérange un peu ? Quitter le dortoir est interdit, mais venir à la porte de la chambre d’un garçon est un problème.

Moi — Entrer à l’intérieur est encore pire.

Je ne comptais pas repousser Sakayanagi dans tous les cas.

Sakayanagi — Excuse-moi pour le dérangement.

Avec des mouvements lents causés par son handicap, Sakayanagi enleva tant bien que mal ses chaussures et entra dans la pièce.

Moi — C’est la première fois que tu viens chez moi.

Sakayanagi — Je n’ai pas le luxe de pouvoir te rendre visite dans des circonstances normales. Je présume que tu as déjà déjeuné ?

Moi — Je m’apprêtais à le préparer en fait.

Sakayanagi — Ça tombe bien alors. Voici un petit cadeau.

Elle me tendit un petit sac en plastique.

Sakayanagi — Je suis partie à la supérette tôt ce matin. C’est un nouveau dessert alors pourquoi ne pas y goûter ensemble à la fin du repas ?

Je regardai dans le sac plastique et je vis deux petits Monts-blancs.

Moi — Assieds-toi sur le lit si tu veux, ce sera plus agréable que le sol.

Sakayanagi — Ton attention me touche.

Après l’avoir laissée sur le lit, j’allai dans la cuisine pour verser l’eau du robinet dans la casserole.

Moi — Tu es venue à l’improviste.

Sakayanagi, derrière moi, rit un peu.

Sakayanagi — En tant que chef de la classe A, il est impensable pour moi de venir ici toute seule alors il le fallait bien.

N’importe qui aurait été surpris ou méfiant de la voir entrer dans ma chambre. Voilà pourquoi elle n’était jamais venue ici jusqu’à maintenant.

Sakayanagi — La chose la plus importante à retenir et que nous ne sommes jamais trop prudents. C’était ton plan, n’est-ce pas ?

Moi — Mon plan ? Comment ça ?

Sakayanagi — Ne joue pas à ce jeu-là veux-tu ? Je suis persuadée que tu te doutais de ma venue. Ai-je tort ?

Elle semblait avoir vu clair dans mon piège sans même y penser plus que ça.

Sakayanagi — Nous étions désavantagés depuis le début pour ce festival. Nous avons quelques élèves prometteurs comme Kito et Hashimoto, mais votre classe a bien plus d’éléments taillés pour le sport. La seule chose que nous pouvions faire était de gérer notre programme d’épreuves au mieux en essayant d’optimiser nos chances de succès.

L’eau dans la casserole commença à bouillir. Je pris le pot de café en poudre dans le placard et préparai les tasses et les filtres.

Moi — Ma participation aurait rendu la tournure des choses incertaine.

Sakayanagi — L’estime que tu te portes est plus élevée que jamais à ce que je vois. Le meilleur moyen pour les autres de battre la classe A était en effet de bien me tenir à l’écart du festival.

Un festival sportif devait se préparer soigneusement et la meilleure façon de le faire était d’avoir une bonne compréhension des besoins de chaque élève pour leur donner de judicieux conseils. Il fallait aussi pouvoir coordonner les participations aux différentes épreuves tout en analysant les adversaires.

Sakayanagi — Mon père m’a dit hier soir qu’il t’avait demandé d’être absent. Il a dit qu’il voulait qu’un agent de sécurité soit stationné au dortoir pour t’empêcher d’entrer en contact avec l’invité d’honneur envoyé de la White Room.

Moi — Il est vrai que j’ai accepté de renoncer au festival, mais je ne pensais pas qu’il t’en avait parlé.

Sakayanagi — Ne te moque pas de moi.  Je suis sûre que tu lui as demandé de faire passer le message.

Même si c’était sa propre fille, le directeur Sakayanagi n’était pas du genre à mélanger sa vie privée avec le travail. Je lui avais demandé d’expliquer la situation à l’avance pour ne pas l’impliquer plus longtemps entre la White Room et moi. Sakayanagi était prête à participer au festival pour remplir son devoir de leader aux yeux de son père, mais elle a attendu le jour du festival pour annoncer son absence afin de paraître naturelle. Connaissant sa fille, il savait qu’elle pouvait se mêler de mes affaires, mais il y avait une partie de l’histoire que même le directeur Sakayanagi n’avait pas entièrement comprise. C’était que les instincts et la curiosité de Sakayanagi ne pouvaient pas être aussi facilement réprimés. En ayant connaissance de mon absence, il n’était pas surprenant qu’elle pense que c’était une bonne occasion de me parler tranquillement. C’était ainsi qu’elle s’était présentée dans ma chambre, un endroit pourtant dangereux pour elle.

Moi — Pourquoi ne pas être venue avant ? Tu voulais me stresser ?

Sakayanagi — Je voulais être un peu méchante avec toi. Que tu sois dans le flou quant à ma participation ou non pendant un petit moment.

Moi — Ah oui ?

Sakayanagi — Nous sommes les seuls absents du festival.

Avec le réseau d’information que Sakayanagi possédait, il n’était pas étonnant que quelqu’un lui ait donné toutes les infos par téléphone. Elle n’avait en aucun cas baissé sa garde.

Sakayanagi — Mais sache que je voulais venir plus tôt au début.

Juste à ce moment-là, l’eau commença à bouillir fortement.

Sakayanagi — Mais j’ai préféré me rendre dans le hall pour observer un peu l’extérieur du dortoir.

Vu que j’étais officiellement malade, je ne pouvais en aucun cas quitter ma chambre. Quant à Sakayanagi, elle n’était pas non plus autorisée à quitter le dortoir, mais la voir se promener n’était en rien étrange.

Moi — Alors comment était le hall ?

Sakayanagi — Il y avait trois gardes. Il y en a d’ailleurs un peu partout sur le campus.

Bien que le but fût de me protéger, les gardes étaient tout de même des fonctionnaires du gouvernement.

Sakayanagi — La défaite de notre classe n’a pas été causée par la coopération entre Horikita et Ryuuen-kun. Je te l’impute à toi, Ayanokôji-kun, car tu as fait en sorte que je m’absente. Je suis vraiment très heureuse que tu aies opté pour cette option. C’était la plus viable.

Moi — Rien n’est joué pourtant, n’est-ce pas ?

Sakayanagi — Il y aura certainement des retournements possibles, mais je ne compte pas là-dessus. Notre classe est à la merci des attaques frontales de Horikita et de tous les coups possibles et imaginables que cherchent Ryuuen. J’ai construit une classe qui a certes des bras et des jambes solides, mais qui n’est rien sans tête.

On pouvait dire la même chose de Ryuuen. Le fait d’avoir un leader puissant résolvant tous les problèmes signifiait que rien ne pouvait être résolu en son absence.

Sakayanagi — Ça me va en tout cas de vous laisser les 150 points, tant que je peux profiter de mon temps avec toi.

Elle ne semblait pas se soucier des dommages causés à sa classe.

Moi — Tu ne sembles pas te soucier de perdre des points de classe.

Sakayanagi — Tout ça n’est juste qu’un jeu pour moi. Tant que la classe A reste en haut du classement, cela ne me pose aucun problème.

Je sortis les Monts-blancs du sac pour les poser dans deux petites assiettes sur la table.  Puis je versai de l’eau chaude dans un filtre rempli de café en poudre.

Sakayanagi — Tu as le coup de main.

Moi — Ce n’est pas grand-chose.

Sakayanagi — Pour toi Ayanokôji-kun, chacune de ces petites choses est une expérience nouvelle et amusante, n’est-ce pas ?

Elle insinuait qu’à la White Room je n’aurais jamais fait ce genre de chose.

Moi — Je voulais juste faire quelque chose de normal.

Néanmoins, les paroles précédentes de Sakayanagi me chiffonnaient toujours.

Moi — Tu as bien dit que tu comptais quand même garder la tête du classement. C’est ta fierté qui veut ça ?

Je l’interrogeai à ce sujet tout en posant des bâtonnets et du sucre sur la table.

Sakayanagi — Au début, je me fichais éperdument de ma classe. Mais quand j’ai découvert que tu étais sur ce campus, j’ai changé d’avis. Je guettais le moment où tu passerais en classe B afin d’avoir notre combat.

Elle m’attendait alors depuis son trône.

Sakayanagi — Dès le début de notre scolarité ici, tes camarades avaient abandonné la lutte. Mais petit à petit, vos points de classe n’ont fait qu’augmenter. C’est bien grâce à toi si vous êtes en classe B.

Elle s’exprimait joyeusement et avec beaucoup d’éloquence, comme si elle se lançait des fleurs. Elle prit le dessert de la table pour le poser sur ses genoux.

Sakayanagi — Mangeons tous les deux, Ayanokôji-kun.

Elle me demanda de venir à côté d’elle, alors je m’assis sur le lit sans vraiment refuser. Elle était si excitée qu’elle décida de prendre un morceau du Mont- blanc avec la fourchette pour me le tendre.

Sakayanagi — Voilà pour toi.

Moi — ….Comment ça ?

Sakayanagi — Je ne vais pas tenir longtemps alors accepte.

Moi — Je ne pense pas qu’on devrait faire ça.

Sakayanagi — Profite du moment. Nous ne sommes que tous les deux après tout. Personne ne viendra nous gêner.

Je pensais qu’elle avait des arrière-pensées, mais je me trompais. Lorsque je pris la bouchée, l’arôme sucré commença à se répandre. C’était la première fois que je mangeais du Mont-blanc.

Sakayanagi — Alors, tu aimes ?

Pour être honnête, je n’étais pas fan. Un simple shortcake[1] était meilleur niveau goût. Mais c’était bien pour les souvenirs de manger du Mont-blanc.

Moi — Ah, c’est un délice.

Sakayanagi sourit légèrement.

Sakayanagi — Alors je vais également prendre un morceau.

Elle prit ma portion et la mit dans sa bouche sans se soucier du fait que c’était la fourchette avec laquelle j’avais pris le morceau.

Sakayanagi — Il n’est pas aussi bon que celui du café, mais cela dépanne.

Elle hocha la tête en guise de satisfaction, puis m’offrit à nouveau sa fourchette. Le premier Mont-blanc fut facilement consommé et nous mangeâmes le deuxième de la même manière.

Sakayanagi — La prochaine fois, je t’apporterai un autre dessert.

Moi — Eh ?

Sakayanagi — En t’observant, j’ai vu que tu n’avais pas apprécié.

Moi — Eh bien…Ce n’est pas que je n’ai pas apprécié, mais…

Sakayanagi — Cette perspicacité que j’ai à ton égard me rend fière.

J’étais vraiment surpris de son degré d’analyse sur ma personne.

Ayanokôji — Je ne montre jamais de signes de faiblesse lorsque je suis dans une situation sérieuse, mais dans ma vie personnelle, je ne peux pas toujours cacher mes sentiments. Peut-être que je n’ai juste pas l’habitude de ce genre de mets.

Sakayanagi — Fufu, c’est une des choses que j’aime chez toi.

Je ne pouvais pas dire si elle était sérieuse ou non.

Sakayanagi — J’aimerais avoir ma revanche la prochaine fois. Si je trouve un délicieux dessert, je te l’apporterai. J’espère qu’il y aura un autre moment de ce genre à l’abri des regards prochainement.

C’était presque impossible que ce soit en semaine ou pendant les vacances. Il fallait un évènement où tout le monde se retrouverait en dehors du dortoir. Se rencontrer tôt ou se voir tard n’était pas non plus des solutions viables.

Sakayanagi — Mais ce qui m’intrigue le plus est ce changement intérieur. Comment se fait-il que tu veuilles dorénavant viser la classe A plutôt que d’aider tes petits camarades au quotidien comme tu le faisais avant ? Je ne suis point une divinité et je ne peux savoir à quoi tu penses, mais je saisis ta situation mieux que tu ne le penses. Dis m’en plus.

Un génie, conduit par une quête de l’inconnu, voulait des réponses. Si Sakayanagi se fichait éperdument de la lutte des classes c’était parce que le diplôme n’allait factuellement rien changer à sa vie. Une élève douée comme elle, qui plus est fille de proviseur, pouvait atteindre presque tout. Ce fut également vrai pour moi, car je savais que j’allais retourner au sein de la White Room après l’obtention du diplôme. Bien que nous prenions des directions différentes, nous savions très bien que la classe A ne signifiait rien pour nous.

Moi — Ça pourrait être étrange.

Sakayanagi — C’est parce que tu veux jouer les durs et accumuler beaucoup de points privés comme Kôenji-kun ?

Moi — Il est sûrement dans une position similaire à la nôtre.

Il était le genre de personne qui s’accaparait le pouvoir uniquement grâce à la puissance de ses parents et à ses propres talents. Ainsi, Kôenji contribuait occasionnellement aux gains de la classe sur un coup de tête.

Moi — Pourquoi continues-tu vraiment à t’accrocher à la classe A alors que tu es prête à perdre volontairement 150 pc comme ça ?

Elle avait tout à y perdre et je pouvais encore utiliser cette stratégie.

Sakayanagi — Effectivement tu pourrais encore m’attirer ici de nouveau.

Moi — Ne lis pas dans mes pensées.

Sakayanagi — Fufufu

Moi — À vrai dire Sakayanagi, j’essaie de prouver à ma façon que l’éducation Whiteroomienne n’est pas si parfaite.

Sakayanagi ne fut pas surprise. Il était évident que cette réponse faisait partie de ses options même si elle n’avait pas de preuve concrète.

Sakayanagi — Tu veux dire par là que tu essaies de former la classe la plus puissante de tes propres mains, Ayanokôji-kun ?

Je hochai la tête. Sakayanagi posa son index sur les lèvres.

Sakayanagi — Ce n’est pas comme si je n’y avais pas pensé avant, mais… J’ai quelques doutes.

Moi — J’imagine.

Sakayanagi — Ce festival sportif… Peu importe comment je vois les choses, il était tout à fait possible pour toi d’y participer. T’avoir sur le terrain aurait été beaucoup plus efficace. Ce n’est pas comme si tu avais à te soucier de ma participation, après tout.

Moi — J’avais une idée en tête.

Sakayanagi — Comme c’est intéressant. Laquelle ?

Moi — Attendre et regarder. J’ai décidé que ce serait une excellente occasion de voir jusqu’où les autres élèves pouvaient se battre sans moi. Le fait que tu t’absentes était également une autre option.

Sakayanagi — Ce n’est pas comme si aller te voir allait changer quelque chose à ce festival…

Pendant que nous parlions, Sakayanagi arriva à la conclusion avec une longueur d’avance.

Sakayanagi — Tu veux dire que… !

Sakayanagi était sur le point de verbaliser sa réponse. Avant qu’elle ne puisse le faire, je la repoussai légèrement. Enfin, je ne l’avais que retenue un instant, mais cela suffit à la faire basculer en arrière à cause de son infirmité. Le son du matelas se confondit avec un léger bruit de métal. Même Sakayanagi, qui se considérait comme un génie, n’avait pas pensé à cette possibilité. Avant qu’elle ne réalise les choses, je la fixai.

Sakayanagi — Hu…Umm ?

Elle qui était toujours calme et posée ne pouvait suivre la situation.

Moi — J’avais ce plan en tête depuis le début. Je savais que tu viendrais me rendre visite aujourd’hui, que tu montrerais de l’intérêt pour ma stratégie et qu’il y avait une possibilité que tu arrives à cette conclusion.

Sakayanagi, anxieuse, se racla la gorge. C’était la première fois qu’un homme en imposait autant devant elle.

Moi — Le divulguer serait comme me mettre des bâtons dans les roues.

Sakayanagi — Tu penses que je le dirais aux autres ?

Moi — Ce n’est pas impossible. Tu peux très bien utiliser ça comme moyen de pression pour me contraindre à me mesurer à toi par exemple. Je n’aurais d’autre choix que d’accepter.

Sakayanagi — Ce n’est pas faux. Mais, si je voulais te contraindre, ne pourrais-je pas simplement révéler la vérité sur la White Room ?

Moi — Non, cela ne marcherait pas. Personne ne comprendrait l’existence d’une telle institution. De plus, cela ne me ferait pas de mal du tout.

Le fait d’être élevé dans un tel environnement est le genre de chose que l’on ne soupçonne pas dans la réalité.  Les gens ne feraient qu’écouter sans y croire. Et puis il n’y a aucune information sur internet alors cela ne ferait que créer de la confusion. Cela n’irait pas plus loin.

Moi — Mais le plan que j’essaie d’exécuter en ce moment, ne peut pas être révélé au grand public à ce stade. Tu peux certainement me menacer.

Je réduisis la distance avec Sakayanagi en projetant une ombre noire sur elle, dans l’axe de la lumière du plafond.

Sakayanagi — Vu que je suis au courant, que comptes-tu faire ?

Moi — Un secret est un secret. Une menace est une menace. Pour l’instant sans nous compter, ce dortoir est vide. En bref, quoi qu’il arrive, personne ne viendra t’aider. Même si tu cries, cela n’ira pas plus loin que le couloir.

Sakayanagi — Tu es prêt à commettre un crime pour protéger ton plan ?

Moi — Un crime ? Toi et moi allons accepter de partager ce secret.

Je sortis mon téléphone et j’ouvris l’appareil photo.

Moi — Si tu refuses, tu dois te lever et t’enfuir avec ta propre force.

Avec son handicap… non, même si elle avait été en pleine possession de ses moyens, elle n’aurait pas pu s’échapper. Comment allait-elle réagir dans cette situation désespérée ?

Sakayanagi — …Penses-tu pouvoir gagner contre moi ?

Moi — Gagner ?

Sakayanagi — Même si tout ici se passe comme tu le veux, auras-tu vraiment un avantage ?… C’est ce que je veux dire.

Moi — Désolé, mais tu n’as aucune chance de gagner.

Sakayanagi —Tu veux rattraper ton retard avec une petite différence d’expérience et même prendre de l’avance en essayant de m’initier à cela. Tu es donc capable de ce genre de vilaines choses ?

Même si elle était piégée, Sakayanagi continuait à penser aussi calmement que possible. Elle aurait dû être anxieuse, mais j’admirai la façon dont elle était capable de se contenir. Je jetai mon téléphone au pied du lit et je déplaçai lentement mes mains vers Sakayanagi. Je tins ses épaules, puis je déplaçai mes mains vers son col. Même à ce moment-là, Sakayanagi détourna seulement son regard.

Moi — Bon, on commence notre leçon spéciale ?

Sakayanagi rit courageusement et ferma les yeux en silence.

1

Sakayanagi — Tu es vraiment vilain.

Moi — Peut-être.

Environ une heure s’était écoulée depuis que Sakayanagi était venue dans ma chambre.

Sakayanagi — Je suis si excitée. Nous avons maintenant notre petit secret.

Moi — C’est une façon très trompeuse de le dire.

Sakayanagi — Tu es celui qui a initié cet accord.

Moi — En effet.

Sakayanagi — C’est vraiment la première fois que je suis dans le lit d’un homme.

Moi — Cela n’a duré que dix secondes. Ça compte vraiment ?

Je lui montrai mon portable pendant que je sélectionnai et jetai les articles nécessaires. Je ne sais pas si c’était parce que j’étais parti trop vite, mais il y avait un moment une photo de Kei et moi au centre commercial Keyaki.

Sakayanagi — On dirait que ta relation avec Karuizawa Kei se passe bien.

Moi — C’est vrai.

Sakayanagi regarda la photo de Kei qui souriait joyeusement et continua.

Sakayanagi — Son apparence, sa voix et sa personnalité sont ce qui t’a attiré…Du moins officiellement, mais il y a quelque chose qui ne va pas.

Elle me lança un regard aiguisé, comme si elle cherchait à se battre.

Sakayanagi — J’ai fait tout ce que j’ai pu pour la connaître. Ses passe-temps après les cours et lors de ses jours de repos. J’ai tout le schéma en tête maintenant.

Avec les terminale qui nous regardaient, nous ne faisions pas attention à chaque détail. Il était donc complexe de faire le tri parmi tous les regards.

Sakayanagi — La raison pour laquelle tu as choisi de sortir avec elle n’était pas tout à fait claire, mais je saisis maintenant. Sa confiance aveugle et son amour pour toi sont une illusion. Est-ce que tu l’utilises comme cobaye ou est-ce que tu essaies vraiment de la sauver ?

Je ne me rappelais pas avoir donné d’informations supplémentaires. J’étais surpris qu’elle en sache plus sur Kei que Ryuuen. Elle était vraiment proche de la vérité.

Sakayanagi — Est-ce pour cela que j’ai eu cette leçon spéciale ?

Moi — J’ai l’impression de me répéter, mais tu es brillante.

Contrairement à Kei, Sakayanagi et moi étions capables de nous comprendre sans forcément verbaliser nos pensées.

*Ding-dong*

Une sonnerie sourde et sans tension retentit soudainement dans la pièce.

Il était midi et demi et les élèves étaient sur le point de terminer leur repas.

Un visiteur apparut soudainement dans le dortoir où personne n’était supposé se présenter. Sakayanagi et moi nous regardâmes, puis fixâmes simultanément la porte d’entrée. Il devait y avoir trois gardes du corps qui attendaient dans le hall. Avaient-ils forcé leur chemin ?

Non, si nous voulons être cohérents, ils auraient au moins essayé de forcer l’entrée sans prendre le temps de sonner à la porte. On sonna ainsi une fois de plus. C’était peu probable dans la mesure où l’élève était censé se reposer, mais peut-être que c’était quelqu’un du corps professoral.

Moi — Qui est-ce ?

— Reste où tu es et écoute.

Répondit l’homme, reconnaissant peut-être à ma voix que j’étais assis loin de la porte d’entrée.  C’était une voix qui semblait jeune. Il n’avait probablement pas un âge éloigné du mien.

Moi — Tu as une voix qui m’est familière.

Cependant aucune tête ne m’était venue à l’esprit. J’avais juste deviné que c’était celle d’un élève. Même si l’on pouvait au quotidien entendre beaucoup de voix sur le campus, je la reconnaissais très bien.

Moi — Tu m’as appelé une fois, n’est-ce pas ?

Quand je répondis, la personne de l’autre côté de la porte se tut un moment.

— Je suis impressionné. Tu te souviens de ma voix alors que tu l’as entendue qu’une fois ?

Ce fut après la visite de mon père sur le campus alors cela m’avait marqué.

Moi — Tu ne m’as pas dit ce que tu voulais que je fasse cette fois-là.

— Je devais t’interpeler, mais un imprévu a eu lieu peu de temps après. Je n’ai plus entendu parler de lui depuis… Je sais que tu t’es probablement demandé qui j’étais, mais ça n’a pas d’importance, car je ne suis ni un ami ni un ennemi pour toi

Moi — Alors que fais-tu ici ?

— Tu dois penser qu’une fois débarrassé de Tsukishiro et des envoyés de la White Room, tu retrouveras la paix. Comme tu pouvais avoir cette idée en tête, je suis venu te conseiller.

Sakayanagi — Une histoire bien intéressante. Puis-je être de la partie ?

— Arisu Sakayanagi, hein ?

L’homme ne fut en aucun cas perturbé par la réponse inattendue de Sakayanagi. Au contraire, il avait instantanément reconnu sa voix. Les deux se connaissaient-ils ? Ou bien avait-il deviné vu qu’il y avait très peu d’absents au festival.

— Dans tous les cas, si tu veux rester dans ce lycée jusqu’à l’obtention du diplôme, soit à l’affût.

Moi — Es-tu vraiment neutre pour venir jusqu’à nous parler ?

— Ta présence a un impact négatif. J’essaie d’équilibrer la balance afin que cela n’empire pas.

Dit-il avec une extinction de voix à la fin. En effet, elle se fit de plus en plus distante, signifiant qu’il n’était là que pour un passage rapide. Il avait dû partir.

Sakayanagi — Cette voix …… quelque part…

Moi — As-tu une idée de l’identité de cette personne ?

Sakayanagi — Je ne peux pas répondre à cette question aussi clairement que toi, mais je me souviens de cette voix. Cela n’a rien de récent. C’est même plutôt un vieux souvenir, vieux de cinq ou dix ans…

Moi — Si c’est le cas, alors peu de chance qu’il soit l’élève de la White Room.

C’était compréhensible qu’il ait réagi comme cela lorsqu’il entendit la voix de Sakayanagi. En plus de l’absence de surprise, il avait réagi comme s’il la connaissait.

Mais que ce soit Amasawa ou cet homme, ce n’était pas ce qui me préoccupait. Tant que l’on ne me faisait pas de mal, c’était le principal.

2

Le festival se conclut de manière idéale en raison de l’absence de Sakayanagi. Un tel résultat aurait été inimaginable il y a un an et demi ce qui rendit la classe enthousiaste. L’écart avec la classe A s’était réduit grâce aux nombreux points gagnés sur les dernières épreuves. Nous étions maintenant en plein milieu du mois d’octobre.

Le classement pour le festival sportif

1e : Classe de Horikita

2e :  Classe de Ryuuen

3e : Classe d’Ichinose

4e : Classe de Sakayanagi

Bien sûr, la raison de ce succès n’était pas due à une seule personne, mais à la volonté et à la force de toute la classe.  Dans les épreuves individuelles, Sudou et Onodera avaient respectivement gagné la première place. Kôenji avait également obtenu la première place dans les dix épreuves collectives, mais avait terminé à la deuxième place dans toutes les épreuves individuelles. Il n’y avait en tout cas eu aucun problème avec lui. Sudou et Onodera avaient choisi les points privés sans hésiter au lieu du changement de classe. Bien qu’il montrât des signes d’instabilité, Sudou était définitivement sur la voie pour devenir un élève de classe A. Kei eut un rendez-vous avec une amie, mais elle décida de s’arrêter au centre commercial Keyaki avant de rentrer chez elle. Alors que je rentrais seul chez moi, Horikita m’aborda.

Horikita — Je peux parler avec toi un petit moment ?

Moi — Avec plaisir tant que c’est en marchant.

Horikita — C’est très bien.

Puisqu’elle prit la peine de m’interpeler, elle n’avait probablement pas grand-chose de très sensible à révéler.

Horikita — J’ai beaucoup appris depuis l’examen du consensus.

Moi — Ah oui ?

Le festival sportif était terminé, mais il restait des problèmes non résolus. La classe commençait tout de même à aller de l’avant en laissant ses incertitudes derrière elle.

Horikita — Je n’avais pas tort. J’ai été capable de reconnaître une fois de plus que j’ai pris la bonne décision en choisissant de laisser Kushida avec moi.

Dans une situation où des résultats étaient exigés, Kushida avait contribué en augmentant leurs points au festival. Bien qu’elle restât une élève assidue dans sa vie scolaire au quotidien, sa contribution sociale dans l’OAA avait diminué au début du mois d’octobre. Ce n’était probablement qu’une question de temps avant qu’elle ne retrouve son niveau de contribution sociale précédent.  Si nous devions faire une comparaison pragmatique, elle contribuait beaucoup plus en tant que camarade qu’Airi. Bien sûr, il n’y avait pas que des avantages.

Horikita — Je sais qu’il y a encore quelques incertitudes. Je ne sais toujours pas quoi faire pour Hasebe-san en particulier. Mais s’il y a un autre examen spécial comme celui-là, je pense que je serai capable de mieux le gérer la prochaine fois.

Moi — Et qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Horikita — Dans cet examen, j’ai fait une promesse malavisée afin d’obtenir l’unanimité. J’avais dit que j’expulserais le traître, puis je me suis rétractée. C’était un raccourci facile pour obtenir l’unanimité, mais je n’avais pas réalisé le risque encouru. Je savais que Kushida était le traître. Et je n’avais pas encore pris la décision de l’expulser de l’école quand j’ai pris cette décision. C’était une erreur.

C’était une mesure désespérée vu que nous jouions la montre, mais si nous avions pu prendre une décision unanime à ce stade tout en laissant ouverte la possibilité qu’Airi ou quelqu’un avec des capacités similaires pouvait être expulsé, les conséquences n’auraient pas été aussi dramatiques.

Horikita — Nous avons gagné des points, mais nous avons aussi perdu beaucoup de choses. Cet examen spécial m’a beaucoup appris. Je vois les deux facettes de la réussite et de l’échec.

Moi — Oui mais c’est toujours mieux de ne pas échouer.

Horikita ferma les yeux, expira, puis les ouvrit à nouveau.

Horikita — Je ne suis encore qu’en première.  Je ne suis pas une adulte alors ça n’a pas d’importance si j’échoue.

Moi — Tu as commencé à t’ouvrir un peu.

Horikita — Ce n’est pas mon genre de broyer du noir. Je vais être moi-même. Je ne serai peut-être pas capable de faire aussi bien que les autres leaders, mais Hirata-kun, Karuizawa-san, Sudou-kun, Onodera-san, Kushida-san et Kôenji-kun sont là. Avec leur soutien, nous irons de l’avant. La classe A est la prochaine étape de mon plan.

Moi — Je vois.

Horikita — Bien sûr, tu es l’un d’entre eux. Je ne sais pas ce que tu en penses, et il y a beaucoup de choses qui se passent sans que je le sache, mais tu es indispensable à la classe et à moi.

Mon existence était semblable à celle des roues d’entraînement d’un vélo. Même si c’est une nécessité au début, il faut pouvoir tomber, trembler et se relever encore et encore pour finir par être capable de pédaler sans difficulté.

Le vélo que l’on pédale pour la première fois n’est pas soutenu par une seule personne. Ici, tu es littéralement soutenue par tous tes camarades. Lorsque je serai témoin de ta croissance, je quitterai la classe.

Je ne vais pas le verbaliser maintenant, mais un jour, toi, Horikita, tu sauras la vérité et c’est à ce moment-là que tu comprendras. Il y aura un moment, où la classe que tu croyais invincible sera confrontée à une réalité que tu ne pourras pas surmonter.  Je t’apprendrai cela.

 Je ne le fais pour personne d’autre que moi, tant que je suis gagnant à la fin.

Une fois que j’aurais décidé de devenir ton ennemi pour te vaincre Horikita, tout sera gravé dans le marbre. Mais si je fais tout ça c’est parce que je veux être vaincu, car Il y a cet avenir incertain que je souhaite.

C’est certes une contradiction, mais j’espère vraiment avoir tort à la réponse que j’ai trouvée.


[1] Petit gâteau britannique que l’on mange en général avec du thé.

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